La Bolivie a de nouveau le Morales !

Dimanche se tenaient les élections générales boliviennes dont le résultat a été sans appel. Le peuple bolivien s’est exprimé très majoritairement en faveur du Mouvement vers le socialisme (MAS). Les enseignements de cette élection et de la crise qui l’a précédée sont nombreux, et illustrent comment la presse conventionnelle peut, elle aussi, participer à la diffusion de « fake news » en vue de déstabiliser un régime démocratique.

Pour comprendre la complexité de cette crise, nous devons revenir sur la précédente élection, en octobre 2019. Afin d’effectuer un mandat supplémentaire, Evo Morales, alors président, avait modifié la Constitution. Si cette décision était critiquable, elle avait tout de même été menée démocratiquement dans le respect de l’Etat de droit.

La loi électorale bolivienne prévoit qu’un candidat peut être élu dès le premier s’il dépasse 50% des suffrages exprimés, ou bien s’il dépasse 40% avec plus de 10 points d’avance sur son concurrent le plus proche. Toujours au-dessus de 40% mais toujours en-dessous de 50%, Evo Morales a vu son avance dépasser les 10 points en fin de soirée électorale. Les résultats se sont nettement accrus en sa faveur en fin de soirée en raison de l’arrivée tardive des procès-verbaux des bureaux de vote des zones montagneuses et forestières, extrêmement favorables au MAS.

Toutefois, les opposants ont refusé de reconnaître ces résultats et ont accusé le président sortant de fraude électorale. Deux phénomènes se sont alors déclenchés et nourris l’un l’autre : l’affolement médiatique, et la déstabilisation diplomatique. Les médias institutionnels, y compris la presse française, ont pris pour argent comptant et sans les remettre en question les accusations infondées de l’opposition bolivienne. Les Etats-Unis et leurs alliés se sont empressés de profiter de la situation pour attaquer un régime qui ne leur était pas favorable. Lâché par l’armée et la police, Evo Morales a dû alors fuir le pays pour éviter un sort funeste.

La bourgeoisie bolivienne s’est alors lancée dans une furie contre-révolutionnaire fort peu démocratique : humiliation publique d’élus du MAS, chasses et ratonnades organisées par l’armée la police et les ligues d’extrême-droite de partisans du MAS, proclamation d’un gouvernement de transition en dehors de toute mesure parlementaire légitime. Sûre de son triomphe, elle préparait alors l’après : l’alignement sur le modèle capitaliste libéral pro-américain. La diplomatie bolivienne a tourné sa casaque, et s’est aligné sur la diplomatie de Donald Trump. Les privatisations des secteurs de la rente minière ont été lancées, et la destruction du modèle économique interventionniste bolivien a été entamée. Dans le même temps, la justice bolivienne a été dirigée toute entière contre Evo Morales, l’empêchant de se représenter. Les préparatifs d’une nouvelle élection pour draper le nouveau régime d’une légitimité démocratique qui lui faisait cruellement défaut ont été lancés.

A mesure que l’absurdité des accusations de fraude se révélait, et qu’il apparaissait de plus en plus clair que nous avions assisté ni plus ni moins à un putsch organisé par l’armée et la bourgeoisie bolivienne avec le soutien d’une puissance étrangère et l’approbation presque unanime de la presse dite progressiste, du New York Times au Monde, le peuple bolivien a montré des signes de résistance à cette prise de pouvoir. Les enquêtes d’opinion ont montré un soutien toujours grandissant au MAS, dont la dissolution, réclamée par les putschistes, n’était plus possible sans provoquer un soulèvement général.

Il faut comprendre le séparatisme et le mépris social et racial considérable de la bourgeoisie bolivienne pour saisir les tenants et les aboutissants de ce putsch. La Bolivie est un des pays d’Amérique latine où la part des amérindiens et des métis est la plus élevée. La bourgeoisie, héritière du système colonial, fait preuve d’un racisme bruyant et retentissant pour légitimer ses privilèges de classe : les amérindiens seraient sales, impurs, fainéants, violents, etc. Le mécanisme de racialisation de la question sociale pour éluder celle-ci est poussé à son paroxysme : en raison de critères ethniques présentés comme essentiels voire génétique, les amérindiens seraient indignes de posséder les richesses et les moyens de production. La politique socialiste et redistributive du MAS a radicalisé la bourgeoisie bolivienne et l’a conduit à appuyer un coup d’Etat grossier.

Le jeu de dupe n’a pas résisté à la mobilisation du peuple bolivien. Non seulement le candidat du MAS, Luis Acre, a remporté l’élection dès le premier tour, mais il a gagné près de 10 points par rapport à Evo Morales en octobre 2019 et obtient 54%. Le candidat des putschistes d’extrême-droite n’a obtenu que 14% des suffrages. Dans les régions où le rapport farfelu de l’opposition quant aux fraudes alléguées prétendait voir des résultats anormalement élevés pour Evo Morales, le MAS passe de 91 à 97% des suffrages. Les résultats préliminaires semblent montrer que le MAS, malgré l’entièreté de l’appareil d’Etat mobilisé contre lui, obtient la majorité absolue dans les deux chambres législatives.

L’élection de Luis Acre, figure extrêmement populaire, n’est pas surprenante. Ministre de l’économie d’Evo Morales, il incarnait le « miracle économique bolivien ». Contrairement à ce que préconise le modèle de pensée unique libérale promu par le FMI, il a refusé de privatiser le secteur minier et organisé un pilotage de l’économie par l’Etat, dans le but de redistribuer les richesses produites et d’empêcher un monopole étranger sur les ressources du pays. Le PIB de la Bolivie a quadruplé et le taux de pauvreté a été divisé par deux. La Bolivie démontrait qu’un autre modèle de développement, plus juste, moins inégalitaire, moins impérialiste, était possible. On peut y voir une des raisons de la mobilisation américaine contre le régime d’Evo Morales.

Le soutien de l’Union Européenne et de la presse institutionnelle à sa destitution, et le fait qu’elles aient massivement colporté des informations erronées, non vérifiées et qui sont apparues ridiculement fausse devrait pousser ces acteurs à reconsidérer les leçons de morale dans lesquels elles se drapent quant aux « fake news ».

La Gauche Républicaine et Socialiste se réjouit de la victoire de Luis Acre, et apporte tout son soutien au gouvernement légitime dans la sortie de cette période troublée, où la démocratie a failli être confisquée non dans le silence, mais dans l’approbation générale.

Attentat de Conflans-Sainte-Honorine : nous devons plus que jamais être unis face à la barbarie

Un professeur d’Histoire a été assassiné puis décapité vendredi en pleine rue à Conflans-Sainte-Honorine par un fanatique islamiste qui lui reprochait d’avoir montré en classe les caricatures de Mahomet à l’occasion d’un cours sur la liberté d’expression.

Nous n’avons pas de mots assez forts pour exprimer l’horreur que nous inspire cet acte ignoble et nous adressons nos condoléances à ses proches, ses collègues, ses élèves et sa famille. À travers ce professeur, c’est l’école républicaine son rôle d’éveil des conscience, l’apprentissage de l’esprit critique, la laïcité, la liberté d’expression, qui sont visés. C’est une volonté de nous terroriser pour qu’aucun citoyen n’ose plus réagir devant l’inacceptable et orienter les contenus scolaires pour faire triompher l’obscurantisme.

Nous ne pouvons cependant en rester là : la République doit être forte et rassembler les Français dans ce moment d’intense émotion et de tristesse.

La Gauche Républicaine et Socialiste propose donc à l’ensemble des forces politiques et sociales attachées aux valeurs de la République de demander ensemble l’organisation d’une journée de deuil national, qui doit être un hommage à la victime et à l’ensemble du corps enseignant qui a la charge de transmette les principes républicains à notre jeunesse.

Nous demandons aussi à la rentrée l’organisation d’une minute de silence dans tous les établissements scolaires, suivis d’échanges et de débats dans toutes les classes pour qu’au-delà de l’émotion la force de la Raison reprenne pleinement ses droits.

Enfin, il est essentiel que l’éducation Nationale soit d’une grande attention et d’une vigilance sans faille pour soutenir et accompagner tous les enseignants qui peuvent être mis en cause, menacés, placés sous pression au regard de leur enseignement.

Plus que jamais nous ne devons rien céder aux fanatismes religieux et au terrorisme islamiste.

Veolia-Suez : une fusion négative

Une profonde transformation du paysage des entreprises du secteur de l’eau, des déchets et de l’économie circulaire est en cours. C’est un secteur clef pour notre souveraineté nationale et pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Or cette transformation s’est jouée en quelques jours dans un Monopoly capitalistique, face auquel la puissance publique s’est montrée impuissante.

Cette situation est d’autant plus inacceptable que l’État détient 23,64 % du capital d’ENGIE et 34,3 % des droits de vote théoriques. L’intervention et la vigilance publique étaient d’autant plus nécessaires que les activités concernées impactent la gestion de Biens Communs.

Voilà des mois que Bruno Le Maire est moqué sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #BrunoDemande ; la parole de l’État en matière industrielle a donc atteint un niveau de démonétisation terminale : ses admonestations à ne pas se précipiter dans cette affaire, tout en en soutenant de manière contradictoire l’intérêt, ont donc fini « en eau de boudin » : les instances d’ENGIE ont fini par accéder à l’exigence de VEOLIA avec le soutien des représentants CFDT. Cette démonétisation est d’autant plus dramatique que la parole du ministre de l’économie fut tout au long des négociations sapée par celle de l’Élysée. C’est la conséquence d’un déséquilibre institutionnel donnant plus de pouvoir à un fonctionnaire au cabinet présidentiel qu’à un ministre, qu’on avait déjà observé lorsque le secrétaire général adjoint Macron sapait les efforts du ministre Montebourg sur le dossier des hauts fourneaux.

Le rachat de Suez par Veolia aboutira de fait en France à la constitution d’un grand monopole privé dans la gestion de l’eau et des déchets. Or, s’il y a situation de monopole – surtout dans ce secteur –, celui-ci doit être public. Et si tel n’était pas le cas, il était préférable qu’il existe une concurrence saine entre entreprises françaises capables d’organiser une stimulation positive plutôt qu’une compétition destructrice.

Mais plus encore, la logique qui sous-tend le projet de Veolia conduira à court et moyen termes à l’introduction d’opérateurs étrangers qui occuperont l’espace de la libre concurrence. Tous les exemples précédents démontrent que cela aboutit à un accroissement significatif de la pénétration des entreprises étrangères en France. Cela ne sera pas sans conséquences négatives sur nos recettes fiscales, sur l’emploi et les conditions sociales des salariés français de ces entreprises et enfin sur la maîtrise technologique et la Recherche & Développement (car Veolia pour respecter les règles de la concurrence se séparera d’une partie des activités de Suez à l’international qui avait permis à cette société de construire des coopérations mondiales dans ce domaine).

Toute cette affaire pose donc une grave question de souveraineté nationale :

  • d’une part, une pénétration accrue de notre marché par des sociétés étrangères ;
  • d’autre part, et paradoxalement, une mise à mal des synergies qu’ont su construire Veolia et Suez entre activités nationales et internationales, en particulier en matière de développement technologique.

Ce regroupement aura des conséquences négatives pour l’emploi, que ce soit pour les fonctions « support » nationales ou régionales mais aussi dans les agences locales.

Il fait enfin porter un risque important sur la nécessaire diversité des solutions à mettre en œuvre dans le domaine de l’économie circulaire, où un modèle unique pourrait s’imposer, en choisissant de privilégier un modèle hyper-mécanisé et spécialisé, plutôt que de le faire cohabiter avec des centres locaux, plus diffus, plus mixtes mais dont le spectre des produits traités est plus large. Or ce sont des choix majeurs sur le chemin pour engager la transition écologique, pour favoriser l’emploi et les compétences, et pour soutenir le développement local.

La Gauche Républicaine et Socialiste exprime donc son opposition à l’absorption de Suez par Veolia. Elle défend l’idée qu’il ne saurait être possible d’imposer un monopole privé sur la gestion de l’eau et des déchets, tout monopole en ces matières ne pouvant être que public. Enfin elle promeut le retour à une véritable politique industrielle de la France, totalement abandonnée depuis 2014, qui seule peut stopper la désindustrialisation, permettre les relocalisations et engager notre pays vers des stratégies d’avenir en lien avec la nécessaire transition écologique. Il sera du devoir du prochain gouvernement de gauche de nationaliser le nouveau groupe, dans le cadre d’une stratégie offensive de reconquête industrielle.

Chili : les héritiers de Pinochet sombrent dans la répression

Fin 2019, le gouvernement chilien de Sebastian Piñera avait connu des semaines de mobilisation populaire contre l’augmentation du prix des transports publics. L’opposition à la décision du gouvernement avait évolué en une contestation généralisée du régime issu du compromis de 1989, entre partisans de Pinochet et démocrates. Face aux millions de manifestants qui ne reculaient pas devant la répression – qui avait entraîné une vingtaine de morts – le gouvernement n’avait eu d’autre choix que de céder et d’accorder un référendum constitutionnel.

Dimanche 25 octobre, les Chiliens exerceront leur souveraineté et voteront pour décider si une nouvelle constitution doit être adoptée, et le cas échéant si elle doit être proposée par une assemblée constituante ou par une commission mixte composée pour partie de membres du Parlement actuel. La constitution en vigueur, rédigée sous la dictature du général Pinochet, laisse peu de droits aux citoyens et grave dans le marbre les principes néolibéraux des Chicago Boys, les économistes américains qui soutenaient et conseillaient Pinochet et ont appauvri le peuple chilien.

La contestation populaire contre cet héritage de la dictature ne faiblit pas, et les enquêtes d’opinion indiquent un soutien massif au changement de constitution. Face à ce moment démocratique et populaire qui rappelle, dans une certaine mesure, la période d’espérance qui avait accompagné le gouvernement d’Union Populaire de Salvador Allende, le pouvoir et la bourgeoisie chiliens ont conservé des relents répressifs violemment anti démocratiques. La police chilienne s’en prend aux manifestants avec une violence intensive, en témoigne la photographie du manifestant de 16 ans gisant au sol qui circule dans les médias et sur les réseaux sociaux, et qui accentue la contestation d’un gouvernement qui n’a plus aucune légitimité populaire.

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son soutien aux manifestants chiliens et condamne la réponse répressive donnée par le gouvernement Piñera.

1989 le courage d’un Peuple, 2020 les devoirs d’une Nation !

Pour les 30 ans de la réunification allemande, rendons hommage au courage d’un peuple, les Allemands de l’Est, qui ont, par leurs manifestations pacifiques, alors que la police les frappaient et les interpellaient, renversé un régime dictatorial et le mur de Berlin. C’est grâce à leur détermination, le 9 octobre 1989 à Leipzig, que le régime tomba, et qu’ils purent enfin retrouver leur libre souveraineté et voter en mars 1990 pour un Parlement chargé de négocier la réunification.

Le 9 octobre 1989, 70 000 personnes manifestent en criant : « Wir sind das Volk ! » (« Nous sommes le peuple ! »)

Ce n’est pas Helmut Kohl, ce n’est pas Ronald Reagan, ce n’est pas François Mitterrand qui ont rendu possible l’événement dont nous commémorons le trentième anniversaire, c’est un peuple en révolte, peuple à qui l’on fera les années suivantes un bien mauvais sort.

Cette réunification a créé un Etat puissant, prospère, certains diront hégémonique en Europe. Qu’ils se rappellent des leçons de son histoire. L’Allemagne n’a jamais bien fini lorsque elle a voulu dominer sans partage.

C’est l’enjeu de la décennie qui vient pour ce pays de tourner le dos aux séductions d’un nouveau nationalisme radical, meurtrier même, mais aussi de comprendre ses responsabilités face aux déséquilibres de son mercantilisme et les conséquences sociales de ses excédents. L’Allemagne peut être un moteur positif si elle retrouve les valeurs de son économie sociale de marché, la cogestion, le progrès social avant les critères budgétaires, la solidarité avant l’égoïsme.

Depuis bientôt vingt ans que nous partageons la même monnaie, le spectre traumatique de l’inflation n’a jamais été aussi loin : que l’Allemagne, en Europe, assume son devoir de consommateur en dernier ressort, pour réduire ses excédents vis à vis de ses partenaires, en augmentant le volume de ses importations. Alors elle pourra inspirer des débats féconds dans d’autres pays sur la force de son parlementarisme jusque dans les régions, sur l’équilibre entre les pouvoirs, sur l’absence de violence policière.

Le chemin vers la réunification a permis à cette Nation d’apprendre la valeur de la démocratie. Qu’elle lui inspire le respect pour toutes les autres Nations d’Europe y compris lorsque leur volonté souveraine ne coïncide pas avec ses volontés.

Un être humain, à 30 ans, est dans le bel âge où l’adulte mûrit, et devient plus conscient de ses devoirs.

« Bienvenue à l’Allemagne réunifiée en ses 30 ans. « 

Déclaration du collectif d’Animation National

Après avoir consulté l’ensemble des formations politiques de gauche et écologistes, constaté les résultats des élections sénatoriales, la GRS appelle au rassemblement le plus large dès le premier tour des élections départementales et régionales.

Les différences programmatiques sur les sujets locaux entre nos formations ne justifient en rien un éparpillement qui mènerait immanquablement à la défaite collective.


Dans cette logique nous appelons le Parti Communiste Français, Europe Ecologie-Les Verts, Génération.s, le Parti Socialiste, La France Insoumise, Les Radicaux De Gauche, le Parti de Gauche, Nouvelle Donne, Place Publique, Ensemble, le Parti Radical de Gauche, Génération Écologie, République et Socialisme et Gauche Démocratique et Sociale à constituer un nouveau front populaire pour répondre aux urgences sociales, écologiques et démocratiques, créer une puissante force de gauche contre le macronisme et ses alliés, contre la droite et pour faire reculer l’extrême droite.

Adopté par le Collectif d’Animation National de la Gauche Républicaine et Socialiste le 28 septembre 2020.

PLF 2021 : Flagrant déni de réalité!

Le gouvernement vient de rendre public son Projet de Loi de Finances pour l’année 2021. Celui-ci a tout d’un déni de réalité : alors que l’épidémie repart de plus belle et que les plus grandes incertitudes pèsent sur l’avenir à court terme de l’économie française, Bruno Le Maire table sans vergogne sur une croissance de 8% en 2021, et sur un retour à la situation de 2019 dès 2022. Par son action de circonstances que n’organise aucune vision d’ensemble ou projet d’envergure, le gouvernement du Président Macron cherche à cacher qu’il navigue à vue.

La Gauche Républicaine et Socialiste dénonce ce projet qui n’est qu’un plan sur la comète et ne propose aucune véritable mesure de relance, pourtant si nécessaire à notre pays. L’annonce allègrement mise en avant de la baisse des impôts ne doit pas faire illusion : elle implique la destruction du service public et la sape du droit du travail.

La France a besoin d’un grand plan de relance et d’une cohérence budgétaire qui soient à la hauteur des enjeux de cette crise, et pas d’une politique uniquement destinée à offrir un boulevard à un néo-libéralisme cauchemardesque libéré de toute entrave. Nous devons mener une politique de retour des compétences sur le territoire national, notamment dans le domaine médical, et à une réindustrialisation déterminée et intelligente du pays, qui ne viserait pas à une hypothétique autarcie, mais bien à son indépendance.

La Gauche Républicaine et Socialiste a bâti ce plan depuis déjà plusieurs mois : ses militants le soutiennent et le diffusent autant que possible. Sa réalisation par un gouvernement issu du nouveau front populaire que nous appelons de nos vœux serait enfin une chance de redresser la France.

Sénatoriales 2020 : l’évolution dans la continuité

Gérard Larcher, président du Sénat et troisième personnage de l’État, pouvait dormir tranquille depuis quelques semaines. Lui qui avait repris la présidence de la Haute Assemblée en octobre 2014 sera vraissemblablement réélu au « Plateau » sans aucune difficulté dans quelques jours pour trois années supplémentaires.

En effet, les 87 000 membres du collège électoral appelés à désigner les 172 sénatrices et sénateurs de la série 21 sont à 95% des délégués des conseils municipaux. Ces élections sénatoriales étant les premières depuis les élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 – et rien n’ayant bousculé les équilibres politiques depuis –, il était logique que les résultats d’hier proposent un résultat assez fidèle à l’équilibre des forces issus des élections municipales.

La droite dans un fauteuil, le macronisme partiellement sanctionné

Or cet équilibre – contrairement au récit né de l’emballement médiatique sur le second tour des élections municipales – n’a pas réellement évolué entre 2014 et 2020 : dans les communes de plus de 9 000 habitants, la droite continue de diriger 65% des villes, ce qui explique la reconquête du Sénat par la droite en 2014 et son maintien logique jusqu’ici.

Ainsi au dernier pointage, le groupe « Les Républicains » passerait de 143 à 153 sénatrices et sénateurs ; le groupe « Union Centriste », composé en grande majorité de parlementaires membres de l’UDI, passerait de 51 à 47 sénatrices et sénateurs.

C’est par ailleurs au centre de l’hémicycle sénatorial que les évolutions semblent les plus importantes, malgré la faible taille des groupes :

  • le groupe « Les Indépendants » (droite Macron-compatible), dirigé par le très caricatural anti-communiste Claude Malhuret (Allier), passerait de 14 à 10 sièges ;
  • le groupe de La République en Marche, qui renouvelait 10 sièges, perd logiquement des plumes (mais en limitant la casse) en passant de 23 à 19 parlementaires. Ce résultat est à la fois la marque de son manque d’implantation locale – LREM étant un parti hors sol et créé de toutes pièces pour l’élection d’Emmanuel Macron (et sa future candidature à l’élection présidentielle). Il n’était composé sur la série 2 que de transfuges d’autres partis politiques, présents dès l’origine de « l’aventure macroniste » (pour la partie « gauche ») ou recrutés plus tard pour le gouvernement (pour la partie « droite ») : les « grands électeurs » de gauche ont parfois sanctionné des élus dont ils n’approuvaient pas le ralliement à Emmanuel Macron et qui n’avaient pas d’élus locaux LREM pour les soutenir ; certains « grands électeurs » de droite ont sans doute fait pareil. Si LREM limite donc la casse, c’est grâce à la personnalité de certains de ses candidats, comme François Patriat en Côte-d’Or (président du groupe LREM), ou Jean-Baptiste Lemoyne dans l’Yonne et Sébastien Lecornu dans l’Eure, qui diposaient chacun d’une implantation ancienne, de réseaux locaux et d’une aura dépassant les clivages politiques dans des territoires en partie ruraux ;
  • c’est le plus ancien groupe du Sénat, le RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen), ancienne émanation du vieux Parti radical puis du PRG, qui a passé une très mauvaise soirée. Depuis septembre 2017, il était composé à la fois de Radicaux de droite qui avaient quitté le groupe « Union Centriste », des Radicaux de gauche et de quelques élus en délicatesse avec leurs groupes originels (Henri Cabanel ou Éric Jeansannetas) ou sentant le souffre (Jean-Noël Guérini). Le tout dans une ambiance majoritairement Macron-compatible. 13 de ses 23 parlementaires étaient renouvelables mettant le groupe sous la menace d’une disparition en cas de départs de transfuges. Au regard des résultats d’hier soir, il resterait 12 sénateurs RDSE ; il semblerait que la fusion entre radicaux de droite et de gauche ait finalement beaucoup coûté au groupe. Des pièces importantes du dispositif radical, comme Jean-Marc Gabouty, vice président du Sénat (Mouvement radical, Haute-Vienne), ou François Laborde (PRG, Haute-Garonne), ont ainsi mordu la poussière. Certains se maintiennent grâce à leurs réseaux locaux (Jean-Noël Guérini, Bouches-du-Rhône) ou un ancrage à gauche et de terrain (Henri Cabanel, ex PS dans l’Hérault qui résiste à la volonté de la fédération socialiste locale de l’éjecter). D’une certaine manière, la Macron-compatibilité du RDSE l’a porté au bord de la catastrophe.

Gauche qui sourit, Gauche qui se demande si elle doit pleurer

La photographie de la partie gauche de l’hémicycle est plus floue.

Globalement la gauche sénatoriale passe de 87 sièges à 94 sièges. C’est en tout cas le principal axe de communication développé depuis hier soir par le groupe « socialiste & républicain » pour masquer de nombreuses déconvenues (il renouvelait 35 sièges) : ce groupe passerait ainsi de 71 à 65 sièges (trois divers gauche pourraient compléter mais ils seront aussi sûrement fortement sollicités par le RDSE).

L’explication de cette chute relative du second groupe de la Haute Assemblée tient à plusieurs éléments :

  • la montée du nombre d’élus locaux écologistes dans quelques villes en nombre limitées (nous y reviendrons) ;
  • des choix stratégiques et de candidats parfois mal avisés. Exemple : alors que le PS avait dans le Finistère enregistré un bon cru lors des élections municipales (conservant Brest et regagnant Morlaix et Quimper), il n’a pas transformé l’essai, perdant un siège de sénatrice. Le choix des candidats et la présence de Jean-Jacques Urvoas en délicatesse avec la justice explique sûrement cette défaite, alors que le PS pouvait espérer emporter trois sièges ;
  • l’insuffisante mise en œuvre locale de la stratégie d’union claironnée nationalement (dans le Doubs, en Haute-Saône, dans le Cher, en Côte-d’Or, dans le Gard ou en Seine-Maritime).

Le groupe CRCE (composé de 12 PCF, 2 GRS, 2 écologistes) n’était concerné que par 3 circonscriptions. Céline Brulin a été réelue en Seine-Maritime ; Gérard Lahellec a été élu dans les Côtes-d’Armor, succédant à Christine Prunaud ; Pierre-Yves Collombat (GRS) ne se représentait pas dans le Var, la défaite et division de la gauche empêchant toute succession à gauche. Jérémy Bacchi (34 ans) conduisait la liste de gauche dans les Bouches-du-Rhône, l’union de la gauche obtenant ainsi trois des huit sièges (PCF, PS, EELV). Enfin, Marie-Claude Varaillas a été élue au second tour en Dordogne. Ainsi le PCF renforce sa représentation au Sénat, compensant presque au sein du groupe CRCE la fin du mandat de P.-Y. Collombat et le départ annoncé des deux sénateurs écologistes vers un nouveau groupe. Le CRCE ne peut sincèrement regarder qu’avec amertume cette fuite des deux écologistes vers d’autres cieux, alors que le groupe a été pendant 3 ans bien plus que d’autres la voix de l’écologie au Sénat.

La principale nouveauté qui pourrait émerger des élections sénatoriales du 27 septembre 2020 serait donc la recréation d’un groupe écologiste, qui avait existé entre 2011 et 2016-2017. Cinq sénateurs non soumis à renouvellement étaient partant pour entrer dans un groupe écologiste si les résultats d’hier le permettaient : les deux écologistes du groupe RDSE – Ronand Dantec, Loire-Atlantique, et Joël Labbé, Morbihan –, les deux élus écologistes du groupe CRCE – Esther Benbassa, Paris, et Guillaume Gontard, Isère (mais élu sur une liste initiée par le PCF) – et enfin Sophie Taillé-Polian, sénatrice Génération•s du Val-de-Marne (mais élue PS sur une liste d’union conduite par le PCF). Dans la foulée des gains écologistes en alliance ou en autonomie dans quelques métropoles, six écologistes ont été élus hier (un siège dans le Bas-Rhin dans une liste soutenue par le PS ; un siège en Ille-et-Vilaine et un siège en Gironde dans des listes autonomes ; deux sièges sur trois dans une liste de rassemblement de la gauche dans le Rhône face à une droite extrêmement divisée ; et la 3ème place dans les Bouches-du-Rhône sur la liste de rassemblement de la gauche). À noter que la division de la gauche et l’abstention de fait des élus écologistes a empêché dans le Doubs l’élection comme sénatrice à quelques voix près de Barbara Romagnan (Génération•s) qui aurait sans doute rejoint le groupe écologiste, puisque son parti et EELV sont en phase de rapprochement intensif. À noter également : emporter une grande ville comme Poitiers avec une liste autonome ne permet pas ensuite d’affronter une élection sénatoriales à l’échelle de la Vienne, quand EELV est absent de tout le reste du territoire et incapable de nouer des alliances. Enfin, le sénateur régionaliste nouvellement élu, Paul Toussaint Parigi, de Haute-Corse pourrait également s’affilier à ce groupe.

Ce sera donc, s’il voit le jour, un groupe écologiste très divers, avec des ambitions internes acérées, où pourrait se reproduire ce qu’avait connu le précédent groupe, à savoir une vie politique très agitée menaçant régulièrement son existence même.

Un Sénat qui doit à nouveau prouver son utilité

C’est donc un peu d’évolution pour énormément de stabilité. Gérard Larcher sera réélu président pour trois ans, même si certains dans son camp piaffent d’impatience pour lui succéder en 2023. Il a tôt fait d’annoncer que le Sénat sera comme depuis 2017 le contre-pouvoir. Contre-pouvoir qui s’est illustré par plusieurs nécessaires commissions d’enquête (Benalla, privatisation des autoroutes, Lubrizol, crise sanitaire, pollution industrielle des sols) et en empêchant la réalisation de la réforme constitutionnelle voulue par le Président de la République pour abaisser le Parlement, alors que les gouvernement Macron avait fait preuve d’une surdité absolue à l’égard des Français, des corps intermédiaires et des élus locaux.

La question pour nous n’est pas que le Sénat reste dans une forme de contre-pouvoir poli, parfois un peu plus tendu, entre droite libérale et droite conservatrice. Le Sénat, s’il est par sa définition même une chambre de travail et de modération relative par rapport aux basculements parfois brutaux de l’Assemblée nationale, ne peut rester une chambre où l’alternance politique est structurellement impossible, où la voix des catégories sociales les plus défavorisées ne peut s’exprimer, où la vie quotidienne réelle des Français est parfois étouffée par le velours des moquettes et des rideaux.

Le mode de scrutin (sur 172 parlementaires, 113 seulement étaient élus hier à la proportionnelle) et la sur-représentation des départements ruraux favorisent mécaniquement l’élection de sénateurs conservateurs. La réforme souhaitée par Emmanuel Macron aurait, en diminuant le nombre de parlementaires, d’ailleurs aggravé cette logique tout en diminuant massivement la capacité de femmes à être élues dans la haute assemblée. La gauche peut décider de continuer à se lamenter en taxant le Sénat d’anomalie démocratique, mais la réalité est que le Sénat a montré dans les trois dernières années malgré son orientation politique une capacité forte à équilibrer le débat et le travail parlementaire et à protéger fortement nos libertés individuelles et collectives. La gauche doit donc dans les années qui viennent agir sur trois fronts :

  • en finir avec les pudeurs qui amènent certains de ses membres à considérer qu’ils n’arrivent à être élus qu’à condition d’être accommodant avec la droite, le scrutin d’hier démontre le contraire ;
  • trouver le chemin du rassemblement pour éviter de perdre bêtement des sièges et surtout pour en conquérir de nouveaux ;
  • promouvoir une réforme du mode de scrutin (en augmentant la part des communes de plus de 9 000 habitants dans le collèges électoral) et un rééquilibrage au profit des départements urbains et rurbains.

1Le Sénat compte 348 parlementaires ; la chambre haute est renouvelée par moitié tous les trois ans. La circonscription électorale est le département. Le collège électoral se compose des députés et sénateurs de la circonscription, des conseillers régionaux de la section départementale correspondant au département, des conseillers départementaux et des délégués des conseils municipaux, ces derniers représentant 95 % des électeurs des sénateurs. La série 1 (en gris sur la carte) a été élue le 24 septembre 2017. La série 2 (qui comporte les départements colorés) concernait 172 parlementaires. Dans les départements comptant 3 sièges sénatoriaux ou plus, le mode de scrutin est proportionnel (en bleu sur la carte) ; dans les autres le mode de scrutin est majoritaire, uninominal à deux tours (en violet ou magenta sur la carte). Les sièges de 6 des 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France et élus par un collège spécifique composé des députés et des sénateurs représentant les Français établis hors de France, des conseillers consulaires et des délégués consulaires, feront ultérieurement l’objet d’une élection complémentaire.

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