Les défis de l’inflation : relocalisation et partage de la valeur ajoutée (illustration dans l’agro-alimentaire)

À l’heure où les marges et profits des multinationales de l’agro-alimentaire font couler de l’encre, il est opportun de s’attarder quelques instants sur les mécaniques de l’inflation qui amènent à de tels dérèglements de la répartition de la valeur ajoutée et de manière plus général du profit. En effet, malgré un taux d’inflation à 5,9% en France et une grande partie des ménages en difficultés pour, simplement, faire leurs courses alimentaires, l’on voit parallèlement toute une frange de la société : actionnaires, patrons de grandes entreprises notamment – et de manière d’autant plus dérangeante dans l’agroalimentaire – qui voit leurs primes annuelles et bénéfices croître plus vite que l’inflation. « L’inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches », disait François Mitterrand, mais pourquoi ? Quelle mécanique derrière ce biais ? Et quelle conclusions devons nous en tirer pour à la fois vivre mieux en période d’inflation et à la fois lutter contre celle-ci pour ne pas qu’elle devienne démesurée ?

Article de décryptage « En Europe, l’inflation frappe davantage les plus pauvres  » dans Les Échos, 19/11/2022

Tout d’abord, revenons-en aux définitions : l’inflation est la hausse généralisée de tous les prix à la consommation. Cette hausse est à long terme neutre en terme de pouvoir d’achat à l’intérieur d’un même pays, c’est à dire en économie fermée. En revanche, l’inflation érode la valeur d’une monnaie (ex. l’euro) par rapport à une autre monnaie (ex. le dollar) ce qui nous amène à moins pouvoir acheter à l’étranger. Avec l’inflation, il nous est donc plus difficile d’importer. Mais à l’intérieur d’un même pays, en situation d’économie fermée, il n’en est pas de même…

Prenons l’exemple d’un poulet qui me coûtait avant 8 euros avec un salaire horaire de 15 euros, si ce poulet me coûte désormais 10 euros avec un salaire horaire de 17 euros, il n’y a pas d’impact sur le pouvoir d’achat : le poulet comme mon salaire ont augmentés tous deux de deux euros. Pourtant on le constate tous les jours, auprès de nos amis, collègues, familles : une partie d’entre nous avons moins de pouvoir d’achat qu’auparavant. Quels sont donc les mécanismes qui appauvrissent les peuples si l’inflation, en soit, n’en est pas la cause ?

En vérité l’illustration que nous venons de faire avec le prix d’un poulet montre exactement les deux phénomènes altérant notre pouvoir d’achat :

  • la dépendance à l’offre extérieure (c’est à dire les biens que nous pouvons acheter en provenance de l’étranger c’est-à-dire dans une devise étrangère) ;
  • l’inégalité entre le taux d’inflation et la hausse de salaire.

La dépendance à l’offre extérieure en situation d’inflation

Le premier mécanisme d’appauvrissement du pouvoir d’achat lié à l’inflation provient de la dépendance d’un pays à l’offre extérieure, c’est à dire à l’importation.

Les économies actuelles ne sont pas des économies fermées (type Corée du Nord, coupée du reste du monde), la France vend des biens à l’étranger (exportation) et en achète également (importation). Ces échanges ne sont souvent qu’une étape dans le processus de production d’un produit : nous n’achetons pas à l’étranger uniquement des biens pour la consommation directe, beaucoup sont destinés à être réintroduits dans un processus de production, ce qui va donc avoir un impact sur le prix final du produit. En effet plus le produit intermédiaire aura coûté cher, plus le bien final le sera également.

Les chaînes d’approvisionnement sont les flux à partir de l’achat de matière première jusqu’à la livraison client au cours desquels un processus est déployé, faisant interagir un réseau de différents acteurs pour élaborer et acheminer un produit jusqu’au client final, c’est aussi ce que l’on appelle les Supply Chain. Or l’interdépendance des chaînes d’approvisionnement telle qu’elle l’est encore actuellement – et ce malgré les enseignements que nous aurions pu tirer de la crise du COVID – oblige à devoir constamment acheter des biens importés de l’étranger pour concevoir et terminer l’élaboration des produits fabriqués sur le sol français. La composante d’érosion de la valeur de la monnaie – ici l’euro – vis-à-vis des biens importés appauvrira donc mécaniquement notre pouvoir d’achat et s’aggravera inévitablement d’une hausse des prix à la consommation en bout de « supply chain ».

À cet aspect du problème, il existe heureusement un remède : ré-industrialiser la France en recréant des chaînes d’approvisionnement sur le sol français ; rapatrier des savoir-faire en soutenant la “re-localisation” ; relancer l’investissement en stimulant le carnet de commandes des entreprises notamment dans les secteurs de la transition énergétique ; créer des chaînes de production les plus locales possibles – y compris dans le secteur agricole – pour diminuer les temps de transport et gagner en performance sur les coûts logistiques.

Le mirage de la balance commerciale déficitaire

Certains experts se focalisent sur le problème de la balance commerciale. La France a en effet une balance commerciale structurellement déficitaire, c’est-à-dire que la France importe plus de biens qu’elle n’en exporte. Mais lutter purement et simplement contre cette structure c’est ne pas avoir cerné le problème. Une balance commerciale déficitaire n’est pas, en soit, fondamentalement problématique; d’ailleurs si des pays peuvent être excédentaires, c’est bien parce qu’il y en a d’autres qui sont déficitaires et vouloir un ex aequo partout serait illusoire. Le problème est une balance commerciale déficitaire avec une inflation qui augmente le prix des biens importés et creuse le déficit commercial en valeur nominale (en volume, le déficit n’a pas changé). Cette analyse amène à une différence significative quant à la manière de résoudre la perte de pouvoir d’achat à l’importation. Pour une partie des experts, augmenter le nombre de biens exportés suffirait à résoudre le problème : la balance se rééquilibrerait intuitivement comme si nous mettions à nouveau un peu plus d’orange du côté où la balance est trop légère. Ils ont tort ! N’apporter que cette réponse au problème c’est oublier la moitié de l’équation. Remettre des oranges dans la balance c’est nous appauvrir en orange, car chaque orange vaudra en conversion euro/monnaie étrangère moins qu’avant. Autrement dit, pour rééquilibrer les échanges et surtout être moins sujets aux aléas de l’inflation, la France ne doit pas plus exporter mais moins importer, c’est à dire produire local pour consommer local.

Reprenons l’exemple de la volaille pour illustrer ce phénomène. La France importe du poulet, du Brésil notamment. La France exporte également du poulet, par exemple vers l’Allemagne. Mais la France produit également du poulet qu’elle consomme sur place, celui-ci n’est ni importé ni exporté. Augmenter le nombre de poulets exportés vers l’Allemagne pour rétablir un équilibre dans la balance commerciale n’améliorerait en rien le pouvoir d’achat des français, cela ne nous aiderait pas à acheter moins cher des poulets brésiliens. Alors qu’augmenter la production locale pour ne plus avoir besoin d’acheter des poulets brésiliens, qui deviennent de plus en plus cher en euro à cause de l’inflation (car l’euro perd de la valeur face à la monnaie brésilienne ou face au dollar ) aiderait le pouvoir d’achat des français. Pour certains secteurs comme ici, il “suffit” de mettre en élevage plus de volailles; pour des composants industriels, c’est toute la chaîne d’approvisionnement qu’il faudra réinventer, d’où la nécessité d’une réelle politique industrielle à l’échelle nationale.

L’inégalité entre le taux d’inflation et la hausse des salaires

Le deuxième mécanisme d’appauvrissement du pouvoir d’achat lié aux conséquences de l’inflation provient de l’inégalité entre le taux d’inflation et la hausse des salaires. Cette inégalité ne doit pas être regardée à un instant t telle une photographie, non, c’est une inégalité qui s’inscrit et se décline dans le temps.

En effet, l’inflation n’apparaît pas du jour au lendemain, elle est constituée d’une succession de hausses de prix qui s’inscrivent dans le temps, généralement sur plusieurs mois, avant que tous les secteurs ne soient concernés.

Les premiers acteurs à avoir augmenté leurs prix sont les grands gagnants de cette inflation tandis que les derniers à voir leur prix augmenter sont les perdants car ils ont perdu en pouvoir d’achat tout le temps où leurs propres prix n’avaient pas augmenté. C’est très souvent le cas des salaires : le patronat décide d’augmenter les prix de leur biens/services et seulement une fois que les prix les plus élevés se sont répercutés partout, dans l’ensemble de l’appareil productif et dans tous les secteurs, une fois que les employés n’arrivent plus à joindre les deux bouts, alors les syndicats organisent des réunions de renégociation salariale avec le patronat et s’accordent sur une hausse de salaire pour rattraper l’inflation.

Les patrons ont donc profité de prix et de revenus élevés alors que les salariés ont dû attendre bien plus de temps avant que leurs salaires ne soient remis à niveau. Les gagnants de l’inflation sont donc les personnes ayant perçu une marge nette plus élevée que d’habitude.

Extrait de l’étude Agile Buyer auprès de 900 acheteurs, janvier 2023.

Bien souvent celle-ci vient grossir les poches des actionnaires ou s’accumule dans les réserves de l’entreprise au lieu de servir à l’investissement ou d’être redistribuée en partie aux employés. Dans ces cas-ci, les petites entreprises sont biens souvent au même régime que les salariés, n’ayant pas un pouvoir de négociation affirmé envers leurs fournisseur et leurs clients, ces entreprises suivent tant bien que mal l’inflation en bout de chaîne et sont souvent les perdantes au même titre que les salariés.

A ce stade néanmoins le problème reste limité dans le sens où, certes les prix sont plus élevés, mais les coûts le sont également, la marge nette n’a donc pas tellement augmenté. Les gains des entreprises liés à l’inflation sont également à nuancer selon la composition du prix final : l’inflation profite davantage aux entreprises ayant une forte part de valeur ajoutée dans leurs prix finaux qu’aux entreprises ayant une petite part de valeur ajoutée (et donc une grande part de coûts intermédiaires).

L’inflation anticipée

Le problème s’aggrave sensiblement lorsque les acteurs commencent à tabler sur ce que l’on appelle l’inflation anticipée. C’est-à-dire qu’à la prochaine hausse des prix, le patronat ne va plus seulement prendre en compte l’inflation additionnée d’une petite marge mais va déterminer ses prix en misant sur une inflation constatée à laquelle il va ajouter l’inflation anticipée : de manière générale, les acteurs craignent des taux d’inflations supérieurs aux taux réels constatés et préfèrent se protéger en tablant sur une très forte inflation. En faisant cela ils créent eux-même une plus forte inflation puisqu’ils déterminent des prix bien plus élevés que nécessaires. C’est avec l’inflation anticipée que le cercle vicieux d’une inflation qui s’auto-entretient apparaît. C’est également avec l’inflation anticipée que les prix décollent véritablement et que les inégalités s’accroissent.

En effet, si l’inflation réelle est inférieure à l’inflation anticipée, les prix très élevés génèrent des marges très importantes qui seront à nouveau versées au capital plutôt qu’aux travailleurs, creusant ainsi les inégalités et créant un appauvrissement de la grande majorité des ménages.

C’est exactement ce que l’on constate actuellement dans le secteur de l’agro-alimentaire. Le coût des matières premières a sensiblement augmenté en 2021/2022 entre la hausse du prix du carburant post-COVID et celui des céréales lors du début de la guerre en Ukraine, si bien que les acteurs ont anticipé une très forte inflation et ont dispensé des prix anormalement élevés pendant des mois avant d’envisager de réajuster les salaires à la hausse. Entre le moment t1 de la hausse des prix et le moment t2 de la hausse des salaires, le partage de la valeur ajoutée, gonflée par des prix élevés, n’a absolument pas été répartie entre les acteurs et n’a servi que le capital.

Le remède ? Indexer le taux d’inflation sur les salaires. Si les “faiseurs de prix” de l’agroalimentaire avaient été contraints, dans leur calculs de prix d’augmenter les salaires d’autant qu’ils augmentaient leur coefficient d’inflation anticipée, ils n’auraient probablement pas misé aussi gros. Et les salaires auraient suivi de facto, ramenant tout de suite à l’égalité du taux d’inflation avec celui de la hausse des salaires, c’est à dire en obligeant l’inflation à n’être qu’une érosion de la valeur de la monnaie et non celle du pouvoir d’achat. En attendant et puisque le cercle vicieux est déjà bien amorcé il aurait été opportun et judicieux de taxer les marges extraordinaires que parviennent à faire certaines entreprises qui disposent d’un pouvoir de marché exorbitant, premièrement pour redistribuer les profits et deuxièmement pour induire aux “faiseurs de prix” que toute hausse de prix démesurée n’est pas sans conséquence.

En conclusion ces deux mécanismes : la diminution de la dépendance à l’offre extérieur et l’égalité entre taux d’inflation et hausse de salaires ne vont pas l’un sans l’autre. Indexer les salaires sur l’inflation sera d’autant plus pertinent et efficace que l’on importera moins de l’étranger et que l’on consommera davantage local. Ainsi nous diminuerons les effets de l’inflation, et en les diminuant cette dernière finira par revenir d’elle-même dans proportions raisonnables.

Ingrid Degrott

Les Jeudis de Corbera – Réussite pour tous : en finir avec la ségrégation scolaire ! – 20 avril 2023

Jeudi 20 avril 2023, à 19h, se déroulait la deuxième session des Jeudis de Corbera.

La mixité sociale concoure à la réussite scolaire du plus grand nombre. Comment peut on la faire progresser ? Bon nombre d’établissements scolaires privés sont particulièrement homogènes socialement et bénéficient de financement public. Comment changer ces mécanismes de ségrégation ?

C’est le sujet sur lequel la Gauche Républicaine et Socialiste a invité Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, et Damien Vandembroucq, coordinateur GRS Paris, à débattre et échanger, dans une session animée par Carole Condat.

Une épine verte dans le pied de Macron

Peut-on encore compter sur ses amis ?

Hier, Jean Pisani-Ferry remettait à Elisabeth Borne son rapport sur « Les incidences économiques de l’action pour le climat ». 

Alors qu’il avait construit le programme économique du candidat Macron en 2017, il invalide désormais l’action gouvernementale en préconisant un accroissement de l’endettement et une fiscalité accrue de 10 % des ménages les plus aisés.

Désavoué par celui qui lui apportait une économie, il y a peu de chances qu’Emmanuel Macron suive aujourd’hui ces recommandations.

Enfin … on peut toujours croire aux miracles.

VertBaudet : mettre fin au mépris des salariés

Depuis quelques semaines un conflit oppose la Direction de l’entreprise VertBaudet et des salariés mécontents qui estiment insuffisant un accord majoritaire, négocié et signé par la CFTC et FO, qui prévoit le versement de 765 euros nets de primes, sans augmentation de salaire.

Une partie des salariés ont alors lancé, avec le soutien de la CGT un mouvement de grève pour revendiquer des augmentations de salaires qui répondent à l’évolution des prix. Avec une inflation annuelle « officielle » de plus de 5 % ne pas voir son salaire augmenter est un pur scandale.

VertBaudet a largement les moyens financiers de mieux rémunérer ses salariés du siège, des entrepôts et des magasins puisque son résultat net (bénéfices) de 2021 s’est établi à plus de 11 millions d’euros et qu’il n’a pas été dépensé puisqu’aucun dividende n’a été versé, ces millions ayant été reportés sur l’exercice 2022.

Tout a été fait par la direction pour décourager les grévistes et les syndicalistes, notamment en recourant à des intérimaires ; des interventions de police sur ordre du préfet choquent particulièrement car elle ont été émaillées de violences disproportionnées et d’actes d’intimidation inappropriés de la part des agents publics, contre des piquets de grèves et lors des interpellations à leurs domiciles de responsables syndicaux. Cette dérive anti-syndicale est parfaitement scandaleuse car elle détourne l’État et ses agents de leurs missions ; elle est également cruelle et injuste car les salariés grévistes, essentiellement des femmes mal rémunérées, ne demandent pas la lune mais simplement que leur salaire suive l’évolution des prix.

La Gauche Républicaine et Socialiste demande qu’au conflit succède l’apaisement et la justice économique et sociale. Il nous paraît indispensable que la direction de VertBaudet fasse preuve de sagesse et d’intelligence en organisant de nouvelles réunions de négociations avec toutes les organisations syndicales présentes et que soient mise sur la table des discussions des propositions d’augmentation de salaires sérieuses qui respectent les salariés et leur implication.

Non au bâillonnement de l’opposition de gauche en Île-de-France

La volonté de Valérie Pécresse de supprimer deux groupes d’opposition, celui de la France Insoumise (8 membres) et celui du Parti Communiste Français (7 membres) au Conseil Régional d’Île-de-France, nous alerte sur l’état démocratique de notre pays La raison invoquée serait de « gagner du temps sur les séances ». Nous refusons cette explication car elle signe la volonté d’étouffer le débat démocratique pourtant nécessaire et indispensable. D’autant plus que cela s’inscrit dans la 14ème modification du règlement intérieur de l’ère Pécresse, faisant suite à la décision d’abaisser de 40% le temps de parole de l’opposition.

La Région Île-de-France n’est pourtant pas la meilleure élève en matière démocratique. D’autres régions (et certaines dirigées par la droite) ont accepté la constitution de groupes plus petits et acceptent des temps de parole plus importants.

La raison est donc ailleurs. Valérie Pécresse cède finalement la dérive autoritariste ambiante, celle du pouvoir isolé qui se crispe et qui n’accepte plus la contradiction. Cette attaque contre l’opposition est à placer dans un contexte où les différents pouvoirs exécutifs jouent de moins en moins le jeu démocratique, qui, même s’il s’exerce dans un cadre légal, devient de plus en plus une pratique illégitime de l’exercice du pouvoir. Emmanuel Macron n’a-t-il pas volontairement contraint le temps parlementaire et usé (et abusé) du 49.3 ? La multiplication des interdictions des rassemblements citoyens dénommés « casserolades » en est aussi l’un des symptômes les plus flagrants : empêcher la liberté d’expression la plus élémentaire.

Nous dénonçons ces décisions politiques qui favorisent une pratique liberticide et répondent à une dérive autoritariste. Ces décisions des droites régionale et macroniste ne font que contribuer au décalage qui s’installe et s’amplifie entre les citoyens et les institutions censées les représenter. La Vème République est à bout de souffle, comme le constate une très large majorité de Français. Il est temps de faire évoluer les institutions et de répondre à l’aspiration du peuple de passer à une VIème République qui fasse plus place au pluralisme.

La démocratie a besoin de modes d’expression alternatifs au vote. La souveraineté du peuple doit se concevoir aussi bien comme un principe que comme un exercice. Notre démocratie inachevée ne peut plus se soumettre aux privilèges des uns et des unes.

organisations signataires :
Europe Ecologie Les Verts, Gauche Républicaine et Socialiste, La France Insoumise, Parti Communiste Français, Place Publique, Parti Radical de Gauche – le centre gauche, Parti Socialiste

Lure 2023 : engager la contre-offensive pour les services publics

La Gauche Républicaine et Socialiste était présente à Lure ce week-end pour défendre « un nouvel élan pour les services publics » aux côtés des 3000 participants, représentants de 260 organisations syndicales, associatives et politiques dans le cadre du collectif « Convergence nationale pour les Services Publics ».

Les camarades militants et sympathisants de GRS de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort, aux côtés de Marie-Noëlle Lienemann, en tête de cortège de la manifestation, ont défilé dans les rues de Lure après des temps de travail en atelier avec toutes forces militantes représentées.
Un temps fort qui a été l’occasion pour la GRS et Marie-Noëlle Lienemann d’échanger avec le Maire de Lure et son 1er adjoint, Stéphane Frechard, avec des élus locaux, des représentants et des militants syndicaux.
Ces journées ont permis de construire des alternatives aux politiques actuelles de destruction du service public et de proposer un changement de cap concret.

La GRS, dans le cadre des résolutions adoptées lors de ces journées de Lure 👉 https://www.convergence-sp.fr/resolution-des-journees-de-lure-2023/ reste mobilisée pour porter à la fois des propositions et poursuivre la mobilisation avec l’ensemble de nos partenaires.

Planification écologique : Macron « prend l’eau »

Face à la récurrence des sécheresses qui frappe notre pays, le temps n’est plus aux vagues intentions ni aux actions au coup par coup ! Il faut une planification de la gestion de l’eau, qui englobe les modifications de pratiques et de consommation et conduit à une nouvelle organisation des interventions, pour un vrai service public de l’eau !

Le « plan d’eau » annoncé par le président Macron le 30 mars dernier à Savines-le-Lac, n’est ni suffisant, ni suffisamment structurant pour permettre à notre pays de s’adapter aux effets prévisibles du manque d’eau.

Il ne tire pas les leçons des erreurs et manquements que nous avons pu observer durant la sécheresse de l’an dernier. Pourtant un récent rapport du ministère de la transition écologique pointe ces insuffisances dans certains département, la situation est déjà critique.

Les chiffres de l’an dernier parlent d’eux même : 1 200 cours d’eau asséchés, 93 départements touchés par les restrictions d’eau, une production agricole en baisse de 10 à 30%, plus d’un millier de communes ravitaillées en eau par camions ou bouteilles. Or au 1er avril de cette année 75% des nappes phréatiques ont un niveau bas ou très bas et 47 départements de métropole sont d’ores et déjà placés en état de vigilance dont une quinzaine en alerte renforcée ou en crise sur l’arc méditerranéen et la vallée du Rhône…

L’impératif d’une gestion publique de l’eau et d’une planification écologique opérationnelle

Pour la GRS, l’eau est un bien commun. A ce titre, il doit être géré dans l’intérêt général avec le souci d’équilibrer l’exploitation de la ressource et la préservation du milieu.

Une politique publique avec une vision globale s’impose. Car ces enjeux recouvrent des intérêts variés, parfois contradictoires, et cela suppose des arbitrages démocratiques, éclairés, inscrits dans la durée. C’est ce qu’on appelle la planification. Nous en sommes très loin !

Les mesures annoncées par Emmanuel Macron non seulement ne cassent pas trois pattes à un canard mais se contentent de vagues intentions, parfois même en retrait par rapport aux engagements des assises de l’eau 2019 !

Ainsi y était prévue une réduction des prélèvements d’eau de 10% pour 2024 avec une seconde étape de -25% en 2034. Là, Emmanuel Macron se contente de -10% et pour 2030. C’est un très net recul.

Cet exemple témoigne d’une grave dérive dans l’organisation des politiques publiques ! C’est la méthode Macron On prend des engagements – plus ou moins réalistes –, on communique beaucoup mais on ne déploie ni les moyens, ni les actions qui permettraient de garantir que les promesses seront tenues… et encore moins dans les délais prévus ! Ceci est déjà grave en soi mais d’autant plus dangereux que cela renforce le sentiment d’impuissance collective qui délégitime l’État, l’action publique et entretient le doute démocratique.

Il faut radicalement changer de méthode et systématiquement voter non seulement des objectifs mais également les financements nécessaire pour se contraindre à ces objectifs. Il faut des lois pluriannuelles de programmation, adossées à la planification écologique.

La planification ce n’est pas des objectifs, des cadres imprécis, dans des tableaux de bord affichés pour habiller l’absence d’action concrète, mais la mobilisation effective des acteurs autour de plans d’actions permettant d’atteindre des objectifs communs avec un suivi régulier sur la tenue véritable de la feuille de route !

Aussi, les annonces d’Emmanuel Macron ne rompent pas avec ces discours répétés à l’envie qui ne régleront rien ou pas grand-chose.

L’impensé ou l’occultation des financements indispensables

Certes, on peut se réjouir qu’il fasse la liste du champ des interventions nécessaires pour la sobriété, comme la lutte contre les fuites d’eau. La GRS milite depuis longtemps en faveur de cette exigence car c’est 20% de l’eau potable ainsi gaspillée. Mais le Président envisage tout bonnement 180 millions d’euros supplémentaires par an, là où les experts estiment à 1,5 milliards d’euros l’investissement financier nécessaire ! L’écart est démesuré.

La gestion écologique de l’eau va exiger des sommes considérables et plus encore si l’on n’aborde pas seulement la question de la sobriété mais aussi celle de la restauration du bon état écologique de l’eau qu’elle soit terrestre ou souterraine ! De ce point de vue, la France est loin des objectifs de la directive cadre européenne sur l’eau ! Nous avons pris du retard et il faudra aussi investir dans les réseaux d’eaux usées ou pluviales, dans la généralisation de leur découplage et dans les stations d’épurations. Aucune simulation financière globale n’a été réalisée et on fait l’autruche imaginant que l’argent va tomber miraculeusement du Ciel !

Le non-dit du financement des 53 mesures d’Emmanuel Macron et de l’augmentation des factures d’eau !!

Le président de la République à Savines-le-Lac a annoncé 53 mesures et seulement 475 millions supplémentaires annuels pour les agences de bassin (budget de 2,5 milliards). En fait cette somme, n’est pas vraiment nouvelle, même si elle est bienvenue puisqu’elle vient pour une part de la réduction du prélèvement opéré par l’État sur les ressources des agences. Ces sommes ne suffiront pas et chacun voit bien que le financement va se traduire par une hausse du prix de l’eau !

La tarification progressive (dont la possibilité existe déjà) sera encouragée. Mais pourquoi ne pas la rendre obligatoire ? La GRS milite pour cette mesure écologique et sociale.

Évidemment Emmanuel Macron n’évoque pas la mise à contribution des multinationales de l’eau. Il ne serait pas illégitime de demander une contribution financière à ces multinationales de l’eau, de même qu’à la Compagnie nationale du Rhône, qui continuent à engranger les profits en exploitant nos communs.

Ne pas traiter sérieusement cette question du financement évite de faire des choix clairs sur la participation de chaque secteur (particuliers, agriculteurs, industriels) mais aussi sur le prix et sur les conditions de la gestion de l’eau.

Engager tous les secteurs dans la sobriété et transformer notre modèle agricole

Oui tous les secteurs doivent réduire leur prélèvement en eau et aussi bien les particuliers que l’industrie ou l’agriculture ; cela exigera des changements de pratiques et d’importants investissements.

Le cas de l’agriculture est évidemment crucial et délicat. Elle concerne 58% des prélèvements d’eau annuel en France et se concentre pendant les périodes de tension La transition vers de nouvelles pratiques doit certes être progressive mais, continue et menée avec détermination. Car il s’agit de garantir notre souveraineté alimentaire et poursuivre une politique raisonnée d’exportations. Nous avons observé une chute importante de la production agricole en particulier en 2022 avec la sécheresse, mais nous voyons aussi un recul du made in France dans de nombreux secteurs comme le maraîchage. Tout cela sans compter la hausse des importations de produits étrangers moins chers (pas toujours respectueux des normes environnementale et de bien-être animal).

Or, dans les annonces du plan « eau » d’Emmanuel Macron, n’est envisagée comme aides aux investissements nécessaires à cette transition écologique ! Seuls sont prévus 30 millions d’euros pour favoriser de nouvelles parcelles agricoles économes en eaux. Cela restera de l’expérimental, alors qu’il faut aller vite sans quoi nous risquons une chute massive de la production agricole, nous condamnant à importer de plus en plus de produits de l’étranger.

Faire comme si ces problèmes ne se posaient pas est irresponsable ! Ni les agriculteurs, ni les consommateurs,ne voient clairement notre stratégie nationale pour l’avenir de notre agriculture. Il serait dangereux que s’installe un dialogue de sourd sur ces enjeux. Le double discours du gouvernement, hélas y contribue.

D’un côté le président de la République indique que tous les secteurs devront réduire de 10% leur prélèvement d’eau d’ici 2030.Et de l’autre, au même moment, le ministre de l’Agriculture annonce devant la FNSEA que le prélèvement d’eau par l’agriculture sera maintenu. Donc pas de diminution.

Il faut le dire clairement et à tous, l’expliquer et le faire comprendre. et Montrer comment on atteindra quand même la réduction de 10% en 2030 et en tout cas une chose est certaine nous ne pourrons pas continuer avec la pression actuelle pour l’irrigation (au passage très concentrée sur les grosses cultures type Maïs) !

Associer tous les acteurs mobilisés et les citoyens dans une nouvelle gouvernance de la politique de l’eau

Cette gouvernance doit être totalement revue ! La complémentarité entre l’intervention de l’État et celles de collectivités locales s’impose ; l’unification des documents et des programmations est indispensable mais avec de vraies déclinaisons territoriales, tant la complémentarité et la cohérence des actions menées que l’adaptation à chaque bassin versant et aux activités locales sont la clef de la réussite.

On est actuellement dans une forme de jungle incompréhensible pour le plus grand nombre.

D’abord il faut que chaque territoire dispose obligatoirement d’un schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) avec pour chaque bassin versant une commission locale de l’eau chargée de la mise en œuvre de ce SAGE. De la même façon, des plans de gestion de l’eau doivent partout décliner, de manière plus opérationnelle encore, les actions à mener et les arbitrages opérés, expliquer pourquoi et le faire comprendre..

Car c’est bien cette articulation entre une planification nationale et des planifications locales généralisées qui peut garantir à la fois l’efficacité et une implication citoyenne indispensable. Elle doit aussi avoir lieu pour l’actualisation des plans de gestion et de protection des zones humides.

Faire prévaloir dès à présent cette méthode et cet état d’esprit dans la mise en œuvre des mesures contre la sécheresse pour ne pas reproduire les erreurs passées

Il faut prévoir et systématiser les réunions sous l’égide du préfet dans chaque département avant la fin de l’hiver pour évaluer et discuter de l’état des nappes phréatiques et engager une véritable stratégie de régénération des ressources sans sous-estimer les contrainte.

Il faut veiller à ce que les arrêtés de restriction soient réellement équitables, compris et acceptable par les citoyens – on a par exemple constaté que dans certains départements, les golfs pouvaient arroser tandis que d’autres activités plus utiles étaient restreintes !

La transparence doit être de rigueur.

Il faut assurer un suivi permanent de la situation hydrique et accélérer notamment dans les départements les plus à risques la mise en place de contrôles en temps réel (compteur télé-relevé) des gros consommateurs. Enfin, mais cela relève du législatif, il sera sans doute nécessaire d’augmenter les sanctions pour les contrevenants pour les rendre plus dissuasives.

Pour conclure, soulignons qu’il est étrange qu’Emmanuel Macron n’ait pas signalé l’impact de la sécheresse à venir sur le transport fluvial. L’été dernier, la sécheresse a contraint  de réduire la charge des barges sur le Rhin  faute de profondeur et a finalement reporté le trafic sur la route et les camions avec un effet écologique et de coût très négatif.

L’Union Européenne doit s’interroger sur le programme européen Naïade III (2023-2027) prévoit ne augmentation  du transport fluvial de 25 % à l’horizon 2030 et de 50 % à l’horizon 2050. Il convient de garantir la cohérence entre les différents enjeux écologiques !

* * * * *

La Gauche Républicaine et Socialiste appelle donc à remettre le travail sur le métier et vite ! Nous ne pouvons plus nous contenter d’annonces spectaculaires, ou faibles mais maquillées par la communication politique, sans portée opérationnelle solide. Il est urgent d’élaborer une véritable loi de programmation et de planification, en faisant participer tous les acteurs : le temps presse !

Alain Fabre-Pujol, Jean-Loup Kastler et Marie-Noëlle Lienemann
pour le pôle écologie républicaine de la GRS

Avec Pape Ndiaye, la mixité scolaire attendra encore

La présentation des mesures pour la mixité scolaire par le ministre Pape Ndiaye se conclut par un fiasco politique.

Alors qu’il avait prévu une conférence de presse mettant en scène le peu de choses qu’il avait à présenter, le ministre de l’éducation a dû se contenter d’un sms car il a été écrasé par le plan de communication « miroir aux alouettes » du Président de la République sur la réindustrialisation… et avec l’aide d’Emmanuel Macron, il s’est en réalité fait tordre le coup par l’enseignement catholique.
Il est en réalité réduit à proposer quelques mesures incitatives, notamment en demandant au privé d’augmenter sa part de boursiers ; or cette mesure est en réalité une profonde erreur de perspective, puisque cela signifie que les écoles privées, dominées à plus de 90% par l’enseignement catholique, pourront soustraire à l’école publique les meilleurs éléments parmi les boursiers. Le ministre a de fait accepté le chantage du privé, lequel consiste à dire : on prend des boursiers, mais en échange, les collectivités abondent le budget des établissements privés sous contrat pour le transport et la restauration. C’est Waterloo pour l’école publique et la mixité scolaire !

La Gauche Républicaine et Socialiste appelle à une plus grande ambition : l’école publique doit redevenir la priorité absolue de la Nation ; contrairement à toutes les contre-vérités néolibérales qui sont constamment rabâchées, les modèles scolaires qui réussissent (comme le démontrent les pays européens dont la réussite scolaire est la plus forte) sont eux où l’investissement public est massif. Or la France est devenu un des pays développés où l’Etat investit le moins par élèves des établissements publics de la maternelle à l’université, privilégiant de fait le privé et les grandes écoles.

La mixité scolaire nécessite donc tout à la fois des investissements massifs, une refonte de la formation des enseignants, un effort copernicien sur leurs rémunérations (dès le début de carrière) et, le temps que la réorganisation produise ses effets, une politique plus cohérente en matière de carte scolaire. Elle implique également d’afficher une fermeté bien plus forte sur les financements publics en direction des établissements privés sous contrat.

La sortie de crise passe (aussi) par la sortie de la 5ème

Dans sa majorité, la gauche a tôt fait de dénoncer les fondements voire les dérives monarchiques de la Ve République. La Constitution de 1958, rédigée pour « mettre fin aux errements parlementaires » d’une IVe République adoptée de justesse douze ans plus tôt1 et sévèrement chahutée depuis le début de la guerre d’Algérie, confère, on le sait, un pouvoir excessif au Président de la République. La révision constitutionnelle de 1962, là encore très contestée (elle donna lieu à la seule motion de censure adoptée, contre le gouvernement de Georges Pompidou), fait de son élection l’axe central, incontournable, devenu quasi unique de la vie politique française.

La dérive grandissante de l’exercice du pouvoir présidentiel suscite une défiance de plus en plus accrue. Les révisions constitutionnelles ou les évolutions législatives institutionnelles (notamment sur le quinquennat puis l’inversion du calendrier électoral) ont mis un terme à la fiction du rôle arbitral du Président de la République, alors même que la dérive de la construction européenne (et le manque de volonté politique de nos dirigeants) en fait en réalité une sorte de comptable à l’échelle de l’Union. La décentralisation – et l’émergence des Régions – ont parallèlement conduit à une forme de dilution, voire de confusion, des pouvoirs (une partie des présidents de Région semble même vouloir entrer désormais en concurrence avec le pouvoir central),alors même que la capacité des différentes strates de la puissance publique à agir concrètement sur la vie quotidienne de nos concitoyens est de plus en plus interrogée.

L’accumulation des réformes constitutionnelles de 2002 et 2008 ont ainsi définitivement fait passer le président de la République dans un rôle de chef de l’exécutif – au sens gouvernemental du terme – rabaissant en réalité le rôle du premier ministre au rang de « simple collaborateur » selon le mot de Nicolas Sarkozy, dépendant d’une majorité parlementaire faite à la main du chef de l’État (au moins jusqu’en 2022). Le paradoxe veut que le renforcement théorique des pouvoirs du président de la République se soit inscrit en parallèle d’un affaiblissement de l’autorité de l’État. Cette contradiction n’a jamais été aussi vivante que sous Emmanuel Macron, qui a prétendu plus que tout autre à un exercice jupitérien de sa fonction, sans rediscuter sérieusement la tutelle ordolibérale de l’Union Européenne, sans ancrage local réel de sa majorité parlementaire … pour finir par ne plus bénéficier du tout de majorité parlementaire.

Ne se situant plus au-dessus de la mêlée, la statue du commandeur s’effrite et se dilue au contact des réformes impopulaires et de moins en moins admises par l’opinion publique. Celle-ci entend ces dernières années se réinviter au centre d’une scène politique dont elle était écartée. Cette manifestation brutale et verticale du pouvoir a été particulièrement mise en lumière tout au long de la crise COVID, où les décisions concernant l’ensemble des Français furent prises à huis clos, au sein de Conseils de Défense.

Les gardiens du Temple gaulliste de la Vème République faisaient de l’autorité surplombante du Président de la République l’intérêt constitutif du régime. Or plus rien ne fonctionne selon ce principe Comme le disait Rémi Lefebvre au soir du second tour des élections législatives de 2022, « que le scrutin majoritaire donne une représentation politique qui se rapproche de celle que pourrait produire la proportionnelle est un indice paradoxal de plus de la crise de défiance généralisée, accrue par l’échec pratique du macronisme et la faiblesse de son assise électorale réelle… La prime majoritaire ne peut même plus masquer le déficit de légitimité du système… ». Et avec sa réforme injuste – et illégitime – des retraites, Emmanuel Macron a fait la démonstration qu’il n’avait pas de majorité parlementaire de rechange après son échec de juin 2022 ; et dans le même mouvement, ceux qui voyaient dans l’absence de majorité parlementaire alignée sur le président une opportunité historique de renouer avec un parlementarisme positif ont vite pu constater le caractère illusoire de leur pronostic. Car c’est aujourd’hui tout le système qui est grippé : la crise sociale s’est doublée d’une crise de régime.

La résolution de cette crise ne fera pas l’économie d’une VIe République, (re)mettant la vie parlementaire et l’expression populaire au centre du processus démocratique.

Il existe encore nombre de défenseur de la constitution de Michel Debré. Ils veulent bien concéder que ses équilibres institutionnels représentent une exception en Europe et dans le monde, mais prétendent conserver ce qu’ils jugent être un équilibre parfait entre les aspirations tumultueuses d’un peuple très politique de « gaulois réfractaires » et le bon sens libéral régnant en maître en Europe ; la constitution de la Vème République révisée attribue ainsi à l’exécutif et à l’Union Européenne non pas le monopole du cœur mais celui de la raison, qui ne serait alors plus la chose la mieux partagée. Pérorer ainsi sur des plateaux TV policés, en agitant encore et toujours le spectre de l’instabilité ministérielle caractéristique de la IVe République ou pire la défaite de 1940, c’est pourtant faire fi de l’histoire même des IIIe et IVe Républiques qui toutes deux ont permis de redresser et de reconstruire la France au lendemain des deux plus grands effondrements que la France ait connus, avant il est vrai de tomber sous les coups des événements, de leurs contradictions internes et de la médiocrité d’une partie du personnel politique.

Même le régime bancal de la IVe République avec ses courtes coalitions populaires nous a apporté, le socle économique, social et démocratique pour lequel la GRS se bat aujourd’hui – il est vrai que l’élan avait été donné par le programme « Les Jours Heureux » du Conseil National de la Résistance. Ce socle que nous entendons défendre n’a jamais été aussi menacé par les assauts réguliers, méthodiques, répétés et constants des néolibéraux, dont le projet s’accommode fort bien de l’affaiblissement des processus démocratiques. Tous les aspects de la protection sociale font depuis 35 ans l’objet d’une remise en cause progressive certes, mais systématique : le droit du travail, l’assurance chômage, l’assurance maladie et le système des retraites. Le détricotage social et démocratique, avec le recours brutal à l’article 49.3 et le détournement d’usage d’autres articles de la constitution2, doit céder sa place à une démocratie vivante. Le parlement doit retrouver une place prépondérante : pour cela, il faut limiter les outils du « parlementarisme rationalisé » qui aboutissent à l’affaiblissement spectaculaire de l’Assemblée Nationale. Plus généralement, la revitalisation de la vie démocratique suppose de donner davantage la parole aux citoyens. Le recours accru au référendum, l’institution d’un véritable référendum d’initiative citoyenne, paraissent aujourd’hui indispensables.

Le Parlementarisme est exigeant ; il nécessite débat, dialectique, compromis, autour d’un projet de société social, écologique, et tourné vers l’intérêt général. Le compromis, qui n’est pas la compromission, est synonyme d’une certaine harmonie politique, puisque respectueux des divergences et des singularités qui existe dans la communauté civique en les englobant dans un projet commun et une vision de long terme.

Cette vision socialiste et républicaine, nous l’avons ! Rejoignez-nous pour rebâtir et défendre l’héritage de nos brillants prédécesseurs !

Fabien Evezard et Frédéric Faravel

1 Après l’échec d’un premier projet constitutionnel en mai 1946, la constitution de la IVème république est adoptée par référendum le 13 octobre 1946 par 53,2 % des suffrages exprimés et une participation de 67 % seulement.

2 Relire notre analyse du 29 mars dernier « Le Conseil Constitutionnel doit censurer toute la réforme des retraites » : https://g-r-s.fr/le-conseil-constitutionnel-doit-censurer-toute-la-reforme-des-retraites/

Pénuries de médicaments : face à l’urgence, sortons des demi-mesures !

Les Européens vont-ils manquer de médicaments, et particulièrement d’antibiotiques ? Des médecins, notamment des pédiatres, de différents États membres de l’Union européenne ont alerté sur la pénurie de médicaments pour enfants, dans une lettre ouverte adressée à leurs ministres de la Santé, dont l’AFP s’est procuré une copie. Ces médecins de France, d’Italie, d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, alertent leurs ministres de la Santé sur des problèmes d’approvisionnement. Dans cette lettre cosignée notamment par Andréas Werner, président de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA), et Thomas Fischbach (BVKJ, son équivalent allemand), les médecins affirment que « la santé de nos enfants et de nos jeunes est en danger en raison du manque de médicaments dans toute l’Europe ». Paracétamol, antiépileptiques, vaccins pédiatriques ou encore traitements contre l’asthme, la liste des pénuries s’allonge.

La situation est critique, car, outre ce courrier des organisations européennes de médecins, depuis plusieurs semaines des associations françaises alertent sur les stocks de pilules abortives disponibles en France. Une pénurie qui vient s’ajouter aux nombreuses pénuries observées durant tout cet hiver et qui soulève à nouveau la question de la souveraineté sanitaire de notre pays.

Une banalisation sans réponse forte

Depuis au moins trois mois, les pharmaciens alertent sur les stocks de misoprostol dès qu’est produite une commande professionnelle. Le misoprostol est l’une des deux molécules indispensable à la pratique d’une IVG médicamenteuse en France, méthode qui concerne aujourd’hui 76% des avortements pratiqués selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

Cette pénurie est provoquée par des « difficultés au niveau des sites de fabrication des produits finis » explique Nordic Pharma, seul producteur de ce médicament, situé aux États-Unis. L’alerte a été lancée le 5 mars dernier par l’Observatoire de la transparence des politiques du médicament (OTMeds) sur Twitter. Quelques jours plus tard, l’organisme publiait un communiqué détaillant les faits : « Depuis des semaines, des problèmes de disponibilité du misoprostol sont signalés. » Des contingentements, voire des ruptures, qui ne sont pas nouveaux. Déjà en 2020, dans un communiqué, le Haut Conseil à l’Égalité soulignait à propos du misoprostol « des risques de rupture de production, d’approvisionnement et de pression sur les prix ».

Face aux demandes répétées des associations, le ministre de la Santé François Braun a évoqué le 19 avril 2023 des « tensions d’approvisionnement », indiquant par ailleurs un retour à la normale fin avril. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Pour le moment, la réassurance du ministère n’a rien changé. En conséquence, OTMeds, le Planning familial et le collectif Avortement en Europe ont lancé le 27 avril dernier une pétition demandant « au ministre de la Santé de reconnaître l’état d’urgence sanitaire en matière d’accès à l’IVG. »

Ces derniers mois ont été marqués par de nombreuses tensions ou pénuries. 3000 molécules seraient concernées selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Une tendance qui s’amplifie d’année en année. D’après des chiffres partagés par Franceinfo, l’ANSM aurait comptabilisé 2446 ruptures de stock en 2020. Dix ans plus tôt, elle n’en relevait que 89. Au-delà de difficultés temporaires liées à l’inflation et à la guerre en Ukraine, la réalité est que de nombreux facteurs explicatifs s’avèrent d’avantage d’ordre structurel. Un premier est lié à la capacité de production des entreprises au regard d’une demande en médicaments qui a augmenté de façon continue depuis plusieurs années. La croissance du marché mondial est de 4 à 5% par an : pour y répondre, il faut construire de nouvelles lignes de production, mais cela prend du temps et nécessite des investissements importants. Il y a également une forme de morcellement de la chaîne pharmaceutique au niveau international, mais aussi le modèle économique de nombreux médicaments « anciens » dont les coûts de revient industriels seraient supérieurs aux prix d’achats par certains systèmes d’assurance maladie. Deux éléments centraux dans la compréhension des pénuries selon Nathalie Coutinet, économiste de la santé qui rappelle que « les entreprises sous-traitent de plus en plus les étapes de la production des médicaments, principalement en Chine et en Inde, afin de conserver des niveaux de rentabilité importants ». Une délocalisation en partie liée aux prix des molécules génériques, qui ont vu leur prix beaucoup baisser ces dernières années.

Mais alors qu’elles ne cessent de progresser, comment enrayer ces pénuries ?

Les industries pharmaceutiques demandent une revalorisation des médicaments prioritaires pour qu’ils puissent continuer à être produits dans des conditions satisfaisantes, c’est-à-dire suffisamment profitables pour ces entreprises. Une demande des acteurs du secteur qui ne date pas d’aujourd’hui, mais qui pourrait conduire à pénaliser les pays et à bas revenus et leurs populations. Or sans transparence sur les différentes étapes de production, les surcoûts demandés par les industriels sont difficiles à justifier et posent question. En effet, pour être certains qu’une augmentation du prix des médicaments permettrait de résoudre le problème des pénuries, il serait nécessaire de disposer d’informations précises sur les dépenses consenties aux différentes étapes de la production. Car sinon, comment expliquer que la Suisse, où les médicaments génériques sont en moyenne 42% plus chers que dans le reste des pays européens, connaisse également de graves pénuries de médicaments, notamment d’antibiotiques ? On est en droit de se demander de combien les prix des médicaments devraient être augmentés pour garantir la fin des pénuries. Accepter les données du débat telles que les imposent les industriels revient tout à la fois à faire payer par nos systèmes de protection sociale les bénéfices de ces derniers et à aggraver l’insécurité et même la détresse sanitaire des populations des États à bas revenus qui ne pourront pas suivre cette inflation.

Le droit à la santé est un droit fondamental et il doit être possible de repenser une économie du médicament qui permette à tous et toutes de se soigner à travers le monde. Cette question se pose d’autant plus que les risques pandémiques augmentent, tout comme les risques environnementaux touchant les pays producteurs de principes actifs, dans une phase de vieillissement de la population mondiale et de transition épidémiologique, où les besoins en médicaments essentiels ne feront que s’accentuer. La vraie solution est dans la relocalisation de la fabrication et dans la production locale au niveau européen de ces molécules, soit par des laboratoires ou des sous-traitants, soit par des acteurs publics ou non lucratifs.

Une réponse aux tensions qui ne semble pas à l’ordre du jour si l’on s’en tient au plan de prévention des pénuries révélé par l’Union européenne le 26 avril dernier : une aide à la mise au point d’une liste européenne des médicaments essentiels, une plus grande responsabilisation de l’industrie et un rôle accru de l’Agence européenne des médicaments (EMA) dans le suivi et la coordination des questions liées à l’approvisionnement. Or la liste des médicaments essentiels ne sera pas liée à un système européen de constitution de stocks de ces médicaments, que la Commission se réserve le droit de créer si nécessaire, mais à l’égard duquel elle reste réticente au fond ; la responsabilisation des entreprises pharmaceutiques se limiterait en réalité à mettre en place des plans de prévention en matière de pénuries pour leurs médicaments ainsi que signaler les pénuries potentielles et procéder à des retraits plus rapidement ; elles seront également tenues de remédier aux pénuries graves et de rendre compte des résultats des mesures prises, qui portraient notamment sur l’augmentation ou la réorganisation des capacités de fabrication ou sur l’ajustement de la distribution afin d’améliorer l’approvisionnement, sans apporter de considérations concrètes ; l’EMA, dont le mandat a été récemment renforcé par les institutions européennes, « sera dotée d’un rôle de coordination renforcé pour surveiller et gérer les pénuries critiques de médicaments à l’échelle de l’UE à tout moment »…

Face à la situation que nous traversons, nous devons articuler notre réponse dans l’urgence et sur le temps long de manière structurelle

Ainsi sans baisse prochaine de tension sur les approvisionnements, il faudra que l’État coordonne avec la pharmacie des armées l’achat direct des molécules pour les fournir aux pharmaciens et se donne la capacité de réquisitionner les stocks existants sur le territoire. Il conviendrait également de lever temporairement les lois sur les brevets en matière de médicament pour permettre à toute entreprise compétente sur le territoire de produire.

À plus long terme, nous rappelons que la GRS et ses élus défendent depuis de nombreuses années, l’idée de création d’un pôle public du médicament, allant de la recherche à la production et à la diffusion. Nous proposons de mettre en place un Conseil national des produits médicaux, chargé de contrôler les prix, de lancer les productions impératives et d’effectuer des réquisitions en cas d’urgence et de taxer 1% du bénéfice des entreprises pharmaceutiques pour financer le pôle public.

Il faut le construire ce pôle public non seulement au plan national mais également européen s’appuyant sur une politique basée sur la coopération plutôt que la concurrence et sur la satisfaction des besoins des populations plutôt que celle des actionnaires. Cette intervention de la puissance publique est urgente et indispensable. On en retrouve des expériences dans plusieurs pays dont le Brésil, l’Inde, la Suisse. Nous pourrions nous en inspirer pour nous donner des capacités de production pour certaines références de médicaments. C’est possible immédiatement en augmentant les moyens de l’AGEPS (Agence Générale des Équipements et des produits de santé).

Nous proposons également d’instaurer une « exception sanitaire européenne », sur le même modèle que l’exception culturelle. Il s’agirait ainsi de traiter la santé différemment des autres marchandises, en autorisant l’Union européenne et ses États membres à mettre en œuvre des politiques propres, dérogatoires au droit commun de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette exception sanitaire s’appliquerait via une série d’actes politiques et réglementaires forts. Tout d’abord, l’Union européenne, en tant qu’institution détenant la compétence exclusive en matière de commerce international, devra notifier à l’OMC sa décision, unilatérale, de sortir la santé de tous ses traités de commerce bilatéraux et multilatéraux. Cela supposera d’éteindre toute dispute judiciaire, passée, présente et à venir, intentée sur cette matière par un partenaire commercial sur le fondement d’une infraction aux règles de l’OMC.

L’UE devra bien évidemment maintenir un droit de douane zéro sur ses importations de médicaments, car il serait profondément immoral de renchérir leur prix pour des raisons politiques, aussi légitimes soient-elles.

Cette « exception sanitaire » permettrait aux États membres, donc à la France, de conduire une politique industrielle volontariste à l’intention de leur secteur médical, sous forme d’aides publiques (qui visent justement à amortir les coûts privés et donc à faire baisser les prix) ; et surtout de quotas de production (à l’image des quotas de diffusion d’œuvres françaises à la radio et la télé) obligatoirement localisée sur leur territoire national (pourquoi pas 50% ?). Cette injonction porterait en particulier sur la production des principes actifs, sur les médicaments de base (le paracétamol, les antibiotiques…), sur les substances utilisées à l’hôpital pour les patients critiques (anesthésiants, opiacés…) et sur les équipements de type respirateurs, masques, blouses, etc. Pour compléter le dispositif, on pourrait enfin confier à l’Union européenne la surveillance, conjointe avec les États, des investissements des entreprises pharmaceutiques, en instaurant un régime d’autorisation préalable avant toute décision d’implantation hors UE. Cette autorisation serait destinée à vérifier qu’il ne s’agit pas d’une délocalisation (à fins de réexpédition à moindre coût vers l’Europe), mais seulement d’une implantation à fins de satisfaction d’un marché intérieur étranger. D’un autre côté, les entreprises médicales étrangères (américaines ou asiatiques) seraient obligées de fournir leurs produits à partir d’usines localisées en Europe.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.