La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? – Éclairages – GRS Landes et David Cayla

Considérant qu’il est nécessaire de s’interroger, de sortir de l’impuissance, d’explorer les possibles et faire vivre le débat public, la Gauche Républicaine et Socialiste a mis en place, dans les Landes, une initiative dénommée « Éclairages », faisant ainsi par la même occasion un clin d’œil aux Lumières. Il s’agit d’une sorte d’université populaire ouverte à toutes et tous ayant pour objectif que tout un chacun s’informe et échange en réfléchissant collectivement. Les modalités seront variées (conférences, tables rondes, ateliers de travail…) et les sessions organisées dans différentes communes du département (urbaines/rurales, littorales/forestières…).

Éclairages a ouvert son premier cycle de rencontres publiques en décembre 2024 sur le thème : « Être de Gauche : c’est quoi ? ». La première session de ce premier cycle a réuni une quarantaine de personnes vendredi 6 décembre 2024 Saint-Paul-lès-Dax avec la conférence-débat animée par l’économiste David Cayla (enseignant-chercheur à l’Université d’Angers, spécialiste en économie politique, membre des économistes atterrés) : « La Gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? »

Ces dernières années, la Gauche a semblé impuissante à répondre à la régression sociale. Quel projet la Gauche peut-elle proposer afin d’agir concrètement en faveur des classes populaires et de reconstruire un État social ?

Après avoir brossé le tableau de la situation politique des 30 dernières années relevant que la gauche ne progresse plus électoralement depuis 2012, David Cayla a d’abord défini le néolibéralisme en soulignant bien ses différences d’avec le libéralisme et en pointant les conséquences (économiques, sociales et politiques) négatives de cette doctrine tout à la fois économique et anthropologique.

Il a ensuite rappelé qu’une partie de la Gauche ne l’a pas combattue ; au contraire, c’est même elle, avec Jacques Delors et à partir de l’Acte unique en 1986, qui l’a accompagnée et accentuée (libéralisation et privatisations ont augmenté sous le mandat de Lionel Jospin). David Cayla précise que, si une gauche plus radicale a pu avoir un discours souverainiste et anti-néolibéral, ce discours est aujourd’hui plus atténué, car elle met en avant aujourd’hui prioritairement des combats relevant plus du sociétal et de la mobilisation des affects.

David Cayla a ensuite présenté les propositions qu’il préconise pour sortir du néolibéralisme, notamment une véritable stratégie de réindustrialisation, mettre en place un nouveau modèle agricole, développer les services publics, réguler davantage. Plus généralement, il faut encastrer le marché dans la société, et non le contraire comme actuellement.

SNCF : « Sans contrôle ni investissement, l’ouverture à la concurrence n’aura aucun effet positif » – tribune de Chloé Petat

Alors que des grèves sont annoncées à la SNCF à partir du 11 décembre prochain, Chloé Petat, membre de la direction nationale de la GRS, co-rédactrice en chef du média Le Temps des Ruptures et auteure de La révolution ratée du transport ferroviaire (Éditions du Bord de l’Eau), met en lumière dans une tribune publiée dans Marianne le mercredi 27 novembre 2024 une cause qu’elle juge particulièrement préoccupante : l’ouverture à la concurrence des trains régionaux.

Les grèves SNCF annoncées à partir du 11 décembre remettent sur le devant de la scène la situation extrêmement critique que connaît le rail depuis maintenant plusieurs décennies. Le démantèlement du fret est la première raison explicative de cette grève. La deuxième, moins reprise par les médias, concerne l’ouverture à la concurrence des trains régionaux autrement appelés TER. Depuis les années 2000, l’Union européenne a adopté une stratégie d’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire en insistant sur les bénéfices attendus tels que la baisse des prix ou l’amélioration de la qualité de service et la régularité.

Qu’en est-il réellement ? Avant toute chose, il faut préciser que la mise en concurrence du ferroviaire peut prendre deux formes. Pour les offres commerciales comme les TGV, la concurrence est en « libre accès » : les nouveaux opérateurs peuvent concurrencer la SNCF en adressant une demande auprès du gestionnaire d’infrastructures, SNCF Réseau, pour bénéficier de sillons et faire circuler leurs trains.

La concurrence des trains régionaux, les trains du quotidien, repose sur une autre procédure. C’est la région, en tant qu’autorité organisatrice des transports, qui lance un appel d’offres en vue de déléguer l’exploitation de son réseau par une ou plusieurs compagnies ferroviaires. Si certaines régions ont décidé de contractualiser avec la SNCF, comme la Normandie ou l’Occitanie, d’autres, comme la région PACA, ont ouvert une partie du réseau régional à la concurrence.

Par exemple, les lignes intermétropoles Marseille-Toulon-Nice et Nancy-Vittel-Contrexéville seront exploitées par Transdev. Pour l’instant, peu de régions osent encore se passer entièrement des services de la SNCF. En effet, l’ouverture à la concurrence fait peur, ce qui explique qu’elle soit à ce stade toujours partielle. Toutefois, le processus de libéralisation est largement engagé, les régions devant obligatoirement ouvrir à la concurrence d’ici 2034, ce qui pourrait engendrer la réorganisation en profondeur des services de transport ferroviaire régionaux.

Une privatisation qui ne fait pas baisser les prix

Cette réorganisation se fera-t-elle dans l’intérêt des usagers ? L’expérience des pays voisins permet de répondre en partie à cette question. En Allemagne ou au Royaume-Uni, cela fait des décennies que le réseau ferroviaire est ouvert à la concurrence. Mais cela ne s’est pas traduit par une baisse des prix, bien au contraire ! Au Royaume-Uni, la libéralisation a entraîné une hausse de 27 % des prix des billets entre 1990 et 2010, conséquence d’une absence totale de régulation étatique.

Le désordre entraîné par la privatisation du secteur a entraîné un retour en arrière avec la création en 2023 de la Great British Railways… une renationalisation du secteur. En Allemagne, l’évolution des prix est méconnue. En toute logique, si la baisse avait été drastique, elle aurait été mise en avant par l’Union européenne pour justifier de l’efficacité de la libéralisation.

Au niveau de la régularité, les résultats sont contrastés. La situation britannique est catastrophique, avec un taux important de trains supprimés et de retards. En Allemagne, 35 % des trains sont arrivés en retard en 2022. Bien que la fréquentation du réseau ferroviaire soit en hausse, le réseau national souffre encore d’un sous-investissement chronique causant des retards à répétition.

L’ouverture à la concurrence n’a pas été menée de la même façon dans les deux pays. Elle a été totale et dérégulée au Royaume-Uni, alors que l’Allemagne l’a davantage encadrée et complétée par des investissements au démarrage. Il faut ainsi souligner que la concurrence à elle seule ne produit aucun miracle et peut même s’avérer particulièrement nocive si elle n’est pas sérieusement encadrée.

En effet, les expériences de libéralisation ont montré l’importance du réseau et de sa gestion dans l’organisation de la concurrence. Le réseau apparaît en effet comme un bien commun que se partagent des compagnies ayant pour objectif la maximisation de leurs gains. Mais s’il est surexploité et mal entretenu, certaines lignes peuvent devenir de véritables goulots d’étranglement. On ne peut pas faire rouler un nombre de trains infini, surtout sur des infrastructures vieillissantes.

Un encadrement étatique indispensable

Cela pose de sérieuses limites à la gestion de la concurrence, à moins de multiplier les dessertes sur certaines lignes. Mais, recherchant la rentabilité, les transporteurs vont privilégier l’exploitation des lignes les plus rentables et aucun ne se positionnera pour exploiter et financer les petites lignes déficitaires. L’absence de candidats aux appels d’offres lancés par l’État sur les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon en est une preuve flagrante. Ainsi, pour que le réseau garde sa cohérence et pour qu’un service public puisse continuer d’exister pour les petites et moyennes villes, les régions sont contraintes de financer les lignes déficitaires.

Face à la difficulté d’organiser une véritable concurrence, il a été décidé de soutenir financièrement les concurrents de l’opérateur historique en accordant aux nouveaux entrants une réduction sur les péages ferroviaires, dont ne bénéficie pas la SNCF. Cette pratique, qui n’est pas sans rappeler le mécanisme de l’Arenh (« Accès régulé à l’électricité nucléaire historique ») dans le marché de l’électricité, démontre à elle seule qu’il n’y a rien de spontané ni d’efficace dans l’ouverture à la concurrence, puisqu’il faut subventionner les concurrents afin qu’ils puissent rivaliser avec la SNCF.

En somme, dans le ferroviaire comme dans d’autres secteurs, il ne faut attendre aucun miracle de l’ouverture à la concurrence. Sans contrôle étatique, sans investissement dans le réseau, sans création de nouvelles infrastructures, elle n’apportera aucun effet positif sur les prix, la régularité ou encore la qualité de service. Les résultats de la libéralisation dans les autres pays européens le prouvent. Ce qui fera fonctionner les TER, ce sont les investissements et l’engagement financiers des régions et de l’État. À condition toutefois qu’ils parviennent à élaborer une véritable vision stratégique en concevant une politique publique de la desserte des territoires par le train, ce qui est loin d’être le cas.

Chloé Petat

La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? / La « règle d’or » plombe l’Allemagne – #UGR24

Samedi 12 octobre 2024 vers 16h, David Cayla puis Mathieu Pouydesseau intervenaient dans le cadre des universités de la gauche républicaine qui se tenaient à la Maison de la Mutualité à Lyon.

David Cayla vient de sortir un nouveau livre dans la continuité des précédents intitulé « La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? », il a décrit devant les militant(e)s et les sympathisant(e)s de la GRS les doctrines et les mécanismes du néolibéralisme, son échec et pourtant la difficulté de la gauche à proposer une alternative en se perdant dans des impasses. A nous désormais d’inventer cette alternative et de la promouvoir.

Mathieu Pouydesseau observe depuis 25 ans les évolutions de la société allemande. Il nous prévient depuis plusieurs années des fourvoiements néolibéraux allemands qui se sont achevés par le mercantilisme merkellien et son échec : l’Allemagne est en récession depuis deux ans et les excédents commerciaux allemands ont nourri l’appauvrissement du tiers de la population allemande ce qui alimente le vote d’extrême droite. C’est dans ce cadre qu’il faut apprécier l’émergence de l’Alliance Sahra-Wagenknecht et sa capacité à faire reculer l’AfD : une situation non transposable en France mais dont il faut discuter ouvertement pour penser notre stratégie et nos propositions.

Un budget français « cadenassé » par les traités européens ?

L’arrivée à Matignon de l’ancien commissaire européen Michel Barnier coïncide avec une surveillance accrue du budget français par la Commission européenne, qui a initié en juillet une procédure concernant le déficit public excessif de la France. Afin de comprendre l’influence de l’Union européenne (UE) sur le budget de notre pays, nous avons interviewé l’économiste David Cayla, qui vient de publier La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? Propos recueillis par Fabien Rives et publiés dans Off Investigation le jeudi 19 septembre 2024

Annoncé par la Commission européenne au début de l’été, le retour de la France dans une procédure pour déficit excessif rappelle que la gestion du budget fait partie des domaines où, de droite comme de gauche, le pouvoir français s’est, depuis des décennies, volontairement engagé à rendre des comptes à Bruxelles. Imprégnée d’une constante néolibérale, cette complicité entre notre gouvernement et l’exécutif européen est à l’origine d’orientations politiques massivement rejetées par la population.

Michel Barnier, c’est la garantie du respect scrupuleux des règles européennes par la France

Dans ce contexte, comment interpréter l’arrivée à Matignon de Michel Barnier, notamment connu pour avoir exprimé sa volonté de contourner la souveraineté populaire après le référendum de 2005, lors duquel les Français s’étaient majoritairement opposés à la ratification d’un traité constitutionnel européen ? Alors que le Premier ministre tarde à communiquer au Parlement des documents cruciaux concernant les futures dépenses du gouvernement, quelle est aujourd’hui la véritable marge de manœuvre de la France en matière budgétaire ? A quelles politiques économiques peuvent s’attendre les Français qui ont récemment été appelés aux urnes après la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, par Emmanuel Macron ?

Autant de questions autour desquelles Off-investigation a souhaité s’entretenir avec l’économiste David Cayla, auteur d’un récent ouvrage aux éditions Le Bord de l’eau : La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ?

Dans le contexte politique actuel, comment interprétez vous l’arrivée à Matignon de Michel Barnier, qui a servi pendant plus d’une décennie et demie l’exécutif européen ?

David Cayla : Clairement, Emmanuel Macron entend donner des gages. Il a choisi un Premier ministre qui ne risquait pas de remettre en cause ses réformes, notamment la réforme des retraites, mais il a aussi désigné un Européen convaincu qui a été membre de la Commission et a conduit les négociations du Brexit. Michel Barnier, c’est la garantie du respect scrupuleux des règles européennes par la France, notamment des règles budgétaires. Comme, en même temps, le RN menace de censurer le gouvernement en cas de hausse d’impôt, le Premier ministre sera contraint d’engager une politique d’austérité dans la droite ligne de ce qu’a fait Macron depuis 2017. La précarité de l’assise parlementaire du gouvernement est la garantie que ce dernier s’inscrira davantage dans la continuité que dans la rupture.

Lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire a expliqué avoir observé sur les recettes de 2023 un décalage de 20 milliards d’euros qu’il résume comme un « accident ». Que pensez-vous de cette formule dans la bouche de celui qui vient de quitter ses fonctions ? Et comment résumeriez-vous son mandat au regard de la procédure dont la France fait désormais l’objet ?

L’effondrement des recettes publiques qu’on a constaté dans les derniers budgets est un phénomène inédit et inquiétant. C’est inédit parce que, même si les budgets votés à l’automne sont rarement exécutés comme prévu, les écarts sont dû en général à des différences entre la croissance économique anticipée et la croissance réelle. Ainsi, on peut avoir des écarts dans les deux sens en fonction de la conjoncture économique. Là, c’est différent.

Le Parlement a, intentionnellement ou non, été trompé. Il a voté un budget en trompe-l’œil

La croissance française était en ligne avec les prévisions et si les recettes se sont effondrées c’est clairement parce que les rendements de certains prélèvements ont été très mal évalués par les services de Bercy. Cela pose deux questions inquiétantes. La première est démocratique. Le Parlement a, intentionnellement ou non, été trompé. Il a voté un budget en trompe-l’œil en comptant sur des ressources fiscales qui ne se sont jamais réalisées. L’exemple de la taxe sur les énergéticiens est symptomatique.

Comment peut-on se tromper à ce point sur les recettes attendues ? Est-ce de l’incompétence ou de la malhonnêteté ? La seconde question est liée à la source de ces pertes. Ce n’est pas l’impôt sur le revenu ou la TVA qui ne rentrent pas, ce sont les recettes fiscales des entreprises qui s’effondrent. Il y a donc sans doute derrière ce phénomène des stratégies d’optimisation ou de fraude. Comment savoir ce qu’il en est réellement ? Il faudrait une enquête des services du ministère des finances, mais ces derniers la mènent-elle ? On n’en a aucune idée.

Et ce ne sont pas les paroles lénifiantes de l’ancien ministre de l’Économie qui peuvent nous rassurent. Evoquer un « accident » comme il le fait est proprement irresponsable.

Votre livre pose la question de la capacité de la gauche à s’opposer au néolibéralisme inscrit dans les traités européens. Vous rappelez qu’au pouvoir, elle s’est volontairement soumise aux injonctions du marché et de la finance. Pourriez-vous résumer en quoi la « gauche de pouvoir » a contribué à façonner le néolibéralisme au sein de l’UE, et quelle en a été la conséquence pour la France ?

Dans les années 1980, le Parti socialiste a dû choisir entre son projet de transformation économique et son appartenance à la CEE et au respect de ses traités. Comme on le sait, il a fait le choix de l’Europe.

Pour éviter toute dévaluation et réduire l’inflation, le gouvernement arrime le franc au mark. Cette politique du franc fort coûte très cher à l’industrie française et au budget de l’État. Les taux d’intérêt explosent et les usines ferment, notamment la sidérurgie. Face à cette catastrophe, les socialistes font un pari : celui de réorganiser l’économie européenne et mondiale autour de nouvelles règles collectives pour rendre ce tournant néolibéral irréversible. Ils vont alors investir des organismes internationaux influents : la Commission européenne, le FMI et l’OCDE, et engager le monde dans un processus de mondialisation financière et commerciale.

Les mouvements de capitaux sont libéralisés, ce qui accentue la concurrence entre les économies et alimente les paradis fiscaux. En Europe, la Commission Delors engage la création du marché unique, acté en 1986, dont l’objectif est de créer et d’organiser les marchés européens du travail, du capital et des services publics. Quelques années plus tard, c’est encore un socialiste Pascal Lamy, ancien directeur de cabinet de Jacques Delors, qui prend la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et accompagne la grande vague de libéralisation commerciale des années 1990-2000.

Vous évoquez dans votre ouvrage « l’impuissance économique d’Emmanuel Macron, prisonnier d’un carcan idéologique dans lequel il a enfermé la France ». Pour illustrer ce propos, quelles postures et/ou décisions de notre actuel président vous viennent à l’esprit ?

Toute la stratégie d’Emmanuel Macron est fondée sur le principe de l’attractivité territoriale. En économie ouverte, si l’on n’agit pas de manière interventionniste et si l’on ne mène pas de politique industrielle et commerciale, on en est réduit à attirer les investissements productifs privés pour se développer. Mais on est alors confronté à la concurrence des autres économies.

Pour gagner ce genre de concours de beauté il faut apparaître « attractif », c’est-à-dire promettre des avantages fiscaux et autres en assurant aux industriels un taux de profit supérieur à celui qu’ils pourraient obtenir dans un pays voisin. C’est la raison pour laquelle Macron a diminué la fiscalité des entreprises, réformé le code du travail et allégé les cotisations sociales.

Emmanuel Macron essaie, sans succès, de faire de la France la meilleure élève de la mondialisation

On retrouve cette même philosophie lorsqu’il organise chaque année le forum « Choose France » qui s’adresse aux capitalistes internationaux pour les convaincre d’investir en France. Il a ainsi dressé le tapis rouge à Elon Musk en 2023 et a accordé la nationalité française au fondateur russe de la messagerie Telegram. Sans succès dans les deux cas. L’usine géante de Tesla a été construite en Allemagne, près de Berlin, et Pavel Durov n’a jamais rapatrié ses locaux opérationnels de Dubaï.

En créant le marché unique, on a dû transférer à Bruxelles des pans entiers de la souveraineté nationale

Le Président essaie, sans succès, de faire de la France la meilleure élève de la mondialisation au lieu d’user de son influence politique pour la transformer ou en contourner la logique. Il mène finalement la même politique que ses prédécesseurs ; une politique dogmatique qui a plombé les ressources fiscales du pays et qui explique en grande partie les problèmes budgétaires actuels. Quant à la réindustrialisation promise, elle n’arrive jamais. Les nouvelles usines s’installent en Pologne, en Espagne ou au Vietnam, mais très peu en France. Et celles qui le font sont gavées de subventions publiques.

Vous notez dans votre livre qu’au sein de l’Union européenne, « les gouvernements nationaux perdent les capacités d’orienter leurs économies nationales ». Vous utilisez le terme d’« impuissantisation des politiques économiques ». Vous estimez encore que « les traités européens cadenassent toute politique économique ambitieuse ». Pourriez-vous synthétiser ce processus qui, comme vous le décrivez dans votre livre, éloigne les citoyens de décisions qui les concernent directement ?

En créant le marché unique on a dû transférer à Bruxelles des pans entiers de la souveraineté nationale. Un marché unique signifie des règles uniques et uniformément appliquées. Cette uniformisation aurait dû faciliter le commerce et libéraliser les flux pour rendre l’économie européenne plus productive. Mais ce n’est pas vraiment ce qui s’est passé. Le rapport Draghi publié récemment montre le décrochage économique de l’UE par rapport aux États-Unis.

Les politiques monétaires et de concurrence sont décidées à l’échelle de l’UE et non pas par les États

En pratique, le marché unique conduit à une concentration des pouvoirs à l’échelle communautaire. C’est au niveau de l’Union que sont négociés et ratifiés les traités commerciaux ; c’est à cette échelle que se décident les normes sur les moteurs thermiques, par exemple, ou le cadre réglementaire de l’industrie numérique. De même, les politiques monétaires et de concurrence sont décidées à l’échelle de l’UE et non pas par les États. Il ne reste en fin de compte aux États que les politiques budgétaires et fiscales. Mais, comme on l’a vu plus haut, en économie ouverte la politique fiscale peut difficilement se départir de la stratégie d’attractivité qui consiste à déplacer la charge fiscale des entreprises (qui peuvent investir partout dans le monde) vers les ménages (qui eux sont attachés à leur territoire). Quant à la politique budgétaire, elle est elle-même très contrôlée par les autorités européennes qui surveillent de près tout déficit.

Un gouvernement élu n’a plus la main sur presque rien

En fin de compte, le citoyen a du mal à se faire entendre. Il peut s’amuser à voter à gauche ou à l’extrême droite en espérant « envoyer un message », mais le fait est qu’un gouvernement élu n’a plus la main sur presque rien et est condamné à réinventer sous une forme ou une autre des politiques de pure gestion incapables de répondre aux attentes populaires et d’inverser le cours des choses.

Vous évoquez à la page 118 le fait que « la France insoumise a proposé en 2022 un blocage des prix sans compensation ». Vous interrogez l’applicabilité d’une telle mesure puisque vous expliquez qu’elle serait sanctionnée à la fois par le Conseil constitutionnel, mais aussi par les autorités européennes. De façon générale, quelles sont les principaux moyens de pression de l’exécutif européen pour influencer les politiques nationales d’un Etat membre ? Avez-vous un exemple qui permette d’illustrer cette influence ?

La principale limite qui encadre les politiques économiques nationales est le droit. Les traités s’appliquent en France et la loi française leur est subordonnée. La France ne peut donc pas revenir sur la libéralisation du marché de l’électricité, par exemple ; ce serait renoncer à ses engagements européens. La justice administrative et le Conseil d’Etat rendraient une telle loi inapplicable dans le cas improbable où elle échapperait à la censure du Conseil constitutionnel. De même la France ne peut imposer qu’une partie de la commande publique soit réservée à ses entreprises nationales, comme cela existe aux États-Unis par exemple. Ce serait contraire aux règles du marché unique et une telle loi serait immédiatement considérée comme nulle, non pas par la justice européenne, mais par les tribunaux français.

A l’automne 2018, le projet de budget du gouvernement italien a été retoqué par la Commission européenne car il prévoyait un avancement de l’âge de départ en retraite. [L’Italie] à dû se soumettre alors même que le déficit prévu par son budget était inférieur à la barre des 3%.

En somme, la Commission européenne n’a pas besoin d’intervenir pour que les règles européennes les plus fondamentales soient respectées par les États. Elle doit juste vérifier que les principes d’indépendance de la justice soient garantis. Dans certains domaines néanmoins, les États gardent leurs prérogatives. C’est le cas de la politique budgétaire ou de la politique sociale, par exemple. Les gouvernements nationaux peuvent alors plus ou moins coopérer avec Bruxelles. Dans ces domaines, la Commission peut intervenir pour imposer la coopération des gouvernements récalcitrants. Si un pays est soumis à une procédure de déficit excessif, il peut être sanctionné financièrement. S’il ne respecte pas les principes de l’État de droit, ses aides peuvent être bloquées.

C’est ainsi que la Hongrie n’a pu bénéficier dans l’immédiat des fonds européens qu’elle était censée recevoir dans le cadre du Grand emprunt. De même, à l’automne 2018, le projet de budget du gouvernement italien, soutenu par des partis dits populistes, a été retoqué par la Commission européenne car il prévoyait un avancement de l’âge de départ en retraite. Le gouvernement de Giuseppe Conte à dû se soumettre alors même que le déficit prévu par son budget était inférieur à la barre des 3%.

Page 158, vous expliquez : « Les traités garantissent à la BCE une totale indépendance dans l’application d’un mandat dont l’élément principal est la stabilité des prix. Aucun pouvoir politique ne peut la contraindre à agir contre sa volonté. » Pourriez-vous expliciter ce que cela peut induire pour la France ?

Cela signifie que la France ne peut imposer quoi que ce soit à la Banque centrale européenne. Au cours de la crise Covid, la BCE a mis en place une politique monétaire qui a permis aux États d’emprunter sans coût ou presque. Cela a sauvé l’économie européenne en permettant aux gouvernements nationaux de compenser les pertes liées aux mesures sanitaires.

En vertu de son indépendance garantie par les traités européens, personne en Europe ne peut imposer quoi que ce soit à Christine Lagarde

Aujourd’hui, alors que tous les économistes insistent pour que l’Europe engage une politique d’investissement massive afin de rattraper son retard sur les États-Unis et d’accélérer la transition écologique, la BCE maintient des taux d’intérêt élevés et renonce à aider les États à investir. Or, en vertu de son indépendance garantie par les traités, personne en Europe ne peut imposer quoi que ce soit à Christine Lagarde, même pas la Commission. De fait, la BCE est limitée dans son action par un mandat très restrictif centré sur la stabilité des prix. Ainsi, tant que l’inflation reste supérieure à 2% elle ne peut rien faire d’autre que d’appuyer sur le frein pour espérer limiter la hausse des prix. Pendant ce temps, l’économie européenne prend du retard et n’investit plus, notamment dans la construction immobilière, car le coût de l’argent est trop élevé.

David Cayla : « Pour sortir du néolibéralisme, il faut proposer un autre modèle et convaincre de sa faisabilité »

Dans son dernier ouvrage, La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ? (éditions du Bord de l’eau), l’économiste David Cayla analyse les faiblesses de la gauche dans son combat face au néolibéralisme, tout en esquissant des pistes. Entretien réalisé par Kévin Boucaud-Victoire et publié le 18 septembre 2024 dans Marianne.

Le 15 mai 2012, François Hollande entre à l’Élysée, au terme d’une campagne qui l’a amené à affirmer que « [son] ennemi, c’est la finance » et à proposer de taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million par an. Cinq ans plus tard, le bilan du président socialiste est tout autre, tant il a mené la même politique que ses prédécesseurs. Depuis, la gauche est cantonnée à l’opposition. Le camp qui entendait « changer la vie » est-il condamné à l’impuissance ?

Dans son dernier ouvrage1, l’économiste David Cayla analyse ce qu’est le néolibéralisme et met en lumière ses échecs. Pour lui, malheureusement, le « populisme de gauche », incarné par Jean-Luc Mélenchon est encore loin du compte et ne constitue pas une alternative crédible…

Marianne : Pouvez-vous revenir sur la définition du néolibéralisme ?

David Cayla : Le néolibéralisme est une doctrine visant à aider les gouvernants dans leurs choix politiques. Son idée centrale est que les prix de marché doivent guider les comportements économiques. Par exemple, pour savoir quoi acheter ou dans quel secteur investir il faut observer les prix et faire un calcul économique. Ainsi, si un État ou une entreprise se mettait à contrôler les prix, il serait capable d’influencer les comportements et les choix. Voilà pourquoi les néolibéraux insistent pour que les prix soient le résultat des dynamiques concurrentielles et ne soient en aucun cas sous l’influence des États.

Cela ne signifie pas que l’État doit être passif. Les néolibéraux s’opposent au laissez-faire ; c’est ce qui les distingue des libéraux classiques. L’État doit favoriser les institutions qui permettent au marché de fonctionner correctement. Ainsi, ils recommandent d’organiser le libre-échange via des traités commerciaux, de mettre en place des autorités de régulation de la concurrence, une politique monétaire favorisant la stabilité des prix et insistent sur l’équilibre des comptes publics. Ce n’est pas qu’ils craignent la dette publique, mais ils veulent éviter que son financement ne détourne une partie de la sphère financière du secteur privé.

En quoi celui-ci est-il en train d’échouer ?

Il n’y a qu’à voir l’actualité ! Il échoue sur pratiquement tous les plans. D’abord, la régulation de la concurrence s’avère bien plus compliquée que prévu. De Microsoft à Google, en passant par Amazon, Apple, Uber… la révolution numérique a vu l’émergence d’une multitude de plateformes qui sont capables d’imposer leurs prix aux consommateurs et à leurs partenaires. Ces plateformes démontrent que, dans de nombreux secteurs, il est vain de chercher un prix de marché, surtout quand le marché lui-même est remplacé par des espaces privés détenus par les géants du numérique.

La neutralité de la politique monétaire n’existe plus depuis la crise financière de 2008. L’idée d’une banque centrale neutre et dépolitisée a vécu. En mettant en œuvre des politiques « non conventionnelles » elles sont devenues de véritables acteurs politiques qui n’hésitent pas à intervenir au sein des marchés financiers.

Enfin, il est devenu pratiquement impossible d’atteindre l’équilibre des comptes publics. Le problème ne se limite pas à la France. Aux États-Unis, la dette publique atteint des sommets et le déficit dépasse systématiquement les 5 % du PIB depuis 2020. Les économies développées ont en permanence besoin de stimulus budgétaires pour absorber l’excès d’épargne mondiale.

En quoi lutter contre l’inflation n’est pas en soi de gauche ?

Comme je l’ai souligné, la lutte contre l’inflation constitue l’un des piliers de la doctrine néolibérale. Les néolibéraux ont fini par convaincre les populations que lutter contre l’inflation, c’était défendre leur pouvoir d’achat. Mais il n’y a rien de plus faux ! L’inflation est neutre sur le pouvoir d’achat car les prix des uns sont les revenus des autres. Le problème ne vient pas de l’inflation mais des rapports déséquilibrés qui se jouent sur les marchés. Si l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, c’est uniquement parce que ces derniers ne parviennent pas à négocier des hausses salariales.

Pour répondre aux problèmes de pouvoir d’achat, la gauche devrait mettre en avant, non pas la lutte contre l’inflation – ce qui légitime l’austérité salariale, la hausse des taux d’intérêt et avantage en fin de compte les détenteurs de capital financier – mais défendre la cause des services publics, de la gratuité et des logements accessibles. Le combat politique prioritaire ne devrait pas être le niveau d’inflation mais de limiter la sphère marchande et de mieux répondre aux besoins fondamentaux du plus grand nombre.

Selon vous, le « populisme de gauche » n’arrive pas à mettre en échec le néolibéralisme, parce qu’il s’appuie sur un agrégat de luttes et de colères et qu’il a substitué les affects à la raison. En quoi cela est-ce problématique ?

Pour sortir du néolibéralisme, il faut proposer un autre modèle de société et convaincre de sa faisabilité. Ce modèle doit avoir des éléments positifs, il doit tracer un chemin crédible vers une nouvelle société. Le danger avec la stratégie populiste telle qu’elle ait été définie par la philosophe Chantal Mouffe est qu’elle part du principe que toutes les revendications sont légitimes ; c’est la thèse de la « chaîne d’équivalence ». Mais si on veut bâtir un nouveau modèle il faut être capable de discriminer entre les revendications qui émanent du mouvement social. Par exemple, il faut savoir si on priorise l’émancipation des femmes ou si l’on tolère les pratiques religieuses qui tendent à les inférioriser.

Choisir ses luttes ne peut pas se faire en se reposant sur les affects, car toute lutte est, d’une certaine manière, légitime. S’opposer à la construction d’un barrage qui menace un écosystème peut sembler tout autant légitime que de le construire pour favoriser la production d’électricité renouvelable. Alors comment décider ? C’est là qu’intervient la rationalité politique. Puisqu’on ne peut pas contenter tout le monde il faut bâtir une doctrine qui permette de trancher. Le populisme de gauche ne dispose pas d’une telle doctrine du fait de son refus de prioriser les luttes. C’est une stratégie utile dans l’opposition pour rassembler les mécontents, mais elle ne peut permettre de gouverner.

Vous pointez la critique virulente des institutions… Mais cela n’est-il pas consubstantiel à la gauche, à l’instar de Karl Marx qui qualifie l’État d’« avorton surnaturel de la société » et de « parasite »« qui se nourrit sur la société et en paralyse le libre mouvement » (dans La guerre civile en France?

Le néolibéralisme s’incarne dans nos institutions. Les règles budgétaires ou la libéralisation des services publics sont inscrites dans les traités européens et le droit français. Pour sortir du néolibéralisme, il faut donc repenser en profondeur nos institutions et les critiquer. Marx avait parfaitement compris que le capitalisme s’appuie sur l’État. D’ailleurs, l’État moderne est né avec l’avènement du capitalisme.

Néanmoins, je crois qu’on ne peut limiter l’État au capitalisme. D’ailleurs, tous les régimes socialistes qui se sont historiquement développés au XXe siècle l’ont fait à partir de l’État et de son renforcement. Inversement, le régime nazi a lui organisé un dépérissement de l’État tout en préservant une forme de capitalisme. Donc on ne peut pas tirer un trait d’égalité entre État et capitalisme.

Quoi qu’il en soit, ni Marx ni les marxistes ne rejettent le principe des institutions sociales (qu’elles soient légales ou non). Les seuls théoriciens qui s’en méfient par principe sont les libertariens, lesquels ne croient qu’aux individus et aux marchés. Aussi, la gauche ne peut se contenter de critiquer les institutions, car cela risque de nourrir la défiance et de renforcer l’extrême droite.

Vous relevez néanmoins qu’il y a de bonnes choses dans le programme économique du NFP. Lesquelles ?

Le programme du NFP a été conçu en quelques jours en réponse à la dissolution surprise du Président. Dans ces conditions, il ne pouvait être parfait. Pour autant, j’ai noté de nombreuses avancées par rapport au programme de la NUPES. D’abord, il est beaucoup plus court et n’a pas hésité à hiérarchiser ses priorités, au contraire du programme de 2022 qui était un indigeste catalogue de mesures.

Ensuite, il ne se contente pas d’en appeler à davantage de redistribution sociale. Certaines propositions impliquent de véritables ruptures, comme celle consistant à engager un bras de fer avec les autorités européennes pour sortir du marché européen de l’électricité et rétablir un monopole public. Enfin, il affiche sa volonté de mettre fin aux traités de libre-échange et de modifier le droit de la concurrence. Il conteste donc des éléments importants de la doctrine néolibérale.

  1. La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme ?, David Cayla, Bord de l’eau, 168 p., 15 € ↩︎

Néolibéralisme et crise sanitaire : La stratégie du choc

la stratégie du choc

En regardant Emmanuel Macron ce lundi 12 juillet, on peut fortement penser au remarquable ouvrage de l’intellectuelle canadienne Naomi Klein.

Elle montrait dans ce livre non pas que les catastrophes naissaient de complots, mais plutôt la manière dont le pouvoir exploitait chacune d’elles. Comment le tsunami de 2004 avait été exploité au Sri Lanka pour procéder à des juteuses opérations immobilières au détriment des pécheurs locaux ou comment Milton Friedman, l’un des maîtres à penser des libéraux, avait vu l’ouragan Katrina comme une opportunité pour réformer le système d’éducation en Nouvelle-Orléans en privatisant les écoles publiques à reconstruire, chose qui n’aurait jamais été acceptée par la population en temps normal. On pourrait rajouter la manière dont la guerre des Malouines avait porté Margareth Thatcher vers sa réélection alors que juste avant sa politique était massivement condamnée par la population britannique.

On a souvent comparé la brutalité de la politique d’Emmanuel Macron à celle de Margareth Thatcher et il est maintenant à souhaiter que la guerre contre la COVID ne soit pas pour Macron ce que les Malouines ont été pour la dame de fer. En tout cas, dans son allocution du 12 juillet, Emmanuel Macron a fait un mélange des genres qui a montré sa volonté d’utiliser les mesures d’urgence contre la COVID et la menace d’une quatrième vague pour vendre 2 mesures scélérates et purement idéologiques : la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage. La ficelle est un peu grosse, mais ne surprendra certainement pas Naomi Klein qui a démontré que la méthode avait déjà fait ses preuves ailleurs.

Annoncer la mise en place de l’assurance chômage le 1er octobre est un véritable scandale démocratique. En effet, le Conseil d’État doit se prononcer sur cette réforme en novembre et la mettre en place avant cet avis est un moyen de mettre une énorme pression sur cette instance. Il faudra beaucoup de courage au Conseil d’État pour retoquer cette réforme d’amateurs, unanimement condamnée par tous les partenaires sociaux autant par les syndicats de salariés que par le MEDEF. Mais les travailleurs sans emploi sont une cible facile, peu organisés collectivement, ils sombreront dans la misère en silence et c’est tout ce qui intéresse ce gouvernement. Emmanuel Macron a justifié sa désastreuse réforme par cet argument : « Actuellement, il faudrait qu’on gagne mieux sa vie en travaillant qu’en restant au chômage ». C’est un bel hommage à la réforme actuelle avec laquelle on ne pouvait pas perdre d’argent en allant travailler. Il a trouvé une autre méthode consistant à plonger les travailleurs sans emploi dans la misère pour qu’ils puissent accepter n’importe quoi. Dans une période où près de 6 millions de personnes sont inscrites à Pôle-Emploi toute catégorie confondue, cette nouvelle assurance chômage plutôt adaptée a une société de plein emploi va plonger des centaines de milliers de personnes sous le seuil de pauvreté.

Le recul de l’âge légal de la retraite est un non-sens dans une société plombée par le chômage de masse. Même Emmanuel Macron en convenait il y a peu. Mais la période est propice pour oser les pires projets. Les économies réalisées par cette réforme seront reportées et sur l’assurance santé, qui sera plombée par le vieillissement de la population active, et sur l’assurance chômage. Mais on l’a vu, les travailleurs sans emploi sont des coupables parfaits pour ce pouvoir et il sera toujours possible de les faire repasser à la caisse plus tard…

Naomi Klein concluait par cette phrase : voilà en quoi consiste la stratégie du choc : des raids systématiques contre la sphère publique au lendemain de catastrophes, quand les gens sont trop focalisés sur l’urgence, sur leur survie pour protéger leurs intérêts. La manière dont Emmanuel Macron a lié lors d’une même allocution mesures d’urgence et attaques ciblées contre des conquis sociaux en est la triste illustration.

Alors à l’automne, mobilisons-nous pour nos retraites, mais aussi pour les travailleurs sans emploi. Tous les syndicats doivent se mobiliser, une union de tous les travailleurs, avec ou sans emploi doit être massive pour défendre nos conquis sociaux face à ces fossoyeurs du modèle social français.

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