David Cayla : « Pour sortir du néolibéralisme, il faut proposer un autre modèle et convaincre de sa faisabilité »

Dans son dernier ouvrage, La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? (éditions du Bord de l’eau), l’économiste David Cayla analyse les faiblesses de la gauche dans son combat face au néolibéralisme, tout en esquissant des pistes. Entretien réalisé par Kévin Boucaud-Victoire et publié le 18 septembre 2024 dans Marianne.

Le 15 mai 2012, François Hollande entre à l’Élysée, au terme d’une campagne qui l’a amené à affirmer que « [son] ennemi, c’est la finance » et à proposer de taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million par an. Cinq ans plus tard, le bilan du président socialiste est tout autre, tant il a mené la même politique que ses prédécesseurs. Depuis, la gauche est cantonnée à l’opposition. Le camp qui entendait « changer la vie » est-il condamné à l’impuissance ?

Dans son dernier ouvrage1, l’économiste David Cayla analyse ce qu’est le néolibéralisme et met en lumière ses échecs. Pour lui, malheureusement, le « populisme de gauche », incarné par Jean-Luc Mélenchon est encore loin du compte et ne constitue pas une alternative crédible…

Marianne : Pouvez-vous revenir sur la définition du néolibéralisme ?

David Cayla : Le néolibéralisme est une doctrine visant à aider les gouvernants dans leurs choix politiques. Son idée centrale est que les prix de marché doivent guider les comportements économiques. Par exemple, pour savoir quoi acheter ou dans quel secteur investir il faut observer les prix et faire un calcul économique. Ainsi, si un État ou une entreprise se mettait à contrôler les prix, il serait capable d’influencer les comportements et les choix. Voilà pourquoi les néolibéraux insistent pour que les prix soient le résultat des dynamiques concurrentielles et ne soient en aucun cas sous l’influence des États.

Cela ne signifie pas que l’État doit être passif. Les néolibéraux s’opposent au laissez-faire ; c’est ce qui les distingue des libéraux classiques. L’État doit favoriser les institutions qui permettent au marché de fonctionner correctement. Ainsi, ils recommandent d’organiser le libre-échange via des traités commerciaux, de mettre en place des autorités de régulation de la concurrence, une politique monétaire favorisant la stabilité des prix et insistent sur l’équilibre des comptes publics. Ce n’est pas qu’ils craignent la dette publique, mais ils veulent éviter que son financement ne détourne une partie de la sphère financière du secteur privé.

En quoi celui-ci est-il en train d’échouer ?

Il n’y a qu’à voir l’actualité ! Il échoue sur pratiquement tous les plans. D’abord, la régulation de la concurrence s’avère bien plus compliquée que prévu. De Microsoft à Google, en passant par Amazon, Apple, Uber… la révolution numérique a vu l’émergence d’une multitude de plateformes qui sont capables d’imposer leurs prix aux consommateurs et à leurs partenaires. Ces plateformes démontrent que, dans de nombreux secteurs, il est vain de chercher un prix de marché, surtout quand le marché lui-même est remplacé par des espaces privés détenus par les géants du numérique.

La neutralité de la politique monétaire n’existe plus depuis la crise financière de 2008. L’idée d’une banque centrale neutre et dépolitisée a vécu. En mettant en œuvre des politiques « non conventionnelles » elles sont devenues de véritables acteurs politiques qui n’hésitent pas à intervenir au sein des marchés financiers.

Enfin, il est devenu pratiquement impossible d’atteindre l’équilibre des comptes publics. Le problème ne se limite pas à la France. Aux États-Unis, la dette publique atteint des sommets et le déficit dépasse systématiquement les 5 % du PIB depuis 2020. Les économies développées ont en permanence besoin de stimulus budgétaires pour absorber l’excès d’épargne mondiale.

En quoi lutter contre l’inflation n’est pas en soi de gauche ?

Comme je l’ai souligné, la lutte contre l’inflation constitue l’un des piliers de la doctrine néolibérale. Les néolibéraux ont fini par convaincre les populations que lutter contre l’inflation, c’était défendre leur pouvoir d’achat. Mais il n’y a rien de plus faux ! L’inflation est neutre sur le pouvoir d’achat car les prix des uns sont les revenus des autres. Le problème ne vient pas de l’inflation mais des rapports déséquilibrés qui se jouent sur les marchés. Si l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, c’est uniquement parce que ces derniers ne parviennent pas à négocier des hausses salariales.

Pour répondre aux problèmes de pouvoir d’achat, la gauche devrait mettre en avant, non pas la lutte contre l’inflation – ce qui légitime l’austérité salariale, la hausse des taux d’intérêt et avantage en fin de compte les détenteurs de capital financier – mais défendre la cause des services publics, de la gratuité et des logements accessibles. Le combat politique prioritaire ne devrait pas être le niveau d’inflation mais de limiter la sphère marchande et de mieux répondre aux besoins fondamentaux du plus grand nombre.

Selon vous, le « populisme de gauche » n’arrive pas à mettre en échec le néolibéralisme, parce qu’il s’appuie sur un agrégat de luttes et de colères et qu’il a substitué les affects à la raison. En quoi cela est-ce problématique ?

Pour sortir du néolibéralisme, il faut proposer un autre modèle de société et convaincre de sa faisabilité. Ce modèle doit avoir des éléments positifs, il doit tracer un chemin crédible vers une nouvelle société. Le danger avec la stratégie populiste telle qu’elle ait été définie par la philosophe Chantal Mouffe est qu’elle part du principe que toutes les revendications sont légitimes ; c’est la thèse de la « chaîne d’équivalence ». Mais si on veut bâtir un nouveau modèle il faut être capable de discriminer entre les revendications qui émanent du mouvement social. Par exemple, il faut savoir si on priorise l’émancipation des femmes ou si l’on tolère les pratiques religieuses qui tendent à les inférioriser.

Choisir ses luttes ne peut pas se faire en se reposant sur les affects, car toute lutte est, d’une certaine manière, légitime. S’opposer à la construction d’un barrage qui menace un écosystème peut sembler tout autant légitime que de le construire pour favoriser la production d’électricité renouvelable. Alors comment décider ? C’est là qu’intervient la rationalité politique. Puisqu’on ne peut pas contenter tout le monde il faut bâtir une doctrine qui permette de trancher. Le populisme de gauche ne dispose pas d’une telle doctrine du fait de son refus de prioriser les luttes. C’est une stratégie utile dans l’opposition pour rassembler les mécontents, mais elle ne peut permettre de gouverner.

Vous pointez la critique virulente des institutions… Mais cela n’est-il pas consubstantiel à la gauche, à l’instar de Karl Marx qui qualifie l’État d’« avorton surnaturel de la société » et de « parasite »« qui se nourrit sur la société et en paralyse le libre mouvement » (dans La guerre civile en France?

Le néolibéralisme s’incarne dans nos institutions. Les règles budgétaires ou la libéralisation des services publics sont inscrites dans les traités européens et le droit français. Pour sortir du néolibéralisme, il faut donc repenser en profondeur nos institutions et les critiquer. Marx avait parfaitement compris que le capitalisme s’appuie sur l’État. D’ailleurs, l’État moderne est né avec l’avènement du capitalisme.

Néanmoins, je crois qu’on ne peut limiter l’État au capitalisme. D’ailleurs, tous les régimes socialistes qui se sont historiquement développés au XXe siècle l’ont fait à partir de l’État et de son renforcement. Inversement, le régime nazi a lui organisé un dépérissement de l’État tout en préservant une forme de capitalisme. Donc on ne peut pas tirer un trait d’égalité entre État et capitalisme.

Quoi qu’il en soit, ni Marx ni les marxistes ne rejettent le principe des institutions sociales (qu’elles soient légales ou non). Les seuls théoriciens qui s’en méfient par principe sont les libertariens, lesquels ne croient qu’aux individus et aux marchés. Aussi, la gauche ne peut se contenter de critiquer les institutions, car cela risque de nourrir la défiance et de renforcer l’extrême droite.

Vous relevez néanmoins qu’il y a de bonnes choses dans le programme économique du NFP. Lesquelles ?

Le programme du NFP a été conçu en quelques jours en réponse à la dissolution surprise du Président. Dans ces conditions, il ne pouvait être parfait. Pour autant, j’ai noté de nombreuses avancées par rapport au programme de la NUPES. D’abord, il est beaucoup plus court et n’a pas hésité à hiérarchiser ses priorités, au contraire du programme de 2022 qui était un indigeste catalogue de mesures.

Ensuite, il ne se contente pas d’en appeler à davantage de redistribution sociale. Certaines propositions impliquent de véritables ruptures, comme celle consistant à engager un bras de fer avec les autorités européennes pour sortir du marché européen de l’électricité et rétablir un monopole public. Enfin, il affiche sa volonté de mettre fin aux traités de libre-échange et de modifier le droit de la concurrence. Il conteste donc des éléments importants de la doctrine néolibérale.

  1. La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ?, David Cayla, Bord de l’eau, 168 p., 15 € ↩︎

Emmanuel Maurel : « La coalition de gauche est bien plus solide que le croient Macron et les siens » – Marianne

Propos recueillis par Isabelle Vogtensperger et publié dans Marianne le 15 août 2024 à 18h00

Lundi dernier, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, lançait l’idée d’un « Pacte d’Action pour les Français » destiné à opérer une large coalition parlementaire, dont seraient exclus le Rassemblement national et La France insoumise. Pour Emmanuel Maurel, fondateur de la Gauche républicaine et socialiste et député, membre du Nouveau Front populaire, il s’agit avant tout d’une tractation politicienne et d’un déni de la situation politique.
Emmanuel Maurel estime que le « Pacte d’Action » proposé par Gabriel Attal cache en réalité un désir de maintenir une gestion austéritaire des finances publiques sans réelle remise en cause de la politique menée jusqu’alors par la majorité présidentielle. Celle-là même qui a pourtant été largement désavouée par les Français aux dernières élections législatives.
La meilleure stratégie que la gauche puisse tenir est dès lors, selon lui, de défendre son programme. Et il considère que les socialistes ne s’abstiendront pas de combattre la politique de Renaissance-LR, contre laquelle ils ont lutté durant sept ans.

Marianne : Le parti présidentiel tente une large coalition (dont sont exceptés le RN et LFI) avec ce « Pacte d’action » proposé par Gabriel Attal pour réunir gauche et droite. Qu’en pensez-vous ?

Emmanuel Maurel : Je suis surpris par cette initiative du Premier ministre démissionnaire. Il aime à rappeler, comme le président, que « personne n’a gagné » les élections législatives. Mais il y a bien une coalition parlementaire qui a été battue les 30 juin et 7 juillet derniers : c’est celle qu’il dirigeait ! On dit que les relations entre les deux têtes de l’exécutif se sont distendues. Je trouve néanmoins qu’il y a une communauté de pensée qui perdure : leurs tentatives maladroites procèdent du même déni de la situation politique.

Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait avoir une discussion féconde, de nature à déboucher sur une cohérence d’action, en s’adressant aussi bien à la gauche qu’à LR ou même à Horizons. En réalité, cette démarche est avant tout politicienne : Gabriel Attal mobilise son talent pour tenter d’accréditer l’idée que ce n’est qu’autour de son parti, pour ne pas dire de lui, qu’un équilibre pourra être trouvé.

« La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change ! »

Or non seulement Renaissance n’a plus les forces qui lui permettraient de prétendre à ce rôle, mais surtout, les électeurs ont clairement signifié qu’ils exigeaient un changement de cap.

Le « Pacte d’Action » qui repose avant tout sur le maintien d’une gestion austéritaire des finances publiques, ne propose rien de nouveau par rapport à la politique que les Français ont désavouée. La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change! En ce sens, plus qu’un « pacte d’action », on nous propose un pacte d’immobilisme. 

Quelle serait la meilleure stratégie pour la gauche : se rallier à cette large coalition ou au contraire, maintenir l’union avec La France Insoumise ?

La meilleure stratégie pour la gauche est de défendre son programme. Nos concitoyens en connaissent les grandes lignes : soutien au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes ; redistribution des richesses en faisant davantage contribuer les plus fortunés ; sauvetage et extension des services publics, notamment l’école et l’hôpital ; planification écologique et restauration de notre base industrielle, laquelle, quoiqu’en dise Macron, continue de s’affaisser. À mon sens, c’est sur ces bases qu’il faut travailler et le Nouveau Front Populaire a des propositions solides pour relever ces défis.

Le Président de la République et ses troupes affaiblies au Parlement continuent de mépriser ces orientations. Et ils essaient de nous diviser pour tenter de les escamoter, mais ça ne marchera pas. La coalition de gauche est bien plus solide qu’ils semblent le croire. Le président avait fait une grosse erreur d’appréciation en nous pensant incapables de nous mettre d’accord sur un programme et des candidats en quelques jours après sa dissolution surprise. Il persévère dans l’erreur aujourd’hui.

Il ne m’a certes pas échappé que le NFP n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je ne verse pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ». Mais la logique politique et démocratique commande de confier à la coalition arrivée en tête l’exercice du pouvoir : à charge ensuite pour nous de bâtir les majorités nécessaires au vote des réformes.

Pour Alain Minc dans Le Figaro, obtenir l’abstention des socialistes serait une stratégie habile de la part du Président – ce que ce pacte pourrait permettre d’obtenir. Qu’en pensez-vous ?

Ce que propose Alain Minc, c’est une sorte de soutien sans participation des socialistes à un gouvernement minoritaire Renaissance-LR et tout ça pour faire quoi ? Peu ou prou la même chose que depuis 2017 et a fortiori depuis 2022, c’est-à-dire une politique profondément inégalitaire et austéritaire.

Je n’imagine pas une seconde que les socialistes s’abstiennent de combattre une politique qu’ils dénoncent depuis sept ans et qu’ils ont contribué à faire battre dans les urnes cette année. Le PS est un grand parti de gouvernement, ancré territorialement, qui a bénéficié du NFP autant qu’il l’a fait progresser. Je ne le vois pas changer subitement d’orientation.

Les macronistes ont vraiment un drôle de rapport au réel. Ils essaient de résoudre la quadrature du cercle en se disant « notre politique a été battue, mais on va quand même la poursuivre, malgré – et contre – le vote des Français ». Et comme ils n’y arrivent pas, ils repoussent à nouveau les échéances : certaines éminences préconisent de repousser la nomination d’un Premier ministre non pas après les JO – c’est-à-dire maintenant – mais « fin août ou début septembre », voire après.

Le grand gagnant de ce pacte serait finalement le parti d’Emmanuel Macron. N’est-ce pas un sacrifice trop important pour les socialistes ? Un « déni de démocratie » comme dirait Mélenchon ?

Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement les plus vulnérables d’entre eux, qui attendent de leurs représentants qu’ils s’attaquent immédiatement aux problèmes auxquels ils sont confrontés, à commencer par le pouvoir d’achat. Ce que veulent nos compatriotes c’est que la politique soit à leur service et au service du pays. C’est à mon avis un enseignement qu’on peut tirer du scrutin des 30 juin et 7 juillet, qui a d’abord été un refus de mettre l’extrême droite au pouvoir, mais qui a aussi été un appel lancé aux responsables politiques pour qu’ils répondent enfin aux urgences économiques, sociales, écologiques, régaliennes de la France.

« Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement
les plus vulnérables d’entre eux »

Ce qui constituerait un « déni de démocratie » serait qu’on s’enlise dans des voies sans issues. Vouloir impulser des réformes avec seulement 193 députés en est une. Mais vouloir faire passer en douce un agenda repoussé par les électeurs en est une autre. Il faut donc essayer d’avancer en respectant la démocratie, c’est-à-dire en confiant au Nouveau Front Populaire la tâche de former un gouvernement.

Quelle gauche peut encore espérer tirer profit des tractations en cours ?

La gauche, dans sa grande diversité, est majoritairement représentée dans le Nouveau Front populaire. Chacun sait qu’elle a mis déjà beaucoup de temps (trop) à s’entendre sur un nom pour Matignon, prenant le risque de décevoir nos concitoyens qui avaient mis en elle de réels espoirs. Mais tout reste encore possible ! Macron pense que la « parenthèse enchantée » des JO lui permettra de reprendre la main, en usant justement de vaines tractations.

Je crois au contraire que les deux semaines qui viennent de s’écouler constituent pour nous un formidable point d’appui : l’esprit de concorde, l’ouverture aux autres, le patriotisme joyeux, le goût du collectif, dessinent les contours d’une France généreuse, entreprenante, solidaire que nous pouvons incarner et défendre.

Je reste convaincu que des réformes portées par la gauche – sur le SMIC, les retraites, les services publics, la politique industrielle – renforceront notre économie et notre modèle social et républicain. La France aurait tout à gagner d’une politique en faveur de la majorité des gens, qui réduit les inégalités, apaise les tensions et redonne espoir. Historiquement, elle s’est d’ailleurs toujours construite comme ça.

S’engager pour vraiment changer la vie !

La période politique intense des derniers mois, marquées par deux campagnes électorales, une dissolution par caprice présidentiel et la menace toujours forte de l’extrême droite (toujours aux portes du pouvoir), a conduite nombre de nos concitoyens à s’engager. Certains ont sauté le pas d’adhérer à un parti politique et c’est le cas de plusieurs dizaines de nouveaux adhérents pour la Gauche Républicaine et Socialiste. L’un d’entre eux – Julien Zanin – a tenu à exprimer les raisons qui motivent son engagement : c’est le texte que nous publions ci-dessous.

Les récentes élections européennes et législatives furent un choc pour beaucoup.

Nous avions beau savoir, l’ampleur sans précédent du vote Rassemblement National est un coup de massue pour la plupart des gens de gauche, et cela à plusieurs titres.

Tout d’abord en tant que marqueur de la crise démocratique que traverse la France, avec une défiance grandissante vis-à-vis de dirigeants qui n’auront eu de cesse de se couper du peuple français, que ce soit en trahissant des promesses, en méprisant la contestation, ou en poussant dans ses retranchements une 5ème république à bout de souffle.

La progression de l’extrême droite révèle aussi l’échec de la gauche à porter l’espérance d’une autre vie, meilleure, plus juste, plus égalitaire, plus fraternelle, plus écologique.

C’est dur à dire, dur à lire, mais nous devons faire ce constat pour avancer. Tout en restant conscients qu’il n’y aucune fatalité.

Le sursaut du second tour, grâce au barrage républicain face au RN, a redonné cet espoir qui nous manquait tant.

Il montre qu’aussi désenchantée soit toute une frange de la population, il reste des valeurs et des principes qui guident toujours l’action de la grande majorité des Français.

Dans le vote Rassemblement National s’expriment aussi une colère et une tentative de changer les choses, espérant que soit pour le mieux, et parfois aussi, faute de mieux.

C’est ainsi à nous, peuple de gauche, de démonter l’argumentaire populiste et démagogique de l’extrême droite, de lever le voile sur les intérêts qu’ils représentent qui sont à l’opposé de ceux des classes populaires.

C’est aussi à nous de reprendre la main sur des sujets trop souvent abandonnés à l’extrême droite, pour y apporter un autre discours, une autre grille de lecture, d’autres solutions.

Ce constat, beaucoup de monde le partage, mais constater ne suffit évidemment pas, il faut aussi agir.

Dans quelle cadre, avec qui, sur quelle base ?

Le choix qui a été fait par la GRS est celui du parti politique, de la définition d’une ligne claire, avec en son cœur les valeurs du socialisme, de la république laïque, de l’écologie et de l’universalisme.

Si le cap est clair et tranche parfois avec d’autres groupes à gauche, la recherche de l’unité est une autre des valeurs clés que nous portons.

Sans faire de compromis sur ce qui nous définit, sans mettre sous le tapis les différends, nous considérons que le succès de la gauche sur le temps long ne peut s’écrire que dans l’unité et le débat d’idée à la base.

Il s’agit aussi de sortir de l’hystérisation des débats politiques, de la culture du clash, du clivage, du buzz.

S’inscrivant dans une tradition politique qui prend ses racines dans l’universalisme et la raison des Lumières, nous considérons que avons besoin de sang froid, de débat apaisé pour aller au fond des choses et ne pas sombrer dans la superficialité qui caractérise notre époque de consommation effrénée, ni dans le différentialisme qui par nature rend stérile tout débat entre groupes différenciés.

C’est ainsi un vaste chantier qui se profile devant nous, avec deux directions principales : travailler à la reconstruction de la gauche, de son unité durable, et mener la bataille culturelle, politique et sociale face à l’extrême-droite pour réaffirmer haut et fort que la seule issue pour sortir des crises qui pèsent sur la France, sur l’Europe et sur le monde, c’est le socialisme.

La lutte sera longue et difficile, mais il n’y a pas d’autre chemin, pas de raccourci.

Alors dès maintenant engage toi, rejoins la GRS, mène le combat pour changer la vie, vraiment !

Julien Zanin

Après le sursaut du Nouveau Front Populaire, renforcer la Gauche Républicaine

La Gauche a su faire face à « l’étrange »* et brutale dissolution du 9 juin 2024 pour permettre aux Françaises et aux Français de sanctionner la désastreuse politique macroniste et empêcher la victoire du RN. Elle a été d’une clarté absolue pour faire barrage partout à l’extrême droite. Le 7 juillet dernier, non seulement le pire a été évité, mais le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête en nombre de députés.

Mais cela n’a pas suffi à lui donner les moyens de gouverner seul pour appliquer pleinement son programme ; la situation politique est confuse, la décomposition du macronisme produit sans cesse de nouveaux effets, sans qu’il semble possible aujourd’hui de constituer une majorité parlementaire stable, comme cela pourrait être le cas dans n’importe quelle démocratie européenne. La réélection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée Nationale démontre une volonté de ne pas tenir compte de la sanction électorale et de s’opposer à quoi qu’il en coûte à une nouvelle expérience gouvernementale de gauche.

La faute à des acteurs politiques, au premier rang desquels se trouve le président de la République, qui n’ont tendu à l’extrême le débat public sans jamais apporter de réponse aux attentes de nos concitoyens dont la colère monte. Le pays a besoin d’apaisement, le pays a besoin d’une alternative durable à l’extrême droite, le pays a besoin d’une gauche qui fait vivre la promesse du Nouveau Front Populaire , d’une gauche qui privilégie la dynamique unitaire . même quand une partie de ses membres ne sont pas à la hauteur, d’une gauche qui rassemble toutes les classes populaires et tous les travailleurs, d’une gauche qui soit capable de prendre ses responsabilités.

Pour renforcer et faire vivre cette gauche, rejoignez-nous : adhérez à la Gauche Républicaine et Socialiste !

* cf. L’étrange défaite

Une page de l’Histoire de France s’écrit avec le nouveau Front populaire !

vous trouverez ci-dessous le communiqué de presse d’officialisation du nouveau Front Populaire le jeudi 13 juin 2024 et son programme présenté le vendredi 14 juin 2024 à midi…

Avec un programme de gouvernement et des candidatures uniques dans les circonscriptions de France, les forces politiques qui ont constitué le nouveau Front populaire donnent rendez-vous aux Françaises et aux Français les 30 juin et 7 juillet prochains.

Une immense attente d’union s’est exprimée.

Elle est scellée !

À partir d’aujourd’hui, partout en France nous œuvrerons à élargir ce rassemblement avec toutes celles et ceux, Françaises, Français, associations, syndicats, partis politiques, personnalités engagées dans le débat public, qui partagent nos idées et nos orientations.

Nous aurons des candidates et des candidats communs capables de représenter la société française.

Nous avons œuvré à un programme politique de rupture avec une déclinaison pour les 100 premiers jours du mandat, des propositions concrètes et réalistes, pour que la vie des Françaises et des Français change, vraiment !

Désormais, l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir n’est plus une fatalité !

Levez-vous et rejoignez le nouveau Front populaire. L’espoir est là !

communiqué de presse Front Populaire du jeudi 13 juin 2024
Le Programme du nouveau Front Populaire

Conférence de presse : Reprenons la Main – 10 janvier 2024, élections européennes

L’année 2024 semble annoncer des vents mauvais et les sorties de crises peinent à se dessiner. Le 9 juin, pour le monde du travail, pour la souveraineté industrielle, alimentaire & culturelle, aux côtés du Parti Communiste Français, de L’Engagement et de représentants du monde du travail, il est temps de « Reprendre la Main en France et en Europe ».

Retrouvez ici l’intervention d’Emmanuel Maurel le 10 janvier 2024, lors de la présentation des premiers axes de la liste que nous mènerons avec nos partenaires aux prochaines élections européennes.

Monsieur le Président : renoncez !

L’Appel du 20 décembre 2023 de plusieurs associations, organisations politiques et syndicales demandant au Président de la République de renoncer à son texte sur l’immigration.

Monsieur le Président, Ce soir, à l’occasion de votre intervention télévisuelle, nous vous demandons solennellement de prendre la seule décision qui vaille : vous devez renoncer à une loi qui porte une atteinte fondamentale aux valeurs de notre République et qui, au-delà de fracturer votre propre majorité, va fracturer notre pays.

Vous avez été élu et réélu face à l’extrême droite. Vous vous étiez même posé en ultime barrage contre les idées du Rassemblement National. C’est la raison pour laquelle de très nombreux Français ont voté pour vous, non par adhésion à votre politique, mais pour éviter le pire.

Mais hier soir, une digue a lâché. Loin de régler quoi que soit aux désordres du monde, à l’exil face aux guerres et au changement climatique, à la crise de l’accueil et ses conséquences, la loi sur l’immigration adoptée hier, la plus régressive depuis des décennies, consacre la préférence nationale, remet en cause le droit du sol et les droits fondamentaux affirmés dans le préambule même de notre constitution, issu du Conseil national de la résistance. Le texte voté est un désastre moral, une trahison de notre Histoire, de ce qu’est notre pays et l’esprit des Lumières, et une reddition devant l’extrême droite qui peut légitimement évoquer une victoire idéologique.

Nous, forces politiques, syndicales, associatives, ne nous résignons pas. Nous sommes là pour résister à l’arbitraire et à l’inhumain. Nous appelons l’ensemble des organisations de la société civile, toutes les forces progressistes et républicaines à agir face à cette attaque majeure contre notre République et sa Constitution, et à construire ensemble des initiatives dans les jours et les semaines qui viennent.

Monsieur le Président : renoncez !

Signataires :

Associations et syndicats : ATTAC, ANVITA, Confédération paysanne, Confédération Générale du Travail, CRID, Droit Au Logement, EMMAUS France, Fédération Syndicale Unitaire, Jeune Garde, MRAP, Les Amis de la Terre, Ligue des Droits de l’Homme, SOS Racisme, Union étudiante, Union syndicale Lycéenne

Partis politiques : La France Insoumise, L’Engagement, Les Écologistes – EELV, Les Radicaux De Gauche, Génération·S, Gauche Républicaine et Socialiste, Mouvement Républicain et Citoyen, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Parti Radical de Gauche, Parti Socialiste, Place Publique, REV.

Université des possibles : « La gauche doit engager la reconquête populaire »

tribune collective publiée dans Marianne le mercredi 23 août 2023

Dans cette tribune publiée à l’orée des universités d’été des partis de gauche, les signataires, élus et militants, intellectuels et associatifs, défendent l’initiative de l’ « Université des possibles » : engager la reconquête des classes populaires à gauche sur une ligne sociale et républicaine.

A quelques jours du début des universités d’été des partis de gauche, et quelques semaines après les émeutes qui ont déchiré le pays, il devient urgent pour la gauche de proposer une nouvelle vision du monde. La tension sociale, à bien des égards explosive, dans laquelle le chef de l’État a poussé le pays depuis la mobilisation contre la réforme des retraites et l’explosion sociale consécutive à la mort de Nahel ont de quoi inquiéter. À mesure que la France s’intègre dans la mondialisation néolibérale, les crises se succèdent (économique, sanitaire, environnementale…) avec ce qu’elles charrient de conséquences néfastes : délocalisation des industries, destruction des écosystèmes, casse des services publics pour financer les mesures d’ »attractivité »…

L’EFFACEMENT DE LA GAUCHE DU DÉBAT PUBLIC

A chacune de ces crises on a prophétisé la fin du tout marché, le retour à la souveraineté nationale et à des mécanismes de régulation lorsque l’activité humaine se révèle prédatrice. La crise sanitaire et la mobilisation contre la réforme des retraites ont d’ailleurs toutes deux fait réémerger des thèmes chers à la gauche : relocalisation de l’activité économique, solidarité nationale et accès à des soins de qualité, nécessité de mener une transition écologique face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité.

Pourtant, la course à la concurrence généralisée est toujours aussi vive et les partis de gauche semblent incapables de transformer les colères populaires en espoirs d’un ordre social nouveau. En témoignent les sondages qui dépeignent le RN comme grand vainqueur de la réforme des retraites. Les ouvriers, pour la grande majorité d’entre eux, ne votent plus à gauche et les classes populaires ne s’identifient plus à elle depuis longtemps. Bien que la Nupes soit parvenue à éviter la déroute de la gauche aux élections législatives, rares sont les Français qui s’identifient encore aux partis de gauche. La base sociale des différentes organisations qui la composent donne trop souvent l’impression de se rétracter autour d’un entre-soi de diplômés urbains et de militants vieillissants.

SORTIR DE L’IMPUISSANCE

En focalisant leur attention sur la compétition électorale (avec des débats interminables sur l’opportunité de créer des coalitions qui perdent parfois tout sens politique), les partis de gauche ont arrêté de penser les mutations économiques, sociales et politiques de notre société et ne parviennent plus à proposer une « vision du monde » cohérente et crédible, en même temps qu’ils délaissent toute ambition en matière d’actions concrètes sur le terrain.

Dans une société en crise, où il est de bon ton d’exalter la réussite individuelle et de mépriser les solidarités collectives, il est temps de proposer un autre modèle. Certes la concentration de la majorité des médias français entre les mains de quelques milliardaires complexifie l’émergence de récits alternatifs. Mais le travail sur les représentations collectives est depuis longtemps délaissé au profit d’incantations rituelles à la lutte contre l’extrême droite. À l’inverse, les droites, celle du chef de l’État comme celle du Rassemblement national, bien que défendant les intérêts des classes dominantes, grandes gagnantes de la mondialisation financière, ont su jouer sur les peurs des Français et toucher les déclassés et les classes populaires.

Autrefois existait une contre société de gauche, qui se manifestait par une multitude d’associations (sportives, de soutien scolaire, de musique, de collecte alimentaire, etc…) présentes un peu partout sur le territoire. Un grand nombre de Français avait ainsi une expérience concrète de l’action menée par ces associations : concerts, tournois de foot, cours du soir, etc… Certaines de ces associations existent toujours mais se réduisent comme peau de chagrin en raison du peu d’attention portée à la construction et à l’ancrage social des organisations politiques. Le contrecoup de la révolution numérique a été un éloignement physique grandissant entre les représentants politiques et les citoyens et l’abandon progressif de toute action locale (hormis la diffusion de tracts et le collage d’affiches en période électorale). S’inscrire dans le temps long de la construction idéologique et de l’ancrage social, voilà les conditions d’un véritable renouveau à gauche.

RESTAURER LES CONDITIONS DE L’ESPÉRANCE

Ce sont les objectifs que nous nous fixons en créant dès septembre 2023 l’Université des Possibles. Rassemblant des élus et militants de gauche, intellectuels et associatifs, salariés du public comme du privé, l’Université des Possibles organisera des tables rondes, largement accessibles, et visant à répondre aux grands enjeux auxquels devra faire face le pays au cours du XXIe siècle : la réinvention du contrat républicain ; la transformation écologique et la démondialisation de l’économie ; la révolution féministe ; l’invention d’une nouvelle coopération internationale.

Soucieuse de renouer avec l’éducation populaire, et fidèle à l’héritage des universités itinérantes promues par Jean Jaurès, l’Université des Possibles organisera également des événements populaires (cafés débat, conférences, banquet populaire) sur l’ensemble du territoire national, dans les grandes villes comme dans la France périphérique et rurale. Au cours de la programmation pour l’année 2023-2024, l’université sera notamment présente à Marseille, Rochefort, aux Lilas, à Nantes, Lyon, Angers, Bordeaux, Toulouse, Mont-de-Marsan, Montélimar.

Construire une alternative à l’actuelle dérive autoritaire et libérale du chef de l’Etat est nécessaire : d’autres possibles existent pour répondre à la crise globale.

Le temps presse : pour réussir ensemble, unissons-nous !


Les premiers signataires (par ordre alphabétique) :

Bassem Asseh, PS, 1er adjoint de la maire de Nantes

Philippe Brun, Député PS de l’Eure

David Cayla, maître de conférences en économie à l’université d’Angers

Jean-François Collin, ancien haut-fonctionnaire

Jean-Numa Ducange, Professeur d’histoire contemporaine (Université de Rouen)

Frédéric Farah, économiste et enseignant à Paris 1

Frédéric Faravel, conseiller municipal et communautaire GRS de Bezons

Barbara Gomes, conseillère municipale de Paris, groupe Communiste et Citoyen

Hugo Guiraudou, directeur de publication du Temps des Ruptures

Liem Hoang Ngoc, ancien député européen, économiste et président de la Nouvelle Gauche Socialiste

Jean-Luc Laurent, Maire MRC du Kremlin-Bicêtre

Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris, co-fondatrice de la Gauche Républicaine et Socialiste, ancienne ministre

Emmanuel Maurel, Député européen, co-fondateur de la Gauche Républicaine et Socialiste

Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas

Arnaud de Morgny, directeur-adjoint du centre de recherche de l’école de guerre économique-cr451

David Muhlmann, essayiste et sociologue des organisations

Pierre Ouzoulias, Sénateur PCF des Hauts-de-Seine

Chloé Petat, co-rédactrice en chef du Temps des Ruptures

Christophe Ramaux, maître de conférence en économie à l’université Paris I

Laurence Rossignol, Sénatrice PS de l’Oise, ancienne ministre

Stéphanie Roza, chargée de recherche au CNRS, philosophe spécialiste des Lumières et de la Révolution française

Milan Sen, co-rédacteur en chef du Temps des Ruptures

Mickaël Vallet, Sénateur PS de Charente-Maritime

Mémoires militantes #1 – de quoi est fait l’engagement militant ?

La Gauche Républicaine et Socialiste ouvre aujourd’hui une série d’articles sur les mémoires militantes. Nous nous sommes entretenus avec Pierre Chambeux et Jean-Paul Cadeddu, militants de gauche et syndicalistes de Seine-et-Marne. Dans cet entretien, ces deux militants au parti communiste et syndicalistes à la CGT reviennent sur leur parcours.

propos par Gurvan Judas

Quand et comment est né votre engagement politique et syndicaliste ?

Jean-Paul : J’ai adhéré aux Jeunesses communistes italiennes en 1953, l’engagement était prêt, mon père était résistant et mon oncle viré de l’éducation nationale italienne car communiste. Il m’a formé politiquement. On était abonnés à l’Unita Italia, on écoutait Radio Moscou tous les soirs.

Donc j’ai évolué dans ce milieu communiste.

En 1953 j’ai mon certificat d’étude et je suis demandeur d’emploi. En Italie comme les dockers, nous étions des journaliers. Quand l’employeur voulait quelqu’un pour arroser les betteraves etc… on était désigné pour travailler pour telle personne. Le Secrétaire général était communiste et j’ai donc adhéré à ce moment. Je suis arrivé en France en 1960 dans le Nord, en tant que conducteur de machine agricole et en 1962 j’ai quitté le Nord. Ou plutôt j’ai été autorisé à quitter le Nord car à l’époque on ne pouvait pas quitter sa fédération de travail. En 1963 je suis allé en Lorraine où j’ai eu une carte de séjour chez un agriculteur.

Ensuite on demandait du monde comme mineur. Je suis donc devenu mineur dans le bureau des mines, puis il y a eu les grèves de 1963 et j’ai été gréviste. J’ai rejoint la CGT mais Pompidou nous a réquisitionné. J’ai rejoint le mouvement ouvrier en 1963 avec les grèves des mineurs. Puis j’ai quitté les mines car ma femme attendais un fils, je suis retourné dans le Nord dans le milieu agricole, puis en 1965 à Dunkerque où on a mis en place un syndicat CGT face à la CFDT, puis la section du Parti Communiste de Dunkerque. J’étais secrétaire général de cette section communiste.

Du côté flamand, il y avait peu de communistes, donc on a créé notre section avec 270 adhérents. Ensuite, j’ai été Secrétaire de la CGT dans les usines du Nord à Dunkerque, puis permanent aux métaux Paris en 1974 à 32 ans.

Pierre : À 14 ans j’étais au boulot, pâtissier, avec des horaires à n’en pas finir, un repos par semaine, je suis tombé sur un maître d’apprentissage et j’ai appris. Je suis né « révolutionnaire », en colère et à 16 ans, vues les horaires et le boulot qui était demandé pour 5 000 anciens francs, j’ai demandé une augmentation de 50 nouveaux francs. Et à cette époque, je sortais des pétrins de brioche. Mon patron avait viré le boulanger et je faisait tout. Il m’a dit « non » à l’augmentation et je lui ai mis sur la tête la brioche puis je suis parti… La colère a commencé là. Après, de patron en patron, j’ai appris plein de métiers, glacier, chocolatier, etc. Je ne voulais pas faire l’armée, je suis arrivé à Vincennes avec les crosses en l’air avec tous les journaux « révolutionnaires » : l’Humanité, Libération [NDLR : à l’époque Libération était un journal post-maoïste], Charlie Hebdo, etc. pour qu’ils me virent mais je suis parti en taule, j’ai été crapahuter et j’ai eu 6 mois de rab.

Je reviens de l’armée à 18 ans, je reprends le travail, j’ai envie de rien faire et, en même temps, je rentre à la MJC à Denfert-Rochereau.

Je fais connaissance de la CGT, du responsable, Guyeux, délégué dans le XIIème pour les éboueurs de Paris.

Je ne voulais pas reprendre le travail et il me prend en éboueur. Dans ma trajectoire de vie, j’ai toujours voulu connaître d’autres gens et métiers. À la retraite, au moment de faire le dossier, j’avais fait 53 métiers : on n’y croyait pas. C’était le plein emploi, j’ai fait des métiers par mes relations et grâce au bouche à oreille.

Je rentre aux éboueurs de Paris avec les grèves. Je me syndique à 19 ans à la CGT. Je n’était pas au PCF, mais j’allais à la MJC.

À 4 heures, je fais les poubelles. Je me suis impliqué, je deviens permanent mutualiste travailleur immigré à la Bourse du travail. J’y reste 4 ans puis j’ai continué et enchaîné les métiers. Je me suis encarté PCF puis je n’ai rien fait ensuite. Puis j’ai ouvert un restaurant. Je n’était plus syndiqué alors. J’ai déchiré ma carte du PCF devant le Maire d’Elbeuf par colère pour un désaccord. J’ai toujours été syndiqué mais il y a eu des trous. J’ai fais 53 métiers sans rien connaître.

Quand j’ai ouvert mon restaurant, des camarades de la CGT y venaient manger puis me disent ce que je vais faire et m’accompagnent. Ils m’emmènent chez Renault Créon et 3-4 mois après un mouvement de contestation, usines bloquées, boulons sur les CRS, j’ai été mis à la chaîne. Mais ça n’a pas duré longtemps, les chefs d’équipes me gavaient donc je suis resté 6 mois après le mouvement. Je ne suis pas resté et je suis parti. J’ai fait de nouvelles connaissances. Je n’ai vécu que par relations.

On m’emmène à Lyon, dans la zone industrielle pour y créer un comité d’ entreprise. On vendait des tablettes et des livres pour Noël et je fais ça. Je suis parti là-bas, je me suis refait une santé financière, 50 francs pour 3 livres, des livres de cuisine, de jardinage et des livres pour enfants en nouveau francs. J’avais Grenoble, Marseille et Lyon en secteur. J’ai fais ça 1 an, le temps d’avoir de l’argent. Puis j’ai fait de nouvelles connaissances et ainsi de suite.

Puis j’en avais marre, je vais à Paris au Sainte-Louise, je fais des soirées, je reste un an et demi, je fais connaissance d’un futur ami.

Je suis resté 9 ans et demi comme commercial aussi, je travaillais avec les marchés de la Seine-Saint-Denis. Un frère revend ses parts.

Puis je vais à Saint-Helle, je suis responsable de service technique et achat pendant 6 ans.

Je suis revenu ensuite. J’ai été syndiqué CGT ici à Coulommiers à l’Union Locale et l’Union Départementale et je travaille pendant 9 ans à la presse à Montreuil. Il ne me reste que quelques années avant la retraite.

J’ai travaillé dans la presse donc, par relation, je prends la permanence au Syndicat du livre à Auguste-Blanqui (XIIIème arrondissement de Paris) pendant 4 ans et demi, puis je suis parti en pré-retraite à 58 ans.

Votre engagement au Parti communiste allait-il nécessairement avec l’engagement syndical à la CGT, est-ce naturel ? Et quelles différences entre les deux engagements ?

Jean-Paul : Le mouvement est inverse, tu es ouvrier, exploité tu te syndicalise car l’injustice n’est pas normale, c’est contre-nature l’injustice. On veut vivre normalement. Dans l’entreprise, la réponse est le syndicalisme qui est la première marche et permet de te faire une culture et de te faire voir les choses possibles. Et chemin faisant, tu deviens militant politique quand tu comprends que l’exploitation n’est pas obligatoire, tu te révoltes contre ça. Tu protestes et te dis que le syndicalisme a une barrière. Le syndicat ne sera jamais dirigeant du pays et cela limite la démarche pour le bien être des salariés. Et tu comprends que pour faire aboutir ses revendications, il y a besoin du vote pour les représentants du pays. Donc on devient politiquement un sympathisant et on choisi un parti car dans le mouvement ouvrier, il y a plein de partis et de traditions, des socialistes, des communistes, etc.

J’ai choisi le parti qui veut changer le monde pour ne pas juste accompagner la conquête sociale comme syndicaliste. Le PC porte ta revendication et la fait aboutir par des lois. Le parti fait aboutir et conquiert des droits nouveaux et là tu décides. Le syndicalisme ne choisit pas, le politique oui.

Pierre : Quand tu étais à la CGT, ça tombait sous le sens d’être au PC car le CNR (Conseil National de la Résistance) a tout créé, il y avait des cégétistes, le PCF, ils ont tout créé : la sécurité sociale, la retraite, les colonies de vacances, etc. Il y avait des gaullistes aussi [NDLR : et des socialistes, dont notamment Daniel Mayer, responsable du parti socialiste recréé dans la clandestinité, qui ont été les principaux inspirateurs du programme du CNR quoi qu’on en dise]. La CGT a des revendications toujours reprises par le Parti communiste. Les socialistes n’ont rien créé [NDLR : les mémoires militantes sont souvent partiales, ce propos en est une démonstration]. Ça me paraît donc naturel quand on est à la CGT d’être au PC, ça tombe sous le sens par rapport à l’histoire et ce qui a été créé et détruit ensuite depuis Valérie Giscard d’Estaing.

Vous vivez dans un territoire rural avec des pertes emplois, une forte désindustrialisation dans la Vallée du Grand Morin. Des fermetures d’usines comme Villeroy-&-Boch à la Ferté-Gaucher et ArjoWiggins à Jouy-sur-Morin. Comment faire vivre votre engagement sur ce territoire rural et agricole ? Quel engagement particulier ici, quelles différences avec un militantisme à Paris par exemple ? Comment s’articule votre engagement sur le territoire ?

Jean-Paul : Quand je suis devenu permanent, j’ai quitté l’usine, je suis arrivé en région parisienne, j’ai construit une maison car mon rêve c’était une maison, pas un appartement à Champigny. Donc j’ai vendu la maison à Dunkerque et j’ai acheté un terrain à Guérard avec la même société. J’avais des rapports avec le directeur, député gaulliste, et j’ai pris contact avec lui. Je suis arrivé a Guérard et j’allais travailler tous les jours à la Fédération de Paris des Métaux à Montreuil. J’ai milité ici, j’ai adhéré à la CGT Pommeuse/Faremoutier, la cellule Ambroise-Croizat, en plus un ancien ouvrier des métaux et ministre communiste, créateur de la sécurité sociale ! Donc j’ai connu ici des communistes, j’ai cherché à m’inscrire dans la bataille du coin. J’ai connu un communiste ici. Un professeur d’histoire au lycée Jules Ferry à Coulommiers. Il y avait la Jeunesse Communiste qui faisait des fêtes aux Templiers et je me suis inscrit dans l’environnement politique du coin.

Ma responsabilité était l’industrie lourde. Je me suis inscrit de cette manière et j’ai côtoyé des personnes du coin qui militaient. J’étais CGT et PC ici, on devait rester syndiqué à notre usine d’origine mais l’usine origine était à Dunkerque… compliqué pour aller en réunion…

Donc après, avec le système ou tu pouvais adhérer où tu voulais, j’ai pu adhérer à Guérard à Cité Usine.

L’histoire est venue avec l’accession de Mitterrand au pouvoir avec les années des ministres communistes que je connaissais personnellement. J’ai été déçu par eux… Avec les histoires de l’URSS. Car il y avait dans le parti le débat sur le socialisme à la française. Le siège était à Prague pour les métaux et certains exigeaient que le siège soit à Moscou, je suis allée à Moscou pour les réunions, et ce n’était pas vraiment l’idéal communiste de faire le bonheur des gens.

Le système soviétique ça ne m’allait pas. Je l’ai déclaré publiquement et on est rentré en désaccord avec des personnes importantes. J’ai milité à la commission de la main-d’œuvre immigrée dans les années 1972-73. J’étais responsable avec d’autres copains dans le Nord et le Dunkerquois.

En 1989, on a eu un débat violent dans la Fédération des Métaux. J’ai fait l’école centrale du Parti Communiste. Parmi les gens qui, dans la Fédération des Métaux fréquentaient cette école, il y avait un débat entre être ferme et loin des masses ou ne pas être ferme et proche des masses, et je me disais comme Duclos « il faut être devant les masses mais pas trop loin devant, car les masses font l’histoire » donc j’ai démissionné de la Fédération des Métaux. J’avais 50 ans. J’avais refusé le plan social de la métallurgie, donc je pouvais partir en pré-retraite avec un salaire et je me suis dit que je n’étais pas un profiteur donc que je ne voulais pas du plan.

Avec les amis avec qui ont a eu cette réflexion, il y en a un qui est devenu eurodéputé.

On construisait des dossiers cadres industrialisation de l’Europe de l’Est. Ils ont vécu comme ça ???

Je ne pouvais pas écrire 150 pages de documents politiques. J’étais juste militant. Eux sont sortis des grandes écoles et étaient militants politiques. Moi j’étais un militant venu du milieu ouvrier.

C’était l’époque ou les pizzeria marchaient bien, donc j’en ai ouvert une. Donc je rentre dans un restaurant et le patron est sarde comme moi, de la même province. Je cherchais du boulot. Il m’a fait travailler, j’ai appris le métier puis j’ai ouvert mon restaurant que j’ai fermé en 2003. Les réunions du parti se faisaient là. Voilà comment je me suis inscrit dans le territoire.

Tu as fait beaucoup de choses !

Pierre : À l’époque, on pouvait faire plein de choses, ce n’est plus possible aujourd’hui. Ca fait 25 ans qu’on habite ici (Saint-Siméon). J’étais à Champigny, à l’amicale des locataires. J’ai crée le syndicat CGT, j’ai rencontré mes camarades, j’ai fait plein d’actions, mon implication a été a 100% ! Ce n’était plus cyclique comme avant. Ici j’ai connu Jean-Paul à l’Union Locale de Coulommiers et je me suis impliqué ici.

On a fait énormément d’actions sur le territoire !

Quelles actions avez-vous menées sur le territoire, des échecs, des réussites ?

Pierre : Des réussites mais aussi des échecs, les luttes entamées avec des camarades comme Villeroy-&-Boch, un échec. Syndicalement on a fait beaucoup.

À Bruxelles, on a soutenu l’aéronautique, dans le Nord on a eu des réussites. Mais plus d’échecs… Il y a eu des luttes grandes et importantes, des revendicatives, salariales, etc. Toutes les luttes sont enrichissantes même quand on perd, on sait qui nous a trahi comme pour Villeroy-&-Boch ou ArjoWiggins. Les élus qui ne voulaient pas que cela ferme et finalement on laissé les sites fermés. Il n’y a pas eu d’échec de notre part, ils ont voulu que tout ferme, nous on a monté des dossiers, et ils nous ont planté un coup de couteau dans le dos.

Jean-Paul : C’est la division le problème. Territorialement parlant, il y a eu 3 évidences : Les usines comme Brodart, la lutte anarchique parfois, certains voulaient faire sauter l’usine avec du gaz…

Mais s’il y a un acquis, c’est d’avoir permis aux salariés d’occuper leur poste le plus longtemps possible alors que les patrons voulaient fermer le site. Les salariés démissionnaient et on est resté pauvres dans la lutte, assez peu nombreux ; notre parti est intervenu à ArjoWiggins avec Alain Janvier, nous avons monté un dossier. À Brodart on a présenté un dossier aussi mais ils voulaient transférer l’usine à Malesherbes, donc on a retardé la fermeture de 2 ans. Mais l’objectif de l’employeur a abouti, même avec parfois 7 semaines de grèves.

Au fur et à mesure, avec les primes de départ des patrons, les employés les prenaient et on a dû mener une bataille sans soldats comme sur les piquets de grève à Villeroy-&-Boch. Il y a eu une trahison des Ministères des Finances et de l’Industrie. Villeroy-&-Boch n’aurai jamais dans la fédération des métaux !????

Dans notre démarche, en tant que syndicat de changement, on n’était pas dans l’accompagnement. Nous voulions aider les gens à avoir le maximum. On a réussi avec la création d’un centre de recherche sur l’aluminium. Ils voulaient fermer l’usine mais on a réussi à y faire travailler 50 ingénieurs. C’était une réussite mais le site est depuis parti au États-unis et a fermé…

Donc pas de victoire, mais sur la situation territorialement parlant nous sommes les seuls, le PC et la CGT, qui réclamons la réindustrialisation de la Vallée du Grand Morin : 7-8 années à mener cette bataille seuls.

Pierre : On est venu avec des projet montés !

Jean-Paul : Il voulaient diviser les salariés, on a dû fermer l’usine d’ArjoWiggins qui n’aurait jamais du être fermée. On s’est disputé avec le syndicat de l’usine. Il parlait de faire un musée, je lui dit « Tu aurais du faire un piquet de grève au lieu d’un musée, la France des musées et des cimetières industriels on en a marre ! » On a besoin d’emplois pas d’un lieu pour se souvenir.

On jette ce territoire dans les mains du RN. Comme à Jouy-sur-Morin ou la Ferté-Gaucher ou il n’y a plus d’emploi, plus de gare. Marine Le Pen à fait 60% au second tour. On parle de communes de 2 000 et 5 000 habitants où on a détruit des centaines d’emplois : 280 emplois détruits à Jouy-sur-Morin sur une population de 2 000 habitants… On détruit un territoire. À Jouy-sur-Morin, le site du Marais, l’ancienne papeterie est un bel exemple de friche industrielle. À Boissy-le-Châtel, on a fait de l’ancienne usine une galerie d’art contemporain. On aurait préféré garder les emplois. Comment après toutes ces années, ces décennies, ces échecs, faites-vous pour rester infatigables. Comment garder espoir et continuer à se battre et à retourner sur les piquets de grève ?

Pierre : Pour sauvegarder quelque chose pour notre jeunesse. Préserver le marché du travail, préserver le peu qui nous reste pour la jeunesse, qu’il y ait quelque chose et qu’ils ne finissent pas leur études et direction Pôle Emploi. C’est dans nos gènes aussi d’aider le monde du travail. Nous sommes retraités, mais il faut préserver les emplois, les salaires nous ne sommes pas là pour philosopher. C’est juste ça.

Il y aurait tellement à dire, mais pour faire court, qu’est-ce qu’un jeune peut avoir à part un emploi précaire dans la grande distribution, ou dans la logistique, payé au lance-pierre et cela même parfois avec un bac +5, 7 ou 8 ? On vous avait dit à 16 ans qu’il le fallait mais c’est fini aujourd’hui. Maintenant, c’est la logistique, les bas salaires. On se bat pour l’avenir de la jeunesse. Préserver les emplois, les salaires, le monde du travail car si on baisse les bras ça ne va pas être beau.

Jean-Paul : Je pense que l’affrontement capital/travail n’est pas éteint, et j’ai espoir. Pourquoi lutter ? Car c’est le moteur de la société, le travail va l’emporter sur le capital, c’est mon guide. Le travail deviendra majoritaire dans l’esprit de la société.

Je ne suis pas pour une société dictatoriale, une majorité de gens vont se dire un jour qu’ils sont effectivement des serviteurs du capital et ils vont vouloir être maître des affaires. Il y a des Cycles. Le RN n’est pas nouveau, Poujade avait 80 députés déjà. Mais on a connu des années où les luttes rapportaient. Aujourd’hui elles ne rapportent plus.

Pierre : En mai 68, on a eu 35% d’augmentation de salaire et cela tous milieux professionnels confondus. On n’a ruiné aucune entreprise et fermé aucune entreprise dans la fédération des métaux.

Jean-Paul : Une augmentation du Smic de 36 % !

J’ai des enfants, ils travaillent. Ma petite fille ne peut pas payer son entrée à l’École des Beaux-Arts à Paris car c’est 8 000 euros. Et les parents ont un loyer à payer de 1 200 euros… J’explique la réalité d’une société dépassée. Quand on discute avec eux de ça, ils ne viennent pas manifester ! Il devraient !

Moi je suis âgé. J’ai peur de la police, des coups de matraques. Mais ce qui me fait continuer, c’est que je suis sûr que le marxisme un jour l’emportera ! Pas comme l’URSS, et je considère le marxisme à part de la révolution armée, le vrai marxisme interviendra dans des pays formés et avancés, car les gens pauvres ont une idée de la Révolution mais ce n’est pas le marxisme. Le communisme soviétique n’est pas à l’ordre du jour, l’URSS croyait avoir réussi et regarde aujourd’hui les milliardaires en Russie, etc.

Pierre : Je suis convaincu que ce sont les jeunes qui voient la réalité des injustices dans le monde du travail. Je ne crois plus au monde d’aujourd’hui, je crois en la jeune génération c’est eux qui vont changer les choses. J’ai 3 voitures, je vis à la campagne, j’ai un loyer à payer, je ne vais pas faire grève je vais perdre de l’argent…

Mais dans les manifestations qui arrivent on va voir qui va être dans la rue, le RN n’est jamais en manifestation.

Jean-Paul : Les crises du capitalisme sont de plus en plus courtes, ça va éveiller la conscience des gens et les jeunes vont être confrontés de plus en plus aux crises du capitalisme qui veut se maintenir et va de plus en plus exploiter les gens. La jeunesse et les salariés de toute la classe des travailleurs. La classe ouvrière et tous les travailleurs qui vont au boulot, peu importe leur travail, même les ingénieurs, c’est la classe ouvrière !

Mon espoir c’est de dire que j’ai connu des crises, la crise du pétrole, etc. Mais les durées de repos du capitalisme sont de plus en plus courtes. On va demander des réformes, des mouvements vont se créer comme les « Gilets Jaunes » ou des émeutes ouvrières.

Mais l’histoire ne se répète jamais, on n’est pas en 1789. Le capitalisme est une pieuvre maléfique dont les tentacules vont continuer à nous faire mal.

En France, aujourd’hui, sans le parti communiste et la CGT, nous n’aurions pas été un pays latin, mais un pays nordique politiquement ????

Qu’est ce qui a changé dans la situation actuelle dans le militantisme et l’époque ou vous êtes engagés ?

Jean-Paul : À l’époque où je me suis engagé on partait de rien, on voulait aller vers tout, on avait un environnement qui le permettait. On a eu cette capacité d’élever au bien être des gens. Déja, on avait des emplois donc pas le besoin de beaucoup revendiquer mais si nous n’avions pas tout on continuait de revendiquer. Aujourd’hui, les gens se contentent de peu et ne revendiquent pas non plus. Le changement est là. Quand on parlait de la grève avant d’y aller, on avait des mouvements aux portes de l’usine, des centaines de personnes, on était soutenus, les gens avaient espoir. Aujourd’hui la démarche fondamentale qui amène au changement n’est plus là. Heureusement il y a le PC, car beaucoup tombent dans la collaboration sociale, comme la CFDT, etc.

Pierre : Le monde du capital et du patronat on été plus forts que nous, ils ont tout compris, il sont plus forts car à l’époque des grandes usines avec 2 500 salariés c’était plus facile de se syndiquer et d’avoir des revendications.

Le chef de l’usine et ses cadres savaient que 2 500 personnes pouvaient bloquer l’usine mais le monde du patronat et du CAC40 a tout cassé. Les usines ont été détruites, maintenant il y a plein de pôles, plus d’usines avec 2 500 personnes, maintenant c’est réparti. On a cassé les syndicats et dans toutes ces usines tu avais des partis politiques, des gens vendaient l’Humanité à la sortie.

Il y avait des cellules du PC dans les usines, des cégétistes, donc le monde du capital a tout cassé. Ils ont été plus fort, ils ont décentralisé.

On a crée l’entreprise sans ouvriers et usines…

Pierre : Ça n’allait pas encore, à l’époque par exemple la fabrication des billets de banque était un secret d’État dans un coffre fort. Aujourd’hui, ce secret a été donné aux Indiens. Ils ont détruit notre savoir-faire, ils ont été plus fort que nous, ils ont tout compris ; ils ont détruit à la CGT la cellule politique dans les usines. Aujourd’hui les centrales d’achats sont partout robotisées, avant il y avait dix personnes, maintenant trois.

La nano-technologie dans les années à venir va générer des millions de gens à la rue sans emplois et personne n’en parle. Des centaines de millions de chômeurs.

Les jeunes qui se politisent c’est très important car ils voient la réalité des choses, cette réalité.

Comment donner envie à des jeunes de continuer ce que vous avait fait toutes ces années ? Le parcours syndical, politique, ça se perd, il y a de moins en moins de gens syndiqués et encartés, surtout les jeunes Quels mots avez-vous pour donner envie aux gens, dans cette période difficile, de continuer le combat ?

Jean-Paul : Avec les camarades, on a été devant les lycées, Cormier à Coulommiers ou le lycée agricole de la Bretonnière à Chailly-en-Brie.

Il faut être près des gens, pas trop loin, leur dire que c’est possible de faire et leur démontrer que ça a été possible, trouver le moyens d’être avec eux le plus souvent possible et montrer que c’est possible car autrement il n’y a pas d’autres voie.

Dans les manifestations, on le voit actuellement entre les croyances et le passage à l’acte, ce n’est pas facile et la jeunesse à d’autres formes de préoccupation que nous avons eues. Leur faire croire que vivre heureux c’est possible, être des êtres humains dans le respect de la société, et pour soi, nous guide.

Le fait est qu’aujourd’hui, le plus grand cadeau qui peut être fait au capitalisme français, le plus mauvais cadeau qui peut être fait aux jeunes serait que le Parti Communiste disparaisse. Car demain, l’environnement sera dur, et sans perspective de se battre ça sera très difficile. Mais nous sommes faits pour vivre ensemble c’est la paix qui fait avancer. Il faut des moyens, des hommes, des militants. Personne ne naît avec la carte de la CGT et du PC dans la poche.

Pierre : Il faut s’intéresser aux choses pour l’avenir de l’emploi, le monde du travail.

Avons-nous fait assez vis-à-vis de notre jeunesse ? Les lycéens, les universitaires, les avons-nous assez impliqués, avons nous fait le job ? On a fait plusieurs actions ici au lycée Cormier, etc. Ils ne sont jamais revenus vers nous.

Ont-ils des moyens ou avons-nous fait le travail par rapport à la jeunesse du lycée ou du milieu universitaire par rapport au niveau vie, sur le plan syndical ou de la vie politique, etc. J’aurai pu, une fois que ma situation était normale avec un travail et de quoi manger, etc. ne pas manifester, ne pas me mobiliser et ne m’intéresser à rien d’autre.

S’intéresser à la politique c’est s’intéresser aux autres… c’est l’individualisme qui domine aujourd’hui, quand tout va bien on ne s’intéresse pas.

Pierre : Nous devons intéresser et mobiliser notre jeunesse à la vie sociale. Là nous aurons réussi.

C’est la vie publique, en commun et en communauté…

Pierre : On a peut-être loupé le train par rapport à ça…

Jean-Paul : Que le travail devienne un moteur de la société. On s’est battu pendant la campagne pour Fabien Roussel, mais est-ce que ça intéresse les gens ?

Emmanuel Maurel dans Extra Local : l’étonnante hiérarchie des priorités du gouvernement

Emmanuel Maurel, député européen et animateur national de la Gauche Républicain et Socialiste, était invité vendredi 27 janvier 2023 dans l’émission Extra Local sur LCP et Public Sénat…
Il est interrogé sur l’actualité du socialisme, le congrès du Parti socialiste et le rassemblement de la gauche et sur le bras-de-fer engagé entre le gouvernement, les syndicats et la gauche sur la réforme des retraites, mais aussi la situation internationale et la guerre en Ukraine.

Il est également revenu sur le marché européen de l’énergie, conçu sur un modèle aberrant : oui comme le dit Arnaud Montebourg « L’Europe se suicide au gaz »… Dans les affaires de corruption au Parlement européen, Emmanuel Maurel a rappelé que les lobbies les plus actifs et dotés financièrement étaient les multinationales américaines.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.