Beds are burning

La date du mardi 8 juillet 2025 apparaît dès aujourd’hui comme un précipité des faux-semblants et des reniements de la politique écologique française sous le mandat d’Emmanuel Macron.

Les gouvernements, qui se succèdent, semblent reprendre à leur compte cette antienne sarkozyste 2011 : « l’environnement, ça commence à bien faire1« .

La présentation du « budget vert » depuis 2020 est essentiellement un exercice de style qui permet d’additionner d’une année sur l’autre des crédits budgétaires qui ne sont pas comparables d’une année sur l’autre pour prétendre à un effort croissant de près de 15 Md € en 5 ans. Ces artifices ont fait long feu : le fonds vert, présenté en 2023 comme le levier pour ancrer la transition écologique sur le terrain et dans les collectivités, est passé de 3,6Md € en 2023 et 2024 à 1,15Md € cette année, en attendant les prochaines annulations de crédits.

L’examen du projet de loi sur la simplification de la vie économique a été un festival des députés MoDem, Renaissance, Horizons, LR et RN pour sabrer dans les outils écologiques : Zéro Artificialisation Nette (sans aucune alternative de stratégie urbaine), affaiblissement de l’ONF, suppression du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers, de l’Office français de la biodiversité ou de l’Observatoire national de la politique de la ville (outil pourtant nécessaire pour mesurer et accompagner les processus de transition écologique dans les quartiers populaires particulièrement exposés)…

Le 8 juillet, ils votaient la loi Duplomb qui ne pourra avoir qu’un seul résultat : réintroduire des pesticides cancérigènes sans régler AUCUN problème, notamment celui de notre souveraineté alimentaire ! Nos agriculteurs resteront piégés par une concurrence déloyale et une grande distribution qui les pressure jusqu’à la ruine, mais la FNSEA est satisfaite.

Et pendant ce temps, les Quartiers Nord de Marseille, métropole française et méditerranéenne de plus d’un millions d’habitants, et leur population étaient exposés à des incendies massifs, avec une sécheresse qui arrive toujours plus tôt dans l’année, résultat explicite du changement climatique en cours (et qui s’accélère). Quelle autre démonstration plus parlante pouvait-on trouver pour illustrer que le risque climatique est d’ores-et-déjà plus durement vécu par les catégories populaires ?!?

Enfin, ce matin du 9 juillet, nous nous sommes réveillés avec la communication du service européen Copernicus pour son bulletin climatique mensuel : Le mois de juin 2025 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe de l’Ouest, marqué par deux vagues de chaleur – entre le 17 et le 22 puis à partir du 30 juin – « exceptionnelles » : « ces vagues de chaleur sont susceptibles d’être plus fréquentes, plus intenses et affecteront de plus en plus de personnes en Europe« . Dans le monde, le mois dernier était le 3e mois de juin le plus chaud, juste derrière juin 2024 (qui était 0,2°C plus chaud) et quasiment au même niveau (0,06°C) que juin 2023.

Le groupe de rock australien Midnight Oil2 cartonnait dans les classements en 1987 avec la chanson « Beds are Burning ». En 2002, Jacques Chirac prononçait au  IVe sommet de la Terre à Johannesburg « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » En juillet 2025, nos lits brûlent avec la maison et toute la droite, du centre aux extrêmes, regarde ailleurs.

Frédéric Faravel

  1. La phrase exacte prononcée par l’ancien président de la République le 6 mars 2011 au Salon de l’agriculture est « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que là aussi ça commence à bien faire. » ↩︎
  2. Le groupe, connu pour son engagement écologiste, est toujours mené par le chanteur Peter Garett qui fut par ailleurs député travailliste à la Chambre des représentants d’Australie de 2004 à 2013 et ministre australien de l’écologie de 2007 à 2013. ↩︎

« Sans alternative à l’offre actuelle, l’attractivité du train restera une ambition… et l’utilisation de la route, une évidence » Chloé Petat, tribune dans Marianne

Dans cette tribune publiée dans Marianne le 7 juillet 2025, Chloé Petat, autrice de La révolution ratée du transport ferroviaire au XXIe siècle (Le Bord de l’eau), revient sur l’ouverture à la concurrence de la SNCF, non seulement sur le marché ferroviaire lui-même, mais surtout sur la concurrence indirecte que représente la route, un enjeu souvent négligé. Elle souligne notamment que la hausse des tarifs des billets de train accentue cette problématique.

Depuis l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence, la SNCF n’est plus seule sur les rails français. De nouveaux opérateurs ferroviaires apparaissent progressivement, à la fois sur les parties fret et voyageurs (TGV, trains express régionaux, trains d’équilibre du territoire). En revanche, beaucoup plus surprenant, le premier concurrent du rail figure, lui, dans l’angle mort du débat public : il s’agit de la route. Le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis 2006. Le marché s’est largement fragmenté avec l’arrivée de nouveaux acteurs (DB Cargo, Captrain, Lineas, etc.) mais le fret SNCF a réussi à conserver plus de 50% des parts de marché. La réforme de 2024 qui démantèle l’entité Fret SNCF en deux entités distinctes, Technis et Heaxfret, va encore rebattre les cartes et cette répartition.

L’ouverture à la concurrence sur le marché ferroviaire de voyageurs est quant à elle effective depuis 2020. Plusieurs nouveaux entrants ont émergé comme la Renfe (sur la ligne Paris-Lyon-Barcelone), Trenitalia (sur les lignes Paris-Lyon-Milan et Paris-Marseille plus récemment), ou encore Transdev qui a commencé à exploiter la ligne TER Marseille-Nice en juin 2025. Cette concurrence est encore limitée puisque la SNCF conserve une quasi-hégémonie sur le territoire (plus de 90% des parts de marché).

En 2022, 80% des déplacements se sont effectués en voiture

En réalité, la concurrence ne se joue pas qu’au sein du marché ferroviaire mais également avec le secteur routier. La route n’a cessé de grignoter des parts de marché sur le secteur du transport voyageurs et de marchandises ces dernières décennies, à tel point qu’aujourd’hui, le train représente seulement entre 9 et 10% des déplacements de voyageurs et de marchandises, contre 80-90% pour la route (Ce pourcentage est proche mais diffère pour le transport de voyageurs et le transport de marchandises).

En 2022 en France, 80% des déplacements se sont effectués en voiture, 10% par le train, 2% par les bus, 2% pour l’aérien (vols intérieurs), 5% par les transports urbains. Pour le fret, 89 % des déplacements sont effectués par la route, contre 9% pour le rail et 1% par les voies navigables (source : Chiffres clés des transports – Édition 2024 | Données et études statistiques1). Cette évolution de la part modale au profit de la route s’explique par un certain nombre de facteurs notamment géographique et économique.

D’abord géographique par la couverture territoriale. La voiture permet de relier directement n’importe quel point du territoire, y compris les zones rurales ou périurbaines insuffisamment desservies par les transports en commun. En comparaison, le réseau ferroviaire, bien que dense, reste concentré autour des grandes villes et des axes majeurs : près de 30% des communes françaises ne sont pas desservies par une gare, ce qui rend le train inaccessible pour une partie significative de la population.

Le maillage routier et la loi Macron de 2015 permettent aujourd’hui à des compagnies comme Flixbus, qui possède une situation quasi-hégémonique sur le marché, de proposer une offre élargie faisant concurrence directement au transport ferroviaire.

Des tarifs élevés pour le train

Ensuite économique par la question du prix. Les tarifs des billets ferroviaires peuvent apparaître comme élevés et ainsi très dissuasifs pour les voyageurs au regard du coût d’un trajet en voiture (qui est lissé sur la période de propriété du véhicule). Les libéralisations du marché du fret routier dans les années 1990 et celle du marché des autocars longue distance en 2015 ont également permis de faire baisser le coût des déplacements routiers. Il est notamment possible pour les entreprises exerçant sur le secteur de faire appel à des salariés étrangers et / ou des sous-traitants étrangers réduisant ainsi les coûts salariaux.

Ensuite, la fiscalité varie entre la route et le rail. Contrairement au rail, le maillage routier permet d’emprunter le réseau routier national gratuit permettant de ne pas payer de péages contrairement au ferroviaire. De plus, il n’existe à ce jour aucune taxe ni sur les poids lourds ni sur les autocars qui génèrent pourtant de nombreuses externalités environnementales négatives.

Ainsi, en comparaison avec le rail, le routier profite donc d’un réseau mieux maillé lui permettant de desservir davantage de territoires et surtout d’une fiscalité avantageuse qui a une incidence sur les prix. Ainsi, si l’ouverture à la concurrence ferroviaire permet l’émergence de nouveaux acteurs, la route reste sans contestation le principal concurrent de la SNCF, tant pour les voyageurs que pour le fret. Le rail ne pourra rivaliser que si l’on établit une fiscalité équitable, une tarification incitative en faveur du ferroviaire et surtout si des investissements financiers suffisants sont mis en œuvre pour rénover le réseau (notamment les petites lignes) et mieux mailler le territoire.

Dans une perspective écologique, il est aujourd’hui urgent de proposer une réelle alternative à l’utilisation de la route et de la voiture individuelle. À défaut, l’attractivité du train restera une ambition… et l’utilisation de la route, une évidence.

Chloé Petat

  1. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-des-transports-edition-2024-0 ↩︎

Qui paye qui pour maintenir l’impunité des escrocs CumCum ?

Deux avocats, Maître Afane Jacquart et Maître Bayou (l’ancien député) ont plaidé devant le Conseil d’Etat pour faire tomber non seulement cet amendement mais tout le dispositif contesté.
Ils ont également déposé une plainte pour corruption contre Bercy.

L’affaire CumCum a de bien profondes origines : entre 2007 et 2015, lorsque les premiers lanceurs d’alerte ont permis de révéler le dispositif, c’est 55 milliards qui ont été perdus en Europe. Il s’agit d’un dispositif d’escroquerie de l’Etat en utilisant les transactions internationales.

En Allemagne, le maire de Hambourg a tenté d’éviter un redressement à une des banques coupables de cette escroquerie, jouant la montre pour faire tomber les 400 millions de redressements avec la prescription. Son nom : Olaf Scholz.
Le gouvernement fédéral de l’époque à du intervenir, une commission d’enquête a établi sa responsabilité, une enquête judiciaire est toujours en cours.
Le dossier a failli lui coûter la chancellerie.

En France, c’est chaque année une perte de 3 milliards, qui perdure depuis 10 ans, alors que les banques ayant mis en place ce dispositif d’escroquerie à l’argent public n’ont pas été redressées pour les dix années précédentes.

Bercy, visiblement très à l’écoute des arguments de la Fédération Bancaire Française, fait tout pour continuer à protéger cette manne qui bénéficie pourtant en premier lieu à des personnes hors de France !

C’est l’illustration d’une corruption morale à tout le moins, et peut-être réelle, au sein de Bercy, alors que l’État prétend trouver 40 milliards de recettes supplémentaires sur le dos des français normaux.

Le rôle du législateur est de boucher tous les trous possibles dans la loi fiscale, qui invitent les escrocs internationaux à faire les poches de l’Etat (en payant au passage de juteuses commissions aux banques !).

Une commission d’enquête parlementaire est indispensable pour faire toute la lumière sur cette invraisemblable insubordination de l’Exécutif à la loi de finances qu’il a lui-même imposée au moyen du 49-3, mais qui n’en est pas moins devenue la loi du Parlement.

Cette commission d’enquête devra naturellement exiger de tous les responsables en charge du dossier à Bercy, au premier rang desquels Eric Lombard et Amélie de Montchalin, des explications sur cette scandaleuse affaire.

Mathieu Pouydesseau et Laurent Miermont

Dans Le Monde, « La crise de recrutement des enseignants est désormais structurelle, et on n’entrevoit pas de perspective de résolution mécanique »

Un entretien passionnant et alarmant qu’il nous est apparu nécessaire de relayer. Alors que les concours sont une fois encore déficitaires, Johanna Barasz, autrice d’une enquête sur l’attractivité du métier d’enseignant pour le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, décrypte dans Le Monde les ressorts d’une crise du recrutement, mais aussi de la fidélisation des enseignants.

Le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan a publié, le 18 juin, une étude intitulée « Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer ». L’autrice de l’analyse, Johanna Barasz, expose les principaux enseignements de cette enquête quantitative et qualitative sur les singularités et les ressorts d’une crise du recrutement plus inquiétante que toutes celles que l’éducation nationale a connues.

L’éducation nationale a déjà connu des difficultés de recrutement par le passé. Qu’est-ce qui distingue la crise actuelle des précédentes ?

L’éducation nationale a en effet déjà été confrontée à des épisodes de crise, qui étaient principalement dus à deux phénomènes. D’une part, la croissance de la démographie scolaire et, d’autre part, l’élévation continue du niveau de recrutement des enseignants, qui a régulièrement provoqué des problèmes assez massifs de recrutement.

Johanna Barasz, autrice de l’enquête sur l’attractivité du métier d’enseignant pour le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, le 26 mai 2025

La crise actuelle est différente. La baisse des candidatures s’inscrit dans un temps long, elle est généralisée – avec d’importantes nuances, certes – à tous les concours, et elle est déconnectée des deux facteurs que je viens d’évoquer. Elle est également déconnectée de la situation économique, et ne s’explique pas non plus par les évolutions du nombre de postes offerts au concours, auquel les effectifs de candidats se sont longtemps ajustés.

On peut désormais sans conteste parler d’une crise structurelle, et on n’entrevoit pas de perspective de résolution mécanique puisque le vieillissement de la population enseignante va entraîner des départs à la retraite massifs dans les prochaines années, alors même que les viviers universitaires se tarissent dans plusieurs filières menant à l’enseignement.

L’éducation nationale connaît également une hausse des démissions. A quel point ce phénomène est-il inquiétant ?

La « fidélisation » des enseignants est un problème relativement nouveau pour l’éducation nationale. Rapportées aux effectifs totaux d’enseignants, les démissions sont marginales, mais rapportées au nombre d’enseignants qui quittent chaque année l’éducation nationale, elles dessinent un phénomène beaucoup plus préoccupant : elles représentent 15% des départs annuels, contre à peine 2% il y a dix ans. Et elles ne sont plus l’apanage, comme cela a longtemps été le cas, des stagiaires : l’augmentation des démissions est désormais portée par des enseignants de plus de cinq ans d’ancienneté, qui constituent 60% des démissionnaires.

Vous parlez d’un effet « boule de neige » de la perte d’attractivité…

En dégradant les conditions de travail de ceux qui restent, la pénurie engendre la pénurie. Par exemple, les difficultés de recrutement rigidifient le mouvement des enseignants et se traduisent par des difficultés de plus en plus importantes à obtenir une mutation.

C’est une dégradation manifeste de la qualité de leur emploi, vécue par les professeurs mais également perçue par les étudiants que nous avons interrogés, qui craignent d’être maintenus dans les territoires en tension. Cela affecte directement l’image du métier et donc la capacité à recruter.

Quels sont les ressorts de cette perte d’attractivité, alors même que les enseignants affirment massivement qu’ils aiment leur métier ?

Les enseignants adorent leur métier, 92% d’entre eux disent ne pas regretter leur choix. Mais ce qu’ils veulent avant tout, c’est avoir les moyens de bien le faire. Or, ils ont de moins en moins l’impression de pouvoir remplir leur mission auprès des élèves en raison de la dégradation perçue des conditions de travail et d’un manque de moyens.

Notre enquête montre également à quel point les relations dégradées avec leur hiérarchie administrative, le manque de reconnaissance ou encore la succession des réformes, qui ressort très nettement dans notre enquête comme un motif de découragement, alimentent leur malaise. Tout cela nourrit un profond sentiment de perte de sens qui pèse lourdement sur la profession.

Bien que les enseignants aient une meilleure image qu’ils ne le pensent, ce sentiment de détérioration des conditions d’exercice est bien perçu à l’extérieur. On voit le métier comme « sacrificiel », qu’on estime, mais qu’on ne veut pas forcément exercer.

L’enjeu des rémunérations est aussi souvent évoqué par les enseignants. Les hausses de salaire décidées depuis 2022 n’ont-elles eu aucun effet ?

Le taux d’insatisfaction salariale reste singulièrement élevé. La rémunération s’apprécie au regard de l’engagement demandé, du niveau de qualification et de la comparaison avec d’autres métiers que l’on aurait pu exercer.

Or, quand les enseignants se comparent à leurs homologues d’autres pays ou aux autres fonctionnaires de catégorie A, ce qu’ils sont eux-mêmes, ils sont perdants, et même de plus en plus perdants. Le métier n’a jamais été bien payé, mais ce sacrifice salarial a longtemps été compensé par une série d’avantages. Cet équilibre-là paraît rompu.

Les mesures de revalorisation sont connues par les enseignants, mais elles n’ont pas changé l’image d’un métier mal payé. Dans notre enquête, quand on demande aux gens, notamment aux étudiants, combien sont payés les enseignants en début de carrière, ils répondent « autour du smic », « 1 500-1 600 euros ». Le fait que le salaire d’entrée des titulaires soit désormais à 2 100 euros n’est pas intégré.

Le gouvernement a engagé une réforme de la formation initiale et en fait un levier majeur pour améliorer l’attractivité. Cela vous paraît-il suffisant au regard de l’enjeu ?

Le renforcement de la formation initiale est une bonne chose, la question de la place du concours dans le cursus des étudiants est une dimension importante, mais il faut réfléchir plus largement à reconstituer les viviers universitaires : dans certaines filières, le nombre d’étudiants est réduit bien avant la 3e année de licence. Et il nous semble important d’avoir une stratégie globale et d’agir simultanément sur l’ensemble des leviers : reconnaissance, rémunération, mutations, conditions de travail, image du métier…

Cette crise ne se résorbera pas d’elle-même. Il faut restaurer l’équilibre entre le sens du métier, la reconnaissance de celui-ci, et les conditions d’exercice, si on veut avoir non seulement suffisamment d’enseignants quantitativement, mais aussi suffisamment d’enseignants bien formés qui se projettent durablement dans ce métier.

propos recueillis par Eléa Pommiers
entretien publié dans Le Monde le samedi 5 juillet 2025

Il faut sauver la Miviludes

communiqué de presse de la Gauche Républicain et Socialiste du 6 juillet 2025

Un article de Charlie Hebdo du 2 juillet 2025 alerte sur le risque de disparition de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Et le 30 juin dernier, le Chef de la Miviludes, placée sous la tutelle sur Secrétariat Général du comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) depuis 2020, a jeté l’éponge et selon toute vraisemblance, ce ne fut pas de gaîté de cœur.

Fondée en 2002 et dotée de financements publics, cette institution est centrale dans le combat contre l’obscurantisme et l’asservissement par les sectes. Elle s’est attirée les foudres tant de la scientologie que de l’anthroposophie et a permis, en presque 25 ans d’existence, de lutter contre les multiples facettes des dérives et des entraves que les sectes et les gourous font subir à leurs victimes.

Déjà en 2020, le gouvernement Macron avait mis la MIVILUDES sous tutelle du ministère de l’intérieur, réduisant au passage ses financements. Désormais, il est question de lui faire intégrer une structure plus grande dédiée à l’ensemble des luttes contre la radicalisation, et d’allouer une partie des fonds envers des associations de victimes et de vigilance.

Si nous saluons le rôle capital de ces associations pour la reconstruction psychique et sociale des victimes de sectes, et si nous considérons que la lutte contre la radicalisation est une mission prioritaire du Ministère de l’Intérieur, nous ne pouvons accepter la dilution de la MIVILUDES, qui marquerait un recul de l’État dans la lutte contre les sectes. Alors que les gourous scientologistes ont désormais pignon sur rue, et que les prétendues médecines alternatives isolent de plus en plus les malades de vrais soins, la mission de la MIVILUDES est plus que jamais d’actualité. Transférer ses compétences et ses fonds vers le monde associatif et la lutte contre la radicalisation est contraire à la mission de service public qui lui est confiée, d’autant qu’elle s’accompagnerait d’une cure d’austérité.

La Gauche Républicaine et Socialiste appelle le gouvernement à renoncer à son projet de dissolution de la MIVILUDES, et propose au contraire de renforcer cette institution en lui redonnant son indépendance et des fonds publics dédiés.

Nous ne pouvons pas abandonner la fermeté de la République Française contre les sectes. Il en va de la santé publique et sociale de notre pays en général et des victimes en particulier.

Pour un sursaut collectif à gauche

communiqué de presse de la Gauche Républicaine et Socialiste, mercredi 2 juillet 2025


Dans un monde chaotique et violent, défiguré par la montée des nationalismes, de la prédation économique et de l’obscurantisme, il est vital d’inventer un nouveau chemin progressiste.

Aucun pays n’est épargné par la vague brune. L’Europe, longtemps considérée comme un continent attaché aux libertés fondamentales et à un certain modèle social, voit prospérer sur son sol des forces politiques fascinées par les modèles autoritaires et brutaux.

Parce que nous refusons cette grande régression idéologique, parce que nous restons des militants du progrès dans la justice, nous en appelons à un grand sursaut collectif.

Face à l’adversité, la gauche française a toujours su se rassembler quand l’urgence l’exigeait, comme l’a montré la création rapide du Nouveau Front Populaire en juin 2024. Il faut donc saluer toutes les initiatives qui vont dans le sens de l’unité du camp progressiste.

Si l’idée d’un processus politique permettant l’émergence d’un candidat commun à l’élection présidentielle de 2027, tel que discuté aujourd’hui à Bagneux, est intéressante, elle ne peut se substituer au débat programmatique et à la nécessité d’un large rassemblement.

L’essentiel reste pour nous l’élaboration collective d’une plateforme commune de transformation économique, sociale et écologique capable d’enrayer le déclin du pays.

La France connaît une grave crise industrielle, un recul préoccupant de ses services publics, une érosion de sa souveraineté dans des domaines essentiels, la dégradation du travail, un déni croissant des réalités écologiques et scientifiques et, enfin, un affaiblissement de son pacte républicain. La gauche ne retrouvera de la crédibilité et de la force que si elle est capable de répondre à ses défis existentiels.

Pour fédérer les classes populaires autour de la République, pour créer une dynamique susceptible de rassembler une majorité de Français, l’élaboration d’une plateforme commune de transformation est une étape indispensable.

Entre prédation et sobriété juste, faire le bon choix

Comme son nom l’indique, l’écologie concerne à la fois le cadre naturel (sols, eaux, air – climat, biodiversité) qui peut être considéré comme un support et/ou une ressource et les usages d’inscription des populations dans ce cadre (habitats, infrastructures, énergies, mobilités, etc.). Ces deux aspects interagissent au gré des décisions plus ou moins responsables des humains, structurées par les idéologies que ceux-ci élaborent pour décrire leur relation au monde naturel et physique voire physiologique.

Les lois, règles et règlements tentent de codifier les modalités d’inscription des activités humaines censées satisfaire les besoins élémentaires de l’humanité, voire son émancipation de ces contraintes physiques dans un cadre moral et partagé. D’où les conséquences sociales et les rapports de force politiques qui, à leur tour, impactent le cadre naturel.

S’agissant du cadre naturel, après une longue période prolongeant la 1ère révolution industrielle (et les suivantes) fondée sur la découverte des usages que l’on pouvait tirer de l’exploitation des ressources naturelles et sans précautions aucune, les signaux obtenus en retour nous font percevoir leur finitude et les dangers qu’il y aurait à les outrepasser.

Mais comment se résoudre à la frustration du mode de vie que cela nous a procuré et plus encore à celle que les populations qui aperçoivent enfin la possibilité d’y accéder ?

L’extractivisme doit prendre en compte les données très réelles du potentiel restant. Même les grandeurs les plus considérables que sont l’eau et l’air sont susceptibles d’être affectées dans leurs qualités intrinsèques au risque de ne plus être une ressource mais de possibles dangers. Sans compter que les idéologies elles-mêmes posent problème en ne réglant pas les questions de répartitions et de respect des limites physiques.

Il est donc temps que nous prenions conscience de ces paramètres et qu’en responsabilité nous indiquions comment il est possible d’occuper ce cadre naturel – cette planète – durablement et pour toutes les populations qui y ont universellement droit.

Il s’agira certainement de sobriété mais aussi des modalités pratiques réglementées dans un souci d’équité et de justice sociale.

S’agissant des usages, l’occupation des espaces, dans le respect de leurs qualités physiques, est un premier marqueur de la capacité à organiser, dans la justice sociale, la répartition de l’impact humain. S’en suivent, l’organisation des territoires en termes d’infrastructures – de mobilités, énergétiques, de gestion/réparation des pollutions – et de productions industrielles et agricoles, sans oublier les espaces de loisirs. Et ce dans le cadre naturel – espaces naturels inaccessibles et inexploitables : forêts, déserts, montagnes, océans, etc. – qui dépasse largement nos capacités d’aménagement.

Chaque élément d’infrastructure correspond à une prédation dont il convient de limiter l’impact sur les équilibres de l’ensemble. Dans le même temps où ils participent de l’habitabilité de la planète et de la satisfaction des besoins de ses habitants. Il s’agit donc de s’assurer de son moindre impact et/ou de sa compatibilité avec les ressources naturelles qu’il « aménage ». Et de sa réelle valeur en termes de résolution des besoins élémentaires des populations qu’il est censé servir – dans un cadre moral et égalitaire, démocratiquement retenu.

Les sols : qu’il s’agisse de leur occupation ou de leur exploitation, sont en qualité et quantité des valeurs finies. Leur modification physique par l’usage qui en est fait doit être évaluée et leur dégradation doit faire l’objet d’une décision consciente et partagée. Nul ne peut impacter leur nature sans en obtenir l’autorisation par l’ensemble de la communauté.

L’eau est un cycle universel et constant. Il peut néanmoins être perturbé par des usages excessifs, relevant d’accaparements abusifs et inconsidérés ou par des implantations d’infrastructures contrariant son libre écoulement. Là encore il s’agit de coordonner, après des études indépendantes des commanditaires, le « possible » sans risque pour les usages voisins et le respect de la valeur intrinsèque des éléments naturels.

L’air : on sait maintenant à quel point les usages et les productions humaines ont pu et continuent de modifier la composition originelle de l’atmosphère qui englobe notre terre, au point d’en affecter les climats. Pour autant, nous pouvons mesurer les modifications qu’il faudrait opérer dans les usages de nos sociétés développées – qui ne sont qu’une partie de l’ensemble – pour, si ce n’est retrouver, du moins tenir dans des limites acceptables les paramètres qui régissent les éléments atmosphériques. Réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, limitation des molécules et particules rejetées par les usages industriels, agricoles, liés aux mobilités et aux habitats.

Ce sont des efforts considérables qui ne concernent pourtant qu’une partie de la planète, la majorité des sociétés n’ayant pas atteint le niveau de développement des pollutions liées à leurs usages. On se perd en conjonctures sur les voies et moyens d’exister sans tout détruire.

Devant un tel défi, les idéologies tentent d’élaborer les plans de transition vers un retour à la raison, à la compatibilité d’un système d’usages avec les valeurs physiques du cadre. On en est à évaluer le nombre de planètes qui seraient nécessaires à la neutralité, au jour de l’année à partir duquel nous avons atteint les limites physiques des ressources de la planète. On craint que cela ne finisse mal, soit par un collapsus général, soit du fait d’affrontements idéologiques.

Sans doute trouverons-nous des solutions technologiques pour amoindrir les effets du mal qui a déjà été commis mais on se doute tout autant que cela ne sera pas suffisant. C’est un mode d’usages différents qu’il s’agit d’élaborer, en prenant en compte l’ensemble des habitants qui ont un droit égal à habiter la planète, dans de bonnes conditions de santé, de développement et d’émancipation.

La biodiversité animale et végétale : longtemps considérée comme un souci accessoire, tant du fait de son ancienne rivalité avec le genre humain – en termes de partage des ressources alimentaires et de dangerosité réelle ou supposée – que de son incapacité à faire valoir ses droits (!), on en vient pourtant à s’imaginer que la planète et ses ressources ne serait pas la même sans la présence et les interactions de ces espèces douées de sensibilité. Ressource alimentaire – exploitée au-delà de toute raison – mais aussi agent du climat, des relations biologiques inter-espèces, tantôt « nettoyeur », tantôt fécondateur, il s’agit, quoi qu’on en pense, d’un élément constitutif du cadre naturel dans lequel nous avons établi nos vies. Nous ne sommes qu’au seuil de la prise de conscience de son rôle irremplaçable dans les fonctions biologiques de l’environnement et à quel point il serait dangereux, pour nous même en tant qu’espèce, de l’asservir jusqu’à en menacer l’existence.

Quand on considère à la fois la finitude des ressources et le respect avec lequel qu’il convient de faire usage des celles-ci, dans le contexte d’une démographie qui a d’ores et déjà explosé depuis l’ère préindustrielle, on comprend bien qu’il y a nécessité d’une révision drastique du mode de développement des usages conçus dans le cadre circonscrit à « l’occident développé ».

Nul doute qu’il y a un système de pensée, une conception générale du cadre naturel et des usages qui s’y inscrivent, à la base de la manière dont cela a été développé depuis les Temps Modernes et dans le périmètre de l’Occident.

Un modèle prédateur, sans souci de sa soutenabilité, optimiste quant aux solutions que sa science naissante et sa technologie seraient en mesure de résoudre tous les problèmes à mesure qu’ils apparaitraient. Enfin, parfaitement égoïste, jouisseur et violent.

C’est à la fois le libéralisme en tant que philosophie, le capitalisme en tant que moteur du développement exponentiel et la violence en tant que rapport au monde qui se répandent sur la planète dès les premières conquêtes de la Renaissance, plus encore à partir des Lumières et des premières révolutions politiques puis industrielles, enfin l’impérialisme qui achève le modèle dominant jusqu’à présent. Sans en être comptables, nous en sommes les légataires à défaut d’en être les héritiers. Et il nous échoit de faire le constat du désastre tant humain (politique) qu’environnemental auquel ce puissant mouvement a conduit la planète. Mais il n’était pas univoque et a toujours contenu un mouvement de contestation, tant de ses méthodes que des situations auxquelles il conduisait.

Ne serait-ce que du fait du profond système d’inégalités qu’il a continûment imposé, non seulement vis à vis des populations colonisées mais avant tout vis à vis de celles et ceux qu’il a inscrit dans un système de domination de son propre contingent. La violence étant à la base de son rapport au monde, c’est un système politique de domination des masses par une élite aristocrate, prolongée par une bourgeoisie marchande qui s’est développé à partir de l’occident « très chrétien ».

Or dans ce système le cadre naturel n’est qu’une ressource que l’on peut piller, pour peu qu’on ait les capitaux susceptibles de mettre en œuvre les dernières connaissances en matière d’extraction, de culture intensive, de détournement des ressources en eau et en énergie, d’achat à moindre coût de main d’œuvre (potentiellement gratuite du fait de l’esclavage), d’exploitation des plus faibles.

Cadre naturel et masses humaines sont pris dans une même « machinerie » à créer de la plus-value et du profit : le premier est pillé sans retenue (et plutôt salement), les secondes sont exploité individuellement et collectivement. Les règles et les lois, à peine naissantes, sont à la main de ceux qui ont l’argent et, de fait, l’oreille du pouvoir (qui s’appuie lui-même sur l’argent).

Il faudra bien des luttes – du sang et les larmes – pour que les masses laborieuses, celles qui élaborent les produits, objets du profit, parviennent à se distinguer de la « matière » que l’on extrait et que l’on façonne.

C’est pourquoi il y a incontestablement un rapport entre la violence extractiviste et l’exploitation des masses laborieuses. L’une et l’autre font l’objet du même manque de respect quant à leur nature et à leur fragilité, du même cynisme quant à leur exploitation sans limite.

De ce parallèle, il devrait être possible à la fois de mobiliser sur la modération qu’il devrait y avoir dans nos modes de productions et de rapport au cadre naturel, et de revendication d’un meilleur partage des richesses. Celles et ceux qui voient bien que leur travail est revendu X fois ce qu’il leur est payé, peuvent parfaitement comprendre que la détérioration du cadre dans lequel ils inscrivent leur vie est aussi un abus d’usage des ressources exploitées par les mêmes qui leur achètent si piteusement leur force de travail. Au point même de mettre en danger leur capacité à la reconstituer du fait d’un air pollué, d’une eau de qualité douteuse, d’aliments empoisonnés, de dangers climatiques, etc.

Faire le lien entre ces deux situations critiques, dues au même système prédateur et irresponsable, profitant des mêmes effets d’un déséquilibre assumé en raison de l’accumulation de profits tirés d’un même système de pensée spoliant indifféremment le cadre naturel et les populations inscrites, devrait permettre une prise de conscience.

Une prise de conscience en faveur d’un type de développement respectueux des équilibres naturels finis et d’une conception de la vie en société qui fasse place, durablement, à toutes les existences dans leurs aspirations les plus légitimes.

Bruno Lucas

Taxation des « riches » en France et en Allemagne : l’indispensable retour du politique dans les choix budgétaires

tribune de Mathieu Pouydesseau publiée dans Marianne, le vendredi 27 juin 2025

Chef d’entreprise outre-Rhin, historien de formation et ancien conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF) rattaché à Bercy, Mathieu Pouydesseau aborde, au sein de cette tribune, la question de la redistribution des richesses en Allemagne et France, qui mène, selon lui, à des tensions entre nos deux pays frontaliers.

Des deux côtés du Rhin, les débats budgétaires font rage. Pour ceux qui seraient tentés par une taxation du capital, celle-ci n’obéit pas à une seule logique économique mais relève surtout de doctrine politique. Deux puissants courants de pensée semblent s’opposer sans se réconcilier : la morale héritée des principes de justice sociale et de redistribution face à l’économie dictée par la perception des contraintes de compétitivité.

En France par exemple, l’ISF instauré par la gauche et maintenu par la droite, illustre cette tension. Sujet perçu comme anti-entreprise, il est pourtant peu corrélé à une baisse de l’investissement. En Allemagne, alors que la Constitution affirme que « la propriété oblige », un collectif d’héritiers milite pour une fiscalité plus équitable, dénonçant leur héritage perçu comme immérité.

Entre défiance et conscience

Le Sénat français a rejeté le 12 juin dernier la taxe dite « Zucman » sur les très hauts patrimoines, une mesure pourtant modeste : 2 % du patrimoine net, impôts déjà payés déduits, qui ne concernerait que 2 000 personnes. Conçue par l’économiste Gabriel Zucman, cette taxe pourrait rapporter entre 13 et 20 milliards d’euros. Elle avait été adoptée par l’Assemblée nationale et devrait y revenir à l’automne. L’Allemagne a vu naître en 2021 le mouvement « Tax me now », fondé par une héritière de la famille Engelhorn (ex-Boerhinger). Ce collectif d’héritiers plaide pour une fiscalité plus juste, estimant l’héritage comme immérité. Un appel de 100 entrepreneurs français en janvier 2025 appelant à la même contrition est passé inaperçu.

L’économiste Martyna Linartas a publié en mai 2025 « une inégalité imméritée » dénonçant la concentration extrême des patrimoines et ses effets délétères sur la démocratie. L’histoire de la famille Thiel illustre comment les grandes familles échappent à l’impôt, et pour une famille maladroite dans ses efforts, combien de milliards ainsi échappant au financement des écoles et des hôpitaux ? En juin 2025, la FAZ, le quotidien allemand le plus diffusé au monde, a révélé que la famille Thiel (Knorr-Bremse) a dû verser 4 milliards d’euros d’impôts sur un héritage de 15 milliards, un conflit familial ayant retardé la création d’une fondation destinée à l’éviter. L’Allemagne a progressivement démantelé sa fiscalité sur le capital depuis la suspension de l’impôt sur la fortune par la Cour constitutionnelle en 1997. Or, cet allègement du fardeau fiscal n’a pas amélioré les performances des entreprises. Malgré une épargne abondante, alimentée par des excédents commerciaux records, l’investissement domestique recule. Plus d’un tiers des capitaux allemands sont investis hors d’Europe. L’Allemagne n’a pas su transférer sa richesse vers la consommation intérieure, freinée par la rigueur budgétaire et la modération salariale.

Une étude publiée en mai 2025 dans le Journal of International Economics souligne l’inefficacité des grands fonds allemands : les « Big 6 » affichent des performances médiocres en sélection d’actifs et en timing de marché. Ainsi, l’économie allemande a connu trois années consécutives de récession. En 2024, les salaires réels sont retombés à leur niveau de 2015 (Spiegel, juin 2025). Une décennie d’épargne excédentaire n’a pas suffi ni à financer l’investissement ni à préserver le pouvoir d’achat des classes moyennes.

L’Europe thésaurise

Entre 2010 et 2025, l’Allemagne a accumulé 3 000 milliards d’euros d’excédents commerciaux sans que cette épargne ne soit investie localement. En France, l’épargne des ménages équivaut aux déficits publics et privés (environ 6 % du PIB). Ainsi, n’est-il pas temps de réorienter cette épargne vers l’industrie européenne plutôt que vers la dette américaine. Même le président Macron a souligné « la folie » consistant à laisser un tiers de l’épargne européenne alimenter… les États-Unis. Les révoltes fiscales se multiplient depuis plusieurs années : Gilets Jaunes, Bonnets rouges, paysans en colère, « Wütbürger » allemands.

La croissance européenne (+20 % de PIB depuis 2010) ne s’est pas traduite par une amélioration du niveau de vie. La pauvreté a progressé en France et stagné en Allemagne. Le pouvoir d’achat reste la première préoccupation des Français depuis cinq ans. Un tiers d’entre eux, et 38 % des Allemands, se disent incapables de faire face à une dépense imprévue (enquête UE 2024). Chacun connaît aujourd’hui la traduction politique de ces errements économiques : alors qu’en 1999, le Front national faisait 5,7 % aux européennes et l’AfD 3 %, en 2024, ils atteignent respectivement 32 % et 16 %. Ensemble, les deux grands blocs démocrates ne réunissent plus que 32 % des voix.

Justice sociale et efficacité économique ne sont pas incompatibles : elles doivent dialoguer –sans opposer Berlin à Paris, ni morale à croissance, sur cette ligne de crête qu’est le respect des perceptions. Le compromis proposé par Gabriel Zucman, une taxation modérée des très hauts patrimoines, tenant compte des impôts déjà acquittés, ou du mouvement allemand « tax me now » incarnent cette tentative de conciliation. Il s’agit surtout d’une possibilité de réintroduire une conscience politique dans les choix d’action publique : repenser la fiscalité du capital mais aussi sa valeur sociale est essentiel au risque d’une issue fatale pour les démocraties européennes.

Mathieu Pouydesseau

Ils ont marché pour la santé !

13 jours de marche, 13 escales, 325 kilomètres à pied : du Loing aux plaines de Brie, des futaies du Gâtinais jusqu’aux rives de Seine, Anthony Gratacos et Nathalie Moine, nos deux conseillers départementaux GRS de Seine-et-Marne, ont traversé la Seine-et-Marne, département qui impressionne par l’étendue de ses paysages mais inquiète par la rareté de ses soignants. La statistique est sans appel : seulement 89 généralistes pour 100 000 habitants, 99ᵉ rang national ; dans certains cantons, six médecins pour dix mille personnes. Ici, obtenir un rendez-vous devient un pari !

À chaque étape, même scénario : cabinet déserté, secrétariat saturé, urgences débordées avant le milieu de journée. Des parents contraints d’attendre des mois pour un simple contrôle pédiatrique, des soignants exténués qui tiennent tant qu’ils peuvent. Le désert médical c’est un quotidien tangible qui érode notre espérance de vie en bonne santé.
Toujours un accueil républicain et chaleureux de la part des habitants et des élus locaux et le soutien des parlementaires de gauche du département, Marianne Margaté, la sénatrice communiste, et Olivier Faure, député socialiste … et d’Emmanuel Maurel, notre député GRS, qui s’est joint à leur marche le 15 juin sous des chaleurs fortes.

Hier 20 juin, ils ont défendu un amendement au Conseil départemental pour inscrire la mise en place d’un centre départemental de santé public, avec des médecins salariés. Si la droite, majoritaire, l’a rejeté, le centre a mêlé ses voix avec la gauche pour le soutenir : nos amis ont marqué des points au service des habitants.

La marche s’est achevée le 19 juin, mais le combat continue ! Chaque soutien, chaque message, chaque signature, chaque partage de la pétition qu’ils ont lancée permettra de peser un peu plus fort.

Après le raid américain

L’Iran, qu’il était hors de question d’autoriser à se doter de la bombe atomique, respectait l’accord nucléaire de 2015, jusqu’à ce qu’en 2018 Trump s’en retire et établisse unilatéralement des sanctions.

Depuis lors, en riposte, l’Iran avait accru l’enrichissement de son uranium, mais loin de pouvoir en faire une bombe. Parallèlement, Netanyahu répétait tous les 6 mois que l’Iran était à deux doigts d’en avoir une.

Les USA sont retournés à leur narratif mensonger classique pour s’autoriser à bombarder l’Iran, au risque de provoquer une escalade aux conséquences encore plus ruineuses et dévastatrices qu’en Irak.

Le régime iranien est abominable mais celui de Saddam Hussein l’était tout autant. Qu’on parle de sauver le monde des « armes de destruction massive » ou de « changer le régime », les mêmes erreurs se répètent sans cesse, au mépris total d’un droit international que l’Occident invoque pourtant pour condamner – à juste titre – la guerre de Poutine en Ukraine.

Le monde verra dans cette opération une nouvelle démonstration d’hypocrisie et de brutalité d’un Occident drogué au « deux poids deux mesures ». Les Palestiniens continueront de se faire massacrer et les Ukrainiens pourraient se dire que Washington a donné des idées, pour ne pas dire un feu vert au Kremlin pour se déchaîner encore plus sur eux.

Quant à la Chine, qui reçoit une grande partie de son pétrole via le détroit d’Hormuz dont le Parlement iranien vient de décider la fermeture, elle ne restera sans doute pas passive très longtemps. Bref les ingrédients de l’internationalisation du conflit sont réunis.

Pour sa part, l’Union Européenne ne sert toujours à rien et laisse faire, voire, pour certains États-Membres, applaudit. Cette situation démontre à nouveau à quel point l’intégration dans l’OTAN est surtout synonyme d’un alignement sur les priorités de la « diplomatie » étatsunienne, quelle que soit l’orientation politique du locataire de la Maison Blanche. Cela devrait inciter les démocrates et les progressistes européens à se donner les moyens réels de leurs souverainetés.

À ceux qui s’illusionnent encore sur les promesses de paix de l’extrême droite, les exemples israélien et américain devraient leur ouvrir les yeux.

À ce stade, toutes les possibilités sont ouvertes, allant d’une forme de « reddition sans condition » de l’Iran sur son programme nucléaire, à l’enclenchement d’une mécanique infernale de guerre de tous contre tous, en passant par la poursuite des échanges de tirs entre Iraniens et Israéliens. Chaque hypothèse déterminera son nombre de morts.

Reste l’hypothèse d’une négociation d’un nouvel accord nucléaire, que vient à l’instant de proposer le Secrétaire l’Etat américain. La solution diplomatique est tout ce à quoi nous pouvons et nous devons nous raccrocher pour l’instant.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.