Refonder la politique de l’habitat : un avis fort du CESE face à l’urgence !

L’avis du CESE sur « L’habitat et le logement face aux défis sociaux, territoriaux et écologiques » que Marie-Noëlle Lienemann a présenté le 8 juillet 2025, aux côtés de Maud Lelièvre, a été adopté à la quasi-unanimité (2 abstentions).
Il trace la voie pour résorber la crise du logement, répondre à l’urgence climatique et s’adapter aux nouveaux défis et modes de vie en France.

🚨 Un constat sans appel

🔸Niveau dramatique du nombre de mal-logés et de personnes sans domicile
🔸Les dépenses de logement représentent en moyenne 25% du budget des ménages, beaucoup plus encore pour les familles modestes
🔸L’accès à un logement abordable est de plus en plus difficile partout (2,8 millions de demandeurs HLM, accession sociale bloquée…), alors que la construction de logement chute dangereusement
🔸Isolation : retard important dans la rénovation, adaptation insuffisante aux fortes chaleurs

📄 Le rapport fait 22 préconisations autour de quelques axes forts

🔹 Une loi pluriannuelle de programmation, fondée sur la planification territoriale et des réponses adaptées: vieillissement, handicap, logement saisonnier, droit au logement, habitat rural
🔹 La régulation des prix du foncier et l’encadrement des loyers
🔹 La reprise de la production massive de nouveaux logements abordables et de qualité (objectif : 750 000 logements sociaux en 5 ans, relance de l’investissement locatif privé sous condition et de l’accession sociale)
🔹 Des outils pour construire la ville sur la ville, le village sur le village : neuf, reconfiguration de l’ancien, réutilisation des bureaux vides, mobilisation du parc vacant
🔹 Une stratégie foncière anti-spéculative et de sobriété
🔹 Une application renforcée de la Loi SRU et un troisième programme de renouvellement urbain pour avancer vers davantage de mixité sociale
🔹 La prise en compte du « confort d’été » dans toutes les rénovations, mise en place de véritables plans canicule (prévention & réponses d’urgence)
🔹 Un plan de végétalisation et d’accès à la nature partout

📃 Vous pouvez télécharger le rapport ci-dessous

et regarder la séance plénière (avec l’intervention de Clement Beaune Haut commissaire au Plan et de Valérie Letard ministre du logement)

« Sans alternative à l’offre actuelle, l’attractivité du train restera une ambition… et l’utilisation de la route, une évidence » Chloé Petat, tribune dans Marianne

Dans cette tribune publiée dans Marianne le 7 juillet 2025, Chloé Petat, autrice de La révolution ratée du transport ferroviaire au XXIe siècle (Le Bord de l’eau), revient sur l’ouverture à la concurrence de la SNCF, non seulement sur le marché ferroviaire lui-même, mais surtout sur la concurrence indirecte que représente la route, un enjeu souvent négligé. Elle souligne notamment que la hausse des tarifs des billets de train accentue cette problématique.

Depuis l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence, la SNCF n’est plus seule sur les rails français. De nouveaux opérateurs ferroviaires apparaissent progressivement, à la fois sur les parties fret et voyageurs (TGV, trains express régionaux, trains d’équilibre du territoire). En revanche, beaucoup plus surprenant, le premier concurrent du rail figure, lui, dans l’angle mort du débat public : il s’agit de la route. Le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis 2006. Le marché s’est largement fragmenté avec l’arrivée de nouveaux acteurs (DB Cargo, Captrain, Lineas, etc.) mais le fret SNCF a réussi à conserver plus de 50% des parts de marché. La réforme de 2024 qui démantèle l’entité Fret SNCF en deux entités distinctes, Technis et Heaxfret, va encore rebattre les cartes et cette répartition.

L’ouverture à la concurrence sur le marché ferroviaire de voyageurs est quant à elle effective depuis 2020. Plusieurs nouveaux entrants ont émergé comme la Renfe (sur la ligne Paris-Lyon-Barcelone), Trenitalia (sur les lignes Paris-Lyon-Milan et Paris-Marseille plus récemment), ou encore Transdev qui a commencé à exploiter la ligne TER Marseille-Nice en juin 2025. Cette concurrence est encore limitée puisque la SNCF conserve une quasi-hégémonie sur le territoire (plus de 90% des parts de marché).

En 2022, 80% des déplacements se sont effectués en voiture

En réalité, la concurrence ne se joue pas qu’au sein du marché ferroviaire mais également avec le secteur routier. La route n’a cessé de grignoter des parts de marché sur le secteur du transport voyageurs et de marchandises ces dernières décennies, à tel point qu’aujourd’hui, le train représente seulement entre 9 et 10% des déplacements de voyageurs et de marchandises, contre 80-90% pour la route (Ce pourcentage est proche mais diffère pour le transport de voyageurs et le transport de marchandises).

En 2022 en France, 80% des déplacements se sont effectués en voiture, 10% par le train, 2% par les bus, 2% pour l’aérien (vols intérieurs), 5% par les transports urbains. Pour le fret, 89 % des déplacements sont effectués par la route, contre 9% pour le rail et 1% par les voies navigables (source : Chiffres clés des transports – Édition 2024 | Données et études statistiques1). Cette évolution de la part modale au profit de la route s’explique par un certain nombre de facteurs notamment géographique et économique.

D’abord géographique par la couverture territoriale. La voiture permet de relier directement n’importe quel point du territoire, y compris les zones rurales ou périurbaines insuffisamment desservies par les transports en commun. En comparaison, le réseau ferroviaire, bien que dense, reste concentré autour des grandes villes et des axes majeurs : près de 30% des communes françaises ne sont pas desservies par une gare, ce qui rend le train inaccessible pour une partie significative de la population.

Le maillage routier et la loi Macron de 2015 permettent aujourd’hui à des compagnies comme Flixbus, qui possède une situation quasi-hégémonique sur le marché, de proposer une offre élargie faisant concurrence directement au transport ferroviaire.

Des tarifs élevés pour le train

Ensuite économique par la question du prix. Les tarifs des billets ferroviaires peuvent apparaître comme élevés et ainsi très dissuasifs pour les voyageurs au regard du coût d’un trajet en voiture (qui est lissé sur la période de propriété du véhicule). Les libéralisations du marché du fret routier dans les années 1990 et celle du marché des autocars longue distance en 2015 ont également permis de faire baisser le coût des déplacements routiers. Il est notamment possible pour les entreprises exerçant sur le secteur de faire appel à des salariés étrangers et / ou des sous-traitants étrangers réduisant ainsi les coûts salariaux.

Ensuite, la fiscalité varie entre la route et le rail. Contrairement au rail, le maillage routier permet d’emprunter le réseau routier national gratuit permettant de ne pas payer de péages contrairement au ferroviaire. De plus, il n’existe à ce jour aucune taxe ni sur les poids lourds ni sur les autocars qui génèrent pourtant de nombreuses externalités environnementales négatives.

Ainsi, en comparaison avec le rail, le routier profite donc d’un réseau mieux maillé lui permettant de desservir davantage de territoires et surtout d’une fiscalité avantageuse qui a une incidence sur les prix. Ainsi, si l’ouverture à la concurrence ferroviaire permet l’émergence de nouveaux acteurs, la route reste sans contestation le principal concurrent de la SNCF, tant pour les voyageurs que pour le fret. Le rail ne pourra rivaliser que si l’on établit une fiscalité équitable, une tarification incitative en faveur du ferroviaire et surtout si des investissements financiers suffisants sont mis en œuvre pour rénover le réseau (notamment les petites lignes) et mieux mailler le territoire.

Dans une perspective écologique, il est aujourd’hui urgent de proposer une réelle alternative à l’utilisation de la route et de la voiture individuelle. À défaut, l’attractivité du train restera une ambition… et l’utilisation de la route, une évidence.

Chloé Petat

  1. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-des-transports-edition-2024-0 ↩︎

Dans Le Monde, « La crise de recrutement des enseignants est désormais structurelle, et on n’entrevoit pas de perspective de résolution mécanique »

Un entretien passionnant et alarmant qu’il nous est apparu nécessaire de relayer. Alors que les concours sont une fois encore déficitaires, Johanna Barasz, autrice d’une enquête sur l’attractivité du métier d’enseignant pour le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, décrypte dans Le Monde les ressorts d’une crise du recrutement, mais aussi de la fidélisation des enseignants.

Le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan a publié, le 18 juin, une étude intitulée « Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer ». L’autrice de l’analyse, Johanna Barasz, expose les principaux enseignements de cette enquête quantitative et qualitative sur les singularités et les ressorts d’une crise du recrutement plus inquiétante que toutes celles que l’éducation nationale a connues.

L’éducation nationale a déjà connu des difficultés de recrutement par le passé. Qu’est-ce qui distingue la crise actuelle des précédentes ?

L’éducation nationale a en effet déjà été confrontée à des épisodes de crise, qui étaient principalement dus à deux phénomènes. D’une part, la croissance de la démographie scolaire et, d’autre part, l’élévation continue du niveau de recrutement des enseignants, qui a régulièrement provoqué des problèmes assez massifs de recrutement.

Johanna Barasz, autrice de l’enquête sur l’attractivité du métier d’enseignant pour le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, le 26 mai 2025

La crise actuelle est différente. La baisse des candidatures s’inscrit dans un temps long, elle est généralisée – avec d’importantes nuances, certes – à tous les concours, et elle est déconnectée des deux facteurs que je viens d’évoquer. Elle est également déconnectée de la situation économique, et ne s’explique pas non plus par les évolutions du nombre de postes offerts au concours, auquel les effectifs de candidats se sont longtemps ajustés.

On peut désormais sans conteste parler d’une crise structurelle, et on n’entrevoit pas de perspective de résolution mécanique puisque le vieillissement de la population enseignante va entraîner des départs à la retraite massifs dans les prochaines années, alors même que les viviers universitaires se tarissent dans plusieurs filières menant à l’enseignement.

L’éducation nationale connaît également une hausse des démissions. A quel point ce phénomène est-il inquiétant ?

La « fidélisation » des enseignants est un problème relativement nouveau pour l’éducation nationale. Rapportées aux effectifs totaux d’enseignants, les démissions sont marginales, mais rapportées au nombre d’enseignants qui quittent chaque année l’éducation nationale, elles dessinent un phénomène beaucoup plus préoccupant : elles représentent 15% des départs annuels, contre à peine 2% il y a dix ans. Et elles ne sont plus l’apanage, comme cela a longtemps été le cas, des stagiaires : l’augmentation des démissions est désormais portée par des enseignants de plus de cinq ans d’ancienneté, qui constituent 60% des démissionnaires.

Vous parlez d’un effet « boule de neige » de la perte d’attractivité…

En dégradant les conditions de travail de ceux qui restent, la pénurie engendre la pénurie. Par exemple, les difficultés de recrutement rigidifient le mouvement des enseignants et se traduisent par des difficultés de plus en plus importantes à obtenir une mutation.

C’est une dégradation manifeste de la qualité de leur emploi, vécue par les professeurs mais également perçue par les étudiants que nous avons interrogés, qui craignent d’être maintenus dans les territoires en tension. Cela affecte directement l’image du métier et donc la capacité à recruter.

Quels sont les ressorts de cette perte d’attractivité, alors même que les enseignants affirment massivement qu’ils aiment leur métier ?

Les enseignants adorent leur métier, 92% d’entre eux disent ne pas regretter leur choix. Mais ce qu’ils veulent avant tout, c’est avoir les moyens de bien le faire. Or, ils ont de moins en moins l’impression de pouvoir remplir leur mission auprès des élèves en raison de la dégradation perçue des conditions de travail et d’un manque de moyens.

Notre enquête montre également à quel point les relations dégradées avec leur hiérarchie administrative, le manque de reconnaissance ou encore la succession des réformes, qui ressort très nettement dans notre enquête comme un motif de découragement, alimentent leur malaise. Tout cela nourrit un profond sentiment de perte de sens qui pèse lourdement sur la profession.

Bien que les enseignants aient une meilleure image qu’ils ne le pensent, ce sentiment de détérioration des conditions d’exercice est bien perçu à l’extérieur. On voit le métier comme « sacrificiel », qu’on estime, mais qu’on ne veut pas forcément exercer.

L’enjeu des rémunérations est aussi souvent évoqué par les enseignants. Les hausses de salaire décidées depuis 2022 n’ont-elles eu aucun effet ?

Le taux d’insatisfaction salariale reste singulièrement élevé. La rémunération s’apprécie au regard de l’engagement demandé, du niveau de qualification et de la comparaison avec d’autres métiers que l’on aurait pu exercer.

Or, quand les enseignants se comparent à leurs homologues d’autres pays ou aux autres fonctionnaires de catégorie A, ce qu’ils sont eux-mêmes, ils sont perdants, et même de plus en plus perdants. Le métier n’a jamais été bien payé, mais ce sacrifice salarial a longtemps été compensé par une série d’avantages. Cet équilibre-là paraît rompu.

Les mesures de revalorisation sont connues par les enseignants, mais elles n’ont pas changé l’image d’un métier mal payé. Dans notre enquête, quand on demande aux gens, notamment aux étudiants, combien sont payés les enseignants en début de carrière, ils répondent « autour du smic », « 1 500-1 600 euros ». Le fait que le salaire d’entrée des titulaires soit désormais à 2 100 euros n’est pas intégré.

Le gouvernement a engagé une réforme de la formation initiale et en fait un levier majeur pour améliorer l’attractivité. Cela vous paraît-il suffisant au regard de l’enjeu ?

Le renforcement de la formation initiale est une bonne chose, la question de la place du concours dans le cursus des étudiants est une dimension importante, mais il faut réfléchir plus largement à reconstituer les viviers universitaires : dans certaines filières, le nombre d’étudiants est réduit bien avant la 3e année de licence. Et il nous semble important d’avoir une stratégie globale et d’agir simultanément sur l’ensemble des leviers : reconnaissance, rémunération, mutations, conditions de travail, image du métier…

Cette crise ne se résorbera pas d’elle-même. Il faut restaurer l’équilibre entre le sens du métier, la reconnaissance de celui-ci, et les conditions d’exercice, si on veut avoir non seulement suffisamment d’enseignants quantitativement, mais aussi suffisamment d’enseignants bien formés qui se projettent durablement dans ce métier.

propos recueillis par Eléa Pommiers
entretien publié dans Le Monde le samedi 5 juillet 2025

Entre prédation et sobriété juste, faire le bon choix

Comme son nom l’indique, l’écologie concerne à la fois le cadre naturel (sols, eaux, air – climat, biodiversité) qui peut être considéré comme un support et/ou une ressource et les usages d’inscription des populations dans ce cadre (habitats, infrastructures, énergies, mobilités, etc.). Ces deux aspects interagissent au gré des décisions plus ou moins responsables des humains, structurées par les idéologies que ceux-ci élaborent pour décrire leur relation au monde naturel et physique voire physiologique.

Les lois, règles et règlements tentent de codifier les modalités d’inscription des activités humaines censées satisfaire les besoins élémentaires de l’humanité, voire son émancipation de ces contraintes physiques dans un cadre moral et partagé. D’où les conséquences sociales et les rapports de force politiques qui, à leur tour, impactent le cadre naturel.

S’agissant du cadre naturel, après une longue période prolongeant la 1ère révolution industrielle (et les suivantes) fondée sur la découverte des usages que l’on pouvait tirer de l’exploitation des ressources naturelles et sans précautions aucune, les signaux obtenus en retour nous font percevoir leur finitude et les dangers qu’il y aurait à les outrepasser.

Mais comment se résoudre à la frustration du mode de vie que cela nous a procuré et plus encore à celle que les populations qui aperçoivent enfin la possibilité d’y accéder ?

L’extractivisme doit prendre en compte les données très réelles du potentiel restant. Même les grandeurs les plus considérables que sont l’eau et l’air sont susceptibles d’être affectées dans leurs qualités intrinsèques au risque de ne plus être une ressource mais de possibles dangers. Sans compter que les idéologies elles-mêmes posent problème en ne réglant pas les questions de répartitions et de respect des limites physiques.

Il est donc temps que nous prenions conscience de ces paramètres et qu’en responsabilité nous indiquions comment il est possible d’occuper ce cadre naturel – cette planète – durablement et pour toutes les populations qui y ont universellement droit.

Il s’agira certainement de sobriété mais aussi des modalités pratiques réglementées dans un souci d’équité et de justice sociale.

S’agissant des usages, l’occupation des espaces, dans le respect de leurs qualités physiques, est un premier marqueur de la capacité à organiser, dans la justice sociale, la répartition de l’impact humain. S’en suivent, l’organisation des territoires en termes d’infrastructures – de mobilités, énergétiques, de gestion/réparation des pollutions – et de productions industrielles et agricoles, sans oublier les espaces de loisirs. Et ce dans le cadre naturel – espaces naturels inaccessibles et inexploitables : forêts, déserts, montagnes, océans, etc. – qui dépasse largement nos capacités d’aménagement.

Chaque élément d’infrastructure correspond à une prédation dont il convient de limiter l’impact sur les équilibres de l’ensemble. Dans le même temps où ils participent de l’habitabilité de la planète et de la satisfaction des besoins de ses habitants. Il s’agit donc de s’assurer de son moindre impact et/ou de sa compatibilité avec les ressources naturelles qu’il « aménage ». Et de sa réelle valeur en termes de résolution des besoins élémentaires des populations qu’il est censé servir – dans un cadre moral et égalitaire, démocratiquement retenu.

Les sols : qu’il s’agisse de leur occupation ou de leur exploitation, sont en qualité et quantité des valeurs finies. Leur modification physique par l’usage qui en est fait doit être évaluée et leur dégradation doit faire l’objet d’une décision consciente et partagée. Nul ne peut impacter leur nature sans en obtenir l’autorisation par l’ensemble de la communauté.

L’eau est un cycle universel et constant. Il peut néanmoins être perturbé par des usages excessifs, relevant d’accaparements abusifs et inconsidérés ou par des implantations d’infrastructures contrariant son libre écoulement. Là encore il s’agit de coordonner, après des études indépendantes des commanditaires, le « possible » sans risque pour les usages voisins et le respect de la valeur intrinsèque des éléments naturels.

L’air : on sait maintenant à quel point les usages et les productions humaines ont pu et continuent de modifier la composition originelle de l’atmosphère qui englobe notre terre, au point d’en affecter les climats. Pour autant, nous pouvons mesurer les modifications qu’il faudrait opérer dans les usages de nos sociétés développées – qui ne sont qu’une partie de l’ensemble – pour, si ce n’est retrouver, du moins tenir dans des limites acceptables les paramètres qui régissent les éléments atmosphériques. Réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, limitation des molécules et particules rejetées par les usages industriels, agricoles, liés aux mobilités et aux habitats.

Ce sont des efforts considérables qui ne concernent pourtant qu’une partie de la planète, la majorité des sociétés n’ayant pas atteint le niveau de développement des pollutions liées à leurs usages. On se perd en conjonctures sur les voies et moyens d’exister sans tout détruire.

Devant un tel défi, les idéologies tentent d’élaborer les plans de transition vers un retour à la raison, à la compatibilité d’un système d’usages avec les valeurs physiques du cadre. On en est à évaluer le nombre de planètes qui seraient nécessaires à la neutralité, au jour de l’année à partir duquel nous avons atteint les limites physiques des ressources de la planète. On craint que cela ne finisse mal, soit par un collapsus général, soit du fait d’affrontements idéologiques.

Sans doute trouverons-nous des solutions technologiques pour amoindrir les effets du mal qui a déjà été commis mais on se doute tout autant que cela ne sera pas suffisant. C’est un mode d’usages différents qu’il s’agit d’élaborer, en prenant en compte l’ensemble des habitants qui ont un droit égal à habiter la planète, dans de bonnes conditions de santé, de développement et d’émancipation.

La biodiversité animale et végétale : longtemps considérée comme un souci accessoire, tant du fait de son ancienne rivalité avec le genre humain – en termes de partage des ressources alimentaires et de dangerosité réelle ou supposée – que de son incapacité à faire valoir ses droits (!), on en vient pourtant à s’imaginer que la planète et ses ressources ne serait pas la même sans la présence et les interactions de ces espèces douées de sensibilité. Ressource alimentaire – exploitée au-delà de toute raison – mais aussi agent du climat, des relations biologiques inter-espèces, tantôt « nettoyeur », tantôt fécondateur, il s’agit, quoi qu’on en pense, d’un élément constitutif du cadre naturel dans lequel nous avons établi nos vies. Nous ne sommes qu’au seuil de la prise de conscience de son rôle irremplaçable dans les fonctions biologiques de l’environnement et à quel point il serait dangereux, pour nous même en tant qu’espèce, de l’asservir jusqu’à en menacer l’existence.

Quand on considère à la fois la finitude des ressources et le respect avec lequel qu’il convient de faire usage des celles-ci, dans le contexte d’une démographie qui a d’ores et déjà explosé depuis l’ère préindustrielle, on comprend bien qu’il y a nécessité d’une révision drastique du mode de développement des usages conçus dans le cadre circonscrit à « l’occident développé ».

Nul doute qu’il y a un système de pensée, une conception générale du cadre naturel et des usages qui s’y inscrivent, à la base de la manière dont cela a été développé depuis les Temps Modernes et dans le périmètre de l’Occident.

Un modèle prédateur, sans souci de sa soutenabilité, optimiste quant aux solutions que sa science naissante et sa technologie seraient en mesure de résoudre tous les problèmes à mesure qu’ils apparaitraient. Enfin, parfaitement égoïste, jouisseur et violent.

C’est à la fois le libéralisme en tant que philosophie, le capitalisme en tant que moteur du développement exponentiel et la violence en tant que rapport au monde qui se répandent sur la planète dès les premières conquêtes de la Renaissance, plus encore à partir des Lumières et des premières révolutions politiques puis industrielles, enfin l’impérialisme qui achève le modèle dominant jusqu’à présent. Sans en être comptables, nous en sommes les légataires à défaut d’en être les héritiers. Et il nous échoit de faire le constat du désastre tant humain (politique) qu’environnemental auquel ce puissant mouvement a conduit la planète. Mais il n’était pas univoque et a toujours contenu un mouvement de contestation, tant de ses méthodes que des situations auxquelles il conduisait.

Ne serait-ce que du fait du profond système d’inégalités qu’il a continûment imposé, non seulement vis à vis des populations colonisées mais avant tout vis à vis de celles et ceux qu’il a inscrit dans un système de domination de son propre contingent. La violence étant à la base de son rapport au monde, c’est un système politique de domination des masses par une élite aristocrate, prolongée par une bourgeoisie marchande qui s’est développé à partir de l’occident « très chrétien ».

Or dans ce système le cadre naturel n’est qu’une ressource que l’on peut piller, pour peu qu’on ait les capitaux susceptibles de mettre en œuvre les dernières connaissances en matière d’extraction, de culture intensive, de détournement des ressources en eau et en énergie, d’achat à moindre coût de main d’œuvre (potentiellement gratuite du fait de l’esclavage), d’exploitation des plus faibles.

Cadre naturel et masses humaines sont pris dans une même « machinerie » à créer de la plus-value et du profit : le premier est pillé sans retenue (et plutôt salement), les secondes sont exploité individuellement et collectivement. Les règles et les lois, à peine naissantes, sont à la main de ceux qui ont l’argent et, de fait, l’oreille du pouvoir (qui s’appuie lui-même sur l’argent).

Il faudra bien des luttes – du sang et les larmes – pour que les masses laborieuses, celles qui élaborent les produits, objets du profit, parviennent à se distinguer de la « matière » que l’on extrait et que l’on façonne.

C’est pourquoi il y a incontestablement un rapport entre la violence extractiviste et l’exploitation des masses laborieuses. L’une et l’autre font l’objet du même manque de respect quant à leur nature et à leur fragilité, du même cynisme quant à leur exploitation sans limite.

De ce parallèle, il devrait être possible à la fois de mobiliser sur la modération qu’il devrait y avoir dans nos modes de productions et de rapport au cadre naturel, et de revendication d’un meilleur partage des richesses. Celles et ceux qui voient bien que leur travail est revendu X fois ce qu’il leur est payé, peuvent parfaitement comprendre que la détérioration du cadre dans lequel ils inscrivent leur vie est aussi un abus d’usage des ressources exploitées par les mêmes qui leur achètent si piteusement leur force de travail. Au point même de mettre en danger leur capacité à la reconstituer du fait d’un air pollué, d’une eau de qualité douteuse, d’aliments empoisonnés, de dangers climatiques, etc.

Faire le lien entre ces deux situations critiques, dues au même système prédateur et irresponsable, profitant des mêmes effets d’un déséquilibre assumé en raison de l’accumulation de profits tirés d’un même système de pensée spoliant indifféremment le cadre naturel et les populations inscrites, devrait permettre une prise de conscience.

Une prise de conscience en faveur d’un type de développement respectueux des équilibres naturels finis et d’une conception de la vie en société qui fasse place, durablement, à toutes les existences dans leurs aspirations les plus légitimes.

Bruno Lucas

La Bérézina des régimes d’Afrique de l’ouest


Depuis le départ de l’armée française, qui a symbolisé la fin de la Françafrique, l’Afrique occidentale est en pleine impasse politique et sécuritaire sous tutelle russe.

Le premier semestre de l’année 2025 a été marqué par de nouveaux retraits de l’armée française en Afrique occidentale, un reflux qui devrait se poursuivre en Côte-d’Ivoire, au Gabon et au Sénégal, d’un commun accord avec les autorités de ses pays francophones.

On se souvient que les précédents retraits du Mali (août 2022), du Burkina Faso (février 2023), du Niger et plus récemment du Tchad (décembre 2024 – janvier 2025) s’étaient opérés sous la contrainte et dans la tension (particulièrement au Niger, avec le psychodrame autour de l’ambassadeur de France au second semestre 2023), sur fond d’offensive diplomatico-militaire russe et diplomatico-commerciale chinoise.

Quel est le résultat de ce désengagement militaire français en Afrique de l’Ouest chez les pays concernés et sur leurs voisins ? Nous vous proposons de passer en revue la situation politique et sécuritaire au Mali au Burkina Faso et au Togo.

Mali : dictature, jihadisme, emprise et échec

Les témoignages de rescapés de prisons secrètes du groupe Wagner émergent progressivement du silence dans lequel la junte au pouvoir à Bamako aurait voulu qu’ils restent. La presse y est effectivement particulièrement muselée. C’est donc en Mauritanie, où sont réfugiés près de 300 000 Maliens dans le Sahara, que les journalistes du collectif forbidden stories ont pu recueillir ces paroles rares des victimes.

Des témoins qui révèlent les arrestations arbitraires et les tortures opérées par les mercenaires russes du groupe Wagner avec la complicité des forces armées maliennes, dans leur camp ou sur d’anciennes bases de l’ONU. Ainsi un ancien humanitaire malien Wangrin a expliqué avoir subi des simulacres de noyade, la tête plongée dans une bassine d’eau jusqu’à ne plus pouvoir respirer, avant d’être frappé à la tête, au ventre, des coups de bâton, de câbles électriques. Les mercenaires russes et l’armée malienne cherchaient à savoir à qui pouvait bien appartenir un talkie-walkie utilisé par des djihadistes. Dix mois après s’être exilé en mauritanie, il est toujours hanté par la musique russe qui résonnait dans le camp militaire de Nampala.

Autre témoignage, autres séquelles physiques et psychologiques avec Nawma, un boutiquier peul brûlé au ventre et « attaché dans une douche, complètement nu, pendant sa détention ». Quant à Ismaïl, il a passé près de 40 jours dans un conteneur, sous un soleil de plomb : « ils ont brûlé les mains de certains prisonniers, d’autres sont devenus infirmes des jambes. Ils n’ont pas de limites » ; les mains d’Ismaïl portent encore les traces de cette torture : « Le plus dur pour nous, c’était de creuser dans le gravier – du travail forcé –, le genre de gravier qui est utilisé pour faire l’asphalte, c’est ce que nous devions creuser ». L’enquête du collectif forbidden stories est accessible en ligne1.

A la tête du Mali, le général Assimi Goïta vient d’obtenir de ses ministres, sans élection, un mandat de chef de l’État de 5 ans « renouvelable ». Le chef de la junte s’était pourtant engagé à remettre le pouvoir aux civils au plus tard en mars 2024. Une vision « osée et assumée » de la transition, selon le journal malien Le Pays2, manière très particulière d’évoquer la récente dissolution des partis politiques pour « établir un nouvel environnement politique assaini, plus organisé. » On croirait lire du Pinochet dans le texte. Le même quotidien saluait également le bilan sécuritaire contre les terroristes, au Mali.

Sauf qu’en réalité, la situation ne s’est pas améliorée, ainsi que le rappelle depuis l’Algérie voisine le média TSA3, ou un spécialiste de la défense, explique le contrecoup de la stratégie Wagner. les mercenaires russes « ont agi avec tellement de brutalité que la majorité des Maliens du nord aujourd’hui ont basculé dans le camp séparatiste ». Aujourd’hui, les mercenaires du groupe Wagner « quittent le Mali sans victoire » : « des attaques contre les bases de l’armée malienne, au nord, sont quotidiennes et Wagner a échoué par deux fois à prendre Tinzaouatène », à la frontière avec l’Algérie. Pire, plus au sud, « Bamako est encerclée par la Katiba Macina », une unité djihadiste. Le départ de Wagner constitue un « aveu d’un échec, ou du moins de la nécessité de réadapter le dispositif russe face à un ennemi devenu plus redoutable », avec la recrudescence des attaques menées notamment les djihadistes du JNIM, écrit de son côté le site d’information guinéen Le Djély4.

Or si Wagner quitte le Mali sur un échec cuisant, la Russie reste : la milice privée est remplacée par le groupe Africa Corps, une structure contrôlée par le ministère de la défense russe, qui pourrait réduire les marges de manœuvre de la junte malienne et accroître l’emprise du Kremlin sur les affaires maliennes. C’est en tout cas les conclusions auxquelles aboutit Le Djély qui remet donc en cause la rhétorique souverainiste des militaires de Bamako et de ses relais comme le quotidien malien Info-Matin qui salue la « révolution » menée par l’Alliance des États du Sahel, avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui ont « fait trembler les fondations du système néocolonial de la France ».

Les quelques observateurs démocrates de la situation déplorent l’absence de véritables choix stratégiques offerts aux peuples africains. Si la seule option reste de choisir entre l’Est et l’Ouest pour désigner le « maître » des peuples africains du Sahel, cela en dit long sur l’impasse politique et institutionnelle dans laquelle ils se trouvent.

Culte de la personnalité et déni de réalité au Burkina Faso

L’autre pilier de cette l’Alliance des États du Sahel, c’est Ibrahim Traoré, le chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso. Depuis plusieurs semaines, son visage inonde les réseaux sociaux, notamment sur tiktok, où il est souvent érigé en véritable héros, en grande partie grâce à des images générées par intelligence artificielle. Ce succès numérique participe à répandre son influence dans le monde entier, avec une attraction qui s’exerce non seulement sur une partie de la jeunesse africaine mais également chez certains afro-américains et afro-britanniques.

Qui est ce dirigeant autoritaire de 37 ans et pourquoi est-il si populaire sur internet ? Il a fait toute sa carrière dans l’armée burkinabè jusqu’à obtenir, en 2023, le grade de capitaine. Sa carrière politique débute en septembre 2022 lorsqu’il renverse par un coup d’État le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même arrivé au pouvoir par la force 8 mois plus tôt (en renversant le président Roch Marc Christian Kaboré, qui avait été démocratiquement élu dès le 1er tour avec 53,5 % des voix et réélu en 2020, toujours au 1er tour avec 57,9%, lors de la seule véritable expérience démocratique du pays). Ibrahim traoré deviendra quelques semaines plus tard président de la transition, alors le plus jeune dirigeant au monde (34 ans). Il se retrouve à la tête d’un pays particulièrement instable, marqué depuis près de dix ans par des violences djihadistes qui ont fait des milliers de morts et causé le déplacement de plus de deux millions de personnes.

En prenant le pouvoir, Traoré avait promis de faire de la lutte contre le terrorisme sa priorité, lançant immédiatement des campagnes de recrutement massive auprès de volontaires, mais aussi de nombreuses opérations militaires. Selon la BBC, cette posture offensive contre les groupes armés lui vaudra le soutien initial d’une grande partie de la population.

Mais sa popularité au Burkina Faso s’accroît lorsqu’il se met à adopter un discours anti-impérialiste critiquant fortement l’ingérence des puissances occidentales, et notamment celle de la France, dont il ordonna le départ des troupes en 2023. Grâce à de nombreuses mesures souverainistes, comme le retrait de certains permis d’exploitation accordés à des entreprises étrangères, et à ses discours mobilisateur, traoré s’est peu à peu construit l’image d’un leader panafricaniste largement inspiré de l’ancien révolutionnaire anti-impérialiste et progressistes Thomas Sankara. Les deux hommes partagent d’ailleurs le même béret et le même grade militaire. C’est cet engagement affiché envers l’unité africaine et contre le néocolonialisme occidental qui séduit une partie de la jeunesse burkinabè et permet à ces discours de résonner dans toute l’Afrique et au-delà.

Mais le béret rouge et le grade de capitaine sont en réalité les seules choses que partagent Traoré avec Sankara, car au-delà des discours le dictateur burkinabè s’est lui-même placé sous la tutelle russe. Depuis fin 2023, les militaires et paramilitaires russes participent, entre autres, à la formation de soldats et coopèrent avec les services de renseignement. Cependant une organisation paramilitaire privée russe n’a fait qu’un court passage dans le pays de mai à fin août 2024 : la Brigade Bear, eux, assuraient notamment des missions de protection de personnalités. De l’ambassadeur russe, selon Viktor Yermolaev, mais aussi très probablement du capitaine Traoré en personne. Le 25 juillet, à Ouagadougou, le chef de la junte avait été filmé pour la première fois, dans une vidéo amateur, entouré et protégé par des paramilitaires russes masqués, en treillis, dont au moins un arborant à son bras un écusson de la Brigade Bear. Ce départ de l’unité paramilitaire russe intervenait alors que le Burkina Faso vient de connaître l’une des pires attaques djihadistes de son histoire. Le 24 août, plusieurs centaines de civils – aucun bilan officiel n’a encore été fourni par les autorités – ont été tués à Barsalogho, à environ 150 kilomètres au nord de Ouagadougou, dans une attaque attribuée au Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM, lié à Al-Qaida). Prétextant alors de rentrer en Russie pour défendre le territoire national (l’armée ukrainienne avait lancé une offensive sur Soudja dans l’oblast de Koursk), le départ de la Brigade Bear au Burkina Faso pourrait aussi être lié à des mécontentements internes en raison de problèmes de paiement de certains combattants.

Le développement de toute une imagerie fictionnelle autour de Traoré sur les réseaux sociaux nourrit un véritable culte de sa personnalité qui s’inscrit dans une stratégie de propagande orchestrée par la junte militaire au pouvoir, visant à faire de Traoré le nouveau symbole de la lutte contre le racisme, le colonialisme et l’esclavage. Pour ce faire, ses sympathisants n’hésitent pas à avoir recours à l’intelligence artificielle, comme dans un clip vidéo qui met en scène le chanteur américain R. Kelly louant la bravoure et le courage du dirigeant burkinabè5. Si la piètre qualité de ce clip dont les copies ont cumulé deux millions de vues sur youtube pourrait prêter à rire, le déluge de contenus générés par intelligence artificielle lui, est bien plus inquiétant, car il est fondé sur la diffusion massive de fausses informations en faveur de Traoré : dernier exemple en date, un faux discours de soutien du nouveau pape Léon XIV au leader burkinabé, que le Vatican a dû démentir.

Traoré est sur ces contenus présenté comme un homme fort combattant des terroristes, soignant des soldats blessés ou priant. De nombreux articles de presse décrivent au contraire un dirigeant peu soutenu par ses pairs et rappellent son incapacité à réprimer l’insurrection islamiste qui a progressé depuis son arrivée au pouvoir. Plus inquiétant encore, ces images occultent totalement les dérives du régime de traoré, qui est, selon de nombreuses sources, impliqué dans des massacres de civils et des répressions violentes de ses opposants : enlèvements visant des hommes politiques, des juges ou encore des journalistes. Dès septembre 2023, de nombreux dissidents du régime ont par ailleurs reçu des ordres de réquisition. Ce déferlement du culte de la personnalité sur les réseaux sociaux prouverait donc au contraire que le dirigeant burkinabé cherche à stimuler un soutien qui lui manque pour légitimer le maintien de sa présence au sommet de l’État.

Le Togo, victime de la déconfiture de ses voisins et de l’incompétence de son régime

Dans le nord du Togo, la population est désormais sous la pression djihadiste, avec l’impression d’un étau qui se resserre autour des habitants de la région des savanes. Son gouverneur alerte sur « l’extrémisme », sur les « tentatives de divisions religieuse ou ethnique »qui menacent dangereusement le tissu social. « Les familles sont démunies », selon la presse locale, car l’insécurité et le sous-développement persistent.

Nous sommes dans cette région du nord à la frontière avec le Burkina Faso, que nous venons d’évoquer. Depuis 2015, un large pan du territoire burkinabè échappe au contrôle de l’État et de son dirigeant, si attentif à son image, malgré ses promesses de sécurité totale. Or le régime Traoré et le régime malien ont fait des communautés peul, un bouc émissaire prise entre l’enclume djihadiste et le marteau des juntes, selon Jeune Afrique dans une série d’enquêtes glaçantes6. Les militaires y livrent les Peuls à la vindicte des paramilitaires.

Par effet domino, plus au sud, la région des savanes au togo connaît, elle, une crise humanitaire inédite depuis 2022, avec des incursions terroristes, des tensions également entre populations déplacées et des agriculteurs : « Pâturages et points d’eau y sont, chaque jour davantage, source de conflits ».

Pourtant, dans la région des Savanes, l’élevage tient une place importante et les villageois togolais ont toujours confié leur bétail aux Peuls : « On s’occupait de leurs bœufs, on a bâti nos maisons près des leurs, et on vivait ensemble, chacun avec son activité. » Les Peuls, sédentarisés, restaient dans les villages avec leurs familles, et les bouviers ne partaient vers la forêt qu’en saison sèche, entre février et mai, quand les pâturages devenaient rares. C’est justement cet équilibre qui s’effondre avec l’augmentation de la population, l’afflux de réfugiés qui ont fui le terrorism au Burkina Faso notamment, sans compter de nouvelles pratiques agricoles et le dérèglement climatique : l’eau manque, l’herbe a disparu.

Même dans les zones reculées du Togo, les groupes armés viennent voler le bétail des communautés peules du nord du Togo et les pâturages, jonchés d’engins explosifs improvisés, sont devenus des terrains dangereux. Les djihadistes ont même tué un jeune Peul qui servait d’interprète à la gendarmerie, symbolisant ainsi le sort réservé à ceux perçus comme proches des autorités. Dans le même temps, les forces de sécurité togolaises soupçonnent les Peuls d’aider les terroristes (phénomène également observé au Burkina Faso7). Cette communauté se retrouve donc prise en étau, forcée à des déplacements incessants. Depuis que les surfaces cultivées prennent le pas sur les pâturages, sur les couloirs de transhumance dans le nord du Togo, « nos bœufs meurent de faim. Les paysans ont labouré partout », déplore un éleveur interrogé par Jeune Afrique. Malgré des appels au dialogue, la communauté Peule souffre au Togo et même dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Le Togo est par ailleurs engagé dans un mouvement de contestation du régime « familial » Eyadéma. L’opposition togolaise a dénoncé des arrestations arbitraires lors des manifestations de la semaine dernière à Lomé, la capitale, contre le maintien au pouvoir de Faure Gnassingbé à la tête du Togo.

Ce dernier est à la tête du Togo depuis 2005, comme président de la République et désormais comme président du Conseil des ministres, grâce une réforme constitutionnelle. Mais selon Le Djély, repris par Courrier International, « en mettant l’emphase sur l’évolution du régime présidentiel vers celui parlementaire, Faure Gnassingbé masque plutôt ses propres intérêts en feignant de replacer le peuple au centre du jeu démocratique. Car, dans les faits, il s’est assuré de demeurer encore pour longtemps l’alpha et l’oméga de tous les secteurs de la vie de son pays ». Inacceptable pour « une jeunesse qui refuse de plier », salue le site d’information letogolais.com8 ; c’est une révolte inédite, d’étudiants, d’artisans, de médecins et autres soignants. Si 56 manifestants ont été remis en liberté, a annoncé le procureur de la République à la télévision d’État, d’autres restent en détention. « Mais chaque fois que des menottes se referment sur les poignets d’un combattant, une flamme s’embrase dans le cœur de milliers d’autres. Ils ont voulu réduire au silence Aamron, ce rappeur dont les mots étaient des armes de liberté […] l’heure n’est plus à la peur, mais à la révolte » et à la « résistance nationale ».

Frédéric Faravel

1https://x.com/FbdnStories/status/1933031622057533913

2Le site de ce média est aujourd’hui suspendu…

3https://www.tsa-algerie.com/depart-de-wagner-du-mali-lalgerie-a-t-elle-joue-un-role/

4https://ledjely.com/2025/06/09/mali-wagner-sen-va-mais-pas-la-russie/

5https://www.youtube.com/watch?v=aFrOKH0Rqvo

6https://www.jeuneafrique.com/1693150/politique/dans-le-nord-du-togo-les-eleveurs-peuls-face-a-la-pression-jihadiste/

7https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-jeudi-20-mars-2025-8096505

8https://www.letogolais.com/bertin-arrete-pour-avoir-defendu-aamron-et-la-jeunesse-togolaise-quand-la-repression-attise-la-resistance/

Les robots juges de notre humanité

Dans cette analyse, notre camarade Jean-François Collin se livre à une déconstruction lucide des lieux communs pour pointer les enjeux réels liés à l’explosion de la société numérique, de l’exploitation de la data et de l' »intelligence artificielle ».

Chat GPT n’est qu’un leurre

Sam Altman est une figure bien connue de l’industrie numérique mondiale, entre autres pour être le dirigeant de l’entreprise Open AI, qui a produit le trop connu robot conversationnel « Chat GPT ». Il a d’ailleurs été brièvement congédié, en novembre 2023, de ses fonctions de PDG d’Open AI, par son Conseil d’administration qui l’accusait d’avoir dissimulé un certain nombre d’informations essentielles, avant d’être réintégré dans ses fonctions une semaine plus tard. Ce n’est qu’un des épisodes des crises successives connues par cette entreprise, dont Elon Musk fut un cofondateur avant de la quitter (puis de proposer en février 2025 de la racheter pour 97 milliards de dollars) et dont Microsoft est l’actionnaire principal.

Open AI a été créée le 11 décembre 2015, sous la forme d’une association à but non lucratif, détenant une filiale à but lucratif plafonné, « Open AI Global LLC ».

Bien entendu, cette nouvelle entreprise n’avait d’autre but que le bien de l’humanité, puisque ses missions étaient, selon ses fondateurs, de « garantir que l’intelligence artificielle générale – c’est-à-dire (selon eux) les systèmes hautement autonomes qui surpassent les humains dans la plupart des travaux économiquement valorisés – profitent à toute l’humanité ». On aurait presque les larmes aux yeux devant une si haute ambition.

A défaut de profiter à l’ensemble de l’humanité, l’opération aura en tout cas bien profité aux deux fondateurs de l’entreprise : la fortune d’Elon Musk se compte en centaines de milliards de dollars et celle de Sam Altman est évaluée à au moins un milliard de dollars.

Sam Altman participait, comme JD Vance, au dîner offert par Emmanuel Macron, au mois de février 2025, à l’occasion du sommet international qu’il avait organisé sur l’intelligence artificielle. Comme le vice-président américain, Sam Altman a quitté le dîner avant la fin, ce que l’on peut difficilement prendre pour une marque de considération. Il faut dire que le champion de l’intelligence artificielle ne méprise pas complètement les contingences politiques. Il était démocrate lorsque les démocrates étaient au pouvoir, il est devenu républicain lorsque Trump est redevenu président. Il avait financé la campagne de J. Biden lorsque celui-ci l’a emporté face à Donald Trump en 2020 il aurait versé un million de dollars au Fonds inaugural du deuxième mandat de Donald Trump, et il suit JD. Vance lorsqu’il quitte un dîner sans dire merci.

On a beaucoup parlé de Chat GPT. Les médias français ont assuré une incroyable campagne de promotion gratuite à ce robot conversationnel américain, publicité qui a dû faire rêver son concurrent français, Mistral AI, qui n’a pas suscité le même intérêt de nos radios ou télévisions.

Mais nos médias ont beaucoup moins parlé d’un autre projet lancé par Sam Altman depuis 2021, pourtant bien plus terrifiant que Chat GPT. Il s’agit de deux plateformes, l’une de gestion de monnaie numérique, Worldcoin, l’autre d’identification des individus par scannage de leur rétine, World ID.

World ID : un projet de fichage mondial de l’humanité

Sam Altman a constaté que l’intelligence artificielle conquérait progressivement tous les domaines d’activité, en même temps que s’amélioraient ses performances. Une bonne chose aux yeux de notre entrepreneur californien, mais en même temps cette évolution pose un problème. Les « Bots », ces multiples logiciels qui interviennent dans le fonctionnement d’autres logiciels pour traiter des opérations répétitives et garantir leur bon fonctionnement, sont de plus en plus utilisés pour pirater les services numériques. Le développement des infrastructures numériques est tel qu’il est de plus en plus difficile de savoir à quel moment un ordinateur dialogue avec un autre ordinateur plutôt qu’avec un être humain. Des dispositifs divers ont été développés par lesquels on nous demande de certifier que nous sommes bien des êtres humains, en particulier les tests Captchas, qui consistent à cocher sur une image représentant divers objets, les cases figurant des autobus, des motos ou des escaliers. Mais bien entendu, il n’a pas fallu très longtemps pour mettre au point des logiciels capables de cocher les bonnes cases aussi bien qu’un humain était capable de le faire.

Sam Altman arriva alors avec sa solution : scanner la rétine des utilisateurs par un appareil dédié et stocker le résultat dans ses ordinateurs. La publicité de sa plateforme « World ID » a même le culot d’expliquer que, grâce à ce dispositif, nous allons enfin cesser de mettre à disposition de plateformes électroniques des informations personnelles. Nous n’aurons plus à saisir notre adresse ou notre numéro de carte d’identité, mais seulement à déposer le scan de notre iris qui permettra à l’ordinateur de savoir que nous sommes un être humain – au moins aussi longtemps que les sorciers de l’IA n’auront pas inventé un dispositif électronique capable de reproduire un iris humain – et en plus de savoir que nous sommes un humain particulier, puisqu’aucun iris ne ressemble complètement à un autre.

Mais que peut-il y avoir de plus personnel qu’une information de ce type  ? On peut tricher sur son adresse ou son âge, se procurer de faux papiers d’identité, mais il reste plus compliqué de se fait à greffer un autre œil que celui dont nous sommes dotés à la naissance.

Cette Banque mondiale de données biologiques est donc bien une banque de données personnelles encore plus sensibles que tout ce qui existe jusque-là. D’ailleurs, un article publié par la « MIT Technology Review », mettait en cause le marketing mensonger de la société et considérait qu’elle collectait des données personnelles, sans obtenir le consentement éclairé des utilisateurs, en violation des directives protégeant les données, en vigueur en Europe ou dans d’autres régions du monde. Le Royaume-Uni a d’ailleurs indiqué qu’il allait engager une enquête pour vérifier la conformité de ces plateformes à la réglementation en vigueur.

Manifestement, ce n’est pas un sujet qu’Emmanuel Macron aura évoqué lors de son sommet mondial de l’intelligence artificielle du mois de février 2025, ni lors du sommet « Choose France » (pourquoi pas Choisir la France ?) organisé à Versailles le 19 mai dernier, pour se féliciter des milliards d’investissements annoncés, particulièrement dans l’intelligence artificielle et les centres de traitement de données, en provenance du Moyen-Orient et des États-Unis.

Sam Altman nous le promet, avec lui, aucun risque de fuites de données et de divulgation de nos données personnelles. Le scannage des yeux des utilisateurs permettant d’alimenter World ID est assuré par un appareil répondant au nom « d’Orb », que Sam Altman veut déployer aux États-Unis et dans le reste du monde. Techcrunch (spécialisé dans l’actualité des startups) a révélé en mai 2023 que des pirates informatiques avaient installé un logiciel leur permettant d’accéder au tableau de bord des opérateurs d’Orbs. Les opérateurs en question sont chargés de collecter les données biométriques et sont rémunérés pour chaque nouvelle utilisateur numérisé.

Pas plus que les autres plateforme informatiques, World ID ne pourra garantir la sécurité des données personnelles qu’elle détiendra.

Base de données personnelles et bitcoin

Le projet de Sam Altman est donc de constituer une gigantesque base de données d’identification des êtres humains, qu’il pourra ensuite vendre à tous les autres fournisseurs de services électroniques, en leur garantissant qu’ils s’adresseront bien à des êtres humains et non à d’autres robots.

Pour assurer le succès de l’entreprise, le couplage de la plateforme de centralisation des informations personnelles avec une plateforme de gestion de cryptomonnaie (monnaie numérique), présentait un grand avantage. En effet, les candidats au scannage de leur rétine bénéficient d’une allocation de monnaie numérique géré par Worldcoin, dont la valeur évolue comme toutes les monnaies numériques en fonction de la spéculation dont elle est l’objet, mais qui équivalait au lancement du projet à une quarantaine de dollars. Worldcoin a prospecté, pour avoir plus de chances de succès, dans les pays pauvres d’Afrique et d’Asie dans lesquels une dotation de ce montant pouvait présenter un attrait réel, de sorte qu’elle a assez rapidement pu scanner la rétine de plusieurs millions d’individus. Sam Altman a même eu le toupet de présenter cette opération comme une première expérience mondiale de mise en place d’un salaire universel !

Quand allons-nous les arrêter ?

Cette expérience réunit tous les éléments qui devraient conduire, dans un monde dirigé par des gens sensés, à l’expropriation sans délai et sans indemnités, des quelques géants du numériques, américains et chinois, qui développent à grands frais des technologies inutiles et dangereuses et par l’interdiction d’une grande partie de cette activité.

Ce nouveau projet de Sam Altman n’est justifié que par l’impasse dans laquelle se trouvent les industries numériques.

A force de remplacer les êtres humains par des robots, les robots parlent aux robots.

L’ennui, c’est que pour amortir les centaines de milliards investis dans ce qui est baptisé « intelligence artificielle », alors qu’il s’agit plutôt d’abrutissement généralisé, il faut que les humains interviennent pour dépenser leur argent. Il faut s’assurer que des humains participeront à ce grand circuit numérique, faute de quoi le cirque fera faillite.

Les humains n’ont jamais eu de mal, jusque-là, à reconnaître d’autres humains. Ils n’ont pas eu besoin de dispositifs spécifiques. Ils savent spontanément faire la différence entre un humain et un animal, ou entre un humain et une machine. Nous en sommes même capables depuis un âge très précoce. Mais cette capacité spontanée des êtres humains à se reconnaître entre eux est insupportable pour les nouveaux maîtres du monde, ou ceux qui se considèrent comme tels, les « géants de la tech » comme ils se désignent eux-mêmes.

Désormais, notre humanité doit être attestée par un ordinateur.

Sam Altman, ou l’un de ses semblables, doivent pouvoir constituer et détenir une Banque mondiale de l’identité des humains peuplant cette planète, afin de leur donner l’accès au nouveau monde, le monde merveilleux des services numériques dans lequel nous sommes appelés à évoluer.

Les « Orbs » qui vont permettre à World ID de scanner nos rétines, pour contrôler notre accès au monde numérique, ne sont d’ailleurs que du bricolage. Un jour viendra où nous serons tous dotés de dispositifs plus sophistiqués de reconnaissance dès la naissance, afin de régler cette difficulté technique et d’éviter le coûteux déploiement de milliers d’Orbs à travers le monde.

Et tout cela pour quoi faire  ?

Développer un nouveau réseau de monnaie numérique. Mais qui a besoin de monnaie numérique ?

Rappelons que ceux qui ont promu cette idée géniale appartenaient majoritairement au courant libertarien américain, qui a vu dans cette technologie un moyen de créer un équivalent monétaire échappant au contrôle des institutions étatiques. Les monnaies numériques sont rapidement devenues un moyen privilégié d’échanges monétaires entre les mafias et les trafiquants en tout genre. Elles ont permis au passage de plumer les naïfs qui ont cru que l’on pouvait faire fortune à partir de rien et qui ont acheté, cher, du vent jusqu’à ce que celui-ci ne révèle sa véritable valeur. L’histoire des monnaies numériques est celle d’une suite de montées spéculatives et de faillites. On peut ajouter que ce système ne fonctionne qu’au prix d’un gaspillage énergétique considérable, dans lequel notre président voit des opportunités pour relancer la production d’électricité d’origine nucléaire.

Un jour ou l’autre, les États devront décider de ce qu’ils font.

Pour le moment, comme d’habitude, les dirigeants, plus faciles à berner qu’ils ne le croient, s’émerveillent devant les monnaies électroniques. La BCE veut lancer son euro électronique. Cette fois c’est sûr l’Europe sera sauvée. Dans une démarche plus libérale, Donald Trump a lancé ses propres « Trump coins » au moment où il a été réélu. Il a réalisé un substantiel profit grâce à cela, laissant ses admirateurs avec une monnaie numérique qui a immédiatement perdue toute valeur, mais quand on aime on ne compte pas.

L’argument de vente majeur de la monnaie électronique est son caractère secret. Secret, bien sûr, vis-à-vis des autorités de régulation. C’est pourquoi, l’alternative pour l’avenir paraît assez simple. Soit les États, à travers le monde, continueront à laisser faire, voire à favoriser le développement des monnaies électroniques, et le système financier mondial qui menace déjà l’économie internationale, deviendra ingouvernable et nous conduira aux pires catastrophes. Soit les États prendront le contrôle des monnaies numériques, en interdiront le contrôle et la création à des opérateurs privés et ils disposeront alors d’un outil de maîtrise et de surveillance de l’économie, via le contrôle des mouvements monétaires, sans équivalent avec ce qui existe aujourd’hui, pour le meilleur et pour le pire. Dans un monde idéal géré démocratiquement, ce contrôle permettrait d’assurer la stabilité du système financier et monétaire. Dans un monde dominé par des « prédateurs », pour reprendre la description faite par Giuliano da Empoli de la nouvelle génération de dirigeants de la planète, ils disposeront d’un contrôle sans équivalent de la population.

Le projet de World ID confirme qu’une des applications essentielles de la soi-disant intelligence artificielle est le fichage généralisé de la population, au travers de la reconnaissance faciale et maintenant du scannage de nos iris.

Il est aussi la confirmation de la volonté de prise du pouvoir des entreprises numériques, ambition qui ne connaît pas de limites puisqu’ils veulent désormais que notre propre humanité soit attestée par les dispositifs qu’ils contrôlent et non par les interactions habituelles entre les êtres humains, qui ont permis à ceux-ci, jusque-là, de se reconnaître comme membres d’une humanité. L’humanité n’est pas qu’une construction biologique, elle n’est pas qu’une affaire de conformation d’iris, mais aussi une construction sociale et politique.

Si ce projet, et d’autres du même type, devaient prospérer, il y aurait de quoi être très inquiet pour notre avenir. Notre rapport aux autres et au monde perd chaque jour un peu plus de sa réalité, de son immédiateté et de sa consistance. Tous les efforts des industriels du numérique appuyés par les autorités politiques et financés par le capitalisme mondial qui espère y trouver un relais de croissance, concourent à séparer les humains des humains, et à nous contraindre dans nos relations avec les autres et notre environnement, à emprunter le truchement d’un ordinateur et d’une plateforme ou d’un outil numérique.

Il est très inquiétant de constater que 26 millions d’humains ont déjà accepté de confier leur iris à la World Company de M Altman. Les hommes seraient-ils donc tellement fatigués d’être humains qu’il soient prêts à abandonner la responsabilité de leur humanité à une machine ?

Ma conviction est en tout cas que face à de telles entreprises, les discours habituels sur la neutralité de l’outil, qui ne serait pas en lui-même dangereux mais seulement en raison du mauvais usage qui pourrait en être fait, ou encore les propos sur la « bonne gouvernance » qui permettrait d’éviter les dérives, « parce que tout de même on ne peut pas aller contre le progrès », sont totalement inadaptés.

De telles entreprises doivent être purement et simplement interdites.

Allons-nous enfin nous réveiller et prendre cette décision ?

Jean-François Collin
Haut-fonctionnaire à la retraite

20 ans du « non » au TCE : une trahison et 20 ans de perdus

Après une campagne intense et une forte mobilisation populaire, le traité établissant une Constitution pour l’Europe était rejeté par référendum le 29 mai 2005. Les institutions permirent ensuite au président Nicolas Sarkozy de bafouer ce vote en faisant adopter un texte jumeau : le traité de Lisbonne. Sous-estimé à l’époque, ce déni de démocratie marque pourtant un tournant dans la vie publique française.

Mais surtout 20 ans après, les anciens acteurs de la trahison – une partie des social-démocrates, les conservateurs et les libéraux européens – commencent tout juste à percevoir les effets dévastateurs d’une construction européenne qui n’a fixé aucune limite à la libre-circulation du capital. Non seulement le Traité de Lisbonne de 2008 a trahi les référendums français et néerlandais, mais il en a même rajouté, en consacrant le principe d’une circulation du capital sans limites intérieures ni extérieures et en donnant la compétence exclusive de la politique commerciale à l’Union Européenne (cela a accouché de la catastrophe en série des traités de libre-échange) !

Jusqu’à la guerre d’Ukraine et l’élection de Trump, il était proprement inconvenant ne serait-ce que de suggérer la mise en place d’une politique industrielle européenne. Aujourd’hui, la pesante et pénible machine bruxelloise commence à prendre conscience que le libre-échange n’est pas paré de toutes les vertus. Mais pour l’instant, pratiquement rien ne bouge. Pire Ursula Von der Leyen continue de faire comme avant et de ne jurer que par la « Sainte-Trinité » néolibérale – austérité budgétaire, concurrence féroce (à l’intérieur et à l’extérieur), libre-échange généralisé –, alors même que plusieurs gouvernements européens se relèvent peu eu peu avec la gueule de bois. Pourtant le temps presse pour sauver l’industrie et la production européennes.

Les solutions existent. L’Europe a un besoin urgent d’investissements productifs adossés sur une politique budgétaire volontariste, qui pourrait s’inspirer de l’exemple américain : soutien actif à la relocalisation, mise en place de barrières écologiques et sociales à l’entrée du marché, grands projets d’infrastructures. On ajoutera : « et contrôle des flux de capitaux ».

Injonctions contradictoires

À la relance budgétaire devrait aussi correspondre une politique monétaire analogue à celle qui a amorti la crise durant les années 2010, en « monétisant » une partie des dettes publiques. On sait peu, par exemple, que 25% de la dette française est détenue par la Banque de France, pour le compte de la BCE. Ce qui réduit d’autant, en réalité, notre ratio dette/PIB. Pour donner à nos industries toutes leurs chances, les nouveaux investissements stratégiques financés par des emprunts d’États devraient bénéficier des mêmes « facilités quantitatives ».

Les annonces de la Commission sur le secteur de la défense vont dans ce sens, qui en sortent les investissements publics du calcul du déficit. C’est une bonne nouvelle. Mais pourquoi s’en tenir au seul secteur de la défense ? Pourquoi ne pas faire de même pour les investissements écologiques, technologiques et numériques ? Mais nous n’en sommes qu’aux annonces. Et pendant que le temps passe, le risque du « business as usual » avec Ursula nous guette.

Il est temps de sortir l’UE de sa matrice néolibérale et de restaurer le rôle de la puissance publique. Mais la force d’inertie idéologique des dirigeants européens et surtout des traités la retient, et la ramène à ses fondamentaux : le tout-marché et la concurrence libre et non faussée. C’est la raison pour laquelle l’UE envisage une étape supplémentaire de dérégulation massive pour « lever les freins à la croissance ».

Ainsi le rapport Draghi, qui a fait grand bruit, est axé sur deux orientations : la relance de l’investissement productif et la dérégulation. Les rapports de force entre États et la perméabilité des technocrates de la Commission aux thèses du patronat se sont conjugués pour ne pas trop en faire sur l’investissement et se concentrer sur la dérégulation. Or il s’agit là d’un risque mortel pour l’Europe : les gagnants de la dérégulation ne seront pas les Européens mais leurs concurrents internationaux, qui n’attendent que ça pour faire encore plus baisser le prix de leurs exportations.

Il serait insensé de réduire notre ambition écologique ou nos règles relatives à la bonne gouvernance des entreprises, et encore moins celles relatives à la sécurité des produits, notamment agricoles. D’autant que bon an mal an, les entreprises les respectent et maintiennent ainsi un niveau de qualité qui demeure un vrai avantage compétitif.

Reprendre la main

Plutôt que réduire nos règles au niveau de la moyenne mondiale, il faudrait au contraire les imposer à toutes les entreprises non-européennes dont les produits, notamment agricoles, inondent notre marché intérieur.

L’Union Européenne et ses États membres ont besoin d’investissements. Ils ont besoin d’action publique, ils ont besoin de réglementation et de contrôle des flux. Les citoyens sont en demande d’État et supportent de plus en plus mal leur rétraction imposée de l’extérieur, avec la complicité d’élites technocratiques néolibérales.

Seule la puissance publique peut préserver leurs libertés fondamentales, et les citoyens mesurent de plus en plus les dégâts économiques du recul de l’État. Et enfin les citoyens veulent que l’État les aide, les protège et les soutienne dans leur lutte quotidienne pour une vie digne. L’impuissantement de l’État conduit au rejet. Nos ennemis l’ont compris : l’attraction sur les classes populaires exercée par le RN en France, et a fortiori par un Trump aux États-Unis, trouve une partie de sa source dans cette promesse d’action. La débâcle macronienne laisse la gauche seule, à tout le moins en première ligne, pour résister à la progression de l’autoritarisme et du nationalisme. Pour y parvenir, elle doit convaincre les classes populaires et moyennes qu’elle est à leur service et qu’elle agira avec détermination en leur faveur, y compris en s’affranchissant de certaines règles, européennes pour la plupart, qui interdisent au politique de peser vraiment sur l’économie.

20 ans après le rejet du TCE, il est temps de remettre les choses dans l’ordre et le temps nous est compté.

Sauver le rail français : l’ouverture à la concurrence, la solution miracle? Chloé Petat pour « Eclairages » de la GRS des Landes

S’interroger, sortir de l’impuissance, explorer les possibles, faire vivre le débat public… Éclairages est une initiative de la Gauche Républicaine et Socialiste dans les Landes afin de s’informer, de réfléchir et d’échanger en proposant régulièrement différents thèmes.

Le lundi 12 mai 2025 avait lieu la 4e Conférence-débat, à l’Aire-sur-l’Adour, elle était animée par Chloé Pétat, avec la participation du Collectif « Osons le train ». « Sauver le rail français : l’ouverture à la concurrence, la solution miracle ? »

L’ouverture à la concurrence du rail français est effective depuis 2006 pour le fret et depuis 2020 pour le transport des voyageurs. Impulsée par l’Union européenne, la concurrence doit permettre selon ses défenseurs d’améliorer la qualité de service et de baisser les prix pour les usagers et les régions. Qu’en est-il réellement ? Au-delà de l’ouverture à la concurrence, quelle est la situation du rail français ? Comment mettre en place une politique publique efficace autour du transport ferroviaire notamment pour mieux desservir les territoires ?

Membre du collectif de direction de la Gauche Républicaine et Socialiste et essayiste, Chloé Petat est l’autrice de l’ouvrage : La révolution ratée du transport ferroviaire au XXIe siècle (Le Bord de l’eau, 2024).

Ce que nous dit la démographie de l’état de la Russie

L’analyse des données démographique est passionnante. Ce sont des statistiques difficiles à falsifier, même pour un régime autoritaire. Pour vous en convaincre, vous pouvez écouter la conférence donnée par Emmanuel Todd dont vous trouverez les références en note de bas de page1.

Voyons ce que nous apprend la démographie russe.

La première chose à dire c’est que la situation démographique russe n’est pas très bonne.
Sa population baisse globalement depuis l’effondrement de l’URSS, le solde migratoire ne compensant pas le déclin naturel. Le taux de fertilité a baissé à 1,4 enfant par femme en 2023.

Si l’on suit l’évolution récente, on remarque que la Russie a d’abord perdu près de 6 millions d’habitants entre 1993 et 2008, puis en a gagné 4 millions entre 2008 et 2018, et enfin elle a perdu environ 800 000 habitants entre 2018 et 2023. Mais il y a certains détails bizarres.

De 2008 à 2018, son solde naturel est négatif, sauf entre 2013 et 2015. C’est grâce à l’immigration que sa population a progressé de 4 millions. Mais le solde naturel s’est énormément dégradé dans la période récente, passant de -0,8‰ entre 2008 et 2018 à -4,3‰ depuis 2018 !

Mais il y a deux années très bizarres, les années 2014 et 2022. Ces années-là, les soldes migratoires ont été respectivement de… 17,8‰ et 10‰. C’est énorme ! Or, ces chiffres officiels traduisent simplement l’annexion de la Crimée en 2014 et de quatre oblasts ukrainiens en 2022.

Autrement dit, le déclin démographique russe a été masqué par sa politique d’annexion, ce qui fait que, à territoire constant, la Russie continue de se dépeupler à toute vitesse, en particulier depuis 2018. Mais il y a encore plus étrange : l’évolution de l’espérance de vie.
L’espérance de vie en Russie n’a jamais été très bonne. 68 ans pour les hommes, 79 ans pour les femmes. Un écart de 11 ans ! Il est de 6 ans en France. En plus, son évolution est complètement chaotique quand on la compare à l’évolution française, ce que je fais dans ces deux graphiques.

Mais observons les toutes dernières années. Quel est cet effondrement de l’espérance de vie en 2020-2021 ? C’est la conséquence de la pandémie de Covid. Entre 2019 et 2021, les Russes ont perdu 2 ans d’espérance de vie pour les hommes, 3 ans pour les femmes !

La gestion du Covid a clairement été catastrophique. En comparaison, les Français n’ont perdu qu’un an d’espérance de vie pendant la pandémie. Et pourtant, la proportion de plus de 65 ans est bien supérieure en France à ce qu’elle est en Russie. Les chiffres démographiques sont implacables. Les deux années précédant la guerre, la Russie a connu une surmortalité de 900.000 à 1 million de personnes. Cette surmortalité, dont une partie était évitable, fut en partie masquée par l’annexion des oblasts ukrainiens l’année suivante.

Mais cela révèle surtout l’incurie totale de ce gouvernement et de sa gestion de la crise sanitaire. Cela démontre aussi le peu de cas que fait le gouvernement russe de sa propre population. Mais voyons si on peut voir les effets démographiques du conflit. Pour cela, il faut regarder non pas l’évolution de la mortalité, mais plutôt l’évolution de l’espérance de vie, car ce sont des hommes relativement jeunes qui meurent à la guerre, alors que c’était des personnes âgées qui décédaient du Covid.

Or, que constate-t-on ? On voit qu’en 2023, l’espérance de vie des hommes est restée inférieure à ce qu’elle était en 2019, alors qu’elle est supérieure d’un an pour les femmes. En France, l’espérance de vie des hommes et des femmes a suivi la même évolution et sont revenues à leur niveau de 2019.

Conclusions :

1/ Le choc du Covid a été considérable en Russie et montre un délabrement du système de santé russe et une incurie du gouvernement.
2/ Le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine n’a pas vraiment permis à la population de demander des comptes à ce sujet.
3/ Le choc démographique de la guerre se voit dans les données de l’espérance de vie 2023. Il faudra attendre de voir si l’écart hommes/femmes s’approfondit ou non en 2024.
4/ La démographie, c’est de la politique et, sur ce point, Emmanuel Todd a raison.

David Cayla

  1. https://www.youtube.com/live/1am5nf9Ponc?si=Z4PDb_trw2mT15rS ↩︎

Allemagne : Friedrich Merz investi chancelier dans la douleur

Friedrich Merz, nouveau chancelier après une investiture dans la douleur, des résultats électoraux médiocres, une économie anémiée – Merz, le nouveau chancelier a manqué son investiture ce matin. Il lui a fallu un second tour inédit depuis 1949 en Allemagne. Il va être jugé sur sa capacité à relancer une économie stagnante depuis 2019, et un pouvoir d’achat en recul.

L’Allemagne a été longtemps présentée comme le « nouvel hégémon » en Europe. En France, beaucoup ont voulu mettre en scène l’Allemagne comme un « modèle » lorsqu’il s’agissait d’obscurcir le débat économique, fiscal et budgétaire.

Les « chocs » de compétitivité étaient ainsi censés « remettre » l’économie française à niveau pour pouvoir « rétablir » le commerce extérieur et accélérer la croissance.
De nombreuses différences structurelles ont été soigneusement ignorées.

La plus évidente d’entre elles, c’est que l’Allemagne est depuis 50 ans maintenant un pays en déclin démographique, obligé de compenser la baisse de sa main d’œuvre par l’immigration, alors que la France a continué de croître avec un excédent de naissances sur les décès jusqu’en 2023.

Une autre évidence, alors que les Françaises sont plus souvent mères que les Allemandes, leur taux d’activité après enfants est comparable, et leur niveau de revenu plus élevé.
50% des femmes en emploi en Allemagne sont en effet seulement à temps partiel, contre seulement 13% des hommes, et seulement 26% des Françaises.

On a chanté les louanges d’un Etat sans déficit, à faible dette, d’un plein-emploi, d’un commerce extérieur en fort excédent.

Entre 2010 et 2025, l’Allemagne a accumulé 3000 milliards d’excédents commerciaux. Son taux d’épargne, plus élevé que la France, a renforcé le montant d’épargne disponible pour de l’investissement. L’Allemagne dispose d’un bas de laine équivalent à plus de 3 ans de PIB ! Pourtant, l’économie allemande stagne depuis … 2019 ! La croissance est nulle sur six ans.

Le taux de pauvreté a progressé entre 2010 et 2023, passant à 17%, soit plus qu’en France, alors que le niveau de pouvoir d’achat des salaires stagne. La demande intérieure reste déprimée, et depuis 2019, l’Allemagne connaît aussi une désindustrialisation. Ce n’est pas normal. Et cela rend les Allemands furieux.

Alors que l’extrême droite est d’une taille négligeable en 2002, et l’extrême gauche anti-système réduite à seulement deux députées, en 2025, c’est une autre affaire. Les deux partis majeurs de gouvernement, SPD et Droite, passent de 77% en 2002 à … 45% en 2025. La gauche radicale (Linke+BsW) passe de 4% à 13,8%, l’extrême droite de 2% à 21%.

Qu’a donc fait l’Allemagne de cette épargne?
Pourquoi n’a t-elle pas investi ?
Pourquoi a t-elle refusé de mutualiser les dettes publiques dans l’Eurozone – ce qui lui aurait donné des débouchés à son épargne, et l’instrument d’une vision à construire en Europe?
Pourquoi a-t-elle, avec la règle d’or, refusé d’investir dans son propre pays, privant l’État de la possibilité de capter l’épargne ?

Certains pourraient argumenter qu’elle en a profité pour investir à l’étranger. Oui, elle l’a fait. « Entre 2010 et 2020, le niveau d’investissement en points de PIB stagne en Eurozone. L’Allemagne investit son épargne en Russie, Turquie, Chine, et les États-Unis – ne bénéficiant pas aux Allemands. »

Mais voilà un résultat de deux analyses scientifiques des investissements allemands hors de la zone euro : les Allemands sont de médiocres investisseurs internationaux, dégageant des rendements médiocres, et perdant régulièrement leur mises.

Un article de 2019 (Hünnekes et alii (2019)) avait déjà constaté qu’entre 1980 et 2016 l’Allemagne avait été le pire pays dans ses choix d’investissement, très très loin des rendements de la moyenne des marchés de capitaux, des investissements des Britanniques ou des Américains !

Une mise à jour de l’article de début 2025 (Hünnekes et alii (2025)) constate que c’est toujours le cas, que l’Allemagne, en tant qu’investisseur international, malgré les volumes considérables – 2,5 fois le PIB annuel, 250% ! – joue en « troisième division ».

La France par exemple réussit à équilibrer ses comptes nationaux entre dette publique et épargne privée. Sa balance des paiements est étonnamment robuste grâce aux dividendes internationaux, revenus financiers rapatriés, et revenus du tourisme compensant quasiment son déficit commercial.
C’est pourquoi la France n’est PAS en faillite. Elle joue avec moins d’épargne un bien meilleur jeu financier.

Mais il y a un point commun entre les deux pays : les choix politiques, économiques, financiers et fiscaux favorisent une petite minorité qui n’a pas intérêt à une forte demande intérieure, susceptible de créer une inflation menaçant la rente. Les deux pays refusent d’investir l’épargne accumulée dans leurs propres infrastructures, dans leurs propres peuples. L’argent est là.

Dans le cas de l’Allemagne, le choix enfin d’annuler la règle constitutionnelle de la règle d’or devrait permettre de réorienter ses flux financiers. On ne peut que le souhaiter, non seulement pour les Allemands et l’Europe, mais aussi pour les responsables financiers allemands.
Ils sauront bien mieux sortir des rendements localement que sur des produits internationaux auxquels ils ne comprennent rien.

Ce n’est sans doute pas un hasard si la mesure a été poussée par un ancien directeur de fonds d’investissement, Merz.

La décision de certains de ses députés refusant de l’investir chancelier dès le premier vote par rejet de cette réorientation est donc doublement absurde : elle affaiblit leur chancelier, et retarde une correction d’un comportement où ils perdent de l’argent !

Mais si l’on cherche des causes de la frustration allemande, elle est là : le déficit d’investissement dans le pays alors que les volumes d’épargne existent, sont visibles, et sont investis d’une manière médiocre pour des rendements inférieurs à la moyenne !

Ou, comme le dit une séquence dans le film « Le loup de Wall Street » en pleine panique financière :
« Qui est encore assez stupide pour continuer d’acheter ?
– Düsseldorf. 
»

Mathieu Pouydesseau

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.