Proche Orient : halte au feu, cessons d’ajouter les victimes aux victimes !

Les nouvelles du bombardement meurtrier d’un hôpital à Gaza où les civils cherchaient refuge ont semé la consternation, la terreur et l’effroi.

À cette heure, le brouillard de la guerre ne s’est pas dissipé. L’armée israélienne met en cause une roquette défectueuse du Jihad islamique, tandis que le Hamas affirme qu’il s’agit d’un bombardement israélien. Il faut attendre que l’origine de l’explosion et le nombre de victimes soient confirmées.

Mais tout cela n’enlève rien au cauchemar des civils gazaouis, pris entre les fascistes islamistes et les bombardements aveugles de l’armée israélienne, dont le blocus sur la bande de Gaza ne permet aucune fuite, aucune évacuation, aucun répit.

Certaines puissances étrangères jettent de l’huile sur le feu, bien décidées à élargir le conflit et à discréditer la seule démocratie de la région. Il faut dire que la politique de Netanyahu et sa coalition d’extrême-droite n’a rien arrangé, aggravant la colonisation en Cisjordanie et faisant tout, depuis des années, pour affaiblir l’Autorité palestinienne au profit du Hamas.
 
Quand on est de gauche, c’est tout le contexte qu’il faut prendre en compte, faute de quoi l’on perd toute crédibilité. On commet ainsi une très grave faute politique et morale en refusant de qualifier le Hamas de groupe terroriste, voire en n’y voyant qu’un… « mouvement de résistance ». Mais cette position n’est hélas pas isolée et se propage dans toutes les démocraties.

Il est urgent de reprendre le chemin du droit international et de la paix, foulés aux pieds y compris par des gouvernements se prétendant « libéraux » et qui pensaient que le seul commerce, même avec le Qatar, même avec Poutine, serait un vecteur de démocratisation. Il faut redonner sa force à l’ONU, aux règles et aux codes, particulièrement ceux de la guerre et du droit humanitaire, consacrés au même moment, et pour les mêmes raisons, que la création d’Israël.
 
Quant à la France, on ne peut que déplorer son affaiblissement sur la scène internationale et notamment au Proche-Orient. Mais il n’est pas trop tard pour agir. Nous demandons au Président de la République d’exprimer sans ambiguïté la position historique de la France en faveur du droit international, des résolutions des Nations-Unies et de la solution à deux États comme boussole de la sortie de crise.

C’est une nécessité non seulement pour rétablir la paix, mais aussi pour renforcer les démocrates et les forces séculières des deux côtés des murs.
 
Une victoire du Hamas, même symbolique, serait un triomphe pour les Mollahs de Téhéran, qui ne manqueraient pas de se déchaîner encore plus violemment contre l’aspiration des femmes à l’émancipation et contre la lutte de tout le peuple pour la liberté.

Une victoire de l’extrême-droite israélienne, même symbolique, ouvrirait la voie à une transformation autoritaire du régime, débarrassé de l’état de droit, pour marier le Temple et l’État.

La communauté internationale doit imposer la neutralisation du Hamas comme l’arrêt des bombardements par Israël. C’est une question d’assistance à humanité en danger.

Dans l’urgence, nous soutenons la déclaration d’António Guterres, secrétaire général de l’ONU, qui a appelé ce matin à un cessez-le-feu pour permettre

  1. La libération des otages par le Hamas
  2. L’approvisionnement de Gaza en aide humanitaire et médicale.

De la même façon, nous appuyons l’OMS qui demande l’arrêt des bombardements aériens, soulignant que, sans prendre en compte l’hôpital où le doute persiste sur l’origine du tir, 24 cabinets et cliniques ont été détruits en une semaine, tuant 15 personnels de santé.

Rien ne pourra jamais justifier le massacre délibéré de civils

message d’Emmanuel Maurel, député européen, animateur national de la Gauche Républicaine et Socialiste – dimanche 8 octobre 2023, 19h14

« Je suis profondément bouleversé par ce qui se passe en Israël, hanté par des images effroyables, le cri des otages et des victimes. La solidarité est évidente, immédiate, sans ambiguïté et sans « mais ».

Le pays se défend contre une attaque terroriste de grande ampleur, c’est légitime. Le Hamas ne se soucie pas des civils palestiniens victimes d’inévitables représailles, aveuglés qu’ils ont toujours été par l’idéologie du martyre.

Ce qui rajoute du drame, c’est qu’Israël est dirigé par un des pires gouvernements de son histoire, emmené par une coalition d’extrême droite qui divise son peuple et a échoué à le protéger. Le risque est évidemment celui de l’embrasement général, dans la région et au-delà.

Aujourd’hui, les partisans de la paix et d’une solution politique paraissent isolés et vains. Pourtant, c’est bien ce camp là qu’il faut inlassablement soutenir. Palestiniens et israéliens ont le droit à la sécurité et à paix. »

Retrouvez ci-dessous le communiqué de la GRS publié en fil twitter le samedi 7 octobre 2023 à 12h48

Élections en Israël : plus qu’une crise politique, une crise identitaire

Le 23 mars dernier, les quatrièmes élections depuis deux ans se tenaient en Israël. Benjamin Netanyahou semble avoir manqué son pari d’une campagne conçue comme un référendum sur sa personne.

La multitude de partis communautaires réunissant entre 4 et 7% des suffrages nous contraint à une analyse par bloc électoral, même si ceux-ci sont mouvants et manquent parfois de cohérence.

Le premier bloc, celui de la droite religieuse, est celui de Benjamin Netanyahou. Le Likoud, sa principale composante, obtient 24% des suffrages et 30 députés (sur 120). S’il s’agit d’une performance en demi-teinte, il n’en reste pas moins que le Likoud a dix points d’avance sur le deuxième parti. Les alliés de Benjamin Netanyahou sont d’une part les ultra-orthodoxes de Shas (séfarade) et de Judaïsme Unifié de la Torah, qui obtiennent presque 13% des voix à eux deux et 16 sièges. D’autre part, le Likoud peut compter sur le soutien des partis néo-sionistes Yamina et du Parti sioniste religieux. Ces deux partis, populaires dans les colonies et auprès des jeunes soldats, représentent la branche religieuse du néo-sionisme. Ils obtiennent 11% des suffrages et 13 sièges. Cela porte la coalition de Benjamin Netanyahou à 59 sièges, deux de moins que la majorité.

Un deuxième bloc, celui de la droite laïque, est lui-même fracturé entre sionistes traditionnels et néo-sionistes. Les deux partis néo-sionistes de droite, Israël Beytenou, défendant les intérêts des juifs russophones, et Nouvel Espoir, scission récente du Likoud, tous deux issus de scissions du Likoud, obtiennent 10% des voix et 11 sièges. Le centre-droit laïque, qui avait concurrencé le Likoud aux dernières élections unis dernières le parti Bleu et Blanc de l’ancien général en chef de Tsahal Benny Gantz, était cette fois divisé. Benny Gantz et quelques députés avaient fini par se rallier à Benjamin Netanyahou, provoquant la rupture des puristes anti Likoud du parti Yesh Atid. Ce dernier parvient à 14% des suffrages et 17 sièges, tandis que Benny Gantz obtient 6.5% des voix et 8 sièges. La droite laïque obtient dans son ensemble 38 sièges, 21 de moins que celle de Netanyahou.

La gauche sioniste, unie aux dernières élections, est partie divisée en mars. Le mapaï, parti travailliste fondateur historique d’Israël à l’électorat vieillissant, obtient 6% des voix et 7 sièges. Le Meretz, parti des jeunes urbains progressistes et précaires de Tel-Aviv obtient 4.5% des voix et 6 sièges. La gauche progresse nettement, puisqu’en 2019 la coalition Mapaï-Meretz n’avait obtenu que 5.8% des voix et 7 sièges. Une partie de l’électorat de centre-gauche, séduit par Bleu et Blanc et l’opposition unifiée à Benjamin Netanyahou qu’elle promettait, est revenue au Mapaï. La gauche reste néanmoins dans un état moribond, alors que la crise du logement en Israël dure depuis quinze ans. Aucun mouvement social et populaire n’a pu être structuré par la gauche, qui focalise son discours sur le progressisme et la lutte contre les extrémistes religieux et néo-sionistes. Au total, la gauche obtient 13 sièges.

Enfin, les partis arabes sont eux aussi partis divisés alors qu’ils étaient unis aux dernières élections. La gauche nationaliste arabe obtient 4.8% des voix et 6 sièges, tandis que les islamistes obtiennent 3.8% des voix et 4 sièges. Au total, les partis arabes obtiennent donc 10 sièges.

Le Likoud, qui est devenu un parti à la limite du culte de la personnalité autour de Benjamin Netanyahou, a fait campagne en vantant les succès de politique diplomatique (normalisation des relations avec plusieurs pays arabes) et sanitaire (sortie anticipée de la crise du covid grâce à la vaccination massive). L’opposition a insisté sur les scandales de corruption qui l’entourent et sur l’obscurantisme religieux grandissant de son gouvernement.

La personnalisation extrême de cette élection et l’impression de plébiscite pro ou anti Netayahou ne doit pas cacher certaines tendances électorales lourdes.

Cette élection a marqué une forte progression du camp néo-sioniste, qu’il soit laïque et dans l’opposition ou religieux et pro-Netanyahou. Cette idéologie expansionniste diffère largement du sionisme originel. Elle repose sur la volonté d’annexer les territoires palestiniens et d’en expulser les Arabes. Les laïques ont lâché Benjamin Netanyahou il y a deux ans, provoquant une crise politique dont Israël n’est toujours pas sorti. La cause de cette rupture est l’influence politique et démographique grandissante des ultra-orthodoxes, qui refusent le service militaire et obtiennent des subventions publiques qui réduisent les capacités budgétaires de l’Etat. Ces partis, qui appartiennent certes à des coalitions politiques différentes, représentent plus d’un électeur sur cinq et 26 sièges, 14 de plus qu’aux dernières élections. Le parti religieux sioniste, le plus extrême des néo-sionistes, relève de l’idéologie kahaniste, une idéologie authentiquement raciste et suprémacistes. Les militants de ce parti, qui avait été interdit dans les années 90, mènent régulièrement des expéditions punitives dans les quartiers et villes arabes et jugent positivement l’assassinat d’Yitzak Rabin. Il n’avait même pas obtenu 0.5% des suffrages aux dernières élections. Comme dans les autres démocraties occidentales, Israël est donc confronté à la montée en puissance d’un parti raciste d’extrême-droite qui progresse de manière fulgurante d’une élection à l’autre.

 

Malgré tout, aucun bloc ne semble capable de gouverner. Certaines solutions semblent se dessiner, mais elles semblent toutes aussi bancales que précaires et irréalistes.

Dans le camp Netanyahou, on pousse pour une coalition religieuse face aux laïques. Le parti islamiste Ra’am, qui ne se positionne pas officiellement dans l’opposition, pourrait apporter les quatre sièges d’appoint pour une majorité. Aussi invraisemblable que cette alliance puisse paraître, elle est régulièrement évoquée et des négociations auraient lieu en ce moment-même pour obtenir cette majorité des partis religieux. Qu’importe qu’un des alliés de Netanyahou soit un parti ouvertement raciste contre les Arabes, qu’importe que le Likoud et Yamina amalgament régulièrement l’ensemble des Palestiniens à un peuple de terroristes islamistes, une solution d’alliance avec les islamistes est évoquée. Yamina, toutefois, a indiqué qu’elle refuserait d’être membre d’une quelconque coalition avec un parti arabe.

Du côté de l’opposition, tout semble être fait dans l’unique objectif de sortir Benjamin Netanyahou du pouvoir. Les partis néo-sionistes de droite sont prêts à s’allier aux nationalistes arabes, une perspective inimaginable et absurde il y a encore six mois. Toutefois, sans l’appoint des islamistes, cette coalition n’aurait pas le pouvoir.

La situation est figée, et le scénario le plus probable est finalement celui d’une nouvelle élection dans quelques mois, la cinquième en deux ans. Les thèmes de campagne – influence de la religion, annexion ou démantèlement des colonies, corruption, politique étrangère – sont à mille lieux de la crise sociale qui se joue aujourd’hui en Israël. La progression alarmante de partis politiques extrémistes et ouvertement violents, qui accompagne l’incapacité à trouver un consensus démocratique, est partie intégrante de la Weimarisation de la politique que nous décrivions récemment. La gauche économique, hébraïque ou arabe, n’obtient pas 15% des suffrages, et même si elle est en progression, il semble que ce soit plus conjoncturel que structurel. La question laïque est omniprésente, tant l’extrémisme religieux et l’obscurantisme progressent, mais les partis laïques n’ont pas la majorité. Les résultats locaux démontrent un éclatement total du pays : à Jérusalem, les ultra-orthodoxes obtiennent plus de 30% des voix, alors qu’à Tel-Aviv c’est la gauche qui obtient 30% des voix. Dans les colonies, un électeur sur quatre a voté pour les kahanistes, et presque un sur deux pour Yamina. Les banlieues de Tel-Aviv, villes champignons construites pour accueillir l’immigration russe des années 90, votent massivement pour les néo-sionistes laïques, et les zones arabes sont elles-mêmes divisées, entre villes qui votent pour la gauche nationaliste et bédouins qui votent pour les islamistes.

Israël est en proie à une crise politique qui ne fait que refléter la crise identitaire profonde qui la traverse. Le mode de scrutin proportionnel amène le blocage, mais un mode de scrutin majoritaire mènerait au pouvoir un camp qui ne serait que marginalement soutenu. Arabes ou hébreux, orthodoxes ou laïques, néo-sionistes ou pour la paix, les multiples fractures qui structurent la société israélienne se retrouvent en politique. Tant que cette crise identitaire ne sera pas résolue, Israël ne pourra pas sortir de la crise politique. Pendant ce temps, la crise sociale et la Weimarisation progressent.

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