Taxe Zucman : le combat pour la justice fiscale n’est pas fini

Adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture le 20 février dans une proposition de loi du groupe « écologiste et social », la proposition de taxe sur le patrimoine des ultrariches, inspirée par l’économiste Gabriel Zucman1, a été comme prévu rejetée sans appel par les sénateurs ce jeudi 12 juin 2025.

Soutenu par toute la gauche, le texte visant à instaurer un impôt plancher de 2% sur le patrimoine immobilier, professionnel et financier des 1 800 Français détenant plus de 100 millions d’euros s’est heurté à l’hostilité résolue de la droite et des soutiens du gouvernement. Seuls 129 sénateurs – dont certains centristes – ont pris position en sa faveur, face à 188 voix contre. En commission, la proposition avait déjà été rejetée par les sénateurs, y compris dans une version où le taux aurait été limité à 1% du patrimoine.

Qu’est-ce que c’est ?

On parle donc ici vraiment de très peu de gens, qui pourraient être concernés par cet impôt « différentiel ». Comment fonctionnerait cette « Taxe Zucman » : on ferait la somme de tous les impôts que les ultra-riches paient – impôt sur le revenu, contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, CSG, CRDS, impôt sur la fortune immobilière – et si le total est inférieur à 2% de leur patrimoine, cet impôt différentiel s’applique. Exemple : « Monsieur Pinault-Betttencourt »2 a un milliard d’euros de patrimoine, 2% de un milliard, cela fait 20 M€. Si le total de ses impôts actuels atteint 15 M€, il devrait payer 5 M€ de « Taxe Zucman » pour atteindre cet impôt plancher.

L’objectif est double : corriger une part de l’optimisation fiscale que pratiquent généralement les plus fortunés et rétablir la progressivité de l’impôt, car plus on monte dans l’échelle des fortunes, plus il est régressif. En effet, une étude publiée il y a deux ans a dressé ce constat : au-delà de 600 000 euros de revenus économiques par an, le pourcentage payé en impôts décline.

Une régression fiscale démontrée par la recherche

C’est l’originalité de l’étude menée et publiée il y a deux ans par l’Institut des Politiques publiques, qui regroupe des chercheurs de l’école d’économie de paris et du Centre de recherche en économie et statistique (CREST).

Plutôt que de prendre comme seul critère le revenu déclaré au fisc, ils ont calculé un revenu économique, qui comprend AUSSI les revenus associé au capital professionnel. Car dans le haut de l’échelle, c’est surtout via les bénéfices des sociétés qu’ils détiennent que les plus aisés s’assurent un revenu.

Leurs conclusions sont frappantes : jusqu’à 600 000 euros de revenus économiques (37 000 foyers), le pourcentage d’impôts et taxes est bien progressif et atteint 46%. Au-delà, la courbe s’inverse. Pour les 0,001% les plus riches (3 780 foyers dépassant 26 millions de revenus annuels), le taux tombe à 32%. Pour les milliardaires (75 foyers avec plus de 150 millions de revenus économiques), il n’est plus que de 26%.

Ce taux de 26% se situe bien en-dessous du taux moyen de prélèvements obligatoires en France (42%) du PIB, c’est-à-dire de la richesse produite. La proposition de loi du groupe « Écologiste et Social » n’hésite ainsi pas à comparer cette situation à celle de l’Ancien régime, telle que la décrivait Alexis de Tocqueville : « L’impôt avait pour objet non d’atteindre les plus capables de le payer, mais les plus incapables de s’en défendre ».

13 à 20 milliards d’euros de recettes, mais pas seulement…

Selon les calculs de Gabriel Zucman, cette taxe ou impôt différentiel pourrait rapporter quelques 20 milliards d’euros par an. La commission des finances de l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, l’avait plutôt estimé à 13 milliards d’euros… D’autres économistes, Jean Pisani-Ferry (ancien apôtre du programme économique de la première campagne présidentielle d’Emmanuel Macron) et Olivier Blanchard ont apporté leur soutien à Gabriel Zucman dans une tribune publiée dans Le Monde le 11 juin dernier3.

Mais le gouvernement Bayrou et le ministre de l’économie, Eric Lombard, y sont opposés avec des arguments proches de ceux que l’on a entendu le 12 juin 2025 au sénat.

2 % cela serait « confiscatoire » (!?), donc potentiellement anticonstitutionnel, estime le rapport de la commission des finances du sénat sur la proposition de loi (il reste pourtant 98% et il ne s’agit pas de revenus non renouvelables). Ensuite, les riches seraient tentés de s’exiler, d’autres obligés de vendre certaines de leurs actions pour s’acquitter de ce nouvel impôt. On connaît ses arguments.

Le troisième est d’ordre opérationnel : l’étude de l’institut des politiques publiques serait biaisé ; on n’a jamais trouvé mieux pour invalider une réforme fiscale que de mettre en cause la rationalité ou l’objectivité des recherches et études. Cet argument pointe pourtant un véritable problème : on ne connaît pas bien le patrimoine des plus fortunés et l’identification des personnes soumises à la « taxe Zucman » pourrait donc être effectivement complexe.

L’INSEE ne publie encore rien sur le patrimoine professionnel des personnes physiques et l’institut n’aurait de son propre aveu aucune donnée administrative mobilisable sur le patrimoine financier, alors même que ces deux patrimoines constituent l’essentiel de ce que détiennent les plus riches.

Refuser de voir

Aveugle sur l’ultra-richesse, la statistique publique le serait-elle moins si la puissance fiscale venait par le biais de ce nouvel impôt l’épauler ? C’est ce qui nous paraît un point important à défendre : en effet, l’un des intérêts de cette proposition de loi est de rappeler que le débat public fiscal est très peu éclairé, faute de données.

Il n’est en réalité pas de pires aveugles que ceux qui refusent de voir. En la matière, les débats sur la « taxe Zucman » à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi mettent en porte-à-faux une stratégie générale des gouvernements depuis près de 25 ans : le refus de l’impôt, le recul de l’impôt pour les plus riches avant tout, avec des résultats désastreux. Malgré les cadeaux fiscaux accumulés depuis des décennies, l’optimisation fiscale des grandes fortunes n’a jamais été aussi puissante et les déficits pour le financement de l’action publique s’accumulent.

Emmanuel Maurel le rappelait lors du débat sur la loi de règlement (concernant la loi de finances pur 2024) le 11 juin dernier : « Nous parlons d’un budget qui n’a jamais été adopté par personne et qui est par ailleurs le plus désastreux du 21e siècle au regard du décalage entre prévisions et réalisés des recettes. » Le gouvernement Bayrou s’apprête pourtant, avec Eric Lombard (qui se décrit lui-même comme issu de « la gauche qui n’aime pas l’impôt ») et Amélie de Montchalin, à relancer la « chasse à la dépense » (exigence de 40 milliards d’euros d’économies budgétaires), alors que le principal problème de la France est en réalité un manque croissant de recettes, les dépenses évoluant en France comme elles évoluent ailleurs en Europe.

Il faut donc persévérer. Bien que la Chambre Haute ait acquis une position clef dans les équilibres institutionnels depuis les embardées politiques du macronisme, le Sénat n’a pas les moyens de mettre un terme au débat fiscal : ce qui a été voté à l’Assemblée peut l’être à nouveau et la raison pourrait finir par l’emporter face aux besoins budgétaires du pays.

Frédéric Faravel

  1. Gabriel Zucman est un économiste français. Ancien enseignant en économie à la London School of Economics et à l’université de Californie à Berkeley, il est professeur des universités à l’École normale supérieure depuis 2023. Il est aussi directeur de l’Observatoire Européen des taxes. Il a défendu l’idée d’un impôt mondial sur les milliardaires au dernier G20. ↩︎
  2. Nom évidemment inventé de toute pièce… ↩︎
  3. « Nous partageons le constat qu’un impôt plancher sur les grandes fortunes est le plus efficace face à l’inégalité fiscale » https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/06/11/olivier-blanchard-jean-pisani-ferry-et-gabriel-zucman-nous-partageons-le-constat-qu-un-impot-plancher-sur-les-grandes-fortunes-est-le-plus-efficace-face-a-l-inegalite-fiscale_6612129_3232.html ↩︎

Sophie Camard : « La réforme de la loi PLM est une occasion ratée de changer radicalement le système » – entretien dans Le Monde

La maire Gauche Républicaine et Socialiste du 1ᵉʳ secteur de Marseille dénonce les effets pervers du texte étudié au Sénat à partir de mardi 3 juin sur le scrutin municipal pour Paris, Lyon, Marseille, qui introduit « un grand nombre de difficultés techniques et fonctionnelles que les parlementaires n’ont pas forcément repérées ».

Sophie Camard est maire GRS du 1ᵉʳ secteur de Marseille et également conseillère municipale chargée de la réforme de la loi électorale pour Paris, Lyon, Marseille, dite « loi PLM ». L’entretien accordé au Monde a été publié mardi 3 juin 2025 à 10 heures.

Le Sénat étudie, à partir de mardi 3 juin, la proposition de réforme de la loi PLM. Vous avez été auditionnée par sa commission des lois avec d’autres maires de secteur. Quels points avez-vous soulevés ?

D’abord, j’ai remercié les sénateurs de s’intéresser à notre ressenti d’élus de secteur car, étrangement, le député Sylvain Maillard (Renaissance, Paris), qui a rédigé la proposition de loi, n’a jamais répondu à mes sollicitations. J’ai également dit que, à mon sens, réformer ce mode électoral qui date de 1982 est une nécessité démocratique. Enfin, je leur ai parlé de tous les effets pervers que ce texte allait entraîner pour les secteurs et les arrondissements. En apparence, cette loi est simple, mais, dans son état actuel, elle introduit un grand nombre de difficultés techniques et fonctionnelles que les parlementaires n’ont pas forcément repérées. Plus globalement, ce qui est dommage, c’est que l’on a raté l’occasion de changer radicalement le système.

Vous dénoncez notamment l’un des points centraux de la réforme, qui instaure deux votes, donc deux urnes – trois à Lyon avec la métropole – pour désigner les élus de la mairie centrale et ceux des secteurs…

C’est le cœur de l’absurdité de cette loi, qui a été présentée comme une loi de simplification. Le gouvernement dit qu’avec ces deux urnes, il laisse aux électeurs la liberté d’exprimer des choix différents pour leur ville et leur secteur. Mais c’est un faux cadeau. La mairie de secteur n’est pas une collectivité de plein exercice, elle a très peu de budget et de compétences. A Marseille, où la décentralisation est la moins poussée, elle est essentielle dans le contact avec la population, mais fonctionne en réalité comme un gros service de l’exécutif central. On va faire croire aux électeurs que leurs élus de secteur, dont certains sont bénévoles, auront le pouvoir d’appliquer le programme sur lequel ils ont été choisis. Forcément, cela entraînera de la frustration pour tout le monde.

Quels points peuvent être encore améliorés par les parlementaires ?

Il faut absolument revenir à un bulletin unique, qui lie les deux votes. Contrairement à la loi PLM, le texte proposé permet de présenter des listes complètement différentes et ouvre le risque d’une coupure totale entre élus de secteur et conseillers municipaux. On peut aussi se retrouver avec un maire qui n’a pas la majorité des secteurs et qui, s’il le décide, peut s’en désintéresser à l’extrême. Il y avait de nombreux champs de réforme, comme abaisser le nombre d’élus, travailler sur la taille ou sur les compétences des mairies de secteur…

propos recueillis par Gilles Rof (Marseille, correspondant)

Choose France forever ? David Cayla dans le 28 mn d’arte, le 21 mai 2025

La 8e édition du sommet “Choose France”, censé attirer les investisseurs étrangers en France, s’est tenue ce lundi 19 mai. 20 milliards d’euros d’investissements y ont été annoncés. Mais une enquête du magazine “L’Usine Nouvelle” montre que ce sont surtout des réinvestissements sur des sites existants. La France est-elle aussi performante que ce sommet le laisse entendre ?

David Cayla était l’invité du 28 mn d’Arte le mercredi 21 mai 2025.

Il a notamment expliqué que ces événements réguliers marquent le renoncement de la France à agir pour changer les règles commerciales et industrielles de l’UE. Emmanuel Macron préfère la stratégie du bon élève, devenir plus attractive que ses voisins aux yeux du capital. Lorsque nous nous comparons à des pays avec une économie similaire comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni alors oui nous sommes les plus attractifs ; seulement, en proportion des investissements par rapport à la taille des économies, nous ne sommes pas le pays le plus attractif, l’Irlande est bien au-dessus de nous.

Et surtout nous créons moins d’emplois car nous avons en réalité accélérer notre désindustrialisation donc le problème reste entier… avec un dépendance accrue à l’extérieur : cette année, la plupart des accords ont été négociés en amont, mais dès l’année prochaine, nous risquons de voir les investissements américains faiblir d’autant qu’Emmanuel Macron n’a plus la main sur les questions fiscales avec sa majorité relative. Cela n’incite pas à investir.

ARCELOR-MITTAL : l’État n’a pas se complaire dans l’impuissance, il peut nationaliser !

Alors que des rassemblements sont organisés ce matin devant le siège d’Arcelor-Mittal à Saint-Denis, nous publions l’article initialement mis en ligne sur le site de Marie-Noëlle Lienemann le 6 mai 2025, sur ce dossier vital.

Arrêtons les choix désastreux.

Nous payons lourdement les erreurs accumulées par les néolibéraux en France et en Europe.

Cela commence en 1995 quand le gouvernement Juppé, sous la présidence de Jacques Chirac, décide la privatisation d’Usinor. La nationalisation réalisée en 1982 avait permis de remettre sur les rails l’entreprise qui pâtissait du sous-investissement de la famille De Wendel, alors propriétaire.  Le groupe nationalisé avait dû faire face à de profondes réorganisations avec des douloureuses suppressions d’emplois. Il était alors le troisième groupe sidérurgique mondial !

Avec la privatisation d’Usinor, l’État avait récupéré 17 milliards de Francs (l’équivalent aujourd’hui de 4,2 milliards d’euros) qui partiront en fumée ; et cette privatisation, comme la plupart de celles réalisées au moment du grand basculement libéral, va ouvrir la porte à la financiarisation de notre économie et à la désindustrialisation, tout en appauvrissant l’État. Dans le cas d’Usinor, cette privatisation rendra le groupe particulièrement vulnérable lors de la fusion européenne aboutissant à la création d’Arcelor. Elle signe également une perte d’influence française, et plus encore lors de l’OPA hostile de Mittal qui en prendra le contrôle en 2006. Le gouvernement français avait alors exprimé son désaccord mais les actionnaires eurent le dernier mot et ne se préoccupaient que de la valorisation de leurs actions !!

Déjà, déplorer ne servait à rien, il aurait fallu ne pas se laisser faire et renationaliser. Mais l’aveuglement idéologique sévit une fois de plus !

Nous avons tous en mémoire la fermeture des hauts fourneaux à Florange en 2012 et de l’absurde décision de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault qui l’acceptèrent et se contentèrent de plans sociaux et du maintien d’activités a minima sur le site, en balayant d’un revers de main la proposition de nationalisation temporaire faite par Arnaud Montebourg ; d’autres repreneurs se disaient intéressés et qu’un rapport demandé sur la filière acier démontrait la viabilité de cette solution ! Là-encore, la posture fut d’abord idéologique avec cette phrase stupéfiante de Jean-Marc Ayrault : « on ne va pas refaire les mêmes erreurs qu’en 1981 ! » Dramatique et pathétique ! Ce sera hélas le symbole des renoncements du quinquennat de François Hollande.

A la fois comme parlementaire et comme responsable du Parti Socialiste, je n’ai cessé, avec bien d’autres, d’alerter, de tenter de convaincre le pouvoir ! en vain !  Il faut se souvenir qu’au même moment aux USA Barack Obama, lui, nationalisait General Motors pour sauver l’industrie automobile ! Dès lors, Mittal avait bien compris qu’il serait durablement en position dominante face aux pouvoirs publics français ! Le comble est que de surcroît la famille Mittal bénéficiera de 100 millions d’euros issus des fonds de cohésion de l’UE entre 2014 et 2020 ! et d’ailleurs un aciériste américain aussi. Mais tout cela sans stratégie globale de filière, tant des États membres que de l’Union, alors que la concurrence mondiale s’exacerbe.

Comme de coutume, les institutions européennes tergiverseront pour relever les droits de douanes face au dumping chinois et, surtout, seront incapables d’organiser une riposte garantissant notre souveraineté dans ce secteur clé de l’acier, alors même que des surcapacités internationales de production s’accumulaient et que Mittal, comme d’autres producteurs mondiaux, envisageaient de fermer un grand nombre de sites en Europe !

Face à cela, les Italiens ont récemment réagi et annoncé la nationalisation d’un des plus importants hauts- fourneaux d’Europe ! Le parlement de Grande Bretagne vient de délibérer pour nationaliser leurs deux derniers hauts-fourneaux pesant ainsi sur le propriétaire indien qui voulait les fermer !

Les menaces se profilent aussi en France et se concrétisent avec les récentes annonces de Mittal. Mais le gouvernement français semble n’avoir rien vu venir et nous fait croire qu’il espère obtenir des concessions de Mittal ! D’une part, on connaît hélas la succession de promesses non tenues de la multinationale, d’autre part, c’est reculer pour mieux sauter et rester prisonnier des intérêts privés. Rappelons-nous, il y a peu encore, le groupe annonçait des investissements largement subventionnés par l’État pour la production décarbonée et maintenant on prévoit des réductions massives d’activités.

C’est pourquoi, il ne faut plus traîner, ni tourner autour du pot.

Comme nos voisins italiens et britanniques, il faut voter de toute urgence une loi permettant la nationalisation de tout ou partie des sites français d’Arcelor-Mittal.

Une nationalisation, qui peut avoir une vocation temporaire, qui peut prendre la forme d’une entrée décisive au capital et, en tout cas, doit nous permettre de créer un rapport de force pour définir un cadre stable, durable pour l’avenir de la production d’acier en France, garantissant notre souveraineté et engageant sérieusement la décarbonation !

Le gouvernement va nous dire que nous n’avons pas les moyens, mais la situation italienne ou britannique n’est pas meilleure et prendre des parts dans cette entreprise n’équivaut pas une dette mais à des actifs, qui nous rapporterons, comme ils rapportent aujourd’hui à la famille Mittal et à ses actionnaires !

Il sera grand temps ensuite d’obtenir des institutions européennes la définition d’une stratégie de filière en Europe, en déployant au mieux la complémentarité de nos savoir-faire et capacités. Cette démarche doit être intergouvernementale et engager les pays volontaires, car sinon il va falloir attendre un siècle et nous aurons déjà perdu beaucoup d’usines, de capacités, de savoir-faire et d’emplois !

Ne nous laissons pas endormir par les paroles lénifiantes du ministre de l’industrie, imposons la nationalisation !

Marie-Noëlle Lienemann
Ancienne Ministre, ancienne parlementaire,
Coordinatrice nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste

Etat des lieux sur le mal logement et l’ubérisation en France et en Europe – débat à Marseille le 3 mai 2025

À Marseille, après la marche exploratoire avec Sophie Camard (Maire GRS du 1er secteur de Marseille et administratrice de la société publique locale d’aménagement – d’intérêt national contre l’habitat indigne), dans la rue d’Aubagne sur l’action publique pour la réhabilitation des logements, démontrant le caractère essentiel de l’investissement public, se tenait dans les locaux de la fédération départementale du Parti Communiste Français un débat sur le thème « En France, en Europe, le logement n’est pas un privilège, c’est un droit ! »

Une initiative collective du Parti de la Gauche Européenne.

Le débat était introduit et animé par Hélène Bidard (Secrétariat Politique du PGE, conseillère PCF et adjointe à la Maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes)

avec

  • Naïma Senanedj (Parti Communiste Français, Bouches-du-Rhône)
  • Ismael González (Coordinateur de la campagne logement du Parti de la Gauche Européenne)
  • Christophe Casanova (Journaliste à La Marseillaise)
  • Sophie Camard (Maire GRS du 1er secteur de Marseille)
  • Marianne Margaté (Sénatrice PCF de Seine-et-Marne)
  • Simon de Beer (PTB, en charge du logement à Forest, Bruxelles)

Le contrôle effectif des écoles privées est un enjeu politique majeur

Depuis plusieurs années, le financement par les fonds publics des établissements privés sous contrat d’association est l’objet de débats. D’une part, la publication des Indices de position sociale depuis 2022 montre clairement que l’école privée est à l’origine d’une ségrégation sociale et scolaire qu’elle contribue à perpétuer. D’autre part, les rapports de la cour des comptes, de parlementaires ou de l’OCDE montrent que le contrôle des fonds alloués aux établissements privés est imparfait, voire inexistant. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le contrôle pédagogique soit également imparfait et donne lieu aux scandales actuellement dévoilés par d’anciens élèves et par la presse, comme dans l’établissement Notre-Dame de Bétharram.

Les établissements privés sous contrat d’association remplissent une mission de service public. Leur non-contrôle par l’État illustre la volonté de l’exécutif de déréguler un secteur fondamental pour l’avenir. L’exemple du lycée privé musulman Averroès montre pourtant qu’il est possible de contrôler ces établissements et de dénoncer le contrat d’association quand les valeurs de la République sont attaquées directement. Malgré la décision (qui nous interroge encore) du tribunal administratif de rétablir le contrat d’association, la démarche de l’État a cette fois, à juste titre, été volontariste.

Dans ce cadre, la GRS appelle à renforcer les moyens de contrôle et d’inspection de ces établissements et à lancer un plan organisant le retour au principe « école publique : financement public ; école privée : financement privé ». A court terme, le financement des écoles privées doit être soumis au respect d’engagements de mixité sociale. A plus moyen terme, la loi Debré doit être abrogée et le soutien extra-légal des collectivités territoriales aux établissements privés interdit.

L’école publique, laïque, gratuite et obligatoire doit être la priorité du pays. Elle seule a une visée émancipatrice et universelle. Les attaques qu’elle subit de la part des réactionnaires de tous bords et l’absence systémique de moyens allouée l’affaiblissent structurellement, alors que la République doit la soutenir entièrement et pleinement.

Simon Billouet
Conseiller départemental GRS de l’Isère

Atonie de la croissance française : ce qu’il faut changer

Nous sommes revenus fréquemment, depuis 2010, sur l’erreur économique dramatique commise avec le « tournant de l’offre » ; notons cependant que ce que l’on a appelé « tournant » en novembre 2012 n’en était pas un, mais la continuité de la politique économique de Nicolas Sarkozy, alignée sur le consensus des droites européennes.

Nicolas Sarkozy a mené en 2008-2009 une des politiques de relance face à la crise financière les moins efficaces d’Europe. Refusant de remettre du pouvoir d’achat et de l’investissement directement, il a préféré mobiliser d’énormes moyens dans des baisses d’impôts, de TVA, pour relancer la consommation, sans cibler ni conditionnalités. Une bonne partie de cette relance a financé… l’industrie allemande.

En 2010, face à la dégradation des comptes et du commerce extérieur, Sarkozy a décidé de se rallier au plan d’Angela Merkel de faire de la consolidation budgétaire. L’économie européenne n’était pas encore repartie d’une manière harmonieuse. De nombreux pays avaient découvert des systèmes particulièrement nocifs et désastreux pour les finances publiques laissés par les gouvernements de droite précédents en Italie, en Grèce, en Irlande, au Portugal. La relance du système financier laissait aussi d’énormes liquidités en recherche d’investissements.

Couper les politiques de relance, c’était se priver de ces liquidités, c’était prendre le risque d’une récession en pleine croissance mondiale, c’était également rendre la dette publique européenne vulnérable à des attaques spéculatives. L’équivalent du ministre des finances d’Obama, Timothy Geithner, a raconté dans ses mémoires comment il a essayé, sans succès, de convaincre Sarkozy, Trichet, Barroso et Merkel de ne pas s’engager dans cette voie. A la sortie de son livre, un magazine a révélé qu’il avait qualifié en réalité cette politique de « stupide ».

Des excédents commerciaux allemands inutiles

Nous sommes dans la continuité de cette politique depuis. L’Allemagne stagne. Depuis 2019, l’Allemagne n’a pas connu de croissance ! Ah, les excédents commerciaux sont là, mais ils ne servent à rien, n’étant pas transmis aux Allemands mais confisqués par les plus riches du pays. L’extrême droite, inexistante en 2010, est dans les sondages le premier parti d’Allemagne en 2025.

La France stagne à son tour. Citons la dépêche AFP sur les chiffres de la croissance :
« Au premier trimestre, la croissance de la deuxième économie de la zone euro a souffert d’une consommation des ménages sans dynamisme, stable après une progression de 0,2% au cours des trois mois précédents. Les investissements ont continué à évoluer en territoire négatif (-0,2% après -0,1%): tant pour les entreprises que les ménages et les administrations publiques.
Contexte politique instable
La contribution du commerce extérieur est également négative (-0,4 point) en raison d’une nette diminution des exportations (-0,7%) alors que les importations ont augmenté de 0,4%.
»

Depuis 15 ans, ce sont les mêmes paradigmes qui sont employés, en France et en Europe, pour un échec complet. En France aussi, l’extrême droite est devenue le premier parti en voix. Le RN ne sait pas comment construire des alliances majoritaires, espérant devenir seule hégémonique, et cette médiocrité profonde est la seule bonne nouvelle de la période. Il s’est pourtant aligné sur les positions économiques sur les idées de Sarkozy, de Hollande et Moscovici, de Macron, Le Maire, Bayrou ou Retailleau.

Ne pas tirer toutes les conséquences de l’échec

Au départ, Mario Draghi est un banquier classiquement néolibéral. Mais il a eu au moins un mérite : éviter la catastrophe économique à la zone euro en faisant adopter à la BCE, contre l’Allemagne, une politique monétaire accommodante et moins austéritaire. En ce sens, il a forcé les tenants de la rigueur à s’éloigner d’une lecture stricte des traités. Et il en est même arrivé à la conclusion des Américains : il faut aussi actionner le levier budgétaire pour relancer l’économie, mais sans se départir, comme les Américains, de l’obsession de la dérégulation, c’est-à-dire d’une déformation durable du partage de la valeur ajoutée en faveur du capital.

Au final, lui aussi reconnaît dans le rapport qu’il a remis un retard d’investissement de 5 points de PIB pendant dix ans en Europe. Mais, loin de constater que la politique menée depuis 15 ans n’a de vainqueur qu’une seule catégorie d’Européens, ceux gagnant plus de 10 000 euros net par mois, ou accumulant du capital pour ne plus vivre de leur travail, Draghi veut investir en continuant de favoriser le capital contre le travail.

C’est cela le changement de paradigme dont on a besoin : remettre la politique fiscale, budgétaire, publique, et l’investissement au service des forces vives du travail. Même la contribution dite de « nouveau socialisme » de Philippe Brun ne le dit pas dans le débat du PS. La gauche radicale refuse d’en parler, pensant que la lutte culturelle, partant des discriminés, se suffit à elle-même pour dénoncer les abus du capitalisme contemporain. Or, en se concentrant sur ces luttes, nécessaires par ailleurs, on manque la big picture.
La lutte au niveau des conséquences micro-économiques des politiques ne permet pas de révéler le tableau dans son ensemble, ni de proclamer la solidarité des intérêts de toutes les classes qui travaillent – les 99%.

Ce changement de paradigme doit s’accompagner d’une réflexion profonde sur la nature des crises des 25 dernières années. Le néolibéralisme et le rêve d’une « globalisation heureuse » est une doctrine de navigation sur un lac par beau temps, et non un manuel pour survivre au Vendée Globe Challenge. L’équilibre des marchés est censé créer un monde où la crise est impossible. Dans ce modèle, le chômeur est forcément responsable de son chômage, le modèle en équilibre proclamant l’impossibilité du chômage.

Mais ce monde parfait n’existe pas.

Les théories manquent de prédire, de modéliser les crises. Ces modèles pensent l’homo economicus, le modèle du comportement rationnel de l’agent humain, immortel, et considère l’Etat, l’agent public, mortel. C’est ainsi que l’acteur humain est privé de considérations liées à sa nature, pendant que l’on exige de l’Etat de se gérer comme un ménage devant rembourser ses dettes. Ces modèles rejettent l’idée que l’homme, face à la mort, choisisse le réconfort de la solidarité. Ils veulent des individus isolés, égoïstes, jouisseurs. La réflexion morale est absente des modèles.

A partir de là, le refus des exigences du vivant prend des tours accablants. Le marché agro-alimentaire est traité comme s’il n’y avait ni saison, ni climat, ni maladies. La crise géopolitique n’existe pas dans les modèles. La rationalité économique exclut pour la Russie d’envahir l’Ukraine, alors on anticipe pas l’impact économique de ce choix géopolitique.
On peut dérouler longtemps.

Retrouver les fondements d’une alternative

Le penseur économique qui a donné des théories explicatives des crises s’est confronté aux trois événements dramatiques du demi-siècle où il a vécu. En 1914, il sauve le système financier britannique à la déclaration de guerre, qu’aucun économiste n’avait prévu, la guerre étant rationnellement une perte économique. C’est lui qui conseille le gouvernement dans la mise en place de l’économie de guerre qui permettra la victoire.
Il critique dès 1919 le traité de Versailles comme « stupide » et son livre prévoit les crises qui suivirent. Cela lui coûte en crédit, on le mets de côté. C’est ce qui lui permet de théoriser la pratique de gestion des crises qu’il vient de mener en pratique.

En 1929 il a des idées pour surmonter la crise mondiale, mais les théoriciens du marché et de la consolidation budgétaire n’en veulent pas. C’est Roosevelt, aux Etats-Unis, qui s’inspire de cet économiste pour la relance de l’économie. En 1940, il devient de nouveau une voix écoutée face à l’énorme défi de l’économie de guerre face à Hitler et au militarisme japonais. Il construira des esquisses de plan de reconstruction européenne mais meurt prématurément après la victoire.

Cet économiste, c’est Keynes.

Voilà les changements de paradigmes :

  1. Reconnaître la brutalité extrême, déséquilibrée, du capitalisme après 25 ans de consensus néolibéral, de foi dans le marché comme régulateur des sociétés humaines, et du commerce comme facteur de paix et de progrès.
  2. Reconnaître l’absence totale de fiabilité des modèles économiques dominants face aux crises, qu’elles soient externes au système économique (attentat de 2001, guerre de 2022), conséquences indirectes d’un système où le contrôle public est désavoué (pandémie COVID en 2020, pour les éleveurs les répétitions de pandémies animales), où internes (crise financière de 2008). La crise de 2025 est à la conjonction de toutes ses crises et enfonce le clou dans le cercueil néolibéral.
  3. Rallier les retours d’expériences et les théories de gestion de crise et de prévision de celles-ci ; c’est-à-dire, les théories écartées depuis 40 ans des chaires académiques. Le keynésianisme est un système de départ.
  4. Dénoncer le partage inouï en faveur du capital contre le travail, car c’est ce qui permet de retrouver les solidarités et les universalités des intérêts dans toutes les Nations. Oui, il s’agit d’empêcher une oligarchie mondiale de s’imposer. Oui, cela dépasse la somme de toutes les luttes car cela concerne même des classes, travaillant, qui pensent être elles-mêmes dominantes, alors qu’elles-aussi stagnent dans le partage des richesses.

Il nous faut repenser tout le système, toute la méthodologie quotidienne de l’action, et mettre à genoux les puissances d’argent.

Mathieu Pouydesseau et Laurent Miermont

Les Françaises votaient pour la première fois voici 80 ans

Le 29 avril 1945, voici 80 ans jour pour jour, les citoyennes françaises votaient pour la première fois, lors du premier tour des élections municipales. On dit que c’est l’ordonnance du 21 avril 1944, passée alors largement inaperçue dans la France occupée, signée par le Général De Gaulle qui leur avait préalablement accordé ce droit, mais cette ordonnance venait sanctionner un débat houleux au sein de l’Assemblée Consultative de la France Libre à Alger le 24 mars 1944.

Le droit de vote féminin arraché in extremis

Le chef de la France libre s’était engagé dès le 23 juin 1942 dans cette direction : « En même temps que les Français seront libérés de l’oppression ennemie, toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l’ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée Nationale qui décidera souverainement des destinées du pays. » Le vote des femmes fait en effet partie du programme de modernisation de la société française voulu par de Gaulle. La question du suffrage féminin n’est pas mentionnée dans le programme du Conseil national de la Résistance en mars 1944. Aussi le Général De Gaulle confirmait le 18 mars 1944 devant l’Assemblée consultative son orientation « le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous ». Un sujet sur lequel il semblait plus convaincu que nombre de ces contemporains des deux sexes et, concernant les opinions traditionalistes de certaines femmes, il s’en désolait selon son fils le futur Amiral Philippe De Gaulle : « comment ne comprennent-elles pas qu’elles doivent exprimer leur avis au plan politique et social et en particulier d’abord dans la vie locale ? N’ont- elles pas d’emprise sur la ville, sur le village ? »

Pourtant le 24 mars, les représentants des Radicaux au sein de l’Assemblée consultative s’opposent encore comme ils l’avaient fait face à la volonté des socialistes d’instaurer ce droit de vote universel lors du Front Populaire en 1936 (en juillet la Chambre des députés se prononça l’unanimité par 475 suffrages pour le suffrage féminin ; le Sénat dominé par le Parti radical n’inscrivit jamais ce texte à son ordre du jour). C’est le délégué communiste Fernand Grenier qui portera le flambeau pour que la « femme française » soit désormais électrice et éligible, « afin que nous lui manifestions notre solidarité et notre volonté de ne plus la traiter en mineure, en inférieure ». Le Sénateur radical Paul Giacobbi mène les débats et tente de limiter toute avancée réelle : voudrait n’inscrire dans la loi que le principe de l’éligibilité des femmes, s’inquiétant du déséquilibre des sexes dans la France de l’après-guerre : beaucoup d’hommes étant encore prisonniers en Allemagne, accorder le droit de vote aux Françaises n’équivaudrait-il pas à « remplacer le suffrage masculin par le suffrage féminin » ? Sacré jésuitisme ! Et il faillit bien l’emporter. Mais Fernand Grenier finit par convaincre une majorité de délégués ; au soir du 24 mars 1944, l’amendement Grenier « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. » est finalement ratifié par l’Assemblée consultative d’Alger par 51 voix contre 16.

Voter pour le droit de vote

C’est pour cela qu’il faut souligner l’importance du vote du 29 avril 1945. Alors même que les combats ne sont pas terminés en Europe, que les troupes soviétiques affrontent les derniers carrés des fanatiques nazis dans les rues de Berlin, la veille du suicide d’Adolf Hitler, les femmes françaises décident de voter massivement pour ces élections municipales. Elles ont elles-même tordu le cou à la fable selon laquelle la majorité d’entre elles auraient considéré que ce n’était pas leur affaire, que les hommes n’avaient qu’à s’en débrouiller, qu’elles avaient des responsabilités et d’autres influences et n’avaient pas à perdre leur temps sur des questions politiques. Les femmes ont donc voté ce jour-là pour le droit de vote des femmes. Le scrutin municipal de 1945 fut fortement médiatisé, l’attention des journalistes étant presque entièrement focalisée sur le comportement des femmes, entre condescendance contre celles qui n’en maîtriseraient pas les codes et admiration pour la patience des femmes qui firent parfois plusieurs heures de queue afin d’accomplir pour la première fois cet acte citoyen. Les élections du printemps 1945 se soldèrent par une forte percée du PCF ; le vote féminin ne semble pas avoir introduit une révolution majeure dans la pratique électorale, ni déclenché la vague cléricale que redoutaient les radicaux.

Un trop long chemin

Comment ne pas souligner cependant le retard français par rapport aux autres démocraties : la Nouvelle Zélande a établi ce droit dès 1893, l’Australie en 1902 ; entre les deux guerres mondiales, d’autres pays encore nous devancèrent : la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, les États- Unis, mais aussi l’Inde, la Turquie ou encore le Brésil. Qui se souvient de la candidature de Marie Denizard à l’élection présidentielle de 1913, de celle de Marguerite Durand aux élections législatives de 1910 ou encore de Louise Weiss qui aurait refusé d’intégrer le gouvernement Blum en répondant « j’ai lutté pour être élue, pas pour être nommée » ? Combien de temps furent méprisées et humiliées les conseillères issues des élections municipales de mai 1925, Augustine Variot à Malakoff, Marie Chaix à Saint-Denis, Marthe Tesson à Bobigny et Marguerite Chapon à Villejuif ou Joséphine Pencalet représentante des Penn Sardines en lutte de Douarnenez : il y a souvent très peu d’écarts de voix avec leurs homologues masculins puisque leurs noms sont peu rayés, preuve que l’électorat est déjà prêt pour cette avancée. Pourtant, le conseil d’Etat annulera une à une ces élections dès janvier 1926, le préfet de la Seine n’hésitant pas à envoyer la police pour empêcher Augustine Viarot de siéger en avril 1926.

Comment ne pas souligner également qu’il aura fallu que Charles De Gaulle constate, avec une forme de paternalisme, leur courage à travers deux conflits mondiaux pour qu’il soit convaincu de leur accorder des droits civiques ; finalement, cela n’allait pas de soi par le simple argument de l’égalité humaine.

Continuer le combat

Aujourd’hui, ce droit semble acquis et la parité a installé dans les assemblées soumises au scrutin de liste la place de de l’élue comme incontournable. On connaît cependant les tactiques pour contourner la parité dans les partis conservateurs (avec une forme d’expertise des LR au Sénat en la matière) et on constate de scrutins en scrutins combien de partis sont prêts à accepter de payer des amendes importantes pour ne pas respecter l’obligation de parité dans les candidatures et dans les équilibres entre les sexes dans leurs groupes parlementaires ? La proportionnelle est sans doute un combat à mener sur ce chemin inachevé. Sans parler même de la vigilance face aux offensives réactionnaires toujours vivaces.

Frédéric Faravel

Le racisme anti-musulman tue, la République punira sans trembler

Vendredi 25 avril 2025, un fidèle musulman Aboubakar a été assassiné dans la mosquée de La Grand Combe, poignardé de plusieurs dizaines de coups de couteau, par un homme qui a pris à la fuite après avoir proféré des insultes contre l’Islam.

La Gauche Républicaine et Socialiste exprime sa solidarité avec les proches de la victime et sa communauté.

Nous rappelons que les lois de la République garantissent au premier chef la liberté de conscience, la liberté de croyance et la liberté de culte : personne ne doit être inquiété ou menacé pour sa pratique religieuse (réelle ou supposée) quand le respect des règles collectives est assuré.

Il est donc du devoir des autorités publiques de prendre toutes les mesures pour renforcer la sécurité devant les lieux de culte et de tout mettre en œuvre pour arrêter le meurtrier : la justice devra ensuite faire son office avec toute la fermeté que requiert l’horreur de cet acte avec la circonstance aggravante d’un crime haineux et terroriste.

Depuis de nombreuses années, l’extrême droite a trouvé une nouvelle manière d’habiller l’expression de son racisme, dimension essentielle de son idéologie. Pour rendre plus acceptable sa haine, elle a cherché à la maquiller en critique de l’Islam et de la place que cette confession occupe en France. Ce racisme anti-musulman n’est rien d’autre que la poursuite du racisme anti-maghrébin et anti-africain qui encourageait les « ratonnades » et les passages à tabac. Le changement de vocabulaire de l’extrême droite ne change pas le résultat final : il encourage comme avant le passage à l’acte et à la violence. Le meurtre d’Aboubacar ce vendredi nous rappelle à tous que le racisme … qu’il stigmatise les personnes à raison de leur origine, de leur aspect, de leur religion, de leur appartenance réelle ou supposée à tel ou tel groupe ethno-culturel … le racisme tue !

La République française est une république fondée sur la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Pour mettre en œuvre ces principes, elle est depuis 1905 laïque ce qui implique que toutes les confessions sont respectées de la même manière du moment qu’elles acceptent les lois de la République. Depuis cette date, c’est le cas de l’Islam comme toutes les autres ! Les autorités républicaines sauront le démontrer dans cette affaire en arrêtant et en punissant l’assassin de manière exemplaire.

C’est un enjeu de cohésion nationale.

La dette a remplacé l’impôt au profit des plus riches

Voici la représentation la plus saisissante sur combien la politique de l’offre, en appauvrissent l’Etat, enrichit les riches.

L’épargne des ménages a progressé du montant des recettes fiscales manquant à l’Etat.

Les ménages riches n’ont pas consommé ni investi l’épargne dans l’économie privée.

Ils ont acheté des bons du trésor (Le mécanisme est beaucoup plus complexe, mais en fin de compte ça revient à ça) : au lieu de lever l’impôt, l’État a redonné l’argent de l’impôt aux riches qui prêtent cet argent à l’État contre des taux d’intérêts. Ce serait plus simple et moins coûteux de revenir à l’imposition

Par ailleurs, la théorie selon quoi l’épargne finance l’investissement des entreprises est ici contredite (une nouvelle fois) de manière éclatante. L’État aurait investi ces fonds, l’impact sur l’économie privée aurait été plus bénéfique que ce que prévoyait la « politique de l’offre ».

La politique de l’offre n’a pas « libéré les énergies productives » ni « redonné de la compétitivité » et encore moins « rétabli les marges des entreprises pour qu’elles puissent investir ». Elle a alimenté la reconstitution du grand facteur de consolidation bourgeoise du XIXème siècle : la rente.

Notons par ailleurs que les politiques « pro business » ont créé des dizaines de mécanismes d’évitement de l’impôt sur les sociétés des multinationales.

C’est ce qui permet aux entreprises du CAC40 d’être 3 fois moins imposées que la PME artisanale, le restaurateur, ou la boulangerie.

Pour la France seulement, dans un papier écrit par le ministre des finances danois, le banquier central et l’économiste Gabriel Zucmann, le manque à gagner est de 23 milliards d’euros. C’est plus de la moitié de ce que le gouvernement français, en avril 2025, dit chercher comme économies pour boucler son prochain budget.

Créer des mécanismes d’évitement de l’impôt n’a pas suscité des investissements dans l’économie privée. En augmentant la rémunération du capital par le dividende et l’augmentation des valeurs boursières, la politique de l’offre a transformé la recette fiscale en réserves de liquidités accumulées par les plus riches, qui l’utilisent pour … prêter à l’État contre des intérêts.

C’était avant la première guerre mondiale un des arguments des bourgeois rentiers refusant l’impôt sur le revenu : ils participaient déjà au financement de l’État en achetant des bons du trésor. Les imposer leur ferait fuiter les capitaux et l’État perdrait en financement.

La réalité fut bien sûr toute autre. D’ailleurs, la période la plus longue de prospérité équitablement partagée entre travail et capital dans le monde démocratique a lieu lorsque les taux d’impôts sur le revenu sont confiscatoires pour les plus riches, les obligeant à investir plutôt qu’à accumuler de l’épargne : les trente glorieuses 1945-1975.

Il fallut plusieurs crises financières, dont celle de 1905 et celle, moins connue, de 1914, pour qu’un économiste bourgeois se rende compte du caractère suicidaire du système et propose une nouvelle manière d’agir et de penser : la politique de la demande.

Appliquée dès 1914, ses recommandations permirent à la Grande Bretagne de financer l’effort de guerre des alliés.

Elles ont ensuite accompagné le plan de reconstruction de l’Europe dès 1945. Cet économiste bourgeois et libéral, c’était John Maynard Keynes.

Mathieu Pouydesseau

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