communique de presse d’emmanuel maurel – mercredi 5 mars 2025
Nous pensions savoir à quoi nous en tenir avec Donald Trump, mais le début de son second mandat montre que nous n’avons encore rien vu.
Le Président des États-Unis, qui préconisait de s’injecter de l’eau de javel par intraveineuse pour soigner le COVID, pour qui le réchauffement climatique est un canular inventé par la Chine, qui pense que les sans-papiers sont des criminels et des violeurs qui mangent les chiens et les chats, se livre à une attaque sans précédent contre l’université, la science et la recherche.
Un collectif de chercheurs américains de toutes universités et toutes disciplines, « Stand Up For Science », s’est constitué en réaction aux assauts de la nouvelle administration, et particulièrement de son bras armé d’une tronçonneuse, Elon Musk.
Ce collectif répertorie une incroyable série de suppressions de crédits budgétaires, menées tambour battant par le département de la soi-disant « efficacité gouvernementale ». Désormais, seule la bande de fanatiques obscurantistes au pouvoir à Washington s’estime qualifiée pour dicter ce qui vaut d’être lu, étudié et appris. Voilà le sort que les défenseurs autoproclamés de la « liberté d’expression » réservent aux voix discordantes.
Les sciences humaines font l’objet, dans toute leur diversité, de mises à l’index allant jusqu’à retirer des milliers d’ouvrages des rayons des bibliothèques universitaires. Mais ce n’est qu’un prélude à une attaque en règle contre toutes les sciences.
Nous apprenons avec sidération que le Gouvernement américain a supprimé 20% des financements destinés au télescope spatial James-Webb, fruit d’une coopération associant la Nasa et l’Agence spatiale européenne, et qui a remplacé le célèbre télescope Hubble en 2021.
Nous assistons, médusés, à une foire d’empoigne des trumpistes visant à décourager toute vaccination, au point de mettre même dans l’embarras le ministre de la santé, Robert Kennedy Jr, pourtant considéré comme un vaccino-sceptique de choc.
Nous apprenons enfin qu’il n’y aura plus de mesures satellitaires des gaz à effet de serre et du changement climatique. Cela s’ajoute aux milliards de dollars subitement retirés à d’innombrables laboratoires de recherche, jusqu’aux sciences de la santé et aux neurosciences, et qui laissent sur le carreau des milliers de scientifiques.
J’apporte tout mon soutien au collectif « Stand Up For Science » et aux initiatives des universitaires et chercheurs français pour venir en aide à leurs collègues outre-Atlantique. La journée de mobilisation du 7 mars, à laquelle je prendrai part, marquera la première étape de la résistance contre le bâillonnement de la science par la nouvelle internationale réactionnaire.
Après la publication d’un podcast sur la Radio « Français dans le monde« , notre camarade franco-berlinois Mathieu Pouydesseau revient dans cet article avec une analyse détaillée des résultats des élections législatives fédérales du 23 février 2025, de leurs causes et de leurs potentielles conséquences. Il propose quelques pistes pour sortir de l’ornière.
Le peuple allemand, convoqué à des élections législatives anticipées le 23 février 2025, a répondu massivement. 83% des inscrits ont voté, soit le plus fort taux de participation de l’histoire de l’Allemagne réunifiée, supérieur au record enregistré sous la RFA en 1987 !
Jamais le résultat de ces élections n’aura été aussi incontestable dans la légitimité accordée aux députés siégeant au Bundestag.
Le résultat en pourcentage voit la droite, constituée des deux partis CDU et CSU, l’emporter avec 28,6%. La CSU n’est présente qu’en Bavière, où la CDU ne présente pas de candidats. Le candidat conservateur à la chancellerie, Friedrich Merz, a reçu les félicitations des autres présidents de partis qui lui ont reconnu la légitimité de constituer une coalition.
La coalition sortante SPD-Verts-Libéraux (FDP) s’effondre, totalisant à peine 32,3% des suffrages. Le FDP disparaît du Bundestag en manquant le seuil des 5%. L’ancien ministre des finances Lindner a annoncé son retrait de la vie politique.
Les verts résistent mieux que leurs partenaires de coalition mais perdent au profit des Linke une partie de l’électorat féminin et de moins de 30 ans.
L’extrême droite double son score, tant à l‘Est qu’à l‘Ouest, où, avec 17,7% elle fait jeu égal avec le SPD et remporte certain de ses anciens bastions. Les classes ouvrières et salariées ont voté AfD plutôt que SPD.
Les Linke connaissent une renaissance inattendue, fondée sur une campagne politique sur le thème du pouvoir d’achat, et de la fin de la « règle d’or » pour permettre des investissements, ainsi qu’une identification forte à l’antifascisme.
La majorité est à 316 sièges. La droite et le SPD ont la majorité absolue ensemble. Les dirigeants conservateurs multiplient les appels du pied au SPD pour entrer en négociation de coalition. Ils ont exclus l’autre coalition majoritaire, avec l’extrême droite.
Le SPD est choqué par sa défaite. Le futur nouveau patron du groupe parlementaire, Lars Klingbeil, a déclaré que la participation du parti au gouvernement « n’était pas automatique. »
Analyse politique des résultats
La droite l’emporte avec un score décevant, son deuxième plus mauvais score depuis 1949, le pire ayant été en 2021. Friedrich Merz, un homme sorti des années 1980, rival malheureux de Merkel en 2005, néo-libéral à la pensée archaïque, va donc devenir chancelier. En janvier, il a fait voter ses troupes avec l’extrême droite sur des résolutions sur l’immigration, brisant le « mur républicain » autour de celle-ci pourtant établi depuis 1949. Il a annoncé un agenda de coupes drastiques dans le système social et les dépenses publiques, tout en reconnaissant le déficit d’investissements. Il fait partie des théologues croyant à la « règle d’or » comme à une règle divine.
Celle-ci empêche les États de mobiliser l’épargne accumulée par l’investissement, financé par l’emprunt. Or, les mêmes refusent aussi de mobiliser l’épargne des riches par l’impôt. Face à cette contradiction, il ne reste plus qu’à baisser les dépenses. On a vu en France l’échec de cette politique avec des déficits budgétaire et commercial abyssaux.
L’extrême droite AfD double son score et submerge l’Allemagne de l’Est. Ce serait une erreur de croire que l’AfD est un parti régionaliste : elle rassemble presque 18% des suffrages à l’Ouest et y fait jeu égal avec le SPD. Elle y gagne d’ailleurs deux circonscriptions. Elle a proposé une coalition à la droite ; Merz l’a refusé en nommant comme divergences insurmontables l’Ukraine, le soutien à Poutine, le rejet de l’Euro et de l’Union Européenne.
Carte des circonscriptions allemandes, partis arrivés en tête
Le SPD s’effondre à son pire score depuis … mars 1933. Le chancelier sortant Scholz a exclu participer aux négociations de coalition ou à un gouvernement. Son destin au sein du parti reste flou. Boris Pistorius, le ministre de la défense, beaucoup plus populaire, pourrait récupérer la présidence et le rôle de vice-chancelier en cas d’alliance avec la droite.
Les Verts font mieux que prévus mais reculent par rapport à 2021. Le ministre écologiste sortant de l’économie, Habeck, n’a pas cherché à mobiliser les troupes venues de Friday for Future1, fortement mobilisées contre l’AfD et la complaisance de Merz, pour ne pas abîmer la possibilité d’une participation au gouvernement. Le résultat cependant ouvre la voie à une majorité sans les Verts.
Les Linke sont littéralement réanimés par la tentation de Merz de rompre le mur républicain isolant l’AfD. Ils ont récupéré l’électorat jeune, activiste pour le climat, mobilisé cette fois-ci contre l’extrême droite et la tentation de Merz de s’allier avec elle. Les verts, en refusant d’exclure gouverner avec Merz, ont perdu surtout dans cet électorat. Les Linke ont su aussi apprendre du départ de Wagenknecht et mener leur campagne sur les sujets du pouvoir d’achat et des investissements.
Le parti de gauche conservatrice BSW manque l’entrée au Bundestag de peu, à 4,972% pour un seuil minimum à 5%. Cruauté des soirées électorales ! C’est un échec cuisant, suite à une stratégie inaudible depuis septembre, abandonnant les questions économiques pour suivre l’AfD sur le rejet de l’aide à l’Ukraine et sans d’ailleurs se distancer d’eux sur les questions migratoires. Ils n’ont pas bénéficié du rebond antifasciste de la jeunesse allemande.
Le FDP du libéral Lindner, qui a saboté le travail du gouvernement pendant trois ans et organisé sa chute en septembre, est lourdement sanctionné et disparaît du Bundestag.
L’AfD s’impose comme le parti des classes populaires inquiètes de l’avenir, mais aussi ébranlées par des années de stabilité salariale à la baisse, l’augmentation des prix et des loyers. Si la droite chrétienne démocrate conserve un volant populaire, le SPD a perdu cet électorat au profit de l’AfD.
Évolution du vote des classes salariées et ouvriers entre 2013 et 2025Sondage sortie des urnes par situation financièreSondage sortie des urnes : vote en fonction de la peur face à l’inflation « j’ai peur que les prix augmentant tant que je ne puisse plus payer mes factures »Sondage sortie des urnes : « comment considérez vous la situation économique du pays » schlecht = mauvaise, gut = bonne
Quel nouveau modèle allemand ?
Dimanche soir, lors de la traditionnelle émission politique où se retrouvent tous les patrons de partis représentés au Bundestag, M. Söder, le président du parti bavarois CSU, composante de la droite victorieuse, disait ceci : « Le vieux modèle économique allemand est terminé, le modèle de l’immigration économique est terminé ». Le constat est devenu consensuel en Allemagne : le « modèle allemand » est en échec. Les conséquences à en tirer divergent très fortement, le seul parti étant finalement incapable de formuler une réflexion cohérente, le SPD, subissant une défaite historique.
L’autre parti s’accrochant encore à la « règle d’or » et au « modèle » des exportations au prix de la baisse des salaires, le FDP, n’est même plus représenté au parlement.
La crise du modèle allemand a fait l’objet de plusieurs de mes analyses. Je rappellerai ici les articles suivants, récents :
La crise politique allemande, conséquence de la crise sociale, s’aggrave avec le résultat des législatives anticipées, et menace d’emporter l’Union Européenne.
Pourquoi l’Europe en crise voit la montée du populisme nationaliste ?
Le moteur économique de l’Union Européenne entre 2009 et 2019, l’Allemagne, n’a depuis plus connu de croissance. Ce sont six années de stagnation qui ne s’expliquent pas seulement par le Covid ou la guerre d’agression russe en Ukraine. Le PiB est en 2024 au niveau de 2019. L’industrie s’effondre. Un institut a prédit la troisième année de récession pour ce pays en 2025.
En janvier 2025, la droite allemande a poussé au Bundestag un texte sur l’immigration, comme si ce sujet était l’urgence économique de l’heure, pour le faire voter par l’extrême droite et les libéraux. C’est la première fois que le cordon républicain isolant l’extrême droite allemande depuis son retour au Bundestag en 2017 se fissure. L’ancien président du consistoire des juifs d’Allemagne a démissionné de ce parti, l’ancienne chancelière Merkel a critiqué le parti.
Madame von der Leyen ne s’est pas distanciée de son camarade de parti Merz. Elle a déjà mené des actions avec une partie de l’extrême droite européenne depuis sa nomination pour un second mandat à la commission, et a marginalisée les tenants d’un fédéralisme politique – les macronistes français – comme ceux tenants d’une Europe sociale.
Elle souhaite disposer des coudées franches pour une pratique autoritaire de son pouvoir, elle est animée d’un profond mépris pour la France, par une vision idéologique des problèmes, d’une absence totale de décence et de morale, et promeut plus que jamais la mise en place de réformes libérales néfastes et stupides pour l’économie.
Elle s’apprête à rentrer dans l’histoire au côté du chancelier Brüning, cet idéologue de l’équilibre budgétaire qui en pleine crise économique de 1929 décida de rompre avec le centre gauche, de diriger sans majorité parlementaire, de couper les crédits et les salaires, aggravant encore la crise et favorisant la montée du parti nazi, pourtant marginal jusqu’en 1929.
Sauf qu’en 2025, l’extrême droite est déjà présente dans sept gouvernements européens.
L’échec économique et social, l’échec culturel, l’échec politique
L’Union Européenne connaît en 2025 des perspectives de croissance médiocres. Les instituts les plus optimistes prévoient une stagnation. Les causes de cette crise sont connues : les prix de l’énergie sont trop hauts, la demande intérieure des ménages et des entreprises trop basse.
Les Européens n’ont pas assez d’argent pour consommer. Ceux qui ont de l’argent l’épargnent au lieu de consommer. Leur épargne n’est pas investie en Europe, elle est investie à l’étranger, ne créant aucune demande en Europe.
Les Européens qui n’ont pas d’argent pour consommer ont vu l’envolée des prix de leurs logements, et de leur transport et la dégradation de leurs services publics. Leur qualité de vie se dégrade depuis que l’Europe est en excédent commercial.
La banque centrale européenne a, d’après tous les analystes, monté les taux d’intérêts trop haut, les y a maintenu trop haut trop longtemps, et les baisse trop peu, trop lentement. Il y a six mois, l’ancien patron de la banque centrale européenne Mario Draghi a présenté un rapport sur la perte de productivité européenne et le décrochage économique de l’Europe depuis 2010. Il y conclut que l’Europe manque d’investissements. Il y fait aussi, prisonnier de son idéologie, des recommandations de dérégulation sauvage et de privatisation de services publics, sans s’attaquer aux déséquilibres réels de l’économie européenne.
Madame von der Leyen, avec le soutien de l’extrême droite, pousse uniquement le chapitre des dérégulations. Elle conclut seule, sans demander aux chefs de gouvernement ni au parlement, des accords de libre échange prolongeant le mercantilisme européen.
L’erreur est humaine, la répéter diabolique
Les États Unis ont mené au sortir de la crise de 2020 une politique très différente de l’européenne. Voilà une économie qui a depuis 2010 laissé l’Europe loin derrière et qui génère d’énormes capacités d’investissement et d’innovations. Pourtant, le déficit public américain, c’est 6,3% du produit intérieur brut. Pourtant, la dette publique US, c’est 123% du PIB. Pourtant, le déficit commercial américain, c’est l’équivalent de 3% du PIB. D’après les doctrines économiques européennes, les États-Unis devraient être mis sous “troïka” et mener une politique de réduction drastique des salaires pour « rétablir ses comptes ».
Les États Unis ont financé leur différence de croissance avec l’investissement public, laissant loin derrière la vertueuse Europe. Il y a une corrélation, positive, entre dette et croissance.
La Chine fait la même politique que les États Unis pour rattraper et dépasser l’Union Européenne, bien trop restrictive même en accumulant des excédents commerciaux.
La crise américaine est une crise des inégalités économiques, et non sociales ou culturelles. La prospérité non partagée amène l’orage, toujours.
L’arrivée au pouvoir des démocrates s’accompagne de politiques déflationnistes contre l’inflation, touchant en premier lieu les salaires des classes populaires. Les inégalités sociales s’y aggravent et la prise de pouvoir médiatique et politique des oligarques s’accompagne d’une dégradation du débat public, sur des agendas de boucs émissaires. La bourgeoisie démocrate, incapable de s’unir aux syndicalistes et aux classes populaires – car cela signifierait augmenter leurs impôts et réduire leurs privilèges économiques – sera incapable de défendre la démocratie.
Les démocrates ont été incapables, en 2023 et en 2024, de prendre des mesures concrètes de soutien du pouvoir d’achat des américains. La politique de la banque centrale, la “Fed”, a joué un grand rôle en privant de l’accès au crédit à la consommation et au crédit immobilier des millions d’Américains. Or, l’accès au crédit est aux États-Unis le principal stabilisateur social et il est en crise. Joe Biden, qui conservait des éléments de keynésianisme, a été remplacé par Kamala Harris pour mener une campagne sur des sujets culturels principalement.
Trump est en train de mettre en place une politique de « mise au pas », de “Gleichschaltung”, de l’ensemble de l’État et de la société. C’est un coup d’État aux apparences de légalité. Ceux qui pensent pouvoir corriger ces effets en 2026 se trompent : les élections américaines de 2026, au mieux, ressembleront sans doute à celles de mars 1933 en Allemagne : un climat de violence, d’intimidation, et de réduction de la liberté de la presse.
Différentiel de vote entre scrutin sur l’avortement et score de Trump/Harris
L’électeur américain a ainsi voté dans de nombreux États à la fois pour l’augmentation des salaires minimums, des aides sociales et pour le droit à l’avortement, et en même temps, pour Trump, dont la principale promesse est de garantir le retour de la prospérité pour tous les Américains – “les vrais Américains”.
Les pertes de voix de Harris dans des électorats populaires s’accompagnent du maintien de la mobilisation des bases sociologiques trumpistes. La guerre culturelle approfondit les clivages et empêche de reconquérir l’électorat populaire passé à Trump en 2016.
Malgré ces énormes défis politiques, et les conséquences pour l’Europe, l’économie américaine était en bien meilleure position en faisant l’inverse de l’Union Européenne : soutien de la demande par la dette publique et l’investissement, transferts des gains économiques en investissements privés, innovation par la recherche publique monétisée par le privé.
Cependant, le libertarisme idéologique des oligarques américains est en train de détruire un à un ces ressorts de la prospérité américaine. Dans ces conditions, les oligarques auront besoin d’une autre manifestation indissociable des régimes ultra-capitalistes : la guerre, civile ou extérieure.
L’urgence en Europe, c’est reprendre le contrôle de notre économie
Le problème européen, ce n’est pas le recours à une immigration du travail, qui n’est qu’un symptôme d’une erreur plus large. Le problème européen, c’est d’avoir tout subordonné à l’idéologie de la compétitivité.
Car celle-ci a un autre nom : la déflation. Nous avons dévalué depuis plus de 20 ans nos salaires, nos services publics, nos investissements. La valeur du capital financier, comme celui du capital immobilier, a augmenté considérablement. Le but était d’être compétitif pour vendre plus de biens et de services au reste du monde que ce que nous voulions lui acheter. Cela s’est fait en réduisant nos capacités d’acheter, le prix du travail devant baisser.
Or, le monde a appris à produire ce que nous produisions et à détester les philosophies morales et politiques inventées en Europe. Nous ne sommes plus ni un partenaire commercial à la même hauteur, ni une puissance militaire respectée, ni un modèle intellectuel et culturel, nous devenons la nouvelle proie.
Au cœur de la sécurité européenne future se trouve d’abord un énorme effort d’investissement public.
Mais les classes politiques dominant les grands pays d’Europe n’en veulent pas. Myopes, soumises aux théories qui nous conduisent à un échec depuis 20 ans, incapables de se remettre en cause même face aux faits les plus brutaux, elles veulent continuer à servir une accumulation de capital stérile et vaine.
Tous les peuples européens ont les mêmes intérêts. Chaque Nation en Europe est solidaire par sa situation géographique, son histoire, son héritage issu des Lumières. Les Européens ont mené leur émancipation de religions obscurantistes, meurtrières en millions de victimes, de systèmes de féodalité les asservissant, de régimes autoritaires et héréditaires méprisant le droit et l’utilisant pour imposer les inégalités de naissance et de condition. L’Europe a créé un système pour ne plus asservir : la démocratie sociale, avec un État providence, acceptant la décolonisation, renforçant le système des organisations internationales.
Depuis les années 1970, des forces employant à tort le mot de « libéralisme » ont cherché à détruire tout ce qui a été construit en 1945 pour empêcher le retour des fascismes, au nom des « énergies libres du capitalisme », de la compétitivité, de la productivité, de l’efficacité. C’est ce mouvement qui est à sa fin décadente.
Il est temps de revenir à une période de solidarité, de réconciliation entre Européens, de reconstruction sur la base des philosophies de la raison. Les États-Unis sont perdus. Ils vont devenir le siège d’une pieuvre fasciste cherchant à détruire l’idée même de solidarité. Mais les droites européennes sont tentées d’abandonner toute morale, tout sentiment chrétien, toute compassion, pour quelques billets verts et quelques jouissances du pouvoir.
L’Europe n’a pas besoin de dérégulation et d’abandon supplémentaire à des lois du marché conçues pour un être humain amoral, égoïste, et immortel, c’est-à-dire, diabolique.
L’Europe a besoin d’un projet d’investissement commun, de l’abandon des bureaucraties myopes des ordolibéraux qui croient que l’état doit contrôler l’efficacité du marché à coup de normes, d’une mobilisation de l’épargne par emprunt, et la mobilisation des gains injustifiés des profiteurs de la guerre en Ukraine et de l’inflation par l’impôt confiscatoire sur les milliardaires.
Cette campagne de mobilisation doit reconstruire notre demande intérieure. Pour que les machines allemandes alimentent les industries françaises et non chinoises. Pour que les Allemands puissent consommer de la haute qualité en vêtements et en nourriture française et non du low cost Bengalais ou chilien.
En France, le budget adopté est le plus stupide de notre histoire depuis 1788. l’effondrement des recettes en 2023 s’est accéléré en 2024 et ne s’arrêtera pas en 2025. Car les recettes dépendent directement de la croissance.
Or, depuis 2023, d’après la plus récente note de l‘Insee, l’épargne ne s’investit pas, ni ne se consomme, et le pouvoir d’achat s’effondre. Seule les dépenses de l’État alimentent encore un peu la croissance. Et, le pays cessant de produire pour lui-même, les importations continuent d’augmenter, obligeant le pays à s’endetter.
Et que va faire ce budget ? Casser le seul moteur de la faible croissance, stopper les investissements, et ne rien faire pour la sécurité géopolitique du pays.
Voilà où j’attends la gauche, et non dans les disputes sur le « sexe des anges » au sein de la coalition électorale actuelle. Je constate que celles et ceux qui partagent mes constats et mes solutions sont systématiquement « silencés », tant dans les médias que par ces gauches médiocres.
Le triomphe de la folie n’est cependant pas inéluctable. Nous avons, dans notre histoire européenne, vaincu plusieurs fois la folie. J’ai espoir.
Rappels et perspectives pour notre avenir
Qui se souvient de 2013 ?
J’avais alors mis en garde sur la montée de l’extrême droite allemande au moment du scrutin législatif. J’avais posé l’idée que sans renversement des logiques budgétaires et économiques, les extrêmes droites européennes prospéreraient. J’avais notamment regretté que les logiques de « compétitivité » et de concurrence entre les économies nationales au sein du marché unique entraînaient de force un appauvrissement des classes populaires. J’avais enfin écrit que la culture démocratique était en danger.
2013 était une fenêtre de tir historique. Elle fut manquée. L’histoire ne repasse pas les plats. Les conséquences de nos myopies doivent être assumées.
En 2025, l’Europe fait face à l’abandon de l’allié américain. Celui-ci veut partager le monde directement avec la Chine et la Russie. Les alliés idéologiques argentins ou indiens seront sans doute associés. L’Europe, vue comme le maillon faible, est la proie.
Dimanche soir, au débat télévisé entre présidents de partis allemands, l’atlantisme allemand, qui justifiait de mépriser la France tout au long des années Merkel et Scholz, a commencé à se fissurer. Le patron des écologistes, Habeck, a constaté que les États-Unis de Trump se plaçaient du côté des adversaires des valeurs de l’universalisme européen. Merz, le futur chancelier chrétien-démocrate, a aussi fait le constat que l’alliance américaine était finie, à la surprise de nombreux observateurs.
Seul Scholz, le chancelier sortant du SPD, s’accrochait encore à l’Otan comme un outil pertinent de sécurité.
Merz est un homme des années 1980. Âgé de 69 ans, passé par un fonds d’investissement américain où il a fait fortune, il n’a pas de réflexion profonde sur la crise actuelle, reprenant le prêt à penser mainstream qui unit l’extrême droite, la droite et le centre : « il faut baisser les dépenses publiques, réduire les impôts des riches, baisser les cotisations et les prestations des pauvres, réduire les salaires pour rester compétitif. Il faut fermer les frontières. Il faut expulser. Et par miracle, la demande déprimée, l’investissement partant aux États-Unis plutôt qu’en Europe, la croissance repartira ». C’est de la pensée magique. Mais la crise américaine pourrait entraîner des révisions drastiques des dogmes mainstream.
Sinon, on connaît le scénario : la crise économique et sociale s’aggrave, la vulnérabilité géopolitique augmente, la droite prend panique et s’allie à l’extrême droite.
Les gauches européennes ont encore une fenêtre de tir.
Il faut réfléchir ensemble à trois sujets :
1. Quelle transformation du modèle économique européen est elle nécessaire, pour que notre demande absorbe notre production et réduire notre dépendance à la demande internationale. En créant une demande européenne interne, nous soutiendrons notre production, des emplois à haute valeur ajoutée, une progression du pouvoir d’achat. Cela passe par l’investissement public, la fin des règles d’or.
2. Quelle transformation de notre système de défense et d’alliance est nécessaire pour garantir notre sécurité géopolitique et intérieure ? L’OTAN ne joue pas ce rôle. L’allié américain n’est pas fiable, et trahit l’alliance. La dépendance aux technologies américaines est un poison.
3. Quelle transformation de notre rôle culturel et médiatique souhaite t-on ? Cela implique retrouver une souveraineté sur nos espaces publics, médiatiques, technologiques et investir massivement dans la science et la raison, alors que Trump est en train de tuer la recherche scientifique aux États-Unis.
C’est ce à quoi je souhaite m’employer.
Mathieu Pouydesseau
Friday for future : mouvement lancé par des mouvements activistes sur le climat ayant eu beaucoup de succès dans les lycées et les universités d’Allemagne avec des manifestations tous les vendredis. Friday for future a eu l’impact en Allemagne de sos racisme dans les années 1980 en France. Que les Verts aient perdu la main sur ce mouvement au profit des Linke par une transformation d’un mouvement pro-climat en un mouvement antifasciste pose fortement questions aux écologistes. ↩︎
Depuis sa prise de fonction officielle comme 47e président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump multiplie les prises de parole provocatrices qui varient du clownesque au répugnant en passant par l’agressif. De l’annexion du Canada et du Groënland à l’explosion des droits de douane, de la remise en cause illégale du droit du sol aux USA aux attaques outrancières contre la Cour Pénale Internationale, de l’abolition de l’impôt sur le revenu à la déportation des Palestiniens pour faire de Gaza une nouvelle Riviera sous occupation américaine…
Il est inutile de répondre ou de chercher à répondre à chacune de ses provocations. Sans mésestimer sa volonté et sa capacité à vouloir mettre en œuvre concrètement certaines d’entre elles, Donald Trump sait parfaitement jouer de la Société du Spectacle dont il est un éminent produit et représentant.
Cette stratégie a été ouvertement assumée pour ce qu’elle est par Steve Bannon, ce « théoricien » de l’AltRight qui reste un de ses proches : il s’agit d' »inonder la zone », une stratégie de la submersion médiatique avec deux objectifs :
provoquer indignation et sidération pour incapaciter l’adversaire (enfin l’ennemi) ;
donner tellement d’os à ronger à la presse, considérée comme un adversaire politique, qu’elle ne sait plus trop lequel saisir pour tourner en boucle dessus…
Pendant ce temps, Trump, Musk et leurs amis avancent tranquillement dans la mise en œuvre de leur agenda impérialiste, oligarchique et capitaliste autoritaire.
Il ne sert donc à rien de réagir ou sur-réagir : la seule chose à faire est de nous-mêmes fixer une ligne directrice, des principes à rappeler (calmement, fermement et froidement) et un agenda à dérouler. C’est bien là une priorité que devrait se fixer la France – et ses alliés européens – plutôt que de donner le spectacle aujourd’hui de canards sans tête ou de lapins hypnotisés par les phares d’un SUV.
Nos priorités stratégiques et géopolitiques, notre politique commerciale, nos stratégies de défense et nos alliances sont à redéfinir face à l’émergence ou au renouvellement des impérialismes américain, chinois, russe ou turc.
La France s’est vue confiée par l’assemblée générale des Nations Unies l’organisation du « Sommet pour l’Action dans l’Intelligence Artificielle (IA) », faisant suite à l’adoption à sa 79ème session du « pacte numérique mondial », et aux sommets pionniers ayant déjà eu lieu en Grande Bretagne en 2023 et en Corée du Sud en 2024. Ce sommet aura lieu à Paris, au Grand Palais, les 10 et 11 février 2025, organisé par le palais de l’Élysée.
La feuille de route de ce sommet est à la fois ambitieuse en définissant des objectifs universels, et pusillanime quant aux moyens à mettre en place. Voici les 5 axes de travail :
L’IA au service de l’intérêt général,
Avenir du travail,
Innovation et culture,
IA de confiance,
Gouvernance mondiale de l’IA.
Son agenda, et la starisation choisie de personnalité controversées du capitalisme technologique libertarien, interrogent tous les démocrates sincères.
En octobre 2024 la mission de préparation annonce souhaiter « lutter contre le mésusage de l’IA », en « s’appuyant sur un consensus scientifique robuste », notamment pour « lutter contre la manipulation de l’information, notamment sur les réseaux sociaux. »
Elon Musk est pourtant annoncé comme l’une des stars de l’évènement qu’Emmanuel Macron souhaite utiliser pour redorer son blason, après ses échecs budgétaires, économiques et politiques, et ses deux défaites électorales consécutives.
Le loup est invité à cuisiner le chaperon rouge !
Nous devons, au nom de la décence et de la protection des libertés publiques, interpeller la présidence française, encore une fois.
Le nouveau ministre américain en charge de « la simplification administrative » a toujours été soigné par le président de la République Française, pensant ainsi attirer l’une des sociétés du magnat de la technologie, Tesla, dans notre pays.
Musk a choisi l’Allemagne, mais le président français Macron continue sa danse du paon.
Nous sommes persuadés que la France, par son histoire, son universalisme, les contributions essentielles de ses chercheurs et ses philosophes sur les concepts clés de l’IA, doit être le moteur en Europe des réflexions sur son déploiement, sa régulation : il s’agit d’un enjeu politique crucial, un enjeu de souveraineté, un enjeu vital pour garantir notre indépendance.
Ce que nous refusons avec force, c’est que soit à nouveau déroulé le tapis rouge pour Elon Musk et ses alliés libertariens ! Celui qui est aujourd’hui l’homme le plus riche du monde n’est pas seulement le premier allié de Donald Trump : il est devenu un acteur politique toxique, ennemi de toutes les lois limitant son pouvoir absolu, et chantre d’un libertarianisme aussi débridé qu’irrationnel, soutenant les néofascismes européens.
Après avoir déboursé 270 millions de dollars et mis son réseau x et son logiciel d’intelligence artificielle Grok au service de Donald Trump pendant la campagne électorale américaine, il a submergé l’espace médiatique de fausses informations.
Depuis le scrutin de novembre 2024, Elon Musk a insulté publiquement le Chancelier allemand et fait ouvertement campagne pour l’AfD, un parti d’extrême-droite allemand, dont les dirigeants assument leurs inspirations néo-nazies.
Il s’attaque également au gouvernement travailliste britannique, soutenant l’extrême droite anglaise, propageant fausses polémiques et accusations diffamatoires.
Il insulte le chef du gouvernement canadien démissionnaire, soutenant la campagne impérialiste de Trump visant à annexer ce pays, une partie du Danemark, et le Panama.
L’Europe a décidé, lâchement, de faire semblant de ne pas entendre les déclarations pourtant répétées du nouvel exécutif nord-américain.
Les dirigeants politiques attaqués, dont deux social-démocrates, sont seuls face à des campagnes de haine multipliés par les algorithmes trafiqués.
Le patron de Meta Marc Zuckerberg (Facebook, Youtube, Instagram, WhatsApp, etc.) a annoncé se rallier lui aussi à l’alliance idéologique populiste pour inonder les réseaux de contenus manipulant les réseaux sociaux !
Comment inviter des patrons qui déclarent être opposés aux objectifs du sommet ? Ils ne serons là que pour les saboter.
Comme pourraient-ils être encore le bienvenu en France, alors qu’ils s’attaquent à nos intérêts et aux fondements de la démocratie républicaine ?
Elon Musk n’a jamais été un partenaire loyal mais une menace permanente. Aujourd’hui, il attaque ouvertement le principe même de l’égalité devant la loi, les fondements de notre démocratie. Sa prétendue défense de la liberté d’expression est d’une indécence absolue : quelle liberté d’expression reste-t-il quand des multimilliardaires disposent des outils médiatiques les plus puissants pour saturer le débat public de mensonges ?
Musk ne veut pas de liberté d’expression, il veut la liberté de mentir, de diffamer, de propager la haine, avec ses gigantesques moyens financiers comme seules limites.
Qui, une fois pris comme cible par ces hommes riches, opposés aux principes démocratiques, peut espérer faire corriger une accusation mensongère par sa propre voix, sans la protection des lois ?
Musk met toute sa puissance pour saper la démocratie issue de la philosophie des Lumières ; il est parmi nos ennemis.
Le président américain Donald Trump sera présent également. Il n’est pas possible de l’empêcher de participer vu le mandat de l’assemblée générale des Nations Unies. Mais sommes-nous obligés de dérouler le tapis rouge à ceux qui multiplient les déclarations hostiles à nos valeurs, notre démocratie, à l’Europe ?
La Gauche Républicaine et Socialiste demande à la présidence de la République et au gouvernement de tenir enfin un discours de fermeté en direction des principaux dirigeants des multinationales du numérique : les conditions d’exercice de la liberté d’expression ne sont pas marchandables, la protection des médias et de l’information et des citoyens français ne sont pas négociables. La GRS exige que l’Union Européenne consolide l’encadrement législatif des services numériques (DSA) pour protéger les citoyens et nos démocraties de l’incitation à la haine, à la violence et au terrorisme, des manipulation, des opérations de désinformation et des contrefaçons ; la GRS exige que les plateformes numériques soient enfin mises réellement et de manière concrète en face de leurs responsabilités et de leurs obligations en Europe et qu’elles soient sanctionnées quand elles ne les respectent pas.
Nous appelons les organisations démocratiques à faire des propositions communes en ce sens. Nous proposons à l’ensemble des organisations politiques et de défense des libertés à se joindre à elle dans cette exigence et à l’exprimer sur place lors du sommet.
Deux Amériques qui s’affrontent, ne se parlent plus, se haïssent viscéralement, considèrent la victoire de l’autre comme un péril démocratique, et se livrent à une guerre civique tous les deux ans, voilà la base de toute analyse politique digne de ce nom pour expliquer la situation électorale américaine. Difficile de le nier, entre l’Amérique blanche, rurale, évangélique, masculine et non diplômée, et l’Amérique colored, urbaine, peu croyante, féminine et diplômée, le dialogue est rompu. La première vote systématiquement pour le parti républicain et ses candidats, la seconde pour les démocrates.
Peut-on cependant imputer le résultat de chaque élection, depuis maintenant dix ans que Donald Trump a chamboulé le paysage politique américain, à une simple fluctuation de participation électorale de ces deux Amériques ?
Le triomphe trumpiste, indéniable et sans appel, du 5 novembre 2024, invite à plus de prudence. A l’heure actuelle, Donald Trump réalise un score historique. Il dépasserait le parti démocrate au suffrage direct, une première en 20 ans, et pour la seconde fois seulement en 32 ans. Il accroît son nombre de voix par rapport à 2020, qui était déjà un record. Sous réserve des résultats définitifs au Nevada, il gagnerait cet Etat et ferait donc mieux qu’en 2016, quand il l’avait perdu de peu.
Les républicains reprennent également le contrôle du Sénat, en défaisant au moins 2 sénateurs démocrates sortants, et potentiellement encore deux autres d’ici la fin du décompte. Le résultat à la Chambre des Représentants n’est pas encore net, mais les tendances actuelles donnent les républicains gagnants, accroissant peut-être leur majorité de 2022.
Comment expliquer cette déroute démocrate, alors que Donald Trump et son colistier J.-D. Vance sont, selon les enquêtes d’opinion, largement plus impopulaires que Kamala Harris et Tim Walz ?
Alors que les mensonges et le coup d’Etat manqué de janvier 2021 ont marqué profondément les Américains, pas seulement démocrates. Alors les démocrates ont réussi leur stratégie de conquête des banlieues huppées ?
La réponse est toute trouvée pour les partisans de la théorie de la guerre culturelle. Pour la droite culturelle, les minorités auraient compris que le « wokisme » serait une impasse, la preuve, Trump progresse chez les afro-américains et talonne les démocrates chez les latinos, malgré (ou grâce, selon les plus radicaux) les multiples propos racistes tenus à l’égard d’à peu près toutes les minorités.
Pour la gauche culturelle, Gaza et le soutien à Israël seraient la cause unique de la défaite démocrate, qui aurait démobilisé les jeunes et les minorités, la preuve, la ville jadis démocrate de Dearborn au Michigan, majoritairement musulmane, a voté pour Trump, et les villes étudiantes du Michigan sont dans la même situation.
La guerre culturelle n’a pas eu lieu
Ces données électorales sont vraies, elles sont aussi anecdotiques.
La grande différence par rapport à 2020 et même 2016, c’est la bascule des indécis et des indépendants. Ils avaient largement plébiscité Joe Biden il y a 4 ans, Donald Trump y est fortement majoritaire cette année. L’électeur indécis et indépendant moyen américain est favorable à l’avortement mais opposé à l’immigration. Partant de ce fait, à chaque élection, les démocrates tentent d’orienter le débat sur l’avortement, et les républicains sur l’immigration.
Las, ces sujets n’étaient que les troisième et quatrième priorités des électeurs d’après les sondages de sortie d’urne. Le ciblage communautaire est également un échec pour les deux campagnes : les démocrates misaient grandement sur le basculement de l’électorat blanc et féminin, il n’a que peu bougé, et c’est en faveur des républicains. Les républicains misaient sur une participation renforcée des hommes blancs, ce fut le cas, mais les démocrates y ont légèrement comblé leur retard abyssal.
La première préoccupation des électeurs, l’avenir de la démocratie aux Etats-Unis, est un sujet partagé chez les bases démocrate, effrayée des annonces autoritaristes de Donald Trump, et républicaine, toujours persuadée d’un grand complot du Parti Démocrate ayant dérobé l’élection de 2020.
Finalement, le sujet qui a déterminé les indécis et les indépendants, c’est l’état de l’économie, et l’inflation considérable qui touche les Etats-Unis depuis 2021.
Si cette préoccupation arrive en seconde position nationalement, elle est la première dans les Swing States et chez les électeurs qui se sont décidés dans la dernière semaine avant le vote.
C’est d’abord et avant tout la mise en avant de ce sujet qui explique la victoire de Donald Trump. Il a réussi à tenir sa coalition, les évangéliques et la classe ouvrière blanche, en y agrégeant les indécis et les indépendants. En se faisant discret sur l’avortement et en martelant sur l’immigration. Les démocrates, en se faisant discret sur l’immigration et en martelant sur l’avortement, ont aussi maintenu leur coalition des diplômés, des minorités, des femmes et des urbains, même si elle est légèrement en retrait.
Ce qui semble manquer à la plupart des analyses, c’est qu’au-delà de la guerre culturelle, bien réelle, en cours au Etats-Unis, il y a une crise économique persistante, et que c’est celle-ci qui a déterminé les électeurs pas ou peu politisés, pour qui les appels du pied identitaire, d’un camp ou de l’autre, n’ont pas fonctionné.
Donald Trump, en parlant plus d’économie, et en s’associant avec des hommes d’affaires tout au long de la campagne, est apparu plus crédible sur le sujet. Il gagne largement dans des Etats où des référendums sur l’avortement ont été perdus par les républicains. La guerre culturelle n’a pas été déterminante la nuit dernière, les républicains comme les démocrates devraient s’en souvenir s’ils veulent engranger de futures victoires. Incapables de s’adresser à la classe ouvrière ou aux populations rurales, les démocrates américains reproduisent en boucle les mêmes erreurs que les gauches européennes « terra-novisées ».
En Europe comme en Amérique (et Bernie Sanders l’a redit), l’enjeu des gauches est de renouer avec les aspirations populaires
La morgue et l’élitisme d’une Hillary Clinton, déclarant en 2016 que les zones les plus dynamiques – comprendre, riches – du pays avaient voté pour elle et que ses opposants étaient déplorables, n’a fait qu’accentuer un divorce désormais bien consommé. Si le thème des élites urbaines progressistes contre le petit peuple conservateur est un lieu commun des Républicains depuis Nixon, déjà analysé par Thomas Frank en 2004 dans Pourquoi les pauvres votent à droite, force est de constater que l’establishement démocrate ne fait rien pour renverser cette tendance, qui aboutit à la répétition des mêmes débats et polémiques depuis l’élection de 2016.
Renouer avec les aspirations populaires à une vie meilleure sera nécessaire pour sortir de ce match joué en boucle depuis 3 élections présidentielles.
Du reste, l’élection de Donald Trump ne peut que nous inquiéter. Au-delà des politiques racistes et sexistes qu’il mettra en place aux Etats-Unis, et du climato-scepticisme forcené qui aura des conséquences sur la planète entière, le bouleversement géopolitique qui s’annonce doit nous faire réagir. Le protectionnisme annoncé et le retrait certain en Ukraine et probable de l’OTAN, doivent conduire les Européens, et au premier rang la France, à adopter une nouvelle stratégie de puissance et d’influence.
tribune publiée par Emmanuel Maurel dans Libération le 9 décembre 2022
Le «green deal made in USA» constitue une énorme incitation à délocaliser les investissements hors d’Europe. La commission européenne doit sortir de son coma idéologique et protéger ses intérêts, estime le député européen Emmanuel Maurel.
Les relations commerciales entre l’Union européenne et les Etats-Unis se sont subitement tendues, au point d’être portées sur la place publique par la Commission, mais aussi par l’Allemagne et par la France, à l’occasion de la promulgation de l’«Inflation Reduction Act» (IRA). Ce plan d’une ampleur sans précédent prévoit 370 milliards de subventions aux entreprises établies outre-Atlantique pour accélérer la transition énergétique et écologique.
Les Européens ont toutes les raisons de craindre l’IRA. Non seulement ce programme subventionne les entreprises engagées dans la lutte contre le changement climatique, mais il conditionne les aides à la fabrication de composants clés des véhicules électriques et à leur assemblage sur place. Ce «green deal made in USA» constitue donc une énorme incitation à délocaliser les investissements hors d’Europe, au moment précis où elle est frappée de plein fouet par la crise de l’énergie.
L’IRA fera probablement l’objet d’une plainte de l’Union européenne devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais cette démarche n’a aucune chance d’aboutir. En effet, les Etats-Unis peuvent bloquer toute décision défavorable en faisant simplement appel, car le mandat des juges américains siégeant à l’OMC est expiré et ils refusent de les remplacer.
Comportement unilatéral et dominateur
La seule riposte logique – et efficace – de l’UE serait de faire la même chose que les Américains. Eux savent se donner les moyens de ne dépendre de personne. Sur les grands enjeux – finance, écologie, numérique, innovation technologique, politique industrielle –, les Etats-Unis mènent la course en tête et entendent ne céder aucun pouce de terrain. Pire : leur comportement unilatéral et dominateur montre qu’aux yeux des élites politiques, économiques et technocratiques américaines, il n’y a rien de mal à conserver leur leadership en affaiblissant jusqu’à ses plus proches alliés.
Pour ma part, je ne reproche pas aux Etats-Unis de protéger leurs intérêts… dès lors que nous protégeons aussi les nôtres ! Mais à Bruxelles, la dévotion de certains dirigeants au libre-échange a franchi toutes les limites du fanatisme. Margrethe Vestager, commissaire chargée d’une concurrence qui n’existe plus depuis le vote de l’IRA, s’est empressée de déclarer son hostilité à toute mesure de réciprocité européenne, dénonçant par avance toute «course aux subventions».
Avec Valdis Dombrovskis, commissaire au commerce, elle dit non au «Buy European Act» prôné par la France et soutenu par le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck ; et non à tout programme de subventions européennes équivalant au programme américain. A leurs yeux, tout peut être sacrifié sur l’autel du libre-échange et de la relation transatlantique, notre industrie, nos emplois, nos compétences et par extension «l’autonomie stratégique européenne» dont on nous rebat sans cesse les oreilles.
Paillasson européen
Les Etats-Unis s’affranchissent du libéralisme mercantile si cher à Margrethe Vestager et Valdis Dombrovskis ? Washington acte brutalement la fin de la mondialisation en s’essuyant sur le paillasson européen ? Qu’à cela ne tienne : coopérons avec les Américains, répondent nos commissaires, et acceptons de nous plier à leurs conditions. Ils ont même inventé un endroit pour ça : le Trade and Technology Council (TTC), lancé à Bruxelles en juin 2021 en présence de Joe Biden, deux semaines avant que l’Union européenne «suspende» la taxe sur les Gafa et avalise ainsi leur impunité fiscale. Le «T» de Trade est l’incubateur d’une relance des négociations en vue d’un accord commercial transatlantique. Et sous couvert de «dialogue» et «d’échanges», le «T» de Technology institutionnalise la prédominance américaine sur le numérique. Tout cela sans validation par le Parlement européen.
Dans l’indifférence du public à l’égard du quotidien diplomatique, le TTC avance tranquillement sur des questions essentielles, où l’Europe est en retard : intelligence artificielle, identité numérique, Internet des objets, infrastructures de transmission des données, normes de chargement des voitures électriques, mais aussi contrôle des exportations, etc. Cette instance «supra-supranationale» décide de tout sans que personne n’en sache rien. Le seul dirigeant européen à s’être montré ferme à l’égard de cette anomalie démocratique est Thierry Breton, qui a refusé de participer à la dernière réunion, en protestation contre la politique commerciale américaine. Reste à savoir s’il sera suivi. Cette confusion n’est pas à l’avantage de l’Union européenne, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il est grand temps que la Commission mette de l’ordre en son sein, sorte de son coma idéologique et revienne au réel. Accumuler les concessions aux Américains ne nous sera d’aucun secours. Et vouloir à tout prix ressusciter une mondialisation libérale tuée par les Etats-Unis et par la Chine, en s’accrochant désespérément aux règles de l’OMC, se paiera du prix de notre indépendance et de notre liberté.
Mardi se tenaient les élections de mi-mandat américaine, lors desquelles un tiers des sièges du Sénat, la moitié des postes de gouverneurs et la totalité de la Chambre des représentants étaient mis aux voix. À plusieurs raisons, ces élections étaient cruciales dans le rapport que tiennent les Américains à la démocratie.
En effet, deux ans après le déni démocratique de M. Donald Trump, qui n’a jamais reconnu sa défaite à l’élection présidentielle de 2020, le retour au pouvoir législatif du camp radicalisé et fanatisé était largement envisagé et prédit par les sondages. Pour la première fois depuis 2008, les démocrates contrôlaient les deux chambres et la présidence. L’inflation galopante et la montée de l’insécurité leur étaient ainsi reprochées, et la popularité de Joe Biden, qui apparaît affaibli physiquement et politiquement, était loin d’être reluisante. En temps politique normal, tout annonçait un raz-de-marée républicain.
Et pourtant, les démocrates semblent avoir bien résisté, et le contrôle de l’une et l’autre chambre est encore incertain. On se rappellera qu’en 2010 et en 2018, passages respectifs de la Chambre aux républicains et aux démocrates, l’information était connue le soir même.
C’est que le contexte politique de cette élection, qui en temps normal mobilise bien plus l’électorat d’opposition que l’électorat du camp présidentiel, est tout sauf habituel. La polarisation de la société américaine en deux camps idéologiques et même culturels est plus forte que jamais.
Le camp républicain, nous l’avons dit, est à la fois radicalisé et fanatisé. Lors des élections primaires, les partisans de Trump, ceux qui nient la défaite républicaine de 2020, les complotistes ultrareligieux et maximalistes, l’ont emporté quasiment partout sur des candidats plus modérés (quoiqu’un républicain modéré soit, en France, l’équivalent de la droite radicale). Or, si la popularité de Joe Biden n’est guère reluisante, celle de Donald Trump est encore plus faible. Le rejet, en dehors du cercle très soudé et très organisés des conservateurs tendance maxi, de ses outrances et de sa négation de la défaite est encore très puissant. Les démocrates ont ainsi pu compter sur l’électorat centriste, qui a encore une fois pu faire la différence dans des États et circonscriptions-clefs.
En outre, le partage des pouvoirs, en apparence clairement en faveur des démocrates, n’est pas si net. Les États-Unis sont un pays fortement décentralisé, avec un système judiciaire indépendant aux compétences très larges. Chaque État (hormis le Nebraska) dispose de son propre Sénat et de sa propre Chambre des représentants, qui ont une latitude politique très large. Dans les États-clefs, Michigan, Wisconsin, Pennsylvanie, etc., les républicains dominent les législatures locales depuis plus d’une décennie. La Cour suprême est dominée par des juges conservateurs anti-avortement depuis le mandat Trump. Ainsi, la décision récente de ne plus protéger l’avortement au niveau fédéral, en donnant aux États le pouvoir en la matière, entraînant des lois immédiates de limitation du droit à l’avortement dans les États à législature républicaine, a pu donner l’impression d’un fort contrôle républicain et conservateur sur la politique locale comme nationale.
Ainsi, deux campagnes ont été menées en parallèle, presque hermétiquement l’une par rapport à l’autre. Les républicains expliquaient que les démocrates au pouvoir aggravaient l’inflation et l’insécurité. Leur frange radicale ajoutait qu’ils avaient volé l’élection de 2020. Les démocrates expliquaient de leur côté que les républicains menaçaient la démocratie et les libertés individuelles. Sur ce dernier registre, la désignation des secrétaires d’État des États fédérés représentait cette année un enjeu déterminant : cette fonction est stratégique car les titulaires du poste sont chargés de l’organisation des scrutins (notamment les limitations possibles au droit de vote ou du vote par correspondance) et de leur contrôle. Selon les États, une partie est désignée par les gouverneurs et les autres sont élus directement par les électeurs. Or plusieurs candidats républicains appartenaient au camp des « négateurs », c’est-à-dire cette branche radicalisée des républicains qui prétend encore que l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis d’Amérique est frauduleuse : donner le contrôle des élections par ce courant politique (soit en élisant un gouverneur négateur, soit en élisant un secrétaire d’État négateur) aurait pu avoir des conséquences désastreuses pour le prochain scrutin présidentiel, et l’on a vu dans les débats nombre d’électeurs ou de candidats républicains expliquer tranquillement qu’ils n’accepteraient pas le verdict des urnes, prétendant qu’un résultat défavorable ne pourrait qu’être le signe d’une manipulation du scrutin. Dans les grandes lignes, l’outrance des positions politiques de ces candidats leur a été défavorable ce qui est en soi une bonne nouvelle.
Force est de constater que les démocrates ont échappé au triomphe républicain annoncé. Dans plusieurs États, des référendums se tenaient soit pour interdire l’avortement, soit pour le protéger dans la constitution locale. Partout où les votes avaient lieu, même dans le très conservateur Kentucky, les anti-avortement ont perdu.
Au Sénat, tout semble indiquer que les démocrates garderont le contrôle de la chambre haute. Ils ont remporté le siège très contesté et jusqu’alors républicain de Pennsylvanie, et ont sauvé leur poste en Arizona. Au Nevada, les républicains n’ont plus que 800 voix d’avance, et les derniers bulletins à dépouiller viennent de bureaux de vote très démocrates. En Géorgie, où un second tour devra se tenir, le sortant démocrate est en ballottage favorable. Cela donne un Sénat avec 49 démocrates et 49 républicains, en attente de ces deux résultats. Les démocrates n’ont besoin que d’une victoire pour conserver leur majorité, les républicains ont besoin de l’emporter dans les deux États, car en cas d’égalité de vote, c’est le vice-président, en l’occurrence la démocrate Kamala Harris, qui départage le scrutin.
consolidation des résultats pour le Sénat selon l’Associated Press ce matin à 5h52
À la Chambre des représentants, une victoire républicaine reste plus probable, mais n’est pas encore acquise. En l’état actuel du dépouillement, les républicains ont une avance de quatre sièges, mais 21 circonscriptions sont encore incertaines, et parmi elles, il n’est pas exclu que les démocrates repassent devant les républicains dans quatre d’entre elles. Les démocrates l’ont emporté dans des circonscriptions difficiles, qui parfois ont voté pour Donald Trump aux élections présidentielles.
consolidation des résultats pour la Chambre des représentants selon l’Associated Press ce matin à 5h52
Si les résultats nationaux semblent ainsi montrer une résistance démocrate nationale plus importante que prévue, il ne faut pas perdre de vue le caractère essentiellement local de l’élection de mi-mandat dans certains États. En effet, le système électoral américain fait que l’on vote en même temps pour tous les scrutins, quand il y en a plusieurs. La majorité des États élisaient ainsi le même jour leur gouverneur et leur législature locale. Avec la remise en cause du droit à l’avortement au niveau fédéral, et le transfert de cette compétence au niveau local, ce sujet a mené de nombreux électeurs démocrates aux urnes pour défendre, localement, le droit à l’avortement, leur permettant par la même occasion de voter démocrate à l’élection du sénateur fédéral et du représentant. Ainsi, en Arizona et en Pennsylvanie, où l’élection du gouverneur a déchaîné les passions, voyant l’affrontement entre républicains trumpistes radicalisés et démocrates battant campagne sur le thème de la défense du droit à l’avortement et de la démocratie, la victoire, assez nette, des démocrates, a eu un effet levier sur les autres élections. A l’inverse, la forte performance des républicains en Floride pour la réélection du gouverneur entraîne le basculement de 4 circonscriptions de représentants dans le camp républicain. Dans l’État de New York, la campagne catastrophique de la gouverneure démocrate sortante, qui ne l’emporte que de 5 points sur son opposant républicain, fait perdre aux démocrates 4 représentants, et peut-être un cinquième, le dépouillement n’étant pas encore achevé.
Les républicains, s’ils l’emportent à la Chambre des représentants, ne devront peut-être leur victoire qu’à un phénomène déjà observé depuis 2020, le basculement d’une partie des hispanophones dans le camp républicain. La Floride, jadis un Etat pivot votant alternativement démocrate et républicain, est désormais clairement passée dans le camp républicain. Le sud du Texas, une des rares zones rurales votant traditionnellement pour les démocrates, a élu cette année un représentant républicain, et le gouverneur démocrate sortant du Nevada a été battu par un républicain. Ce basculement, pas encore pris en compte par les démocrates mais au cœur de la stratégie républicaine, on se souvient des pubs de campagnes en espagnol diffusée par Donald Trump la dernière semaine de campagne en 2020, doit nous interroger. Un électorat populaire, issu des minorités et de l’immigration, très conservateur sur les questions de société, bascule à droite malgré un camp progressiste qui ne parle que d’intégration des minorités.
Six ans après le retour de la question sociale dans la vie politique américaine, avec la campagne très suivie de Bernie Sanders, quatre ans après les victoires tonitruantes de « democratic socialists » comme Alexandria Ocasio-Cortez à la chambre des représentants, la gauche du parti démocrate semble faire grise mine. Elle n’est plus au centre de l’attention, et ne progresse plus, l’électorat modéré passé au parti démocrate influençant plus qu’avant le résultat des primaires, et empêchant à la gauche progressiste de l’emporter dans de nouvelles circonscriptions.
Le bipartisme américain cache en effet de véritables factions organisées au sein des démocrates et des républicains. Le caucus progressiste, organisation de l’aile gauche démocrate à la Chambre des représentants, était le plus nombreux à la chambre en 2020, devant les New Democrats, au centre du parti, et les Blue Dogs, incarnant l’aile droite, centriste et ultra-libérale. La première moitié du mandat Biden a été marquée par l’obstruction politique constante de la droite du parti démocrate, menaçant de voter avec les républicains au Sénat et à la Chambre des représentants si les réformes sociales étaient poussées « trop loin ». La radicalité républicaine a ainsi renforcé les démocrates modérés, paralysant l’action politique, empêchant Joe Biden, pourtant New Democrat, de mener à bien certaines de ses réformes. Même en cas de victoire démocrate à la Chambre des représentants, il est peu probable que cela se traduise par des avancées politiques, les Blue dogs étant prêts à tout bloquer si les intérêts financiers de leurs riches sponsors sont mis en danger. Dans l’État de l’Oregon, le fondateur de Nike a créé de toutes pièces une candidature démocrate dissidente au poste de gouverneur, car la vainqueure des primaires était issue de l’aile gauche, et avait un programme social développé d’augmentation des salaires. Cette dissidence a failli faire passer cet État, un des plus démocrates du pays, sous un mandat républicain.
Chez les républicains, le problème Trump commence à être évoqué. Les opposants à Trump, décimés dans les primaires, manquent cependant de leaders pour incarner cette contestation. Ron DeSantis, galvanisé par sa réélection écrasante comme gouverneur de Floride, apparaît comme un recours pour les républicains trumposceptiques (bien que pas moins à droite). Reste à savoir s’il osera affronter l’ancien président, toute opposition interne à Donald Trump ayant été synonyme de fin de carrière politique depuis 2016. La prise en main du parti par l’extrême droite ultrareligieuse est un sable mouvant dont les républicains ne peuvent pas sortir et qui cause leur perte à répétition. La question de l’avortement, qui dépasse d’ailleurs le camp Trump et est combattu par l’ensemble du parti, ne cesse de les marginaliser, les Américains montrant sans relâche leur attachement à cette liberté fondamentale, combattu par une minorité cléricale très organisée.
Le cycle électoral de 2022 n’est pas encore terminé, on ne sait pas encore qui aura la majorité à la Chambre, et comment ces majorités seront utilisées. Les réformes sociales, tant attendues, n’auront probablement pas lieu, même en cas de victoire démocrate. La coalition démocrate, alliant catégories populaires, électorat féminin, minorités sexuelles et ethniques, et riches centristes modérés effrayés par les excès républicains, risque fort de se déliter. Elle n’est soudée que par la détestation commune de Donald Trump et la défense du droit à l’avortement. En cas de remise en cause du primat trumpiste au parti républicain, les contradictions démocrates risquent fort de s’ouvrir à vif. Un choix devra être fait, entre les catégories populaires et les intérêts financiers. Les uns comme les autres pourraient basculer dans le camp républicain. Reste à espérer que les intérêts populaires primeront.
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