Le démantèlement de l’hôpital public n’est pas un fantasme

Une tribune de Caroline Fiat, députée Gauche républicaine &
socialiste (membre du groupe parlementaire La France Insoumise)

La période d’épidémie du Covid-19 mobilise entièrement la nation. Chaque français joue un rôle dans cette lutte contre l’expansion du virus. Les professionnels de santé, en première ligne, tous ceux qui continuent à maintenir à flot certains secteurs essentiels – en seconde ligne, et tous les français en s’adaptant et en respectant les règles liées au confinement.

Pour l’heure, le Président de la République Emmanuel Macron l’a rappelé, l’objectif est d’être uni dans la lutte contre le virus, d’être responsable pour mener la guerre.

Néanmoins, l’expression de visions alternatives est un impératif – c’est la raison de la reprise des travaux du Parlement, même dans un format réduit – et le moment nous donne plus que jamais l’occasion de prendre du recul sur les politiques de ces dernières décennies pour comprendre ce qui a conduit à la situation catastrophique que nous connaissons. 

Dans ce contexte, Frédéric Lordon, économiste de formation, chercheur en philosophie sociale au CNRS, a trempé sa plume dans le vitriol pour attaquer le système néolibéral, architecte de cette construction bancale qui s’effondre devant nos yeux. Le feuillet encore chaud, Eric Verhaege, haut-fonctionnaire, contributeur à Contrepoints et FigaroVox lui a répondu avec véhémence laissant entendre que le budget la Sécurité sociale et plus précisément celui de nos hôpitaux ne s’étaient jamais si bien portés ces dix dernières années. D’un côté il y aurait le ressenti des soignants et des français, de l’autre la réalité des chiffres.

Jouons le jeu. Regardons ce que nous disent les chiffres justement sur la situation de l’hôpital public aujourd’hui. 

Lorsque l’Eric Verhaege affirme que le budget des hôpitaux a connu une hausse de 25% entre 2009 et 2020, soit deux fois plus rapide l’inflation, il oublie de dire que les charges des hôpitaux ont, elles, cru bien plus rapidement du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques. 

L’énarque fait ici preuve d’une remarquable malhonnêteté intellectuelle puisque pour juger de la bonne santé de notre hôpital public, il se contente d’en observer le budget, hors de tout contexte. Mais le démantèlement d’un service public ne s’observe qu’en comparant les recettes avec les charges induites par les besoins à satisfaire. En d’autres termes, il faut calculer les économies réalisées.

Chaque année, l’hôpital voit ainsi ses charges augmenter d’environ 4%. Dès lors, lorsque son budget ne croit que de 2% par an, le compte n’y est pas. Ainsi, en 2018, malgré un budget en hausse, les hôpitaux devaient réaliser 960 millions d’euros d’économies. En 2019, rebelotte à hauteur de 650 millions d’euros cette fois-ci. 

Lors du vote du budget pour 2020, malgré l’annonce en grande pompe d’un « Grand plan pour l’hôpital », 800 millions d’euros d’économies étaient demandés aux hôpitaux et 4,2 milliards à l’Assurance maladie. On arrive à un total de 12,2 milliards d’économies sur les dépenses de santé depuis l’arrivée de Macron. Les chiffres font froid dans le dos, la réalité encore davantage.

Regroupements hospitaliers, fermetures de maternités (plus de la moitié en seulement 40 ans), incitation croissante à la pratique libérale… les faits sont têtus. 

Eric Verhaege juge que la fermeture des lits n’est que le corollaire des progrès scientifiques en matière de médecine ambulatoire. Il pointe alors « la fermeture assez naturelle du nombre de lits, devenus inutiles faute de malades en nombres suffisants. » Il fallait oser ! L’argument serait risible s’il n’y avait pas une réalité soignante derrière
faite de souffrance au travail. Courir d’un service à un autre pour trouver un lit de libre à un patient est devenu le quotidien dans certains services, tout particulièrement les services d’urgence. Non les 100 000 lits fermés ces 20 dernières années ne sont pas le simple fait de fulgurants progrès en santé.

Par ailleurs, quand il fait état d’une bureaucratie plus souple dans les structures de santé privées qu’au sein de l’hôpital public, il fait fi des différences de patientèles et de soins pris en charges. En effet, le privé se paie le luxe de choisir ses soins et ses patients. Ainsi, tandis qu’une clinique privée pratique essentiellement de la médecine en ambulatoire, les structures publiques doivent prendre en charge les hospitalisations de longue durée, ce qui induit nécessairement des charges administratives supplémentaires.

Il aura fallu un virus, le Covid-19 pour que soient ébranlées les certitudes austéritaires de nos dirigeants. Car en effet, l’heure est au mea culpa. Le Président de la République a annoncé, ce Mercredi 25 mars, à Mulhouse, qu’un grand plan sur la santé aura lieu à la suite de cette crise. Il atteste du fait que, jusqu’à présent, ce secteur a manqué terriblement de moyens.

Quelques remarques et inquiétudes sur les lois d’urgence pour lutter contre la propagation de l’épidémie de #COVID_19

Ce matin commence en commission à l’Assemblée nationale le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020 et au Sénat sur les projets de loi organique et ordinaire pour prendre des mesures d’urgence et faire face à la propagation de l’épidémie de COVID-19.

Passons rapidement sur le projet de loi organique qui concerne les délais de traitement des dossiers soumis au Conseil Constitutionnel car c’est celui qui pose le moins de problème. Actuellement la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est encadrée par des délais devant les juridictions administratives et judiciaires et le Conseil constitutionnel. Ainsi, l’absence d’examen, dans un délai de 3 mois, des QPC soulevées dans le cadre d’un litige devant le Conseil d’État et la Cour de cassation entraînerait le dessaisissement de ces juridictions et la saisine du Conseil constitutionnel. Or le confinement et la crise sanitaire empêchent ces juridictions de se réunir dans un cadre adéquat ce que ces délais puissent être respectés. Aussi, le projet de loi organique prévoit que le délai de 3 mois de transmission des QPC par le Conseil d’État et la Cour de cassation ainsi que le délai de 3 mois dans lequel le Conseil constitutionnel statue sur une question transmise soient suspendus jusqu’au 30 juin 2020.

Concernant le Projet de loi de finance rectificative, sa présentation même était un passage obligé pour pouvoir mettre en oeuvre d’une garantie de l’Etat relative aux prêts consentis par les banques et établissements de crédit, et ceci avec pour un montant maximal de 300 milliards d’euros (Mds€). Ce qui implique une première remarque : Pourquoi les garanties en France ne sont que de 300 Mds€ alors que l’Allemagne monte à 550 Mds€ ? Ils ont 14 millions d’habitants en plus et de meilleurs comptes publics mais est-ce qu’on en est à chipoter au risque de ne pas être à la hauteur ?
D’un point de vue technique, il reste extrêmement lacunaire à quasiment tous les égards et devra s’accompagner d’un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques pour être crédible. Il ne l’est en effet pas à ce stade.
Sur le contenu, le texte manque indéniablement de précision, voire de clarté à plusieurs niveaux et, une nouvelle fois, met en lumière des « décisions » gouvernementales dont la véracité n’est à ce stade pas attesté. Les dépenses réellement engagées par l’Etat seront en toute hypothèse très éloignée des 45 Mds€ annoncés et représenteront un montant pour l’Etat de 15,4 Mds€ si l’on se base sur le référentiel retenu par le gouvernement.

Le projet de loi ordinaire sur les mesures d’urgence et qui crée l’état d’urgence sanitaire pose plus de difficultés. Au regard du caractère inédit de la situation et de l’émotion (légitime) qui en résulte, les mesures qui doivent être prises doivent être exceptionnelles, expérimentales, originales… mais c’est un moment délicat pendant lequel le risque existe de faire passer des mesures excessives et dangereuses à court terme et de créer des précédents douteux à long terme. Notre boussole doit évidemment être l’intérêt général et l’efficacité face à l’épidémie. Cela n’est pas à discuter. Mais il ne peut être question de mettre la démocratie entre parenthèses, ou de confier d’une manière ou d’une autre les pleins pouvoirs à qui que ce soit quel qu’en soit le prétexte. La création d’un “état d’urgence sanitaire” est donc inédit et il conviendrait que le contrôle parlementaire soit renforcé pour assurer le suivi de sa mise en oeuvre et la sortie du dispositif. Le recours aux ordonnances extrêmement nombreuses dans ce projet de loi paraît logique vue l’urgence de la situation, mais elles touchent des champs tellement larges que le contrôle des modifications qui seront opérées du point de vue économique et social sera compliqué sinon impossible après coup. Le Gouvernement nous demande une confiance absolue… Nous sommes pour la confiance méfiante.

En effet, les article 6, 7, 8 et 9 de l’avant projet de loi semblaient initialement particulièrement respectueux du Parlement (limite du décret instituant l’état d’urgence sanitaire, vote d’une loi pour le proroger au-delà de 12 jours, fin de l’EUS en cas de démission du gouvernement ou de dissolution du parlement, information du parlement par le gouvernement de toutes les mesures exceptionnelles prises…) ; or le décret tel qu’il est définit par le projet de loi porte à un mois l’instauration de l’état d’urgence sanitaire sans contrôle réel du parlement ; tout cela dans une période sans possibilité de contrôle juridictionnel de la proportionnalité des mesures. L’article 10 définit ce que l’état d’urgence sanitaire permet au gouvernement : limiter la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et procéder aux réquisitions nécessaires. Ces mesures doivent être proportionnées aux risques encourus et appropriées. Mais il est indiqué “Il est mis fin sans délai aux mesures mentionnées à au premier alinéa dès lors qu’elles ne sont plus nécessaires.” Or qui décide ? le gouvernement tout seul ? On peut donc s’interroger ici légitimement sur la façon dont seront conduites les choses…

D’autre part il est à noter que l’article 12  reprend des dispositions déjà existantes concernant les mesures qui peuvent être prises par les représentants de l’Etat dans les territoires et qui existent déjà dans la loi (cf. Article L. 3131-1 du code de la santé publique actuellement en vigueur).

C’est dans la lecture des ordonnances prévues par ce projet de loi que notre interrogation grandit donc, car les mesures envisagées dans le domaine économique et social pourraient ne pas être limitées dans le temps contrairement à ce qui est prévu pour toutes les mesures concernant des sujets de police administrative. Notons encore que la conformité au droit européen n’est d’ailleurs rappelée dans ce projet de loi que pour les questions économiques et sociales et non pour les libertés publiques…

Point commun de toutes ces mesures : on tourne déjà le dos au discours de Macron de jeudi sur le “Quel que soit le coût”. L’exécutif choisit donc dans ces domaines de limiter les coûts pour les entreprises au détriment des droits et surtout de la protection des salariés, c’est également une manière de ne pas mettre l’Etat dans une situation où il aurait à indemniser ou soutenir économiquement trop d’entreprises : on fait donc le lien avec un projet de loi de finances rectificative pour 2020 lacunaire, comme nous le disions plus haut, et cela au prix de la sécurité des salariés. Il faut donc regarder à l’article les sous alinéas suivants :

iii) modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis par le livre 1er de la troisième partie du code du travail , les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;

On veut permettre aux employeurs de contraindre les salariés à poser leurs jours de Congés payés, RTT et d’utiliser leur Compte Epargne Temps dès maintenant.
Les employeurs, qui font déjà pression sur les salariés en ce sens depuis plusieurs jours, vont avoir intérêt à privilégier cette solution, moins chère et contraignante que le recours à l’activité partielle.
Et les salariés n’auront plus de congés au moment de la reprise de l’activité, notamment cet été, pour récupérer d’une période stressante physiquement et psychologiquement.
Cela pose aussi un problème considérable de rupture d’égalité entre salariés, selon que l’entreprise aura ou non déposé un dossier de recours à l’activité partielle, et aussi selon que le recours au télétravail ou à l’arrêt maladie pour garde d’enfant de moins de 16 ans est possible ou non : des congés d’ici la fin de l’année pour les uns, aucun pour les autres.
Enfin, l’expression “modifier les conditions d’acquisition de congés payés” peut également permettre de toucher à la période d’acquisition des CP, en principe aujourd’hui entre le 1er juillet le 30 juin, afin de permettre aux entreprises de maximiser les congés à prendre dès maintenant.

iv) permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;

Cette mesure générale devant être précisée par ordonnance est très dangereuse. La situation est déjà extrêmement difficile pour ceux qui doivent travailler en présentiel. Va-t-on jusqu’à remettre en cause les durées de repos minimales du droit européen (repos journalier de 13h, hebdo de 24, 48h max hebdo…) ?
On ne peut pas demander aux quelques salariés qui doivent continuer à travailler, pour des raisons évidentes compte tenu de leur activité, de se tuer à la tâche. Il faudrait au contraire les ménager pour qu’ils tiennent dans la durée, organiser les roulements, le repos, etc.

viii) modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis nécessaires dans les délais impartis ;

Tout dépend de ce que contiendront les ordonnances. Si c’est pour suspendre les délais de consultation des Comités sociaux d’Entreprise (CSE) sur les projets en cours, c’est heureux, mais à condition que la mise en œuvre de ces projets d’entreprise soient eux-mêmes suspendus ; mais cela nous paraît assez improbable. Ce sont donc les salariés qui en feront les frais.
Si c’est pour permettre aux entreprises de remettre en cause toute procédure d’information/consultation des CSE, ou pire, toute obligation de les réunir par visio-conférence, c’est dangereux et largement absurde, dans la mesure où il est au contraire indispensable dans la période de réunir les comités pour les associer à la recherche de solutions concertées, intelligentes, sur-mesure, au bénéfice des salariés comme des entreprises. C’est ce que demandent les CSE, les organisations syndicales et à bien des égards les entreprises qui cherchent des solutions intelligentes et adaptées dans la période.

Aucune interpellation, ou rappels à l’ordre, de la part des des salariés, CSE et organisations syndicales dans les entreprises ne peut être prise au sérieux, puisque il n’y a plus de justice et plus d’inspection du travail. Donc pas d’enquête ni inspection dans les entreprises (confinement), et pas de sanction possible pour les manquements. Et les entreprises commencent à bien le comprendre. 
Il reste donc les médias, et la politique, mais évidemment dans les circonstances il va être facile pour les démagogues de dénoncer les alertes des représentants des salariés et de les faire passer pour des caprices puisqu’on garantit le maintien des emplois. 
Nous devons pourtant absolument faire entendre le message qu’il faut protéger ceux qui travaillent parce qu’on a jamais eu autant besoin d’eux. 

CORONAVIRUS : UN PLAN D’URGENCE s’impose immédiatement en France et en Europe CONTRE LA CRISE

 L’Union européenne prend à peine conscience de lampleur de la crise sanitaire, économique, financière et sociale déclenchée par le coronavirus, en bricolant dans la précipitation quelques milliards de redéploiements de crédits budgétaires.

la France se prépare mais nos concitoyens peinent à se projeter dans l’hypothèse d’une aggravation massive de la contamination. En la matière le principe de précaution doit absolument prévaloir.

Hormis lItalie, qui vient de prendre des mesures draconiennes (de confinement des populations, mais aussi, ça s’est moins remarqué, de déblocage de crédits dun montant de 25 milliards !), les Etats-membres bafouillent leur riposte sans véritable coordination.

Néanmoins, quelques idées forces émergent de la confusion générale et surtout apparaissent absolument urgentes soutien du système de santé, particulièrement hospitalier pour soigner tout le monde; développement des tests et bonne coordination avec les médecins de ville, protection réelle des personnels soignants et paramédicaux, soutien des entreprises et des salariés pour prévenir les faillites et les licenciements ; relance monétaire et budgétaire pour enrayer la récession.

Si Emmanuel Macron souhaite rétablir une confiance qui seffondre au rythme de la propagation du virus (2,5 fois plus de personnes contaminées tous les5 jours), il na plus le choix : ce soir il doit annoncer des décisions massives, globales qui embrassent tous les champs d’abord sanitaires mais aussi économiques et sociaux.

1- Soutien du système de santé et particulièrement hospitalier

Contrairement à la communication chauvine du Gouvernement qui dénigre depuis quelques jours la qualité du système de santé italien, ce dernier na pas à rougir par rapport au nôtre. Dans le classement par pays de la qualité des soins de lOMS, la France est certes première, mais lItalie estdeuxième. Il faut donc sans délais sinspirer, voire copier ce que nos grands frères transalpins ont fait : recrutement de milliers de personnels de santé, acquisition des matériels adéquats (notamment les respirateurs), ouvertures de lits de réanimation (la France nen possède que 5000, contre 20.000 en Allemagne).

D’un point de vue industriel, les entreprises pharmaceutiques doivent impérativement reprendre la fabrication locale, et non plus délocalisée en Chine, des principes actifs et de toutes les molécules utiles. Les fabricants dappareils médicaux doivent être mobilisés comme en économie de guerre (nous ne faisons ici que reprendre une expression deJacques Attali), mais à prix règlementés. Un programme immédiat de production dans l’hexagone des matériels médicaux ou de protection ainsi que de médicaments devrait être arrêté, dans les jours qui viennent, pour faire face aux besoins les plus tangibles et initier un mouvement qu’il faudra amplifier dans la durée de re localisations industrielles.

D’un point de vue budgétaire, il faut immédiatement, au regard d’un cas de force majeure déroger au cadre fixé par le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale et se soustraire à la limitation de l’ONDAM ( on ne peut s’empêcher de regretter de ne pas avoir été entendus lorsque dans le débat budgétaires nous alertions sur une remise à niveau de l’hôpital public qui était sous tension et ne pourrait faire face à de graves crises. l’arrogance de Mme Buzyn n’avait d’égal que son mépris pour les professionnels pourtant très inquiets de la situation). Dés à présent plusieurs mesures devraient être prises d’une part une augmentation générale des salaires dans la fonction publique hospitalière avec l’annonce d’une négociation ultérieure pour la revalorisation de certains métiers d’autre part l’annonce de recrutements immédiats pour faire face aux besoins. La revalorisation des salaires et des conditions de travail est un impératif pour pourvoir les postes existants ou à créer. Des crédits supplémentaires de fonctionnement sont aussi indispensables.

Les paroles sur le dévouement des soignants et personnels ne suffisent pas. Et en tout cas, nous avons déjà payé – et payons encore- très cher l’austérité dans le secteur de la santé. Il n’est pas imaginable qu’il y ait la moindre limite budgétaire qui puisse prévaloir aujourd’hui.

2- Soutien des entreprises et des salariés

La crise financière qui frappe actuellement les bourses du monde entier aura des conséquences sur la solvabilité des banques. Lesquelles resserreront leurs crédits, tant dinvestissement que de trésorerie, aux entreprises. Lesquelles sont au surplus menacées de faillite par l’arrêt de lactivité économique. Le Gouvernement doit non seulement mobiliser la Banque Publique dInvestissement pour apporter sa caution au maximum de PME, mais il doit aussi placer sous tutelle toutes les banques françaises afin que le soulagement de la charge financière des entreprises soit total. Dans certains cas, il faut envisager la pure et simple annulation d’impôts ou de cotisations, car certaines entreprises n’auront pas seulement des problèmes de trésorerie mais des capacités à résorber les pertes d’activités.

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S’il s’avère nécessaire de placer des salariés en chômage partiel ou technique (par exemple faute dapprovisionnement en composants chinois), la compensation de la perte de salaire doit être intégrale. Dans le même temps, il faut annuler la réforme de lassurance chômage, comme le demandent tous les syndicats de travailleurs. Enfin, il conviendrait de rétablir l’autorisation administrative de licenciement, de manière à empêcher les licenciements opportunistes ou boursiers infligés au prétexte du coronavirus. En tout cas il convient de réunir une conférence sociale tripartite les partenaires sociaux, état. De la même façon, il convient de prendre des mesures dans la fonction publique avec en autre l’abandon du jour de carence.

3- Relance monétaire et budgétaire

Certaines Banques centrales ont mis en œuvre des mesures de desserrement monétaire dès la semaine dernière. Ainsi la FED a baissé son taux directeur de 0,5 point. Mais il faut faire plus. Les Banques centrales doivent reprendre au plus vite leurs programmes de rachats de dettes souveraines, interrompus ou fortement atténués depuis un an et demi. Cela soulagera bien sûr les banques, mais leur mise sous tutelle permettra dorienter largent non plus vers la spéculation mais vers l’économie réelle.

Mais la reprise de ces programmes « d’assouplissement quantitatif » (ou, en bon français, de planche à billets), qui devra être étendue y compris à la Grèce (qui en est actuellement exclue), soulagera surtout les Etats. En annulant une partie de leur dette publique, ces rachats de titres offriront plus de marge de manœuvre aux Etats pour soutenir lactivité économique (ou plutôt son redémarrage après l’arrêt des mesures de confinement) et les divers dégrèvements sociaux et fiscaux accordés aux entreprises. On l’a vu, l’Italie a débloqué 25 milliards. Un programme similaire est en cours de finalisation au Royaume-Uni. Toute la zone euro doit faire de même.

Au delà, l’injection directe de financements par la BCE auprès des structures publiques comme les hôpitaux doit être envisagée afin d’éviter les lourdeurs et les pertes en ligne.

La règle d’or budgétaire ne sapplique plus, dans la mesure où nous faisons face aux « circonstances exceptionnelles » prévues par le TSCG, mais ce sont toutes les normes austéritaires inscrites dans les autres traités européens qui doivent être abrogées (3% de déficit, 60% de dette publique, « recommandations » de la Commission européenne, « semestre européen » etc). Il va sans dire que si lEurope ne se met pas daccord sur ces points, la France devra prendre seule les mesures adaptées à ses besoins (y compris en mobilisant la Banque de France, même en labsence daccord de la BCE).

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Le coronavirus agit comme un révélateur : révélateur de limpasse de laustérité, révélateur de celle de la mondialisation. En quelques jours, cette pandémie nous a appris que les besoins de lhumanité ne sauraient être contraints par la gestion comptable, ni par la rentabilité des délocalisations dans des pays lointains. Il montre le rôle majeur des services publics, des entreprises publiques qui doivent porter l’intérêt général donc en avoir les moyens. Ce qui suppose de rompre avec la logique libérale qui prévaut depuis trop longtemps. Il est urgent, et même vital pour la France et l’Europe, d’en finir avec laustérité et de sengager résolument et durablement sur la voie de la relocalisation de leur économie.

LE CORONAVIRUS ET LA BATAILLE CULTURELLE

Les places financières mondiales se sont effondrées en ce début mars. Une telle violence des baisses d’indices, de l’ordre de 20% en quelques séances, n’avait plus été observée depuis le krach de 2008. Plusieurs facteurs se sont conjugués pour aboutir à ce désastre : des anticipations de croissance moroses, l’arrêt de l’activité en Chine pour cause de coronavirus et un vif désaccord entre Saoudiens et Russes sur la production de pétrole.

Chronologiquement, c’est ce dernier facteur qui a précipité la chute. L’Arabie Saoudite était plutôt encline à réduire la production et soutenir ainsi les cours du baril. La Russie se disait pour sa part qu’un baril durablement sous les 40 dollars pourrait détruire l’industrie américaine du pétrole de schiste (dont le seuil de rentabilité se situe au-delà des 50 dollars). C’est le point de vue de cette dernière qui a finalement prévalu. Mais les cours du pétrole étaient déjà bas, reflétant la faiblesse de l’économie réelle, dès avant l’impact du coronavirus. La gestion de la maladie par la Chine n’a fait qu’aggraver une situation latente de surproduction – et donc de survalorisation des cours de bourse.

A présent, on ne peut que redouter les effets dévastateurs de la crise financière sur la sphère productive. Les banques vont essuyer des pertes colossales et réduire encore davantage l’accès des entreprises au crédit (investissements et surtout trésorerie). De l’autre côté, le coronavirus entraîne non seulement des ruptures d’approvisionnement mais aussi des reports voire des annulations pures et simples d’évènements, de transports, de voyages touristiques et professionnels, etc. Ce premier trimestre 2020 subit donc à la fois un choc d’offre et un choc de demande. Tout (en tout cas beaucoup) dépend maintenant de la vitesse de récupération de la Chine, atelier du monde.

Si l’Empire du Milieu se remet en marche d’ici quelques semaines, peut-être que l’économie repartira. Mais ça n’est qu’un « peut-être » car pour de très nombreuses entreprises et secteurs d’activité, « quelques semaines » veut dire une éternité. Faute de clients, de pièces détachées et de crédit, des milliers d’entreprises pourraient avoir entretemps déposé leur bilan.

Mis à part les mesures conjoncturelles que prendront les gouvernements pour atténuer ces chocs (inondation de liquidités sur les marchés, dégrèvements fiscaux et sociaux, voire même des relances budgétaires), la grande question que pose évidemment cette crise est celle de notre dépendance matérielle à la Chine. La consommation mondiale et notamment occidentale, s’appuie sur une production dont la chaîne de valeur remonte presque toujours là-bas. Hormis quelques niches de type armement ou centrales nucléaires, toute notre industrie contient du Made in China. Si la Chine s’effondre, nous ne pouvons plus produire de voitures, d’avions, d’appareils électroniques, de machines, de médicaments, ni même de vêtements ou de maisons.

C’est si vrai que l’effet le plus catalyseur, intellectuellement, du coronavirus a été de convertir des amoureux de la mondialisation heureuse comme Thierry Breton ou Bruno Le Maire aux vertus de la souveraineté économique. C’est à peine s’il faut se pincer, pour être sûrs de bien les entendre expliquer aujourd’hui le contraire de ce qu’ils nous infligeaient hier. Ils prononcent le mot « relocalisation ». Ils ne font plus des sauts de dix mètres sur leur chaise lorsqu’on leur suggère que le concept de « démondialisation » n’est pas si stupide, ni soviétique, ni vénézuélien que tous les idéologues néolibéraux nous l’enseignaient jusqu’il y a deux mois. On commence à se dire que passer des accords de libre-échange avec l’Australie pour lui acheter du bœuf ou la Nouvelle-Zélande pour lui acheter du lait, n’est pas forcément d’une rationalité économique évidente.

Même l’Union européenne bruisse de ces réflexions sacrilèges – lesquelles ne sont certes pas encore parvenues au cerveau du Commissaire au Commerce international (ce qui s’explique sans doute par la lenteur des influx nerveux chez les dinosaures). Même l’Allemagne (!!!!) convient que la règle d’or budgétaire est un peu trop rigide.

Nous assistons donc aux prémices d’une victoire culturelle. Les faits nous donnent raison. La tension extrême dans laquelle se déploient les flux économiques et financiers mondiaux est en train de se rompre, nous laissant momentanément à poil, et honteux – par exemple de devoir compter sur la Chine pour fournir l’Italie en appareils de réanimation médicale, ou Sanofi en principes actifs médicamenteux.

Tout cela, toutes ces innombrables choses qui nous permettent de vivre dans un confort à peine imaginable pour les humains d’il y a un siècle et demi, nous pouvons le produire nous-mêmes, chez nous. Sans supprimer la mondialisation, nous pouvons et nous devons rapatrier des industries et les compétences, les savoir-faire et les salaires qui vont avec. Le coronavirus vient de nous montrer que la démondialisation n’est pas qu’une question idéologique, ni même principalement sociale; c’est une question de survie.

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