David Cayla : “Pour sortir du néolibéralisme, il faut proposer un autre modèle et convaincre de sa faisabilité”

Dans son dernier ouvrage, La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? (éditions du Bord de l’eau), l’économiste David Cayla analyse les faiblesses de la gauche dans son combat face au néolibéralisme, tout en esquissant des pistes. Entretien réalisé par Kévin Boucaud-Victoire et publié le 18 septembre 2024 dans Marianne.

Le 15 mai 2012, François Hollande entre à l’Élysée, au terme d’une campagne qui l’a amené à affirmer que « [son] ennemi, c’est la finance » et à proposer de taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million par an. Cinq ans plus tard, le bilan du président socialiste est tout autre, tant il a mené la même politique que ses prédécesseurs. Depuis, la gauche est cantonnée à l’opposition. Le camp qui entendait « changer la vie » est-il condamné à l’impuissance ?

Dans son dernier ouvrage1, l’économiste David Cayla analyse ce qu’est le néolibéralisme et met en lumière ses échecs. Pour lui, malheureusement, le « populisme de gauche », incarné par Jean-Luc Mélenchon est encore loin du compte et ne constitue pas une alternative crédible…

Marianne : Pouvez-vous revenir sur la définition du néolibéralisme ?

David Cayla : Le néolibéralisme est une doctrine visant à aider les gouvernants dans leurs choix politiques. Son idée centrale est que les prix de marché doivent guider les comportements économiques. Par exemple, pour savoir quoi acheter ou dans quel secteur investir il faut observer les prix et faire un calcul économique. Ainsi, si un État ou une entreprise se mettait à contrôler les prix, il serait capable d’influencer les comportements et les choix. Voilà pourquoi les néolibéraux insistent pour que les prix soient le résultat des dynamiques concurrentielles et ne soient en aucun cas sous l’influence des États.

Cela ne signifie pas que l’État doit être passif. Les néolibéraux s’opposent au laissez-faire ; c’est ce qui les distingue des libéraux classiques. L’État doit favoriser les institutions qui permettent au marché de fonctionner correctement. Ainsi, ils recommandent d’organiser le libre-échange via des traités commerciaux, de mettre en place des autorités de régulation de la concurrence, une politique monétaire favorisant la stabilité des prix et insistent sur l’équilibre des comptes publics. Ce n’est pas qu’ils craignent la dette publique, mais ils veulent éviter que son financement ne détourne une partie de la sphère financière du secteur privé.

En quoi celui-ci est-il en train d’échouer ?

Il n’y a qu’à voir l’actualité ! Il échoue sur pratiquement tous les plans. D’abord, la régulation de la concurrence s’avère bien plus compliquée que prévu. De Microsoft à Google, en passant par Amazon, Apple, Uber… la révolution numérique a vu l’émergence d’une multitude de plateformes qui sont capables d’imposer leurs prix aux consommateurs et à leurs partenaires. Ces plateformes démontrent que, dans de nombreux secteurs, il est vain de chercher un prix de marché, surtout quand le marché lui-même est remplacé par des espaces privés détenus par les géants du numérique.

La neutralité de la politique monétaire n’existe plus depuis la crise financière de 2008. L’idée d’une banque centrale neutre et dépolitisée a vécu. En mettant en œuvre des politiques « non conventionnelles » elles sont devenues de véritables acteurs politiques qui n’hésitent pas à intervenir au sein des marchés financiers.

Enfin, il est devenu pratiquement impossible d’atteindre l’équilibre des comptes publics. Le problème ne se limite pas à la France. Aux États-Unis, la dette publique atteint des sommets et le déficit dépasse systématiquement les 5 % du PIB depuis 2020. Les économies développées ont en permanence besoin de stimulus budgétaires pour absorber l’excès d’épargne mondiale.

En quoi lutter contre l’inflation n’est pas en soi de gauche ?

Comme je l’ai souligné, la lutte contre l’inflation constitue l’un des piliers de la doctrine néolibérale. Les néolibéraux ont fini par convaincre les populations que lutter contre l’inflation, c’était défendre leur pouvoir d’achat. Mais il n’y a rien de plus faux ! L’inflation est neutre sur le pouvoir d’achat car les prix des uns sont les revenus des autres. Le problème ne vient pas de l’inflation mais des rapports déséquilibrés qui se jouent sur les marchés. Si l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, c’est uniquement parce que ces derniers ne parviennent pas à négocier des hausses salariales.

Pour répondre aux problèmes de pouvoir d’achat, la gauche devrait mettre en avant, non pas la lutte contre l’inflation – ce qui légitime l’austérité salariale, la hausse des taux d’intérêt et avantage en fin de compte les détenteurs de capital financier – mais défendre la cause des services publics, de la gratuité et des logements accessibles. Le combat politique prioritaire ne devrait pas être le niveau d’inflation mais de limiter la sphère marchande et de mieux répondre aux besoins fondamentaux du plus grand nombre.

Selon vous, le « populisme de gauche » n’arrive pas à mettre en échec le néolibéralisme, parce qu’il s’appuie sur un agrégat de luttes et de colères et qu’il a substitué les affects à la raison. En quoi cela est-ce problématique ?

Pour sortir du néolibéralisme, il faut proposer un autre modèle de société et convaincre de sa faisabilité. Ce modèle doit avoir des éléments positifs, il doit tracer un chemin crédible vers une nouvelle société. Le danger avec la stratégie populiste telle qu’elle ait été définie par la philosophe Chantal Mouffe est qu’elle part du principe que toutes les revendications sont légitimes ; c’est la thèse de la « chaîne d’équivalence ». Mais si on veut bâtir un nouveau modèle il faut être capable de discriminer entre les revendications qui émanent du mouvement social. Par exemple, il faut savoir si on priorise l’émancipation des femmes ou si l’on tolère les pratiques religieuses qui tendent à les inférioriser.

Choisir ses luttes ne peut pas se faire en se reposant sur les affects, car toute lutte est, d’une certaine manière, légitime. S’opposer à la construction d’un barrage qui menace un écosystème peut sembler tout autant légitime que de le construire pour favoriser la production d’électricité renouvelable. Alors comment décider ? C’est là qu’intervient la rationalité politique. Puisqu’on ne peut pas contenter tout le monde il faut bâtir une doctrine qui permette de trancher. Le populisme de gauche ne dispose pas d’une telle doctrine du fait de son refus de prioriser les luttes. C’est une stratégie utile dans l’opposition pour rassembler les mécontents, mais elle ne peut permettre de gouverner.

Vous pointez la critique virulente des institutions… Mais cela n’est-il pas consubstantiel à la gauche, à l’instar de Karl Marx qui qualifie l’État d’« avorton surnaturel de la société » et de « parasite »« qui se nourrit sur la société et en paralyse le libre mouvement » (dans La guerre civile en France?

Le néolibéralisme s’incarne dans nos institutions. Les règles budgétaires ou la libéralisation des services publics sont inscrites dans les traités européens et le droit français. Pour sortir du néolibéralisme, il faut donc repenser en profondeur nos institutions et les critiquer. Marx avait parfaitement compris que le capitalisme s’appuie sur l’État. D’ailleurs, l’État moderne est né avec l’avènement du capitalisme.

Néanmoins, je crois qu’on ne peut limiter l’État au capitalisme. D’ailleurs, tous les régimes socialistes qui se sont historiquement développés au XXe siècle l’ont fait à partir de l’État et de son renforcement. Inversement, le régime nazi a lui organisé un dépérissement de l’État tout en préservant une forme de capitalisme. Donc on ne peut pas tirer un trait d’égalité entre État et capitalisme.

Quoi qu’il en soit, ni Marx ni les marxistes ne rejettent le principe des institutions sociales (qu’elles soient légales ou non). Les seuls théoriciens qui s’en méfient par principe sont les libertariens, lesquels ne croient qu’aux individus et aux marchés. Aussi, la gauche ne peut se contenter de critiquer les institutions, car cela risque de nourrir la défiance et de renforcer l’extrême droite.

Vous relevez néanmoins qu’il y a de bonnes choses dans le programme économique du NFP. Lesquelles ?

Le programme du NFP a été conçu en quelques jours en réponse à la dissolution surprise du Président. Dans ces conditions, il ne pouvait être parfait. Pour autant, j’ai noté de nombreuses avancées par rapport au programme de la NUPES. D’abord, il est beaucoup plus court et n’a pas hésité à hiérarchiser ses priorités, au contraire du programme de 2022 qui était un indigeste catalogue de mesures.

Ensuite, il ne se contente pas d’en appeler à davantage de redistribution sociale. Certaines propositions impliquent de véritables ruptures, comme celle consistant à engager un bras de fer avec les autorités européennes pour sortir du marché européen de l’électricité et rétablir un monopole public. Enfin, il affiche sa volonté de mettre fin aux traités de libre-échange et de modifier le droit de la concurrence. Il conteste donc des éléments importants de la doctrine néolibérale.

  1. La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ?, David Cayla, Bord de l’eau, 168 p., 15 € ↩︎

Emmanuel Maurel : “La coalition de gauche est bien plus solide que le croient Macron et les siens” – Marianne

Propos recueillis par Isabelle Vogtensperger et publié dans Marianne le 15 août 2024 à 18h00

Lundi dernier, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, lançait l’idée d’un « Pacte d’Action pour les Français » destiné à opérer une large coalition parlementaire, dont seraient exclus le Rassemblement national et La France insoumise. Pour Emmanuel Maurel, fondateur de la Gauche républicaine et socialiste et député, membre du Nouveau Front populaire, il s’agit avant tout d’une tractation politicienne et d’un déni de la situation politique.
Emmanuel Maurel estime que le « Pacte d’Action » proposé par Gabriel Attal cache en réalité un désir de maintenir une gestion austéritaire des finances publiques sans réelle remise en cause de la politique menée jusqu’alors par la majorité présidentielle. Celle-là même qui a pourtant été largement désavouée par les Français aux dernières élections législatives.
La meilleure stratégie que la gauche puisse tenir est dès lors, selon lui, de défendre son programme. Et il considère que les socialistes ne s’abstiendront pas de combattre la politique de Renaissance-LR, contre laquelle ils ont lutté durant sept ans.

Marianne : Le parti présidentiel tente une large coalition (dont sont exceptés le RN et LFI) avec ce « Pacte d’action » proposé par Gabriel Attal pour réunir gauche et droite. Qu’en pensez-vous ?

Emmanuel Maurel : Je suis surpris par cette initiative du Premier ministre démissionnaire. Il aime à rappeler, comme le président, que « personne n’a gagné » les élections législatives. Mais il y a bien une coalition parlementaire qui a été battue les 30 juin et 7 juillet derniers : c’est celle qu’il dirigeait ! On dit que les relations entre les deux têtes de l’exécutif se sont distendues. Je trouve néanmoins qu’il y a une communauté de pensée qui perdure : leurs tentatives maladroites procèdent du même déni de la situation politique.

Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait avoir une discussion féconde, de nature à déboucher sur une cohérence d’action, en s’adressant aussi bien à la gauche qu’à LR ou même à Horizons. En réalité, cette démarche est avant tout politicienne : Gabriel Attal mobilise son talent pour tenter d’accréditer l’idée que ce n’est qu’autour de son parti, pour ne pas dire de lui, qu’un équilibre pourra être trouvé.

« La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change ! »

Or non seulement Renaissance n’a plus les forces qui lui permettraient de prétendre à ce rôle, mais surtout, les électeurs ont clairement signifié qu’ils exigeaient un changement de cap.

Le « Pacte d’Action » qui repose avant tout sur le maintien d’une gestion austéritaire des finances publiques, ne propose rien de nouveau par rapport à la politique que les Français ont désavouée. La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change! En ce sens, plus qu’un « pacte d’action », on nous propose un pacte d’immobilisme. 

Quelle serait la meilleure stratégie pour la gauche : se rallier à cette large coalition ou au contraire, maintenir l’union avec La France Insoumise ?

La meilleure stratégie pour la gauche est de défendre son programme. Nos concitoyens en connaissent les grandes lignes : soutien au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes ; redistribution des richesses en faisant davantage contribuer les plus fortunés ; sauvetage et extension des services publics, notamment l’école et l’hôpital ; planification écologique et restauration de notre base industrielle, laquelle, quoiqu’en dise Macron, continue de s’affaisser. À mon sens, c’est sur ces bases qu’il faut travailler et le Nouveau Front Populaire a des propositions solides pour relever ces défis.

Le Président de la République et ses troupes affaiblies au Parlement continuent de mépriser ces orientations. Et ils essaient de nous diviser pour tenter de les escamoter, mais ça ne marchera pas. La coalition de gauche est bien plus solide qu’ils semblent le croire. Le président avait fait une grosse erreur d’appréciation en nous pensant incapables de nous mettre d’accord sur un programme et des candidats en quelques jours après sa dissolution surprise. Il persévère dans l’erreur aujourd’hui.

Il ne m’a certes pas échappé que le NFP n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je ne verse pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ». Mais la logique politique et démocratique commande de confier à la coalition arrivée en tête l’exercice du pouvoir : à charge ensuite pour nous de bâtir les majorités nécessaires au vote des réformes.

Pour Alain Minc dans Le Figaro, obtenir l’abstention des socialistes serait une stratégie habile de la part du Président – ce que ce pacte pourrait permettre d’obtenir. Qu’en pensez-vous ?

Ce que propose Alain Minc, c’est une sorte de soutien sans participation des socialistes à un gouvernement minoritaire Renaissance-LR et tout ça pour faire quoi ? Peu ou prou la même chose que depuis 2017 et a fortiori depuis 2022, c’est-à-dire une politique profondément inégalitaire et austéritaire.

Je n’imagine pas une seconde que les socialistes s’abstiennent de combattre une politique qu’ils dénoncent depuis sept ans et qu’ils ont contribué à faire battre dans les urnes cette année. Le PS est un grand parti de gouvernement, ancré territorialement, qui a bénéficié du NFP autant qu’il l’a fait progresser. Je ne le vois pas changer subitement d’orientation.

Les macronistes ont vraiment un drôle de rapport au réel. Ils essaient de résoudre la quadrature du cercle en se disant « notre politique a été battue, mais on va quand même la poursuivre, malgré – et contre – le vote des Français ». Et comme ils n’y arrivent pas, ils repoussent à nouveau les échéances : certaines éminences préconisent de repousser la nomination d’un Premier ministre non pas après les JO – c’est-à-dire maintenant – mais « fin août ou début septembre », voire après.

Le grand gagnant de ce pacte serait finalement le parti d’Emmanuel Macron. N’est-ce pas un sacrifice trop important pour les socialistes ? Un « déni de démocratie » comme dirait Mélenchon ?

Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement les plus vulnérables d’entre eux, qui attendent de leurs représentants qu’ils s’attaquent immédiatement aux problèmes auxquels ils sont confrontés, à commencer par le pouvoir d’achat. Ce que veulent nos compatriotes c’est que la politique soit à leur service et au service du pays. C’est à mon avis un enseignement qu’on peut tirer du scrutin des 30 juin et 7 juillet, qui a d’abord été un refus de mettre l’extrême droite au pouvoir, mais qui a aussi été un appel lancé aux responsables politiques pour qu’ils répondent enfin aux urgences économiques, sociales, écologiques, régaliennes de la France.

« Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement
les plus vulnérables d’entre eux »

Ce qui constituerait un « déni de démocratie » serait qu’on s’enlise dans des voies sans issues. Vouloir impulser des réformes avec seulement 193 députés en est une. Mais vouloir faire passer en douce un agenda repoussé par les électeurs en est une autre. Il faut donc essayer d’avancer en respectant la démocratie, c’est-à-dire en confiant au Nouveau Front Populaire la tâche de former un gouvernement.

Quelle gauche peut encore espérer tirer profit des tractations en cours ?

La gauche, dans sa grande diversité, est majoritairement représentée dans le Nouveau Front populaire. Chacun sait qu’elle a mis déjà beaucoup de temps (trop) à s’entendre sur un nom pour Matignon, prenant le risque de décevoir nos concitoyens qui avaient mis en elle de réels espoirs. Mais tout reste encore possible ! Macron pense que la « parenthèse enchantée » des JO lui permettra de reprendre la main, en usant justement de vaines tractations.

Je crois au contraire que les deux semaines qui viennent de s’écouler constituent pour nous un formidable point d’appui : l’esprit de concorde, l’ouverture aux autres, le patriotisme joyeux, le goût du collectif, dessinent les contours d’une France généreuse, entreprenante, solidaire que nous pouvons incarner et défendre.

Je reste convaincu que des réformes portées par la gauche – sur le SMIC, les retraites, les services publics, la politique industrielle – renforceront notre économie et notre modèle social et républicain. La France aurait tout à gagner d’une politique en faveur de la majorité des gens, qui réduit les inégalités, apaise les tensions et redonne espoir. Historiquement, elle s’est d’ailleurs toujours construite comme ça.

Emmanuel Maurel, fidèle au socialisme républicain – L’Humanité

article publié par Gaël de Santis dans L’Humanité le 4 août 2024

Le fondateur de la Gauche républicaine et socialiste, député de la 3ème circonscription du Val-d’Oise, siège avec les communistes. Le parlementaire est un véritable élu de terrain, qu’il ne cesse d’arpenter.

Emmanuel Maurel est un promeneur. « On ne maîtrise les territoires que lorsqu’on les parcourt à pied », théorise le tout nouveau député du groupe GDR, où siègent les communistes. Il a d’ailleurs déjà repéré pour les prochains jours une randonnée dans sa nouvelle circonscription, la 3ème du Val-d’Oise. Il ira seul, mais ce 26 juillet, c’est en groupe que l’élu arpente les rues de Pierrelaye, dernière ville communiste du département. « Je vous ai fait un cadeau », s’en amuse-t-il en accueillant l’Humanité.

Guidé par Fahed Hadji, adjoint qui lui a ouvert de nombreuses portes lors de la campagne des législatives, Emmanuel Maurel visite les installations et salue les personnels des services publics dédiés à la jeunesse. Depuis le jardin du centre de loisirs, le maire, Michel Vallade, désigne la plaine au-delà de la clôture. Une terre à dépolluer : « J’ai cherché à y installer des cultures de plantes qui ne se mangent pas. »

Mener la bataille pour l’exception culturelle au Parlement européen

L’édile évoque le lin. Cela fait tilt chez Emmanuel Maurel, qui lance : « Le premier producteur européen, c’est la France ! » Et voilà le député, intarissable, qui raconte la renaissance de cette filière. L’élu est un socialiste comme on n’en fait plus, attentif au maintien d’une activité productive sur le sol national.

« J’ai beau être un banlieusard, je dois être l’un des seuls députés à avoir visité les 95 départements métropolitains. »

Au terme de la visite, à côté du chantier du terrain de football, on le rappelle à des choses plus terre à terre : peut-il intervenir pour accélérer un dossier de subvention pour les courts de tennis ? Voilà le député de la nation – qui ces dix dernières années a mené la bataille pour l’exception culturelle au Parlement européen – rappelé au local, qu’il sillonnait quand il était conseiller régional, de 2004 à 2015.

En réalité, il n’a été à aucun moment loin de la France et plastronne : « J’ai beau être un banlieusard, je dois être l’un des seuls députés à avoir visité les 95 départements métropolitains. » Né en Seine-Saint-Denis en 1973, résident du Val-d’Oise, Emmanuel Maurel « est très attaché à la France profonde, ses territoires, la diversité des départements et du peuple français. Il n’a jamais été fasciné par l’establishment parisien », témoigne son amie et camarade, l’ex-sénatrice CRCE Marie-Noëlle Lienemann.

Il est tombé en politique à l’âge de 16 ans, en rejoignant le Parti socialiste et SOS Racisme. Puis c’est l’Unef, les Jeunes socialistes, les bancs de Sciences-Po. En 2004, il est élu conseiller régional. Féru de culture, les médias lui prêtent une érudition classique. À les suivre, il n’aurait d’oreille que pour l’opéra et lirait des auteurs vieux d’au moins un siècle :
Apollinaire, Voltaire, etc. « Ils aiment à me cataloguer ringard », soupire-t-il.

S’il concède écouter « beaucoup de musique classique », il lit aussi des auteurs contemporains, tel Nicolas Mathieu. C’est surtout la poésie qu’il dévore : il s’est récemment plongé dans celle de l’Américaine Louise Glück ou du Français François Cheng. Sa vocation contrariée aurait été de devenir vice-président de la région Île-de-France à la Culture. Le président de l’époque, Jean-Paul Huchon, lui confiera l’apprentissage, puis les affaires internationales.

Un homme de partis

L’élu participe aux débats intellectuels de la gauche. Il a dirigé le journal la Corrèze républicaine et socialiste. Il est l’auteur d’une biographie – la première – de Jean Poperen, républicain et laïc, ex-communiste passé à la SFIO après la répression de Budapest en 1956*. Il retient de cette figure qu’il a côtoyé la priorité accordée à la question sociale : « Le
socialisme, c’est d’abord le salaire
. » Et de Jaurès, sa principale source d’inspiration, d’avoir « mis le réformisme au service de l’espérance révolutionnaire » et que le « parti est un intellectuel collectif ».

Emmanuel Maurel est de fait un homme de partis. Au pluriel. Un militant du PS d’abord, tendance aile gauche. Quand Jean-Luc Mélenchon claque la porte en 2008 et que Martine Aubry prend la tête de Solferino, lui reste. « Je pensais encore qu’il fallait un grand parti socialiste », justifie-t-il. En 2018, le mandat Hollande a achevé ses espoirs et il quitte le PS à
son tour. L’élu fonde Gauche républicaine et socialiste, un temps partenaire de la France insoumise, avant de rallier les campagnes de Fabien Roussel et Léon Deffontaines.

Il siège avec les communistes au sein du groupe GDR. Le vice-président PCF du Sénat, Pierre Ouzoulias, reconnaît en lui quelqu’un de « discret, d’une grande loyauté par rapport à ses idées. Il dispute à la droite les thèmes qui étaient ceux de la gauche, la nation, la République, la laïcité, qu’il faut se réapproprier, réactualiser ». Le député promeneur refuse de dévier de son chemin, celui de la République sociale.

Gaël de Santis

* En réalité, Jean Poperen quittera progressivement le PCF à partir de 1956 fondant la revue Tribune du Communisme, qui accompagnera en 1958 la création du Parti socialiste autonome (scission de la SFIO compromise dans la Guerre d’Algérie et avec les gaullistes dans la création de la Vème République). Il sautera le pas en 1960 en participant à la création du PSU qui fusionne le PSA et plusieurs autres collectifs ; il rompra en 1967 devant le refus du PSU de rejoindre la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (FGDS) avant de participer à la création du nouveau Parti Socialiste en 1969. [note de la GRS]

S’engager pour vraiment changer la vie !

La période politique intense des derniers mois, marquées par deux campagnes électorales, une dissolution par caprice présidentiel et la menace toujours forte de l’extrême droite (toujours aux portes du pouvoir), a conduite nombre de nos concitoyens à s’engager. Certains ont sauté le pas d’adhérer à un parti politique et c’est le cas de plusieurs dizaines de nouveaux adhérents pour la Gauche Républicaine et Socialiste. L’un d’entre eux – Julien Zanin – a tenu à exprimer les raisons qui motivent son engagement : c’est le texte que nous publions ci-dessous.

Les récentes élections européennes et législatives furent un choc pour beaucoup.

Nous avions beau savoir, l’ampleur sans précédent du vote Rassemblement National est un coup de massue pour la plupart des gens de gauche, et cela à plusieurs titres.

Tout d’abord en tant que marqueur de la crise démocratique que traverse la France, avec une défiance grandissante vis-à-vis de dirigeants qui n’auront eu de cesse de se couper du peuple français, que ce soit en trahissant des promesses, en méprisant la contestation, ou en poussant dans ses retranchements une 5ème république à bout de souffle.

La progression de l’extrême droite révèle aussi l’échec de la gauche à porter l’espérance d’une autre vie, meilleure, plus juste, plus égalitaire, plus fraternelle, plus écologique.

C’est dur à dire, dur à lire, mais nous devons faire ce constat pour avancer. Tout en restant conscients qu’il n’y aucune fatalité.

Le sursaut du second tour, grâce au barrage républicain face au RN, a redonné cet espoir qui nous manquait tant.

Il montre qu’aussi désenchantée soit toute une frange de la population, il reste des valeurs et des principes qui guident toujours l’action de la grande majorité des Français.

Dans le vote Rassemblement National s’expriment aussi une colère et une tentative de changer les choses, espérant que soit pour le mieux, et parfois aussi, faute de mieux.

C’est ainsi à nous, peuple de gauche, de démonter l’argumentaire populiste et démagogique de l’extrême droite, de lever le voile sur les intérêts qu’ils représentent qui sont à l’opposé de ceux des classes populaires.

C’est aussi à nous de reprendre la main sur des sujets trop souvent abandonnés à l’extrême droite, pour y apporter un autre discours, une autre grille de lecture, d’autres solutions.

Ce constat, beaucoup de monde le partage, mais constater ne suffit évidemment pas, il faut aussi agir.

Dans quelle cadre, avec qui, sur quelle base ?

Le choix qui a été fait par la GRS est celui du parti politique, de la définition d’une ligne claire, avec en son cœur les valeurs du socialisme, de la république laïque, de l’écologie et de l’universalisme.

Si le cap est clair et tranche parfois avec d’autres groupes à gauche, la recherche de l’unité est une autre des valeurs clés que nous portons.

Sans faire de compromis sur ce qui nous définit, sans mettre sous le tapis les différends, nous considérons que le succès de la gauche sur le temps long ne peut s’écrire que dans l’unité et le débat d’idée à la base.

Il s’agit aussi de sortir de l’hystérisation des débats politiques, de la culture du clash, du clivage, du buzz.

S’inscrivant dans une tradition politique qui prend ses racines dans l’universalisme et la raison des Lumières, nous considérons que avons besoin de sang froid, de débat apaisé pour aller au fond des choses et ne pas sombrer dans la superficialité qui caractérise notre époque de consommation effrénée, ni dans le différentialisme qui par nature rend stérile tout débat entre groupes différenciés.

C’est ainsi un vaste chantier qui se profile devant nous, avec deux directions principales : travailler à la reconstruction de la gauche, de son unité durable, et mener la bataille culturelle, politique et sociale face à l’extrême-droite pour réaffirmer haut et fort que la seule issue pour sortir des crises qui pèsent sur la France, sur l’Europe et sur le monde, c’est le socialisme.

La lutte sera longue et difficile, mais il n’y a pas d’autre chemin, pas de raccourci.

Alors dès maintenant engage toi, rejoins la GRS, mène le combat pour changer la vie, vraiment !

Julien Zanin

Après le sursaut du Nouveau Front Populaire, renforcer la Gauche Républicaine

La Gauche a su faire face à “l’étrange”* et brutale dissolution du 9 juin 2024 pour permettre aux Françaises et aux Français de sanctionner la désastreuse politique macroniste et empêcher la victoire du RN. Elle a été d’une clarté absolue pour faire barrage partout à l’extrême droite. Le 7 juillet dernier, non seulement le pire a été évité, mais le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête en nombre de députés.

Mais cela n’a pas suffi à lui donner les moyens de gouverner seul pour appliquer pleinement son programme ; la situation politique est confuse, la décomposition du macronisme produit sans cesse de nouveaux effets, sans qu’il semble possible aujourd’hui de constituer une majorité parlementaire stable, comme cela pourrait être le cas dans n’importe quelle démocratie européenne. La réélection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée Nationale démontre une volonté de ne pas tenir compte de la sanction électorale et de s’opposer à quoi qu’il en coûte à une nouvelle expérience gouvernementale de gauche.

La faute à des acteurs politiques, au premier rang desquels se trouve le président de la République, qui n’ont tendu à l’extrême le débat public sans jamais apporter de réponse aux attentes de nos concitoyens dont la colère monte. Le pays a besoin d’apaisement, le pays a besoin d’une alternative durable à l’extrême droite, le pays a besoin d’une gauche qui fait vivre la promesse du Nouveau Front Populaire , d’une gauche qui privilégie la dynamique unitaire . même quand une partie de ses membres ne sont pas à la hauteur, d’une gauche qui rassemble toutes les classes populaires et tous les travailleurs, d’une gauche qui soit capable de prendre ses responsabilités.

Pour renforcer et faire vivre cette gauche, rejoignez-nous : adhérez à la Gauche Républicaine et Socialiste !

* cf. L’étrange défaite

Une page de l’Histoire de France s’écrit avec le nouveau Front populaire !

vous trouverez ci-dessous le communiqué de presse d’officialisation du nouveau Front Populaire le jeudi 13 juin 2024 et son programme présenté le vendredi 14 juin 2024 à midi…

Avec un programme de gouvernement et des candidatures uniques dans les circonscriptions de France, les forces politiques qui ont constitué le nouveau Front populaire donnent rendez-vous aux Françaises et aux Français les 30 juin et 7 juillet prochains.

Une immense attente d’union s’est exprimée.

Elle est scellée !

À partir d’aujourd’hui, partout en France nous œuvrerons à élargir ce rassemblement avec toutes celles et ceux, Françaises, Français, associations, syndicats, partis politiques, personnalités engagées dans le débat public, qui partagent nos idées et nos orientations.

Nous aurons des candidates et des candidats communs capables de représenter la société française.

Nous avons œuvré à un programme politique de rupture avec une déclinaison pour les 100 premiers jours du mandat, des propositions concrètes et réalistes, pour que la vie des Françaises et des Français change, vraiment !

Désormais, l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir n’est plus une fatalité !

Levez-vous et rejoignez le nouveau Front populaire. L’espoir est là !

communiqué de presse Front Populaire du jeudi 13 juin 2024
Le Programme du nouveau Front Populaire

Conférence de presse : Reprenons la Main – 10 janvier 2024, élections européennes

L’année 2024 semble annoncer des vents mauvais et les sorties de crises peinent à se dessiner. Le 9 juin, pour le monde du travail, pour la souveraineté industrielle, alimentaire & culturelle, aux côtés du Parti Communiste Français, de L’Engagement et de représentants du monde du travail, il est temps de “Reprendre la Main en France et en Europe”.

Retrouvez ici l’intervention d’Emmanuel Maurel le 10 janvier 2024, lors de la présentation des premiers axes de la liste que nous mènerons avec nos partenaires aux prochaines élections européennes.

Monsieur le Président : renoncez !

L’Appel du 20 décembre 2023 de plusieurs associations, organisations politiques et syndicales demandant au Président de la République de renoncer à son texte sur l’immigration.

Monsieur le Président, Ce soir, à l’occasion de votre intervention télévisuelle, nous vous demandons solennellement de prendre la seule décision qui vaille : vous devez renoncer à une loi qui porte une atteinte fondamentale aux valeurs de notre République et qui, au-delà de fracturer votre propre majorité, va fracturer notre pays.

Vous avez été élu et réélu face à l’extrême droite. Vous vous étiez même posé en ultime barrage contre les idées du Rassemblement National. C’est la raison pour laquelle de très nombreux Français ont voté pour vous, non par adhésion à votre politique, mais pour éviter le pire.

Mais hier soir, une digue a lâché. Loin de régler quoi que soit aux désordres du monde, à l’exil face aux guerres et au changement climatique, à la crise de l’accueil et ses conséquences, la loi sur l’immigration adoptée hier, la plus régressive depuis des décennies, consacre la préférence nationale, remet en cause le droit du sol et les droits fondamentaux affirmés dans le préambule même de notre constitution, issu du Conseil national de la résistance. Le texte voté est un désastre moral, une trahison de notre Histoire, de ce qu’est notre pays et l’esprit des Lumières, et une reddition devant l’extrême droite qui peut légitimement évoquer une victoire idéologique.

Nous, forces politiques, syndicales, associatives, ne nous résignons pas. Nous sommes là pour résister à l’arbitraire et à l’inhumain. Nous appelons l’ensemble des organisations de la société civile, toutes les forces progressistes et républicaines à agir face à cette attaque majeure contre notre République et sa Constitution, et à construire ensemble des initiatives dans les jours et les semaines qui viennent.

Monsieur le Président : renoncez !

Signataires :

Associations et syndicats : ATTAC, ANVITA, Confédération paysanne, Confédération Générale du Travail, CRID, Droit Au Logement, EMMAUS France, Fédération Syndicale Unitaire, Jeune Garde, MRAP, Les Amis de la Terre, Ligue des Droits de l’Homme, SOS Racisme, Union étudiante, Union syndicale Lycéenne

Partis politiques : La France Insoumise, L’Engagement, Les Écologistes – EELV, Les Radicaux De Gauche, Génération·S, Gauche Républicaine et Socialiste, Mouvement Républicain et Citoyen, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Parti Radical de Gauche, Parti Socialiste, Place Publique, REV.

Entrer en Résistance

Nous ne faisons pas face à un gouvernement qui voudrait faire de son mieux dans un contexte difficile mais se tromperait sur le diagnostic et les solutions.

Nous faisons face à un président de la République au service des puissants de ce monde, idéologiquement convaincu que la richesse ruisselle sans qu’il n’y ait besoin que la loi instaure la solidarité et qui, délibérément, ne prend pas les mesures pour sauver, soutenir ou améliorer tout ce qui fait l’originalité et la pertinence de notre modèle social français ou même européen.

Au contraire, par tous les moyens, et dans tous les domaines, il affaiblit, casse ou laisse dépérir à dessein. Il n’est pas le seul en Europe. D’autres ont tapé plus fort et plus tôt. Mais les objectifs sont les mêmes.

Ces attaques semblent partir tous azimuts mais sont malheureusement très cohérentes. Ainsi de la réforme des retraites, inutile et injuste ; ainsi de l’Hôpital, de la Recherche ou de l’École où, faute de moyens et d’ambition, on désespère les personnels et on laisse filer les compétences ; ainsi de la Laïcité quand “l’on” fait semblant de ne pas voir que la participation du Président à des cérémonies religieuses est anticonstitutionnelle et rend inaudible le juste discours sur les signes ostentatoires ; ainsi du droit du travail contre lequel on ne compte plus les coups de boutoirs, dont le dernier en date est la proposition de faire reculer d’un an à deux mois le délai de prescription pour la saisine des prudhommes en cas de licenciement abusif… Et la liste est longue.

Entrer en résistance, c’est multiplier les combats ponctuels sans perdre de vue la vision d’ensemble. Entrer en résistance, c’est avoir conscience qu’à ce régime la République est en danger. Mais entrer en résistance c’est aussi gagner : ainsi de la victoire d’Emmanuel Maurel et de ses alliés sur le géoblocage des œuvres culturelles. Entrer en résistance c’est gagner partout où nous sommes car il n’y a pas de petites victoires. Entrer en résistance, c’est ainsi préparer la contre-offensive et la gauche républicaine de demain qui, en France comme en Europe, pourra proposer une alternative attractive aux chemins mortifères.

#UGR 2023 : discours de clôture par Marie-Noëlle Lienemann – dimanche 8 octobre 2023

Marie-Noëlle Lienemann, ancienne Ministre et coordinatrice nationale de la GRS, intervenait dimanche 8 octobre à midi pour la conclusion des Universités de la Gauche Républicaine au Palais des Congrès de Rochefort.

C’est une intervention forte qui permet de caractériser politiquement la période et de tracer des perspectives pour la gauche française au service de nos concitoyens.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.