L’alimentation, sujet vital oublié par la loi d’urgence pour Mayotte

Cinq semaines après le passage du cyclone Chido et les ravages qui ont suivi, le projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte a été adopté par l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité. Le logement, l’accès à l’eau, les écoles ou la santé figure en tête des priorités de ce texte, mais curieusement pas l’alimentation, et c’est pourtant une question cruciale, vitale et quotidienne.

Dans ce département déjà très pauvre, une partie des habitants peinait déjà financièrement à se nourrir correctement et depuis le cyclone, évidemment, l’accès à l’alimentation ne s’est pas arrangé, bien qu’une aide d’urgence, notamment alimentaire, a été acheminé dès le mois de décembre ; le ministère des outre-mer avance actuellement le chiffre de 20 000 tonnes de denrées livrées chaque jour et 60 000 bons alimentaires distribués depuis le 6 janvier et jusqu’à la fin du mois. Pourtant, sur place, les témoignages continuent de décrire une accessibilité à la nourriture qui n’est que progressive dans l’archipel ravagé. En parallèle, le commerce se relance ; du point de vue de la logistique, le port retrouve quasiment son activité normale, les livraisons ont repris pour les importateurs, en priorisant les conteneurs d’eau, les conteneurs alimentaires et de matériel médical, et le nombre de conteneurs livrés chaque jour s’approcherait de celui qui était connu avant le cyclone.

La population mahoraise peut donc théoriquement à nouveau acheter à manger, donc, mais quelle qualité et à quel prix ? C’est l’une des inquiétudes à court terme. Car Mayotte manque de produits frais : les besoins sont grands et les ressources locales majoritairement détruites. Le modèle agricole dominant de Mayotte est le « jardin mahorais », un agriculture vivrière sur des petites parcelles familiales : elle a été dévastée par le cyclone. Or, on le sait, reconstituer le tissu agricole va prendre des mois. Rapidement, l’exécutif a pris quelques mesures réglementaires. Un arrêté a engendré le renouvellement automatique, pour six mois, des permis d’importation de fruits et légumes déjà existants, afin de faciliter la reprise des flux. Évidemment, les mêmes questions se posent dans les magasins. Pour éviter une inflation de crise dès fin décembre, un décret a prévu que les produits de grande consommation ne pourront pas dépasser leur prix d’avant le cyclone : cela concerne notamment les bouteilles d’eau et l’alimentation (en réalité dans les jours et semaines qui ont suivi le cyclone, les habitants s’approvisionnaient surtout sur un « marché informel » où les prix se sont envolés, un blocage des prix qui vaut aussi pour les marges, à toutes les étapes de la filière agro-alimentaire.

Seulement, ce décret est limité dans le temps, il court jusqu’au mois de juin 2025, et surtout, il ne réglera pas les difficultés que l’archipel connaissait déjà avant même le cyclone. L’Insee avait évalué que les produits alimentaires étaient 30 % plus cher que dans l’Hexagone, un panier alimentaire métropolitain acheté à Mayotte coûtait 54 % de plus et un même panier alimentaire local acheté à Mayotte coûter 10 % de plus.

Donc l’un des enjeux de la reconstruction, c’est bien la structure de l’offre alimentaire qui sera soutenue après la catastrophe, alors que s’ouvre ici une période où les importations vont devoir être plus importantes. Or, elles étaient déjà évidemment l’un des facteurs de la vie chère, avec un marché de la grande distribution très oligopolistique, c’est-à-dire dominé par très peu d’acteurs, comme dans les autres départements d’outre-mer, nous en avons déjà parlé1. Ainsi, le groupe Bernard Hayot, particulièrement ciblé par le mouvement contre la vie chère en Martinique, a aussi une place centrale à Mayotte2.

L’urgence sur l’archipel remet en lumière les problèmes qui traversent l’ensemble des territoires ultramarins sur le sujet : l’absence de transparence sur la formation des prix et des marges, l’iniquité des pratiques commerciales.

Or, toutes ces questions sont pour l’heure assez absentes des discussions sur la reconstruction de Mayotte. On peut cependant voir émerger des initiatives parlementaires utiles : c’est évidemment le cas de la proposition de loi du groupe socialiste et apparentés visant à « prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer », qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2025. Les débats parlementaires ont permis de démontrer que le diagnostic se précise enfin et semble de plus en plus largement partagé ; mais, à ce stade, et en partie à cause du format contraint des propositions de loi (notre système institutionnel limite fortement l’initiative parlementaire, même quand l’exécutif paraît faible), les outils mis en avant par ce texte (dont le parcours législatif n’est pas terminé) sont largement insuffisants pour répondre à l’ampleur du défi.

  1. En Outre-Mer, ce sont les trusts locaux qui créent la vie chère, article du 30 octobre 2024 ↩︎
  2. On a appris le 23 janvier 2025 que plus de 500 nouvelles plaintes contre ce groupe de supermarchés d’outre-mer ont été déposées pour entente et abus de position dominante. Par ailleurs, le groupe assigné en justice a été sommé de publier ses comptes annuels avant le 13 février 2025. ↩︎

Emmanuel Maurel met les points sur les « i », lors de la présentation de la liste de la gauche unie pour le monde du travail

La conférence de presse de présentation de la liste de gauche unie pour le monde du travail se tenait en début d’après-midi du lundi 11 mars 2024.

L’occasion pour Emmanuel Maurel de revenir aux côtés de Léon Deffontaines sur plusieurs points essentiels que nous défendrons dans la campagne des élections européennes du 9 juin 2024. Face à la confusion générale, notre liste défendra la nécessité de mettre en avant vraiment la souveraineté (industrielle, alimentaire, numérique, culturelle) : nous défendons les intérêts de la France et les besoins de nos compatriotes. Les électeurs ne sont pas des marchandises !

Enfin, le discours de la liste macroniste conduite par Valérie Hayer est insupportable de vacuité. Son seul programme ? Faire barrage au RN, quand leur politique favorise l’extrême droite. Il est temps qu’ils rendent des comptes et nous nous emploierons à les obliger à faire face à leurs responsabilités dans la crise ! Nous proposerons donc un chemin d’espoir : on peut reprendre la main en France et en Europe, à gauche avec la liste conduite par Léon Deffontaines !

Emmanuel Maurel dans l’Humanité : « On condamne l’agriculture française et européenne à mourir »

entretien publié dans l’Humanité le 1er février 2024 – propos recueillis par Gabriel de Santis

Député européen sortant du groupe La Gauche (ex-GUE/NGL), fondateur de la Gauche républicaine et socialiste (GRS), Emmanuel Maurel est candidat aux élections européennes sur la liste conduite par le communiste Léon Deffontaines. Il décrit des accords de libre-échange nuisibles aux paysans, à l’environnement et à la souveraineté des pays du continent.

Le Parlement européen a-t-il la main sur les accords de libre-échange ?

Pour négocier un tel accord, la Commission est mandatée par les États membres – donc avec l’appui du gouvernement français. Le Parlement est informé, mais n’a son mot à dire, en votant, qu’une fois la négociation terminée. Ces deals consistent à faire sauter les droits de douane pour exporter des biens industriels ou d’autres services. En échange, on accepte d’autres marchandises, d’autres services, mais surtout des contingents supplémentaires d’importations agricoles.

Depuis l’entrée en vigueur de 2009 du traité de Lisbonne qui fait de la politique commerciale une compétence exclusive de l’Union européenne, les traités de libre-échange ne sont soumis qu’au Parlement européen. Avant, ils l’étaient également aux parlements nationaux. C’est préoccupant d’un point de vue démocratique.

Emmanuel Macron fait mine de s’opposer à l’accord avec le Mercosur…

À l’approche d’une période électorale, le gouvernement fait toujours mine de s’opposer. Celle-ci passée, il trouvera un moyen de trouver un compromis plus tard. J’ai voté en commission contre l’accord avec la Nouvelle-Zélande, contrairement aux députés macronistes.

La Commission a accepté d’ouvrir des contingents d’importation pour plus de 10 000 tonnes de bœuf, presque 40 000 tonnes d’ovins, 15 000 tonnes de lait, 21 000 tonnes de beurre et on achète tout cela à 20 000 kilomètres d’ici. Voilà la réalité de la mondialisation et du libre-échange à la sauce Ursula von der Leyen et consorts. Un accord avec le Chili est en train d’être adopté, avec des contingents d’importation à droits de douane zéro pour des dizaines de milliers de tonnes de bœuf, de porc, de volaille.

Un traité est en cours de finalisation avec le Mexique. Sont prévues l’importation de 35 000 tonnes de miel, 50 000 tonnes de lait. L’entente en discussion avec le Mercosur porte sur 100 000 tonnes de bœuf, 180 000 tonnes de volaille et 650 000 tonnes d’éthanol… Dans le cadre de la transition écologique, on impose toujours plus de normes à nos agriculteurs sur l’utilisation des intrants, des phytosanitaires, des engrais. Mais les importations, elles, ne sont pas tenues aux mêmes règles.

D’un côté on a une baisse de la production agricole européenne. La France est passée du 2e au 5e rang des exportateurs mondiaux. Mais on achète toujours plus : aujourd’hui on importe 63 milliards d’euros de denrées alimentaires, deux fois plus qu’en 2000. Sauf à changer rapidement de cap, on condamne l’agriculture française et européenne à mourir.

En quoi ces accords menacent-ils notre souveraineté ?

Il existe des théoriciens libéraux qui acceptent l’idée de notre dépendance agricole par rapport au reste du monde. Le problème est qu’on n’est pas à l’abri d’une pénurie. On l’a vu avec la crise du Covid. La pénurie de médicaments continue. Il peut très bien y avoir un manque de produits alimentaires.

Il y a quarante ans, la France était autosuffisante d’un point de vue alimentaire. Cela reste pour moi un objectif ; un objectif réalisable, si on en finit avec cette politique mortifère. Pour cela, il faut des prix garantis et une politique commerciale équitable.

Sur quelle force politique compter pour faire avancer ce combat ?

La gauche a un rôle à jouer. S’il y avait plus de députés du groupe La Gauche (ex-GUE) au Parlement européen, il serait plus difficile de faire passer ce type d’accord. Mais je compte beaucoup sur la mobilisation des opinions, des consommateurs et du mouvement social. La mise en échec de l’accord UE-États-Unis a eu lieu car il y a eu une grande manifestation à Berlin, des rassemblements à Paris, dans différents pays d’Europe.

D’un point de vue environnemental, exporte-t-on nos capacités de production les plus polluantes ?

La mondialisation est non seulement inégalitaire mais aussi fondée, d’un point de vue environnemental, sur un raisonnement vicieux. On délocalise l’industrie la plus polluante plutôt que de chercher des solutions pour la verdir. Cela conduit à une désindustrialisation. De plus, il y a une sorte de relents un peu colonialiste. On exporte la pollution ailleurs.

Dans le projet d’accord avec le Mercosur, on autorise l’importation de denrées agricoles qui sont obtenues avec des pesticides interdits en Europe. De la même façon, on estime que s’il était signé, avec ses 650 000 tonnes d’éthanol, on aurait entre 5 et 25 % de déforestation supplémentaire. On marche vraiment sur la tête. Pendant ce temps-là, on envoie des circulaires de 15 pages à nos agriculteurs qui veulent tailler une haie. C’est un non-sens écologique.

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