Me Too : préférer la justice au pilori

Quelques articles de presses, essentiellement des relais de dépêches AFP, nous ont appris le classement sans suite des investigations contre Julien Bayou, ancien député écologiste de Paris. Cette décision de classement est justifiée par l’absence d’infraction susceptible de lui être reprochée.

Alors que les accusations contre Julien Bayou avaient été relayées à la une de nombreux médias, les mêmes n’offrent pas une couverture aussi large à la conclusion de cette affaire : aucune réhabilitation ni en une des journaux ni de leurs sites internet. C’est là la principale injustice pour un homme qui aura dû se battre seul pour défendre non seulement son innocence mais son honneur.

La présomption d’innocence a été constamment ignorée. Des enquêtes à la qualité douteuse ont cherché à dépeindre Julien Bayou comme un monstre sans aucun souci d’équilibre. Son droit au respect de sa vie privée a été bafoué. Des élus et des militants ont propagé des rumeurs, transformant les réseaux sociaux en chambre d’accusation et de jugement, dans lesquelles chacun était sommé de le condamner bruyamment.

MeToo a permis la libération de la parole des victimes. S’il en était besoin d’autres affaires démontrent régulièrement combien cette libération est nécessaire. Chacun sait le scandale que génère la peur de déposer plainte pour viol ou agression sexuelle à cause d’une forme de pression sociale latente ou explicite ; personne ne peut ignorer que les victimes sont encore trop mal reçues, écoutées et accueillies dans les commissariats et les gendarmeries ; personne ne peut ignorer 97% des plaintes pour viol ou agression sexuelle n’aboutissent à rien.

Les siècles de domination masculine ne se rachèteront pas en frappant sans distinction innocents et coupables, mais lorsque la société prendra enfin pleinement conscience de l’absolu impératif de l’égalité et du respect, de la nécessité d’accélérer leur concrétisation, lorsque les comportements seront enfin appropriés dans les commissariats, lorsque des moyens seront donnés à la justice pour que tous les coupables soient punis et que les victimes puissent se reconstruire.

Ne soyons pas aveugles à ceux qu’on a considéré comme un œuf à casser pour faire une omelette : ceux dont les noms ont été jetés en pâture dans les médias puis sur les réseaux sociaux ou condamnés sans autre forme de procès, avant que la justice finisse par rejeter les accusations. Julien Bayou est aujourd’hui concerné, mais d’autres personnes ont aussi été victimes d’accusations dont les fondements ont disparu à l’examen des faits.

La Justice rendue tardivement, mais rendue, peut ici laisser un goût amer tant le mal est fait. Avec toute sa lenteur, ses biais et ses imperfections, il importe de continuer à préférer la justice au pilori, de l’aider à accomplir sa mission, depuis l’instruction jusqu’à la peine ou la réparation. Il revient à la société dans son ensemble de réhabiliter Julien Bayou, et les autres victimes de dénonciations calomnieuses à la hauteur du préjudice qui leur a été infligé. Il nous revient à toutes et à tous de faire changer la société pour que l’égalité et la justice deviennent de réelles priorités, pour que la violence recule toujours plus, pour que l’égalité femmes-hommes se concrétise dans l’intimité comme dans le métro, dans les salaires comme dans les responsabilités.

L’extrême droite s’attaque à la justice !

Là où certains voient un drame, d’autres ne peuvent s’empêcher d’y percevoir une sordide opportunité. Il y a quelques jours, le corps d’une jeune fille de onze ans, Louise, était découvert en Essonne. On imagine toujours la profonde douleur des parents confrontés à la perte brutale d’un enfant — notre humanité nous commande de nous y associer.

En dépit du souhait de la famille d’éviter toute récupération politique, l’identité complète d’un des suspects fut presque immédiatement divulguée par certains médias. Cette fuite donna lieu à un véritable lynchage numérique, orchestré et amplifié par certaines figures de l’extrême droite, ravies de relayer cette « information ». Car voilà, un des deux suspects avait un nom qui semblait être « extra-européen ».

En parallèle, un journaliste du média Frontières entreprit de s’attarder sur le profil Twitter de la sœur de la victime, qui avait initialement relayé l’avis de disparition. Constatant qu’elle affichait parfois des positions plutôt marquées à gauche, il l’exposa publiquement dans une publication désormais supprimée. S’en est suivie une vague de harcèlement profondément abjecte, où certains l’accusaient — sans même connaître le mobile du meurtre — d’être « responsable de la mort de sa sœur ». Face à l’ignoble, la jeune femme a été contrainte de clôturer son compte.

Le soir même, le parquet annonçait finalement mettre hors de cause les premiers suspects. Ceux qui jappaient pourtant si fort se sont alors subitement tus, et même si une bonne partie d’entre eux ont supprimé leurs messages qui bafouaient allègrement la présomption d’innocence, la honte ne semble pas les étouffer pour autant.

L’avocate du premier suspect — désormais tout à fait hors de cause — a effectivement annoncé porter plainte pour violation du secret de l’enquête et de l’instruction. Mais l’origine de la fuite sera-t-elle identifiée ? Cette propension qu’ont certains médias à trouver si rapidement parmi les personnes concourant à la procédure des relais prêts à divulguer des informations confidentielles devrait nous inquiéter.

S’il est normal qu’un drame puisse susciter l’émoi et déclencher des débats de société, ceux-ci doivent avant tout rester rationnels, et toujours respecter les valeurs de la dignité humaine.

Malheureusement, tous ces gens attendront patiemment la prochaine occasion de faire déferler la haine. Pendant ce temps, ils ignoreront qu’un enfant est victime de viol ou d’inceste toutes les trois minutes en France. Ils ignoreront que dans notre pays, le comptage des infanticides reste entaché d’une part d’ombre importante, particulièrement s’agissant des décès des très jeunes enfants1. Au fond, la souffrance des victimes les intéresse-t-elle vraiment ?

Ils feront le tri dans les faits divers, bavant d’avance d’y trouver un nom n’ayant pas une consonance européenne. Puis, par un mécanisme ayant moins de rapport avec les subtilités de l’intelligence humaine qu’avec les salivations du chien de Pavlov, ils se remettront à aboyer, pensant encore avoir trouvé la source du mal là où elle n’est pas.

Il y a quelques semaines, le média Frontière avait déjà défrayé la chronique en publiant une liste d’avocats qu’il considérait comme « coupables » de la « submersion migratoire » – un véritable « palmarès des avocats de clandestins ». La méthode de dénonciation et de mise au pilori demeure inchangée, et les réactions ordurières subséquentes se sont empressées d’apparaître.

Ne leur en déplaise, le droit de la défense est universel : toutes les femmes et tous les hommes naissent et demeurent d’ailleurs libres et égaux en droits. Porter atteinte à ce principe fondamental de notre justice républicaine, tout en ciblant les avocats, constitue une attaque grave contre notre démocratie.

L’insécurité est une préoccupation majeure et légitime des Françaises et des Français. Mais tandis que nous sommes déterminés à apporter des solutions rationnelles à cette problématique, nous répéterons inlassablement que ni la propagation de la haine, ni les instrumentalisations racistes ne contribueront à résoudre la situation. Bien au contraire, exacerber des divisions déjà profondes ne ferait que l’envenimer.

Derrière les coups médiatiques se dessine une certaine conception de nos institutions, qui ne manquera pas d’être transposée en actes si la droite extrême obtient le pouvoir. Il nous appartient de la dénoncer sans relâche, et d’y opposer notre idée d’une justice ne transigeant jamais, mais restant toujours digne de la grande patrie des droits de l’Homme.

Maxence Guillaud

  1. Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/020225/un-d-infanticides-les-ressorts-d-une-violence-immuable
    Libération : https://www.liberation.fr/checknews/2018/06/15/combien-y-a-t-il-d-infanticides-par-an_1659098/ (études contestés)
    Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/02/06/les-infanticides-des-meurtres-a-l-ampleur-meconnue_6069003_3224.html ↩︎

Auto-entrepreneuriat et illusion technophile : faire entendre raison face aux chimères macronistes

Le mirage de l’auto-entreprenariat est-il en train de se dissiper ?

On sait l’année 2024 a connu une vague de défaillances d’entreprises, mais elle a été également une record en création d’entreprises. Ainsi selon les données de l’Insee, plus d’1,1 million d’entreprises créées, soit 5,7 % de plus que l’année précédente. Faut-il voir dans ces chiffres des créations un signe encourageant, alors que 64 % de ces nouvelles entreprises sont en fait créées par des « micro-entrepreneurs », ceux que l’on appelle plus communément les auto-entrepreneurs. D’un point de vue légal, depuis 2016, le terme c’est bien micro entrepreneur, un travailleur indépendant qui facture ses prestations.

Le statut a été mis en place en 2009. Il attire de nombreux « candidats », grâce à ces formalités allégées, un régime fiscal dédié avec un mode de calcul des cotisations et de l’impôt sur le revenu simplifiée. Depuis sa création, le nombre de personnes qui s’inscrivent comme micro-entrepreneur augmente quasiment chaque année, et plus que d’autres régimes d’entreprise. En 2024, ils étaient 716 000 à s’être lancé, 50 000 de plus qu’en 2023, mais avec des profils très divers : on distingue ceux qui adoptent ce statut par opportunité économique et ceux dans une situation subie dans un entrepreneuriat dit « de nécessité ». 40 % des gens qui prennent ce statut le font pour créer leur propre emploi, largement parce qu’au départ ils étaient au chômage, sans activité. Pour 60 % d’entre eux, c’est leur activité principale. Mais quand on regarde les chiffres, le revenu tourne sous les 700€/mois de chiffre d’affaires, très loin du smic.

La multiplication de ces micro-entrepreneurs est donc bien plus le symptôme d’une précarisation du marché de l’emploi que d’un dynamisme entrepreneurial français. C’est une forme, une zone grise de l’économie, qui positionnent ces travailleurs comme des sous-traitants. Cela se pratique dans les transports routiers, dans le service à domicile : des entreprises qui employaient, par exemple, des personnels d’entretien ont demandé qu’elles prennent un statut d’auto-entrepreneur. Une réalité qui représente une part importante, très loin de ce qu’on imagine être l’entrepreneur héroïque et de la start-up nation.

Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?

Ce statut de micro-entrepreneur n’est pourtant pas qu’une solution choisie faute de mieux, car depuis quinze ans, ce statut de micro-entrepreneur s’inscrit dans les habitudes des Français : ne pas avoir de supérieur hiérarchique ou pour gagner un revenu complémentaire en marge, par exemple, d’un temps partiel (mais là aussi on voit bien l’effet de la précarisation du marché du travail) ; c’est un statut qui peut aussi attirer des jeunes retraités. Il sert parfois d’étape transitoire pour tester une idée avant de la faire croître dans une entreprise plus grosse. Mais pour que cette fonction d’étape transitoire fonctionne, il faudrait renforcer à tout l’accompagnement des micro-entrepreneurs. En moyenne, 40 % des entrepreneurs sont accompagnés, 25 % seulement chez les micro-entrepreneurs ; or les études ont démontré que des entrepreneurs qui ne sont pas accompagnés par des structures ont beaucoup plus de risque d’échouer. Selon une étude publiée par le CREDOC, le centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, ces structures sont moins pérennes que les entreprises classiques – un tiers seulement sont toujours actives 5 ans après leur création.

Malgré cela, leur nombre augmente. Fin 2023, l’URSSAF en recensait plus de 2,6 millions, soit 200 000 de plus que l’année précédente.

Retrouver le lien entre production et entreprenariat

Pendant ce temps, le sort des entreprises « classiques » n’est guère plus enviable que celui des autoentreprises. Aggravées par l’incertitude politique créée par la dissolution, les perspectives du secteur productif français, particulièrement son industrie manufacturière, n’en finissent plus d’être revues à la baisse. La productivité reste toujours en-deçà des années d’avant Covid, les investissements fléchissent dangereusement et les usines ferment (une étude conjointe de l’Usine Nouvelle et du réseau France Bleu a recensé 89 fermetures ou restructurations de sites contre seulement 65 ouvertures), tandis que le budget 2025 procède à des coupes massives dans les investissements d’avenir (recherche publique, transition écologique, industries innovantes, logement…).

Dans de telles conditions, les annonces tonitruantes d’Emmanuel Macron à l’occasion du sommet mondial sur l’Intelligence artificielle sont l’arbre qui cache la forêt, celle d’une industrie française qui va mal et que la politique budgétaire récessive du Gouvernement ne fera qu’affaiblir davantage. Vous pouvez d’ailleurs retrouver ci-dessous l’intervention d’Emmanuel Maurel, député GRS, lors des questions d’actualité au gouvernement du 12 février 2025 à ce propos.

Frédéric Faravel et Laurent Miermont

Ferrand est le pire choix possible

Oui, Richard Ferrand est passé entre les gouttes des enquêtes et de la justice grâce à une interprétation relative de la prescription.

Pourtant, ce baron du macronisme est un profil qui nourrira les appels conspirationnistes contre la « république corrompue ». Dans la période qui s’ouvre, un président du Conseil Constitutionnel ne devrait pas avoir à donner prise de près ou même de très loin à ce type de soupçons.

Si le Conseil Constitutionnel doit devenir un garde fou contre une extrême droite au pouvoir ou associée au pouvoir, c’était le pire choix à faire.

Emmanuel Macron n’a pas agi en président de la République mais en Prince capricieux.

Que faire quand Trump « inonde la zone » ?

Depuis sa prise de fonction officielle comme 47e président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump multiplie les prises de parole provocatrices qui varient du clownesque au répugnant en passant par l’agressif. De l’annexion du Canada et du Groënland à l’explosion des droits de douane, de la remise en cause illégale du droit du sol aux USA aux attaques outrancières contre la Cour Pénale Internationale, de l’abolition de l’impôt sur le revenu à la déportation des Palestiniens pour faire de Gaza une nouvelle Riviera sous occupation américaine…

Il est inutile de répondre ou de chercher à répondre à chacune de ses provocations. Sans mésestimer sa volonté et sa capacité à vouloir mettre en œuvre concrètement certaines d’entre elles, Donald Trump sait parfaitement jouer de la Société du Spectacle dont il est un éminent produit et représentant.

Cette stratégie a été ouvertement assumée pour ce qu’elle est par Steve Bannon, ce « théoricien » de l’AltRight qui reste un de ses proches : il s’agit d' »inonder la zone », une stratégie de la submersion médiatique avec deux objectifs :

  • provoquer indignation et sidération pour incapaciter l’adversaire (enfin l’ennemi) ;
  • donner tellement d’os à ronger à la presse, considérée comme un adversaire politique, qu’elle ne sait plus trop lequel saisir pour tourner en boucle dessus…

Pendant ce temps, Trump, Musk et leurs amis avancent tranquillement dans la mise en œuvre de leur agenda impérialiste, oligarchique et capitaliste autoritaire.

Il ne sert donc à rien de réagir ou sur-réagir : la seule chose à faire est de nous-mêmes fixer une ligne directrice, des principes à rappeler (calmement, fermement et froidement) et un agenda à dérouler. C’est bien là une priorité que devrait se fixer la France – et ses alliés européens – plutôt que de donner le spectacle aujourd’hui de canards sans tête ou de lapins hypnotisés par les phares d’un SUV.

Nos priorités stratégiques et géopolitiques, notre politique commerciale, nos stratégies de défense et nos alliances sont à redéfinir face à l’émergence ou au renouvellement des impérialismes américain, chinois, russe ou turc.

Frédéric Faravel

Le logement n’est pas un privilège, c’est un droit !

Toute l’Europe connaît aujourd’hui une grave crise du logement de l’Irlande à la Grèce, en passant par la France, l’Espagne ou l’Allemagne : elle prend des formes variées selon les pays mais dans chacun d’entre eux, la spéculation foncière et immobilière au profit des intérêts financiers jouent ouvertement contre la nécessité de répondre aux besoins fondamentaux de nos concitoyens.

C’est la raison pour laquelle la Gauche Républicaine et Socialiste s’associe à la campagne du Parti de la Gauche Européenne (PGE, European Left) sur logement.
Les différents Etats membres de l’Union Européenne n’ont pas forcément la même définition du logement social et de ses objectifs. En dehors de France, il s’agit avant tout de répondre à une problématique de « mal logement », alors que le logement social en France développe une vision large allant jusqu’aux couches moyennes afin d’agir sur la question de la cohésion et de la mixité sociales dans les différents quartiers et agglomérations. Le « mal logement » et l’habitat insalubre sont évidemment un fléau, ils reçoivent cependant en France une réponse intégrée avec ce que l’on appelle le « logement très social » et l’hébergement d’urgence, ce qui ne signifie pas que les efforts déployés soient suffisants : bien au contraire, on a pu voir ces dernières années un ralentissement de la construction et une difficulté croissante à favoriser l’insertion par le logement et les relogements. Quand les prix de sortie sont trop élevés, alors les propriétaires (y compris les bailleurs sociaux) cherchent avant tout à privilégier les locataires les plus solvables possibles.

Attention également à la vision restrictive qu’induit la définition européenne des Services d’Intérêt Économique Général, qui ne recouvre pas la notion de services publics en France, ni celle de « droit au logement ». Soyons conscients que les « marchés » du logement (y compris leur régulation par une part variable du logement social) sont avant tout nationaux et le resteront vraisemblablement.

Nous sommes radicalement opposés au marché des capitaux européens qui va rendre impossible d’avoir des livrets nationaux dédiés et réservés aux productions locales comme le livret A.

Pour notre part, à l’échelle européenne, il est urgent d’améliorer les critères pour avoir accès au FEDER sur des opérations constructions logements sociaux ou réhabilitation notamment thermique (déjà possible en principe).

Nous exigeons l’inscription du droit à un logement décent et abordable pour tous dans la charte des droits fondamentaux et pas seulement le droit d’aider les plus vulnérables à se loger ; au-delà de l’urgence et de la décence, il faut agir sur la cohésion sociale. Il y a sans doute des équilibres nouveaux à défendre dans les constitutions nationales entre droit à la propriété et droit au logement : en France, alors que le droit au logement est considéré comme constitutionnel, il subit systématiquement un arbitrage constitutionnel défavorable dès qu’entre en jeu le droit à la propriété (également constitutionnel), ce qui ne veut pas dire qu’il faut nier les droits des petits propriétaires. Il faut enfin coordonner les législations européennes pour autoriser les maires à interdire et ou limiter et réguler les plateformes type AirBnB qui détourne l’habitat vers le tourisme de masse au lieu de répondre aux besoins fondamentaux des citoyens européens.

Résultats de la commission mixte paritaire du 31 janvier 2025 sur le projet de loi de finances pour 2025

Emmanuel Maurel siégeait comme suppléant au sein de la commission mixte paritaire au nom du groupe GDR. Il a participé à tous ses débats jusqu’au bout. Il nous fait ici un compte rendu complet et mesuré des échanges et des maigres et peu surprenant résultats.

La Commission Mixte Paritaire conclut à droite

Le projet de budget issu des travaux de la Commission Mixte Paritaire a consolidé la version du Sénat, co-élaborée par LR et le Gouvernement. Ce budget est donc un budget de droite, voté par une majorité de droite, dans une CMP dominée par la droite.

Le budget de l’Etat s’élèvera en 2025 à 484 milliards d’euros. Les crédits affectés aux grandes politiques publiques sont en baisse de 8 milliards supplémentaires par rapport au budget Barnier.

On pourrait penser que c’est peu. Mais si l’on raisonne en euros constants, la seule reconduction à l’identique de la loi de finances 2024 nécessiterait un budget de 501 milliards. Et si l’on applique un taux de progression des dépenses incompressibles (notamment celles liées aux évolutions des rémunérations des fonctionnaires), il devrait s’élever à 508 milliards. De ce point de vue, la réduction des moyens de l’Etat se chiffre donc à 24 milliards d’euros.

Les budgets qui cotisent le plus à ces coupes sont le Travail et l’Emploi (moins 15% par rapport à 2024), l’Enseignement supérieur et la Recherche (moins 8%), l’Ecologie (moins 10%), la politique industrielle (« investir pour la France en 2030 » : moins 30%), tout cela au moment où l’économie est en récession et le chômage augmente.

On déplore aussi la chute des crédits pour l’Aide publique au Développement (moins 25%), dans un contexte international où la France brille par sa discrétion et ses maladresses.

Sur les recettes, le budget Bayrou-CMP recule par rapport au budget Barnier. Les contributions sur les plus hauts revenus et sur l’impôt sur les sociétés des entreprises réalisant plus d’1 milliard de chiffre d’affaires ne s’appliqueront qu’un an, et pas deux comme le proposait Barnier.

En revanche, la taxe sur les transactions financières est portée de 0,3% à 0,4%, ce qui procurera environ 600 millions de recettes supplémentaires.

La nouvelle taxe sur les rachats d’actions (25 milliards ont été distribués sous cette forme aux actionnaires du CAC 40 en 2024) reste assise sur la valeur comptable des actions, et pas sur leur valeur boursière : elle ne rapportera donc que 400 millions au lieu de 2 milliards.

Il n’a pas été possible d’introduire un taux majoré sur la taxe sur les revenus financiers (aujourd’hui à 30% ; nous souhaitions le monter à 35%) car les modifications du texte du Sénat n’étaient recevables qu’à condition que l’impôt en cause figure dans le texte. Or le Sénat a finalement décidé de l’en retirer – et donc de ne pas y toucher. En jargon parlementaire, on appelle ça « l’entonnoir ».

Enfin, parmi les quelques mesquineries fiscales touchant les classes populaires et moyennes, on relèvera une hausse de 2€/MWh des prélèvements sur le gaz de chauffage (35% des ménages se chauffent au gaz), ou le durcissement du malus écologique (sans parler des fortes réductions des aides du type MaPrimeRénov).

Les concessions accordées à la gauche par la majorité Macron-LR en CMP sont extrêmement modiques.

Sur l’éducation, il n’est plus question de supprimer 4000 postes d’enseignants, mais le coût supplémentaire a été compensé par une suppression à due concurrence (50 millions) du budget alloué à… la formation des enseignants.

Sur l’écologie, l’importance des coupes (2,5 milliards) a été atténuée par un abondement de 300 millions d’euros du « fonds vert » (destiné aux actions pour la transition écologique menées par les collectivités locales).

Sur les services publics, d’ultimes ajustements de quelques centaines de millions d’euros ont été opérés à destination du réseau postal et des liaisons ferroviaires régionales.

Ce budget clairement récessif risque d’avoir des conséquences dommageables sur une conjoncture économique en piteux état.

Avant même la CMP, le consensus des économistes avait rabaissé la prévision de croissance 2025 de +0,9% à +0,7%, le chômage est reparti fortement à la hausse (+3,9% au dernier trimestre 2024) et on ne compte plus les annonces de fermetures d’usines et de plans sociaux.

La probabilité que ce budget impacte encore davantage cette tendance est donc élevée, ce qui provoquerait une baisse mécanique des rentrées fiscales et… une augmentation du déficit. Le Haut Conseil des Finances Publiques l’a clairement dit : il sera très difficile de tenir l’objectif de 5,4% de déficit en 2025.

La CMP s’est tenue dans un climat studieux et courtois, bordé de bout en bout par l’accord entre le « bloc central » et la droite sénatoriale. Nous savions dès le départ que la gauche aurait du mal à faire valoir son point de vue et ses revendications. Il en a effectivement été ainsi. Il n’y a pas eu de bonne surprise. Quant aux mauvaises, nous les connaissions à l’avance.

Emmanuel Maurel

80 ans après, notre responsabilité face à l’avenir

Le 27 janvier 1945, voici 80 ans jour pour jour, le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau était découvert. La réalité de l’univers concentrationnaire et exterminateur nazi ne faisait plus de doute depuis longtemps ; le 22 juillet 1944, déjà des unités soviétiques avaient découvert le camp de concentration et d’extermination de Majdanek, situé à l’ouest de la ville de Lublin. À l’ouest de septembre 1944 à jusqu’au printemps suivant, les Anglo-américains et les Français découvrirent également l’horreur des camps de concentration : les renseignements britanniques avaient acquis dès 1942 la certitude de l’organisation de la mise à mort des Juifs d’Europe par le IIIème Reich à l’est du continent.

Le 27 janvier 1945, des unités de l’Armée rouge atteignirent Auschwitz-Birkenau, situé au sud de la ville de Cracovie. Elles secoururent les quelques 7 000 malades et mourants qui y avaient été abandonnés. Nombre d’entre eux succombèrent, à bout de forces, quelques heures ou jours plus tard. Dans son récit sur les derniers jours à Auschwitz, l’écrivain italien Primo Levi décrit la situation qui régnait à l’arrivée des libérateurs en ces termes : « Nous nous trouvions dans un monde de morts et de larves. Autour de nous et en nous, toute trace de civilisation, si minime soit-elle, avait disparu. L’œuvre de transformation des humains en simples animaux initiée par les Allemands triomphants avait été accomplie par les Allemands vaincus ». Une dizaine de jours auparavant, dès le 17 janvier 1945, les quelque 60 000 détenus encore aptes à marcher furent emmenés vers l’Ouest.

Rappeler les faits : une industrie de la mort

À l’occasion des cérémonies qui auront lieu, il faut sans cesse rappeler les chiffres : Le Museum Holocaust de Washington indique que les victimes juives furent plus de 5 860 000. Quoiqu’il en soit, le chiffre d’environ 6 millions de personnes est avancé et accepté par la plupart des autorités compétentes sur la question. Bien plus que les victimes elles-mêmes, c’est une part de l’histoire et de l’identité culturelle de l’Europe qui a été ainsi irrémédiablement détruite. Il faut y ajouter plus de 200 000 à 500 000 Tsiganes voués également à l’extinction par les Nazis, plusieurs milliers d’homosexuels, 30 à 40 000 prisonniers de guerre non soviétiques, Environ 3,3 millions prisonniers de guerre soviétiques, 1,8 million de Polonais (non juifs), plus de 310 000 Serbes, 300 000 personnes handicapées dont au moins 10 000 enfants, plusieurs dizaines de milliers d’opposants politiques et dissidents allemands et plusieurs milliers de déportés politiques ou résistants issus d’autres pays d’Europe occupée.

Le caractère insoutenable, inimaginable et insupportable de ces chiffres démontre à lui-seul l’énormité du crime, le niveau de préméditation, de conception, d’organisation d’un effort industriel pour mettre à mort des millions d’êtres humains et d’en promettre plusieurs millions d’autres à la mort sur la base de la pensée raciste, complotiste et paranoïaque qu’était le national-socialisme conçu par Hitler et ses milliers de complices immédiats. Cela dit aussi la mobilisation des centaines de milliers de complicité dans tous les rouages de la société allemande nazifiée, mais bien au-delà dans toutes les sociétés des pays européens alliés du IIIème Reich ou occupés par les puissances de l’Axe.

Négationnisme

80 ans plus tard, nous n’osons pas concevoir qu’une telle chose puisse à nouveau se reproduire. Pourtant pendant des décennies, la parole des déportés survivants a été peu entendue ; elle dérangeait. Il a fallu attendre les années 1970 pour que le devoir de mémoire prenne l’ampleur qui était nécessaire et qu’on ne limite pas l’univers concentrationnaire au but de répression des opposants politiques et des actions de résistance nationale. On ne niait pas la réalité du génocide des Juifs d’Europe et des Tsiganes, mais elle ne faisait pas le cœur du message.

Pourtant, là-aussi, dès les années 1980, le négationnisme trouva des porte-voix et des supports pour répandre le message de haine qu’il colporte intrinsèquement. Si des Faurisson et des Garaudy n’auraient jamais dû sortir du caniveau de marginalité que leurs idées méritaient, la montée électorale de l’extrême droite a permis d’apporter une résonance médiatique supplémentaire : les provocations ignobles de Jean-Marie Le Pen sur le « point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale » ou sur « Monsieur Durafour crématoire » n’avaient pas d’autres buts ; que le fondateur du FN devenu RN ait été condamné pour ces incitations évidentes à la haine raciale et la négation de crimes contre l’humanité n’y change rien, le mal était fait.

« Il est encore fécond le ventre de la bête immonde« 

Aujourd’hui encore, on a vu nombre de candidats du RN lors des campagnes des législatives de 2022 et 2024 tenir des propos qui montrent que ce parti, fer de lance de l’extrême droite en France, n’a pas besoin de « Reconquête ! » et d’Éric Zemmour pour colporter un antisémitisme radical. En ce moment même en Allemagne, le principal parti d’opposition en plein campagne électorale, Alternative für Deutschland (AfD), développe ouvertement parmi ses cadres une nostalgie du régime nazi et de ses solutions : ses propositions et ses messages visuels codés ne peuvent laisser de doutes. Invités par deux fois à s’exprimer devant les militants et les sympathisants de l’AfD, Elon Musk (qui s’est illustré entre autre chose par un salut nazi à la foule MAGA pour fêter l’investiture de Donald Trump comme président des États-Unis d’Amérique) a clairement relativisé ce 25 janvier la portée des crimes du IIIème Reich pour autoriser ses héritiers politiques à promouvoir leurs solutions : « Il est bon d’être fier de la culture allemande, des valeurs allemandes et de ne pas les perdre dans une sorte de multiculturalisme qui dilue tout » avant de poursuivre en disant que « les enfants ne devraient pas être coupables des péchés de leurs parents, et encore moins de leurs arrière-grands-parents. […] L’accent est trop mis sur la culpabilité du passé, et nous devons aller au-delà de cela. »

Disons un mot des deux principales propositions liées de l’AfD : combattre le « grand remplacement » par un projet de « remigration »… l’un et l’autre résonnent avec l’antisémitisme et une violence de masse. Pour les promoteurs de la thèse du « grand remplacement » (Renaud Camus arrivant même à inspirer avec ce thème des tueurs de masse jusqu’en Nouvelle Zélande), il y a un opérateur à ce projet fantasmé de mixité démographique et de remplacement des ethnies européennes par des immigrants arabo-musulmans ou africains : les Juifs… encore et toujours la même obsession délirante et morbide ! Quant à la « remigration », c’est le terme poli pour présenter un programme de déportation de masse de personnes dont les attaches et les racines sont en Europe depuis plusieurs générations. Interrogé sur Radio Courtoisie, un des leaders de Génération identitaire expliquait par ailleurs que « d’un point de vue identitaire, la remigration ça veut dire pour les Juifs également ».

Notre tâche

Que faire alors que les témoins disparaissent les uns après les autres ? La presse insiste à raison sur l’engagement exemplaire de Mme Ginette Kolinka (99 ans), rescapée d’Auschwitz-Birkenau, qui continue (avec d’autres) malgré son grand âge à faire le tour des établissements scolaires. Faire reculer le négationnisme, l’antisémitisme, le racisme et la haine qui conduisent toujours à la mort ne pourra pas se faire (en tout cas pas uniquement) avec de grandes déclarations médiatiques moralisatrices ; il faut faire œuvre d’éducation auprès de nos enfants, auprès des élèves, dans toutes les couches de la société, dans tous les territoires, en France comme partout ailleurs en Europe. Il faut faire œuvre d’éducation populaire en prenant le temps de parler et d’expliquer à tous les publics. C’est à nous aujourd’hui de prendre le relais, de porter le flambeau.

Nous avons une autre responsabilité : mettre un terme à la surenchère identitaire qui domine le débat public, proposer un horizon à nos concitoyens qui remettent au cœur de nos sociétés ce qui nous fait vivre ensemble, proposer un avenir de mieux être quand tous parlent de déclin.

Frédéric Faravel

L’alimentation, sujet vital oublié par la loi d’urgence pour Mayotte

Cinq semaines après le passage du cyclone Chido et les ravages qui ont suivi, le projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte a été adopté par l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité. Le logement, l’accès à l’eau, les écoles ou la santé figure en tête des priorités de ce texte, mais curieusement pas l’alimentation, et c’est pourtant une question cruciale, vitale et quotidienne.

Dans ce département déjà très pauvre, une partie des habitants peinait déjà financièrement à se nourrir correctement et depuis le cyclone, évidemment, l’accès à l’alimentation ne s’est pas arrangé, bien qu’une aide d’urgence, notamment alimentaire, a été acheminé dès le mois de décembre ; le ministère des outre-mer avance actuellement le chiffre de 20 000 tonnes de denrées livrées chaque jour et 60 000 bons alimentaires distribués depuis le 6 janvier et jusqu’à la fin du mois. Pourtant, sur place, les témoignages continuent de décrire une accessibilité à la nourriture qui n’est que progressive dans l’archipel ravagé. En parallèle, le commerce se relance ; du point de vue de la logistique, le port retrouve quasiment son activité normale, les livraisons ont repris pour les importateurs, en priorisant les conteneurs d’eau, les conteneurs alimentaires et de matériel médical, et le nombre de conteneurs livrés chaque jour s’approcherait de celui qui était connu avant le cyclone.

La population mahoraise peut donc théoriquement à nouveau acheter à manger, donc, mais quelle qualité et à quel prix ? C’est l’une des inquiétudes à court terme. Car Mayotte manque de produits frais : les besoins sont grands et les ressources locales majoritairement détruites. Le modèle agricole dominant de Mayotte est le « jardin mahorais », un agriculture vivrière sur des petites parcelles familiales : elle a été dévastée par le cyclone. Or, on le sait, reconstituer le tissu agricole va prendre des mois. Rapidement, l’exécutif a pris quelques mesures réglementaires. Un arrêté a engendré le renouvellement automatique, pour six mois, des permis d’importation de fruits et légumes déjà existants, afin de faciliter la reprise des flux. Évidemment, les mêmes questions se posent dans les magasins. Pour éviter une inflation de crise dès fin décembre, un décret a prévu que les produits de grande consommation ne pourront pas dépasser leur prix d’avant le cyclone : cela concerne notamment les bouteilles d’eau et l’alimentation (en réalité dans les jours et semaines qui ont suivi le cyclone, les habitants s’approvisionnaient surtout sur un « marché informel » où les prix se sont envolés, un blocage des prix qui vaut aussi pour les marges, à toutes les étapes de la filière agro-alimentaire.

Seulement, ce décret est limité dans le temps, il court jusqu’au mois de juin 2025, et surtout, il ne réglera pas les difficultés que l’archipel connaissait déjà avant même le cyclone. L’Insee avait évalué que les produits alimentaires étaient 30 % plus cher que dans l’Hexagone, un panier alimentaire métropolitain acheté à Mayotte coûtait 54 % de plus et un même panier alimentaire local acheté à Mayotte coûter 10 % de plus.

Donc l’un des enjeux de la reconstruction, c’est bien la structure de l’offre alimentaire qui sera soutenue après la catastrophe, alors que s’ouvre ici une période où les importations vont devoir être plus importantes. Or, elles étaient déjà évidemment l’un des facteurs de la vie chère, avec un marché de la grande distribution très oligopolistique, c’est-à-dire dominé par très peu d’acteurs, comme dans les autres départements d’outre-mer, nous en avons déjà parlé1. Ainsi, le groupe Bernard Hayot, particulièrement ciblé par le mouvement contre la vie chère en Martinique, a aussi une place centrale à Mayotte2.

L’urgence sur l’archipel remet en lumière les problèmes qui traversent l’ensemble des territoires ultramarins sur le sujet : l’absence de transparence sur la formation des prix et des marges, l’iniquité des pratiques commerciales.

Or, toutes ces questions sont pour l’heure assez absentes des discussions sur la reconstruction de Mayotte. On peut cependant voir émerger des initiatives parlementaires utiles : c’est évidemment le cas de la proposition de loi du groupe socialiste et apparentés visant à « prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer », qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2025. Les débats parlementaires ont permis de démontrer que le diagnostic se précise enfin et semble de plus en plus largement partagé ; mais, à ce stade, et en partie à cause du format contraint des propositions de loi (notre système institutionnel limite fortement l’initiative parlementaire, même quand l’exécutif paraît faible), les outils mis en avant par ce texte (dont le parcours législatif n’est pas terminé) sont largement insuffisants pour répondre à l’ampleur du défi.

  1. En Outre-Mer, ce sont les trusts locaux qui créent la vie chère, article du 30 octobre 2024 ↩︎
  2. On a appris le 23 janvier 2025 que plus de 500 nouvelles plaintes contre ce groupe de supermarchés d’outre-mer ont été déposées pour entente et abus de position dominante. Par ailleurs, le groupe assigné en justice a été sommé de publier ses comptes annuels avant le 13 février 2025. ↩︎

Répondre au défi de Trump et des climato-sceptiques

Mettant soigneusement en scène le retrait des USA de l’Accord de Paris sur le climat, le rejet des engagements financiers internationaux liés dont le soutien aux pays du sud, la fin des aides allouées à l’achat de véhicules électriques, un moratoire sur le développement du parc éolien, … Donald Trump, nouveau président en exercice des États-Unis d’Amérique avec un programme mêlant néofascisme et libertarianisme au profit de l’oligarchie la plus caricaturale, signe l’abandon des politiques américaines en faveur du climat. Et il enfonce le clou en décrétant un état d’urgence énergétique visant à doper la production de pétrole et de gaz des États-Unis, déjà premier producteur mondial, en revenant sur des interdictions de forage dans des zones protégées dont l’Alaska.

Les incendies ravageurs de Californie, conséquence du dérèglement climatique, la fonte exponentielle des glaces des deux pôles, la multiplication des tornades meurtrières balayant les zones habitées des océans comme à Mayotte ou à la Nouvelle-Orléans, le réchauffement général constaté du hot spot méditerranéen à la Sibérie, … Tant et tant d’exemples et d’analyses chiffrées ! Face à ces faits, Donald Trump oppose son refus de comprendre la portée du dérèglement climatique. Ceci est incompréhensible pour les Américains mais aussi pour l’humanité alors que l’objectif de l’accord de Paris limitant à 1,5°c la hausse de températures n’a pas pu être tenu. Les États-Unis, première puissance et premier pollueur historique, ont une obligation vitale pour éviter le pire, leur Président la foule aux pieds.

Gageons que d’autres populistes aux visions « bas du front » lui emboîteront le pas. Le président argentin l’a confirmé, tout comme les formations d’extrême-droite européennes, au pouvoir ou non.

L’internalisation de ce phénomène de déni de l’urgence climatique pourrait provoquer un «effet domino», incitant d’autres nations à relâcher leurs propres engagements environnementaux. Une telle dynamique pourrait compromettre grandement notre capacité à relever ce défi global, dont on sait qu’il nécessite un degré de collaboration international important.

Toutefois, si l’Europe est, pour une fois, réactive sur le plan industriel et si la France en était le fer de lance, cela pourrait être une opportunité pour notre vieux continent.

En effet, le secteur des énergies renouvelables croît et l’absence des USA sur ce marché porteur donne un avantage économique indéniable à l’industrie et l’agriculture française. C’est ce que nous dit Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris « La transition mondiale bénéficie d’un élan économique imparable ». C’est ce pour quoi nous avons déjà plaidé à plusieurs reprises dans nos prises de position.

Nous militons pour qu’en France un Plan pluriannuel d’investissements soit fléché vers les énergies propres (géothermie, éoliennes, nucléaire, hydrauliques, hydrogène, …) et les économies d’énergie, activité profitable aux entreprises et plus particulièrement au Bâtiment.

Ceci nécessite que les parlementaires et l’exécutif se donnent les moyens d’une fin de non recevoir ferme à la revendication par la droite et l’extrême droite de Le Pen et Wauquiez d’un retour de bâton contre les opérateurs nécessaires à ce virage industriel :

  • l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui finance pour 92% les projets de décarbonation industriels ou de collectivités locales ;
  • l’Office français de la Biodiversité qui nous protège des atteintes aux espaces naturels, à la biodiversité et, surtout au cycle de l’eau (dont les agences sur le terrain font les frais d’actions de vandalisme ou même d’occupation) ;
  • l’Agence Bio qui accompagne 89 000 acteurs économiques pour 215 00 emplois.

Cela implique que l’ensemble des politiques publiques, de l’industrie au bâtiment, de l’alimentation à la cohésion des territoires (ville ou rural, et en priorité en direction des plus modestes) soient des leviers de mise en œuvre active des outils et des crédits dont disposent ses opérateurs. Ceci nécessiterait que le gouvernement fasse preuve de courage et se lance dans des politiques industrielles et climatiques d’avenir. Malheureusement ce n’est pas le chemin choisi par la droite gouvernementale qui, au Sénat, acte une baisse généralisée des programmes écologiques : fermeture de l’Agence bio ; 175 M€ en moins pour l’électrification du parc automobile (qu’est censé compenser le mécanisme de certificat d’économie d’énergie) ; 200 M€ de moins pour les énergies renouvelables ; 700 M€ de moins à « MaPrime Rénov » ; 50 M€ de moins pour les infrastructures de transport ; 30 M€ de moins pour la biodiversité… même le « fonds vert » perd 1,5 Md€ par rapport à 2024.

La GRS a dans ce domaine des suggestions1 à soumettre à l’ensemble de ses partenaires pour conduire une politique au service de la France et des Français.

Alain Fabre-Pujol, Maxence Guillaud, Henri Fiori et Frédéric Faravel

  1. à consulter d’urgence :
    Le programme de la Gauche Républicaine et Socialiste, adopté en septembre 2021 (actualisation à venir) ;
    Alerte sur le climat : pour l’agriculture, les solutions existent
    La catastrophe de Valence fera-t-elle faire silence aux climato-sceptiques
    Peut-on financer la transition écologique par l’émission de monnaie sans dette ?
    Production, échanges et transition écologique : l’Europe n’a pas de stratégie
    Quelle stratégie pour sauver le transport ferroviaire ?
    La question fondamentale, c’est « Où on produit ? Qu’est-ce qu’on produit et que veut-on produire ? »
    Planification écologique : Macron prend l’eau
    Electricité : l’autorité de la concurrence contre la démocratie
    Greenwashing royal
    L’impasse écologique de l’extrême droite
    Sommet du plastique : passons aux solutions pratiques !
    Une COP climatisée, pour quoi faire ?
    L’accord UE-Mercosur serait perdant des deux côtés de l’Atlantique
    On condamne l’agriculture européenne et française à mourir
    Panneaux solaires et voitures électriques : catastrophe en vue sur l’industrie européenne
    et bien d’autres encore … ↩︎

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