Pour les salariés et les Français, il faut faire plier les sociétés pétrolières

Depuis plusieurs semaines en France, une situation de pénurie de carburants monte inexorablement sur tout le territoire national mais en touchant plus particulièrement les Hauts-de-France ou l’Île-de-France. La communication gouvernementale a cherché, ces derniers jours, à masquer cette situation en noyant la réalité du terrain sous des moyennes qui n’ont pas de sens.

Cette situation est consécutive au refus du gouvernement de regarder la réalité en face : durant tout le mois de septembre, Bruno Le Maire et Roland Lescure – suivis par tout l’exécutif – ont raconté à qui voulait l’entendre que les super-profits n’existaient pas, qu’il n’y avait donc rien à taxer, tout en reconnaissant que la manne financière des sociétés pétrolières devaient servir à compléter les « ristournes » gouvernementales à la pompe et augmenter les salaires s’il le souhaitait. Un nouvel exemple de l’exercice habituel : « Bruno demande » a toujours été le maître mot de Bercy à l’égard des grandes entreprises, sans que l’on ne lise jamais « Bruno agit » ou « Bruno décide ».

Résultats :

  • Total a décidé de casser les prix provoquant une distorsion de la concurrence qui a rapidement mis à sec ses propres stations face à l’afflux de clients ;
  • les salariés d’ExxonMobil (Esso) et de TotalEnergies se sont mis en grève face à la sourde oreille de leurs dirigeants…

La pénurie dans les stations services s’est donc largement diffusée, touchant d’abord le diesel mais s’étendant rapidement à d’autres types de carburants. Les filles d’attentes sont interminables devant certaines stations, alors que dimanche 9 octobre les mouvements de grève ont été reconduits dans les raffineries chez TotalEnergies et ExxonMobil.

La grève des raffineurs est totalement légitime !

L’exigence d’augmentation de salaires des raffineurs d’ExxonMobil et TotalEnergies est parfaitement justifiée par les bénéfices de ces deux grands groupes, grâce notamment à la hausse des prix des hydrocarbures. TotalEnergies avait engrangé 14 milliards d’euros en 2021, et « a déjà cumulé plus de 18 milliards d’euros sur les six premiers mois de cette année ». Le PDG de Total s’est augmenté de 50% l’année dernière. La société TotalEnergies a annoncé le 28 septembre 2022 qu’elle verserait un acompte sur dividende exceptionnel de 1 € par action en décembre 2022, au-delà de l’augmentation de 5% des acomptes trimestriels déjà annoncée en avril et mise en œuvre. Sur cette base, le montant final du dividende 2022 de l’action TotalEnergies serait de 3,76 €/action. L’« acompte » ainsi annoncé s’élève à 2,6 milliards d’euros !

Il était légitime que les salariés, dont les conditions de travail sont particulièrement difficiles, aient aussi le droit à une augmentation comme tous les actionnaires.

La CGT revendique notamment que les salaires des employés soient revalorisés « à hauteur de 10% pour l’année 2022, soit 7% pour l’inflation et 3% « pour le partage de la richesse » ; elle réclame également une remise en état des raffineries.

La Gauche républicaine et Socialiste soutient ce mouvement de grève et souscrit aux revendications des syndicats demandant une augmentation des salaires et une remise en état des raffineries.

Cette situation ne peut plus durer ! Les bénéfices des actionnaires doivent bénéficier aux employés et à la collectivité. La lutte commence à payer puisque la direction de TotalEnergies qui refusait jusqu’ici toute discussion s’est dit prête à ouvrir des négociations sur les salaires, à la condition que la grève s’arrête : c’est un encouragement à maintenir la pression. Une pression qui doit également s’amplifier concernant la taxation des super-profits.

Les Français pour qui la voiture est indispensable au quotidien souffrent de cette pénurie qui les pénalise injustement : il s’agit de la majorité de la population qu’elle vive en milieu rural, dans la « France périphérique », dans le périurbain ou même en banlieue des métropoles.

Nous exigeons de la part du gouvernement des mesures concrètes pour sortir de cette crise en répondant aux demandes des salariés et des usagers.

Le néolibéralisme contre la croissance et le progrès

En France, entre 1990 et 2007, le PIB par habitant a progressé de 28%. Entre 2007 et 2021, il a progressé de 4%. Nous vous partageons ici les réflexions que cette situation soulève.

Les tensions sociales actuelles sur le pouvoir d’achat sont essentiellement dues au fait que chacun souhaite une part plus grande d’un gâteau qui ne croît pratiquement plus. Par exemple, si le PIB n’augmente plus, il est impossible d’augmenter la part de la consommation collective (les services publics) sans baisser la part de la consommation individuelle (le pouvoir d’achat) ou celle de l’investissement.

Or, en raison du vieillissement de la population et des besoins économiques, la part de la dépense collective devrait croître pour faire face au coût des dépenses de santé, à celui de la dépendance, ou pour augmenter le niveau éducatif de la jeunesse. Mais dans une économie sans croissance, la hausse des dépenses collectives ne peut se faire qu’au détriment du pouvoir d’achat des ménages ou de l’investissement (les infrastructures collectives et industrielles).

Ainsi, ce que les gouvernements essaient de faire depuis 2007, c’est d’augmenter la production des services collectifs en diminuant les revenus réels des fonctionnaires par le gel de leurs rémunérations afin d’éviter toute hausse d’impôt. On mesure aujourd’hui les limites de cette stratégie. Les services publics sont à l’os et on ne parvient plus à recruter des soignants et des enseignants. On ne peut pas faire toujours plus sans hausse des moyens et sans hausse de la fiscalité.

Une autre stratégie menée depuis 2007 (et accélérée en 2012 et 2017) a été de basculer la charge fiscale des entreprises vers les ménages au nom de l’attractivité fiscale. Cette politique a globalement augmenté les profits des entreprises et les revenus des classes supérieures.

PO : prélèvements obligatoires

Mais dans une économie sans croissance, les gains des uns sont les pertes des autres, donc celles des revenus du travail et des classes moyennes et populaires. Cette stratégie a conduit au mouvement des gilets jaunes et à l’exaspération d’une grande partie de la population.
Aujourd’hui, pour dégager des marges de manœuvre et financer sa politique d’attractivité fiscale, le gouvernement s’attaque aux retraites. L’idée est de faire payer les futurs retraités après avoir fait payer les fonctionnaires et les revenus du travail.

Pourtant, la stratégie de l’attractivité fiscale n’a donné aucun résultat depuis 2007. Les baisses d’impôt et les subventions au bénéfice des entreprises qui ont été payées par les Français n’ont eu aucun effets notables sur la croissance*.

Au lieu de s’acharner à relancer la croissance en aidant toujours les mêmes, il faudrait changer complètement notre manière de penser. Réfléchir à partir des besoins sociaux et penser à comment décider démocratiquement des grands choix économiques. On en reparlera.

Évidemment, réfléchir en termes de besoins sociaux, cela suppose d’arrêter de penser exclusivement en termes de “pouvoir d’achat”. Or, je ne suis pas sûr que le débat politique actuel soit tout à fait prêt à ça.

* source : http://ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/item/6572-un-capitalisme-sous-perfusion-mesure-theories-et-effets-macroeconomiques-des-aides-publiques-aux-entreprises-francaises

Annie Ernaux : écrire l’intime et toucher à l’universel

Au fil des années, Annie Ernaux à construit en littérature une œuvre qui résonne puissamment avec l’entreprise sociologique initiée par Bourdieu.

En mettant en mots les gestes, les gestes les plus quotidiens, en laissant apparaître les failles, les décalages de classe et de genre, les livres d’Annie Ernaux nous touchent plus profond et donnent un sens collectif à nos perceptions et à nos sentiments les plus intimes.

En lui décernant le prix Nobel de littérature, l’académie suédoise récompense une immense écrivaine et donne aux lecteurs d’Annie Ernaux comme à celles et ceux qu’elle représente dans ses livres l’occasion d’éprouver une fierté partagée.

“Notre feuille de route” – intervention d’Emmanuel Maurel pour la clôture des universités de la Gauche républicaine

La crise pandémique avait fait naître l’espoir de voir émerger un « monde d’après » plus juste, plus solidaire et plus harmonieux.

Nous-mêmes, voyant les faits nous donner raison (sur notre trop grande dépendance au reste du monde, sur le rôle de l’État dans l’économie, etc.), étions assez optimistes, pariant que le danger contraindrait le système à s’amender.

D’ailleurs, le « quoiqu’il en coûte » a entretenu cette illusion. Certes, nous savions que dans l’esprit des macronistes, il s’agissait d’une nouvelle version de la socialisation des pertes – en attendant la privatisation des profits. Mais nous considérions que ce revirement des néolibéraux, en France comme en Europe, pouvait servir de point d’appui.

C’était sans compter sur la logique d’accélération des crises qui caractérise les phases transitoires.

Le Covid n’a pas disparu, entraînant avec lui son cortège de faillites et de pénuries ; s’y surajoutent les conflits militaires de haute intensité, parfois aux portes de l’Europe (Ukraine, Arménie, etc.) et un dérèglement climatique désormais perceptible par tous. Toutes ces questions ont été traitées lors de notre université et je n’y reviens pas. Mais une conclusion s’impose : si l’embrasement n’est pas le scénario le plus plausible, personne ne peut raisonnablement l’exclure.

Or dans ces périodes confuses et incertaines, la responsabilité du pouvoir, mais aussi de l’opposition, c’est de rassurer les Français, de les protéger, et d’esquisser, autant que faire se peut, des pistes de sortie de crise.

Le problème du moment, c’est l’incapacité de l’exécutif à se montrer à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté. Le président réélu donne le sentiment de n’avoir ni cap ni stratégie. Tâtonnements coupables, provocations inutiles, tergiversations et diversions : cette politique du chien crevé au fil de l’eau n’est pas digne de notre pays.

Macron s’englue dans des réponses procédurales (inventant un « CNR Canada Dry » auquel personne ne participe et duquel il ne sort rien). Pire : il s’entête à vouloir imposer la réforme des retraites. Au moment où le COR rend un rapport qui, loin de pointer un problème de financement immédiat, met en garde sur la paupérisation des retraités, Macron veut marcher sur les syndicats et même sur le patronat, et même sur sa propre majorité ! Personne ne veut de son amendement au PLFSS, ni de son 49-3. Tout le monde voit ce que seul l’Élysée ne veut pas voir : un facteur de déstabilisation et surtout de flagrante injustice infligée aux travailleurs, au moment même où des millions d’entre eux subiront de plein fouet l’explosion des prix alimentaires et de l’énergie.

Ponctionner les futurs retraités et, en même temps, refuser de reconnaitre (voir les dénégations répétées de Bruno Le Maire) jusqu’à l’existence de superprofits, alors que la majorité des pays occidentaux, et même l’Union Européenne, imaginent des dispositifs pour les taxer : cette obsession de toujours satisfaire les détenteurs du capital, quelle que soit la situation, restera la marque de fabrique du macronisme.

En majorité relative, à la recherche d’un improbable nouveau souffle, le pouvoir est faible. C’est le moment, pour les forces de gauche, de se concentrer sur l’essentiel. D’être utiles à leurs concitoyens.

Contre l’inflation galopante, face à la pénurie énergétique, il existe des solutions. Ne laissons pas le RN dérouler son slogan « l’alternance c’est nous ». Plutôt que nous perdre dans des débats secondaires, parfois anecdotiques voire carrément glauques, prenons les Français à témoin. Il existe une autre politique.

À commencer par une autre stratégie économique, au moment où nombre de nos concitoyens peinent à boucler les fins de mois. 

L’urgence de la redistribution

Un vieux maître socialiste disait, mi sérieux, mi provocateur, que le socialisme, c’est d’abord le salaire. Or la part des salaires dans la valeur ajoutée chute à nouveau, alors que la productivité continue de croître, même modérément.

Le choc sur les prix lié à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine ne s’accompagne pas d’un choc général sur les salaires. Ni le salaire moyen ni le salaire médian ne bougent. Ils bougent même vers le bas, car les hausses nominales sont inférieures à l’indice des prix.

Tout cela provoque un effet récessif et une nouvelle montée des inégalités, à l’heure où les super profits génèrent des super dividendes.

Il faut augmenter les salaires et les indexer sur les prix afin d’enrayer la crise du pouvoir d’achat. Le retour des coups de pouce au SMIC et un fort relèvement du point d’indice dans la fonction publique s’imposent. Le Gouvernement doit forcer une négociation interprofessionnelle sur les minima de branches, avec obligation de conclure.

Cette question est d’autant plus importante que le Covid a mis en lumière quelque chose que nous savions déjà. L’utilité sociale n’est pas récompensée. C’est même le contraire. Métiers du soin et du lien, logisticiens, caissières, livreurs, éboueurs, femmes et hommes de ménage, aide soignants, assistantes sociales, instituteurs : ces métiers sont les plus mal payés, les plus mal considérés. Le mouvement social des Gilets jaunes nous avait déjà alertés. Avec le Covid, l’urgence est plus forte que jamais. Les salariés les moins visibles sont entrés dans la lumière. Et ils réclament légitimement leur dû.

Puisque j’évoque la question du travail, il faut bien que je revienne sur la polémique qui a enflammé la gauche. Non, le travail ce n’est pas de droite ! Et non, nos concitoyens n’aspirent pas à une société post-travail. Ils veulent une société qui apporte à tous un travail digne et vecteur d’émancipation.

Il y a une forme de résignation, de fatalisme, chez ceux qui théorisent la fin du travail. La vraie combativité, c’est celle qui s’attaque à la dénaturation du travail par le système.

C’est le capitalisme néolibéral qui détruit le travail et lui fait perdre son sens. C’est le capitalisme qui jette les travailleurs usés, qui délocalise et qui pousse à bout jusqu’au burn-out. Ce sont les nouveaux acteurs du capitalisme, les plateformes numériques, qui tentent de briser le statut protecteur du salariat, faisant passer l’auto-entreprenariat ou la soumission à un algorithme pour une forme de libération. Sortir le travail de cette exploitation, ce n’est pas nier le rôle social du travail et sa nécessité, mais reconnaître que seul il crée la richesse et génère le progrès social.

La question de l’émancipation des travailleurs, de tous les travailleurs (ceux qui ont un emploi et ceux qui en recherchent un) doit rester au cœur des propositions de la gauche.

Il y a l’action sur la redistribution, il y a aussi l’urgence d’un autre mode de production.

L’action sur la production

Nous pensons que qu’il est possible de renouer enfin avec une véritable ambition industrielle compatible avec l’impératif écologique. Je vous renvoie à l’exposé d’Arnaud hier.

C’est difficile car des pans entiers de l’industrie française ont été dévastés… Il faudra donc en repasser par l’intervention de l’État, la planification et la prise de capital public. Il faudra aussi que les salariés siègent dans les conseils d’administration. Il faudra enfin arrêter de considérer la France comme un pays de tourisme et de services.

Il est vital de renouer avec l’ambition industrielle. Nous avons des ingénieurs de grande valeur, une main d’œuvre très bien formée et très productive (contrairement aux bêtises qu’on entend souvent) et des territoires entiers qui sont spécialisés, avec des savoir-faire.

Mais nous avons face à nous le mur de l’argent et surtout celui de la résignation. Dans le film Adults in the Room de Costa-Gavras, une phrase est prêtée à Michel Sapin. S’adressant à Alexis Tsipras, il lui dit : « La France n’est plus ce qu’elle était, elle n’a plus les moyens de ses ambitions. » Je pense qu’en fait elle manque plus d’ambitions que de moyens.

Une forme de patriotisme fait clairement défaut dans ce pays. Il manque cruellement dans les classes dites supérieures. Moi, je crois aux atouts de la France, à la force du peuple français, à son intelligence.

Un programme « Made in France » ambitieux peut se fixer un objectif de création de 500 000 emplois industriels et d’installation de 500 nouvelles usines dans nos régions et notamment dans des territoires aujourd’hui délaissés.

On ne peut pas tout miser sur les start-up. Il faut se remettre à fabriquer sur le sol national des produits critiques (pharmaceutiques, électroniques, alimentaires, etc) que nous importons aujourd’hui, au prix de notre souveraineté perdue. Nous avons pour cela plusieurs armes à notre disposition : le levier de la commande publique bien sûr, mais aussi les mesures de protection de l’intérêt national (à commencer par le fameux décret Montebourg, toujours trop sous-utilisé). Au moment où nous échangeons, c’est Exxelia, fleuron de l’électronique de pointe, qui passe sous pavillon américain. Après tant d’autres…

La Commission européenne protestera surement, mais ces décisions récentes montrent qu’on a raison de ne pas compter sur elle. Les annonces de la présidente, qui préconise d’en revenir aux règles de Maastricht, qui encourage la multiplication des accords de libre-échange, qui approuve le relèvement des taux de la Banque Centrale, sont autant de mauvais signaux. Et puis, bien sûr, il y a le fiasco de la politique énergétique.

Face à la pénurie, réinventer une politique publique de l’énergie

Car s’il y a bien un domaine dans lequel on retrouve à la fois l’inefficacité des préconisations néolibérales et la nullité d’une certaine élite dirigeante, c’est bien celui de l’énergie.

La France disposait d’une électricité peu chère grâce au nucléaire et à son opérateur historique. Or tout a été fait pour saboter EDF et, par-là, affaiblir la France ! L’ouverture à la concurrence voulue par la Commission Européenne et acceptée par les gouvernements successifs, a abouti à un système proprement délirant.

Au nom de la libre concurrence, il a fallu subventionner le privé plutôt que développer un pôle public des énergies renouvelables.

Au nom de la concurrence, on a contraint EDF à vendre une partie de sa production à ses concurrents, à prix coûtant au départ et qui s’est même avéré inférieur à l’arrivée. Au nom de la concurrence on a ruiné les comptes d’EDF, qui ne peut plus investir, notamment dans les centrales, ce qui explique les problèmes rencontrés aujourd’hui.

Last but not least, l’instauration d’un marché européen aux contours imposés par l’Allemagne, qui indexe l’électricité sur le prix du gaz. C’était une folie économique pour la France, et ça s’avère maintenant une folie pour l’Europe.

Avant même l’invasion de l’Ukraine, pour sauver les opérateurs privés, le gouvernement n’avait rien trouvé de mieux qu’obliger EDF à acheter de l’électricité au prix du marché, puis à la revendre à bas prix à ses concurrents. On marche sur la tête.

Le retour au monopole public national sur la production et la distribution d’énergie (en y réintégrant le pôle gazier) est incontournable, avec pour objectif la sortie définitive des énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon…) d’ici 2040.

Nous pourrions en parallèle reprendre l’élaboration de stratégie de filières – fabrication de panneaux solaires, fabrication et assemblage d’éoliennes, hydrogène – stratégies de filière, qui, pour être efficaces, nécessitent la mise en place d’un protectionnisme intelligent pour contrer la concurrence en particulier chinoise.

Plafonnement des prix, sortie du marché européen, retour au monopole public sont autant d’atouts dans une stratégie de relocalisation industrielle et de souveraineté économique.

Je résume en quelques mots ce que doivent être nos priorités pour cette rentrée

Primo. Le gouvernement ne fait pas assez pour les Français les plus modestes. Ses mesures ponctuelles face au choc inflationniste sont insuffisantes. L’indexation des salaires sur les prix est une mesure d’urgence. La taxation des dividendes est commandée par la justice. C’est pourquoi nous appelons nos militants à se mobiliser le 29 septembre à l’appel des syndicats, pour poser le problème-clé du partage des richesses créées par le travail, et à participer à l’opération nationale visant à taxer les surprofits.

Secundo. Alors que la reprise est déjà menacée, les autorités européennes ne doivent pas lever les mesures permettant aux États membres de soutenir l’activité. Elles doivent plafonner les prix de l’énergie et réformer au plus vite le marché européen de l’électricité.

Enfin, et c’est sûrement le plus décisif, il est possible de promouvoir une écologie populaire de gouvernement, qui organise concrètement la sortie des énergies fossiles et la relocalisation des activités productives afin d’asseoir des filières courtes made in France.

Je dis écologie populaire de gouvernement parce que je veux que cela soit clair pour tout le monde. Ce n’est pas parce que la plupart d’entre nous sommes issus de ce qu’on appelait jadis la « première gauche », injustement assimilée au productivisme le plus débridé, que nous sommes anti écologistes, ou même éloignés des préoccupations écologistes.

Pour une écologie républicaine !

Les questions du dérèglement climatique et de la disparition de la biodiversité s’imposent à tous. Rien ne procède davantage de la Res Publica que les Communs que sont l’air, l’eau, le sol, les forêts. Le combat écologique confère une légitimité renforcée et donne une dimension nouvelle à l’intervention publique.

Nous sommes un certain nombre ici à nous définir comme éco-socialistes et républicains. Notrecombat trouve son prolongement naturel dans celui à mener pour la Planète en reliant toujours luttes environnementales et luttes sociales. La course à l’accumulation et au profit, la compétition généralisée qui la sous-tend, l’encouragement incessant à la consommation, le privilège accordé au court terme sont intrinsèquement contradictoires avec la préservation de notre écosystème. Nous nous fixons pour priorité de démontrer que seule une transformation radicale du mode de production et de consommation capitaliste permettra de relever efficacement le défi écologique.

Tout en reconnaissant le rôle joué par les pionniers de l’écologie, tout en reconnaissant la justesse des diagnostics et la pertinence des alertes, nous entretenons avec les Verts une discussion qui porte autant sur les concepts (je pense par exemple à celui de la décroissance ou à celui, plus récent et plus contestable, de l’androcène), les moyens, les rythmes, le cadre de l’action.

Je salue les efforts intellectuels de celles et ceux qui, aujourd’hui, tentent de dessiner les contours d’une écologie républicaine. Leurs travaux fructueux nous inspirent.

Pour moi c’est une des clés pour répondre au défi à la fois temporel (préparer l’avenir et répondre aux urgences, ici maintenant) et spatial (mettre de l’ordre dans le chaos du monde et en même temps enrayer le déclin français) qui mobilise les militants politiques.

Participer aux débats à gauche

Je parle du déclin français, d’autres diront déclassement. Cela peut paraître sévère. Mais cette impression d’un délitement général, nos concitoyens la ressentent. Et cela ne date pas du Covid.

Services publics en berne, dépendance accrue au reste du monde, déficit commercial structurel, baisse du niveau dans l’éducation, perte de l’influence française, etc., le redressement du pays c’est maintenant et c’est urgent.

C’est urgent parce que nous aimons la France et sommes malheureux de la voir ainsi affaiblie. Mais c’est aussi urgent parce que le malheur d’un peuple débouche parfois sur des expérimentations politiques hasardeuses. Deux fois qualifiée au second tour de l’élection présidentielle, disposant d’un groupe pléthorique à l’assemblée nationale, l’extrême droite peut aujourd’hui prétendre au pouvoir. Comme en Suède, comme en Italie…

C’est à la gauche qu’il revient de freiner cette ascension. Pour cela, il faudra qu’elle brise un « plafond de verre », autant sociologique que politique. Certes, la stratégie électorale unitaire aura permis à la gauche d’envoyer à l’Assemblée un nombre d’élus important en dépit d’un nombre de suffrages historiquement faible.

Le rétrécissement sociologique de l’électorat de gauche est l’un des principaux problèmes politiques auxquelles nous sommes confrontés, comme l’avancent à raison des élus comme François Ruffin ou Fabien Roussel. Or pour répondre aux intérêts des classes populaires, si diverses soient-elles, il faut que les forces progressistes ne négligent aucune de leurs préoccupations : stagnation du pouvoir d’achat, délitement des services publics, urgence climatique, mais aussi insécurité sociale et physique, atteintes répétées à la laïcité, disparition du monde rural.

La gauche n’est pas condamnée à n’être qu’« un gros tiers » dans la tripartition avec le centre-droit et l’extrême-droite. Elle peut redevenir majoritaire si elle se fixe pour objectif d’arracher à l’abstention et au RN les ouvriers et les employés, particulièrement des zones péri-urbaines et rurales. Cela passe par un équilibre entre mesures de justice et réponses d’ordre, entre radicalité et crédibilité.

C’est le débat que nous voulons porter à gauche. Nous ne sommes aucunement dans une démarche de différenciation systématique. Et si nous avons parfois des désaccords avec les partis qui constituent la NUPES, nous ne considérons pas que la voie de salut passe par un ripolinage nostalgique d’une social-démocratie qui n’a jamais existé dans notre pays. Surtout quand cette voie est portée par ceux-là même qui ont largement contribué au discrédit qui a frappé la gauche dite de gouvernement.

Pas de différenciation systématique donc. Il faut se garder de s’engager dans les débats picrocholins et les querelles absconses. Mais il faudra assumer la discussion. Et pas seulement sur les questions économiques. Je ne crois plus qu’on puisse se satisfaire de la distinction un peu paresseuse entre social et sociétal. Puisque tout est politique, il convient de discuter de tout. Et je propose que nous n’ayons pas de pudeur de gazelle, même si développer une pensée hétérodoxe vaut parfois procès en réaction voire excommunication par voie de réseau social.

Nous connaissons les nuances, voire les divergences, qui existent au sein de la gauche sur des questions pour nous essentielles.

= Le rapport à la nation, qui pour nous reste le cadre premier de l’exercice de la souveraineté. L’importance que nous attachons au rayonnement de la France dans le monde, à la francophonie, à la diplomatie culturelle. Mais aussi, partant, la notion de frontière qui, comme le dit si bien Regis Debray, n’est pas le mur qui interdit le passage mais le régule. Nous continuons de nous étonner de cette contradiction qui consiste à revendiquer le contrôle des flux de marchandises, du capital, mais jamais celui des hommes.

= L’exigence de la sécurité publique, au moment où notre pays connait une augmentation inquiétante de la délinquance et où perdure la menace terroriste. Noussavons qu’il n’y a pas d’ordre sans justice, mais il n’y a pas de justice sans règle, sans sécurité des personnes. Il est essentiel que le pays débatte sérieusement des moyens humains, matériels et les stratégies à déployer pour assurer la sécurité mais aussi permettre aux forces de l’ordre d’exercer leurs missions dans de meilleures conditions. La crédibilité des services de police et de gendarmerie exige un respect scrupuleux du cadre républicain, un usage toujours proportionné de la force. Des dérapages, voire des bavures ont lieu : il faut les condamner et les réprimer. Oui, parfois, des policiers tuent. Pour autant, nous ne disons pas que la police tue. Les forces de l’ordre travaillent dans des conditions difficiles, dépourvus de moyens, trop souvent mal dirigés par une hiérarchie défaillante.

= L’attachement à la science et à la raison, en ces temps où certains croient malin de préférer les sorcières aux ingénieurs, et colportent benoîtement des fake news navrantes. Pas de grande nation sans scientifiques, ingénieurs, chercheurs, techniciens !

= Le refus du différentialisme, la défense de l’universalisme, qui pour nous sont évidents, mais qui, nous le savons aujourd’hui, ne vont absolument plus de soi.

Or notre conviction, c’est que l’élargissement sociologique et électoral de la gauche n’est possible que si elle renoue avec la tradition républicaine dans ce qu’elle a de plus subversif.

L’histoire de la gauche se confond avec la défense et la promotion du « modèle républicain ». Mais saisie par le démon de la déconstruction, elle en vient à jeter le bébé avec l’eau du bain, dénigrant « l’universalisme abstrait ».

On voit bien à quoi l’individualisme des sociétés de marché aboutit : la disparition d’un monde commun. Le « venez comme vous êtes » de Mac Do s’est progressivement imposé comme un modèle de vie en société. C’est le règne des tribus et des communautés, le triomphe du relativisme, l’exaltation de la singularité à tout prix. Mais la juxtaposition des singularités mène à la guerre de tous contre tous.

L’extension indéfinie de la marchandise et de son spectacle s’accommode parfaitement de cette démocratie identitaire, dans laquelle le particulier éclipse l’universel.

Ghettoïsation et séparatisme social gangrènent la société française. Pas seulement le communautarisme chez les pauvres. Parlons du séparatisme des riches, cette « révolte des élites » dont parle Christopher Lasch. Parlons aussi de celui, moins spectaculaire, des Tartuffe des hypercentres qui n’ont que le « vivre ensemble » à la bouche quand ils ne vivent, en réalité, qu’avec leurs semblables. Les dernières déclarations du nouveau ministre de l’Education Nationale, qui avoue benoîtement avoir mis ses enfants à l’école alsacienne pour leur préserver une « scolarité sereine », en disent plus long que mille essais savants sur l’étiolement de la conscience républicaine chez les élites hexagonales.

C’est le paradoxe du moment : les Français sont plus républicains que leurs dirigeants.

Quand les premiers Gilets jaunes, drapeau tricolore au vent, réinventent la devise nationale (égalité territoriale, revitalisation démocratique, fraternité des ronds-points), les forces politiques manquent singulièrement d’imagination (et d’enthousiasme) pour revivifier le discours sur la République. Le sursaut viendra du peuple Français qui a plus confiance dans l’État que ceux qui le dirigent, et qui croit davantage à la solidarité que ceux qui pensent ne pas en avoir besoin.

Soyons simple et basique : n’est pas républicain celui qui ne fait pas de l’école la priorité absolue. N’est pas républicain celui qui laisse crever l’hôpital public. Mais n’est pas non plus républicain celui qui cède aux exigences de la bigoterie ordinaire ou à celles des différentialistes de tous poils.

Il ne faut jamais renoncer à lier le combat social et le combat laïque. Et s’il y a bien des hommes et des femmes qui se lèvent pour dénoncer la résurgence du cléricalisme partout dans le monde, c’est nous. Nous ne devons rien laisser passer. Les petites lâchetés du quotidien, qui aboutissent à laisser seule une enseignante confrontée à des revendications religieuses dans sa classe. Les complaisances avec les bigots. Et, bien sûr, La folie criminelle de ceux qui ont tué ici Samuel Paty et les dessinateurs de Charlie, là-bas qui attentent à la vie de Salman Rushdie.

Et nous devons être inlassablement aux côtés de ceux qui se battent, partout dans le monde, pour échapper à la tutelle étouffante des clergés, je pense à l’admirable combat des femmes kurdes, mais surtout, au moment où nous nous parlons, des femmes iraniennes, qui veulent vivre, et vivre libres.

Sans justice sociale, sans solidarité entre les peuples, sans laïcité, il n’y pas d’émancipation : c’est ce message de la gauche républicaine, patriote et internationaliste qui nous unit et qu’il nous faut porter le plus haut possible.

La faiblesse actuelle de la gauche n’est pas une fatalité. En renouant avec l’esprit de conquête républicaine, avec le volontarisme politique, avec le respect de la souveraineté populaire, tout est possible.

Dans ces temps incertains, l’essentiel est de savoir pour qui on se bat, et où l’on veut aller. Pour les militants de la gauche républicaine, il n’y a rien de plus exaltant que de se consacrer au redressement de la France.

Assumer notre singularité idéologique, Participer aux mobilisations sociales et citoyennes de la rentrée, Continuer le dialogue avec les forces de gauche : voila comment nous pourrons être utiles au pays.

La question du travail doit revenir au cœur de la gauche !

Depuis la fin du mois d’août et à la rentrée, la polémique a enflé à gauche : quelle est la place du travail dans la société et dans le projet que la Gauche doit proposer aux Français. Au-delà des slogans et des petites phrases (parfois maladroites) des uns, auxquels répondent les dénonciations de triangulation des thèses de la droite des autres, François Ruffin et Fabien Roussel ont permis ses dernières semaines, par la sortie d’un livre et leurs prises de position dans les médias, de rappeler que cette question est une des préoccupations centrales de nos concitoyens et que la valorisation du travail répond à leurs aspirations prioritaires. Ainsi la reconquête du pouvoir passe par leur prise en compte : il est donc indispensable de remettre le travail au cœur du projet de la gauche !

Un débat vieux comme le mouvement ouvrier

Il n’y a pas de société, ni de richesses créées collectivement sans une implication individuelle dans le travail. Evacuons d’entrée de jeu les faux débats : lorsque Karl Marx développe au milieu du XIXème siècle ses réflexions et ses écrits sur le système capitaliste, il dénonce l’aliénation par le travail du prolétaire qui est dépossédé de son individualité, de sa contribution créatrice personnelle et du produit même de son action, l’essentiel de la création en elle-même et la richesse qui en découle étant détournée par le propriétaire du capital. Le prolétaire est donc celui qui ne possède plus rien d’autre que sa force de travail, qu’il vend contre un subside de misère. L’idée commune du XIXème siècle chez tous les philosophes et acteurs d’un mouvement socialiste en construction, est que l’émancipation des travailleurs doit passer par leur association qui rendra inutile la propriété du capital et par la maîtrise de l’outil de travail ainsi que du bénéfice du produit de leur travail.

La place du salariat

Les conditions d’organisation des économies nationales et du système économique mondial ont été incroyablement transformées depuis le milieu du XIXème siècle, non seulement sous l’effet des évolutions du capitalisme lui-même mais aussi par la mise en branle d’un mouvement de la société pour dépasser le capitalisme ou, à tout le moins, limiter la place du capital dans celle-ci : Marx, les penseurs socialistes du XIXème siècle, Max Weber et bien d’autres ont provoqué une sorte de « paradoxe de Wigner » appliqué concrètement aux sciences sociales et économiques, leurs observations d’un phénomène ayant profondément modifié les conditions de l’expérience… Mais, alors que le salariat était unanimement à gauche voué aux gémonies à l’orée de la première guerre mondiale, les conditions d’organisation de la production et de nos sociétés en ont fait le vecteur principal de distribution des revenus des travailleurs. Les victoires successives quant à l’amélioration des conditions de travail et à l’acquisition des droits sociaux créent les conditions pour un début d’émancipation et la conquête d’une dignité au travail.

L’État social s’est ainsi construit patiemment tout au long du XXème siècle, et plus encore après la seconde guerre mondiale, et l’une de ses applications concrètes a été d’attacher au statut de salarié des droits et des protections, un cadre légal pour la distribution des revenus qui le fait sortir de l’arbitraire capitaliste. Aujourd’hui la stratégie des nouveaux acteurs du capitalisme (que sont notamment les plateformes numériques) et les néolibéraux (depuis presque 50 ans maintenant) visent à faire disparaître à terme ce statut (relativement) protecteur de salarié, tentant de faire passer l’auto-entreprenariat ou la soumission à un algorithme pour une forme de libération, alors que le plus souvent cela replonge le travailleur dans la logique d’aliénation dénoncée par Marx voici 170 ans !

Travail et émancipation des travailleurs

Les politiques néo-libérales, mises en œuvre dans toutes les économies développées, ont modifié fortement le rapport au travail et la place des travailleurs dans notre société, fragmentant le monde du travail et avec la flexibilité croissante (précarité, temps partiel, CDD, externalisation des postes). Ells visaient non seulement à réduire le « cout du travail » (ce qui en dit long sur leur pseudo attachement à la « valeur travail ») mais également à réduire le travailleur à un rôle d’exécutant d’une tache et non comme un acteur de l’entreprise qui pouvait légitimement revendiquer une part de pouvoir, mais aussi une répartition plus juste des profits et richesses produits. Cette tendance de long terme aboutit à une forme de déshumanisation avec de lourdes conséquences dans le profond malaise que vivent les salariés (les salariés français sont parmi ceux qui se sentent le moins bien reconnus et traités dans leurs entreprises, y compris dans la fonction publique). Remettre le travail au cœur de notre projet c’est s’attaquer résolument à ces dérives, que tous les gouvernements de droit comme de gauche au pouvoir ont accompagné, voire accéléré dans la dernière période (avec le quinquennat de François Hollande).

La question de l’émancipation des travailleurs doit donc être au coeur de la vision du monde et de la société proposée par la gauche : cela suppose une organisation collective, un État social, qui s’assure que chacun puisse avoir accès au travail et à des conditions de travail dignes, mais aussi participer d’avantage aux décisions stratégiques des entreprises, en particulier celles qui concernent directement les travailleurs. Que nous demandent la plupart de nos concitoyens ? Le fait de pouvoir travailler, dans un cadre qui assure des conditions de santé et de sécurité dignes, de recevoir en échange une rémunération qui permette de vivre décemment et d’offrir à leur famille un cadre de vie humain, mais qui marque aussi leur utilité sociale. Ils demandent aussi plus de sens à leur travail et un équilibre harmonieux entre temps de travail et leurs loisirs, leur temps libre. Car l’émancipation des travailleurs doit s’opérer dans l’emploi mais aussi dans sa capacité de vivre d’autres engagements, d’autres implications. C’est indissociablement lié.

Cela implique plusieurs choses : D’abord de redonner une valeur concrète au « droit au travail » qui est inscrit dans notre constitution et de raffermir à nouveau le droit du travail (tant mis à mal par la loi Hollande-El Khomri de 2016 et les ordonnances Macron-Pénicaud de 2017) pour s’assurer que celui-ci retrouve son caractère protecteur face à la toute-puissance du capital. Affirmer le droit au travail, c’est bel est bien permettre à chacun d’avoir accès à l’emploi. On observera que cette idée d’avoir accès à l’emploi conduit les soutiens de Bernie Sanders aux États-Unis à promouvoir l’idée d’un État garant de l’emploi en dernier ressort. L’objectif du plein emploi, d’un emploi utile permettant de vivre dignement, est donc aujourd’hui un axe incontournable d’un projet de gauche qui voudrait entrer en résonnance avec les aspirations de nos concitoyens.

Face à cette attente des Français, les libéraux, comme Emmanuel, Macron font de la triangulation à l’envers : avec eux l’objectif du plein emploi devient pour les salariés la contrainte d’accepter un emploi à tout prix, même déqualifié et dévalorisé, mal rémunéré, à temps partiel ; au final, ils construisent une société où la perspective des catégories populaires se réduit à être un travailleur pauvre, précaire et mal reconnu. Il donne une forme contemporaine à la vieille formule réactionnaire : « l’oisiveté mère de tous les vices ».

Or le plein emploi et la valorisation du travail sont pourtant indissociables. Nous n’attendrons en réalité jamais l’objectif du plein emploi sans agir sur la qualité du travail, la reconnaissance des métiers, l’amélioration des conditions de travail, l’augmentation des salaires et des retraites, l’égalité femmes/hommes et la participation aux décisions stratégiques de l’entreprise. Cela implique aussi une politique industrielle volontariste assurant la ré-industrialisation et l’indépendance de la France et prenant en compte les impératifs climatiques. Cela passe aussi par une consolidation de notre protection sociale, qui pour une large part s’appuie sur des droits liés au travail, quand elle ne s’apparente pas tout simplement à l’idée du « salaire différé ». Les dégâts générés par le quinquennat Hollande se mesurent bien à l’aune de cette perspective ; la situation s’est encore davantage détériorée avec Emmanuel Macron qui persiste et signe en prétendant aggraver encore sa première « réforme » de l’assurance chômage et en annonçant une offensive éclair contre notre système de retraites.

La suppression de la gestion paritaire de la protection sociale, en particulier pour l’Assurance chômage et les retraites (ces dernières sont de fait salaires différé) ne date malheureusement pas d’hier ; elle entre dans une stratégie qui a pour but de transformer sa nature même : de pacte entre des droits garantis, fondés sur des cotisations mutualisées, la technocratie gagnée aux idées néolibérales veut la faire glisser vers des politiques publiques de solidarité (aides octroyées). Les allocations chômages deviennent ainsi peu à peu des aides conditionnées à des critères définies par le gouvernement ; hier, la même logique amenait la droite (et une partie de la gauche) à changer la retraite par répartition en un socle de solidarité et des fonds de pensions par capitalisation en complément. Une logique similaire préside à la création (par un gouvernement de gauche) de la prime d’activité qui fait peser sur le budget de l’État une part de la rémunération du travail plutôt qu’augmenter les salaires et de placer les entreprises devant leurs responsabilités économiques. Nous sommes entrés en 2001-2022 dans l’engrenage de l’austérité salariale exigée par le patronat partiellement compensée pour les plus modestes par des primes aléatoires. Cette logique ne cesse de s’étendre. Nous l’avions combattu alors et il nous faut redoubler d’efforts plus encore aujourd’hui contre ce qui est devenu une stratégie pérenne (prime pour l’emploi, primes Macron défiscalisées…).

Ne nous faisons pas d’illusions : cette logique néolibérale n’a rien d’une spécificité française et l’on retrouve partout dans le monde ce même enjeu. C’est le sens de l’intervention récente de Lula qui disait très justement ce 12 septembre : « les gens ne veulent pas vivre tout le temps des prestations du gouvernement. Ce qui rends les êtres humains fiers c’est d’avoir un salaire et d’emporter de la nourriture avec leur travail. Et nous créerons des emplois. »

Conforter le financement de la protection sociale et réussir vraiment le plein emploi

N’oublions pas que l’essentiel de notre système d’État social est fondé sur la contribution des revenus du travail, que ce soit par les cotisations (employeurs et employés) ou par une forme de fiscalité. Quel serait le devenir de notre protection sociale si nous nous satisfaisions de la situation actuelle où des millions de personnes n’ont pas d’emploi ou sont sous-employées, ne cotisent pas ou peu ? Quel sera le devenir de notre protection sociale si nous ne cherchons pas à reprendre, comme le rappelle Christophe Ramaux dans son dernier livre Pour une économie républicaine, au Capital les richesses que nous lui avons abandonnées progressivement depuis une quarantaine d’année ?

Mais cela suppose que l’on mette fin aux baisses massives de cotisations sociales octroyées d’abord aux grandes entreprises (sans aucune contrepartie et sans aucune preuve de leur efficacité économique, et pour cause l’essentiel est parti dans les dividendes). Cela suppose qu’on réponde enfin aux discours libéraux sur le poids excessif de l’État sur l’économie ; et là encore, Christophe Ramaux, dans son dernier livre, livrent un certain nombre de réflexion sur lesquelles nous pouvons nous appuyer : le néolibéralisme a tenté de tuer l’État social dans toutes les économies occidentales, mais il n’y est pas arrivé (même aux USA) et ce dernier a été le recours incontournable face aux crises (financière de 2008 ou sanitaire de 2020-2021), nous avons donc un point d’appui pour reprendre au marché ce que nous lui avons abandonné et c’est le rôle d’une démocratie républicaine d’en fixer les bornes ; nous pouvons et devons revenir sur la libéralisation des marchés financiers et sur le tout libre-échange ; l’État peut et doit conduire la stratégie de transformation écologique avec comme premier enjeu le sujet central de la production d’électricité, l’intervention (et la dépense) publique doit en ce sens pleinement être réhabilitée car seule capable de proposer un projet mobilisateur aux citoyens, aux travailleurs du privé comme du public ; on peut et on doit remettre à plat le fonctionnement des entreprises en s’attachant à redonner de la fierté aux travailleurs comme acteurs à part entière…

Cela suppose aussi qu’on réhabilite le travail ! Et réhabiliter le travail ce n’est en rien flatter le travailleur pauvre pour stigmatiser celui qui n’a pu avoir un travail et n’a que la solidarité nationale pour survivre ! Réhabiliter le travail, c’est considérer qu’on doit le rémunérer correctement à l’inverse de l’austérité salariale relative qui sévit depuis plus de 30 ans, c’est engager des politiques publiques pour offrir un travail à chacun. Donc c’est également sortir du discours sur la fin du travail et sortir du défaitisme qui fait dire à certains dirigeants politiques que « de toute façon, il n’y aura jamais assez de travail pour tout le monde ». La gauche ne doit pas renoncer à un projet de plein emploi. Quand on mesure le nombre de besoins sociaux, économiques (rappelons nous de la « découverte » effarée de certains quand il apparut que la France risquait en mars 2020 une pénurie de paracétamol et devait gérer une pénurie de masques sanitaires) et même écologiques insatisfaits dans nos sociétés, cette posture est mortifère, l’argument des bullshit jobs ne tient pas face à cette réalité, quand bien même on sait qu’il existe des emplois dont on ne comprend pas toujours l’utilité.

Solidarité

Il existera toujours des situations où certaines personnes ne seront pas en capacité de travailler… La solidarité nationale est là pour assurer un filet de sécurité et garantir la dignité de tous. Mais la garantie d’une solidarité nationale efficace qui ne condamne pas ses concitoyens les plus en difficulté à surnager entre les eaux de la pauvreté et de la survie, cela implique une solidarité nationale financée fortement par les revenus créés par le travail. Dans le cas contraire, dans une mondialisation libérale sauvage, nous retomberions rapidement dans la situation décrite en 1847 dans Travail salarié et Capital par Karl Marx : « La grande industrie nécessite en permanence une armée de réserve de chômeurs pour les période de surproduction. Le but principal de la bourgeoisie rapport à l’ouvrier est bien sûr, d’obtenir le travail en tant que matière première au plus bas coût possible ».

Avant la réforme récente de l’assurance chômage, plus de la moitié des chômeurs ne touchaient rien de Pôle emploi, après la réforme, la proportion atteint 60 %. Qui peut encore croire que le durcissement des conditions d’indemnisation est une voie utile pour avancer vers le plein emploi ? Les conditions de travail et le niveau de rémunération ne sont-elles pas plus en cause ? Observons que plus la droite parle de « valeur travail » moins elle soutient la « valeur DU travail ». Voilà la réalité qui doit nous faire réfléchir quand le gouvernement et les organisations patronales continuent de défendre une forme d’austérité salariale alors que l’augmentation des salaires est une revendication générale et qu’elle est une nécessité. La logique visant à dégager les entreprises de leurs responsabilités salariales s’est incarnée dans le transfert vers l’État de la responsabilité du soutien au pouvoir d’achat avec la prime d’activité ou les pseudo-primes Macron.

Être à l’offensive et reconquérir les catégories populaires

François Ruffin et Fabien Roussel ont pu remettre le travail au cœur du débat à gauche. Leur surface médiatique leur permet de réussir là où nous commencions à désespérer de nous faire entendre. Ce qu’ils disent avec nous c’est que la gauche doit arrêter d’être défaitiste, doit arrêter de porter le discours sur la fin du travail parce que ses dirigeants pensent que toutes les politiques économiques de gauche seraient incapables de créer de l’emploi de qualité… Or ce qui a été mis en place à partir de 1985, et à de rares exceptions près, est d’abord une adaptation aux diktats du néolibéralisme triomphant…

Le think tank Terra Nova – qui a hélas inspiré une partie de la gauche – ont tiré en 2011 « les conséquences politiques » de cette fragmentation du monde du travail découlant de ces politiques (dont il partageait l’orientation générale), en plaidant pour un alliance entre les « minorités », les plus démunis et les classes moyennes supérieures intégrées (croyaient-elles) dans la mondialisation, rejetant dans la marginalité politique une large part du monde ouvrier et salariat… ces catégories se tournèrent vers l’abstention et une partie se réfugiera le vote FN/RN, s’éloignant durablement de la gauche qui semblait ne plus avoir grand-chose à lui proposer. Nous en sommes rendus au point que, même dans l’opposition et avec la politique antisociale de Macron, les forces de gauche n’ont pas été capables de retrouver grâce à leurs yeux lors des scrutins récents. Il faut donc rompre avec cette logique et redonner au travail sa place centrale dans le combat de la gauche.

Nous pouvons le faire et reprendre une politique économique ambitieuse qui crée de l’emploi de qualité. Nous sommes convaincus que la reconquête des catégories populaires attachées au travail passe par cette implication politique : c’est elle qui nous permettra de construire une véritable majorité de transformation sociale.

Engouffrons nous avec entrain dans la brèche ainsi ouverte !

Quelques unes de nos propositions issues de notre programme pour 2022

RECONQUÉRIR NOS CAPACITÉS INDUSTRIELLES

● Se libérer des accords de libre-échange, qui mettent en danger la production française au profit d’importations de qualité médiocre et polluantes (notamment le CETA et l’accord avec le Mercosur) ;

● Appliquer une taxe à l’importation sur les produits fabriqués ne respectant pas nos normes sociales et environnementales ;

● Développer le volet français du futur “Buy European Act” ;

● Relancer les 34 plans stratégiques abandonnés par Emmanuel Macron à l’automne 2014 ;

● Organiser avec les partenaires sociaux des plans de filières pour préparer les mutations dans les secteurs existants (notamment en lien avec la transition écologique) et les relocalisations (en réorientant les aides publiques) ;

● Créer un fonds d’accompagnement des reprises ou création d’entreprises par les salariés en particulier sous forme de coopératives (capital de portage transitoire, basculant progressivement vers l’actionnariat coopératif) ; interdire le départ des machines-outils si les salariés veulent reprendre l’activité ;

● Exiger la révision de la directive européenne « aides d’État » et « profiter » de cette période exceptionnelle pour déclarer sa suspension, voire le faire de façon unilatérale si besoin ;

● Lancer des grands plans d’investissements publics pour répondre à des besoins essentiels pour nos concitoyens, qu’ils concourent avec la qualité des services publics à la performance économique du pays, et qu’ils sont indispensables à la réussite de la transition écologique du pays.

RÉMUNÉRER LES TRAVAILLEURS

● Le SMIC sera porté à 1 400 € nets dès le début du quinquennat pour atteindre progressivement 1 600 € à la fin du mandat ;

● Fixer les salaires sur une échelle de 1 à 20, au sein d’une même entreprise ou d’un même groupe. Au-delà de cet écart, les rémunérations ne pourront être déduites de l’impôt sur les sociétés ;

● Plusieurs mesures très précises permettant de faire de l’égalité femmes hommes au travail sont décrites dans notre programme (page 36).

PROTÉGER ET GARANTIR LA DIGNITÉ DES TRAVAILLEURS

● Réduction du temps de travail : 6ème semaine de congés payés et négociation de la semaine de 32h ;

● Abroger les lois Travail et les accords de compétitivité « offensifs » ; rétablir les CHSCT et les délégués du personnel ;

● mettre fin au plafonnement des indemnités et aux barèmes prud’homaux ;

● Abroger les décrets Macron-Philippe-Pénicaud sur l’Assurance chômage ;

● Relancer la progressivité des cotisations en fonction de la valeur ajoutée dégagée par l’entreprise ;

● Mettre en place une garantie d’emploi, passant par un État employeur en dernier ressort des chômeurs de longue durée et la mise en œuvre effective d’un droit opposable ;

● Restaurer la hiérarchie des normes et le principe de faveur dans l’ensemble des négociations professionnelles ;

● Rendre obligatoire la présence de 50% de représentants des salariés avec voix délibérative dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises ;

● Dans le cas d’une faillite ou d’une cessation d’activité, accorder la priorité aux projets de reprise défendus par les salariés ;

● Requalifier en contrat de travail salarié la fausse situation d’auto-entrepreneurs des plateformes type Uber et offrir une protection adaptée à ces travailleurs précaires.

Tract de rentrée et automne 2022

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L’Etat doit garantir à l’école publique qu’elle sera protégée du prosélytisme

texte rédigé le 26 septembre 2022

Depuis le début de l’année, de très nombreux établissements scolaires publics du 1er et surtout du 2nd degré font face à un activisme politico-religieux sans précédent et puissant. Des enseignants et des parents d’élèves font l’objet d’intimidations, voire de menaces physiques sur les réseaux sociaux et dans l’espace public.
Si cette situation devait perdurer, les fondations de l’Ecole républicaine seraient rapidement remises en cause et sa mission première, de former des citoyennes et des citoyens libres et éclairés, mise à mal.

Des enseignants alertent depuis longtemps leur hiérarchie sur ces faits et agissements. Des parents d’élèves militants de l’école publique et laïque dans les fédérations (FCPE, PEEP, UNAAPE) et associations se mettent en alerte et informent les parents et les chefs d’établissement sur ce prosélytisme politico-religieux manifeste. Ils ne sont malheureusement pas toujours soutenus comme ils le devraient par leurs instances départementales ou nationales.

La Gauche Républicaine et Socialiste tient à réaffirmer son soutien plein et entier à ces enseignants, à ces parents d’élèves, qui interviennent pour les uns en professionnels et pour les autres en bénévoles de la République. Ils n’ont pas peur et osent se dresser contre l’obscurantisme religieux d’où qu’il vienne (sans nier que certains sont plus à l’offensive que d’autres), pour faire vivre l’esprit des Lumières, de la raison et du progrès.

Un service public d’éducation digne de ce nom mérite l’appui de ces serviteurs de la cause républicaine. Le ministère de l’Education Nationale doit réagir dans les plus brefs délais pour garantir aux enseignants qu’ils pourront exercer dans des conditions normales leurs missions, sans jamais avoir à renier une partie des principes à défendre dans leurs établissements ou une partie des enseignements qu’ils ont la charge de transmettre aux élèves. Il convient également d’engager un travail avec l’ensemble des acteurs de la communauté scolaire pour faire face ensemble à ce climat délétère et apporter ensemble des réponses convergentes.

La gauche républicaine rassemblée à Rochefort pour ses premières universités de rentrée

Communiqué de presse
Dimanche 25 septembre – 12h00

La Fédération de la Gauche Républicaine a organisé sa première université de rentrée du 23 au 25 septembre à Rochefort. Pendant trois jours, les participants ont réfléchi aux pistes que la France doit emprunter pour affronter le changement climatique, la crise économique et les désordres géopolitiques en cours.
 
Loin des slogans, les débats ont échangé sur une écologie populaire de gouvernement, qui doit organiser concrètement la sortie des énergies fossiles et la relocalisation des activités productives afin d’asseoir des filières courtes made in France. Les limites des mesures ponctuelles prises par le gouvernement face au choc inflationniste qui mine le pouvoir d’achat des salariés ont été pointées. Seule l’indexation des salaires sur les prix est de nature à enrayer la nouvelle baisse en cours de la part des salaires dans la valeur ajoutée, dont les effets récessifs sont d’ores-et-déjà prévisibles. Alors que la reprise est déjà menacée, les autorités européennes ont pour leur part tort de lever les mesures permettant aux États membres de soutenir l’activité. Elles doivent d’urgence plafonner les prix de l’énergie.
 
Un accent a été mis sur la nécessité de restaurer l’autorité de l’État et de lui redonner les moyens d’assurer la sécurité, la justice, l’égalité des droits face à toutes les discriminations et de remettre sur pieds nos services publics qui souffrent d’un manque criant de personnels et d’investissements. Alors que le régime des retraites est à l’équilibre, la nouvelle réforme que le gouvernement veut imposer pour plaire à la droite est injuste et inutile. C’est pourquoi, la Fédération de la gauche républicaine appelle les salariés à se mobiliser le 29 septembre à l’appel des syndicats, pour poser le problème-clé du partage des richesses créées par le travail, à l’heure où les superprofits et les dividendes explosent.
 
Enfin, la Fédération de la Gauche républicaine rassemblée à Rochefort entend mener l’indispensable bataille culturelle afin que les valeurs universalistes et authentiquement sociales redeviennent majoritaires au sein d’une gauche en voie de recomposition. Elle considère qu’il n’y a pas d’espoir à placer dans une offre politique sociale-libérale. Les politiques d’adaptation aux exigences néolibérales ont créé, et depuis accru, la défiance massive des classes populaires envers la gauche. Or sans ces dernières, il n’y a pas de majorité politique de gauche possible. La Fédération de la Gauche Républicaine considère que le processus de rassemblement de la gauche qui s’est amorcé est positif mais ne peut en rester à son périmètre actuel : la gauche rassemblée doit parler à tous les Français des classes moyennes et populaires et elle doit désormais travailler à l’élaboration d’un projet politique qui réponde aux attentes de nos concitoyens vivant dans les anciens bassins ouvriers et ce qu’on appelle la « France périphérique ». C’est le sens du dialogue entamé dans chacune des tables rondes de ces universités avec les invités appartenant à diverses forces de gauche. Dans le processus de recomposition politique en cours, la Fédération de la Gauche républicaine fera prévaloir ses valeurs républicaines, laïque et sociale, car elle est convaincue qu’elles sont susceptibles de mobiliser une large majorité de Français.

« Il faut remercier François Ruffin et Fabien Roussel d’avoir remis le travail au cœur du débat à gauche » – tribune dans Le Monde

Dans une tribune au Monde publiée samedi 24 septembre 2022 à 6h, un collectif de responsables politiques et d’économistes explique que la gauche doit arrêter d’être défaitiste en renonçant au plein-emploi. Elle ne doit pas oublier l’importance du travail dans la société, et ce que nous devons tous à ceux qui l’assument.

La place du travail dans la société et dans le projet que la gauche doit proposer aux Français ne devrait pas faire polémique. Au-delà des slogans et des petites phrases qui ont été échangées par les uns et les autres, François Ruffin (député La France insoumise) et Fabien Roussel (député du Nord et secrétaire national du Parti communiste français) ont rappelé que les aspirations de nos concitoyens ne sont pas celles d’une société post-travail, mais celles d’une société qui puisse apporter à chacun un travail digne et vecteur d’émancipation.

Commençons par rappeler une évidence : il n’y a pas de société sans travail. Cela est vrai pour tout système économique, qu’il soit capitaliste ou non. De fait, le travail, qu’il soit salarié, indépendant, familial ou produit bénévolement pour une association, est la seule source de richesse pour la communauté.

L’Etat social s’est ainsi construit

Karl Marx (1818-1883) lui-même, théoricien de la valeur travail, n’a jamais nié son importance. Lorsqu’il développe au milieu du XIXe siècle ses réflexions et ses écrits sur le système capitaliste, il dénonce l’aliénation par le travail du prolétaire dépossédé de son individualité et de sa contribution personnelle.

Le prolétaire est celui qui ne possède que sa force de travail, qu’il vend contre un subside de misère. L’idée commune du XIXe siècle, chez tous les philosophes et acteurs d’un mouvement socialiste en construction, c’est que l’émancipation des travailleurs doit passer par leur association, leur rendant ainsi la maîtrise de l’outil de travail et le bénéfice de son produit.

Face au travail exploité incarné par le salariat, le socialisme rêvait d’un travail émancipé, organisé collectivement par les travailleurs eux-mêmes. Mais le salariat s’est étendu, tant et si bien qu’au début du XXe siècle, les conditions d’organisation de la production et de nos sociétés en ont fait le vecteur principal de distribution des revenus, notamment par la création de la Sécurité sociale.

De son côté, le droit social est venu protéger le salarié, améliorer ses conditions de travail et défendre l’expression syndicale au sein des entreprises.

L’Etat social s’est ainsi construit patiemment, comme le rappelle l’économiste Christophe Ramaux dans son dernier ouvrage, Pour une économie républicaine. Une alternative au néolibéralisme (De Boeck, 336 pages, 21,90 euros). L’une de ses applications concrètes fut d’attacher au statut de salarié un cadre légal visant à sortir de l’arbitraire capitaliste.

Une même logique d’aliénation

D’ailleurs, la stratégie des nouveaux acteurs du capitalisme que sont notamment les plates-formes numériques vise à enfoncer un coin dans le statut protecteur du salariat, faisant passer l’autoentrepreneuriat ou la soumission à un algorithme pour une forme de libération, alors que cela replonge le travailleur dans la même logique d’aliénation que celle qui fut dénoncée par Marx en son temps.

La question de l’émancipation des travailleurs doit rester au cœur des propositions de la gauche. Mais cela implique plusieurs choses.

Tout d’abord, il faut reconnaître que le travailleur est non seulement celui qui travaille, mais aussi tous ceux qui ont travaillé ou ont vocation à travailler sans être en mesure de le faire.

En ce sens, les chômeurs, les personnes en situation d’exclusion ou de handicap, ceux qui sont empêchés par la maladie, tout comme les retraités constituent ensemble la grande classe des travailleurs, et il est vain de chercher à les opposer. Il n’y a pas d’un côté des assistés fainéants et de l’autre des travailleurs méritants.

Admettre que les chômeurs, les étudiants et les retraités appartiennent à la grande classe des travailleurs implique qu’on réhabilite le travail, ce qui signifie en premier lieu de le rémunérer correctement, et en second lieu de lui donner des conditions dignes sur le plan sanitaire et social pour sa réalisation. Mais réhabiliter le travail, c’est aussi sortir du discours sur la fin du travail qui fait dire à certains dirigeants politiques que, « de toute façon, il n’y aura jamais assez de travail pour tout le monde ». Quand on voit le nombre de besoins sociaux insatisfaits, cette posture est mortifère.

Discours enflammés de la droite

Nous avons besoin de travail, parce que nous sommes pour le progrès social, et parce que nous pensons que chacun a la capacité de contribuer à sa mesure au bien commun. Ainsi, les étudiants ont vocation, une fois leurs études achevées, à contribuer à la création de richesses.

De même, les chômeurs doivent bénéficier d’un service public de qualité pour être accompagnés dans l’emploi. A ce titre, rappelons l’expérience fructueuse qu’ont été les expérimentations territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), qui ont permis d’accompagner dans l’emploi des milliers de personnes en situation d’exclusion.

Nous ne devons pas nous laisser abuser par les discours enflammés de la droite et du gouvernement sur la valeur travail alors qu’ils œuvrent inlassablement pour réduire le coût, et donc la valeur économique du travail. Nous ne devons pas oublier que c’est le capitalisme néolibéral qui détruit le travail, lui fait perdre son sens, le parcellise.

Les droits et la dignité

C’est le capitalisme qui jette les travailleurs usés, qui délocalise et qui pousse les cœurs vaillants au burn-out. Sortir le travail de cette exploitation, ce n’est pas nier son rôle social, sa nécessité, c’est au contraire lui rendre son sens premier, celui de créateur de richesses et de progrès social.

Il faut remercier François Ruffin et Fabien Roussel d’avoir remis le travail au cœur du débat à gauche. Ce qu’ils disent, c’est que la gauche doit arrêter d’être défaitiste en renonçant au plein-emploi. Elle ne doit pas oublier l’importance du travail dans la société et ce que nous devons tous à ceux qui l’assument.

Comme eux, nous sommes convaincus que la gauche doit protéger le travailleur empêché non seulement en lui versant des revenus complémentaires, mais aussi, et surtout, en l’accompagnant dans l’emploi de qualité. Elle doit défendre les droits et la dignité de l’ensemble de la classe des travailleurs, qu’ils soient ou non en emploi. C’est ainsi qu’elle amorcera sa reconquête de l’électorat populaire et sera en mesure de reconstruire une majorité de transformation sociale.

Les signataires : David Cayla, économiste à l’université d’Angers ; Catherine Coutard, vice-présidente du Mouvement républicain et citoyen ; Frédéric Faravel, membre de la direction nationale de la Gauche républicaine et socialiste ; Marie-Noëlle Lienemann, ancienne ministre, sénatrice (PS) de Paris ; Emmanuel Maurel, député européen, animateur national de la Gauche républicaine et socialiste

Soutien aux fonctionnaires en première ligne pour défendre la laïcité à l’école

Récemment, une professeure a été violemment menacée pour avoir fait appliquer la loi de 2004 interdisant le port de symboles religieux ostentatoires dans un établissement scolaire (et dans les activités scolaires à l’extérieur). Nous savons où ce genre de cabales peut mener. Samuel Paty l’a payé de sa vie, assassiné par un terroriste islamiste pour avoir enseigné la liberté d’expression et présenté des caricatures aux élèves de sa classe. Nous assurons de notre solidarité la plus totale l’enseignante mise en danger, et appelons à ce que tous les moyens soient mis en œuvre pour que la laïcité à l’école soit préservée, et que les professeurs puissent mener leur travail en toute sécurité.

Un rapport du ministère de l’Education Nationale indique que les réseaux militants contre la loi de 2004 sont particulièrement virulents lors de cette rentrée scolaire.
Cela vient confirmer le sentiment partagé par de nombreux fonctionnaires de l’Éducation Nationale, au premier rang desquels les professeurs du secondaire, que les atteintes et les tentatives d’atteintes à la laïcité sont de plus en plus fréquentes et organisées.

Nous condamnons la dérive de certaines organisations, qui en lieu et place de défendre les enseignants et l’éducation laïque, préfèrent pointer de supposées instrumentalisations et voudraient faire croire que le problème serait celui d’un manque de « dialogue avec les familles ».

Aucune pression, communautaire, religieuse, aucun particularisme ne saurait remettre en cause la loi de la République et la laïcité de l’enseignement public. Nous rappelons que la loi de 2004, en plus de garantir un cadre harmonieux et sans prosélytisme à l’école, protège les mineurs, en particulier les jeunes filles, des injonctions religieuses et des pressions familiales au voilement.

Nous réitérons notre soutien aux enseignants, en première ligne du combat pour le savoir et l’émancipation.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.