2023, année funeste pour la distribution et le prêt-à-porter

Jennyfer (220 magasins et 1000 salariés), Sergent Major, Du Pareil Au Même, Camaïeu, Kookaï (100 magasins et 220 salariés), Naf-Naf, Go Sport, Gap, La Grande Récré (101 magasins, 770 salariés), Pimkie, 26 magasins Galeries Lafayette, San Marina (160 boutiques, 650 salariés), Kaporal (85 magasins, 434 salariés), Zalando, Orcanta, Casino, Monoprix, Franprix, Spar, Courtepaille (220 restaurants, 2089 salariés), Pimkie (64 boutiques, 257 salariés) Buffalo Grill, Burton of London (52 magasins, 198 salariés), Minelli (500 salariés, 150 boutiques)…

Sur la seule année 2023, on relève pas moins 21 enseignes en grandes difficultés, une bonne quinzaines d’entre elles ont été placées en redressement judiciaire, et pour certaines d’entre elles leur vie s’est terminée par une liquidation judiciaire, avec son cortège de centaines de magasins fermés et de plusieurs milliers emplois supprimés par licenciements.

Dans la continuité de 2022, les salariés ont payé un lourd tribut à la crise dans ce secteur, induite notamment par la crise du Covid et quelques fois par le comportement peu approprié de certains dirigeants se croyant intouchables en bombant le torse. Enfin, le consommateur a, depuis la crise sanitaire, une tendance avérée à acheter en 3 clics de souris sur un site web chinois plutôt que d’aller consommer à la boutique du centre commercial voisin. D’ailleurs, l’Institut Français de la Mode (IFM) constate en novembre que le chiffre d’affaires des acteurs de l’habillement et du textile est en recul de 4,9% comparativement à novembre 2019.

Vous l’aurez compris l’année 2023 a été funeste surtout pour le commerce de prêt-à-porter, c’est une réelle catastrophe. Selon Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du Prêt-à-porter féminin, plus de 10 000 emplois ont été perdus dans ce secteur en France.

Mystification macronienne

Pour mémoire, lors de la pandémie, les pouvoirs publics avaient ordonné la fermeture des commerces jugés « non essentiels » en mars 2020 (17 mars), fermés jusqu’au 10 mai puis à nouveau fermés du 30 octobre au 28 novembre puis le 3 avril 2021 pour 4 semaines (décret du 19 mars 2021) mais en fait la réouverture sera effective le 19 mai 2021. Ce confinement a porté un coup très important à toute la filière et les plus fragiles ont été en grande difficulté car, au-delà de la perte de ressources (puisque le chiffre d’affaires était proche de zéro), il fallait dans le même temps payer les loyers.

En effet, et c’est là que le facteur extérieur négatif pour la trésorerie des entreprises prend tout son sens, un arrêt de la cour de cassation a contraint les commerces « non essentiels » à payer leur loyer alors même qu’ils n’avaient aucun chiffre d’affaires. Il va sans dire que pour des marques, déjà fragiles qui ont des retards de loyers de plusieurs centaines de magasins, ce fut un coup très dur et elles traînent comme un boulet cette dette de loyer.

En définitive, le « quoi qu’il en coûte » a été une grande mystification de Macron car fatal à de nombreuses marques, boutiques et leurs salariés qui se sont retrouvés sans emploi … sans qu’aucune mesure d’accompagnement spécifique n’ait été mise en place pour venir en aide aux salariés licenciés à la recherche d’un emploi.

Jean-François Dupland,
référent du pôle thématique entreprises de la GRS

Être étudiant(e) à l’heure du Covid-19

Dans cet entretien Manon D. étudiante en économie nous décrit le quotidien des étudiants pendant la crise du Covid-19. C’est un témoignage personnel. Cet entretien a été réalisé voici plusieurs mois, nous choisissons de le publier aujourd’hui car les difficultés révélées par la crise sanitaire et celles qu’elle a provoquées n’ont toujours pas trouvé de réponses de la part des pouvoirs publics.

propos recueillis par Augustin Belloc et Gurvan Judas

GRS : Comment en tant qu’étudiante as-tu vécu la crise de la Covid-19, avec les cours à distance, la solitude, les loyers exorbitants à Paris ou encore la nécessité de travailler pour subvenir à tes besoins ?

Manon : C’était difficile, comme pour tous les étudiants et notamment les plus précaires. Moins pour les étudiants biens lotis avec un logement adéquat ou une maison en province à la campagne avec leurs parents. Mais pour moi et mes amis qui étaient dans la même situation, nous nous sommes retrouvés dans un petit appartement de 10 m². Les cours étaient à distance, nous n’étions pas confinés mais avec le couvre-feu, les cafés et bibliothèques fermés c’était comme un confinement. On suivait nos cours à distance et le soir, nous étions confinés. Donc nous étions isolés.

Pendant deux ans, aucune possibilité de rencontrer de nouvelles personnes et de faire de nouvelles expériences relationnelles et professionnelles. C’était dur pour le morale.

Pour les cours, on dépendait de notre connexion Wifi, moi au 7e étage j’avais une mauvaise connexion donc il y avait des cours que je n’ai pas pu suivre, ce qui m’a pénalisé et m’a fait avoir de mauvaises notes. J’ai été prise en Master, mais une amie a redoublé et a décroché à cause de ça. Les professeurs n’ont pas pris en compte les problèmes liés à la connexion internet. Apprendre seul et apprendre avec un professeur, cela n’est pas pareil…

Ce problème d’exclusion, ne pas pouvoir suivre les cours et tout faire dans la même pièce de 10 m² où l’on mange, où l’on dort, où l’on travaille, etc. C’est dur. Mes APL m’ont fait survivre, mais une amie qui travaille dans la restauration et qui avait besoin de travailler n’a pas pu. Donc, elle a eu des problèmes d’argent.

As-tu eu le sentiment d’avoir été soutenue par l’institution universitaire ?

Il y a eu des moyens mis à disposition, on pouvait louer un ordinateur, une box, etc. Mais ça ne marchait pas, ils ne prenaient pas en compte les moyens propre à chacun. Donc des moyens était mis à disposition, certains professeurs mettaient des exercices pédagogiques. Mais je ne pensais pas avoir mon année et personne ne m’écoutait.

Par exemple : un examen en ligne, où je ne pouvais pas passer les questions à cause d’un problème de connexion, j’ai contacté le professeur il n’a rien fait… Je ne me sentais pas entendu. J’ai eu 4 à cet examen ce qui a plombé ma moyenne.

On a beaucoup vu les étudiants devant les banques alimentaires, est-ce quelque chose que tu as vécu ou connais-tu des personnes qui l’ont vécu ?

Personnellement non, grâce à ma bourse, mais une amie déjà concernée avant le Covid oui. Mais elle vivait cela avec du recul. Donc des amis partageaient cette situation : du mal à se nourrir avec des familles qui n’ont pas les moyens d’aider. Donc ils ont eu recours aux paniers alimentaires.

Je vivait en appartement CROUS, il y avait des moyens mis en place. Je n’ai pas connu cette situation, je m’en suis sorti financièrement car comme nous étions confinés il n’y avait pas de sortie, ça fait économiser de l’argent. Mais c’était dur.

Selon les types d’études, il y a eu des inégalités entre les grandes écoles avec plus de moyens et les universités, tu as pu le constater ?

J’ai été mis au courant de cela. En école privée, les étudiants pouvaient aller dans les locaux en petits effectifs. Ils pouvaient se sociabiliser alors que dans les universités nous étions mis à la marge, en détresse, on était les oubliés ; une amie a redoublé sa L2 car elle a fait une dépression. Elle a vu un psy mais avec des sessions d’une demi-heure… Donc dans certaines écoles privées, les étudiants avaient presque une vie normale et nous, à l’université, nous étions seuls.

Cette situation a-t-elle généré des tensions entre différents étudiants selon les possibilités qui leurs étaient offertes ?

C’était de la survie, chacun pour soi. Nous n’avions pas le temps de penser à mal envers autrui, la situation nous échappait donc c’était de la survie propre. Le fait que certain en profitaient, on le voyait de loin.

On a beaucoup parlé des étudiant dans les médias et le monde politique mais rien n’a été fait à part une revalorisation des APL dont on avait retiré 5 euros. On en a parlé, mais dans les faits est-ce que quelque chose a été fait ?

Depuis la crise, la cause étudiante a été mise en avant comme une des préoccupations du mandat d’Emmanuel Macron. Mais je ne cherche pas à voir ce qui a été fait ni à écouter ce qui peut se dire. Je n’ai pas cherché à avoir une augmentation, ma bourse et mes APL me suffisaient.

Le Système d’aide exceptionnelle, j’y ai eu recours à la rentrée dernière avec un dossier et une lettre de motivation. On doit passer devant une commission et parfois ils effectuent un versement selon les besoins.

Il y a eu également des aides avec des assistantes sociales. Il y a aussi des repas à un euro, ça a permis à des étudiant de se nourrir, car parfois le midi je ne mangeais pas, donc le restaurant universitaire et le repas un euro ça m’a changé la vie. On peut manger à moindre coût, mais sinon il y a eu peu de changement pour les logements notamment, etc.

Car je suis boursière échelon 6 avec une mère seule sans père, elle ne peut pas financer un logement à Paris. Je n’ai pas eu de logement Crous à ma rentrée à Paris et sans logement l’assistante sociale a été mis devant le fait accompli et j’ai réussi à l’avoir.

Donc même si il y a des moyens on ne facilite rien. J’aurai pu ne pas avoir de logement. Ma demande Crous n’a pas été renouvelé, j’ai un appartement que je paie plein pot avec certes heureusement les APL. C’est différent d’un logement Crous, donc la situation ne s’est pas améliorée malgré de petites mesures.

Avec une approche plus politique qu’est-ce que l’État aurait pu ou dû faire dans ce cas ?

On a conscience de la précarité étudiante globale mais pas de la diversité. On a l’impression parfois que tous les étudiants faisaient la queue devant les banques alimentaires mais ce n’est pas vrai.

J’ai une amie qui habite à Paris mais qui a besoin de travailler c’est un exemple de précarité économique, on a pas tous les même contacts si on a un problème, on a pas tous le même filet de sécurité.

Ma bourse me suffit si je travaille à côté ; mais si je ne peux pas travailler, on est dans la précarité économique. Il ne faut pas juste prendre en compte une certaine situation, il faut prendre en compte la diversité des situations. Ceux par exemple avec des parents pas assez riches pour aider et financer un logement à Paris, mais trop riches pour avoir une bourse. Ils ne sont jamais pris en compte.

Beaucoup ont besoin d’aide mais ne les voit pas. Les logements étudiants sont des taudis, avec des fenêtres cassées et douches cassées, c’est honteux de se dire que là réside l’avenir de la Nation, ils ne peuvent pas réussir à l’université dans ces situations quand ils habitent là… il faut revoir les conditions d’existence, se nourrir, se loger, etc. On a l’impression de devoir le mériter alors que ce sont des besoin fondamentaux. Il faut faire en sorte que les emplois du temps soient flexibles pour que les étudiants travaillent. Certes il y a les examens terminaux mais ça veut dire qu’un étudiant dépend juste d’une note, c’est une insécurité.

Je sais que le personnel pédagogique n’a pas à se charger de ça mais il ne peuvent rien faire. Donc il faut soulager les cours et les emplois du temps, car deux jours par semaine j’avais cours le midi et je travaillais dans un restaurant, ce n’était pas possible. Ça n’incite pas à travailler mais simplement à se serrer la ceinture.

La prise en compte de la diversité au pluriel est quelque chose de ciblé. Certains habitent loin mais pas suffisamment loin avec effectivement des parents trop riches pour être boursiers et trop pauvres pour payer un loyer à Paris. Ils sont alors obligés de faire 3 heures de transport quotidiennement ce qui est un autre type de difficultés.

Rien à voir avec des étudiants qui vivent dans un 200 m² dand le VIe arrondissement de Paris avec leur parents et aucune tâche ménagère à faire…

C’est le cas pour les études supérieures réservé à une élite. C’est impossible de faire une Prépa si les parents ne suivent pas derrière. Ce n’est pas possible avec des tâches ménagères et sans aide. C’est infaisable. Il y en a beaucoup pour qui ce type d’études d’élite n’est pas possible.

Il y a un plafond de verre, même s’il va à Paris avec une bourse, c’est impossible.

Ce n’est pas inaccessible sur le papier, mais dans les faits… Donc, comment les étudiants se sont-ils organisés avec cette précarité entre écoles privées et les universités, il n’y a pas eu de friction, mais une entraide entre étudiant ?

Oui clairement, avec le confinement et tous les gens chez eux, des initiatives ont permis de faciliter le quotidien. Comme l’association « Copains ». C’est initiative de banque alimentaire pour les jeunes étudiants. C’est plus terre à terre que ce que propose le gouvernement car ils connaissent les étudiants et leur situation.

Alors qu’aujourd’hui quand on demande une aide au CROUS on doit le justifier. Ça tombe dans le misérabilisme le fait de devoir justifier l’état de son compte bancaire ; là ce n’était pas le cas.

J’y suis allée pour des photos, j’ai vu les locaux et le directeur de l’association. Il nous a dit qu’il voit des étudiants dans toute les situations, c’est une initiative étudiante. Ensuite des choses dans les promos ou entre amis ont été faites. J’ai mal vécu cette période et avec mon amie qui a redoublé on se retrouvait, on dormait ensemble, etc. C’est pour cela que l’on a réussi à surmonter cette situation car on a créé du lien, on a créé des interactions dans le réel, une solidarité entre étudiant.

Face au côté macro de Copains, avec mon groupe d’ami de la fac, on s’invitait régulièrement à manger à la maison. On s’aidait avec des webcams pour bosser ensemble. On essayé de trouver des solutions pour rendre ça viable.

Quel rôle ont joué les syndicats étudiants pendant la crise ?

Je suis assez étrangère à ce petit monde, ce petit microcosme, trop proche de la France Insoumise.

Il y a 20 ans dans une situation pareille les syndicats étudiants auraient été incontournables, là ça n’a pas été le cas, ils n’ont pas réussi à s’organiser dans cette situation cela en dit long, non ?

Il se sont organisés à leur échelle. Ça n’est pas aussi important que dans le passé mais ils ont lutté contre le Conseil universitaire pour illustrer le problème de connexion internet ou l’exclusion sociale, car Mme Vidal (Ministre de l’Enseignement Supérieur) donnait des orientations rigides. Ils avaient la volonté de faire quelque chose mais les universités ont bloqué.

Ils ont parlé des modalités des partiels qui étaient injuste. Les étudiants étaient évalués de manière rigide.

Pendant le CPE en 2005 un syndicat comme l’Unef était incontournable, aujourd’hui on a l’impression d’avoir vécu la crise étudiante sans en entendre parler en dehors d’un petit microcosme. Même toi qui est étudiante et engagée…

Les étudiants ne relayaient pas ce qui défendait leur cause malheureusement car nous étions dans une forme d’individualisme.

Entre ceux dans leur résidence secondaire et nous en difficulté, on faisait face à la fatalité, on était désespéré, on ne voyait pas d’évolution possible.

Sans les syndicats et les universitaires qui tiennent le choc, qui était là pour les étudiants dans cette période ?

Je n’ai pas été aidées par des organismes extérieurs. Entre les étudiants eux-mêmes il y a eu une vraie solidarité. Malgré l’aide de secours avec le Crous mais c’est quelque chose d’extérieur d’annexe de froid sans prise de nouvelles ni de suite ni de suivis alors qu’on avait besoin de tuteur.

Je me suis remise en question sur mon orientation, si je dois continuer en économie ou non. J’en suis venue à me demander si je devais me réorienter dans quelque chose de plus accessible.

Il y a eu des talents perdus, des abandons. J’ai eu de la chance de ne pas me perdre : on parle pas des destin gâchés.

Dans le monde professionnel, les formations qui ont eu lieu pendant le Covid et après ont été refaites car ça n’a pas marché. Dans le monde professionnel, il y a un filet de sécurité mais à la faculté ceux qui n’ont pas pu suivre et qui ont dû quitter la fac n’avaient pas de filet de sécurité. Notamment ceux qui ont obtenu le Bac en 2020, il y avait une angoisse d’avoir eu un “sous bac”, ou une “sous licence” ensuite…

Il y a eu beaucoup d’examens à distance et de triche organisée. Et ce n’était pas les meilleurs. Ils ont prit la place en Master de gens qui n’avaient pas triché. Mon ami qui a redoublé ne pouvait pas tricher. Et les professeurs étaient plus stricts dans leur évaluation car ils savaient qu’il y avait des tricheurs et ils ne cherchaient pas à comprendre.

En deuxième année, les tricheurs on eu de bonnes notes et mon amie redoublait sa L2…Souvent ils ne sont pas passionnés par ce qu’ils font, c’est par défaut et ils ont de bonnes notes car de bonnes conditions pour tricher.

La gestion des universités pendant la crise n’a donc pas été adaptée ?

Il y a eu des initiatives de la part des universités. Des initiatives prises comme le tutorat en présentiel une semaine sur deux mais c’était décousu donc sans intérêt. L’équipe pédagogique a aidé les élèves mais pas l’université dans son ensemble.

Je me suis déjà plainte à un chargé de travaux dirigés et c’est lui qui a mis en place un support pédagogique mais pas l’université. C’était au cas par cas.

Le problème de l’université, c’est que les initiatives n’étaient pas adaptées au terrain et à la disparité des étudiants. Moi avec mes problèmes de connexion internet, ils ne m’ont pas prise en compte.

Donc il y avait des moyens à disposition mais des œillères, ils n’ont pas cherché à voir la continuité du problème.

Pourquoi la gauche a-t-elle échoué à s’emparer de cette question de la précarité énorme des étudiants ? Cela n’a pas abouti à une mobilisation des étudiants aux urnes avec une abstention massive, plutôt qu’un vote massif Mélenchon et Nupes… Ensuite, pourquoi le mouvement social n’est pas devenu politique ? Comment la gauche aurait dû s’en s’emparer ?

Le problème de la gauche c’est qu’elle misérabilise les étudiants. Quelqu’un comme Louis Boyard par exemple misérabilise les étudiants qui seraient tous à la rue, etc. Mais ce n’est pas le cas, c’est hétérogène. On accepte cette situation de vivre en tant qu’étudiant, aucun étudiant n’est à l’aise financièrement c’est normal, c’est la période. La gauche s’est décrédibilisé. C’est une chance d’étudier.

On travaille et on m’aime pas être misérabilisé. Ça ne me donne pas envie de considérer ça je ne vois pas ça avec sympathie donc je pense qu’ il faut arrêter avec le misérabilisme et se rende compte de la diversité des situations, il y a des étudiants très pauvres avec des situations terribles mais ils sont accompagnés et c’est très bien.

J’ai une amie avec des problème familiaux et le CROUS a été là, ils l’ont aidée. Les étudiants dans une extrême pauvreté sont aidés. Donc ça ne doit pas être la cible principale pour le politique, le principal problème ce sont les étudiants des classes moyennes rurales pas accompagnées, dans l’ombre, dont on ne parle pas médiatiquement car on les considère normaux.

L’analyse c’est que la gauche doit retrouver le chemin de la majorité, pas des minorités. Il faut parler des étudiants ultra-précaires mais tu ne gagnes pas avec simplement cela. Tu ne gagnes pas avec l’addition de minorités, c’est le biais de l’intersectionnalité.

Il faut parler des étudiants des classes moyennes pour qui c’est plus difficile, des gens dont les parents paient le loyer mais qui doivent se débrouiller avec leur paye pour les charges et la nourriture.

Ils doivent travailler tous les week-ends et moi avec ma bourse, je n’ai pas besoin de travailler… Mon amie paye son essence car elle habite à la campagne. C’est une charge supplémentaire. Les classes moyennes des campagnes souffrent énormément, cantonnées à la ruralité.

Le fait qu’on parle que des pauvres attisent une haine envers eux, une jalousie car ils sont couvert avec les aides sociales et on les misérabilise. C’est contre productif d’avoir de l’empathie pour eux. Arrêter le misérabilisme et prendre en compte la disparité des situation.

Les étudiants précaires qui viennent de villes moyennes et de banlieues, comme le dit Christophe Guilly on une facilité d’accès à la culture et à l’enseignement et les classes moyennes qui viennent de la ruralité n’ont accès à rien.

Les gens veulent se faire respecter de manière général. Les gens n’aiment pas que l’on les misérabilises, ils veulent un travail. La gauche ce n’est pas le paternalisme, la gauche c’est l’émancipation.

La gauche a abandonné le travail.

La Gauche Républicaine et Socialiste soutient les mouvements de grève des 11 et 13 janvier 2022

La Gauche Républicaine et Socialiste s’associe à la mobilisation inédite des syndicats du service public des 11 et 13 janvier.

Alors que le gel du point d’indice maintient les revenus des enseignants, des personnels scolaires et des soignants parmi les plus bas d’Europe, l’amateurisme gouvernemental sur la gestion de la crise du Covid-19 dans les écoles a amené la totalité des organisations syndicales du monde de l’éducation à appeler à la grève le 13 janvier, tandis que les promesses non tenues sur la préservation de l’hôpital public et la revalorisation des revenus des personnels hospitaliers ont entraîné un appel à mobilisation le 11 janvier.

Entre l’annonce des mesures de protection sanitaire la veille de la rentrée à 20h, le mépris affiché envers les enseignants et les soignants absents pour cause de Covid qualifié d’absentéistes et le renvoi de la question, essentielle, des détecteurs de CO2 et des purificateurs d’air aux collectivités locales, le gouvernement a démontré une énième fois son indifférence à l’égard des piliers de la République que sont l’école et l’hôpital et de ceux qui la font vivre.

Après deux ans de pandémie mondiale qui ont eu de lourdes conséquences sur la santé mentale des élèves et des soignants, la protection de ces derniers, des professeurs et des personnels enseignants aurait dû être la priorité absolue du gouvernement. Ayant encore une fois négligé la négociation avec les organisations représentatives et agi avec autoritarisme jupitérien, ce dernier a exacerbé l’épuisement des deux premiers services publics de la République, l’école et l’hôpital.

La Gauche Républicaine et Socialiste partage le sentiment d’injustice et de colère qui anime le monde enseignant et hospitalier, et soutient les grèves des 11 et 13 janvier.

La panique morale ne fait pas une politique

Encore une fois, la façon dont le Président de la République et le gouvernement gèrent les différents épisodes de la crise sanitaire ne peut que laisser perplexes ou consternés les citoyens français. Le spectacle donné depuis quelques jours par l’exécutif et sa majorité parlementaire face à la cinquième vague est tout à la fois à la hauteur de l’autosatisfaction, dont il a fait preuve entre fin juillet et décembre 2021, et de l’accumulation de ses approximations mensongères :

  • Le premier ministre Jean Castex affirmait ainsi en juillet qu’avec un schéma vaccinal complet, il n’y avait plus de risques de contamination alors même que des cas étaient connus ;
  • Le ministre de la santé Olivier Véran n’a cessé d’affirmer au début de l’automne que notre couverture vaccinale nous éviterait une cinquième vague ;
  • La députée Aurore Berger rejetait l’augmentation structurelle du nombre de lits de réanimation, sous prétexte que cela signifierait vouloir plus de gens en réanimation (?!?) ;
  • Le ministre de la santé nous avait également promis un rempart face à Omicron avant d’annoncer un tsunami…

Soyons clairs sur notre position, nous considérons plus que jamais que la vaccination est un levier essentiel dans la lutte contre le COVID19 : si elle n’empêche pas tout risque d’être contaminé ou de transmettre le virus, elle freine fortement les transmissions et surtout elle empêche les formes graves de la maladie. Les chiffres de la Drees sont sans appel : le risque d’être hospitalisé est aujourd’hui près de trois fois supérieur lorsque l’on n’est pas vacciné. Le risque d’être pris en charge en soins critiques apparaît pour sa part quatre fois supérieur.

Mais, a contrario, sachant désormais qu’un schéma vaccinal complet n’est pas une certitude absolue contre les contaminations – c’est plus le cas après la dose de rappel mais sans garantie à 100 % –, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et les conditions de son examen par le Parlement s’apparentent de plus en plus à une panique morale, une fuite en avant irrationnelle de responsables gouvernementaux habités par la peur, surtout celle de se voir reprochés de n’avoir rien fait après avoir menti… En effet, si on pourrait considérer a posteriori que le « pass sanitaire » proposait une garantie aux personnes disposant d’un schéma vaccinal complet ou d’un test récent d’accéder à des lieux avec une protection plus importante contre le virus, l’imposition d’un « pass vaccinal » qui prétend selon l’exécutif renforcer cette protection n’offre en réalité plus celle-ci : interdire l’accès de certains lieux à des personnes ayant été testées « négatives » est une absurdité, puisqu’elles présentent a priori plus de garanties sur un temps court de ne pas être contaminantes que des personnes vaccinées, protégées contre les formes graves de la maladie mais pas forcément de transmettre le virus…

Bougisme” sanitaire et parlementaire

L’exécutif agit donc selon une posture bougiste : « faut bien faire quelque chose » ! La peur n’évite pas le danger et l’irrationalité dans laquelle il s’enferme en conséquence l’empêche d’examiner l’efficience réelle de la mesure proposée : le pass vaccinal sera même contre-productif d’un point de vue sanitaire, car il n’incitera pas les 10% totalement rétifs à la vaccination à changer d’avis et risque à nouveau de faire chuter le nombre de tests réalisés ce qui nous amputerait d’un outil de mesure de l’évolution de l’épidémie… Le gouvernement est confronté à une situation qui lui échappe ; c’est donc uniquement un échappatoire en matière de communication politique, car pas plus que les autres gouvernements européens il n’a réussi à être efficace contre l’épidémie.

Les conditions d’examen du projet de loi en lui-même aboutissent à un spectacle détestable : à force d’avoir conduit les uns après les autres l’adoption à marche forcée de projets de loi multipliant toujours davantage les entraves aux libertés, l’exécutif a exaspéré jusqu’à ses propres troupes. Le projet de loi sur le « pass vaccinal », en plus d’être tout douteux du point de vue des libertés publiques que de la sécurité sanitaire, est examiné dans des conditions particulièrement dégradées indignes d’une démocratie parlementaire, comme avant lui celui sur l’extension du « pass sanitaire ». On en arrive à considérer que l’examen de loi sur l’état d’urgence sanitaire en mars 2020 – en plein œil du cyclone – avait fait l’objet d’un traitement bien plus respectueux que les textes qui ont suivi. Ainsi il est malhonnête de la part de l’exécutif de dénoncer les oppositions parlementaires dans l’interruption du débat dans la nuit du 3 au 4 janvier 2022, quand c’est en réalité sa propre majorité parlementaire qui a partiellement déserté l’hémicycle à force de se voir imposer un nouveau franchissement de bornes.

Dans l’ordre même de la panique morale à l’œuvre, les propos finissent par devenir totalement incohérents. Comment, dans le même temps, le gouvernement peut-il défendre à l’Assemblée Nationale la nécessité du « pass vaccinal », quand mardi 4 janvier au matin sur France Inter Gabriel Attal, porte parole du gouvernement a usé d’un énorme sophisme en expliquant que, comme on ne pouvait empêcher la vague Omicron de déferler sur le pays en raison de la forte transmissibilité de ce variant, il était inutile de prendre quelque mesure que ce soit pour la freiner ?

Il est de bon ton de prétendre être au-dessus de la mêlée à la veille d’un scrutin national majeur pour démontrer sa mobilisation constante au service des Français… et en même temps, abaisser le débat public à l’étage du caniveau. C’est exactement ce que vient de commettre le président de la République. Ainsi déclarer dans un entretien exclusif au Parisien/Aujourd’hui en France « Je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder » est indigne d’un Président de la République française. Outre la vulgarité crasse du propos, elle ajoute de la violence dans le débat politique et social au moment où nous avons besoin de sérénité, de rationalité et de solidarité. Bien sûr, on peut parfaitement comprendre l’exaspération de la majorité de nos concitoyens contre ceux qui refusent contre vents et marées la vaccination sur des bases souvent mensongères et fantaisistes. La vidéo de LCI montrant Paul Larrouturou être insulté par un panel d’agités du bocal, réunis devant l’Assemblée nationale, ne peut que renforcer ce sentiment, convenons en. Mais un président ne devrait pas dire cela : il devrait au contraire garder son calme et user d’un autre registre lexical pour espérer une diminution des comportements égoïstes : oui choisir la vaccination est tout autant un acte altruiste et solidaire qu’un réflexe de protection individuel. On se vaccine pour protéger les autres et soi-même tout à la fois ! Les propos du Président de la République sont terriblement délétères car plutôt que de convaincre de nouveaux candidats à la vaccination et à l’action solidaire, il va renforcer certains dans leurs délires où ils se pensent les derniers défenseurs de la liberté, ce qu’ils ne sont pas.

Nos propositions pour lutter vraiment contre le COVID

S’il faut « bien faire quelque chose », essayons à ce stade de prendre des mesures qui répondent aux enjeux du moment à court, moyen et long termes :

  • Il y a urgence à stopper l’hémorragie de personnels soignants, qui frappe l’hôpital depuis des semaines et n’a pas cessé alors qu’ils sont plus que les autres touchés par la conjugaison des contaminations aux vagues delta et omicron. En plus de la politique suicidaire de fermeture de lits qui continue de plus belle, malgré les enseignements de la crise sanitaire, des lits et des services supplémentaires sont aujourd’hui fermés par centaines faute de professionnels. Cela nécessite une véritable augmentation salariale des aides soignant(e)s et infirmier(e)s, bien au-delà des maigres gains du Ségur. Cela devrait également contribuer à reconquérir et à faire revenir les nombreux professionnels qui ont démissionné de l’hôpital public depuis plusieurs années.
  • Il y a urgence également à sécuriser les écoles, collèges, lycées et universités du pays. Il est invraisemblable que Jean-Michel Blanquer continue chaque jour qui passe d’engager au plus fort de la pandémie des polémiques tout azimut – lundi 3 janvier sur LCI, il a semblé avoir plus à cœur la dénonciation des mairies EELV que la résolution du problème soulevé par les journalistes… Après avoir réussi la gageure de transmettre la veille de la rentrée scolaire aux équipes pédagogiques le nouveau protocole sanitaire, plutôt que de renvoyer l’équipement en détecteurs de CO2 et en purificateurs d’air aux compétences des collectivités, le ministre de l’éducation nationale aurait dû annoncer tout à la fois la distribution massive de masques FFP2 aux enseignants et le déblocage de crédits suffisants pour équiper l’ensemble des établissements scolaires et universitaires du pays avec les appareils qui manquent aujourd’hui dans les plus brefs délais. Le « quoi qu’il en coûte » devrait également présider aux considérations de sécurité sanitaire dans l’enseignement !
  • Il faut généraliser et accélérer la mise en place obligatoire du télétravail partout où cela est possible et de manière beaucoup plus massive. Après avoir rechigné plusieurs semaines à sa mise en place, la ministre du travail tarde encore à lancer les contrôles pour contraindre les entreprises qui traînent des pieds.
  • Il faut rétablir la gratuité des tests afin de pouvoir au plus tôt opérer les isolements nécessaires et mesurer en temps réel l’évolution de la pandémie.
  • Il faut mettre en place avec les maires, les médecins, la CNAM un dispositif de recherche et d’identification des personnes vulnérables et âgées non vaccinés, afin de prendre rapidement contacts avec elles pour les informer, les inciter et rendre aisée leur accès à la vaccination si besoin à domicile.
  • Enfin, la France devrait s’engager avec détermination en faveur de la levée des brevets sur les vaccins COVID, ce qu’Emmanuel Macron et le gouvernement se refusent toujours de faire, là encore contre tout argument rationnel car il est clair que le dispositif COVAX n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Cela doit devenir une des priorités de notre combat politique. Si nous voulons que les pays en développement cessent d’être des réservoirs infinis en variants, il convient de leur donner les moyens d’accéder massivement aux vaccins et à leur production.

Il faut à nouveau recourir fortement au Télétravail

Bien que notre pays semble pour le moment être en meilleure situation que nombre de ses voisins face à la cinquième vague de COVID-19, celle-ci ne fait pourtant aucun doute et la montée des contaminations est probable dans les semaines à venir avec un décalage avec le reste de l’Europe, largement dû au fort taux de vaccination en France.

La Gauche Républicaine et Socialiste considère qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Si notre niveau de vaccination nous préserve sans doute d’être submergé par une vague d’hospitalisations massives, nous constatons avec amertume que, depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement n’a jamais tiré les leçons des graves défaillances de notre système de santé publique, qu’elle a révélées et qui sont la conséquences de 15 ans de politiques d’austérité imposées à l’hôpital public… Le gouvernement et les ARS continuent de fermer des lits et des services et le « Ségur de la Santé » n’a en rien changé la logique néolibérale délétère appliquée à la santé publique, qui désespère les soignants et leur fait quitter en masse leurs missions.

Ainsi même avec une hausse limitée des hospitalisations, notre pays et nos hôpitaux risqueraient d’être confrontées à des difficultés importantes qui entraîneraient après coup des mesures de restriction plus radicales et socialement difficiles à supporter.

Qu’est-ce qui nous reste dans la boîte à outils qui n’a pas encore été suffisamment utilisé ? Le télétravail est évidemment un outil majeur dans ce que nous pouvons et devons mettre en œuvre maintenant ! C’est une décision qui relève du dialogue entre l’État et les entreprises, mais qui pourrait probablement optimiser notre réponse à la cinquième vague et ne pas créer de tensions excessives dans les hôpitaux en limitant les contaminations.

Or à la date du 30 septembre, les entreprises imposant au moins un jour de télétravail par semaine ne représentaient plus que 10 % de salariés (après 19 % fin août), selon la DARES. Cette proportion a encore baissé depuis. Au-delà de limiter les contaminations sur le lieu de travail, sans empêcher une large partie de l’activité économique, cette mesure aurait pour intérêt majeure de limiter les contacts et une promiscuité importante dans les transports en commun des grandes agglomération de notre pays : sauf à croire en la fable qui voudrait que le virus ne prenne pas le métro, il suffit de regarder le niveau de saturation des transports en commun en Île-de-France depuis septembre pour comprendre que le seul port du masque n’est pas suffisant pour limiter les contaminations dans le cadre d’une 5e vague lorsque les salariés en transit sont littéralement entassés les uns sur les autres. La diminution des flux dans les transports en commun serait également bien venue pour les travailleurs qui ne peuvent pas effectuer leurs mission en télétravail, car elle limiterait la promiscuité à laquelle ils sont exposés.

La Gauche Républicaine et Socialiste demande donc avec insistance que le gouvernement impose à nouveau deux à trois jours de télétravail dans les administrations publiques et les entreprises pour les salariés qui peuvent exercer leurs tâches à distance.

Une quatrième vague par défaut d’anticipation et mépris social

La quatrième vague n’est pas la conséquence d’un refus de vaccination, mais d’un déni d’anticipation.

Le scénario actuel était prévisible et prévu. La communication du gouvernement en juin, refusant toute obligation de vaccination, mettant fin aux communications sur les gestes barrières, donnant l’impression que c’était “fini”, etc. n’a pas aidé à mobiliser les catégories socio-culturelles qui sont éloignées de la médecine, ont un rapport difficile à l’État, ou simplement sont plongés dans une lutte quotidienne pour pouvoir payer le loyer, à mettre en tête de leurs priorités la vaccination.

D’ailleurs, si le gouvernement avait mis le paquet en juin sur la vaccination des classes populaires avec les incitations adéquates, il n’y avait pas le temps pour réduire sensiblement l’impact de la vague sans mesures additionnelles : fermeture des frontières aux pays touchés par le variant delta, masque et aération en intérieur, reprise du traçage des cas contacts et isolation des clusters. Ce gouvernement n’a jamais mobilisé le réseau hôtelier par exemple pour isoler les positifs et assurer l’effectivité des quarantaines.

cartes réalisées par Emmanuel Vigneron, géographe de la santé (données de l’Assurance-maladie publiées le 19 juillet 2021)

Des études ont été publiées en Europe occidentale révélant que la fracture vaccinale ne se construit pas sur la conviction profonde, personnelle, des individus, mais selon une fracture sociale, liée au niveau de revenu et d’intégration sociale : la campagne de vaccination (son mode d’organisation et de communication) a surtout couverte les classes supérieures et moyennes. En Allemagne, en Suisse, au Royaume Uni, comme en France, les taux de vaccination diffèrent en fonction des inégalités sociales et de territoires.

La présence d’un arrière fond migratoire joue également un rôle : les populations d’origine polonaises précaires d’Angleterre sont aussi mal vaccinées que les banlieues franciliennes et lyonnaises ou les quartiers à fort taux d’immigration de plusieurs générations turque ou sud-européennes et balkaniques en Suisse et en Allemagne.

Les témoignages se multiplient d’ailleurs de personnes âgées de classes populaires repoussées par les call center lorsqu’ils cherchaient un rendez-vous de vaccination en mai et juin, alors qu’ils étaient prioritaires, notamment lorsque ces personnes parlaient la langue du pays de résidence avec des erreurs ou des accents, ou, parce qu’ils ne comprenaient pas le langage administratif avec lequel on leur répondait.

Le sentiment d’humiliation pèse plus fort ici dans la résistance à un nouvel essai de vaccination que la méfiance au vaccin lui-même.

La réflexion ici impose de se poser des questions différentes de celles de l’épaisseur du bâton pour sanctionner les classes populaires. La lutte des classes vaccinale reflète en réalité l’état de confiance des classes sociales en un État et ses représentants qui ont épousé les modes de consommation et les intérêts économiques et culturels d’une classe prospère contre les classes populaires.

En Europe, la carte des refus d’ayants droits à leurs droits sociaux est ainsi confirmée par la carte du taux de vaccination. 25% des Européens modestes ne demandent pas les aides sociales auxquels ils ont droit. Ce phénomène obéit à des modes de comportement sociaux et collectifs complexes – et une méfiance croissante face à un État contrôleur.

Nos camarades de Berlin en parlaient la semaine dernière avec leurs amis de classe populaire allemands, des indépendants et des précaires de plus de 45 ans : plutôt que de se prendre « l’inquisition » sur leur mode de vie, certains ont tout fait pour repousser le moment de demander les aides exceptionnelles mises en place avec la crise Covid, ou s’inscrire au minimum social. Le même type de méfiance et de relation peu naturelle touche l’autorité médicale.

Lorsque la relation à l’autorité n’est que celle du contrôle et de l’humiliation, par exemple dans le cadre du Harz 4 ou des multiples contrôles à “la fraude sociale”, lorsque le quotidien populaire pendant le confinement fut d’être dehors pour maintenir des activités essentielles toujours aussi mal payées, lorsque la question en juin c’est prendre une course Deliveroo de plus pour finir la journée avec un maigre gain ou prendre l’heure pour se rendre dans un quartier inconnu se faire vacciner, peut-être en ne comprenant pas bien la langue du pays de résidence, et bien on repousse la vaccination, on attends la convocation, la prescription.

Les campagnes de vaccination doivent s’appuyer sur les communautés populaires, aller a leur rencontre. Elles doivent cibler spécifiquement les classes populaires, et leur prescrire la vaccination. C’est aussi par des événements de vaccination dans les quartiers que l’on augmentera sensiblement le taux de vaccination des classes populaires.

L’enjeu n’est pas de lancer une hystérique campagne de communication contre les antivax : la culpabilisation et la répression n’ont jamais été des armes de conviction. De plus, le réflexe antivax naît dans des classes aisées et petites bourgeoises, servant des intérêts politiques précis. La méfiance des classes populaires vis à vis de la vaccination n’est que le reflet de la méfiance de l’État vécu comme de toute manière travaillant contre elles, et des campagnes spécifiques cherchant à utiliser cette méfiance électoralement.

Cela aide aussi à expliquer pourquoi les gauches populaires « n’impriment pas » ou un Montebourg « ne prend pas » : lorsque le discours, c’est promettre le dépassement de la fracture sociale par un État souverain, alors que les classes populaires ont appris depuis les 30 dernières années à se méfier de l’État, il y a un hiatus.

Une médecin du Massachusetts expliquait sur Twitter comment créer des “événements de quartier” dans les quartiers populaires… Des incitations ludiques, de la musique, la possibilité de se vacciner en famille, entre amis, dans un environnement familier et non dans un centre de vaccination dont l’accès paraît encore difficile, notamment lorsqu’on hésite à se prendre une nouvelle humiliation pour ne pas bien parler la langue, avec un accent, parce qu’on est illettré – 7% de la population adulte française est illettrée, de quoi mettre par terre une stratégie de vaccination s’il n’y a pas un effort spécifique –, voila ce qui marche.

Il y aurait pu y avoir une mobilisation des collèges et lycées par les autorités sanitaires comme lieu de rassemblement locaux pour vacciner, avec aération, un peu de musique, un peu de nourriture gratuite, un peu de sensibilisation et pédagogie locale. En France, Jean-Michel Blanquer a préfère aller à Tokyo à la place de la ministre des sports, « préparant » la rentrée au JO. Quant à Macron, pour rétablir la confiance, il envisage de faire licencier les classes populaires en retard de vaccination. L’incitation à tricher est bien plus forte ainsi, en punissant, que l’incitation à se vacciner.

La campagne de vaccination en Europe se révèle aussi inégale suivant les fractures sociales et géographiques parce qu’elle fut à peu près partout menée suivant des principes libéraux (néo ou ultra suivant votre lecture du libéralisme contemporain) et des modes de comportement adaptés aux classes bourgeoises : un « homo sanitarius » parfaitement informé allait prendre rationnellement des décisions anticipées et il suffisait de mettre l’offre de centre de vaccination au niveau pour que cette offre rencontre la demande de vaccinés… la seule concession sociale a été celle du prix, mis à zéro, et donc suffisamment incitatif « par lui-même », la loi du marché définissant que plus le prix est bas, plus la demande est forte. Et bien cela n’a pas marché – ou plutôt, uniquement pour les bourgeois.

Il y a eut des externalités – le mouvement antivax a accès à l’information disponible et prend des décisions lui paraissant raisonnée d’anticipation, contraire à l’intérêt public, mais conforme au modèle libéral. C’est comme les fonds spéculatifs qui, dans leur logique, ont eu intérêt à faire surgir la crise financière de 2008.

Il y a des biais énormes d’analyse des comportements humains – seuls les Bourgeois ont intériorisé la démarche d’utiliser pro-activement une application internet pour programmer un rendez-vous de vaccination. 9% d’illettrés, une proportion de gens ne maîtrisant pas la langue du pays de résidence, 22% sans smartphone ou 28% n’utilisant pas internet sont des proportions encore plus énormes quant aux catégories sociales concernées.

Doctolib est ici aussi inaccessible que le voyage dans l’espace.

Enfin, les incitations annoncées – pouvoir prendre un avion pour la Corse ou les Canaries, un TGV pour le bassin d’Arcachon, rouvrir les théâtres et les salles de Restaurant – ne correspondent pas à celles motivant ces classes sociales, renforçant le sentiment qu’ils ne sont pas prioritaires, que leur vaccination « peut attendre ».

La médecine personnelle est déjà un sujet compliqué en temps normal, le taux de suivi des populations par des médecins de famille s’effondre en Europe dans les classes populaires qui préfèrent l’anonymat des salles d’urgence. Ce constat, déjà antérieur au Covid, aurait pu et du interroger les autorités sanitaires. Mais ce serait remettre de la politique de la demande, y compris dans les comportements humains. Alors que Jean Tirole, le théoricien français de l’offre, fut encore célébré en juin par le macronisme au pouvoir, il leur est impensable d’aller dans ce sens.

Alors c’est la matraque qu’on sort pour obliger les classes qu’on méprise à faire ce qu’on veut, quand on le veut. En attendant, la liberté de circulation des personnes aisées doit être maintenue, et le taux d’incidence suit la géographie des déplacements de vacances.

évolution des taux d’incidence par départements (et donc de la progression des contaminations) entre le 17 et le 27 juillet 2021 : les grandes métropoles et les lieux de villégiatures (montagnes et côtes) sont les premiers et les plus touchés.

Faire face avec efficacité et justice à la 4e vague de COVID

1️⃣ La Gauche Républicaine et Socialiste est favorable à la vaccination la plus large possible contre le COVID 19. La vaccination est l’outil le plus efficace pour prévenir les cas graves de la maladie et ralentir la diffusion du virus.
2️⃣ La Gauche Républicaine et Socialiste demande que soit enfin mis en œuvre une véritable campagne d’information et de sensibilisation sur la vaccination, afin de faire reculer l’inquiétude d’une partie de nos concitoyens et les fausses informations qui ont par défaut un écho disproportionné. Nous constatons avec amertume que ce n’est toujours pas la voie prise par le gouvernement et que rien n’a été fait sérieusement en ce sens depuis le début de la campagne de vaccination.
3️⃣ La Gauche Républicaine et Socialiste demande que des efforts plus importants soient faits pour toucher les publics les plus éloignés de la vaccination, pour multiplier les lieux – au plus près de nos concitoyens – où elle est proposée et sur les plages horaires les plus larges possibles. Quoi qu’il en coûte ! Un effort particulier doit être fait en direction des quartiers populaires et de l’ensemble de nos territoires que l’on peut qualifier de “déserts médicaux”, qui sont aujourd’hui de fait privés d’accès correct au vaccin.
4️⃣ Nous sommes opposés à un Pass Sanitaire qui ne serait pas strictement encadré dans le temps et qui ne serait pas limité à certaines activités, comme celles qui étaient prévues initialement par la loi du 18 mai 2021 (évènements de plus de 50 personnes, etc.). Ce n’est pas le choix qui a été fait par le gouvernement, qui non seulement se contredit lui même en quelques semaines mais qui, de surcroît, met en place des mesures clairement disproportionnées par rapport au but recherché.
5️⃣ Nous sommes particulièrement opposés aux mesures qui créent un précédent dangereux dans le code du travail en faisant de la détention d’une preuve de test négatif ou d’un schéma vaccinal complet le début d’une justification de licenciement. L’état de santé d’un salarié ne doit pas être connu de son employeur et ne saurait jamais être un motif de licenciement.
6️⃣ Nous sommes opposés à la présentation d’un Pass Sanitaire pour accéder à l’hôpital public et aux établissements de santé : nul ne doit être empêché de se soigner, d’accompagner un proche souffrant qui a besoin de soins et ne peut rester seul, de saluer la dépouille d’un proche décédé.
7️⃣ Nous demandons que soit enfin mis en œuvre et de toute urgence un plan de sécurisation des lieux clos : Filtres HEPA et capteurs de CO2 sont des moyens identifiés et documentés d’amélioration et de mesure de la qualité de l’air. C’est notamment un investissements prioritaires à réaliser dans les établissements scolaires et universitaires qui doit être couplé avec une préparation de la rentrée qui n’a à ce stade pas pris en compte l’évolution de la situation. Nous refusons que les insuffisances constatées lors des précédentes et l’abandon des étudiants se reproduisent.
8️⃣ Nous dénonçons l’absurdité qui amènerait à exiger dans les TGV ou intercités un Pass Sanitaire, quand pour des raisons évidentes de praticabilité celui-ci ne le sera pas dans les réseaux de transports en commun des grandes agglomérations, qui ne sont pas moins exposés. La cohérence gouvernementale s’effondre quand la justification sanitaire fait place à des considérations opportunistes.
9️⃣ Nous refusons que les adolescents se voient opposés la détention d’un Pass Sanitaire, dont l’absence signifierait une entrave à leur épanouissement et bon développement.
🔟 Nous exigeons enfin que les tests PCR continuent d’être remboursés par l’assurance maladie. Leur déremboursement constituerait une erreur terrible qui empêcherait la mesure et le contrôle de l’épidémie et donc irait à l’encontre des intérêts sanitaires du peuple français.

« Gestion de la sortie de la crise sanitaire » : Quand l’exception devient la règle, la démocratie se fragilise et est en danger

Le Sénat a adopté le mercredi 18 mai 2021 dans la nuit le projet de loi relatif à la gestion de la « sortie de crise sanitaire ». La gauche a voté contre.

Le 27 janvier dernier, le Parlement avait à nouveau prolongé l’état d’urgence sanitaire (réactivé depuis le 17 octobre 2020) jusqu’au 1er juin 2021. Or malgré une circulation encore active du virus, le gouvernement a annoncé un plan de « déconfinement » ou plutôt de levée des restrictions, qui s’échelonne jusqu’à l’été.

Aussi, le projet de loi qui a été adopté hier soir (le 8ème depuis le début de la crise) est présenté comme un projet de gestion de la sortie de crise sanitaire. Il s’apparente en réalité davantage à un énième projet de loi transitoire entre une vague et une autre.

En tout état de cause, le texte pose un jalon au 31 octobre 2021 pour la fin des mesures restrictives possibles, mais le chapitre « État d’urgence sanitaire » inséré dans le code de santé publique en mars 2020 reste valable jusqu’au 31 décembre 2021.

Il s’agit d’accompagner le processus de réouvertures par des mesures similaires à celles que prévoyaient déjà la loi du 9 juillet 2020 et le régime transitoire d’alors, et les différentes mesures issues d’ordonnances, auxquelles s’ajoutent notamment l’instauration d’un pass sanitaire. Parallèlement, le texte reconduit un certain nombre de dispositions issues d’ordonnances prises pour « gérer » la crise sanitaire et quelques dispositions concernant l’organisation des prochaines élections départementales et régionales.

L’article 1er définit un « régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire » applicable à compter du 2 juin jusqu’au 31 octobre 2021. Il reprend les bases établies par la loi du 9 juillet 2020 :

Le Premier Ministre est habilité à prendre les mesures nécessaires visant à lutter contre la covid 19, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, qui peuvent porter notamment sur :

➣ la limitation des déplacements des personnes et les conditions d’utilisation des transports collectifs ;

➣ la limitation de l’accès, voire, si les précautions ordinaires ne peuvent être observées ou dans des zones de circulation active du virus, la fermeture, de catégories d’établissements recevant du public et de lieux de réunion ;

➣la réglementation des réunions et rassemblements, notamment sur la voie publique ;

➣ l’obligation d’un test de contamination par le virus à l’arrivée ou au départ du territoire métropolitain et d’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution si cette collectivité est une zone de circulation active du virus.

Le Premier ministre peut habiliter les préfets à prendre ces mêmes mesures à l’échelon du département et à mettre en demeure de fermer les établissements ne se conformant pas à ces mesures.

Imposition du Pass Sanitaire et prolongement du couvre feu

À ces dispositions permises par la loi du 9 juillet 2020, s’ajoute la possibilité de soumettre les déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou des territoires ultramarins à la présentation d’un « pass sanitaire » indiquant que vous auriez été vaccinés ou attestant du rétablissement à la suite d’une contamination par ce virus. Cette disposition a été proposée en cohérence avec les travaux en cours au niveau européen. L’Assemblée nationale y avait ajouté le test négatif mais aussi la présentation de ce pass pour accéder « à certains lieux, établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels ».

Le gouvernement a annoncé que ces différentes informations seraient désormais officiellement et numériquement certifiés. Ces certificats pourront être stockés et présentés grâce à l’application TousANtiCovid, en cohérence avec le « certificat vert numérique » envisagé le mois dernier par la Commission européenne, afin de faciliter la circulation des personnes au sein de l’UE. Le Conseil d’État avait cependant averti que l’ensemble des décisions prises par l’exécutif et les préfets dans ce cadre devront, sous le contrôle du juge, doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires, et surtout qu’il devra y être est mis fin sans délai dès qu’elles ne seront plus nécessaires.

La question du traçage numérique avait, au lendemain du premier confinement, suscité un vif débat politique. Nous nous y étions fermement opposés. Nos inquiétudes d’alors restent largement justifiées… malgré une sorte d’assentiment forcé et de lassitude de nos concitoyens.

En dehors de l’outil numérique support, ce pass sanitaire pose question, au moins pour deux raisons : l’accès à la vaccination est encore réservé à certaines catégories de la population ; quand cet accès sera offert à toutes et tous se posera encore la question de la liberté individuelle de chacun à vouloir ou non se faire vacciner.

Ce projet de loi marque l’avènement du pass sanitaire, plus que discutable… L’instauration d’un « passeport vaccinal » était jusqu’à présent une ligne rouge en matière de libertés publiques que le gouvernement se refusait à franchir.

Stéphanie Renard, maîtresse de conférences en droit public à l’université de Bretagne-Sud et spécialiste de l’ordre public sanitaire explique ainsi que « des obligations de vaccination existent déjà. L’une des sanctions du non-respect de celles-ci est la privation d’accès à un droit ou à un service public. Par exemple un enfant ne pourra pas aller en colonie de vacances s’il n’a pas fait tel ou tel vaccin. En théorie rien empêche l’adoption d’une loi qui prévoirait une obligation de vaccination contre la Covid-19 et qui l’assortirait de privation d’accès à certains droits. Mais, en pratique, cela serait, selon moi difficile. Tout d’abord car cela supposerait qu’il y ait assez de vaccins pour tout le monde. Ensuite, cela serait très risqué politiquement. »

Le texte permet également la prolongation du couvre-feu jusqu’au 30 juin 2021, car le régime juridique de sortie de l’état d’urgence ne permettait pas au gouvernement de décréter cette mesure restrictive de liberté.

État d’urgence territorialisé et dérogations au droit du travail

L’article 2 prévoyait dans sa version gouvernementale une règle particulière qui aurait permis de décréter l’état d’urgence dans des circonscriptions territoriales déterminées. À condition que ces circonscriptions, prises ensemble, représentent moins de 10% de la population totale. Le délai d’un mois prévu à l’article L.3131-13 du code de la santé publique pour l’intervention du législateur aux fins de prorogation de l’état d’urgence sanitaire aurait été porté à deux mois.

À l’Assemblée nationale, en commission des lois, cet article 2 a fait l’objet d’une levée de bouclier, notamment des groupes LR et PS. La prolongation portée à deux mois de l’état d’urgence sanitaire, au lieu d’un mois actuellement (bien que cela se serait appliqué à un territoire donné) était effectivement une nouvelle marque de mépris du Parlement. Etant donnée l’importance des restrictions rendues possibles par le dispositif proposé à l’article 1er, notamment en cas de « circulation active du virus », il n’était pas justifié de desserrer le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire et le contrôle parlementaire de celui-ci.

Cet article prévoit que le régime transitoire prévu par l’article 1erne peut s’appliquer dans les territoires où l’état d’urgence sanitaire est en cours d’application. Le texte reconduit la possibilité de fixer, par accord d’entreprise, le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de travail à durée déterminée (CDD), disposition qu’a dénoncée avec force notre sénatrice Marie-Noëlle Lienemann. L’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020 permet à l’employeur, d’imposer la prise de congés ou de les modifier unilatéralement par un accord d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche, le nombre maximum de jours concernés étant porté de six à huit. La commission des lois du Sénat avait réduit à six, le gouvernement a tenté d’imposer par amendement un retour à huit jours qui a été rejeté par l’unanimité du Sénat.

Renforcement des régimes de la quarantaine et de l’isolement

L’article 4 renforce le régime de la quarantaine et de l’isolement en donnant au représentant de l’État, comme c’est déjà le cas outre-mer, la possibilité de s’opposer au choix du lieu d’hébergement retenu par l’intéressé, s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure et à permettre son contrôle, et de déterminer, le cas échéant, un lieu d’hébergement.

Sur le régime des mesures d’isolement et de quarantaine, comme le constate le Conseil d’Etat dans son avis, par son objet et sa portée, cette disposition est susceptible de porter atteinte au droit des personnes concernées à mener une vie familiale normale.

En outre, il apparaît nécessaire de s’interroger sur la possibilité pour les personnes les plus précaires de suivre les obligations d’hébergement si le premier choisi ne répond pas aux exigences avancées. Une fois encore ces mesures porteront atteinte aux personnes les plus fragiles.

Une logique pérenne de fichage informatique

L’article 5 permet d’assembler les données recueillies dans les systèmes d’information de suivi de la crise sanitaire au sein du système national des données de santé (données anonymisées). Sur ces dispositions applicables aux systèmes d’information, ce versement a un effet sur les durées de conservation de ces données, qui entrent désormais dans le droit commun du système national des données de santé, lequel permet une conservation pouvant aller jusqu’à vingt ans !

On passe clairement d’un système d’information d’urgence et auquel devait être mis fin avec la fin de la crise sanitaire à un système pérenne par sa durée et son mode de conservation.

Prolongation des mesures d’accompagnement jusqu’au 31 octobre 2021

De nombreuses dispositions résultant d’ordonnances prises depuis mars dernier sont reconduites. Elles concernent notamment les règles applicables aux juridictions judiciaires, ou encore celles relatives à la tenue des réunions des assemblées territoriales.

Au total, ce sont 60 ordonnances qui ont été prises sur le fondement des articles 11 et 16 de loi du 23 mars 2020. La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 est venue compléter les mesures déjà prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Elle comprenait dix habilitations à légiférer par ordonnance et des dispositions dans des domaines divers pour répondre à la sortie de la crise sanitaire, dont l’adaptation du fonctionnement de la justice (procédure de jugement des crimes et le fonctionnement des cours d’assises).

Ordonnances économiques et sociales

Le terme de la période de trêve hivernale a été repoussé à titre exceptionnel du 31 mars 2021 au 31 mai 2021 par l’ordonnance du 10 février 2021. L’article 7 habilite le Gouvernement à adapter et prolonger l’activité partielle (nous en avions décrypté voici plusieurs mois les atouts et défauts), les modalités de calcul des indemnités des salariés d’associations intermédiaires en CDDU, la position d’activité partielle pour les salariés dans l’impossibilité de travailler en raison d’une vulnérabilité ou d’absence de solution de garde d’enfants.

Les aménagements apportés à l’indemnisation chômage des intermittents du spectacle avec la prolongation des droits à indemnisation pour les demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits à compter du 1er mars 2020. Cette prolongation a pour terme le 31 mai 2020, sauf pour : – les artistes et techniciens intermittents du spectacle, pour lesquels la prolongation s’applique au plus tard jusqu’au 31 août 2021 ; – les demandeurs d’emploi qui résident à Mayotte, pour lesquels la prolongation s’applique au plus tard jusqu’au 31 juillet 2020.

Un dispositif particulier a été prévu pour les demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs droits à compter du 30 octobre 2020 : la durée pendant laquelle l’allocation chômage leur est versée est exceptionnellement prolongée au plus tard jusqu’au dernier jour du mois au cours duquel la fin de l’état d’urgence sanitaire intervient.

Modification du code électoral

Pour les élections départementales et régionales reportées à juin 2021 :

➔ Les candidats peuvent fournir à la commission de propagande une version électronique de leur circulaire lorsqu’ils remettent les exemplaires imprimés, alors la commission de propagande la transmet au préfet ou à la collectivité le cas échéant pour qu’elle soit publiée sur un service de communication au public en ligne.

➔ Les opérations de vote peuvent se dérouler dans une salle ou si le maire le décide à l’extérieur (dans les limites du lieu de vote) si cela permet une meilleure sécurité sanitaire et à condition que l’ensemble des prescriptions du déroulement puissent être respectées

➔ Des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales dès la publication par le préfet de l’état ordonné des listes de candidats (dérogation à l’article 51 du Code électoral qui le prévoit pendant la durée de la période électorale)

Le service public audiovisuel assure une couverture du débat électoral relatif au renouvellement général des conseils régionaux, de l’Assemblée de Corse et des assemblées de Guyane et de Martinique et au renouvellement des conseils départementaux organisés en juin 2021.

Le texte original du projet de loi précisait qu’un débat entre les candidats tête de liste ou leur représentant était organisé et diffusé la semaine précédant chaque tour de scrutin et qu’il restait accessible sur internet au moins jusqu’à la fin de la campagne. La réécriture de l’Assemblée intègre les élections départementales, mais a supprimé ces précisions.

Une sorte de monstre normatif

Dans un rapport parlementaire sur « le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire » remis le 14 décembre dernier, les députés s’inquiétaient de « la multiplication des habilitations sollicitées par le gouvernement pour légiférer par ordonnance » avec pas moins de 77 ordonnances.

Si l’on ajoute les éventuels règlements locaux, les Français ont été confrontés depuis dix mois à un enchevêtrement de textes et à des situations dont il était parfois difficile de déterminer le régime juridique applicable. « Cela peut dépendre du jour, de la période et de l’endroit où on se trouve, en métropole ou dans les DOM-TOM, dans les Alpes-Maritimes ou dans le Nord. Ces deux effets cumulatifs, temporel et géographique, rendent difficilement intelligible le régime applicable », explique Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l’université Jean-Moulin Lyon 3 et spécialiste des états d’exception. Elle explique en outre qu’« il y a une compulsivité normative des pouvoirs publics, une tendance à administrer par la norme. On a l’impression que, comme ils n’arrivent pas à gérer la situation, ils compensent par le normatif. Mais de ce fait, on se retrouve avec une sorte de monstre normatif, et sans investissement dans l’implémentation, la mise en œuvre. » […] « Il en résulte une instabilité, une accumulation de textes qui vont parfois dans un sens puis dans un autre. Les gens sont passés de l’état d’urgence, puis à un régime de sortie de l’état d’urgence, puis sont repassés sous état d’urgence … Il y a un manque de bon sens du point de vue de l’utilisation de la norme. Concernant l’aspect géographique, les distinctions faites entre les territoires, avec ces cartes de différentes couleurs, peuvent se comprendre. Le problème est que ce dispositif peut être mal accepté quand les décisions viennent d’en haut au lieu d’être prises au niveau local. »

Un état d’exception permanent sous le « diktat d’Hippocrate »

La prorogation d’un an de l’état d’urgence ravive une autre crainte : celle de l’accoutumance aux régimes d’exception. Le 31 décembre 2021, les Français auront passé plus de 21 mois sous ce régime ou celui de « sortie de l’état d’urgence sanitaire ». Comme pour l’état d’urgence décrété au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 et resté en vigueur jusqu’au mois d’octobre 2017, la notion « d’urgence » semble avoir perdu tout son sens et laisse place à un mode de gestion habituel de la société.

Cette habitude de restreindre les libertés s’est déployée de manière décomplexée et avec un élément supplémentaire : nous avons changé de degré. Dans le cadre de l’état d’urgence sécuritaire, on vise une personne ou un groupe de personnes voulant mener des actions de terreur ou contre la sécurité nationale. La menace est donc relativement circonscrite. Avec cet état d’urgence sanitaire désormais, l’ennemi peut être présent partout autour de vous. Il y a une sorte de « diktat d’Hippocrate » qui s’installe et en vertu duquel les libertés de tous doivent être restreintes pour préserver la vie d’un seul.

L’une des spécificités de l’état d’urgence sanitaire est d’avoir justifié des mesures encore plus restrictives que celles prises après les attentats de novembre 2015.

L’état d’urgence sanitaire répond-il à la crise du Covid ou à la crise du système de santé français pour y faire face ?

Le Syndicat de la magistrature avait émis ces remarques toujours pertinentes pour ce 8ème texte d’exception : « Certes, il y a urgence. Mais commande-t-elle de tomber dans le tropisme de l’exception ? Nous avons trop éprouvé cet « esprit de l’urgence » par le passé – pas si lointain – pour ne pas questionner sa légitimité à cette heure et pour ne pas questionner cette « légalité de crise », encore une fois actionnée. En définitive, de quelle crise parle-t-on ? Celle de la propagation d’un virus qui peut tuer en masse ou celle du système de santé français en péril qui ne peut faire face ? En quoi l’exceptionnalité serait la réponse à l’incurie assumée des politiques publiques de santé qui ont incontestablement aggravé la crise actuelle ?

L’effet de contamination dans le droit commun de règles dérogatoires censées n’être que temporaires, a tellement été à l’œuvre dans d’autres domaines, qu’il est indispensable aujourd’hui de vérifier si les garde-fous sont solides, mais également de s’assurer que les exclus et les discriminés en temps ordinaire ne sont pas également les exclus du confinement, lequel s’avère déjà discriminatoire pour nombre de catégories de personnes : étrangers, sans domicile fixe, mal logés, détenus, malades mentaux, travailleurs précaires… »

Cette manière de gouverner par des mesures sécuritaires et non par la santé pose problème ; selon Marie-Laure Basilien-Gainche, « le confinement n’a pas servi directement à freiner la propagation de l’épidémie mais plutôt à alléger la pression hospitalière car nous avons fermé trop de lits pour des raisons managériales. On s’est privé de moyens pour lutter contre cette épidémie. Pourquoi ne pas avoir investi massivement dans l’hôpital public ? […] Lorsqu’on n’emploie pas les bons moyens, on ne peut pas obtenir les bons résultats. »

Finalement, nous nous sommes opposés aux 7 projets de loi organisant l’état d’urgence sanitaire précédents. Le 8ème ne se distingue pas vraiment de ceux-ci, les mêmes mécanismes sont employés et agrémentés de quelques « nouveautés » liées aux avancées en matière vaccinale notamment.

Si les dispositifs concernant la tenue prochaine des élections départementales et régionales sont plutôt adaptés à la situation et n’appellent pas de critiques fondamentales, en revanche tout le volet état d’urgence sanitaire est critiquable presque en tous points.

Caroline Fiat : « Si Castex et Véran pouvaient redescendre sur terre… » – entretien à La Revue Charles

Aide-soignante devenue députée, Caroline Fiat dénote, même chez les Insoumis. Entretien avec  Soizic Bonvarlet, publié dans La Revue Charles, le 6 mai 2021

Lorsque nous l’avons interviewée, Caroline Fiat venait de passer sa dernière nuit au sein du service de réanimation du CHU de Nancy, avant de rejoindre les bancs de l’Assemblée. La députée de Meurthe-et-Moselle, mère de deux enfants en bas âge, avait pris la décision, comme durant la première vague, d’enfiler de nouveau sa tunique d’aide-soignante, pour monter au front dans la guerre contre l’épidémie de Covid-19. C’est d’ailleurs en grande partie à ce titre qu’elle a été nommée parmi les finalistes du prix de la femme d’influence politique 2020. Elle nous a parlé de son engagement et de ses luttes, à l’hôpital comme dans l’hémicycle.

À quand remonte votre engagement politique et quelles sont les principales raisons l’ayant motivé ?

Cela remonte à mes seize ans, donc au siècle dernier, une réforme du lycée. C’était devenu un combat pour moi car cette réforme faisait qu’en changeant les programmes, on n’avait de ce fait plus la possibilité d’acheter les manuels scolaires à la bourse aux livres. J’avais mené le combat, ce sont mes premières manifs. Mes parents, me trouvant très investie, étaient assez fiers de moi. Je séchais pour manifester et ils ne disaient rien.

Mes parents étaient à la CGT, communistes sans être encartés. Mon papa était agent technique dans un centre hospitalier et ma maman vendeuse, avant de travailler pour l’association des paralysés de France. Quand j’allais manifester avec eux il y avait souvent les Jeunesses communistes, alors plutôt que rester avec des vieux je préférais être avec des jeunes de mon âge. Et puis j’ai fini par prendre ma carte à la CGT vers l’âge de 24-25 ans. Et au Parti communiste à l’occasion de la campagne présidentielle de Robert Hue. Après tout on a tous notre croix à porter. Moi j’ai été convaincue d’adhérer au Parti communiste grâce à Robert Hue. Je ne suis pas restée adhérente longtemps, même si mon cœur restait communiste. J’avais commencé à prendre du recul dès la campagne présidentielle de 2012.

En juillet 2016, j’ai fait une grosse dépression. En septembre, je vais à la fête de l’Huma, des amis, voyant que je vais très mal, me conseillent de rejoindre le mouvement « Ensemble ! », de Clémentine Autain, pour me sortir de chez moi, voir du monde. Je me rends à quelques réunions en Meurthe-et-Moselle, et « Ensemble ! » décide d’intégrer La France insoumise, et donc j’y entre aussi. Je suivais de loin, mais je me suis vraiment investie à La France insoumise à ce moment-là.

Comment vivez-vous le fait d’être une femme à l’Assemblée nationale ? Avez-vous été surprise par le sexisme qui peut s’y exercer ? Est-il équivalent à celui que vous avez pu connaître auparavant dans votre vie professionnelle ?

Surprise, non. Le sexisme en politique a toujours existé. Je n’étais pas spécialement surprise, mais étonnée car quand j’ai été élue, on parlait de « renouvellement », du « nouveau monde » de La République en marche, avec beaucoup de femmes qui faisaient leur entrée à l’Assemblée. Donc je pensais que nous serions beaucoup à nous battre. Finalement, nous sommes 41% je crois, et très peu à lutter sur le sujet. Moi j’ai mon caractère, quand il y a trop de bavardages et que je vois qu’on ne m’écoute plus, je me tais en l’attente d’avoir de l’attention. Comme avec des enfants ! Ce qui est toujours très impressionnant, c’est l’attitude des hommes députés pendant les questions au gouvernement. Vous pouvez être sûr qu’un homme parle, l’attention est là. Là où quand une femme parle, beaucoup d’hommes discutent entre eux, sortent les téléphones etc. Donc il faut se battre pour se faire respecter. Et je pensais réellement que nous serions plus nombreuses à nous battre.

Quel pouvoir d’influence une aide-soignante, experte des enjeux liés à l’hôpital, a-t-elle à l’Assemblée, par exemple lors de l’examen des PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) ?

Je ne dirais pas que je suis une « experte », mais je sais que je suis écoutée, et que tout du moins quand je me fâche, que j’arrive avec des affirmations, elles sont prises en compte par les autres parlementaires. Ils font attention, parce que c’est du vécu.

Je sais de quoi je parle, et il ne faut pas trop me titiller. Est-ce que cela a réellement fait bouger les lignes ? Je ne sais pas.

Vous sentez-vous d’autant plus écoutée, dans la période actuelle, sur les bancs de l’hémicycle, que vous étiez sur le front durant l’une des phases les plus virulentes de l’épidémie de Covid-19 ?

Nous sommes beaucoup à l’avoir fait durant la première vague, y compris à La République en marche ou chez Les Républicains. En ce qui me concerne, quand mes collègues se sont rendus compte qu’ils ne me voyaient pas depuis quinze jours à l’Assemblée, beaucoup m’ont envoyé des messages pour savoir si j’étais retournée travailler. Et beaucoup m’ont remerciée. Des messages bienveillants issus de députés de tous bords, pour me dire de faire attention à moi.

Sur la deuxième vague, je trouve très étonnant ce silence assourdissant par rapport aux soignants et aux malades. Je ne voulais pas qu’on soit applaudis, je ne vais donc pas m’en plaindre, mais le fait que ce ne soit plus le cas est un signe. Que l’on travaille dans des conditions anormales devient normal. Donc on n’en parle plus. Or la vie est un marathon, pas un 100 mètres. Y être allé durant la première vague, c’est bien, mais il faut continuer. Les besoins sont toujours là.

Après je pense que c’est d’autant plus facile pour moi d’y retourner que je suis restée fidèle à mes convictions. Je ne risque pas grand-chose. Là où un député de la majorité  risquerait peut-être d’être mal reçu dans un service. Et par ailleurs, moi la première fois ça m’avait fait du bien psychologiquement aussi, de retourner aux sources, de ne pas devoir aller rechercher des souvenirs d’il y a trois ans, en particulier quand je devais m’exprimer à l’Assemblée.

Pourquoi ne vouliez-vous pas être applaudie ?

Parce que si j’avais conscience que beaucoup de gens applaudissaient avec conviction, pour nous soutenir et nous remercier, je voyais aussi l’effet de mode. Et puis surtout, il y avait les applaudissements dans l’hémicycle. En février 2020, un mois avant la première vague, une infirmière avait été égorgée sur son lieu de travail, j’avais demandé une minute de silence à l’Assemblée. Richard Ferrand avait refusé, et un mois après, ils applaudissaient tous. Ça ne passe pas.

Comment avez-vous vécu cette période ? Vous sentiez-vous alors plus utile dans l’exercice de votre métier ou de votre mandat ?

Je me sentais aussi utile dans un rôle que dans l’autre. Mais encore une fois, psychologiquement ça m’a fait du bien d’y retourner. J’embauchais à 19h, je quittais à 7h, c’était du concret, je savais ce que j’avais fait et pour quels résultats, même s’ils n’étaient pas forcément positifs. Là où quand vous êtes parlementaire, vous pouvez travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les résultats vous ne les voyez pas.

Comment avez-vous géré, entre votre travail en réa, celui en tant que parlementaire et votre vie de famille ?

Pour la deuxième vague, cela a été presque plus simple. Pour la première, je n’étais heureusement pas toute seule, mon mari assurait. Je travaillais de nuit, je dormais un peu le matin, et au réveil il y avait « continuité pédagogique » avec mes enfants, qui ont 6 et 8 ans. Cette fois, comme ils allaient à l’école, j’ai pu me reposer un peu. Et puis pour le travail parlementaire, il y avait mes collaborateurs, avec qui j’échangeais l’après-midi.

Mais ce qui était dur, pour moi comme pour tant d’autres, c’est qu’il n’y avait plus de vie de famille. Pas de bisous ni de câlins, je dormais dans la chambre d’amis, je ne prenais presque plus mes repas à côté d’eux. Car même si vous vous êtes protégé, vous n’êtes jamais à l’abri.

Jean-Luc Mélenchon, votre président de groupe à l’Assemblée, a-t-il été particulièrement admiratif de cette décision que vous avez prise ?

Tous mes collègues sont fiers de moi, mais Jean-Luc Mélenchon, au-delà de ça, il a eu peur pour moi. Et ce même si je lui disais que j’étais malgré tout presque plus protégée à l’hôpital, que lui ou d’autres en allant acheter leur kilo de sucre au supermarché.

Il y avait une vraie anxiété chez lui par rapport au fait que je puisse tomber malade, je pense que c’est la raison pour laquelle il m’a mise beaucoup en avant durant cette période. Et puis parce qu’il sait que je suis maman, que je m’investis déjà beaucoup en tant que parlementaire, et qu’il m’arrive d’être fatiguée. Surtout la deuxième fois, à l’issue des débats sur le PLFSS.

Mais je trouve ça mignon, ça prouve que le méchant Jean-Luc Mélenchon, qui ne fait soi-disant que grogner, hurler ou insulter tout le monde, est en fait un vrai gentil. Le soir où il a annoncé sa candidature pour 2022, je travaillais. Je n’ai rien suivi de la soirée, mais il y avait une réunion en visio. J’ai fait une pause pour fumer ma cigarette, et je me suis connectée quelques minutes. Jean-Luc était tout content de me dire qu’il m’avait citée au journal de 20 heures. Je le savais, j’avais déjà reçu à peu près 5000 messages… Il se bouffe de l’intérieur tellement il se fait de souci pour les autres. Au début de la première vague, j’en plaisantais, mais j’ai vite compris qu’il avait vraiment peur. Donc j’ai arrêté, et j’ai commencé à le rassurer, à lui envoyer des messages régulièrement dans lesquels je lui disais que je n’avais pas de température, que j’allais bien.

Le « Ségur de la Santé » qui avait été lancé par le gouvernement, est-il en mesure d’améliorer le quotidien des soignants ?

Non. Il fallait une augmentation de 300 euros. Les syndicats n’ont pas balancé un chiffre irréfléchi. Au final, on a 183 euros. On ne crache pas dessus, sauf que ce n’est pas assez. Dans des régions transfrontalières comme la mienne, si on veut récupérer les 40 000 soignants qui travaillent en Belgique, au Luxembourg ou en Suisse, il faut 300 euros, cela représente l’écart moyen de salaire, combiné au coût du transport. Il faut des moyens humains. Beaucoup d’hôpitaux manquent de personnel. Au CHU de Nancy, lors de la première vague on avait 40 postes vacants, tout simplement parce que cela revient cher de se loger dans des métropoles. Les 300 euros étaient donc largement justifiés. Et donc non, le Ségur n’apporte pas les réponses nécessaires. D’autant que tous les personnels n’ont pas droit à cette augmentation.

Qu’aviez-vous pensé de la répression de la manifestation du 16 juin 2020, qui s’était notamment abattue sur une infirmière, Farida C. ?

J’y étais. Nous sommes arrivés aux Invalides, donc aux abords de l’Assemblée nationale, il y avait plusieurs cordons de CRS. J’avais pourtant ma tunique d’aide-soignante et mon écharpe tricolore, on s’est pris des gaz lacrymogènes, c’était d’une violence inouïe. Il y avait une trentaine de personnes habillées en noir qui faisaient n’importe quoi, mais en voyant le nombre de CRS au kilomètre carré, j’ai pensé qu’ils allaient les entourer, pour protéger les soignants et nous laisser terminer notre manifestation bon enfant. Ce n’est pas ce qu’ils ont fait. On nous a gazés, c’était du jamais-vu. On les regardait en se disant que la prochaine fois que l’un d’entre eux arriverait avec un collègue blessé, on n’aurait peut-être pas envie de les soigner. Policiers, gendarmes, avec les soignants on travaille souvent ensemble, et là c’était l’incompréhension totale. D’autant qu’il y avait très très peu de casseurs. Concernant l’infirmière, elle était fatiguée, excédée de la situation. Je lui ai apporté mon soutien. Se faire gazer alors que nous venions de traverser des mois très difficiles, ce n’était peut-être pas la meilleure réponse.

Comment jugez-vous la situation actuelle au regard de l’épidémie et des dispositions prises par le gouvernement ?

Cela génère en moi de la colère, car c’est du bricolage. Depuis le premier déconfinement on leur a dit qu’ils allaient droit dans le mur, qu’ils ne prévoyaient rien, qu’il fallait planifier la deuxième vague, pour être prêts. A l’Assemblée, on a fait des auditions, des commissions d’enquête. Le 16 juillet, j’ai interpellé le Premier ministre pour lui dire que suite à l’annonce de Jérôme Salomon quant à la possibilité d’une deuxième vague, les établissements de santé n’étaient pas prêts, et qu’il fallait débloquer de l’argent immédiatement, notamment pour embaucher. Ils ne l’ont pas fait. Quand fin octobre, on entend que la deuxième vague arrive, et que comme tous nos amis européens, on ne l’a pas vue arriver, vous ne pouvez qu’être en colère. Qu’ils ne m’aient pas écoutée moi, d’accord, mais enfin c’est le directeur général de la Santé qui l’annonce. Qu’ont-ils fait entre le 16 juillet et fin octobre ? Rien. Nous avions moins de lits de réa qu’avant la première vague. Bref, ce serait bien que Messieurs Castex et Véran aient parfois les pieds sur terre et qu’ils redescendent un tant soit peu.

Vous auriez été pour un confinement plus strict jusqu’à maintenant ?

Sincèrement, bien malin celui qui affirme « moi à leur place, j’aurais pris telle ou telle décision ». C’est pour cela que par ailleurs j’attaque assez rarement en frontal. Il y a des moments-clés où je savais ce qu’il fallait faire, là oui j’attaque.

J’ai entendu, par exemple, l’engouement des gens pour Noël et le nouvel an. Entendu aussi les difficultés d’Olivier Véran à répondre. Moi par rapport à ça, j’aurais eu une toute autre vision. J’aurais été plus cash, c’est clairement ma casquette de soignante qui aurait pris le dessus, en disant aux gens qu’on allait peut-être se passer une fois de fêter Noël et le nouvel an, dans l’optique de garder des gens vivants avec qui l’on pourra passer plein d’autres fêtes. Alors oui, c’est chiant, il y a plein de gens qui font des dépressions, mais aller faire Noël avec mamie Jeannette pour qu’elle ne soit pas seule, mais que quinze jours après elle se retrouve en réa, et culpabiliser d’en avoir été un peu responsable, je ne suis pas sûre qu’on aille beaucoup mieux après. Je pense qu’il faut être ferme, se dire que pendant qu’on espérait pouvoir fêter Noël, les soignants, déjà exténués, n’ont pas eu de vacances du tout. Ils ne se sont même pas posé la question de savoir s’ils auraient un réveillon, mais juste un seul jour de repos.

Quel regard portez-vous sur la commission d’enquête parlementaire relative à la gestion de la crise sanitaire, dissoute en janvier dernier, et au sein de laquelle vous avez été particulièrement impliquée ?

Elle était très suivie au départ, et après les vacances d’été, c’est retombé. Et puis c’est sous serment, mais quand les auditionnés n’ont pas envie de répondre, ils ne répondent pas. Je sais que ce n’est pas un tribunal, mais la semaine dernière il y a eu l’audition d’Olivier Véran, je travaillais donc c’est ma collègue Bénédicte Taurine qui a posé ma question, il ne répond pas du tout. Je voulais absolument savoir si Agnès Buzyn l’avait prévenu lors de la passation de pouvoir, qu’il n’y avait pas de masques et que ça allait être un « tsunami », comme elle l’a dit ensuite. C’est une information importante. Il ne répond pas. Et donc on baisse un peu les bras. Au Sénat ils y arrivent mieux, donc on laisse un peu faire les collègues sénateurs.

Moi je pense qu’il faut assumer. Olivier Véran ou Agnès Buzyn seraient arrivés devant les caméras en disant « bon les gars, on a merdé, en septembre 2019, les masques étaient périmés, on les a brûlés, par souci d’économies on n’en a pas racheté, pensant que ce serait inutile, et pas de bol, on a eu une pandémie six mois après », tout en soulignant l’importance du port du masque dès qu’on en aurait, ils se seraient grandis. Et ça leur aurait évité de se contredire à trois mois d’intervalle.

Le contexte est dégradé du point de vue sanitaire, mais aussi sécuritaire. Particulièrement suite à l’assassinat de Samuel Paty, les « Insoumis » ont dû faire face à l’invective et se sont vus attribuer le qualificatif d’« islamogauchistes », quand il n’étaient pas accusés de nourrir des « ambiguïtés avec le cadre républicain », pour reprendre les mots d’Anne Hidalgo. Comment vivez-vous cela ?

Premièrement, ce terme ne veut rien dire. Deuxièmement, il faut bien faire attention à ce que l’on dit et aux attaques que l’on profère, car cela revient à nous mettre des cibles dans le dos. Si demain il arrive quoique ce soit à l’un d’entre nous, ce ne sera pas la peine, et j’ai déjà prévenu, de se mettre debout pendant une minute dans l’hémicycle. En pleine période de terrorisme, où l’on a besoin d’unité nationale, où il faut expliquer aux gens que rien ne se règle par la violence, où il faut débattre, parler sereinement, quel est l’intérêt d’aller dire « ce sont des islamogauchistes, allez-y ! » Mais où sommes-nous ? On marche sur la tête ! Il faut soutenir toutes les religions, mais pas les Musulmans ? Je précise que je suis une bille dans le registre de la laïcité, ce n’est pas mon sujet, mais enfin, une mosquée est attaquée, il y a une marche qui est organisée en soutien, on se fait traiter d’islamogauchistes, Mireille Knoll est tuée, on va manifester, on se fait exfiltrer… On ne peut plus apporter son soutien quand une religion est visée ?

Le terrorisme n’est pas lié à l’islam religieux, mais à l’islam politique, et moi je suis très triste de voir des personnes musulmanes insultées, qui se sentent mal en raison d’une religion mal perçue. Et par ailleurs, faire trop de politique politicienne autour des religions, je pense définitivement que ce n’est pas bon.

La situation épidémique est de plus en plus inquiétante à Mayotte du fait des contaminations par le variant sud-africain du Covid-19

Seul département à être confiné aujourd’hui, ce territoire de 376 km² a vu une forte hausse du nombre de cas (+2 400 en une semaine en Février) et un taux d’incidence de 858,8 cas pour 100 000 habitants. L’Agence Régionale de Santé de Mayotte a d’ailleurs confirmé un taux de positivité de 30%, 141 hospitalisations (dont 29 en réanimation) et 95 décès. 

Pour tenter de surmonter ces problématiques, les autorités préfectorales et l’Agence Régionale de Santé ont déployé un million d’euros pour la mise en place d’un dispositif de médiation dont l’objet est de sensibiliser les populations aux gestes barrières et au respect du confinement. Par ailleurs, l’État a mis en place une distribution d’aide alimentaire d’urgence en direction des plus démunis et des aides financières destinés aux entreprises – sachant que le territoire avait connu la plus forte perte de la valeur marchande dans les Outre-Mer lors du premier confinement avec -9,9 % – via le Fonds de solidarité. 

Ces aides d’État sont nécessaires pour répondre aux difficultés des populations mais restent temporaires et insuffisantes. 

En effet, les conditions de vie (dont les carences d’alimentation et l’existence de cas de dénutrition aiguë) et les difficultés d’accès à des services de base (tels que l’eau potable, ne serait-ce que pour respecter les mesures d’hygiène) compliquent la lutte contre la pandémie. Rappelons que 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté, que l’habitat indigne – notamment avec des bidonvilles recueillant la pression migratoire – y est largement répandu et que l’inégalité d’accès à la santé (avec 28 médecins libéraux pour toute l’île en 2017 et un seul Centre Hospitalier qui manque de moyens) obligent aujourd’hui des transferts de malades vers La Réunion (1 412 km par dessus l’Océan Indien et Madagascar, 2h10 d’avion). 

Au-delà des quelques mesures mises en place, la situation actuelle nous rappelle à quel point il est important d’organiser et planifier enfin un réel développement structurel, économique et sanitaire de Mayotte afin d’éviter de telles situations dans le temps. 

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son entier soutien à nos concitoyens de Mayotte dans cette période difficile. 

En quelques chiffres : 

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