ARCELOR-MITTAL : l’État n’a pas se complaire dans l’impuissance, il peut nationaliser !

Alors que des rassemblements sont organisés ce matin devant le siège d’Arcelor-Mittal à Saint-Denis, nous publions l’article initialement mis en ligne sur le site de Marie-Noëlle Lienemann le 6 mai 2025, sur ce dossier vital.

Arrêtons les choix désastreux.

Nous payons lourdement les erreurs accumulées par les néolibéraux en France et en Europe.

Cela commence en 1995 quand le gouvernement Juppé, sous la présidence de Jacques Chirac, décide la privatisation d’Usinor. La nationalisation réalisée en 1982 avait permis de remettre sur les rails l’entreprise qui pâtissait du sous-investissement de la famille De Wendel, alors propriétaire.  Le groupe nationalisé avait dû faire face à de profondes réorganisations avec des douloureuses suppressions d’emplois. Il était alors le troisième groupe sidérurgique mondial !

Avec la privatisation d’Usinor, l’État avait récupéré 17 milliards de Francs (l’équivalent aujourd’hui de 4,2 milliards d’euros) qui partiront en fumée ; et cette privatisation, comme la plupart de celles réalisées au moment du grand basculement libéral, va ouvrir la porte à la financiarisation de notre économie et à la désindustrialisation, tout en appauvrissant l’État. Dans le cas d’Usinor, cette privatisation rendra le groupe particulièrement vulnérable lors de la fusion européenne aboutissant à la création d’Arcelor. Elle signe également une perte d’influence française, et plus encore lors de l’OPA hostile de Mittal qui en prendra le contrôle en 2006. Le gouvernement français avait alors exprimé son désaccord mais les actionnaires eurent le dernier mot et ne se préoccupaient que de la valorisation de leurs actions !!

Déjà, déplorer ne servait à rien, il aurait fallu ne pas se laisser faire et renationaliser. Mais l’aveuglement idéologique sévit une fois de plus !

Nous avons tous en mémoire la fermeture des hauts fourneaux à Florange en 2012 et de l’absurde décision de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault qui l’acceptèrent et se contentèrent de plans sociaux et du maintien d’activités a minima sur le site, en balayant d’un revers de main la proposition de nationalisation temporaire faite par Arnaud Montebourg ; d’autres repreneurs se disaient intéressés et qu’un rapport demandé sur la filière acier démontrait la viabilité de cette solution ! Là-encore, la posture fut d’abord idéologique avec cette phrase stupéfiante de Jean-Marc Ayrault : « on ne va pas refaire les mêmes erreurs qu’en 1981 ! » Dramatique et pathétique ! Ce sera hélas le symbole des renoncements du quinquennat de François Hollande.

A la fois comme parlementaire et comme responsable du Parti Socialiste, je n’ai cessé, avec bien d’autres, d’alerter, de tenter de convaincre le pouvoir ! en vain !  Il faut se souvenir qu’au même moment aux USA Barack Obama, lui, nationalisait General Motors pour sauver l’industrie automobile ! Dès lors, Mittal avait bien compris qu’il serait durablement en position dominante face aux pouvoirs publics français ! Le comble est que de surcroît la famille Mittal bénéficiera de 100 millions d’euros issus des fonds de cohésion de l’UE entre 2014 et 2020 ! et d’ailleurs un aciériste américain aussi. Mais tout cela sans stratégie globale de filière, tant des États membres que de l’Union, alors que la concurrence mondiale s’exacerbe.

Comme de coutume, les institutions européennes tergiverseront pour relever les droits de douanes face au dumping chinois et, surtout, seront incapables d’organiser une riposte garantissant notre souveraineté dans ce secteur clé de l’acier, alors même que des surcapacités internationales de production s’accumulaient et que Mittal, comme d’autres producteurs mondiaux, envisageaient de fermer un grand nombre de sites en Europe !

Face à cela, les Italiens ont récemment réagi et annoncé la nationalisation d’un des plus importants hauts- fourneaux d’Europe ! Le parlement de Grande Bretagne vient de délibérer pour nationaliser leurs deux derniers hauts-fourneaux pesant ainsi sur le propriétaire indien qui voulait les fermer !

Les menaces se profilent aussi en France et se concrétisent avec les récentes annonces de Mittal. Mais le gouvernement français semble n’avoir rien vu venir et nous fait croire qu’il espère obtenir des concessions de Mittal ! D’une part, on connaît hélas la succession de promesses non tenues de la multinationale, d’autre part, c’est reculer pour mieux sauter et rester prisonnier des intérêts privés. Rappelons-nous, il y a peu encore, le groupe annonçait des investissements largement subventionnés par l’État pour la production décarbonée et maintenant on prévoit des réductions massives d’activités.

C’est pourquoi, il ne faut plus traîner, ni tourner autour du pot.

Comme nos voisins italiens et britanniques, il faut voter de toute urgence une loi permettant la nationalisation de tout ou partie des sites français d’Arcelor-Mittal.

Une nationalisation, qui peut avoir une vocation temporaire, qui peut prendre la forme d’une entrée décisive au capital et, en tout cas, doit nous permettre de créer un rapport de force pour définir un cadre stable, durable pour l’avenir de la production d’acier en France, garantissant notre souveraineté et engageant sérieusement la décarbonation !

Le gouvernement va nous dire que nous n’avons pas les moyens, mais la situation italienne ou britannique n’est pas meilleure et prendre des parts dans cette entreprise n’équivaut pas une dette mais à des actifs, qui nous rapporterons, comme ils rapportent aujourd’hui à la famille Mittal et à ses actionnaires !

Il sera grand temps ensuite d’obtenir des institutions européennes la définition d’une stratégie de filière en Europe, en déployant au mieux la complémentarité de nos savoir-faire et capacités. Cette démarche doit être intergouvernementale et engager les pays volontaires, car sinon il va falloir attendre un siècle et nous aurons déjà perdu beaucoup d’usines, de capacités, de savoir-faire et d’emplois !

Ne nous laissons pas endormir par les paroles lénifiantes du ministre de l’industrie, imposons la nationalisation !

Marie-Noëlle Lienemann
Ancienne Ministre, ancienne parlementaire,
Coordinatrice nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste

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