Un pouvoir bavard et avare !

Tout change sauf la politique du Président.

 

Depuis la salle des fêtes de l’Élysée, Emmanuel Macron ne répond pas à la crise. A la veille des élections européennes, le Président se contente d’un replâtrage de sa politique néolibérale et accuse une fin de non-recevoir aux principales revendications des Gilets Jaunes soutenus par une forte majorité de nos concitoyens : pas de RIC, maintien de la suppression de l’ISF, pas d’augmentation du SMIC. Dans le vocabulaire médical, une telle attitude porte un nom : l’obstination déraisonnable ! Quelques mesurettes sur les services publics surnagent mais les classes populaires sont les grandes perdantes. Aucun grand dessein n’est proposé aux Français pour l’avenir de notre modèle Républicain.

 

Emmanuel Macron s’est écouté parler en se noyant dans son emphase. Les demandes de justice fiscale et sociale sont balayées d’un revers de main. La retraite par points est confirmée, cela conduira à une baisse des pensions et constitue un premier pas vers le régime par capitalisation. L’allongement de la durée du travail pour financer de façon injuste la dépendance et le grand âge en prenant dans les poches des classes populaires et moyennes est une nouvelle attaque sociale majeure.

De même Emmanuel Macron refuse d’augmenter le SMIC, préférant opposer la compétitivité au salaire minimum qui est pourtant un instrument de stabilité et de protection du pouvoir d’achat de tous les travailleurs.

 

À cette politique régressive, nous opposons une politique active de l’emploi pour lutter contre le chômage par le soutien accru à l’activité économique et à la croissance. Nous proposons une nouvelle répartition du temps de travail permettant de diminuer sa durée à 32 heures par semaine, permettant à tous ceux qui le souhaitent de pouvoir se former à tous les âges de la vie.

 

Emmanuel Macron a par ailleurs ouvert une nouvelle brèche dans l’unité nationale. Si une nouvelle étape de la décentralisation peut être utile, prôner comme il le fait le différentialisme met à mal l’égalité républicaine. Cela créera de fait une concurrence entre nos régions qui ne peut qu’exacerber les inégalités territoriales.

 

La transformation de la haute fonction publique ne saurait s’opérer en mettant en cause le statut des fonctionnaires, seule garantie de leur indispensable indépendance face aux lobbies. De ce point de vue, les déclarations du Président sont inquiétantes car elles confortent davantage les allers-retours entre le public et le privé si préjudiciables à la prévalence de l’intérêt général.

 

Sur l’Europe et l’Union Européenne, le vide sidéral : dans ce domaine, le Président n’a ni ambition, ni vision, ni solutions à apporter. De même au sujet de l’urgence écologique et climatique. Au-delà des formules grandiloquentes et incantatoires, aucune annonce concrète : un conseil citoyen tiré au sort devra faire des propositions et la « taxe carbone aux frontières » ou le « prix du carbone » sont renvoyés à l’échelon européen. Ici plus qu’ailleurs la disproportion entre une situation critique qui alerte et mobilise nos concitoyens et les réponses apportées par le Président de la République frise l’irresponsabilité.

 

A l’issue de cette conférence de presse, apparaît un pouvoir toujours plus vertical et solitaire, un Parlement durablement affaibli, et quant aux corps intermédiaires, ils sont dans l’imaginaire élyséen de simples relais de la « start-up nation » : les syndicats sauront sans doute lui rappeler leur rôle de contre-pouvoir dans la rue le 1er mai.

La Gauche Républicaine et Socialiste appelle donc la majorité sociale des français à dire STOP à Macron en votant le 26 mai pour la liste de la France Insoumise conduite par Manon Aubry. Seul un électrochoc dans les urnes pourra déclencher un Acte 2 du quinquennat, celui de l’alternative populaire à gauche.

 

Notre Dame brûle, l’évergétisme flambe ! De quelques leçons sur la démocratie à tirer d’un incendie.

Par Jacques Rigaudiat, membre du Collectif d’Animation National

 

Nôtre Dame, joyau de notre patrimoine, a brûlé. Il a fallu peu de temps, pas plus de 24 heures, pour que cet accident majeur, qui a atteint cette part du cœur de notre identité collective, ne se mue en témoignage éloquent de l’état de déliquescence de notre démocratie.

En moins de 24 heures en effet, les trois principales grandes fortunes françaises, puis les plus grandes capitalisations boursières, se sont faites concurrences dans une surenchère indécente : cent millions ici, deux cents millions là, re-deux cents millions…. Et les français d’ainsi concrètement découvrir deux choses.

La première, ce que toutes les analyses ne cessent depuis des années de confirmer : ce moment de l’histoire est celui d’une concentration sans précédent des richesses entre les mains de quelques-uns. Pouvoir mobiliser de telles sommes en un claquement de doigts n’est pas certes pas donné à tout le monde ; sans doute pas à vous qui me lisez, et en tout cas pas à moi ! Comme le rappelle régulièrement OXFAM « le club des plus riches millionnaires qui possédait ensemble un patrimoine équivalent en valeur monétaire aux maigres avoirs détenus par la moitié la plus pauvres de l’humanité, soit 3 milliards 500 millions d‘êtres humains, est passé de 388 en 2010, à 85 en 2014, 65 en 2015, et 8 en 2016 »[1]. Ce moment, celui de la mondialisation néo libérale, est celui d’une véritable explosion des inégalités. Sur cela, qui est désormais bien connu, on n’en dira pas plus ici.

La seconde, moins fréquemment évoquée, est la découverte, pour beaucoup effarée, que cette générosité ostentatoire se faisait, au sens strict, à nos propres dépens : ces dons mirifiques étaient, en effet, en large part compensés par une déduction fiscale ! Au moment où l’on venait tout juste d’apprendre que, selon le dernier classement du magazine Forbes, B. Arnault  détenait la quatrième fortune mondiale, ceux-là mêmes qui venaient de bénéficier de la suppression de l’ISF allaient donc pouvoir tout à la fois donner à bien peu de (leurs) frais et prétendre, en plus, bénéficier de l’admiration du bon peuple, supposé ébahi par tant de générosité… Face à l’opprobre qui montait devant tant d’impudence, les uns, puis les autres, durent se résoudre à s’engager à ne pas utiliser la réduction fiscale à laquelle ils avaient pourtant légalement droit. Dont acte, nous verrons …

Il reste que cette impudence a donc une base légale. C’est de cela qu’il s’agit ici, car éminemment symptomatique des transformations qui affectent le mode de fonctionnement de ce qui se donne ouvertement pour une démocratie. Et pour cela, pour comprendre un tel mouvement, il faudra faire un détour par l’histoire.

Mais d’abord, notre législation, c’est la loi N° 2003-709 du 1 août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Elle est dite loi Aillagon, du nom d’un petit marquis tels qu’on les trouve parfois dans les contre-allées du pouvoir, qui fut pour un temps ministre de la Culture dans le gouvernement Raffarin et est actuellement … conseiller de F. Pinault ! Après avoir été directeur de son musée du Palazzo Grassi à Venise, il supervise aujourd’hui les travaux de la Bourse du commerce, où la collection Pinault d’art contemporain sera bientôt exposée. Le monde, leur monde, est décidemment bien petit….

Les principales dispositions de cette loi ? Le site du Ministère de la culture n’en fait guère mystère : « lorsqu’une entreprise assujettie à l’impôt en France fait un don à un organisme d’intérêt général, elle bénéficie d’une réduction de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, mais peut aussi bénéficier de certaines contreparties en communication et relations publiques ». Pour les entreprises, « la réduction d’impôt est égale à 60 % du montant du don, « effectué en numéraire, en compétence ou en nature », et retenu dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires H.T., avec la possibilité, en cas de dépassement de ce plafond, de reporter l’excédent au titre des cinq exercices suivants »[2].

A cette réduction d’impôt s’ajoutent donc les « contreparties », qui, je reprends ici les termes mêmes du site du ministère de la Culture, « constituent un avantage offert par le bénéficiaire au donateur en plus de la réduction d’impôt. La valeur de ces contreparties doit demeurer dans une « disproportion marquée » avec le montant du don : il est communément admis un rapport de 1 à 4 entre le montant des contreparties et celui du don, c’est à dire que la valeur des contreparties accordées à l’entreprise mécène ne doit pas dépasser 25% du montant du don ». Si l’on oublie généralement de mentionner ces contreparties, ce n’est pas le cas des bienheureux bénéficiaires, car, concrètement, elles leur permettent d‘organiser à peu de frais (pour eux) des réceptions dans des lieux prestigieux. Ce fut, semble-t-il, par exemple, le cas à plusieurs reprises à Versailles d’une grande entreprise automobile française, dont le désormais ex-dirigeant est actuellement retenu en résidence forcée au Japon…

Au total, le calcul est passablement simple : 60% + 25% = 85%. Pour eux, donner 100 coûte 15 ! Ce sont donc nos impôts qui financent l’essentiel de leurs largesses somptuaires. On comprend mieux leur générosité…

De ces dispositifs, dont la Cour des comptes a pu récemment dire qu’il était « parmi les plus généreux sur le plan international », le bilan est très mauvais, très mauvais pour les finances publiques et l’intérêt général bien sûr. En effet : « Le caractère très incitatif des mesures et la forte progression du nombre d’entreprises y recourant ont contribué à une multiplication par dix du montant de la dépense fiscale correspondante(…) Cette dépense, mal évaluée, est fortement concentrée sur les très grandes entreprises. Les dons qui la déclenchent ne sont, dans les faits, pratiquement pas vérifiés ».[3] Ainsi de cette dépense fiscale, passée de 90 M€ en 2004 à 900 M€ en 2016 et 2017, la Cour constate que « son suivi, son analyse et son pilotage par l’État sont particulièrement lacunaires. (…). Aucune évaluation de l’efficience des mesures fiscales en faveur du mécénat des entreprises n’a été réalisée récemment. Eu égard aux montants en jeu et à leur dynamisme, le constat d’une dépense fiscale non pilotée, mal évaluée et pratiquement jamais contrôlée doit appeler les pouvoirs publics à redéfinir le cadre et les modalités du soutien au mécénat des entreprises ». Fermez le ban ! En clair, les généreux donateurs font à peu près ce qu’ils veulent sans aucun contrôle. Cela ne peut donc clairement plus durer et il faut engager sans tarder une révision drastique de ce dispositif exorbitant du droit commun.

 

Tel est donc l’état actuel de notre droit. Mais, au-delà des additions, ou plutôt des soustractions de deniers publics, ces dispositions sont, quant à leur fond, parfaitement représentatives de notre temps, où la richesse est censée ruisseler des premiers de cordée vers le bas peuple au cul lourd, comme de ce que devient, même si c’est insidieusement, notre démocratie : une ploutocratie. De cela il faut s’expliquer et c’est ici qu’un détour par l’histoire s’impose.

Au début, en effet, était la démocratie grecque, celle de l’Antiquité. Au début, donc, les « liturgies », qui alors signifiaient non pas, comme aujourd’hui, les cérémonies d’un culte, mais « un service public, la prestation publique d’un citoyen vis-à-vis de l’Etat » [4].  La charge, à proprement parler, d’un service public dont l’exécution était confiée par l’Assemblée et les magistrats de la Cité à ceux de ses citoyens qui pouvaient financièrement l’assumer, les plus riches donc. Ce n’est que tardivement à la période hellénistique, après que les cités Etat eurent été mises sous tutelle macédonienne, et qu’avec elles la démocratie originelle se soit effacée au profit des oligarchies en place et de leur clientélisme, que le système des liturgies s’effondra. Là où jusqu’alors il y avait une charge assignée à certains par les représentants du démos, se mit progressivement en place un système du bon vouloir des oligarques, celui dit de l’évergétisme (« qui veut le bien »). On connaît à cet égard le mot fameux d’Aristote : « pour les magistratures les plus importantes (..), il faut leur attacher des dépenses publiques, pour que le peuple accepte de n’y point participer et ait même de l’indulgence pour les magistrats du fait qu’ils doivent payer leurs magistratures d’une somme aussi importante »[5]. Dès lors, plus besoin, d’être assigné par la Cité à l’exercice d’une charge, au sens plein du terme. Les liturges, ceux qui assument les charges d’un service public, sont alors devenus des évergètes, des bienfaiteurs… Dans ce glissement et de mot et de sens, tout est dit et, au passage, la démocratie originelle s’est effacée.

Ainsi, ce qui était charge du service public assumée par un citoyen riche, devient acte gracieux et dépendant du seul bon plaisir d’un oligarque dont la Cité doit de ce fait lui rendre grâce. Tant il est vrai, comme le dira à quelques millénaires de distance l’un des défenseurs les plus acharnés d’un libéralisme, oh combien autoritaire, A. Thiers : « la bienfaisance collective (…) doit rester libre de faire ou de ne pas faire »[6]. C’est cela, que nous avons tardivement[7] transformé en mécénat, du nom d’un chevalier romain du 1er siècle avant JC conseiller d’Auguste.

C’est de cette décomposition de l’esprit et même de la lettre initiale de la démocratie, dont la loi Aillagon est aujourd’hui l’héritière. C’est aussi de cela dont elle témoigne pour notre temps. Elle signale, en somme, le retour de l’oligarchie. Ainsi, aujourd’hui comme jadis, l’affirmation du pouvoir des riches efface celui de la volonté du peuple.

Voilà pourquoi, quand Notre Dame brule, c’est l’évergétisme qui flambe !

 


[1] Cité par Monique et Michel Pinçon Charlot dans leur préface à « Les riches font-ils le bonheur de tous ? », EKHO, avril 2019.

[2] Site du ministère de la culture et de la communication, sous l’onglet « mécénat ».

[3] « Le soutien public au mécénat des entreprises », Cour des comptes, 28 novembre 2018.

[4] E. Benveniste, « Le vocabulaire des institutions indo-européennes », Tome2, au chapitre « le roi et son peuple », p.93.

[5] Aristote, Politique, VI, 7, 6.

[6] A. Thiers, « Rapport général au nom de la commission de l’assistance et de la prévoyance publiques », séance du 26 janvier 1850, Assemblée Nationale.

[7] Le terme de « mécène » est attesté pour la première fois en français en 1526.

« L’Archipel Français » ( Jerome Fourquet, Le Seuil 2019) ou la dérive des continents politiques

Compte rendu de lecture par Gaëtan Gorce, Secrétaire Général adjoint de la GRS

Le bouleversement électoral survenu au printemps 2017 n’a rien d’un accident.
C’est en tout cas la thèse de Jérôme Fourquet, l’un des patrons de l’IFOP. Celui-ci s’appuie sur force cartes et sondages pour démontrer que les conditions de l’élection d’E. Macron traduisent l’arrivée à maturation des changements profonds de la société française, à l’œuvre depuis les années 60, dans sa structure comme ses représentations. L’affaissement de sa matrice catholique, désormais réalisé, en aura été l’élément déterminant. Jusqu’à récemment celle-ci constituait, vaille que vaille, la principale grille d’explication du vote et structurait l’opposition droite/gauche pratiquement depuis la Révolution.

Ce double clivage a laissé progressivement la place à une autre bipolarité, le vote s’organisant désormais de plus en plus clairement autour d’une nouvelle ligne de fractures séparant les diplômés des non diplômés et par extension le centre des agglomérations de leur périphérie, et les régions prospères des territoires en déclin.    

Le vote Mélenchon à l’occasion des élections présidentielles de 2017 obtient néanmoins un score plutôt homogène dans toutes les catégories comme si son discours avait été le seul à revêtir un caractère idéologique unifiant, susceptible de dépasser les différences de niveau d’éducation, d’habitat ou de destin. À l’inverse, la dualité « progressistes/ nationalistes » réintroduite par Emmanuel Macron dans son discours et appuyé par les positions du Rassemblement National (ex : Front National) exclue toute alternative républicaine et appuie, en creux, l’idée du « there is no alternative », une prétention à la vérité en politique, potentiellement dangereuse pour la stabilité politique de notre pays.   

Cette conclusion auquel parvient Jérôme Fourquet, à partir d’une analyse passionnante de dizaines de cartes, sonne pour nous comme une invitation à savoir formuler un discours qui parle à nouveau et en même temps aux banlieues et aux lotissements, aux ouvriers et aux professions intellectuelles !

 

« Réformes Blanquer » (2) : projet de loi pour une « école de la confiance » ; des cadeaux au privé, une atteinte à l’école publique et la défiance vis à vis du corps professoral

Depuis un an et demi, les réformes de l’éducation proposées par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, sont menées au pas de charge et sans réelle concertation avec les principaux acteurs de l’éducation.

Parcoursup ou encore les réformes du baccalauréat ont déjà des effets désastreux sur les élèves (surtout sur les plus fragiles) et mettent en place la construction de parcours dans lesquels seuls les élèves et les familles les plus initiés vont pouvoir bien s’orienter, avec le risque d’inégalités territoriales (les lycées qui offrent le plus de spécialités vont essayer d’attirer les élèves les plus favorisés…).

Les textes de la loi « pour une école de la confiance » ne s’attaquent pas à la reproduction sociale et risquent au contraire de renforcer une école élitiste.

Le projet de loi pour une « école de la confiance » a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 19 février. Si certains points, comme des mesures pour l’inclusion des élèves handicapés (même si le métier d’AESH -accompagnants des élèves en situation de handicap- doit être davantage revalorisé que ce qui est proposé ) ou l’Inscription du droit à une scolarité sans harcèlement , paraissent intéressants, ce texte n’apporte pas de réponses qui soient à la hauteur de la situation.

 La loi « pour une école de la confiance » correspond bien à un projet cohérent , dangereux, tant pour l’école que pour le statut de la fonction publique (que le gouvernement Philippe veut remettre en cause.)

Nous lui reprochons trois défauts ou erreurs majeurs.

Tout d’abord de s’inscrire encore dans une logique comptable, dans l’idéologie du moins d’Etat et de la baisse des moyens alloués à la fonction publique. il y a une volonté générale de ce gouvernement en ce qui concerne la fonction publique : baisser le nombre de fonctionnaires et avoir recours à de plus en plus de contractuels.

Le gouvernement veut désormais confier des fonctions d’enseignement rémunérées aux assistants d’éducation, qui exercent aujourd’hui des missions de surveillance, à condition qu’ils préparent un concours d’enseignement . L’idée affichée dans l’article 14 de la loi est de développer des prérecrutements pour améliorer l’attractivité du métier. On peut craindre que ces personnels constituent une brigade de remplacement à moindre frais ( les AED sont payés entre 600 et 900 euros), ce qui permettrait surtout de compenser le manque de postes de professeurs. Mettre des étudiants en master qui ne sont détenteurs d’aucun concours (qui ne seront peut-être jamais enseignants !) face à des classes ne va pas sans comporter des risques.

Le texte évoque l’occasion pour les étudiants de recevoir « une formation concrète ». Il est dommage de renvoyer la formation des enseignants au terrain et à la mise en situation et de ne pas penser à améliorer la formation initiale.

Permettre par ailleurs avec la création d’  « établissements publics des savoirs fondamentaux» (création qui n’a fait l’objet d’aucune discussion préalable avec les syndicats) le regroupement d’écoles avec un collège au sein d’un même établissement, à l’initiative des collectivités territoriales de rattachement, semble obéir surtout à la volonté de mutualiser les personnels administratifs, de faciliter les services partagés primaire-collège, les regroupements de niveaux, ou bivalence… et donc de faire des économies, alors même que ce type d’organisation n’a pas fait la preuve de son efficacité en direction des élèves.

La seconde erreur consiste à renforcer une école de la concurrence. L’article 3 notamment , qui rend obligatoire la scolarisation à 3 ans est une mesure en trompe l’œil : 98% des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés ! En réalité la loi n’aura d’impact que sur 25000 élèves tout au plus, dont 7000 en Guyane ou à Mayotte (la scolarisation à 6 ans n’est pas encore acquise sur ces territoires).

 Le vrai changement apporté par la loi concerne en réalité le financement des écoles maternelles privées sous contrat : désormais l’obligation de financement par les communes sera étendue à ces dernières. Un coût difficile à assumer pour les communes et un coup porté à la mixité scolaire ainsi qu’à la laïcité !

Par ailleurs l’article 9 transforme le CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) indépendant en CEE (Conseil d’évaluation de l’école) qui sera directement sous contrôle du ministère et qui produira des évaluations rendues publiques, ce qui pourrait créer une mise en concurrence des établissements et des conduites d’évitement des établissements moins bien notés . Le Conseil national d’évaluation du système scolaire, mis en place par la loi Peillon de 2013, produisait des études de qualité et avait su trouver sa place dans le paysage éducatif . On peut se demander quelle est la logique de sa suppression. Ce remplacement du CNESCO par une officine entièrement à la main du ministre montre bien sa conception de l’évaluation. Evaluer les établissements, ce n’est pas du tout la même chose que l’évaluation des politiques publiques et du système. Mais à quoi bon évaluer sa propre politique, quand on est déjà persuadé de détenir la seule vérité, la seule possible, celle « qu’impose la recherche »…

On peut s’interroger également sur la création des EPLEI, établissements publics locaux d’enseignement international : ces établissements ont vocation à scolariser des élèves bilingues de la maternelle au lycée et seront financés en partie par des fonds privés. Ils obéiront à un système dérogatoire. Ils formeront des établissements élitistes au fonctionnement proche de l’enseignement privé et semblent s’adresser surtout aux plus aisés.

La troisième erreur relève davantage du domaine de la méthode. La méthode Blanquer est celle d’une marche forcée, autoritaire, sans dialogue social, bien loin de ce que semblent indiquer les termes consensuels et séducteurs d’« émancipation » ou « d’école de la confiance » qui sont mis en avant par la communication ministérielle. « L’école de la confiance » est une formidable antiphrase !

L’article 1 qui insiste sur le droit de réserve des enseignants et sur leur « devoir d’exemplarité » répond à quelle nécessité et à quelle urgence ? À l’heure de la mobilisation des stylos rouges, du succès du hashtag #pasdevague qui a été utilisé sur les réseaux sociaux par des enseignants qui dénonçaient  le manque de soutien de leur hiérarchie, on peut s’interroger sur l’opportunité d’une telle communication qui a heurté les enseignants ; ces derniers attendent surtout une reconnaissance de leurs missions, un soutien de leur ministre, et, alors que le gel du point d’indices des fonctionnaires se poursuit, des mesures en direction de leur pouvoir d’achat. Au lieu de cela ils se font rappeler à l’ordre et il est question d’un grand plan pour financer…l’installation de drapeaux dans les salles de classes !

En guise d’ « Ecole de la confiance », on constate surtout le règne de la méfiance vis à vis du personnel éducatif ! Ce fameux article 1 de la loi s’inscrit dans la continuité du corsetage que le ministre Blanquer est en train d’imposer aux enseignants. iI ne veut pas plus de liberté pédagogique (qu’il qualifie d’anarchisme) que de liberté d’expression. A ses yeux, et c’est cohérent avec sa croyance qu’il n’existe qu’une méthode, et que c’est la sienne, les enseignants doivent être des exécutants des circulaires que le ministère produit (cf. les 130 pages de consignes sur l’enseignement des mathématiques et de la lecture d’avril 2018)

La création des Établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, voulue par le ministre, retirée du projet de loi pour passer ensuite par le biais d’amendements, qui met les écoles primaires sous la tutelle des collèges et ce sans étude d’impact préalable, ni discussion avec la communauté éducative, est emblématique également de cette méthode autoritariste.

Par ailleurs le projet de loi présenté par le gouvernement début février sur les instances de dialogue social dans la fonction publique ne peut que nous inquiéter dans sa volonté de remettre en cause le paritarisme : la quasi totalité des compétences des commissions paritaires serait supprimée et ce texte permettrait une diminution du nombre des CHSCT (comités hygiène, sécurité, conditions de travail) en les fusionnant avec les CT (comités techniques).

Les CAP (commissions administratives paritaires ) ne seraient plus consultées sur aucun acte de gestion et ne seraient même plus des instances de recours pour les mouvements des personnels et les promotions. Cette conception du dialogue social est alarmante. Plus largement le projet de loi modifiant le statut de la fonction publique qui va être débattu dans les semaines à venir remet en cause le statut même de fonctionnaire, en proposant l’introduction d’une rupture conventionnelle y compris pour les fonctionnaires . Et la voie tracée vise à avoir de plus en plus recours au contrat plutôt qu’au statut.

Enfin, d’une manière générale Jean-Michel Blanquer suit ses idées, ses postulats, et est fermé à la discussion. La méthode Blanquer, c’est quoi ? Je décide et tout le monde exécute, en silence !

Il ne jure par exemple que par la science et les évaluations mais… ne retient que celles qui l’arrangent et qui sont produites par ses amis. Aucune étude, par exemple,  ne prouve les bienfaits des quatre jours de classe, c’est même tout le contraire. Mais il passe outre. Son rapport aux sciences cognitives relève de la foi – et il fait fi de toutes les sciences humaines, comme si le fonctionnement du cerveau et les apprentissages étaient indépendants du contexte pédagogique, social, émotionnel…

Au final, la méthode Blanquer c’est la communication, l’affichage, l’affichage de drapeaux dans les classes, la Marseillaise, les uniformes qu’il défend par ailleurs… Tout cela est merveilleux, mais ce n’est pas cela l’école républicaine !L’école républicaine, c’est celle de l’égalité et de la mixité, celle de la coopération et de l’émancipation. C’est tout le contraire de ce qu’il fait, en favorisant l’école privée (l’école à 3 ans), en accroissant les inégalités territoriales (la réforme du lycée et les choix de spécialités inégaux selon les établissements et les territoires), en adoptant des programmes si conservateurs et destinés à une minorité d’élèves qu’il provoque des démissions en cascade au Conseil supérieur des programmes.   

La pré-professionnalisation portée par le ministre ne va pas apporter toutes les réponses, loin de là, elle n’attaquera pas les racines du mal. De plus en plus de professeurs démissionnent après l’obtention de leurs concours, pour des motifs géographiques ou en raison de la dureté d’une année de stage où les tâches sont concentrées et où les attentes sont fortes .

Nous proposons de renforcer l’attractivité d’un métier qui connaît de réels problèmes de recrutement (on le voit au niveau de la baisse importante du nombre de candidats dans certaines spécialités pour les concours de l’éducation nationale- mathématiques, lettres, anglais et allemand en particulier-) en donnant aux enseignants des salaires intéressants dès le début de leur carrière et tout au long de celle-ci (on sait qu’ils font partie des plus mal payés en Europe) , en réfléchissant à une amélioration des conditions de travail des professeurs (les distances géographiques entre lieu d’exercice et lieu d’habitation sont un réel problème, ainsi que les services partagés entre des établissements éloignés les uns des autres ), et en réfléchissant à une attractivité territoriale accrue pour les zones urbaines d’éducation prioritaire mais aussi dans les territoires ruraux dans lesquels il faut créer plus de stabilité en y fixant des professeurs.

Nous voulons affirmer qu’une réforme de l’éducation nationale qui a pour idée directrice de faire des économies n’est pas à la hauteur alors même que des études montrent que la France est un des pays de l’OCDE les plus mal classés en termes d’investissement éducatif . Il faut suffisamment d’enseignants et de personnels d’accompagnement dans les écoles, les collèges, les lycées et universités de notre pays ! Cela implique de mettre fin à la baisse des postes et au recours aux contractuels … 

Nous réaffirmons la nécessité de ne pas abandonner et même de renforcer une vraie formation théorique et pratique des enseignants, exigeante, étalée dans le temps, pourquoi pas sur trois ans, ce qui serait bien plus pertinent que de parachuter des étudiants en cours de formation dans les établissements scolaires pour jouer les bouche-trous.

Pour finir ce gouvernement semble décidé à s’attaquer désormais au statut de la fonction publique ; nous réaffirmons notre attachement au service public ainsi qu’aux fonctionnaires qui sont la garantie de l’égalité républicaine et les porteurs de ses valeurs sur tous nos territoires.

« Réformes Blanquer » (1) : Une réforme du lycée incomplète, préjudiciable à la qualité de l’enseignement et menée sans aucune concertation

Depuis septembre 2017, la mise en place de la réforme du lycée s’effectue dans l’absence totale de dialogue et de concertation au niveau du ministère de l’Éducation nationale, en dépit des communiqués des associations disciplinaires, des prises de position des syndicats, des déclarations au Conseil Supérieur de l’Éducation, de l’opposition des représentants des parents, de plusieurs journées de grève.

 Aujourd’hui, les dotations horaires affectées aux établissements signifient des  classes surchargées (plus de 35 élèves par classe), des enseignements partagés (les spécialités) qui effacent l’identité des disciplines,  des spécialités choisies à l’aveugle en seconde et qui ne sont  pas proposées  dans tous les établissements, un enseignement des Mathématiques qui disparaît de l’enseignement obligatoire dès la classe de première, des options,  dédoublements  ou aides personnalisées qui disparaissent…

Quant au lycée professionnel, il est le grand oublié d’une réforme nécessaire ; au contraire l’enseignement général y est réduit et les chances d’intégration des élèves dans l’emploi diminuées.

Ces réformes sont menées à la hussarde tandis que les conditions de travail des enseignants ne cessent de se détériorer, que cette profession n’attire plus, que le système scolaire connaît une crise sans précédent.

La suppression de 2650 postes dans le second degré est l’un des objectifs non avoués de ces réformes d’économies budgétaires réalisées sur le dos des élèves ; la qualité de la formation, les conditions de la réussite et la lutte pour l’égalité des chances, sont autant d’enjeux malmenés. C’est le sens même du métier d’enseignant qui est remis en cause avec la perspective de  généraliser le recours aux contractuels et au recrutement direct par des chefs d’établissement devenus patrons et managers, l’augmentation permanente de la charge de travail, des missions d’orientation des élèves qui ne correspondent pas à leurs compétences, l’accroissement considérable du temps passé à l’évaluation  (21 épreuves d’examen réparties sur 2 ans pour le nouveau Bac 2021) au détriment de celui consacré à l’enseignement proprement dit.

Les professeurs ont exprimé leur exaspération par différentes voies : des professeurs principaux ont démissionné, des professeurs ne renseignent plus leurs notes, le principe d’une grève reconductible en période d’examen est même envisagé…

Dans cette agitation de réformes c’est le lycée qui est en danger !

Mineurs non accompagnés : victimes de tous soupçons

Le décret du 31 janvier 2019 portant sur l'identification des mineurs isolés constitue une atteinte aux droits de l'enfant, il doit être retiré.

Le ministère de Justice déclare pour l’année 2017 (les chiffres pour 2018 ne sont pas parus à ce jour), 14908 mineurs non accompagnés reconnus comme tels, et accueillis par les services des conseils départementaux. On constate une augmentation de 85% depuis 2016. Les autres chiffres sont constants que ce soit la proportion de jeunes hommes qui représentent 95% des accueillis, la provenance des jeunes en majorité guinéens (29%), ivoiriens et maliens,  ou encore les départements les plus concernés par l’accueil : les départements d’Île de France, le Nord, le Pas de calais, la Loire Atlantique et les Bouches du Rhône.

            Les mineurs non accompagnés sont désignés ainsi depuis janvier 2016 suite à la circulaire Taubira qui réaffirme le critère de minorité comme prioritaire sur celui de la nationalité et ceci en adéquation avec les directives européennes, auparavant ils étaient appelés mineurs isolés étrangers. Le ministère de tutelle est la Justice, car c’est le parquet qui détermine la minorité des jeunes et leur mise sous tutelle des conseils départementaux au titre de la protection de l’enfance.

            L’arrivée en constante augmentation des jeunes et leur prise en charge (en Loire Atlantique, entre décembre 2015 et décembre 2017 le nombre de jeunes accueillis a doublé) n’est pas sans poser des problèmes dans l’organisation globale de la protection de l’enfance avec des structures d’ores et déjà saturées. Les départements font face également à de grandes difficultés économiques malgré la contribution de l’État pendant la période transitoire de la mise à l’abri et de l’évaluation.

            Face à ces difficultés, la réponse de l’État apportée via le décret du 30 janvier 2019 pris en application de l’article 51 de la loi Asile Immigration porte atteinte à l’accueil des jeunes via la protection de l’enfance en jetant le soupçon systématique sur leur minorité. Le décret précise que dès qu’un jeune est reconnu majeur, il doit être signalé à la préfecture pour une prise en charge par les services du ministère de l’Intérieur en tant que migrant majeur. Ce décret a pour objectif de lutter contre le nomadisme des jeunes et traiter l’afflux des jeunes, le gouvernement précise que ce décret et le fichier d’appui à l’évaluation des mineurs (AEM) tend à «  mieux garantir la protection de l’enfance et lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ». A ce jour, 4 départements (Essonne, Bas Rhin, Haute Garonne, Isère) participent à l’expérimentation jusqu’en avril, date à laquelle le dispositif doit être généralisé. Paris et la Seine Saint Denis ont déjà fait savoir leur opposition à ce dispositif.

             Ce décret qui met également en place un fichage biométrique des jeunes est critiqué par les associations et par le défenseur des droits qui y voient une négation de la convention internationale des droits de l’enfant et rappellent que ces jeunes doivent d’abord être traités comme des mineurs. Les travailleurs sociaux et associations redoutent également de participer par ce dispositif à la politique de tri du gouvernement en matière d’immigration. Rappelons par ailleurs que l’État a été condamné par la cour européenne des droits de l’Homme le jeudi 28 février pour traitement dégradant sur un enfant de 12 ans ayant vécu dans la « jungle de calais ». Face à cette situation, les associations, à l’initiative d’Unicef France (c’est inédit) ont demandé au conseil d’état un retrait pur et simple du décret du 30 janvier 2019 (1). 

            Le sort s’acharne contre les Mineurs Non Accompagnés, le 21 mars 2019 , le conseil constitutionnel valide les tests osseux sur les mineurs bien que reconnaissant qu’ils «  peuvent comporter une marge d’erreur significative ». Ces tests sont basés sur les données statistiques collectées entre 1935 et 1941 sur des enfants nord américains. La marge d’erreur est estimée entre 3 mois et 18 mois. Ainsi, ces tests sont équivalents à la roulette russe. Sur le terrain, les médecins statuent généralement en établissant un âge situé entre 17 et 19 ans ! Pourquoi alors continuer d’utiliser ces tests à l’efficacité discutable et dont l’apport à la procédure demeure limité ?

            La Gauche Républicaine et Socialiste, affirme son soutien aux associations dans leur demande de retrait de ce décret qui place les mineurs non accompagnés dans un soupçon permanent et met en difficulté les travailleurs sociaux et les bénévoles. GRS salue également l’action volontariste de nombreux départements qui développent des initiatives telles que l’accueil familial des mineurs. L’État ne doit pas se servir des collectivités et des associations comme complices de sa politique migratoire répressive.

(1) https://www.unicef.fr/article/non-au-fichage-des-mineures-non-accompagnees

La défaite territoriale de Daech, une victoire en trompe l’œil ?

A écouter les dirigeants occidentaux, la bataille de Baghouz aurait mis un terme à la guerre avec Daesch. Et Trump de parler de « victoire ».

La réalité nous invite à moins de triomphalisme.

S’il faut se réjouir de la défaite infligée au soi-disant État islamique, il serait aventureux de penser que l’affaire est close.

D’abord, si un tiers environ de ses 40 000 à 50 000 combattants a été mis hors de combat, nombreux sont ceux qui ont pu se replier en Égypte, en Libye ou ailleurs.

Ensuite, le mouvement peut ensuite compter sur un trésor de guerre de plusieurs centaines de millions de dollars constitué à partir de ventes de pétrole ou des prélèvements opérés sur les populations des territoires occupés.

Enfin, même gravement affectée par les combats, son organisation reste sa force et peut laisser craindre des résurgences ici ou là facilitées par la persistance de tensions régionales structurelles : territoires sunnites libérés par des forces chiites ; populations arabes administrées par des organisations kurdes ; concurrence entre puissances régionales péniblement arbitrées par la Russie et les Etats-Unis, en rivalité sur le terrain, notamment pour la vente d’armes à la Turquie.

Dans un tel contexte on ne peut être qu’inquiet sur l’avenir une fois de plus réservé à nos amis kurdes qui auront plus que jamais besoin de notre solidarité et du soutien de la France.

La déstabilisation de la région procède de la longue histoire, depuis le renversement par la CIA du gouvernement démocratiquement élu de Mossadegh en Iran en 1953, à la guerre d’Afghanistan et les interventions armées en Irak. L’ingérence atlantique dans la région a toujours eu deux caractéristiques : l’or noir, décisif pour l’économie américaine, et le choix de l’alliance privilégiée avec les régimes fondamentalistes.

Ce serait une erreur de penser aujourd’hui que cette histoire aurait cessé de produire ses effets délétères.

Dérèglement climatique : vers une écologie populaire !

D’après le dernier rapport du GIEC, « le réchauffement du climat ne fait aucun doute et est désormais attesté par l’augmentation observée des températures moyennes de l’air et de l’océan, la fonte généralisée de la neige et de la glace et l’augmentation du niveau moyen de la mer ». Ainsi, la température moyenne à la surface du globe a déjà augmenté de + 1,1°C depuis l’époque préindustrielle.
La hausse des températures moyennes à la surface du globe est la première conséquence attendue et constatée des émissions massives de gaz à effet de serre. Or, les relevés météo enregistrent des anomalies positives de températures qui se confirment d’année en année par rapport aux températures enregistrées depuis le milieu du XIXe siècle.

Il n’y a pas de doute possible quant à la responsabilité des activités humaines sur ces changements. Mais à qui profitent ces activités humaines ? Oxfam, dans son dernier rapport sur les inégalités, démontre que l’an dernier 26 personnes possédaient autant que les 3,8 milliards de personnes qui composent la moitié la plus pauvre de l’humanité.

Ces milliardaires, qui dirigent les plus grandes entreprises de la planète, ont également en main l’avenir même de la planète. Pour cela, ils disposent de la complaisante bienveillance des gouvernements libéraux du monde. Des États-Unis, en passant par la Commission européenne, et par son prétentieux « Héraut » Emmanuel Macron, sacré « Champion de la Terre » à son début de mandat, tout est en place pour ne rien changer et garder ainsi le cap de la trajectoire mortifère qu’ils nous imposent.

À la différence de celles et ceux qui croient qu’il est possible de verdir et de moraliser la mondialisation financière, nous sommes convaincus qu’il faut changer l’ordre du monde pour sortir de cette dynamique . Car au-delà de la crise écologique, c’est bien un problème existentiel qui est posé à l’humanité : celui d’une minorité défendant à corps perdu un mode de vie prédateur et égoïste qui n’est pas viable. La solution ne pourra venir que de la mise sous contrôle des puissances économiques et financières qui, en voulant faire la loi du monde, provoquent son chaos. La solution ne pourra venir que de la transformation de notre société consumériste en une société plus sobre, plus harmonieuse et mieux intégrée à son environnement. Les propos tenus par Nicolas Hulot pour expliquer sa démission articulent très clairement le cœur du problème et l’ampleur de la bifurcation à mettre en œuvre : « La planète est en train de devenir une étuve, nos ressources naturelles s’épuisent, la biodiversité fond comme neige au soleil. Et on s’évertue à réanimer un monde économique qui est la cause de tous ces désordres ! »

Le dérèglement climatique fait voler en éclats l’échafaudage idéologique sur lequel repose le conservatisme contemporain. Un système de croyances qui vilipende l’action collective, dénigre le secteur public et pourfend toute réglementation est fondamentalement inconciliable avec la résolution d’une crise qui exige précisément une mobilisation collective à une échelle sans précédent. La myopie du système marchand ne saurait prendre en compte le long terme. Or, s’il est un domaine où cette exigence est absolue, c’est bien celui de la préservation de notre environnement. La transition écologique s’impose, et exige une stratégie déterminée, permanente et progressive. Elle impose des efforts majeurs dans la recherche scientifique et l’innovation sociale. C’est pourquoi nous défendons le processus de planification écologique. Elle doit s’opérer tant au niveau national que régional, car il s’agit de valoriser toutes les potentialités du territoire. La relocalisation des activités, les circuits courts, l’économie circulaire, le “Fabriqué en France” sont autant d’objectifs que nous entendons intégrer à cette planification.

Nous défendons une écologie populaire.

Nous entendons lier le combat social et le combat écologique en devenant pleinement écosocialistes : on ne peut concevoir une écologie qui contribuerait à aggraver les inégalités sociales. Retenons quelques principes : chacun doit contribuer à proportion de ses facultés respectives, il ne saurait y avoir de contraintes ou d’augmentation des taxes s’il n’y a pas d’alternative accessible et, quand la fiscalité écologique touche les foyers modestes, elle doit être compensée (baisse de la TVA sur les produits première nécessité par exemple).

Préserver la biodiversité

La Terre abrite une extraordinaire diversité biologique, et la France recèle en particulier près de 19000 espèces endémiques que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde. Elle figure ainsi parmi les dix pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées au niveau mondial. La préservation de la biodiversité n’est pas une lubie de poètes. Elle répond à un impératif vital, et à une urgence existentielle. Les principales menaces sont connues : l’artificialisation de la terre, l’acidification des océans et le dérèglement climatique.

L’utilisation massive, par l’agriculture, de composés chimiques comme les pesticides n’est pas seule en cause. L’utilisation dans l’ensemble des activités économiques de composés synthétiques issus de l’industrie chimique et leurs sous-produits engendrés par des procédés industriels regroupés sous la dénomination des perturbateurs endocriniens, menace directement la santé des populations. Or la santé dépend autant de la qualité des conditions de vie, de la prévention et de l’amélioration de notre alimentation, que des progrès de la médecine.

Engager la révolution agricole

La France, grand pays agricole, doit engager sans tarder une transformation profonde de son modèle agricole actuel. La productivité n’a jamais été aussi élevée, tandis que la majorité de nos agriculteurs n’a jamais aussi mal gagné sa vie. En 2016, la moitié des exploitations agricoles françaises affichaient un Revenu Courant Avant Impôt par actif inférieur à 14000 euros. Plus de la moitié des 800000 paysans vit dans la grande pauvreté avec des revenus mensuels ne dépassant pas 350€.
Le productivisme agricole contemporain n’a que faire du bien-être animal, de la santé, de la qualité et de l’intérêt général humain. Sauf à se rendre complice des pires dérives sanitaires et écologiques, nous ne pouvons plus laisser faire des aberrations comme les « fermes des 1000 vaches ». Nous devons défendre partout dans le monde le principe de souveraineté alimentaire. Il faut réformer nos techniques agricoles pour qu’elles soient plus résilientes et plus respectueuses de l’environnement, afin de permettre aux fermes et à leurs exploitants de survivre dans un contexte climatique changeant. La priorité publique doit aller à l’agriculture raisonnée et surtout biologique, aux logiques de proximité (des circuits courts, au produire local), au respect de la saisonnalité .

Une réorientation massive des fonds de la PAC, qui représentent près de 9 milliards d’euros, ne suffira pas. Il faudra consentir un effort budgétaire conséquent de plusieurs milliards d’euros pour que la France démontre à l’Europe et au Monde qu’un autre mode de production agricole est, non seulement indispensable à la protection de la planète, mais possible, et bénéfique pour la santé des populations et la juste rémunération des agriculteurs.

Réussir la transition énergétique

Enfin, il est indispensable de faire de la lutte contre l’effet de serre une réalité quotidienne. L’investissement massif pour l’isolation thermique des logements, le développement des réseaux de chaleur, et la conversion de l’habitat en centrales énergétiques autonomes doivent devenir une priorité.
En matière de transport, la filière automobile française doit être accompagnée et soutenue pour rendre les véhicules plus sobres et moins polluants, développer les filières électrique et hydrogène. Enfin, c’est toute l’architecture de nos systèmes de transport qui doit être repensée de façon à réduire leur empreinte énergétique. Donner la priorité aux transports publics, les rendre plus accessibles, favoriser les mobilités douces, combinées ou partagées, réduire les distances entre domicile et travail, nous impose de réinventer notre conception même de l’aménagement du territoire.
Réussir la transition écologique, c’est ainsi une promesse de création de très nombreux emplois.

L’énergie doit par ailleurs redevenir un bien public, afin que les Français aient tous accès à une énergie sûre, de qualité et à bas coût. La privatisation des barrages hydroélectriques, initiée par le gouvernement Valls, confirmée fin janvier 2018 par le gouvernement Philippe, est une trahison des intérêts nationaux. Les directives européennes ont imposé la privatisation des barrages pour répondre à la logique libérale. L’objectif est clair : séparer la production de la distribution, casser ce qui est critiqué comme un « monopole d’État » pour mettre en concurrence les fournisseurs.
À l’évidence, une telle ambition pour la France rend la nationalisation à 100% d’EDF, d’Engie et de GRDF incontournable. Soyons en persuadés, la transition énergétique est un processus de longue haleine qui requiert une volonté sans faille, depuis la résistance aux lobbies jusqu’aux changements des comportements individuels.

Cette perspective de long terme impose une tutelle publique sur l’investissement énergétique afin de multiplier par deux, sur dix ans, le recours aux énergies renouvelables. Le défi est immense mais l’humanité n’a pas d’autre choix que de le relever.

Il s’agit enfin d’inventer une société nouvelle, plus sobre et plus durable. Républicains écosocialistes, nous ne séparons pas l’avenir de l’être humain de celui du monde vivant. Notre parti prend donc résolument le parti du vivant.

Le 16 mars, la Gauche Républicaine et Socialiste est mobilisée pour la Marche du Siècle, pour la justice climatique.

Nous avons besoin de vous !

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