La loi immigration votée le 19 décembre 2023 au Parlement est aujourd’hui en attente d’examen par le Conseil constitutionnel. Si elle entrait en vigueur, cette loi aurait des conséquences immédiates importantes pour nombre d’enfants et de salariés vivant déjà dans des situations précaires. L’exécutif lui-même, tant l’ex-gouvernement Borne et que le Président de la République, a été obligé de reconnaître que de nombreuses mesures contenues dans le texte final n’étaient pas constitutionnelles ; la macronie avait ainsi décidé au prétexte d’obtenir, à n’importe quel prix, une majorité parlementaire sur sa droite quitte pour cela à faire voter des mesures qu’il demanderait ensuite au Conseil Constitutionnel d’annuler. C’est là un dévoiement du processus législatif et de notre démocratie parlementaire. C’est également la traduction d’un cynisme affligeant de dirigeants sans éthique qui ont fragilisé socialement et transformé en boucs émissaires, dans le cadre de ce débat parlementaire, une partie des habitants de notre pays, les étrangers en situation régulière.
La loi immigration instaure une forme de “préférence nationale” sur les prestations familiales et allocations logement
Parmi les dispositions de la loi immigration, une des plus contestées est le conditionnement de la quasi-totalité des prestations familiales et des allocations logement, en ce qui concerne les personnes étrangères uniquement, à une durée de présence sur le territoire d’au moins cinq années ou d’une durée d’activité professionnelle minimale. Cette durée de cotisation minimale est par exemple de 30 mois en ce qui concerne la prestation d’accueil du jeune enfant, l’allocation de rentrée scolaire, les allocations familiales ou certaines aides au logement. Dès lors que ces prestations sont spécifiquement destinées à l’éducation des enfants et à la lutte contre la précarité, notamment en ce qui concerne le logement, leur suppression pour certains ménages aura une conséquence directe : l’aggravation de la pauvreté des enfants et la détérioration des conditions de vie de ménages déjà précaires.
La loi immigration institutionnalise le traitement inégalitaire
Le principe d’égalité issu de notre droit constitutionnel implique que les différences de traitement entre personnes découlent de différences de situation, proscrivant toute différence de traitement fondée sur l’origine, la race, la religion, les croyances ou le sexe.
Deux mères célibataires, salariées à mi-temps, similaires en toute chose, sauf leur nationalité, verront leur situation gravement diverger., alors même qu’elles sont socialement soumises aux mêmes contributions (CSG, CRDS, cotisations sociales). La mère célibataire étrangère se verra supprimer les allocations de soutien familial (pour parent isolé), l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pour éduquer son enfant de moins de trois ans ou encore l’allocation de logement social qui l’aide à payer son loyer : la différence de situation entre les deux mères approcherait 1 000 euros par mois, la mère célibataire étrangère en situation régulière et son enfant passeraient en dessous du seuil de pauvreté.
Plusieurs dizaines de milliers d’enfants basculeraient dans la pauvreté
Le nombre d’enfants ainsi affectés par les conséquences probables de la loi immigration du fait de la nationalité de leurs parents est estimé à 30 000. Ils basculeront de la précarité à la pauvreté. Souvenons-nous qu’on parle ici d’enfants, dont les parents sont étrangers mais qui sont nés en France et qui seront amenés à accéder à la nationalité française à leur majorité : voilà une méthode idéale pour réussir l’intégration républicaine. Sur ces 30 000, la moitié basculerait dans la très grande pauvreté.
Une loi immigration qui trompe les Français
La loi immigration est l’aboutissement de « responsables » politiques qui ont perdu toute boussole. Elle est essentiellement un vecteur de communication politique dont l’objectif serait d’afficher une fermeté supposée ramener vers la droite conservatrice ou les libéraux autoritaires une partie de l’électorat tenté par le RN. Il est vrai d’ailleurs que l’opinion publique paraît dans sa grande majorité soutenir l’adoption de cette loi : c’est avant tout le résultat d’une formidable stratégie de désinformation.
Depuis des mois – et ces dernières semaines encore – les responsables du gouvernement, Gérald Darmanin en tête, expliquaient que la loi immigration allait permettre de lutter contre l’immigration illégale. S’il ne s’agissait que de cet objectif, on pourrait considérer qu’un débat démocratique est possible sur les mesures à prendre avec toute une série de nuance, de compromis et de désaccords… mais rien de tel avec la loi immigration : Y a-t-il des mesures pour améliorer la lutte contre les trafics d’êtres humains que sont les filières d’immigration illégale ? Y a-t-il des mesures pour rendre plus efficaces l’exécution des OQTF ? Non, rien de tout cela.
La loi Macron-Borne-Darmanin fait croire à l’opinion publique que l’exécutif est ferme avec l’immigration illégale, mais en réalité ne vise dans ses dispositions que les étrangers en situation régulière, les étrangers qui respectent les lois de notre pays… La Gauche Républicaine et Socialiste n’est pas favorable à la logique de « liberté d’installation » défendue par certaines organisations politiques ou humanitaires, elle considère qu’un État démocratique a le devoir de contrôler qui vient s’installer sur son territoire et d’en réguler le flux.
Mais tant par humanisme que par réalisme, nous considérons comme absurde, inefficiente et indigne, la logique actuelle qui tend à considérer que dégrader les conditions de vie et d’intégration des étrangers en situation régulière sur notre sol permettrait de décourager les candidats à l’immigration irrégulière : comment un responsable politique sain d’esprit peut-il imaginer un seul instant que celles et ceux qui ont bravé la mort dans le Sahara et en Méditerranée (ou aujourd’hui aux frontière de la Russie et de la Biélorussie) pourraient renoncer parce que les droits de nos voisins de palier sont mis en cause ?
Au contraire, nous considérons que pour réguler l’immigration il faut établir des conditions dignes et légales d’accueil, qui mettront fin au détournement des procédures d’asile pour tenter d’entrer sur notre territoire. Sur ces bases, le refus d’entrée sur notre territoire et l’exécution des OQTF n’en seront que mieux établies. Enfin, plutôt que la précarisation des étrangers en situation régulière et de leurs familles, nous appelons à une grande et ambitieuse politique d’intégration (formation républicaine, apprentissage effectif de la langue française, accompagnement social…) qui feront reculer les discriminations et les menaces contre notre cohésion nationale.
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Pour l’ensemble de ces raisons, la Gauche Républicaine et Socialiste appelle à se joindre aux mobilisations contre la loi immigration qui se tiendront partout en France le 21 janvier 2024. Elle demande au Conseil Constitutionnel d’user de la plus grande fermeté pour censurer toutes les dispositions anticonstitutionnelles de cette loi. Elle s’exprimera publiquement en ce sens partout où elle aura l’occasion de le faire.
Frédéric Faravel