Beds are burning

La date du mardi 8 juillet 2025 apparaît dès aujourd’hui comme un précipité des faux-semblants et des reniements de la politique écologique française sous le mandat d’Emmanuel Macron.

Les gouvernements, qui se succèdent, semblent reprendre à leur compte cette antienne sarkozyste 2011 : « l’environnement, ça commence à bien faire1« .

La présentation du « budget vert » depuis 2020 est essentiellement un exercice de style qui permet d’additionner d’une année sur l’autre des crédits budgétaires qui ne sont pas comparables d’une année sur l’autre pour prétendre à un effort croissant de près de 15 Md € en 5 ans. Ces artifices ont fait long feu : le fonds vert, présenté en 2023 comme le levier pour ancrer la transition écologique sur le terrain et dans les collectivités, est passé de 3,6Md € en 2023 et 2024 à 1,15Md € cette année, en attendant les prochaines annulations de crédits.

L’examen du projet de loi sur la simplification de la vie économique a été un festival des députés MoDem, Renaissance, Horizons, LR et RN pour sabrer dans les outils écologiques : Zéro Artificialisation Nette (sans aucune alternative de stratégie urbaine), affaiblissement de l’ONF, suppression du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers, de l’Office français de la biodiversité ou de l’Observatoire national de la politique de la ville (outil pourtant nécessaire pour mesurer et accompagner les processus de transition écologique dans les quartiers populaires particulièrement exposés)…

Le 8 juillet, ils votaient la loi Duplomb qui ne pourra avoir qu’un seul résultat : réintroduire des pesticides cancérigènes sans régler AUCUN problème, notamment celui de notre souveraineté alimentaire ! Nos agriculteurs resteront piégés par une concurrence déloyale et une grande distribution qui les pressure jusqu’à la ruine, mais la FNSEA est satisfaite.

Et pendant ce temps, les Quartiers Nord de Marseille, métropole française et méditerranéenne de plus d’un millions d’habitants, et leur population étaient exposés à des incendies massifs, avec une sécheresse qui arrive toujours plus tôt dans l’année, résultat explicite du changement climatique en cours (et qui s’accélère). Quelle autre démonstration plus parlante pouvait-on trouver pour illustrer que le risque climatique est d’ores-et-déjà plus durement vécu par les catégories populaires ?!?

Enfin, ce matin du 9 juillet, nous nous sommes réveillés avec la communication du service européen Copernicus pour son bulletin climatique mensuel : Le mois de juin 2025 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe de l’Ouest, marqué par deux vagues de chaleur – entre le 17 et le 22 puis à partir du 30 juin – « exceptionnelles » : « ces vagues de chaleur sont susceptibles d’être plus fréquentes, plus intenses et affecteront de plus en plus de personnes en Europe« . Dans le monde, le mois dernier était le 3e mois de juin le plus chaud, juste derrière juin 2024 (qui était 0,2°C plus chaud) et quasiment au même niveau (0,06°C) que juin 2023.

Le groupe de rock australien Midnight Oil2 cartonnait dans les classements en 1987 avec la chanson « Beds are Burning ». En 2002, Jacques Chirac prononçait au  IVe sommet de la Terre à Johannesburg « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » En juillet 2025, nos lits brûlent avec la maison et toute la droite, du centre aux extrêmes, regarde ailleurs.

Frédéric Faravel

  1. La phrase exacte prononcée par l’ancien président de la République le 6 mars 2011 au Salon de l’agriculture est « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que là aussi ça commence à bien faire. » ↩︎
  2. Le groupe, connu pour son engagement écologiste, est toujours mené par le chanteur Peter Garett qui fut par ailleurs député travailliste à la Chambre des représentants d’Australie de 2004 à 2013 et ministre australien de l’écologie de 2007 à 2013. ↩︎

Entre prédation et sobriété juste, faire le bon choix

Comme son nom l’indique, l’écologie concerne à la fois le cadre naturel (sols, eaux, air – climat, biodiversité) qui peut être considéré comme un support et/ou une ressource et les usages d’inscription des populations dans ce cadre (habitats, infrastructures, énergies, mobilités, etc.). Ces deux aspects interagissent au gré des décisions plus ou moins responsables des humains, structurées par les idéologies que ceux-ci élaborent pour décrire leur relation au monde naturel et physique voire physiologique.

Les lois, règles et règlements tentent de codifier les modalités d’inscription des activités humaines censées satisfaire les besoins élémentaires de l’humanité, voire son émancipation de ces contraintes physiques dans un cadre moral et partagé. D’où les conséquences sociales et les rapports de force politiques qui, à leur tour, impactent le cadre naturel.

S’agissant du cadre naturel, après une longue période prolongeant la 1ère révolution industrielle (et les suivantes) fondée sur la découverte des usages que l’on pouvait tirer de l’exploitation des ressources naturelles et sans précautions aucune, les signaux obtenus en retour nous font percevoir leur finitude et les dangers qu’il y aurait à les outrepasser.

Mais comment se résoudre à la frustration du mode de vie que cela nous a procuré et plus encore à celle que les populations qui aperçoivent enfin la possibilité d’y accéder ?

L’extractivisme doit prendre en compte les données très réelles du potentiel restant. Même les grandeurs les plus considérables que sont l’eau et l’air sont susceptibles d’être affectées dans leurs qualités intrinsèques au risque de ne plus être une ressource mais de possibles dangers. Sans compter que les idéologies elles-mêmes posent problème en ne réglant pas les questions de répartitions et de respect des limites physiques.

Il est donc temps que nous prenions conscience de ces paramètres et qu’en responsabilité nous indiquions comment il est possible d’occuper ce cadre naturel – cette planète – durablement et pour toutes les populations qui y ont universellement droit.

Il s’agira certainement de sobriété mais aussi des modalités pratiques réglementées dans un souci d’équité et de justice sociale.

S’agissant des usages, l’occupation des espaces, dans le respect de leurs qualités physiques, est un premier marqueur de la capacité à organiser, dans la justice sociale, la répartition de l’impact humain. S’en suivent, l’organisation des territoires en termes d’infrastructures – de mobilités, énergétiques, de gestion/réparation des pollutions – et de productions industrielles et agricoles, sans oublier les espaces de loisirs. Et ce dans le cadre naturel – espaces naturels inaccessibles et inexploitables : forêts, déserts, montagnes, océans, etc. – qui dépasse largement nos capacités d’aménagement.

Chaque élément d’infrastructure correspond à une prédation dont il convient de limiter l’impact sur les équilibres de l’ensemble. Dans le même temps où ils participent de l’habitabilité de la planète et de la satisfaction des besoins de ses habitants. Il s’agit donc de s’assurer de son moindre impact et/ou de sa compatibilité avec les ressources naturelles qu’il « aménage ». Et de sa réelle valeur en termes de résolution des besoins élémentaires des populations qu’il est censé servir – dans un cadre moral et égalitaire, démocratiquement retenu.

Les sols : qu’il s’agisse de leur occupation ou de leur exploitation, sont en qualité et quantité des valeurs finies. Leur modification physique par l’usage qui en est fait doit être évaluée et leur dégradation doit faire l’objet d’une décision consciente et partagée. Nul ne peut impacter leur nature sans en obtenir l’autorisation par l’ensemble de la communauté.

L’eau est un cycle universel et constant. Il peut néanmoins être perturbé par des usages excessifs, relevant d’accaparements abusifs et inconsidérés ou par des implantations d’infrastructures contrariant son libre écoulement. Là encore il s’agit de coordonner, après des études indépendantes des commanditaires, le « possible » sans risque pour les usages voisins et le respect de la valeur intrinsèque des éléments naturels.

L’air : on sait maintenant à quel point les usages et les productions humaines ont pu et continuent de modifier la composition originelle de l’atmosphère qui englobe notre terre, au point d’en affecter les climats. Pour autant, nous pouvons mesurer les modifications qu’il faudrait opérer dans les usages de nos sociétés développées – qui ne sont qu’une partie de l’ensemble – pour, si ce n’est retrouver, du moins tenir dans des limites acceptables les paramètres qui régissent les éléments atmosphériques. Réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, limitation des molécules et particules rejetées par les usages industriels, agricoles, liés aux mobilités et aux habitats.

Ce sont des efforts considérables qui ne concernent pourtant qu’une partie de la planète, la majorité des sociétés n’ayant pas atteint le niveau de développement des pollutions liées à leurs usages. On se perd en conjonctures sur les voies et moyens d’exister sans tout détruire.

Devant un tel défi, les idéologies tentent d’élaborer les plans de transition vers un retour à la raison, à la compatibilité d’un système d’usages avec les valeurs physiques du cadre. On en est à évaluer le nombre de planètes qui seraient nécessaires à la neutralité, au jour de l’année à partir duquel nous avons atteint les limites physiques des ressources de la planète. On craint que cela ne finisse mal, soit par un collapsus général, soit du fait d’affrontements idéologiques.

Sans doute trouverons-nous des solutions technologiques pour amoindrir les effets du mal qui a déjà été commis mais on se doute tout autant que cela ne sera pas suffisant. C’est un mode d’usages différents qu’il s’agit d’élaborer, en prenant en compte l’ensemble des habitants qui ont un droit égal à habiter la planète, dans de bonnes conditions de santé, de développement et d’émancipation.

La biodiversité animale et végétale : longtemps considérée comme un souci accessoire, tant du fait de son ancienne rivalité avec le genre humain – en termes de partage des ressources alimentaires et de dangerosité réelle ou supposée – que de son incapacité à faire valoir ses droits (!), on en vient pourtant à s’imaginer que la planète et ses ressources ne serait pas la même sans la présence et les interactions de ces espèces douées de sensibilité. Ressource alimentaire – exploitée au-delà de toute raison – mais aussi agent du climat, des relations biologiques inter-espèces, tantôt « nettoyeur », tantôt fécondateur, il s’agit, quoi qu’on en pense, d’un élément constitutif du cadre naturel dans lequel nous avons établi nos vies. Nous ne sommes qu’au seuil de la prise de conscience de son rôle irremplaçable dans les fonctions biologiques de l’environnement et à quel point il serait dangereux, pour nous même en tant qu’espèce, de l’asservir jusqu’à en menacer l’existence.

Quand on considère à la fois la finitude des ressources et le respect avec lequel qu’il convient de faire usage des celles-ci, dans le contexte d’une démographie qui a d’ores et déjà explosé depuis l’ère préindustrielle, on comprend bien qu’il y a nécessité d’une révision drastique du mode de développement des usages conçus dans le cadre circonscrit à « l’occident développé ».

Nul doute qu’il y a un système de pensée, une conception générale du cadre naturel et des usages qui s’y inscrivent, à la base de la manière dont cela a été développé depuis les Temps Modernes et dans le périmètre de l’Occident.

Un modèle prédateur, sans souci de sa soutenabilité, optimiste quant aux solutions que sa science naissante et sa technologie seraient en mesure de résoudre tous les problèmes à mesure qu’ils apparaitraient. Enfin, parfaitement égoïste, jouisseur et violent.

C’est à la fois le libéralisme en tant que philosophie, le capitalisme en tant que moteur du développement exponentiel et la violence en tant que rapport au monde qui se répandent sur la planète dès les premières conquêtes de la Renaissance, plus encore à partir des Lumières et des premières révolutions politiques puis industrielles, enfin l’impérialisme qui achève le modèle dominant jusqu’à présent. Sans en être comptables, nous en sommes les légataires à défaut d’en être les héritiers. Et il nous échoit de faire le constat du désastre tant humain (politique) qu’environnemental auquel ce puissant mouvement a conduit la planète. Mais il n’était pas univoque et a toujours contenu un mouvement de contestation, tant de ses méthodes que des situations auxquelles il conduisait.

Ne serait-ce que du fait du profond système d’inégalités qu’il a continûment imposé, non seulement vis à vis des populations colonisées mais avant tout vis à vis de celles et ceux qu’il a inscrit dans un système de domination de son propre contingent. La violence étant à la base de son rapport au monde, c’est un système politique de domination des masses par une élite aristocrate, prolongée par une bourgeoisie marchande qui s’est développé à partir de l’occident « très chrétien ».

Or dans ce système le cadre naturel n’est qu’une ressource que l’on peut piller, pour peu qu’on ait les capitaux susceptibles de mettre en œuvre les dernières connaissances en matière d’extraction, de culture intensive, de détournement des ressources en eau et en énergie, d’achat à moindre coût de main d’œuvre (potentiellement gratuite du fait de l’esclavage), d’exploitation des plus faibles.

Cadre naturel et masses humaines sont pris dans une même « machinerie » à créer de la plus-value et du profit : le premier est pillé sans retenue (et plutôt salement), les secondes sont exploité individuellement et collectivement. Les règles et les lois, à peine naissantes, sont à la main de ceux qui ont l’argent et, de fait, l’oreille du pouvoir (qui s’appuie lui-même sur l’argent).

Il faudra bien des luttes – du sang et les larmes – pour que les masses laborieuses, celles qui élaborent les produits, objets du profit, parviennent à se distinguer de la « matière » que l’on extrait et que l’on façonne.

C’est pourquoi il y a incontestablement un rapport entre la violence extractiviste et l’exploitation des masses laborieuses. L’une et l’autre font l’objet du même manque de respect quant à leur nature et à leur fragilité, du même cynisme quant à leur exploitation sans limite.

De ce parallèle, il devrait être possible à la fois de mobiliser sur la modération qu’il devrait y avoir dans nos modes de productions et de rapport au cadre naturel, et de revendication d’un meilleur partage des richesses. Celles et ceux qui voient bien que leur travail est revendu X fois ce qu’il leur est payé, peuvent parfaitement comprendre que la détérioration du cadre dans lequel ils inscrivent leur vie est aussi un abus d’usage des ressources exploitées par les mêmes qui leur achètent si piteusement leur force de travail. Au point même de mettre en danger leur capacité à la reconstituer du fait d’un air pollué, d’une eau de qualité douteuse, d’aliments empoisonnés, de dangers climatiques, etc.

Faire le lien entre ces deux situations critiques, dues au même système prédateur et irresponsable, profitant des mêmes effets d’un déséquilibre assumé en raison de l’accumulation de profits tirés d’un même système de pensée spoliant indifféremment le cadre naturel et les populations inscrites, devrait permettre une prise de conscience.

Une prise de conscience en faveur d’un type de développement respectueux des équilibres naturels finis et d’une conception de la vie en société qui fasse place, durablement, à toutes les existences dans leurs aspirations les plus légitimes.

Bruno Lucas

Répondre au défi de Trump et des climato-sceptiques

Mettant soigneusement en scène le retrait des USA de l’Accord de Paris sur le climat, le rejet des engagements financiers internationaux liés dont le soutien aux pays du sud, la fin des aides allouées à l’achat de véhicules électriques, un moratoire sur le développement du parc éolien, … Donald Trump, nouveau président en exercice des États-Unis d’Amérique avec un programme mêlant néofascisme et libertarianisme au profit de l’oligarchie la plus caricaturale, signe l’abandon des politiques américaines en faveur du climat. Et il enfonce le clou en décrétant un état d’urgence énergétique visant à doper la production de pétrole et de gaz des États-Unis, déjà premier producteur mondial, en revenant sur des interdictions de forage dans des zones protégées dont l’Alaska.

Les incendies ravageurs de Californie, conséquence du dérèglement climatique, la fonte exponentielle des glaces des deux pôles, la multiplication des tornades meurtrières balayant les zones habitées des océans comme à Mayotte ou à la Nouvelle-Orléans, le réchauffement général constaté du hot spot méditerranéen à la Sibérie, … Tant et tant d’exemples et d’analyses chiffrées ! Face à ces faits, Donald Trump oppose son refus de comprendre la portée du dérèglement climatique. Ceci est incompréhensible pour les Américains mais aussi pour l’humanité alors que l’objectif de l’accord de Paris limitant à 1,5°c la hausse de températures n’a pas pu être tenu. Les États-Unis, première puissance et premier pollueur historique, ont une obligation vitale pour éviter le pire, leur Président la foule aux pieds.

Gageons que d’autres populistes aux visions « bas du front » lui emboîteront le pas. Le président argentin l’a confirmé, tout comme les formations d’extrême-droite européennes, au pouvoir ou non.

L’internalisation de ce phénomène de déni de l’urgence climatique pourrait provoquer un «effet domino», incitant d’autres nations à relâcher leurs propres engagements environnementaux. Une telle dynamique pourrait compromettre grandement notre capacité à relever ce défi global, dont on sait qu’il nécessite un degré de collaboration international important.

Toutefois, si l’Europe est, pour une fois, réactive sur le plan industriel et si la France en était le fer de lance, cela pourrait être une opportunité pour notre vieux continent.

En effet, le secteur des énergies renouvelables croît et l’absence des USA sur ce marché porteur donne un avantage économique indéniable à l’industrie et l’agriculture française. C’est ce que nous dit Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris « La transition mondiale bénéficie d’un élan économique imparable ». C’est ce pour quoi nous avons déjà plaidé à plusieurs reprises dans nos prises de position.

Nous militons pour qu’en France un Plan pluriannuel d’investissements soit fléché vers les énergies propres (géothermie, éoliennes, nucléaire, hydrauliques, hydrogène, …) et les économies d’énergie, activité profitable aux entreprises et plus particulièrement au Bâtiment.

Ceci nécessite que les parlementaires et l’exécutif se donnent les moyens d’une fin de non recevoir ferme à la revendication par la droite et l’extrême droite de Le Pen et Wauquiez d’un retour de bâton contre les opérateurs nécessaires à ce virage industriel :

  • l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui finance pour 92% les projets de décarbonation industriels ou de collectivités locales ;
  • l’Office français de la Biodiversité qui nous protège des atteintes aux espaces naturels, à la biodiversité et, surtout au cycle de l’eau (dont les agences sur le terrain font les frais d’actions de vandalisme ou même d’occupation) ;
  • l’Agence Bio qui accompagne 89 000 acteurs économiques pour 215 00 emplois.

Cela implique que l’ensemble des politiques publiques, de l’industrie au bâtiment, de l’alimentation à la cohésion des territoires (ville ou rural, et en priorité en direction des plus modestes) soient des leviers de mise en œuvre active des outils et des crédits dont disposent ses opérateurs. Ceci nécessiterait que le gouvernement fasse preuve de courage et se lance dans des politiques industrielles et climatiques d’avenir. Malheureusement ce n’est pas le chemin choisi par la droite gouvernementale qui, au Sénat, acte une baisse généralisée des programmes écologiques : fermeture de l’Agence bio ; 175 M€ en moins pour l’électrification du parc automobile (qu’est censé compenser le mécanisme de certificat d’économie d’énergie) ; 200 M€ de moins pour les énergies renouvelables ; 700 M€ de moins à « MaPrime Rénov » ; 50 M€ de moins pour les infrastructures de transport ; 30 M€ de moins pour la biodiversité… même le « fonds vert » perd 1,5 Md€ par rapport à 2024.

La GRS a dans ce domaine des suggestions1 à soumettre à l’ensemble de ses partenaires pour conduire une politique au service de la France et des Français.

Alain Fabre-Pujol, Maxence Guillaud, Henri Fiori et Frédéric Faravel

  1. à consulter d’urgence :
    Le programme de la Gauche Républicaine et Socialiste, adopté en septembre 2021 (actualisation à venir) ;
    Alerte sur le climat : pour l’agriculture, les solutions existent
    La catastrophe de Valence fera-t-elle faire silence aux climato-sceptiques
    Peut-on financer la transition écologique par l’émission de monnaie sans dette ?
    Production, échanges et transition écologique : l’Europe n’a pas de stratégie
    Quelle stratégie pour sauver le transport ferroviaire ?
    La question fondamentale, c’est « Où on produit ? Qu’est-ce qu’on produit et que veut-on produire ? »
    Planification écologique : Macron prend l’eau
    Electricité : l’autorité de la concurrence contre la démocratie
    Greenwashing royal
    L’impasse écologique de l’extrême droite
    Sommet du plastique : passons aux solutions pratiques !
    Une COP climatisée, pour quoi faire ?
    L’accord UE-Mercosur serait perdant des deux côtés de l’Atlantique
    On condamne l’agriculture européenne et française à mourir
    Panneaux solaires et voitures électriques : catastrophe en vue sur l’industrie européenne
    et bien d’autres encore … ↩︎

La catastrophe de Valence fera-t-elle faire silence aux climato-sceptiques ?

Alors que le gouvernement français retient comme hypothèse « raisonnable » une hausse de 4°c à l’horizon 2050 (d’ici 25 ans) le dérèglement climatique bat son plein, la terre brûle et les eaux créent le tumulte avec la hausse du niveau des mers, des orages et tornades de plus en plus violents, des inondations de plus en plus meurtrières…

« Les zones sèchent s’assèchent, les zones humides s’humidifient, la Méditerranée est un hot spot du changement climatique. Sur l’arc méditerranéen, on constate déjà un réchauffement marqué avec un assèchement l’été » expliquait Hélène Corréa, climatologue à Météo France dans le quotidien La Provence. 1°c dans l’air c’est 7% d’humidité en plus.

Et, malheureusement les exemples foisonnent de mauvaises nouvelles : inondations dévastatrices de Nîmes 1989, Vaison-la-Romaine 1992, du Gard 2002, Arles 2003, tempêtes KLAUS 2009 pour la région Occitanie, Draguignan 2009, Var 2011, Cannes 2015, Givors et Rive de Giers octobre 2024, mais aussi des incendies massifs au Portugal, en Grèce et en Espagne, en France aussi notamment dans l’ancien Languedoc-Roussillon et la Corse, sans oublier l’actuel processus de désertification de la plaine du Roussillon… Cette longue liste n’oublie pas le reste du territoire national régulièrement frappé par des tempêtes et inondations ; mais ce qui peut être analysé et fait pour la sauvegarde des biens, des personnes et de la biodiversité sur l’arc méditerranéen pourra pour partie se transposer et ralentira ponctuellement le réchauffement climatique vers le nord.

Présenter le bassin méditerranéen comme un « spot » du dérèglement climatique, cela signifie que l’année 2022 la plus chaude enregistrée depuis 1947 y sera la norme en 2050. Toulouse, Montpellier, Nîmes, Aix, Marseille connaîtront durablement le climat andalou, climat se tempérant jusqu’à Lyon qui connaîtra, elle, le climat de Rome. Des étés de plus en plus secs (jusqu’à 2 mois de canicules au lieu de 20 jours en 2024), des automnes de plus en plus pluvieux sur les hauteurs méditerranéennes du système Ibérique ou des Pyrénées, des Cévennes ou des Alpes maritimes : goutte froide, épisode méditerranéen ou cévenol balayant les terres asséchées ou urbanisées entre monts et mer, mer au niveau plus élevé d’au moins 50 cm à la moitié du siècle faisant rétention des eaux pluviales.

Au-delà de l’incrédulité des climato-sceptiques partisans du laisser-faire et affirmant que la terre a déjà connu cela (Oui ! il y a 125 000 ans pour les niveaux de température et 3 millions d’année pour le même taux d’oxyde de carbone !), d’ élus sans imagination brossant leur électorat dans le sens du poil dont le Président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes remettant en cause le dispositif ZAN (Zéro artificialisation nette) en 2023 avant de faire marche arrière sur des motifs purement administratifs, de responsables économiques de l’agriculture, du bâtiment et des travaux publics, il faudra afficher un volontarisme sans faille, soutenu par une planification de court moyen et long terme, pour inverser la cap, là où c’est encore possible. Et ce n’est pas le Plan d’adaptation au changement climatique, rustine gouvernementale publié cet automne, à peine visible sur la réalité, qui peut suffire.

La planification attendue doit évoquer la souveraineté de la France sur ce sujet (comme sur d’autres). Quand on songe que la loi de restauration de la nature1 adoptée au niveau européen est le texte pour la biodiversité le plus important depuis 30 ans, notre pays doit se montrer offensif pour préserver les intérêts de la France et des Français.

Transformer l’agriculture

Deux grands chantiers doivent servir de fil conducteur aux décideurs pour les deux décennies à venir : l’agriculture et la préservation des risques naturels et techniques.

Pour ce qui est de l’agriculture, l’agro-climatologue serge Zaka nous prévient une nouvelle fois « Les printemps et les hivers seront très pluvieux, de plus en plus. En contrepartie, les étés, les fins de printemps et les débuts d’automne seront plus secs. Ce n’est pas le climat qui nous dira si l’agriculture s’en remettra. C’est notre réaction. Si on ne change rien à nos cultures, à nos pratiques, on ne va pas s’en sortir. Il faut anticiper ». Pour cela, la mobilisation coordonnée des syndicats agricoles, des assemblées consulaires, des collectivités locales et de l’État est nécessaire, dans le cadre d’une solidarité nationale mobilisant la redistribution fiscale où les plus fortunés contribuent significativement plus.

Il y a quelques années nous riions à l’évocation de boire un vin de Bordeaux vendangé en Bretagne ou un « Costières de Nîmes » délocalisé dans les pays de Loire2, voire un rosé de Provence en Alsace. Aujourd’hui chaque grand viticulteur cherche des terrains en Bretagne, dans le Nord, en Cornouailles anglaise, voire en Belgique … pour y implanter des exploitations viables pour la deuxième partie du siècle. Ceci vaut pour le maraîchage et l’arboriculture. Cette évolution doit être accompagnée pour veiller à ne pas assécher les sols de ces futurs terrains (labourage intense et produits phytosanitaires), à conserver haies et arbres qui apportent de l’ombrage en été, limitent le vent qui dessèche, captent de l’eau en hiver, pour apprendre de l’agroforesterie des pays du sud, pour préserver la diversité des productions…

La puissance publique doit accompagner les agriculteurs en transition sur la question des revenus, le soutien du système bancaire, la formation, l’aide à la conversion, par filière, permettant de transformer l’agriculture méditerranéenne traditionnelle (vigne, maraîchage et arboriculture) pour de nouvelles exploitations (oliviers, amandiers, grenadiers, agrumes, eucalyptus…) tout en conservant ce qui pourra s’adapter à une hausse majeure de température, tel l’élevage ovin et caprin, où les vignes aux cépages andalous ou marocains… Ceci doit tenir compte de la ressource en eau qui va en s’étiolant avec la réutilisation des eaux usées, l’optimisation du réseau d’approvisionnement et la création de petites retenues collinaires. Dans ce cadre, le projet AquaDomitia 2 devra évaluer l’évolution de l’agriculture dans une zone en cours de désertification (dans les Pyrénées Orientales notamment) à l’aune de la raréfaction de l’eau du Rhône dans les décennies à venir pour ne pas rater son but en pénalisant les dessertes d’eau du Gard et de l’Hérault sans satisfaire les agriculteurs catalans.

Adapter nos sociétés aux risques

L’autre axe d’importance est la préservation des risques naturels et techniques des zones habitées.

La France doit prendre sa part de la lutte contre le dérèglement climatique en limitant l’émission de gaz à effet de serre mais aussi en prenant des mesures immédiates sur son territoire de protection des biens et des personnes.

L’urbanisation est un facteur aggravant des inondations. Forêts, broussailles, garrigues, exploitations agricoles ont trop souvent laissé place aux ZAC, voies diverses, zones urbaines plus ou moins denses… Et l’eau, sans tampon, dévale, ravageant tout sur son passage comme dans la région de Valence cette semaine, après Nice, Cannes, Nîmes, Vaison…

Nous devons repenser notre conception actuelle du cycle de l’eau et sortir du modèle de gestion des eaux pluviales hérité de la politique du « tout tuyau », inadapté au contrôle des inondations et ayant tendance à saturer les réseaux d’assainissement. Chaque catastrophe pousse les pouvoirs publics à entreprendre de nouveaux travaux gigantesques : bassins de rétention, détournement de cours d’eau, tunnels souterrains traversant les villes… Mais il faut également modifier nos PLU, amorcer un verdissement général de l’activité humaine, et nous tourner vers l’application des grands principes de la GIEP (Gestion Intégrée des Eaux Pluviales), notamment en ce qui concerne la perméabilisation des surfaces urbaines. Remplacer nos revêtements imperméables par des surfaces absorbantes et intégrer davantage de végétation permet non seulement de réduire les risques d’inondation, mais également de générer d’autres externalités positives sur la vivabilité de nos environnements. Le modèle de la « ville éponge » peut constituer un exemple vers lequel nous devrions tendre pour limiter les ravages de nouvelles catastrophes. Autres axes de travail indispensables : lutter contre le réchauffement dû aux transports, appliquer drastiquement un dispositif ZAN rénové (la méthode actuellement choisie est pleine d’incohérences, répartit mal l’effort et empêche à bien des égards les processus de réindustrialisation), élargir à l’ensemble des départements méditerranéens la procédure initiée par le préfet des Alpes-Maritimes en juillet 2024 qui a publié un DIRE3 conditionnant son feu vert à la fourniture d’éléments prouvant que les communes disposent de la ressource en eau nécessaire à leur extension. Ce DIRE doit être élargi à l’ensemble des questions liées à l’eau.

Et, dans le bassin méditerranéen, la question de la hausse du niveau des mers s’impose car elle promet d’impacter durement nos côtes exposées à la submersion marine. Il est ainsi de la Camargue, de l’étang de Berre, et d’une grande partie des cotes sablonneuses de Marseille ou du Languedoc directement menacées pour une hausse supérieure à 50cm. Quelle protection assurer pour les activités industrielles entre Arles et Marseille, les activités économiques, dont le tourisme avec le premier port de plaisance d’Europe à Port-Camargue et l’ensemble des activités balnéaires, les activités agricoles avec la production du riz de Camargue, les salines d’Aigues-Mortes et de Saint-Louis-du-Rhône ainsi que les élevages de taureaux et chevaux. Doit-on envisager la construction, ici ou là de polders ?

Enfin, la nécessité d’une planification peut s’entendre aussi dans le modèle économique des catastrophes qui s’enchaînent avec des factures qui flambent pour les assureurs, les collectivités territoriales et les habitants : la France, les Français peuvent-ils continuer à s’assurer quand « France-Assureurs » estime à 6,5 milliards d’euros en 2023 le coût annuel des catastrophes et sinistres climatiques ? Et combien d’emplois pourront être maintenus et créés, combien de richesses anciennes conservées et de nouvelles créées en évitant le traumatisme né du déchaînement de la nature ?

Alain Fabre-Pujol, Sophie Camard
et le pôle « écologie républicaine » de la GRS

1 Le texte vise à préserver la biodiversité de 20% des terres et des mers et à restaurer au moins 30% des habitats (zones humides, forêts, etc.) en mauvais état. Il doit permettre à l’Union Européenne de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord Kunming-Montréal en 2022.

2 Des vins de même facture sont dès aujourd’hui en train d’être expérimentés sur les terrils du Nord-Pas-de-Calais…

3 Document qui précise les obligations des collectivités locales souhaitant ouvrir de nouveaux secteurs à l’urbanisation

Alertes sur le climat : pour l’agriculture, des solutions existent !

Fin mars, coup sur coup 2 rapports confirment les effets alarmant du dérèglement climatique :

  • Hausse exponentielle des catastrophes et sinistres climatiques dont le coût annuel est estimé par « France Assureurs » ce 27 mars à 6,5 milliards d’euros pour 2023 ;
  • Hausse des températures et des vagues de sécheresse qui frappe les régions viticoles (revue scientifique Nature du 26 mars) au point que le climatologue Serge Zaka peut envisager de voir le bordelais et la bourgogne déménager en Bretagne ou en Normandie, le champagne dans des pays du nord et l’Occitanie accueillir vins andalous et cépages marocains.

Ces rapports nous alertent sur le dérèglement climatique accéléré dû aux activités humaines qui menacent l’avenir de nos sociétés et la biodiversité.

Toutefois, ils portent aussi des propositions proches des recommandations du Haut Conseil pour le Climat de janvier 2024 avec, notamment, l’adoption par le Parlement français d’un plan d’action permettant la mise en place d’un système agricole et alimentaire bas carbone, résilient et juste ainsi que de réelles propositions pour un nouveau « new deal européen ».

Pour les régions viticoles qui doivent se recomposer cela peut passer par un changement de cépages (grenache au lieu de chardonnay ou sauvignon) et la réimplantation de cépages anciens (Clinton et isabelle en Lozère). Pour la viticulture, comme pour l’agriculture méditerranéenne, la clé réside dans la diversification mais aussi dans l’adoption de nouvelles pratiques telles que la culture en buisson, la mise en culture de grenades et agrumes, l’implantation de panneaux photovoltaïques protégeant les cultures, l’agroforesterie faisant se côtoyer arbres fruitiers et autres cultures, les filets protecteurs de la grêle et autres ravageurs.

Dans le secteur des assurances « l’initiative sécheresse » propose de prévenir la menace des fissures par retrait-gonflement qui menace près de 11 millions de maisons en France avec une approche liée à l’habitat durable.

Cela nécessite courage, volonté, engagement collectif et soutien des pouvoirs publics, loin de ce que la droite française au gouvernement et la Commission européenne opèrent avec le soutien de l’extrême droite dans une union mortifère des climato-sceptiques et des ultralibéraux.

Contrairement au gouvernement, nous aurions maintenu les 2,2 milliards d’euros initialement prévus pour l’écologie, le développement et les mobilités qui participent à la lutte contre le dérèglement climatique et bénéficient à l’emploi et aux entreprises.

Nous proposons de renverser la table pour assurer la souveraineté alimentaire de la France avec l’harmonisation de règles européennes pour l’environnement et les droits sociaux et en s’attaquant aux pays peu regardant en ces domaines qu’ils soient intra ou extra européens. Avec la Politique Agricole Commune (PAC), nous pourrions faire face aux crises structurelles de l’agriculture (sécheresse désormais endémique dans les Pyrénées-Orientales, par exemple) et nous pourrions financer les investissements durables ; nous voulons aider sur la base de projets par filière et non plus à l’hectare des grands céréaliers.

Nous voulons mettre un terme aux accords multilatéraux qui broient l’agriculture française en la mettant en concurrence avec des agricultures aux coûts moins élevés, sans « clauses miroir » sur les normes écologiques et fiscales. Dans ce domaine, contrairement à ce que semble envisager le gouvernement (comme Valérie Hayer le laisse entendre), nous notifierions à la Commission européenne le vote de désapprobation du CETA (Canada) par le Parlement français afin de le rendre inapplicable sur notre territoire.

On le voit en matière d’adaptation au changement climatique, tant pour l’agriculture que l’habitat, les propositions, que la Gauche Républicaine et Socialiste porte et met dans le programme de la liste de Gauche Unie pour le monde du Travail, font la différence dans le débat politique atone et caricatural de ce début de campagne pour les élections européennes du 9 juin 2024.

Alain Fabre-Pujol

COP 28 : Assez d’hypocrisie et de débat sur les mots, il faut des solutions !

La majorité des participants à la COP 28 de Dubaï et les médias internationaux saluent, ce 13 décembre 2023, ce qu’ils présentent comme un « accord historique ».

En effet, le texte de compromis encourage les participants à une « transition hors des énergies fossiles« . On peut considérer que c’est une avancée puisque la COP de Glasgow en 2021 avait échoué à l’intégrer et n’appelait qu’à la sortie du seul charbon.

Cependant, la Gauche Républicaine et Socialiste exprime sa forte réserve sur ce type d’événements, qui s’apparentent de plus en plus à des foires mondiales où se négocient autant de contrats commerciaux que d’avancées pour la planète. Le tout dans un cadre où règnent les lobbies et où les lieux de réunions sur-climatisés sont distants de 20 km et reliés par des autoroutes à 8 voix…

Mais surtout, les conclusions des COP ne sont jamais contraignantes. Le monde doit compter sur la « bonne volonté » des États. Cette absence de caractère contraignant des engagements pris par les États lors des COP est illustrée de la pire des manières par la stagnation du du fonds pour les États victimes du réchauffement climatique créé par la COP 27… Alors qu’il s’agit des populations entières, les annonces se font rares : on ne peut plus se contenter des bonnes volontés.

L’hypocrisie est d’autant plus forte que les parties s’engagent à la « transition hors des énergies fossiles » tout en misant sur le recours au méthane (un gaz 30 fois plus réchauffant que le CO2) et la « captation du carbone », précisément pour compenser… l’augmentation de la consommation des énergies fossiles (+2 % par an).

Il faut être clair : la lutte contre le changement climatique et pour la survie de nos sociétés ne peut pas se contenter de ces « solutions ». Nous ne pourrons pas limiter le réchauffement climatique à +1,5c° sans diminuer la consommation des énergies fossiles. Pas « limiter », ni « stabiliser » : diminuer ! Pour atteindre les objectifs que les COP se sont fixées pour 2030, cette diminution devrait dès à présent dépasser les 7% par an !

Nous appelons les dirigeants des États à sortir de l’hypocrisie. Nous appelons en particulier les dirigeants européens et américains, et au-delà tous les chefs d’État des pays développés, à cesser de chercher des compromis sur les mots, qui ne font que ménager les intérêts des multinationales. Nous appelons ces États à sortir de toute urgence de la religion du libre échange qui alimente plus que jamais la catastrophe climatique à venir.

Nous ne pouvons plus nous payer de mots ; nous avons besoin de SOLUTIONS.

La sortie des énergies fossiles est une nécessité vitale. Elle implique une révolution de notre appareil productif et une transition énergétique radicale. Il va nous falloir adapter nos sociétés dans leur ensemble, c’est-à-dire toutes nos entreprises pour qu’elles puissent se passer d’ici 15 ans du charbon, du pétrole et du gaz. Les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire font partie de la solution.

Le temps fuit devant nous : il faut s’y mettre dès maintenant.

Une COP climatisée, pour quoi faire ?

Après une année de records de températures et de catastrophes climatiques dans le monde entier, la COP28 rassemble à Dubaï (Emirats Arabes Unis) les signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, soit 197 Etats et l’Union européenne.

5 objectifs ont été retenus pour cette édition :

  1. Établir un premier bilan de l’accord de Paris. Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d’atténuation compatibles avec l’objectif de température qui avait été fixé (+1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle ). Or les engagements actuels pays par pays ne mènent qu’à 2% de baisse des émissions entre 2019 et 2030, au lieu des… 43% préconisé ! Si ces ambitions ne sont pas revues, le réchauffement global sera d’au moins +2,9°C d’ici 2100. Quel message politique la COP28 va-t-elle réussir à envoyer afin que tout le monde, en 2024, prépare sérieusement de nouveaux engagements ? pour limiter le réchauffement climatique et alors que « Chaque fraction de seconde compte. Un monde à +2°C est très, très différent d’un monde à +1,5°C », nous dit le GIEC.
  2. Afficher des objectifs clairs sur l’énergie : triplement des énergies renouvelables, doublement de l’amélioration de l’efficacité énergétique (c’est-à-dire le rendement lors de la consommation finale) et sortie de notre dépendance aux énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz), responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre. Progresser sur ce 3ème point à Dubaï semble d’autant plus illusoire que le président de la COP, ministre des Etats Arabe Unis, projette des accords bilatéraux sur le développement des énergies fossiles avec nombre d’États participants… Les ONG résument ainsi la problématique : choisir un tel président pour la COP est « une dissonance cognitive énorme, comme si on mettait un cigarettier à la tête de l’OMS »
  3. Impliquer le secteur pétrolier dans la transition pour organiser la nécessaire sortie des énergies fossiles et développer des solutions de captage et stockage de carbone, qui ne doivent pas cependant justifier l’extension de la production de combustibles fossiles au lieu de privilégier les alternatives (GIEC). Le captage de carbone ressemble par ailleurs à l’exemple même de la diversion : le site de Fujeirah mis en avant par les Emirats Arabes Unis, alimenté par l’énergie solaire et présenté comme le dispositif le plus puissant de la planète en la matière, arrive tout juste à traiter 1% des émissions de carbone de l’exploitation, il ne permet donc en rien de compenser la volonté des Emirats d’accroître leurs capacités de production d’énergie fossile.
  4. Organiser le fonds pour les pertes et dommages des pays victimes de désastres climatiques, dont la mise n place se fait attendre. Qui doit payer : les pays développés, responsables historiques du réchauffement, ou bien aussi la Chine et les pays du Golfe ? Qui seront les bénéficiaires : les pays en développement, Chine comprise (elle conserve en effet ce statut dans les instances mondiales), ou seulement les « plus vulnérables » ? Où installer ce fonds ? Au sein de la Banque mondiale, accusée d’être aux mains des Occidentaux, ou dans une structure indépendante mais dont la mise en place prendra du temps ?
  5. Débloquer les financements promis, sachant que les 100 milliards de dollars d’aide annuelle promis en 2009 par les pays riches ne sont pas atteints (83 milliards de dollars, selon les chiffres les plus récents de 2020 fournis par l’OCDE). il va falloir se décider sur la suite. Combien ? Pour englober quoi ? La finance privée devra elle aussi prendre toute sa part. Autre enveloppe défaillante : la promesse de la COP de Glasgow en 2021 d’atteindre 40 milliards d’euros par an pour l’adaptation au changement climatique.

On constate donc à quel point la COP 28 organisée par les Emirats Arabes Unis est pétrie d’injonctions contradictoires… Rien d’étonnant à cela puisque le cadre capitaliste et financiarisé de la globalisation n’est jamais interrogé. Rappelons que l’extension des échanges commerciaux compte pour 25% des augmentations d’émissions de gaz à effet de serre. Au-delà des actions immédiates pour réduire l’empreinte carbone de la production énergétique ou des transports, nous ne réussirons pas sans changer de modèle de développement, de commerce et de consommation.

Alain Fabre, Marie-Noëlle Lienemann, Laurent Miermont et Frédéric Faravel

Peut-on financer la transition écologique par l’émission de monnaie « sans dette » ?

Un certain nombre de personnalités et d’économistes affirme que les montants faramineux nécessaires pour organiser la transition écologique pourraient être payés sans coût en instaurant un mécanisme de création d’une monnaie « libre », sans endettement. Dans sa chronique mensuelle pour Le Temps des Ruptures, David Cayla contestait le 17 novembre 2023 cette solution et met en garde la gauche contre les promesses illusoires qui entendent nier le coût pour les ménages du financement de la transition. Nous republions cette chronique avec leur accord.

En février 2021, en pleine pandémie de Covid, 150 économistes et personnalités européennes, dont Thomas Piketty et l’ancien ministre belge Paul Magnette, signaient une tribune dans Le Monde ainsi que dans d’autres journaux pour demander à la BCE d’annuler la part de la dette publique qu’elle détenait en échange d’un montant similaire d’investissements « dans la reconstruction écologique et sociale ». La proposition avait tournée court, Christine Lagarde ayant répondu dès le lendemain qu’une telle mesure était « inenvisageable » et qu’elle violerait les traités européens.

Savoir si annuler la dette publique détenue par la BCE est contraire ou non aux traités est une question à laquelle il est difficile de répondre tant que les autorités compétentes (en l’occurrence la Cour de justice de l’Union européenne) ne l’ont pas tranchée. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les traités garantissent à la BCE une parfaite indépendance dans l’application d’un mandat dont l’élément principal est la stabilité des prix. De ce fait, lorsque l’inflation en zone euro a franchi la barre des 2% au cours de l’été 2021, il n’était plus du tout question d’exiger de la BCE d’assouplir sa politique monétaire.

Le reflux de l’inflation qu’on constate depuis quelques mois pourrait-il être l’occasion de relancer ce débat ? Cela semble être le cas puisque plusieurs voix se sont faites à nouveau entendre récemment à ce sujet.

Interrogé lors de la matinale de France Inter le 19 octobre dernier à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, le banquier d’affaire Matthieu Pigasse estime par exemple que la seule manière de répondre aux besoins sociaux et écologiques serait « de faire plus de création monétaire ».

« Une part très importante de la dette publique française, de l’ordre d’un tiers, est détenue par la BCE et la Banque de France. Cette dette pourrait très facilement être annulée sans aucun effet négatif économique ou financier. […] On peut créer plus de monnaie pour financer les grands programmes d’investissement, pour la transition énergétique, pour le climat ou pour construire des écoles ou des hôpitaux d’une part, et d’autre part pour distribuer un revenu minimum. C’est ce qui a été fait pendant la crise du COVID. Le fameux ‘‘quoi qu’il en coûte’’, les centaines de milliards qui ont été versés sur l’économie française l’ont été en réalité non par de la dette mais par de la création monétaire. »

Quelques jours plus tard, dans une chronique publiée par Le Monde, l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, cosignataire de la tribune de 2021 renchérissait dans la même logique en citant justement Pigasse. Comment faire pour financer les investissements non rentables de la transition écologique tels que la collecte des déchets océaniques ou la création de réserves de biodiversité, s’interroge-t-elle ? Le creusement de la dette ou la hausse de la fiscalité n’étant selon elle pas possible, « c’est donc vers une forme nouvelle de création monétaire, sans dette, qu’il faut se tourner pour financer l’indispensable non rentable ».

Le raisonnement est similaire, enfin, pour Nicolas Dufrêne, fonctionnaire à l’Assemblé nationale et directeur de l’Institut Rousseau, également cité par Couppey-Soubeyran. Dans La Dette au XXIe siècle. Comment s’en libérer (Odile Jacob), il dénonce « le discours parfois dogmatique de la gauche selon lequel il est nécessaire de taxer les riches et les entreprises pour faire du social » (p. 175). Dufrêne estime également que creuser la dette publique serait insoutenable, puisque la charge de la dette pourrait, selon lui, dépasser les 100 milliards d’euros à l’horizon 2030 (p. 44), on comprend assez vite qu’il faut trouver d’autres moyens pour financer la transition écologique et le bien être social. Et pour ce faire, la « solution » est simple : créer de la monnaie et annuler les dettes publiques détenues par la BCE. En effet, pour Dufrêne, « l’annulation est indolore » et permettrait de mettre en œuvre un « plan d’investissement gratuit » (p. 189).

DE L’ARGENT MAGIQUE À L’ÉCONOMIE MAGIQUE

La lecture du livre de Dufrêne est édifiante. Son auteur est manifestement persuadé d’avoir trouvé la martingale économique ultime. Les conservateurs qui critiquent son idée seraient des esprits étroits, incapables de penser « en dehors du cadre ». « La monnaie est une institution sociale, elle est donc un peu ‘‘magique’’ par nature puisqu’elle repose sur la confiance du corps social et non sur des limites physique » écrit-il (p. 178). Dès lors, il suffirait de « permettre au Parlement de décider d’une introduction régulière d’une certaine somme de monnaie libre de dette de manière ciblée sur des tâches d’intérêt général » pour « redonner ses lettres de noblesse à la politique économique » (p. 179). « Soyons audacieux » s’enflamme-t-il plus loin dans la même page : « À terme, il ne serait pas impossible d’imaginer une complète disparition de l’impôt comme moyen de financer les dépenses publiques ».

Mazette ! La logique est imparable. Puisque la création monétaire est susceptible de financer tout ce dont nous avons besoin, et puisqu’on peut créer de la monnaie sans limite et autant qu’on le juge nécessaire, alors laissons le Parlement financer tout ce dont rêve la gauche.

« Une fois le mécanisme rodé, il pourra monter en puissance et prendre une part plus importante dans le financement des dépenses publiques, voire des dépenses sociales. Il pourra alors servir de socle à des projets ambitieux dont la simple évocation se heurte pour l’instant à des considérations insurmontables, au regard de leur coût potentiel sur les finances publiques : un revenu universel, une garantie d’emploi généralisé, une sécurité sociale de l’alimentation permettant à chacun de se nourrir de produits bio, une protection généralisée des biens communs à l’échelle nationale, voire mondiale » (p. 180).

Dans la logique de la « monnaie libre » telle qu’elle est imaginée par Dufrêne, les contraintes de financement n’existent pas et l’impôt n’est donc plus nécessaire. On peut ainsi tout avoir sans payer. « Il s’agit de passer d’une vision où l’on considère que les finances publiques ne sont qu’un moyen de mettre en commun et de répartir les richesses créées par l’activité des citoyens et des entreprises à une vision où les finances publiques deviennent l’un des moteurs de la création de cette richesse, sans avoir à piocher dans la richesse créée par les citoyens et les entreprises » (p. 180). « Notre proposition de monnaie libre revient à donner à l’État, c’est-à-dire à la collectivité, les moyens de s’en sortir par elle-même, sans avoir à contraindre qui que ce soit, du moins par (sic !) pour des raisons tenant à l’obligation de financement des dépenses publiques » (p. 182).

LE RÊVE ET LA RÉALITÉ

Arrivé à ce stade du raisonnement, le lecteur bien intentionné ne peut être que perplexe. Il serait donc possible de financer des centaines de milliards d’euros d’investissement sans que cela ne coûte rien à personne ? Sans travailler davantage et sans réduire ses revenus ? Par le simple mécanisme de la création monétaire ? Si c’était vrai et si les économistes le savaient, alors ce serait un véritable scandale. Le plus étrange dans cette affaire est que ce soit un non-économiste qui révèle le pot-au-rose. La conjuration des économistes aurait-elle empêché l’humanité de se libérer de la dette de manière définitive alors que la solution était évidente ? Émettre de la « monnaie sans dette », de la « monnaie libre ». Avec un peu de chance on, pourrait même se passer de travail puisque l’argent, qu’on peut créer de manière illimitée, travaillerait pour nous.

Revenons sur terre. Et pour cela, revoyons quelques bases concernant le fonctionnement de l’économie.

La première chose qu’il faut dire c’est que la monnaie n’est pas de la richesse. En économie, on peut raisonner à plusieurs niveaux en étudiant les flux « monétaires », les flux « financiers » ou les flux « réels ». Les flux réels sont constitués des biens et des services que nous produisons et que nous échangeons. C’est ce qu’on appelle la richesse. Quant à la monnaie, elle représente et elle quantifie la richesse, mais elle n’en est pas elle-même. En effet, elle n’a de valeur que dans la mesure où elle peut être convertie en richesses réelles. On peut ainsi observer que dans une transaction marchande classique il y a bien deux flux de nature différente. Un flux « réel » qui va du vendeur vers l’acheteur (c’est la marchandise), et un flux monétaire qui va lui de l’acheteur vers le vendeur.

Pour appréhender les conséquences de cette représentation, il suffit de revenir aux propos cités plus haut. Pourrait-on, en créant de la monnaie « libre », instaurer « une sécurité sociale de l’alimentation permettant à chacun de se nourrir de produits bio » ? Si l’on a une vision naïve de l’économie, on pourrait croire qu’en donnant suffisamment de monnaie aux consommateurs, ces derniers pourraient acheter une quantité potentiellement illimitée de produits bios. Le problème est qu’on ne peut acheter avec de la monnaie que des biens qui ont été produits dans la sphère réelle. Or, pour produire des aliments bios il faut des terres, des agriculteurs et du travail.

D’après une étude du ministère de l’agriculture, les rendements par hectare de l’agriculture biologique sont entre 28 et 57% inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle. Cela signifie qu’en convertissant en bio l’ensemble des surfaces cultivées, la France diminuerait de plus d’un tiers sa production agricole. Donc sauf à recourir massivement à des importations, on ne pourra pas nourrir tout le monde. Comment la création monétaire pourrait-elle résoudre ce problème ? La réponse est simple : elle ne le peut pas.

Ni l’économie ni la monnaie ne sont « magiques ». Tout ce qui est vendu et consommé est nécessairement le résultat d’une transformation productive. Cette transformation a un coût « réel ». Le travail, le temps, les matières premières, les ressources qui ont été nécessaires à la production. Si les produits bios sont plus chers en monnaie que les produits de l’agriculture conventionnelle, c’est pour une raison qui tient à la sphère réelle. C’est tout simplement parce que pour produire une tomate bio il faut plus de terre et de travail que pour produire une tomate conventionnelle.

Au XVIe siècle, les élites espagnoles avaient une vision bullioniste de l’économie. Elles pensaient que la richesse d’une nation était strictement dépendante des quantités d’or et d’argent qu’elle détenait. C’est pour cela que les colonies espagnoles du Nouveau monde avaient pour principal objectif d’exploiter les mines d’or et d’argent qui s’y trouvaient. Pourtant, en dépit des flux de métaux précieux considérables qui se déversèrent sur l’Espagne à cette époque, le pays s’est globalement appauvri durant la période coloniale.

LE COÛT RÉEL DE L’INVESTISSEMENT

Dans une économie, la richesse réelle a différents usages. Elle peut être consommée ou investie. Lorsqu’elle est consommée, elle est utilisée par les ménages au profit de leur propre bien-être. Lorsqu’elle est investie, elle est utilisée par l’État et les entreprises principalement pour améliorer le moyens de production, les bâtiments et les infrastructures productives.

D’un point de vue formel on peut résumer l’économie à cette équation simplifiée :

PIB = Consommation + Investissement

Dans toute société, un arbitrage existe entre consommer et investir. En termes réels, ce choix se traduit de la manière suivante : soit on investit des ressources, du travail et du temps pour produire des machines et des bâtiments productifs, soit on décide que ces ressources et ce temps doivent être consacrés à la consommation. À moins de penser que les ressources naturelles et le temps de travail soient illimités, ce qui est absurde, on ne peut pas à la fois augmenter l’investissement et la consommation. De fait, augmenter la masse monétaire ne changera pas les données de cette équation. Si vous avez une main d’œuvre, vous pouvez soit lui faire produire des biens de consommation, soit lui faire produire des biens de production. Mais vous ne pouvez pas créer ex nihilo de nouveaux travailleurs, pas plus que vous ne pouvez faire apparaitre du pétrole et des terres cultivables.

On sait que la transition écologique va nécessiter un énorme effort collectif d’investissement. Concrètement, cela signifie qu’il va falloir rénover notre parc de logements, construire de nouvelles voies de chemin de fer, décarboner notre système énergétique. Il faudra changer presque tous nos véhicules, remplacer nos centrales électriques à gaz et à charbon, produire de l’acier sans charbon… Tout cela aura un coût réel considérable. Des millions d’emplois devront être consacrés à construire concrètement ces investissements. Des ressources énergétiques et des matières premières devront être orientées à cet usage. Le problème est que toutes les ressources qui seront consacrées à produire davantage de biens d’investissements ne pourront être utilisées pour produire des biens de consommation. Autrement dit, pour organiser la transition écologique il va falloir réorienter notre économie vers plus d’investissement et moins de consommation.

À partir de là, deux scénarios sont possibles. Si l’on est optimiste, on peut se dire que la croissance suffira à rendre indolore la transition écologique pour les ménages. Cela suppose que la croissance du PIB soit entièrement consacrée à augmenter l’investissement sans prélever sur la consommation des ménages. Le problème est que, dans ce cas, le rythme de la transition sera dépendant du niveau de croissance économique. Or, celle-ci n’est pas assurée. Aussi, le scénario le plus réaliste et le plus responsable serait de ne pas trop compter sur la croissance. Dans ce cas, pour s’assurer que les investissements soient réalisés le plus rapidement possible, il faudra réorienter des ressources productives de la consommation vers l’investissement. Cela se traduira, sur le plan monétaire, par une baisse des revenus et du pouvoir d’achat des ménages.

Aucune solution magique n’existe pour résoudre les paramètres de cette équation. La transition écologique sera d’autant plus rapide et efficacement mise en œuvre que le pouvoir d’achat des ménages sera globalement réduit. Ainsi, la seule manière d’organiser politiquement cette réduction et d’y introduire un minimum de justice sociale sera de faire en sorte que les ménages les plus aisés supportent l’essentiel de cette baisse. Et la façon la plus simple de baisser le pouvoir d’achat des catégories aisées c’est encore par la fiscalité. Pardon de tenir un « discours dogmatique », mais promouvoir de fausses solutions aux naïfs est encore le moyen le plus sûr de ne jamais organiser une transition écologique ambitieuse.

Green washing royal

Emmanuel Macron consacre 8 jours de son mandat à l’écologie, entre la réception du roi d’Angleterre et deux matchs de rugby (et nous aimons le rugby !) ce qui permet de juger de ce qu’il entend par «urgence climatique».

Dans les premiers éléments connus du projet de budget pour 2024, il n’y a en réalité qu’une maigre hausse du budget porté à 40 milliards d’Euros pour un «plan» visant à la baisse de 55% des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et une projection de neutralité carbone en 2050.

Mais la règle du saupoudrage, le refus d’un impôt sur les fortunes climatique et d’un prélèvement sur les sur-profits, les cadeaux aux sociétés d’autoroute, l’absence d’engagement pluriannuel du budget vert de la France tout comme l’absence de réforme du marché européen de l’électricité font douter de l’ensemble et, surtout, sans ressource d’importance empêche la mise en place d’un réel plan de transition écologique.

Quelques bons-points sont à noter :

  • Participation au financement des RER métropolitains (mais seulement 600M€ pour 13 projets),
  • hausse du bonus écologique pour les véhicules électriques et leasing,
  • suppression de 75% des chaudières au fuel et de 20% de celles au gaz,
  • quelques rares autres mesures avec 1,5 Milliards € envisagés pour la biodiversité (haies, forêts, eau),
  • soutien à la production locale d’énergie dans les DOM-TOM.

Mais il faut aussi compter avec les annonces présidentielles à la charge financière des collectivités locales et des bailleurs sociaux : RER et TER, rénovation thermique des établissements d’éducation publique et des logements sociaux, … comment feront-elles alors que l’actuel gouvernement a muselé leur capacité d’action par des ponctions budgétaires importantes et des baisses de recettes conséquentes ? Un exemple, dans le bâtiment, le gouvernement projette 2,2 Milliards alors qu’il ne mettra que 600 Millions sur 2 ans ou encore 0,5M€ pour 2000 écoles.

Et comment les ménages pourront financer des rénovations énergétiques performantes alors que l’inflation rogne les budgets ?

Que dire du flou entourant l’usage prévu d’1,6 milliard sur les transports: ferroviaire, maritime, routier ? Entretien ou création (PACA bordeaux Toulouse) ? financé par la SNCF, le gouvernement, les collectivités locales ? Et quel avenir pour le fret ferroviaire ?
Il en est de même sur la question des énergies avec une enveloppe dédiée de 1,8 milliard alors que nous avons l’obligation de développer massivement les énergies renouvelables (géothermie, hydraulique, éolien, solaire, Hydrogène…), ainsi que la filière nucléaire. Espérons ne pas trouver là le paiement du Gaz de Schiste importé à partir du port du Havre. Le compte n’y est pas !

Et ce n’est pas l’instauration d’un nouveau bidule les COP Régionales qui feront l’intervention de l’Etat.

Encore un rendez vous manqué, Macron a macronné dirait un Ukrainien. Il minimise et dépolitise l’écologie tout en vantant les mérites de la bagnole. La droite reste au milieu gué, refusant de s’engager dans un programme opérationnel pour une transition climatique et écologique républicaine mais pouvait-il en être autrement ?

L’impasse écologique de l’extrême droite

Le mois de juillet 2023 a été le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre ; le lundi 21 août a été le jour le plus chaud enregistré en France après le 15 août et les jours qui suivent battent de nouveaux records.

Et pour l’avenir, le dérèglement climatique étant à l’œuvre, rien de bon n’est attendu si nous ne changeons rien.

Salima Benhamou et Jean Flamand, économistes à France Stratégie, ont écrit ces jours-ci, parmi tant d’autres plumes, « Les vagues de chaleur seront encore plus intenses et plus longues, le niveau marin va augmenter, les conditions propices aux feux de forêt vont s’étendre et la sécheresse des sols concernera la quasi-totalité du territoire ».

C’est dans le creux de cette chaude torpeur estivale que l’extrême droite avance des propositions assassines en fidèle valet du capitalisme financier mondialisé qu’elle est. La négation des données scientifiques du GIEC, pourtant largement confirmées par toutes les analyses scientifiques, ou leur relativisation « ils ont tendance parfois à exagérer », histoire de faire accepter le climato-scepticisme du RN, révèle un confusionnisme volontaire et grave, car il fait le nid de l’irrationnel qui se développe, hélas, en période de crise. C’est au contraire la pensée rationnelle qui devraient être mise en avant pour élaborer et mettre en débat des choix politiques démocratiques et éclairés.

« L’écologie du bon sens » devient dans sa bouche la version vulgaire du précepte du Prince de Salina dans Le Guépard : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout ». Aussi, le RN prétend-il s’appuyer sur deux leviers pour lutter contre l’évidence.

1- Faire croire que seule la technologie suffira

Alors même que le récent rapport de l’Académie de Technologie souligne que cette voie ne suffira pas – que ce soit par le déploiement des éoliennes, des panneaux solaires, des nouveaux réacteurs nucléaires ou encore des systèmes de captage de CO2, voire de la production d’hydrogène vert, le RN se singularise par son refus de la plupart des solutions, comme le développement de la voiture électrique ou l’implantation d’éoliennes. Il faudra pour répondre au défi du changement climatique mener d’autres politiques, même si à l’évidence, une profonde décarbonation de notre mix énergétique est essentielle.

À la fin des mises à l’écart du RN, il ne reste que de la poudre de perlimpinpin avec de vagues espoirs formulés sans solutions pratiques réelles sur la réglementation de l’usage de l’eau et des énergies, la maîtrise des catastrophes naturelles ou un nucléaire sobre en eau (quelles que soient les recherches effectivement en cours dans ce domaine) qui de toute façon n’ont absolument rien d’opérationnel actuellement.

2- L’agrarisme

C’est une vision fantasmée de la ruralité française héritée du XIXème siècle, largement reprise lors de la « Révolution nationale » du régime de Vichy et sa « Terre qui ne ment pas ». Ce fantasme vise à caresser les colères et frustrations du monde rural et périurbain, qu’il ne faut évidemment pas négliger. Le RN insiste sur une fracture européenne espérant ainsi encore élargir sa base électorale tout comme la dernière forme de l’extrême droite agrarienne néerlandaise (BBB) ou le parti espagnol (Vox).

Rêvant de paysages ruraux immuables, le RN oublie le vide de la disparition progressive et silencieuse de la biodiversité ainsi que celle des bois et des haies changeant la gestion de l’eau agricole, l’impact des pesticides dont ils soutiennent la plupart du temps l’usage, l’extrême pauvreté de la majorité des agriculteurs, l’urbanisation mal maîtrisée réduisant les terres agricoles qu’ils disent paradoxalement défendre allant même jusqu’à voter, au Parlement européen, contre un texte dit du « retour à la nature ».


Dans sa logique libertarienne (refus de toute mesure contraignante et relativisme contre « l’alarmisme » du GIEC), le RN se refuse à toute redistribution des richesses et à la taxation de plus riches et des plus gros pollueurs pour dégager les moyens qui permettraient de financer la transition écologique et son accompagnement. Or cette adaptation de nos société pour être efficace et lutter contre l’aggravation du changement climatique nécessitera évidemment des investissements publics massifs. Et sans financement conséquent, il n’y aura pas non plus de compensation pour les plus modestes de nos concitoyens qui pourraient être affectés par des changements nécessaires. Se faisant, avec son discours prétendument protecteur, le RN tourne en réalité le dos à la protection des biens et des personnes.

En opposition frontale au discours résigné de l’extrême droite, nous, républicains de gauche, affirmons que c’est maintenant qu’il faut agir, développer des plans massifs d’investissements publics et reconstruire un mode de développement qui permettent tout à la fois l’épanouissement des sociétés humaines, la justice sociale et la préservation de l’environnement. Il est temps de construire un nouveau pacte républicain assurant une transition écologique progressiste.

Alain Fabre-Pujol, Marie-Noëlle Lienemann et Frédéric Faravel

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