une République écologique et sociale, qui s’attaque au chômage et non aux chômeurs

Une tribune publiée dans Marianne le 17 mars 2021

Dans le sillage de la campagne “Un emploi vert pour tous” mené par les think tanks Hémisphère gauche et l’Institut Rousseau, Emmanuel Maurel et Lenny Benbara estiment que le déclin du travail n’est pas inéluctable.

Emmanuel Maurel est député européen et président de la Gauche républicaine et socialiste.

Lenny Benbara est directeur de la campagne “Un emploi vert pour tous“.

“Nous croyons en une République écologique et sociale, qui s’attaque au chômage et non aux chômeurs”

Le gouvernement a décidé d’appauvrir les demandeurs d’emploi en pleine crise sanitaire et sociale. 800 000 d’entre eux, dont de nombreux jeunes, vont voir diminuer leurs allocations d’environ 30 %. Cette approche punitive est aussi indigne qu’inefficace. Au quatrième trimestre 2020, 184 000 emplois étaient vacants, un chiffre en recul de 15 % sur un an. Dès lors, comment imputer aux près de 3 millions de personnes privées d’emploi depuis plus d’un an la responsabilité de leur situation ? Puisque le secteur privé est incapable de produire suffisamment d’activité pour employer tout le monde, et de lutter efficacement contre la crise climatique, n’ayons pas peur de créer des emplois financés par la puissance publique : la garantie à un emploi vert pour les chômeurs de longue durée est une mesure de bon sens.

D’aucuns considèrent qu’il faudrait accepter cette situation de chômage de masse. Le déclin du travail serait inéluctable, amené à s’accentuer sous la pression conjointe de la numérisation et de la mécanisation de l’économie. Le corollaire serait la mise en place d’un revenu universel pour s’adapter à cette nouvelle donne.

“Heureusement, ce n’est pas le travail qui manque, tant les besoins du pays sont immenses, mais bien les emplois”

Pourtant, ce déclin n’est pas une fatalité : la gauche ne doit pas abandonner le travail. Malgré la dégradation des conditions de travail, l’emploi est toujours perçu comme étant une source d’émancipation, surtout aux yeux de ceux qui en sont tenus éloignés. Le travail signifie bien plus que le revenu : c’est un vecteur de socialisation, d’identification, de reconnaissance collective. Il permet de se sentir utile à la société et son absence provoque des dégâts psychosociaux ravageurs sur les hommes et les femmes de notre pays.

Heureusement, ce n’est pas le travail qui manque, tant les besoins du pays sont immenses, mais bien les emplois. Dans un premier temps, plus d’un million d’emplois à forte utilité sociale peuvent être créés dans des domaines d’avenir en s’appuyant sur des dispositifs existants, comme les Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, pour un coût modeste. Ils doivent être proposés aux personnes privées d’emploi depuis plus d’un an. Ces emplois ne consistent pas à creuser et à reboucher des trous : ils sont indispensables pour faire face au défi écologique et au délitement des liens sociaux. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre exige en effet un accroissement significatif de l’intensité en main-d’œuvre de nos activités économiques. L’organisation du système agricole en circuits courts ajustés aux besoins des territoires redonnerait par exemple un rôle central aux exploitations plus modestes, moins intensives, et qui nécessitent plus de bras.

“La crise du Covid a remis au goût du jour les métiers et réhabilité leur sens.”

Le retour à l’emploi, aussi massif soit-il, ne sera salvateur que s’il s’accompagne d’une revalorisation des savoir-faire, du geste, à rebours d’un modèle de travail trop standardisé. La crise du Covid a remis au goût du jour les métiers et réhabilité leur sens. La mission des personnels hospitaliers, des enseignants, des premiers de corvée est apparue pour ce qu’elle est : indispensable. Cette redécouverte du métier ouvre une perspective émancipatrice. Face à une mondialisation libérale qui pense les individus interchangeables, l’attachement à un savoir-faire spécifique, à la qualité et au sens du travail sont autant de garde-fous précieux. Le mécanisme de garantie à l’emploi vert offre aux personnes privées d’emploi de participer à la reconstruction écologique, tout en s’appropriant un savoir-faire bien précis.

Nous croyons en une République écologique et sociale, en la République appliquée, celle qui s’attaque au chômage et non aux chômeurs, celle qui protège le lien social et ne se dérobe pas face aux défis climatiques. La garantie à l’emploi vert portée par l’Institut Rousseau et Hémisphère Gauche est un jalon important de ce nouveau pacte républicain.

“Vite, un vaste plan d’embauches pour les jeunes !”

Tribune publiée le 03/03/2021 à 10:14 dans Marianne Par David Cayla et Emmanuel Maurel

Crédit photo : Léo Pierre / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Créer un RSA pour les 18-25 ans ne suffira pas à réaliser leur insertion. L’État doit prendre en main le problème et embaucher dans l’éducation, dans les services, dans les services sociaux… Par David Cayla, enseignant-chercheur à l’université d’Angers et membre du collectif des Économistes atterrés, et Emmanuel Maurel, député européen et fondateur de la Gauche Républicaine et Socialiste.

L’interview surréaliste de la ministre du travail Elisabeth Borne demandant aux stations de ski d’embaucher virtuellement des saisonniers afin d’être remboursé à 100% par l’État démontre l’absurdité avec laquelle le gouvernement répond aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Ainsi, plutôt que créer lui-même des emplois, l’État préfère payer les salaires de personnes qui occuperont une activité fictive dans des stations de ski fermées.

La logique selon laquelle l’emploi privé serait une richesse et l’emploi public un coût, indépendamment de la valeur et de l’utilité sociale produites par les dits-emplois, est ici menée jusqu’à une conclusion qui défie le bon sens. La crise sanitaire a entrainé un effondrement de l’activité dans le secteur marchand. L’hôtellerie-restauration, le tourisme, la culture, le commerce de centre-ville… ont été particulièrement touchés. Exiger de ces entreprises qu’elles recrutent pour aussitôt les mettre au chômage partiel serait un jeu à somme nulle tant d’un point de vue économique que de celui de l’intérêt général.

Besoins immenses

Car au même moment, les besoins sont immenses dans les hôpitaux, les écoles, les universités, la sécurité, les services sociaux, les prisons, la justice… Mais tous ces secteurs, en tension depuis des années voire des décennies, où les personnels sont proches du burn out, ont le défaut d’appartenir au secteur public. Il n’est donc pas question de recruter. Certes, on ne forme pas un infirmier ou un enseignant en quelques mois, objectera-t-on. Mais à tout le moins pour le secteur médical, il serait possible de reprendre contact avec les personnels qui l’ont récemment quitté, qui se sont reconvertis ou qui préfèrent travailler par exemple en Allemagne ou en Suisse. Il serait tout aussi opportun, et socialement utile, de muscler l’Education nationale, en ouvrant des postes de tuteurs pédagogiques pour assurer un meilleur soutien scolaire, ou de surveillants pour mieux encadrer les élèves, les réguler dans les cantines, etc. Surtout, l’urgence écologique et l’incapacité du privé à répondre seul à ses défis, nécessite de programmer des embauches publiques massives. La jeunesse, dont la sensibilité à ces enjeux est très forte, pourrait répondre à l’appel de la collectivité.

Les faiblesses du service public sont grandes, a fortiori dans cette situation de crise sanitaire, économique et sociale, mais les dogmes austéritaires demeurent, comme si de rien n’était. L’un de ces dogmes, selon lequel le « vrai » emploi émanerait exclusivement du secteur marchand empêche de répondre efficacement à la crise. S’il est nécessaire d’aider les entreprises dont l’activité s’effondre, cela ne suffira pas à créer de l’emploi. Il faut donc aussi en créer dans le secteur public, là où sont les besoins. Le recrutement d’agents titulaires est nécessaire à moyen terme, notamment dans les administrations qui ont le plus souffert des réductions d’effectifs. Mais il faut aussi des emplois à court terme (CDD, contrats de mission) pour soulager au plus vite nos services publics, qui peinent à gérer la crise actuelle.

Offrir des débouchés

Créer des emplois publics, c’est aussi offrir des débouchés aux jeunes diplômés. Avant la crise sanitaire, le taux d’insertion à 18 mois des étudiants issus de l’université dépassait les 90%. En 2020, le nombre de postes ouverts aux personnes sans expérience a chuté de plus de 40%. En dépit de la qualité de leur formation, des centaines de milliers de jeunes risquent de ne pas pouvoir s’insérer professionnellement. Un récent sondage réalisé pour Syntec Conseil (association professionnelle des métiers du conseil) montrait que, fin 2020, seuls 54% des diplômés de l’année avaient trouvé un travail, un taux inférieur de vingt points à celui d’une année normale. Or, la situation risque de ne pas s’arranger en 2021, ce qui fait que toute une génération de diplômés risque de perdre les compétences acquises durant ses études en cumulant des années de galères, de petits boulots peu qualifiés et de chômage. Si l’on ne fait rien, plusieurs centaines de milliers de jeunes basculeront dans la précarité.

En décidant de subventionner l’apprentissage et les embauches des moins de 25 ans, le gouvernement n’a proposé qu’une réponse partielle. La gauche, qui milite pour étendre le RSA aux 18-25 ans, ne répond elle aussi que partiellement aux désirs d’insertion des jeunes. Il faut aller au-delà de la seule logique d’assistance financière. En plus des subventions au entreprises et des allocations aux ménages qu’il propose, l’État doit s’impliquer directement dans le secteur productif et engager un véritable plan d’embauches en direction des moins de 25 ans. Cela lui permettra de renforcer les services publics, d’accompagner l’activité des entreprises qu’il gère et de faciliter l’insertion professionnelle d’une génération durement touchée par la crise.

Le gouvernement profite-t-il de la crise sanitaire pour tuer l’Assurance Chômage ?

La pandémie et la crise sanitaire ont débouché en mars dernier sur un confinement qui a mis au « chômage forcé » quelques 8 millions de salariés français. Les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire continuent de se faire sentir durement et nous ne sommes qu’au début du phénomène. Quel que soit le rebond économique espéré après la mise à l’arrêt de l’activité économique au printemps et une fois que nous serons sortis de la crise sanitaire, les conditions générales ont fragilisé des milliers d’entreprises – et certaines ne seront pas capable de s’en remettre – et détruit des milliers d’emplois ; les destructions d’emplois vont se poursuivre et on ne compte plus aujourd’hui les entreprises qui profitent de l’ambiance économique générale pour tenter de justifier des plans sociaux qui n’ont pas grand chose à voir avec la crise sanitaire ou avec la situation économique réelle des sites concernés.

La question de l’assurance chômage et de son devenir est donc plus cruciale que jamais. Force est de constater que l’inventivité du gouvernement sur le « chômage partiel » contraste avec sa frilosité concernant la réforme de l’assurance chômage.

Généralisation du dispositif « activité partielle » : avantages et inconvénients

En effet, arguant de la nécessité de parer au plus pressé le gouvernement Philippe a généralisé, avec la loi sur l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances du printemps, le dispositif « activité partielle », faisant un parallèle discursif avec les dispositifs de chômage partiel qui avaient si bien réussi à l’Allemagne au cœur de la crise financière de 2008. Discours relativement bien reçu dans la population et chez toutes les organisations politiques. Avec quelques mois de recul, il faut maintenant faire le bilan.

Personne ne reprochera au gouvernement d’avoir permis ainsi de préserver l’emploi et des milliers d’entreprises en « nationalisant les salaires ». Sauf qu’il faut relativiser cette expression de « nationalisation des salaires » car elle n’a été que partielle. Dans l’urgence – l’urgence parfois devient pratique après coup –, le gouvernement a imposé par ordonnance une généralisation à huit millions de travailleurs d’un dispositif qui n’avait été prévu que pour quelques dizaines de milliers de cas concomitants. Or les conditions du dispositif de départ n’ont pas été adaptées à ce changement d’échelle radical ! L’assurance chômage (financée désormais essentiellement par la CSG) a pris en charge un tiers du coût sans que les partenaires sociaux qui la gèrent n’aient leur mot à dire. Or l’arrêt total de l’activité économique du printemps était consécutif à la seule décision du gouvernement et non à des difficultés économiques rencontrées par les entreprises : rien ne justifiait que l’assurance chômage participe au financement à un niveau aussi élevé du dispositif « activité partielle ».

Le coût pour l’Assurance chômage ne s’arrête pas là puisque les entreprises entrant dans le dispositif « activité partielle » bénéficient (assez logiquement) d’exonérations qui ont grévé les recettes à hauteur de 8 millions de salariés. Les pertes accumulées par l’assurance chômage à l’occasion de la crise sanitaire et de ses implications économiques et sociales sont donc énormes : exonérations pour les entreprises en « activité partielle » et perte de CSG consécutive aux suppressions d’emplois, fermeture de sites ou aux défaillances d’entreprises.

La dette de l’assurance chômage avait donc grimpé de plus de 10 milliards d’euros à la fin du printemps du fait du dispositif « activité partielle », sans que l’on pense encore un seul instant à une légitime compensation de l’État ou à une reprise totale de cette dette qui avait été créée par les décisions de l’État. « Dette ici ou dette là, quel intérêt ? », nous direz-vous ? Et bien parce que la dette est plus facilement pilotable au niveau de l’État : celui-ci n’éteint jamais sa dette, il paye les intérêts, emprunte sur 30 ans et lorsque la dette arrive à échéance il la refinance en empruntant à nouveau pour rembourser ce qu’il avait précédemment emprunté, et tout cela aujourd’hui à des taux souvent négatifs. Ce n’est pas le cas de l’assurance chômage qui – bien qu’elle bénéficie de la signature de l’État – emprunte sur des durées beaucoup plus courtes, rembourse à la fois intérêts et capital, tout cela dans le cadre de conventions UNEDIC sur des durées courtes, qui ne permettent jamais à cette institution d’avoir une stratégie économique contra-cyclique… en réalité, la dette coûte plus cher lorsqu’elle « appartient » à l’assurance chômage plutôt qu’à l’État, dont on a par ailleurs bien vu la capacité aujourd’hui à trouver des dizaines et des centaines de milliards d’euros face à la crise, dans un cadre relativement contenu.

À moyen et long termes, cette dette accumulée de l’assurance chômage va donc servir d’aspirateur à recettes (quand celles-ci reviendront enfin) et ne permettra pas d’affronter correctement le défi durable d’une situation de l’emploi dégradée par les conséquences économiques de la crise sanitaire et de la transformation de notre économie.

Conservatisme gouvernemental sur l’assurance chômage

Quel contraste avec la frilosité du gouvernement sur la réforme de l’assurance chômage ! L’application de sa décision unilatérale contre les partenaires sociaux de l’UNEDIC en juillet 2019 n’a été face à la crise repoussée que de trimestre en trimestre, alors que tous s’accordaient à reconnaître qu’elle provoquerait dans les circonstances créées par la pandémie une catastrophe sociale insupportable. Le gouvernement Castex prétend toujours la mettre un jour ou l’autre en application.

Au-delà de la mise en cause légitime de cette réforme régressive, il conviendrait pourtant de réfléchir à un assurance chômage profondément rénovée qui pourrait devenir un véritable outil de protection du plus grand nombre, ce que certains nomment avec nous « sécurité sociale professionnelle », où l’éligibilité à l’indemnisation serait plus large, le niveau de vie mieux garanti et la confiance des salariés plus forte – leur permettant ainsi de mieux négocier les transitions entre emploi et chômage. Il conviendrait également de repenser les relations entre assurance chômage et minima sociaux, qui sont bien plus liés qu’on ne le dit, puisqu’ils touchent d’abord des publics frappés par l’épuisement de leurs droits.

Le double discours d’Emmanuel Macron n’a jamais cessé sur le sujet. On avait déjà perçu sa « croyance » dans un système inspiré du modèle britannique où la faible aide sociale attribuée aux chômeurs serait censée les inciter à retrouver rapidement un emploi. Toutes les études ont depuis longtemps démontré que le « monde merveilleux » de Moi, Daniel Blake croqué par Ken Loach était en réalité contre-productif, produisant démoralisation, retour à l’emploi plus difficile et pertes de compétences. Pourtant le candidat Macron proposait dans le même temps l’élargissement aux indépendants, et le président d’aujourd’hui a suggéré la création d’une aide de 900 euros par mois garantie pendant 4 mois devant bénéficier aux travailleurs des secteurs de la restauration ou de l’évènementiel, ou encore à des intérimaires, lourdement touchés par la crise … une forme d’avancée vers l’idée d’« État employeur en dernier recours ». Mais tout cela sans jamais s’interroger de manière sérieuse sur le financement durable de l’assurance chômage telle qu’elle était ou même élargie à de nouveaux publics (ce dont on ne pourrait que se réjouir).

De fait, depuis les années 1980, la part de PIB consacrée aux dépenses sociales liées au chômage a stagné à hauteur de 2% ; le refus de maintenir les recettes à un niveau nécessaire alors que les besoins augmentaient a conduit à un durcissement progressif des conditions d’indemnisation et un déversement de plus en plus important vers les minima sociaux. En grande partie, comme pour le reste de la sécurité sociale, le déficit de l’assurance chômage est artificiellement organisé par la suppression de recettes et par la non compensation par l’État de dépenses indues (ex. la partie ANPE de pôle emploi est aujourd’hui prise en charge par l’UNEDIC sans être compensée par l’État qui s’est ainsi débarrassé d’une dépense sur l’assurance chômage).

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Toutes ces questions sont devant nous. Mais sachant qu’on ne peut tuer son chien qu’en ayant fait croire à tous qu’il avait la rage, la Gauche Républicaine et Socialiste se mobilisera aux côtés des partenaires sociaux pour que l’État prenne enfin ses responsabilités face à l’augmentation de la dette de l’assurance chômage qu’il a artificiellement créée en globalisant le dispositif « activité partielle », en compensant une partie des dépenses qu’elle a eues à sa charge dans le dispositif et en reprenant à son compte le coût des exonérations qui ont grévé en parallèle les recettes de l’UNEDIC.

« Salariés d’Alinéa, Épargnés par le Covid, tués par Mulliez »

Alinéa étant mis en liquidation judiciaire, les 1900 salariés de l’enseigne en France sont dans l’attente de la décision du tribunal de commerce fin Août. Alexis Mulliez se pose en repreneur de sa propre entreprise ! « Il veut reprendre neuf magasins sur vingt-sept, mais aucun en Seine-et-Marne. Mais son offre a été jugée trop faible, assure Ingrid Seillery, déléguée CGT d’Alinéa en Seine-et-Marne.

“Notre patron profite de l’ordonnance du 20 mai dernier qui permet à un dirigeant de reprendre sa propre société, en faisant payer la dette de l’entreprise par la collectivité et les indemnités des salariés via le régime de garantie des salaires”

Le PDG pour justifier le redressement judiciaire invoque tout et son contraire : Covid19, grèves et même gilets jaunes. En fait, comme le soulignent les représentants syndicaux « L’entreprise était dans un très mauvais état avant cela. C’est erreur de stratégie commerciale sur erreur de stratégie commerciale, et cela depuis des années ».

Le propriétaire n’est pas n’importe quel patron : la famille Mulliez, quatrième fortune française contrôle une galaxie d’enseignes dont Auchan, Leroy-Merlin, Décathlon, Boulanger, Saint-Maclou, Cultura, Norauto, Kiloutou, Flunch pour les plus connues.

L’empire Mulliez s’est distingué ces dernières années par son accoutumance au doublé licenciements/subventions de l’Etat (CICE) à laquelle il faut ajouter la spécialité de la famille : l’évasion fiscale en Belgique, Suisse et Luxembourg.

Rappelons également le dernier projet funeste du groupe Mulliez : Europacity, méga-complexe commercial dont les impacts écologiques, économiques et sociaux désastreux auraient affectés l’ensemble de la Région parisienne. Projet heureusement remis en cause grâce aux luttes des élus, des associations et des habitants des territoires franciliens.

La Gauche Républicaine et Socialiste est solidaire des revendications des salariés d’Alinéa, soutient le maintien en activité du plus grand nombre de magasins ainsi que le plan social défendu par le syndicat CGT, tant sur les reclassements dans le groupe (comme Auchan) que sur un juste montant d’indemnités de licenciements.

Le coût du travail n’existe pas !

Il n’y a plus de véritable politique de l’emploi en France.

Celle-ci se confond depuis maintenant de nombreuses années avec l’idée simpliste qu’il suffirait de baisser les coûts de production pour que le taux de chômage diminue. On assiste ébahi à un empilement de mesures visant à réduire le « coût » du travail (CICE, Pacte de responsabilité etc.) sans que cela ait le moindre effet pérenne sur le marché de l’emploi.

Cette non-politique a en revanche des conséquences directes et franchement absurdes sur notre appareil productif : multiplication des plans de réductions des effectifs, recours excessifs à la sous-traitance, développement d’emplois atypiques favorisant la précarité (CDD, interim, etc.).

Plutôt que de continuer dans cette voie la crise actuelle nous fournit l’opportunité d’entamer une bifurcation digne de ce nom, de rompre avec l’idée malsaine et faussée selon laquelle le travail est un coût qu’il faut baisser.

Rappelons-le, le travail n’est ni un coût ni une marchandise comme les autres.

Il est un investissement et constitue, au même titre que la monnaie, l’une des conditions indispensables de l’échange économique. Parler du coût du travail a donc aussi peu de sens que de parler du coût de la monnaie et est révélateur du renversement sémantique à l’œuvre depuis 30 ans qui vise à culpabiliser les travailleurs.

Leur précarisation croissante n’a par ailleurs jamais été une solution au chômage de masse. Au lieu de favoriser l’émergence d’un cercle vertueux dans lequel l’efficacité économique serait directement corrélée à la stabilité de l’emploi et à une revalorisation des salaires, les partisans de la « flexisécurité » pratiquent la dynamique inverse et créent de véritables trappes à pauvreté desquelles il sera particulièrement complexe d’extraire les travailleurs précarisés.

L’enjeu est donc de taille : il ne s’agit rien de moins que de construire une nouvelle stratégie économique orientée vers une véritable transition sociale et écologique dont les deux piliers seraient l’investissement dans des emplois de qualité et la réduction du temps de travail.

Contrairement donc à l’idéologie libérale, la baisse d’un prétendu « coût » du travail ne constitue pas un levier d’action adéquat. Une politique de l’emploi digne de ce nom ne pourra jamais se contenter d’une telle chimère ; elle doit se construire sur une série d’instruments allant de la politique industrielle au marché du travail en passant par l’éducation et la formation professionnelle. Et tous ces instruments doivent être animés par un objectif partagé : celui d’un appareil productif qui valorise des emplois plus qualifiés et de meilleure qualité.

L’urgence sociale et écologique nous force à tourner la page d’un hyperproductivisme low-cost qui ne survit que par la compression des coûts et la précarisation des travailleurs. La crise sanitaire du Covid-19 a d’ailleurs fait rejaillir le problème fondamental de l’utilité sociale des emplois :

comment ne pas s’insurger devant le traitement réservé à celles et ceux qui ont fait tourner le pays pendant ces deux derniers mois (personnels hospitaliers, ouvriers du bâtiment, travailleurs des services publics, conducteurs de métros et de bus etc…) ?

La question de la répartition du travail se pose également avec une intensité croissante.

Révolution numérique et persistance du chômage nous mettent face au défi de trouver une configuration du marché de l’emploi qui ne soit excluante pour personne. Le risque d’une société à deux vitesses où cohabiteraient des citoyens intégrés par le travail et d’autres vivant à sa marge existe bel et bien et montre l’impérieuse nécessité de relancer une dynamique d’aménagement et de réduction du temps de travail.

Faire le pari de l’emploi c’est également viser sa juste répartition :

le passage au 39h a entraîné la création de 145 000 emplois sur trois ans, avec les 35h il s’agit de 350 000 sur quatre ans. Certes la réduction du temps de travail n’est pas une fin en soi, elle doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur la place du travail dans notre société, il n’en reste pas moins qu’elle constitue une politique de l’emploi redoutablement efficace quand elle est bien menée.

Face à la faillite sociale, économique et écologique du néolibéralisme il est encore temps d’engager nos politiques de l’emploi vers un futur plus souhaitable et soutenable, vers une vision qualitative de la production économique qui soit respectueuse des travailleurs et de l’environnement.

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