Europe : « La France ne saurait accepter que subsiste le fétichisme des 3 % de déficit »

tribune collective parue dans Marianne, le mardi 7 juin 2022

Dans une tribune, les membres fondateurs de la Fédération de la gauche républicaine, qui présente plusieurs candidats aux élections législatives, expliquent les défis et enjeux économiques auxquels la France devra faire face, notamment vis-à-vis de l’Union européenne.

À quelques jours du premier tour des élections législatives, le débat sur stratégie économique de la France fait cruellement défaut. L’inflation s’installe et le chômage repart à la hausse. Nos concitoyens s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat et constatent un délitement préoccupant de leurs services publics (Éducation nationale, hôpital, etc.) et des missions régaliennes de l’État (justice, police, protection des mineurs). Le pouvoir en place cherche à escamoter cette discussion cruciale.

Or, les choix politiques opérés au cours des quinquennats passés ne permettent pas à la France d’affronter la crise qui se profile. Ils furent synonymes de privatisations, de délocalisations, de stagnation des salaires, de déréglementation du Code du travail, de baisses de la fiscalité du capital et des sociétés et d’exonérations massives de cotisations sociales. Loin de redresser la compétitivité de notre pays, cette politique de l’offre a creusé notre déficit commercial et appauvri une partie de la population.

La nomination de Madame Borne au poste de Première ministre ne présage d’aucun changement de cap, elle qui a activement participé à la privatisation des autoroutes, au changement de statut de la SNCF, à la réforme de l’assurance chômage avant de préparer, demain, le recul l’âge légal de la retraite à 65 ans. Il est temps de réfléchir sérieusement aux moyens permettant à la France de regagner de la souveraineté économique dans une Europe en profonde crise d’identité, mais qu’il ne faut pas renoncer à changer.

Au sein de l’Union européenne, loin de converger, les économies se développent plus que jamais sur des bases nationales, que les textes organisant la concurrence libre et non faussée interdisent malheureusement de consolider. Il est impératif d’obtenir la révision de ces textes, à l’heure où l’ensemble des protagonistes de la construction européenne (les citoyens, les États, la Commission, la BCE) en admettent désormais la nécessité.

« La politique de la Banque centrale européenne doit être étroitement coordonnée avec les politiques budgétaires nationales. »

Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) a d’ores et déjà été suspendu, d’un commun accord entre les États au Conseil européen. Face à la stagflation qui s’installe, la clause suspensive vient d’être prolongée d’un an, jusqu’à fin 2023. La révision des règles du PSC fera même l’objet d’une négociation, prévue dès cet automne. C’est l’occasion pour la France de proposer une stratégie économique alternative pour l’avenir. Notre pays ne saurait accepter que subsiste le fétichisme des 3 % de déficit et 60 % de taux d’endettement, et doit exiger d’y substituer le principe de politiques anticycliques adaptées à chaque pays, systématisant les pratiques ayant permis de sortir de la crise du coronavirus.

La politique de la Banque centrale européenne doit être étroitement coordonnée avec les politiques budgétaires nationales. Afin de favoriser les politiques de relance des pays où prévaut le chômage de masse, les programmes de rachats de dette publique de la BCE doivent pouvoir se déployer, comme cela fut fait, pour permettre aux États d’émettre des bons du trésor à bas taux. A contrario, ces programmes pourront être levés dans les pays en passe d’atteindre le plein-emploi. Pour l’ensemble de la zone euro, le Conseil, dépositaire de la détermination du taux de change de l’euro, doit demander à la BCE de veiller à ce que le cours de l’euro face au dollar ne soit pas pénalisant pour les industries exportatrices européennes.

Au sein même de la zone euro, puisque les ajustements de change ne sont de facto plus possibles (en régime de monnaie unique) pour résorber les déséquilibres des balances courantes, les États doivent pouvoir utiliser la politique industrielle pour rétablir la compétitivité de leur économie sans avoir à exercer de pression à la baisse sur les salaires. C’est pourquoi le régime des aides d’État doit être réformé en profondeur pour permettre la relocalisation de l’industrie, le développement de filières courtes et la rémunération du travail à sa juste valeur.

« Ce plan pour le redressement industriel de la France doit s’accompagner d’une revalorisation des salaires. »

Un programme « Made in France » de grande ambition peut se fixer un objectif de création de 500 000 emplois industriels et d’installation de 500 nouvelles usines dans nos régions et notamment dans des territoires délaissés. Miser sur les seules start-up et technologies du futur est insuffisant. La France doit se remettre à fabriquer sur le sol national des produits critiques (pharmaceutiques, électroniques, alimentaires, etc.) que nous importons aujourd’hui au prix de notre souveraineté perdue. Nous avons pour cela plusieurs armes à notre disposition : le levier de la commande publique bien sûr, mais aussi les mesures de protection de l’intérêt national (à commencer par le fameux décret Montebourg, sous-utilisé). Des investissements massifs sont nécessaires pour remettre à flot nos services publics, en particulier dans la santé, l’éducation, la formation et la recherche.

Ce plan pour le redressement industriel de la France doit s’accompagner d’une revalorisation des salaires. Modifier le partage des richesses créées par le travail est devenu un impératif crucial dans notre pays. La part des salaires dans la valeur ajoutée s’effondre à nouveau alors que la productivité continue de croître (même modérément). Le choc sur les matières premières lié à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine ne s’accompagne d’aucun choc salarial, tant le rapport de force est devenu défavorable aux syndicats. Ce nouvel affaissement de la part des salaires aura des effets récessifs et provoquera une montée inégalités de revenus et de patrimoines socialement explosive, à l’heure où le taux de marge atteint un pic historique et où les dividendes sont en hausse. Il devient urgent d’augmenter les salaires et de rétablir leur indexation sur les prix pour enrayer la crise du pouvoir d’achat. Le retour des coups de pouce au SMIC et un fort relèvement du point d’indice dans la fonction publique s’imposent. Le législateur doit organiser une négociation interprofessionnelle, rue de Grenelle, sur les minima et hiérarchies de branches, avec obligation de conclure.

Réviser les textes européens pour faciliter l’exercice de la souveraineté économique des États-nation, planifier la relocalisation de l’industrie et l’extension du mix énergétique afin d’assurer notre indépendance, rétablir la justice fiscale, modifier le partage des richesses et donner du pouvoir aux salariés dans l’entreprise : tels sont les chantiers immédiats qu’une gauche républicaine, sociale et réaliste peut et doit proposer pour redonner espoir aux classes populaires et redresser la France.

Signataires :

Isabelle Amaglio-Térisse, coprésidente des Radicaux de Gauche

Liêm Hoang-Ngoc, ancien député européen (NGS)

Jean-Luc Laurent, maire du Kremlin-Bicêtre, président du Mouvement républicain et citoyen (MRC)

Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice GRS de Paris

Emmanuel Maurel, député européen GRS

Laurence Rossignol, sénatrice socialiste

Mickaël Vallet, sénateur socialiste

CELLES ET CEUX QUI TRAVAILLENT DANS NOTRE SYSTÈME DE SOINS NE DOIVENT PLUS ÊTRE BERCÉS DE PROMESSES SANS LENDEMAIN

La Fédération de la Gauche Républicaine (Gauche Républicaine et Socialiste, MRC, Les Radicaux de Gauche, Nouvelle Gauche Socialiste, L’Engagement) apporte son soutien aux soignants de l’hôpital public qui subissent depuis des années des contraintes budgétaires sans considération pour la qualité des soins. Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron n’a pas changé cette orientation malgré les beaux discours post-COVID.

Les mouvements de grève exceptionnels dans ce secteur se multiplient depuis 3 ans en particulier dans les services d’urgence (2019), les infirmières anesthésistes (2021), les sages-femmes … La difficulté pour nos concitoyens à trouver un médecin traitant ou à accéder à certaines spécialités renforce encore le malaise grandissant.

Le gouvernement semble attendre l’effondrement du service public de façon absolument cynique. Il est grand temps de changer de braquet en mettant en priorité la qualité des conditions de travail pour l’ensemble des soignants comme pour le secteur médico-social.

NOUS APPELONS TOUS LES FRANÇAIS À MANIFESTER LEUR SOUTIEN AUX GRÈVES ET MANIFESTATIONS ORGANISÉES LE 7 JUIN ET AU DELÀ.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.