Démocratie et libertés par temps d’épidémie

Près d’un mois après la mise en place du confinement, il est maintenant clair qu’en sortir sera un processus long et laborieux. Depuis près d’un mois, en dépit du sous-financement et des pénuries variées (en masques, en blouses, en seringues électriques, en respirateurs, en médicaments…), à force de travail acharné, de réorganisations et de réseaux de solidarité, les soignants ont (au moins provisoirement) repris le contrôle de l’hôpital public, multiplié les lits en soin intensif et réussi jusqu’ici à offrir les meilleurs soins aux toujours plus nombreux malades de la COVID-19. Cette réussite fragile, évidemment dépendante du respect collectif du confinement, ne doit pas masquer une autre catastrophe qui émerge à peine, celle des Ehpads. La quatrième semaine de confinement n’est pas encore achevée et le bilan humain se fait déjà très lourd. Pourtant nous ne sommes qu’aux débuts de la pandémie, et sauf mise au point rapide d’une solution thérapeutique, nous allons devoir vivre avec cette crise sanitaire, sa décrue, ses possibles répliques pendant les 18 mois à 2 ans qui viennent.

Près d’un mois après la mise en place du confinement, il est temps de sortir de l’état de sidération dans lequel nous a plongé le coronavirus. Il serait vain d’espérer un quelconque retour à la normale avant de recommencer à faire de la politique. Toute la séquence à venir (présidentielle comprise) restera dominée par la crise sanitaire et ses conséquences sociales, économiques, écologiques.

Dès maintenant se pose une question fondamentale : celle des libertés et des droits par temps d’épidémie. On l’a vu déjà avec la gestion des attentats islamistes : les restrictions des libertés instaurées dans le cadre de l’état d’urgence se fondent rapidement dans le droit commun. Autant la suspension des droits fondamentaux peut être comprise et acceptée pendant une période brève, autant la restriction des libertés dans la durée, même au nom d’enjeux de santé publique, pose problème.

Comment ne pas être inquiet devant l’évolution de la situation ? Le confinement de la population est une solution de dernier recours face à l’épidémie. Disons le, sa nécessité fait d’abord écho à la dramatique impréparation de l’Etat face aux risques sanitaires. A ce stade on ne sait encore si cette impéritie tient davantage à l’organisation méthodique de l’affaiblissement de la puissance publique (fort bien partagée entre les gouvernements successifs depuis 15 ans) ou à l’amateurisme d’un président et d’un gouvernement qui naviguent à vue. Au delà des errements d’une communication maladroite et souvent mensongère, on voit bien pourtant le basculement qui s’opère dans la narration des événements. On passe progressivement de la responsabilité politique des gouvernants à la responsabilité individuelle des Français récalcitrants aux mesures de distanciation sociale. L’évolution du débat sur les masques en donne la mesure, les déclarations du préfet Lallement ou l’interdiction du jogging à Paris en révèlent la nature. La contamination devient une faute morale.

C’est dans ce contexte qu’on assiste à un véritable concours Lépine des mesures liberticides. Pour conjurer son impuissance face à un ennemi insaisissable et microscopique, chaque élu ou responsable se doit de montrer son engagement dans la lutte contre l’épidémie: couvre-feu, encadrement de la pratique du sport individuel, obligation de porter un masque ou d’acheter les baguettes par trois. Tout est bon pour lutter contre le coronavirus.

Ces motivations sanitaires ne concernent apparemment que nos libertés dans le cadre privé. Dans le cadre professionnel, elles s’effacent derrière les contraintes économiques. Le droit du travail jusqu’ici n’était qu’une entrave à la compétitivité, il est manifestement également devenu une menace pour le redressement national. A titre privé, les citoyens doivent respecter les règles de distanciation sociales sous peine d’opprobre et d’amendes toujours plus sévères mais les travailleurs ne sauraient réclamer leur application dans le cadre professionnel sans nuire à l’unité nationale.

La lutte contre le coronavirus se décline également dans sa version techno-scientiste. Organismes de recherche, GAFA, start-ups, opérateurs téléphoniques, équipementiers électroniques et militaires se lancent dans une course folle pour concocter la meilleure application de traçage numérique. Dans l’urgence, au nom du virus et de l’union sacrée, il vous sera bientôt demandé de consentir à voir tracer l’ensemble de vos déplacements et/ou de vos contacts. Big Data vous sauvera. Sans qu’on ait à ce jour explicité quel serait l’usage et l’utilité de ces données dans le cadre de la lutte contre l’épidémie, ni qu’on se soit assuré de la sécurité des protocole de tracking. Et rien n’est plus clair du côté médical: une fois disponibles à grande échelle les tests de contamination et d’immunité, quel usage en sera-t-il fait au niveau des libertés individuelles ? Le parlement sera-t-il associé aux débats sur ces questions ou l’état d’urgence sanitaire est-il supposé tout emporter sur son passage ?

Toutes les digues sont prêtes à sauter mais pendant ce temps la justice est comme suspendue et les appels à l’unité nationale réclament implicitement la mise en sommeil de la vie démocratique. Au plus fort de la crise sanitaire, ils nous appartient au contraire de réveiller la démocratie, de faire craquer le vernis unanimiste. Défendre aujourd’hui nos libertés fondamentales pour demain mieux reconstruire une République solidaire.

Le virus, les Pays-Bas, l’Europe et nous…

Même un pays européen important comme les Pays-Bas peut se tromper.

Ainsi, face au coronavirus, le gouvernement néerlandais a-t-il d’abord écarté l’option du confinement (tout en fermant écoles et restaurants mais en laissant célébrer les mariages) pour miser sur la stratégie de libre circulation de la population et le maintien des activités marchandes. La propagation non faussée du virus stimulerait ainsi le développement des anticorps chez plus de la moitié des habitants, produisant progressivement une « immunité collective » (objectif également visé par la Suède, a contrario de tous les autres pays).

Il fut publiquement assumé qu’une large quantité de décès surviendrait mais que, en l’absence de vaccin, il ne relevait pas de l’action publique de protéger les plus fragiles socialement et médicalement, tandis qu’une sorte de main invisible distribuerait l’immunité à travers la nation où chaque individu exercerait sa responsabilité en s’isolant si le besoin s’en faisait sentir. En l’absence de tests à grande échelle, les porteurs asymptomatiques, que l’on sait nombreux, contrarient évidemment cette bienheureuse théorie de l’avantage collectif naturel.

Après deux semaines, outre que le ministre de la Santé a démissionné (pour faiblesse passagère, forme locale du déni), les statistiques des décès et des hospitalisations ne sont pas bonnes. Le gouvernement infléchit alors son discours en préconisant un « confinement intelligent » consistant à inverser le sens de la responsabilité individuelle : c’est désormais toute la population qui est priée (mais pas obligée) de rester à domicile et les regroupements de plus de trois personnes sont interdits.

Dix jours plus tard, au soir du 9 avril, les statistiques de l’Institut national pour la santé publique et l’environnement (RIVM) établissent la moyenne de décès à 150 par jour pour ce début de mois, chiffres encore confirmés ces deux derniers jours. Rapporté à la taille de la population et hors maisons de retraites (non renseigné aux Pays-Bas), c’est un bilan plus lourd que pour la France. La tendance est même encore plus grave en considérant que l’épidémie s’est développée un peu plus tard aux Pays-Bas et que les relevés y sont en fait très lacunaires avec une évaluation du double des chiffres publiés d’après une enquête de De Morgen du 5 avril basée sur la mortalité totale dans le pays comparée aux données des années précédentes.

Parallèlement à ce cruel constat sur les effets de sa stratégie face au virus, le même gouvernement entretient au niveau européen un rapport encore très particulier à l’épidémie. Tant au Conseil européen du 26 mars qu’à la réunion de l’Eurogroupe (ministres de l’Economie) du 8 avril, la ligne néerlandaise est indécrottablement défavorable à la solidarité au sein de l’Union européenne sous la forme d’une mutualisation des dettes publiques par lesquelles les Etats soutiendraient leur effort de santé et les acteurs économiques impactés par le virus.

Les Pays-Bas s’opposent aussi à toute forme de soutien financier à un Etat sans contrepartie en termes de réformes structurelles, c’est-à-dire d’austérité. Sous la férule de l’Allemagne, ce dispositif d’aide opéré par le Mécanisme européen de stabilité (MES) et conditionné par l’obligation de réduire la dépense publique (et souvent de déréguler et de privatiser divers secteurs) avait déjà été appliqué à la Grèce à partir de 2012 avec des effets désastreux sur la cohésion sociale du pays.

Ce modèle de tutelle financière des Etats riches de l’UE sur ceux contraints de demander de l’aide face à leur dette fait figure de politique vertueuse aux yeux des Pays-Bas et de l’Allemagne car il accentue le retrait de l’Etat au profit de la doctrine libérale du « marché libre et non faussé » qui prévaut depuis la fin des années 1990 dans l’encadrement juridique et dans la production législative de l’UE et a coïncidé avec leur réussite économique. Les Pays-Bas n’hésitent d’ailleurs pas à accentuer la concurrence généralisée ainsi mise en œuvre par la pratique déloyale du dumping fiscal, négociant au cas par cas de manière discrétionnaire des niveaux d’impôt sur les bénéfices des sociétés avantageux pour attirer les sièges des entreprises sur leur territoire. Voilà comment un promoteur zélé du marché « libre et non faussé » s’autorise égoïstement à forcer le poignet à la main invisible de la théorie libérale…

Face à l’épreuve des faits imposée par le virus qui ne connaît ni frontière ni avantage fiscal et face aux critiques désignant l’intransigeance néerlandaise comme le dernier abus dont sont capables les Etats « égoïstes » de l’UE en contradiction avec la solidarité comme valeur fondatrice du projet européen, le gouvernement des Pays-Bas a fini par ajuster sa doctrine comme il l’avait fait pour sa stratégie sanitaire nationale dix jours plus tôt. Un accord a donc pu être enfin conclu au sein de l’Eurogroupe le 9 avril : un « paquet » de mesures de plus de 500 milliards d’euros certes sans contrepartie mais pas sous la forme d’un endettement mutualisé.

L’accord se décompose en trois volets : jusqu’à 240 milliards de prêts non conditionnés, remboursables à long terme et à taux négatif pour les Etats (victoire de principe de la vision solidaire contre les « égoïstes »), un fond de garantie pour les entreprise de 200 milliards et jusqu’à 100 milliards pour financer le chômage partiel des salariés. L’accord inclut aussi la mise en place d’un futur « fonds de relance » des économies européennes dans le cadre d’une coordination de la stratégie économique mais sans en préciser le montant ni le mécanisme qui pourrait hypothétiquement relever d’une logique de mutualisation de dette.

Sur ce dernier point, les Pays-Bas maintiennent toutefois leur refus de principe (sans expliciter quelle alternative permettrait de constituer un tel fonds de relance). Ils prétendent aussi que le volet des 240 milliards de prêt ne devrait servir à couvrir que des dépenses de santé tandis que les Etats solidaires et volontaristes autour de l’Italie assument qu’il serve à couvrir des mesures économiques et sociales des Etats. Si les Pays-Bas (et quelques autres derrière eux) ont cédé face aux circonstances et donc pas de bon gré ni sincèrement, du moins le débat a-t-il été ouvert entre vision solidaire et vision égoïste au sein de l’UE.

A contrario des docteurs Diafoirus du libéralisme économique qui administrent purges néfastes et saignées morbides sans analyse honnête et sérieuse des phénomènes à traiter, le choc inédit du coronavirus sur les sociétés européennes ouvre une brèche dans les consciences. Les enjeux de transition écologique (énergie, agriculture, urbanisme…), d’aménagement du territoire, de cohésion sociale et de justice fiscale appellent tout autant un choc de conscience et une révision de l’unicité et de l’infaillibilité de la doctrine du « marché libre et non faussé ». Alternativement, les doctrines des biens communs, du service public, du principe de précaution, de l’économie sociale et solidaire, de la régulation et du juste échange constituent autant de principes sains pour un corps social sain.

Fidèle à ses valeurs et à son projet d’un Nouveau front populaire, La Gauche républicaine et socialiste appelle toutes les forces politiques et sociales de progrès à adopter un cadre de réflexion commun pour promouvoir cette alternative dont la réponse solidaire et volontariste à la crise du coronavirus dessine l’horizon. Le même engagement vaut en France face aux promoteurs nouveaux et anciens du libéralisme managérial et de l’austérité budgétaire qui ont laissé notre société dans un état de fragilité et d’impréparation face au virus : réduction des capacités de l’hôpital public, transfert des commandes publiques de masques de protection de nos entreprises aux industries chinoises, restriction des stocks stratégiques de matériel sanitaire, réticence à recourir aux réquisitions publiques en cas de crise, réticence à la nationalisation des industries stratégiques (exemple de Luxfer produisant des bouteilles d’oxygène). La réponse sanitaire au virus est bien évidemment l’urgence. La réponse politique aux évolutions néfastes de nos sociétés n’en est pas moins nécessaire et la Gauche républicaine et socialiste y contribuera activement.

L’après

Par Mathias Weidenberg

Pendant plusieurs années, décennies même, le débat au fond était rendu impossible par les attaques sur la forme, la personne, ou le procès en „posture“.
Celle ou celui qui critiquait l’absence de solidarité européenne, l’absurdité du libre échange, l’injustice de partage des revenus, qui souhaitait rappeler dans le débat public les notions de biens communs, intérêt public, cohésion sociale, prospérité partagée, durable et écologique, ne se voyait que rarement opposé des faits, une discussion raisonnée, argumentée.
„Postures“ pour conquérir des postes, „gauchisme irresponsable“ conduisant au stalinisme, „euroscepticisme“ assimilable à l’extrême-droite, tout était bon pour réduire le débat à des variantes acceptées du néolibéralisme hégémonique et l’excommunication de ses critiques d’où qu’elles viennent.

La crise économique provoquée par la crise pandémique est une crise balayant les arguments des économistes néolibéraux. De plus en plus d’économistes le disent „c’est une crise de l’offre ET de la demande“. Cette formule permet encore de dissimuler l’ampleur du choc systémique. C’est tout qu’il va falloir réorganiser, refinancer, reconstruire.

La crise pandémique rappelle également des réalités matérielles immanentes : nous sommes mortels, l’organisation en société n’est pas la conséquence d’une oppression d’un individu libre jusqu’à la folie de l’égoïsme le plus cupide, mais le modèle le plus éprouvé pour construire par la solidarité des protections collectives contre la maladie et ainsi retarder le moment de la mort. Le corps social garantit la survie qui elle même est la condition de l’exercice des libertés individuelles. Refuser les solidarités, les mutualisations, les sécurités collectives au nom de l’agent économique individuel, c’est oublier les réalités immanentes, c’est tourner le dos à l’amour, l’amitié, la compassion, la coopération, la consolation.
Le communautarisme est une des variantes de l’individualisme, dans laquelle une définition arbitraire vise à soustraire au corps social une composante. La religion, la langue, l’identité sexuelle, l’origine ethnique, une combinaison de tout cela en sont la marque. Des communautés refusent la solidarité du confinement et mettent l’ensemble de la société en danger au nom de leur vérité individuelle, religieuse ou autre.
Là aussi, le virus rappelle que la condition humaine est universelle.

Les critiques de notre mode de production, d’échange, et des constructions politiques et sociales l’accompagnant, étaient fondées. L’absence de débat au fond n’a pas permis de préparer ceux qui gouvernent aux faiblesses de leur propre système de croyance et d’action. Leur arrogance ne leur permet pas non plus de rechercher dans leurs critiques passés les instruments pour surmonter la crise pandémique et sa conséquence économique, sociale, démocratique.

C’est la conséquence d’un clivage insoluble construit par des groupes de presse de plus en plus concentrés par des milliardaires soucieux de protéger leurs intérêts égoïstes plutôt que soucieux d’intérêt général, confondant leur destin individuel avec celui de l’humanité. L’absence de débat au fond, par l’imprécation et le déni de légitimité, empêche le dialogue, donc l’échange, et le compromis.

C’est là l’écueil de toute cette crise : 15 ans de bombardement médiatique, cinq ans de LBD, cela ne permet pas de définir dans la confusion de la crise les bases pour trouver collectivement les solutions.

Certains pensent qu’il faut attendre que la crise pandémique soit passée. Mais c’est pendant cette crise que se créent de nouvelles réalités et de nouveaux rapports de force.

Jamais l’humanité n’avait acceptée aussi rapidement et collectivement de telles restrictions des libertés individuelles au nom d’un intérêt commun supérieur.
C’est à la fois un signe d’espoir : oui, nous pouvons tous nous mobiliser lorsqu’il s’agit d’une menace existentielle.
Ensemble.
Et un signe d’alerte : l’abolition volontaire de nos libertés ouvre la voie à leur abolition forcée.

C’est l’état de la réflexion ce matin.
Restez en bonne santé, restez chez vous.

Pour notre souveraineté sanitaire, nationalisons Luxfer !

Les libéraux nous ont fait une belle promesse, celle qu’en laissant les marchés décider seuls, la société gagnerait en bien-être. L’Histoire et nos quotidiens sont remplis de contre-exemples qui prouvent qu’il n’en est rien. La concentration des activités au sein de quelques multinationales tentaculaires, l’avidité de leurs actionnaires et la recherche permanente d’un maximum de profit en un minimum de temps ont condamné de nombreuses activités industrielles sur le territoire national, délocalisées vers des pays où bien souvent les travailleurs sont sous-rémunérés et possèdent des droits inférieurs à ceux des français. Ce dumping social, et souvent aussi environnemental, a bien sûr causé la destruction de centaines de milliers, voire de millions d’emplois dans notre pays, si bien qu’alors que nous connaissons un chômage de masse structurel, nous continuons à laisser délocaliser des activités industrielles. La conséquence pour notre économie est évidemment la dépendance aux importations pour ce que nous ne produisons pas ou avons cessé de produire. En période de crise, comme celle que nous connaissons actuellement avec l’épidémie de Covid-19, l’approvisionnement de nombreux secteurs s’en retrouve fragilisé.

C’est le cas plus particulièrement de la production de bouteilles d’oxygène : l’usine Luxfer de Gerzat (63), dernier site de production de France et d’Europe hors Royaume-Uni, est à l’arrêt, suite à la décision du groupe de le fermer définitivement le 26 novembre 2018. Les bouteilles de gaz produites à Gerzat sont d’une qualité unique au monde et destinées à contenir notamment de l’oxygène pour les hôpitaux et les pompiers. Le savoir-faire des salariés de Gerzat est unique (alliages, processus de production, contrôle de la qualité). Le site est rentable, malgré la baisse drastique des investissements du groupe, et pourrait l’être encore davantage. Le motif avancé serait un manque de « compétitivité » de l’usine de Gerzat. Il n’en est rien. En réalité, les 136 salariés en CDI et les 27 intérimaires sont sacrifiés sur l’autel de la finance. Où sont donc passés les 230 000 € annuels que touche Luxfer au titre du CICE pour l’usine de Gerzat depuis 2013 ? Le Ministère de l’Economie a validé le motif économique des licenciements, alors que l’inspection du travail elle-même l’avait retoqué. 111 salariés et 14 intérimaires contestent aujourd’hui leur licenciement devant les prud’hommes.

Cela fait 15 mois que les salariés sont mobilisés pour faire entendre leur voix, leurs droits et leur volonté de maintenir l’activité sur l’usine de Gerzat. Ils ont cherché et trouvé des repreneurs. Ils ont élaboré un projet de SCOP. Pourtant, le Ministère de l’Economie et le groupe Luxfer n’ont pas fait leur part du travail, malgré les engagements pris au titre de la « revitalisation » du site. Le 20 janvier 2020, les salariés ont été contraints de bloquer l’usine pour empêcher la direction de Luxfer de démanteler le site et de détruire les machines. Tout cela a plus qu’assez duré. Il est temps de rendre hommage aux salariés de Luxfer, car leur combat est d’intérêt général. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités. La CGT vient de lancer un appel à la nationalisation du site de Gerzat. La pétition est disponible ici : http://chng.it/hXcVQM5Jkk.

Nous avons plus que jamais besoin de bouteilles d’oxygène. Nous devons les produire en France. Nous pouvons les produire à Gerzat. L’enjeu est de préserver l’emploi dans un bassin de vie déjà très sinistré. L’enjeu est de préserver un savoir-faire industriel majeur. L’enjeu est de préserver une production d’intérêt public. Il est urgent et indispensable de nationaliser immédiatement l’usine de Gerzat pour relancer la production de bouteilles de gaz. Air Liquide, l’un des clients de l’usine, a annoncé le doublement de sa production de bouteilles d’oxygène : il va bien falloir lui fournir des contenants ! La responsabilité est dans le camp du gouvernement : va-t-il assumer, au nom de son dogmatisme libéral, de risquer la pénurie de bouteilles d’oxygène, en pleine épidémie d’un virus causant précisément des troubles respiratoires ?

Au-delà de ce cas particulier, c’est notre souveraineté sanitaire qui est en cause. Nos hôpitaux manquent de matériel en tout genre, de masques, de gel hydro-alcoolique, de respirateurs, de médicaments. La rupture des chaînes d’approvisionnement venant de Chine nous appelle à mettre l’intérêt général avant la compétitivité, l’utilité publique avant les intérêts privés, les vies avant les profits. La France est suffisamment dotée en savoir-faire, en technologie, en main d’œuvre pour assurer son indépendance sur les secteurs les plus essentiels : la santé en fait partie. Il n’y a là aucun égoïsme national ni aucun chauvinisme. Nous n’avons pas d’autres choix que d’assurer la sécurité et la qualité permanente de l’approvisionnement de notre système de santé en matériel médical.

Mobilisons-nous. Signons ! Partageons ! Amitiés et respect aux Luxfer : vous êtes aujourd’hui le nom de la dignité des travailleurs.

Elections municipales 2020 : orientations GRS Agriculture Alimentation

Dans un contexte de crise sociale et environnementale, les élections municipales se présentent comme un véritable enjeu pour agir sur nos politiques alimentaires, agricoles et territoriales.

Mener des actions à l’échelle locale fait partie intégrante d’une politique de long terme en faveur d’une agriculture et d’une alimentation plus respectueuses des hommes et de la nature.

Attachée aux enjeux de santé, d’emploi et d’avenir pour l’agriculture et l’environnement, la Gauche Républicaine et Socialiste défend une politique locale ambitieuse. Celle-ci se traduit par des solutions concrètes pour une alimentation de qualité en lien avec les potentialités du territoire et protégeant la production de proximité (re-territorialisation), avec la préservation des terres agricoles et le soutien à une alimentation saine et de qualité pour tous.

Notre objectif doit être à terme que les repas servis dans les restaurants scolaires et publics soient 100% bio/local.

La relocalisation de l’alimentation est un levier d’action, direct et indirect, des collectivités pour développer le territoire. La re-territorialisation agricole et la consommation locale ont un effet direct sur le développement économique local avec la création d’emplois non délocalisables et sur le tourisme et l’attractivité du territoire par la valorisation des savoir-faire locaux et du patrimoine.

La santé des enfants et des seniors, par exemple, est directement concernée par la restauration collective mise en place par les municipalités. Celle-ci touche principalement les enfants en crèches ou scolarisés, et les personnes âgées. Les politiques publiques conduites dans ce domaine sont donc essentielles pour fournir une alimentation de qualité, lutter contre la malbouffe et contre l’obésité infantile, agir pour la santé des personnes à long terme et éduquer aux goûts et à la diversité.

Nous défendons une synergie des différentes politiques publiques concernant l’approvisionnement de la restauration collective pour répondre à ces enjeux. En faisant moins appel à la sous-traitance des grandes entreprises de restauration collective et en intégrant des critères d’“empreinte carbone” et de qualité des produits, nous cherchons à favoriser les circuits courts, de proximité et limitant bien sûr les intrants chimiques. Nos villes et intercommunalités devront privilégier :

  • Les groupements d’achats permettant une mutualisation des commandes entre plusieurs établissements et participant à structurer l’approvisionnement local, avec des clauses dans les marchés publics privilégiant le bio et le local.
  • Les plateformes collectives d’approvisionnement, majoritairement gérées par les producteurs.
  • Les légumeries – espaces de stockages et de préparation situés en amont des cuisines – permettant aux collectivités d’acheter des produits bruts.
  • Les régies agricoles – avec des exploitations communales ou intercommunales – pouvant répondre aux besoins de la restauration collective locale.
  • Les cuisines centrales publiques permettant aux collectivités de reprendre le contrôle des plats servis et de la qualité de l’approvisionnement.
  • Les ateliers de transformation et conserveries dédiés aux produits végétaux, qui recevraient et transformeraient la production locale ainsi que celle des agriculteurs locaux.
  • Les partenariats associatifs, de type jardins familiaux, partagés, ouvriers, etc.

– Une lutte systématique contre le gaspillage alimentaire.

D’autre part, la multifonctionnalité de l’agriculture (alimentation, environnement, emploi, paysages, loisirs, etc) est un enjeu pour le développement local du territoire.

La GRS défend des projets territoriaux pour la préservation de la nature et des espaces et activités agricoles. La re-territorialisation de l’agriculture permettrait de réaffirmer un élément clé de l’identité des villes, de leur qualité de vie et de leur attractivité.

La GRS promeut une agriculture durable, respectueuse de l’environnement, économiquement viable et génératrice de lien social. La relocalisation de la restauration collective est une voie de soutien pour les agriculteurs locaux et engagés dans des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Mais la défense d’une agriculture locale et de qualité passe également par des politiques publiques orientées vers des projets agri-urbains basés sur :

  • La défense des terres agricoles, en luttant contre l’étalement urbain par la gestion des PLU, de l’acquisition foncière à destination agricole, des pépinières d’entreprise agricole et la reconquête des friches.
  • Une priorité envers les démarches agroécologiques d’installation ou reconversion des exploitations, en soutenant des débouchés locaux et une aide économique (subventions, déductions fiscales…)
  • Le soutien à l’expérimentation et l’innovation dans les pratiques agricoles.
  • La valorisation des boues etcomposts.
  • L’intégration de l’agriculture à la ville concrétisant le concept d’une agriculture urbaine. Il s’agit là d’utiliser les déchets urbains, de mettre en place des jardins productifs et écologiques en ville.
  • La promotion des produits locaux en créant du lien au territoire avec les marchés, la restauration collective locale, les manifestations agri-culturelles, le patrimoine culinaire…
  • Le soutien des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) et des jardins partagés.

– Le développement d’un Projet Alimentaire Territorial.

  • Le soutien à l’emploi et l’insertion socialeliés à ce secteur dynamique et ses professionnels.

On peut citer comme exemple la commune de Mouans-Sartoux dans les Alpes-Maritimes, d’une population de 10 500 habitants, qui a mis en place une régie agricole communale en 2010. Les 4 ha de terres cultivables gérées par un agriculteur communal, couvrent l’ensemble de la consommation de légumes annuelle des cantines municipales scolaires. Cette initiative permet d’approvisionner les cantines en produits bio et de proximité, les groupes scolaires étant équipés de cuisines individuelles autonomes où sont confectionnés l’ensemble des repas des restaurants scolaires.

RETRAITES : D’AUTRES CHOIX SONT POSSIBLES !

La retraite est un enjeu de société crucial.

Alors que le gouvernement passe en force en prétendant établir un « dialogue », la population française reste majoritairement opposée à ce projet et réaffirme son attachement à un véritable droit solidaire à la retraite. Point d’orgue de ce jeu de dupes : le « retrait » temporaire de l’âge pivot qui aboutit au même allongement de la durée du travail mais permet au gouvernement de communiquer, par le flou, sur une prétendue concession.

Pourtant, d’autres choix sont possibles. Des choix qui consolident notre système de retraite par répartition dans le respect de l’ambition originelle de la Sécurité sociale. De nouvelles orientations qui assurent le droit au temps libre en répondant aux enjeux de la transition écologique, de l’emploi, et de la réduction des inégalités.

Malgré nos différences, nous avons décidé de travailler ensemble pour proposer une autre voie. Ensemble, nous proposons de mettre sur la table le cadre d’une réforme progressiste des retraites.

Les grandes orientations que nous esquissons en commun peuvent contribuer à amplifier le débat sur les solutions et l’alternative : l’heure est désormais à l’instauration de nouvelles garanties collectives pour assurer le droit à la retraite pour toutes et tous.

Notre travail commun nous a conduit à proposer 6 piliers pour des nouveaux droits et 6 pistes de financement

Retrouvez l’ensemble des propositions dans le document en téléchargement

Union de la gauche en Espagne : un gouvernement porteur d’espoir mais extrêmement fragile

Le 7 janvier, le parlement espagnol a accordé une majorité relative au gouvernement d’union de la gauche de Pedro Sanchez et Pablo Iglesias. Les mesures prévues par l’accord de coalition sont dignes de ce qu’on peut attendre de la gauche au pouvoir : encadrement de la hausse des loyers, abrogation de la loi de sécurité dite « loi bâillon » qui limitait le droit de manifester, hausse d’impôt pour les ménages les plus aisés, instauration d’un revenu minimum vital, suppression des franchises médicales, et instauration de la laïcité au niveau de l’Etat espagnol. Un accord de sortie de crise avec les indépendantistes catalans de gauche a été signé, garantissant l’abstention des douze députés de ce parti. Cet accord prévoit la reprise du dialogue et un référendum à terme sur l’avenir de la Catalogne et le transfert de compétences.

Ce double accord historique, qui permet entre autres l’accession d’une communiste au ministère du travail et d’un représentant de la gauche radicale au poste de vice premier ministre, ne doit pas cacher l’extrême fragilité de ce gouvernement. Sa majorité n’est que de deux sièges, et elle est dépendante de l’abstention des indépendantistes catalans, de celle des indépendantistes basques, du soutien des régionalistes basques et des populistes de gauche de Mas Pais. Si ne serait-ce que deux des quatre députés des régionalistes valenciens, canariens, galiciens et teruelans basculent, le gouvernement tombera. L’agenda des indépendantistes catalans n’est toujours pas changé, et c’est la peur d’une majorité incluant les centralisateurs Vox et Ciudadanos qui explique le ralliement à cette coalition des régionalistes hétéroclites. Pedro Sanchez, en choisissant la modération sur une question catalane qui déchaîne les passions, se tient sur une ligne de crête périlleuse. Le vote du premier budget pourrait signer l’arrêt de cette aventure gouvernementale ambitieuse et inspirante.

Si les considérations institutionnelles sont guères favorables, l’opportunité politique d’un tel gouvernement n’est pas démentie. En menant depuis deux ans une politique sociale et laïque d’augmentation des salaires, Pedro Sanchez a permis au PSOE de renaître alors que tous les commentateurs lui prédisaient la disparition s’il ne se ralliait pas au néolibéralisme bon teint de Ciudadanos. Sa persévérance dans l’alliance avec la gauche radicale et la politique sociale lui ont permis d’accéder à une majorité temporaire, ce qui n’était plus arrivé depuis 2016. Sans naïveté eu égard à la complexité institutionnelle de la question catalane et de la faiblesse de sa majorité, la Gauche Républicaine et Socialiste souhaite à ce gouvernement un succès plein et entier dans sa politique sociale ambitieuse.

Elections en Grande-Bretagne : malheur à l’ambiguïté, triomphe du « take back control »

Les électeurs britanniques se sont prononcé le jeudi 12 décembre, le verdict est sans appel. Loin de regretter le Brexit, ils ont voté majoritairement pour le parti qui promettait de le réaliser sans délais. Le Parti Conservateur obtient ainsi sa plus grande majorité depuis Margaret Thatcher.

Le Parti Travailliste de Jeremy Corbyn, qui avait axé sa campagne sur le sauvetage de la NHS, la sécurité sociale britannique en grand danger après des années d’austérité, s’effondre. Le Labour obtient son pire score depuis près d’un siècle. Le mur rouge, ensemble de villes populaires du nord de l’Angleterre qui va de Liverpool à Hull qui formait un bloc travailliste depuis le début du XXème siècle, s’effrite sérieusement. De fait, la quasi-totalité des pertes travaillistes se font dans ces terres qui ont largement soutenu le Brexit en 2016. Des circonscriptions symboliques, comme celle de Tony Blair ou d’autres qui votaient pour le Labour depuis la Première Guerre Mondiale, passent aux conservateurs. Les travaillistes paient de ne pas avoir su saisir l’aspiration populaire de souveraineté.

En 2017, Jeremy Corbyn avait pourtant surpris les commentateurs. Son programme innovateur et très axé sur la question sociale avait fait remonter le Labour et avait coûté aux conservateurs leur majorité. Cependant, en 2017, Jeremy Corbyn appelait à respecter le vote des Britanniques sur le Brexit. Cette fois, il proposait un nouveau référendum, cédant aux sirènes des démocratosceptiques qui jugent que quand le peuple vote mal, il faut le faire revoter, ou se passer de son avis. Jeremy Corbyn avait sorti son parti du social-libéralisme. Il n’a pas pu ou voulu le faire rentrer dans le camp de la souveraineté pourtant chère aux catégories populaires qu’il souhaite défendre. En d’autres mots, le social ne saurait se passer de la souveraineté.

Sa tolérance coupable envers les éléments communautaristes d’une part et antisémites d’autre part, du parti travailliste, a aussi contribué à éloigner Jeremy Corbyn du pouvoir. Ce n’est pas en fédérant les communautés de manière ambiguë ni en ignorant les aspirations populaires que la gauche pourra espérer revenir au pouvoir, malgré toutes les mesures sociales qu’elle pourrait promettre.

En Ecosse, les indépendantistes raflent la mise et obtiennent 48 sièges sur 59. La question d’un second référendum d’indépendance semble inéluctable. Les libéraux-démocrates, parti néolibéral totalement opposé au Brexit, perdent leur cheffe, battue par un indépendantiste. En Ecosse aussi, c’est l’aspiration à la souveraineté qui a d’abord motivé les électeurs. En Irlande du Nord, pour la première fois depuis les accords paix, les républicains, avec neuf sièges, devancent les unionistes, réduits à huit sièges, et battent même le chef du DUP.

Après l’échec de Theresa May, d’aucuns pariaient que Boris Johnson serait le plus court Premier ministre de l’histoire du Royaume-Uni. Il vient de donner une leçon politique magistrale à tous ceux qui remettent en cause les référendums. La clarté et le respect de la souveraineté ont payé. Les Britanniques ont voté pour le Brexit.

Toutefois, l’après-Brexit se prépare déjà. Les conservateurs s’apprêtent à faire subir au pays une énième cure d’austérité, avec les voix des électeurs populaires. Dans la préface du livre de Thomas Frank Pourquoi les pauvres votent à droite, Serge Halimi expliquait que la force de Nicolas Sarkozy était d’avoir fait appliquer le programme du MEDEF avec les électeurs de Georges Marchais. Le parti travailliste, en abandonnant les aspirations démocratiques des déclassés britanniques, permet à Boris Johnson de réaliser la même opération. Le respect et la promotion de la souveraineté populaire doivent redevenir des orientations cardinales pour la gauche. C’est à la marginalité qu’elle se condamne si elle ne retrouve pas le sens du peuple.

Retraite, rémunération des enseignants… Le gouvernement entre désinvolture et mépris.

La réforme des retraites envisagée par le gouvernement se traduira par une détérioration de la situation sociale des françaises et ses français, contrairement à ce que la propagande gouvernementale cherche à faire croire ; elle aura pour conséquence un recul social sans précédent.

Les enseignants font partie de ceux qui ont le plus à perdre avec cette réforme.

La baisse inouïe de la pension des professeurs prévue par le gouvernement sur la base du rapport Delevoye, un tiers en moins en moyenne par rapport à aujourd’hui , entre -300 et -900 € selon les personnes, aurait un impact important à plusieurs niveaux.

D’une part sur le niveau de vie des enseignants. Ces derniers, déjà parmi les moins bien payés en Europe, toucheraient désormais des retraites absolument dévaluées .

Les professeurs, qui sont censés être des cadres A de la fonction publique n’en touchent pas le salaire ; cette situation était jusque-là compensée notamment par des pensions correctes . Or, avec le nouveau système, les enseignants , qui font des études longues et qui commencent à exercer leur métier après un niveau bac+5 validé et la passation d’un concours, qui débutent donc entre 23 ans pour les plus jeunes et 27 ou 28 ans, devront travailler, sur la base des 43 annuités annoncées, jusqu’à l’âge de 66 ans minimum voire 69, 70, 71 ans, pour espérer toucher une retraite à taux plein qui serait désormais bien inférieure à 2000€ par mois. Pour ceux qui « craqueraient » vers 65 ans, la perspective serait de toucher une pension bien inférieure à 1500€. Face à des classes de 30 enfants ou adolescents , dont la gestion est loin d’être de tout repos, comment à de tels âges envisager de continuer à exercer ces métiers dans de bonnes conditions ? Le gouvernement et le président de la république, un peu gênés, ont bien conscience du problème…mais n’annoncent rien de concret ! Monsieur Macron a juste indiqué très vaguement lors de son discours de Rodez que peut-être les enseignants pourraient finir leur carrière dans les rectorats par exemple… Est-ce vraiment sérieux ?… M. Macron envisage que des dizaines de milliers d’enseignants atterrissent dans les rectorats pour leurs dernières années de vie professionnelle, pour faire quoi ? Mystère…L’improvisation de ces réponses tient vraiment de l’amateurisme !

La baisse des pensions des professeurs, d’autre part, conjuguée à ce recul de l’âge de départ à la retraite, ne va pas améliorer le problème d’attractivité du métier qui est une réalité grandissante à l’heure où les concours de recrutement des enseignants n’arrivent plus déjà à faire le plein dans plusieurs disciplines. Ce qui a pour effet une hausse importante du nombre de contractuels qui ne sont pas formés avant de se retrouver devant des classes. Cela a donc un impact sur la qualité même du système scolaire français. Embêtant à l’heure où les chiffres du classement PISA sont abondamment commentés.

Face à cette situation, les enseignants attendaient des déclarations de la part de leur ministre, Jean-Michel Blanquer. Ils peuvent encore attendre. Celui-ci, sur France Inter, mardi matin, n’a fait que botter en touche.

Il a commencé par annoncer une revalorisation pour les enseignants et par s’engager sur le fait que les professeurs ne seraient pas perdants avec cette réforme.

Pour éviter une perte moyenne de 500 € par mois sur les retraites des enseignants, que propose donc le ministre ? :

« On ne peut pas annoncer un chiffre comme cela… » a-t-il d’abord prétendu. Cela fait pourtant deux ans qu’il se dit « conscient » du problème du pouvoir d’achat des enseignants dont le point d’indice est gelé depuis une dizaine d’années comme celui de tous les fonctionnaires …mais pour l’instant s’avancer sur un chiffre est encore trop tôt…les enseignants apprécieront.

Mais finalement au fil de l’interview le chiffre de 400 millions d’€ de revalorisation à partir de l’année 2021 finit par sortir…

400 millions. Par an. Pour 900 000 enseignants. Ce qui fait 444 euros par an pour chaque enseignant. Soit 37 euros par mois. Cela change tout en effet. Mais les enseignants ne doivent surtout pas céder à l’euphorie de cette annonce… Le ministre corrige en effet tout de suite : ce ne sera pas vraiment une revalorisation salariale mais plutôt une revalorisation de primes que ne toucheront donc pas tous les enseignants… !

Cerise sur le gâteau qui demandera confirmation, BFM TV affirme avoir eu vent de ce qui serait proposé aux enseignants par leur ministre : pas de revalorisation envisagée sans contreparties. La piste envisagée serait bien celle de primes distribuées par exemple à ceux des enseignants qui accepteraient de muter très fréquemment ou seraient versées en récompense de missions supplémentaires… quant au président de la république, il envisagerait notamment toujours comme levier la réduction du nombre de jours de vacances des enseignants ainsi que l’allongement de leur nombre d’heures de service… Bref, c’est ce qui s’appelle jouer au pompier pyromane !

Le premier ministre Édouard Philippe , enfin, a pris la parole aujourd’hui mercredi : beaucoup de flou encore ! Le niveau des pensions des enseignants serait «sanctuarisé». Qu’est-ce à dire ? Va-t-on vers une revalorisation de 500€ ? «Nous engagerons avant la fin du quinquennat les revalorisations nécessaires pour maintenir le niveau des pensions» des enseignants, ajoute le premier ministre, «nous le ferons progressivement et nous commencerons dès 2021», a-t-il également assuré. Pour garantir les retraites des enseignants des annonces sur des primes accordées à une partie d’entre eux seulement, à la marge, ou une augmentation de 37€ par mois évidemment non seulement ne suffiraient pas mais seraient perçus comme des provocations.

La Gauche Républicaine et Socialiste est solidaire des enseignants qui méritent considération et juste rémunération pour leur travail et leur niveau de qualification. Nous demandons solennellement au Président de la république de ne pas sacrifier l’école publique et ses enseignants à l’hôtel de cette réforme des retraites qui ne serait qu’un recul social de plus.

Droit dans ses bottes, Édouard Philippe maintient et accélère le calendrier de la réforme des retraites : le bras-de-fer est engagé

Alors que le gouvernement devait s’exprimer au plus tôt sur le projet de réforme des retraites en milieu de semaine prochaine, celui-ci a été contraint par la très forte journée de grève du 5 décembre et par sa poursuite dans certains secteurs, notamment des transports, de prendre la parole dès aujourd’hui.

Les salarié.e.s du public comme du privé ont en effet été massivement en grève hier, avec des taux de grévistes avoisinant les 45 % dans la seule Fonction publique d’État, 61,4 % à la SNCF, 43,9 % à EDF et plus de 70 % chez les enseignant.e.s, pour ne citer qu’elles et eux. Par ailleurs, la manifestation d’hier a réuni plus de 1 500 000 personnes dans toute la France.

Bien que cette conférence de presse improvisée en catastrophe traduise un premier signe de crainte face au mouvement social, le premier ministre est resté droit dans ses bottes, en tentant toujours de mener en bateau nos concitoyennes et concitoyens sur le projet de réforme des retraites. Ainsi, alors que les grands principes de la réforme sont décidés depuis des mois, c’est-à-dire un régime de retraites par point impliquant une baisse générale des pensions et un report de l’âge de départ à la retraite, et malgré l’opposition grandissante de la population et des organisations syndicales, Edouard Philippe tente de faire croire que le projet sera débattu dans les prochaines semaines.

Cette prise de parole a été aussi l’occasion pour le premier ministre de jouer la carte de la division entre les salarié.e.s, tentant de démobiliser les secteurs les plus en pointe dans le mouvement les 5 et 6 décembre, en s’attaquant une fois de plus aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP. Par ailleurs, en s’adressant aux enseignant.e.s pour leur promettre faussement une revalorisation de leur traitement, alors que le point d’indice est gelé depuis 2010, Edouard Philippe a finalement confirmé leurs craintes en avouant que cette réforme entraînera une forte baisse de leurs pensions.

Il nous paraît nécessaire d’apporter plusieurs contradictions supplémentaires au Premier ministre :

 1.   Diviser les Français en attaquant les « privilèges » des salariés de la RATP et de la SNCF :

Les agents de la RATP et de la SNCF sont injustement mis en cause sur leur « régimes spéciaux ». on souligne l’âge de départ en retraite à 52 ans à la RATP et la SNCF, en oubliant volontairement de signaler qu’il s’agit des seuls agents d’exploitation et de conduite, est que cet âge est de 57 ans pour les métiers de la maintenance de la RATP (train, bus) et 62 ans, comme dans le privé, pour les personnels administratifs. Ces âges restent néanmoins théoriques, un conducteur de la SNCF doit avoir réalisé au moins 17 ans de service « actif » dans la maison et cumulé 43 annuités (pour tous ceux nés après 1973), comme dans le privé, pour partir avec un taux plein. Les agents partent, dans les faits, de plus en plus en tard. Par ailleurs, faute de pouvoir remplir toutes les conditions de la retraite à taux plein, beaucoup acceptent de partir avec une décote sur leur pension. En 2017, c’était le cas de 30 % des agents de la SNCF et de 18 % de ceux de la RATP, contre 15 % des fonctionnaires et 10 % des salariés du privé. Le montant des pensions des salariés des « régimes spéciaux » est également pointé du doigt, en particulier par la Cour des Comptes qui affirme qu’il serait nettement supérieur aux retraites des fonctionnaires, en ne prenant en compte que les seuls salariés ayant une carrière complète. Or si l’on prend en compte l’ensemble des salariés de ces entreprises, on se retrouve très proche du niveau de la fonction publique. On repassera donc pour les « privilèges » indus dont bénéficieraient ces salariés. Les déficits de ses régimes spéciaux est en réalité la conséquence d’une politique malthusienne de ces entreprises en terme d’emploi. Au demeurant, elles rencontrent de graves difficultés aujourd’hui à recruter (et le changement récent de statut de la SNCF ne va pas améliorer la situation) au regard des faibles rémunérations et de la disparition prévue des quelques avantages dont bénéficiaient ces salariés en compensation des salaires et des conditions de travail et d’astreinte contraignantes.
Les salariés de la RATP et de la SNCF font au contraire preuve d’une grande solidarité avec l’ensemble des salariés de notre pays, qu’ils soient du privé ou du public, car ils ont exprimé depuis longtemps par la voix de leurs représentants syndicaux qu’ils ne se battaient pas pour le maintien exclusif de leurs régimes de retraite. Ainsi, ils ont récusé par avance toute proposition de leur appliquer quelque « clause du grand-père » (n’appliquer les nouvelles règles qu’aux nouveaux embauchés)
qu’elle soit version Delevoye ou version Philippe (les propos du premier ministre cet après-midi semblent moins généreux que ceux du Haut Commissaire). En effet, étant pleinement conscient du rapport de force dont ils disposent avec une capacité de blocage des déplacements, ils ont déjà expliqué que leur engagement visait le rejet de la retraite par point pour tous, donc à mettre au service de tous les salariés français leur « arme sociale » pour tenter de faire reculer le gouvernement.

 2.   Les annonces sur les enseignants et fonctionnaires sont mensongères :

En effet, passer d’un calcul du niveau de pension en tenant compte des 6 derniers mois de rémunération au régime par point entraînera forcément une baisse des pensions, puisque

     c’est l’ensemble de la carrière qui sera prise en compte. Le gouvernement peut faire miroiter toutes les revalorisations possible et imaginable, aucune ne serait en mesure de compenser les dégâts du système proposée par Emmanuel Macron et son gouvernement – sauf à ce qu’elles soient massives, qu’elles rattrapent voire dépassent tous les …retards sur les autres enseignants d’Europe occidentale…
La réalité c’est que les rémunérations de nos enseignant.e.s sont en soi indécentes au regard de la fonction et du rôle qu’ils accomplissent au service de la société et leur pensions de retraites également. La revalorisation des enseignant.e.s est donc une absolue nécessité qui ne saurait être traitée au détour du dossier des retraites parce que le gouvernement s’est rendu compte qu’il s’est placé dans une impasse politique et sociale.
Le raisonnement sur les dégât du dispositif proposé par le gouvernement vaut pour les autres fonctionnaires ; passer des 6 derniers mois à la retraite par point prenant toute la carrière, entraînera forcément une baisse des pensions, même en tenant compte des primes qui ne l’étaient pas jusqu’ici…

 3.   Il faut le marteler, la « retraite par point » serait une régression pour tou.te.s :

Le raisonnement tenu pour les fonctionnaires est comparable, dans une moindre mesure cependant, pour les salarié.e.s du privé : passer des 25 meilleures années à l’ensemble de la carrière dans un système de retraite par point survalorisera les années où ces salarié.e.s auront eu une carrière hachée et/ou moins payée… On voit évidemment ce que cela signifie comme dégâts pour les femmes – malgré toute la communication du gouvernement – qui ont des carrières plus hachées…
En réalité, la retraite par point ne vise qu’à satisfaire deux objectifs purement idéologiques des Libéraux :

 a)   Limiter les dépenses publiques en soi et pour cela permettre une éventuelle baisse de la valeur du point pour maintenir les retraites à un niveau de 14% comme cela semble être l’objectif du gouvernement. En Suède, le point a baissé… On a bien vu ce que le gouvernement a fait du paritarisme avec l’assurance chômage, c’est Bercy qui a la main en dernier recours, c’est ce qui se passera pour les Retraites…

 b)   La baisse du niveau général des pensions de retraites vise à ouvrir plus largement des marges de manœuvres pour les grandes entreprises d’assurance privées afin de développer les produits de retraites par capitalisation, vers lesquels nos concitoyens qui le pourraient encore seraient finalement contraints de se tourner pour compenser cette baisse attendue de revenu. C’est ainsi qu’il faut comprendre les récentes décisions visant à faciliter la création de fonds de pension en France. Ainsi le discours gouvernemental qui veut nous faire croire que cette réforme vise à sauver la retraite par répartition est totalement éventé.



En toute logique, les organisations syndicales, très loin d’être convaincues par la parole gouvernementale, et revendiquant toujours le retrait de ce projet de réforme des retraites, ont appelé à la poursuite du mouvement de grève avec une nouvelle journée de mobilisation le mardi 10 décembre.

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