Samedi 25 septembre 2021 à 9 heures, Sophie Camard, Maire GRS du 1er secteur de Marseille, et Virginie Rozière, présidente des Radicaux de Gauche, accueillaient aux Docks des Suds les participants aux Universités de la Gauche Républicaine.
Plénière UGR 2021 – Une Europe indépendante face aux États-Unis et à la Chine, est-ce possible ?
Samedi 25 septembre 2021 à Marseille, les Universités de la Gauche Républicaine proposaient un débat en plénière intitulé « Une Europe indépendante face aux États-Unis et à la Chine, est-ce possible ? »
La montée en puissance chinoise avec ses nouvelles routes de la soie, le retrait américain du Proche et Moyen-Orient afin de se focaliser sur le « pivot asiatique » et l’émergence de nouveaux acteurs régionaux bouleversent la scène internationale. L’Europe de son côté, après plusieurs années d’inertie, semble enfin réaliser l’évolution de l’ordre international qui se préfigure. Indépendance, autonomie stratégique, ces concepts, encore décriés il y a peu par de nombreux décideurs européens, reviennent au goût du jour. Mais la question qui demeure est « Comment ». Comment construire une Europe puissance quand coexistent en son sein différentes approches stratégiques ? Comment une Europe, dont on connaît la dépendance à l’Alliance atlantique sur les questions de défense, peut-elle s’affirmer en tant qu’acteur capable, autonome et surtout crédible ?
Les participants :
- Giorgos Katrougalos, Ancien ministre grec des affaires étrangères
- Emmanuel Maurel, député européen, animateur national de la GRS
- Francesco Ronchi, Politologue, enseignant à Sciences Po Paris
- Nicolas Ravailhe, consultant en stratégies européennes et enseignant à l’école de guerre économique et à l’IAE de Poitiers
- Marie Toussaint, députée européenne EELV, Députée européenne, cofondatrice de l’association « Notre affaire à tous » à l’origine de la campagne l’Affaire du siècle
Le débat était animé par Catherine Coutard, animatrice nationale de la GRS.
Pandora Papers : il n’y a pas de fatalité !
La nouvelle est un choc et pourtant on y est habitué. Les Pandora Papers ne sont qu’un scandale de plus dans la longue liste qui vient scander, comme une sarabande, le cours de nos vies : China Leaks (2014), Panama Papers (2016), Paradise Papers (2017), OpenLux (2021). Cette antienne est lassante, mais finalement « rien de nouveau sous le soleil capitaliste ». Ce qui est véritablement étonnant dans cette affaire, c’est qu’on s’en étonne encore. Pourquoi s’étonner d’un phénomène inscrit dans l’essence même du capitalisme financier transnational ? Accumuler de manière indue puis devoir cacher et dissimuler.
Les Pandora Papers agissent comme un choc et un révélateur. Un choc car c’est le plus gros scandale déterré depuis les Panama Papers : 12 millions de documents confidentiels, provenant de 14 cabinets spécialisés dans la création de comptes offshores dans les paradis fiscaux, épluchés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) pendant près d’un an, dont la fraude est estimée à 11 300 milliards de dollars. Un révélateur car comme dans un dénouement théâtral, les masques tombent et dans la lumière crue des listes de chiffres, nous discernons les parjures et les hypocrites : Tony Blair, ancien premier ministre britannique, champion de la lutte contre la fraude fiscale depuis 1994 ; Andrej Babis, premier ministre tchèque, champion de la « révolution anticorruption » depuis 2011 ; John Dalli, ancien commissaire européen maltais. C’est plus de 330 personnalités politiques, médiatiques et sportives qui sont inquiétées.
Mais passés le choc et la révélation, reste l’étape de la fermeté et de la sanction. Les Tartuffe sont éventés. Que font les dirigeants pendant ce temps ? L’Union européenne qui avait promis de lutter pied à pied contre l’évasion fiscale ne fait rien, ou plutôt elle préconise l’austérité budgétaire alors que les coffres des nantis débordent. Elle semble impuissante face à ce phénomène, résignée dans son fatalisme, et comme Jacques répète que « tout est écrit là-haut ». Là-haut ? Dans les livres sacrés du capitalisme ? Plutôt là-bas, dans ces îles et ces îlots aux noms enchanteurs pour l’oreille de Midas : Bermudes, Îles Vierges, Seychelles.
Les solutions existent !
Mais il n’y a pas de fatalité, les solutions sont là. Il existe une myriade de rapports parlementaires aussi bien au niveau français qu’au niveau européen, qui proposent des solutions techniques et politiques. En dehors de ces instances, de nombreuses organisations non gouvernementales dont OXFAM, spécialisée sur les questions d’inégalités et de fraudes fiscales, proposent elles aussi depuis de nombreuses années des solutions pour venir à bout de ce fléau. En 2019, à la suite des révélations sur un énième scandale financier, le « Mauritius Leaks », l’organisation publiait son plan pour « mettre fin à l’ère des paradis fiscaux et au nivellement par le bas en matière d’impôts sur les sociétés », organisé autour de cinq principaux points :
- Établir une liste noire mondiale des paradis fiscaux, propre à chaque pays, qui devra se suivre de la mise en place de sanctions envers ces pays. Au niveau européen, une telle liste existe, et a d’ailleurs été mise à jour en 2021 . Or, aucun des plus gros paradis fiscaux, dont des pays européens comme le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Irlande, la Suisse, ni même les Bermudes et les îles Caïmans, ne font partis de cette liste noire.
- Lancer une réforme internationale pour taxer réellement les grandes fortunes
- Mettre en place au niveau international un taux d’imposition mondial sur les sociétés : un impôt qui doit être appliqué pays par pays sans exception, avec un niveau qui ne doit pas être trop faible.
- Mettre fin à l’opacité fiscale des entreprises, des personnes physiques, des sociétés offshores et des multinationales. Pour cela, l’idée est de mettre en place un registre public centralisé et en open data sur les véritables propriétaires des comptes bancaires, des trusts, des sociétés-écrans et des actifs.
- Améliorer l’échange de renseignements en matière fiscale pour permettre aux autorités fiscales d’accéder aux informations dont elles ont besoin pour traquer les flux d’argent offshore.
À l’heure où les gouvernements européens martèlent les populations à coup de discours et de réformes d’austérité, car les poches de l’État seraient « vides », il devient urgent d’aller chercher l’argent là où il y en a : dans celles des grandes entreprises, des grandes puissances et des magnats de l’économie, qui se refusent de participer à l’effort collectif. Les solutions existent, et elles sont faciles à mettre en place, à condition que les politiques prennent leurs responsabilités et mettent fin à cette mascarade qui n’a que trop duré.
Emmanuel Maurel, animateur national de la GRS et député européen
UGR 2021 – Atelier « 40 ans après 1981, quelles leçons tirer de l’Union de la Gauche ? »
Samedi 25 septembre 2021 à 9h30, dans le cadre des universités de la Gauche Républicaine à Marseille, se tenait l’atelier « 40 ans après 1981, quelles leçons tirer de l’Union de la Gauche ? »
Le 21 mai 1981, entrant en fonction, le premier Président socialiste de la cinquième République se réjouissait que la majorité politique du pays eut enfin rejointe sa majorité sociale. Quarante ans plus tard, au moment où les gauches sont plus divisées que jamais, il est plus qu’utile de se pencher sur les conditions dans lesquelles l’union des forces populaires a pu se réaliser, et – malgré de violents soubresauts et même des confrontations entre 1977 et 1981 – finir par s’imposer pour mettre en œuvre une série spectaculaire de réformes.
Les participants :
- Jean Gatel, ancien secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense (1983-1984) ;
- Alain Boublil, Haut-fonctionnaire, conseiller de François Mitterrand à l’Élysée de 1981 à 1988, en charge de l’industrie, des transports et du logement ;
- Christophe Batardy, docteur en histoire contemporaine, chercheur associé à ARENES ;
Le débat était animé par Anthony Gratacos, conseiller départemental (77), conseiller municipal à Moussy-le-Neuf, secrétaire général de la GRS. Il a été conçu en partenariat avec l’Institut François-Mitterrand.
UGR 2021 – Atelier « Revenu universel ou État garant de l’emploi en dernier ressort ? Quelle vision du travail et des revenus ? »
Samedi 25 septembre 2021 à 15h30 se tenait l’atelier « Revenu universel ou État garant de l’emploi en dernier ressort ? Quelle vision du travail et des revenus ? » dans le cadre des Universités de la Gauche Républicaine à Marseille.
Inégalités croissantes, chômage persistant, robotisation, uberisation, émergence de l’intelligence artificielle… Restera-t-il une place pour la main de l’Homme dans l’économie de demain ? La prophétisation de la fin du travail a conduit nombre intellectuels et politiques à proposer une rupture sociale : l’instauration d’un revenu de base permettant de répondre aux besoins économiques fondamentaux de la personne humaine. Sous quelle forme implémenter ou expérimenter une telle mesure ? Quelle philosophie sous-jacente ? Le revenu universel serait-il un outil à même de changer les rapports de force entre capital et travail, de mettre fin à la grande pauvreté ? Est un instrument de libération et d’émancipation des individus ou, au, contraire un aveu d’accommodation à la société néo-libérale et de renoncement à la perspective d’un travail pour tous ?
Les participants :
- David Cayla, économiste, membre des Économistes atterrés
- Marina Mesure, secrétaire générale de la Délégation France insoumise au Parlement européen
- Capucine Edou, ex tête de liste Bouches-du-Rhône de la liste Rassemblement écologique et social en PACA, Génération.s
Le débat était animé par Damien Vandembroucq, membre du collectif d’animation national de la Gauche Républicaine et Socialiste.
UGR 2021 – Atelier « Libertés publiques et états d’urgence : comment l’exception forge la norme ? »
Samedi 25 septembre 2021 à 11h se tenait l’atelier « Libertés publiques et états d’urgence : comment l’exception forge la norme ? » des Universités de la Gauche Républicaine réunies à Marseille.
Les états d’urgence successifs, sécuritaire, sanitaire, que nous connaissons depuis plusieurs années ont ouvert des brèches dans les grands principes de protections de libertés publiques. Justifiées au motif de l’état d’exception qu’en est-il d’un hypothétique «retour à la normale » ? Parallèlement, la place centrale dans nos vies des technologies et outils numériques tend à rendre moins sensible l’encadrement de nos libertés. Quels sont les effets à long terme sur nos pratiques, notre sensibilité à ces questions et sur nos sociétés ?
Les participants :
- Olivier Tesquet, journaliste et auteur
- Jean-Baptiste Soufron, Avocat
- Hélène Franco, Magistrate, Ancienne secrétaire générale du syndicat de la magistrature
débat animé par Virginie Rozière, co-présidente LRDG
Après les « bonnets rouges » et les « gilets jaunes », place aux « vestes bleues » ?
Les tarifs réglementés de vente de gaz naturel vont de nouveau augmenter de 12,6% au 1er octobre a annoncé la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ce lundi 27 septembre. Cela concerne environ 3 millions de « consommateurs résidentiels », dont 2,77 millions chez Engie : le montant de la facture TTC d’un ménage chauffé au gaz et bénéficiant des tarifs réglementés est en moyenne de 1 482 €/an. Cela représente une hausse de 29% depuis le 1er janvier 2019 et de 44% depuis le 1er janvier 2020. Ces hausses sont insupportables pour nos concitoyens. Avec l’augmentation de l’électricité l’an prochain, le gouvernement annonce un chèque de 100€ pour les 6 millions de ménages modestes : c’est très loin du compte et de l’urgence de la situation ! Partout, la colère monte et à juste raison !
Cette évolution résulte de la hausse, historique, des prix du gaz sur le marché mondial qui se répercute sur les coûts d’approvisionnement du fournisseur de gaz Engie. La France paie ici son absence de politique énergétique réellement pilotable s’étant déshabillée progressivement de ses fleurons dans le domaine, à l’exception notable d’EDF pour lequel un projet de privatisation rampante, le plan Hercule, a été ajourné devant les levées de boucliers et les menaces de mobilisations. Mais le gouvernement n’a toujours pas abandonné sa logique désastreuse et fait fi des conséquences sur nos concitoyens.
Ces tarifs réglementés, remis à jour chaque mois, ont connu une série de fortes hausses récemment. Ils ont encore augmenté de 8,7% au 1er septembre, après plus de 5% en août et près de 10% en juillet. Hors taxe, la hausse est de 13,9% et, dans le détail, de 4,5% pour les utilisateurs de gaz pour la cuisson, de 9,1% pour ceux qui ont un double usage (cuisson et eau chaude), et de 14,3% pour les foyers qui se chauffent au gaz.
La Gauche Républicaine et Socialiste propose aux syndicats de l’énergie et aux partis de gauche de se réunir pour élaborer des propositions et une campagne communes sur la refonte de la politique énergétique, le soutien aux ménages français et le retour à la Nation des moyens de production d’énergie.
Allemagne : Défaite des conservateurs et Bundestag introuvable
Dimanche 26 septembre 2021 se tenaient les élections fédérales allemandes qui devaient marquer la fin du règne d’Angela Merkel comme Chancelière. Au regard de la Weimarisation (que nous avions déjà caractérisée dans nos analyses antérieures) de la vie politique allemande, elle pourrait rester quelques semaines ou mois de plus tant la constitution d’une majorité gouvernementale risque d’être complexe.
C’est d’abord un record absolu en nombre de sièges avec 735 députés, soit 31 de plus qu’en 2017, et majorité absolue nécessaire de 368, qui vient d’être battu.
Les Linke, comme la CSU, sont à moins de la limite de 5% pour entrer au Bundestag mais réussissent tous les deux à remporter plus de 3 sièges au scrutin uninominal, ce qui leur permet d’être représentés selon leur score proportionnel.
Il n’y a pas de majorité absolue pour la gauche – 363 sièges – ni pour la droite sans l‘AfD – 288 sièges.
La droite avec l’extrême droite a une majorité parlementaire. L’enjeu de cette législature pour l’aile la plus conservatrice de la droite, qui a pourtant perdu avec Maassen, battu en Saxe, un de ses théoriciens, c’est de dédiaboliser l‘AfD pour permettre la constitution d’un bloc conservateur. Cela sera difficile pour l’aile la plus européenne de la CDU, qui a perdu dans un attentat politique meurtrier de l’extrême droite un de ses élus en 2019.
Car c’est aussi un retour de Weimar : la violence meurtrière politique.
Le SSW est le parti de la minorité danoise, qui, protégée par un statut spécial, retrouve le Bundestag pour la première fois en 60 ans.
Ainsi, avec lui, le Bundestag comptera 8 partis représentés, record absolu de la république fédérale, il faut remonter à … la République de Weimar pour retrouver autant de partis au Bundestag.
L’émiettement se poursuit, aucun parti ne dépasse les 30% pour la première fois également depuis … la république de Weimar. C’est ce que nous décrivons depuis plusieurs années comme la weimarisation de la vie politique allemande.
SPD 206
CDU/CSU 196 (CDU 151, CSU 45)
GRÜNE 118
FDP 92
AfD 83
LINKE 39
SSW 1
Notons que symboliquement, le rejet de la droite est marqué par la circonscription d’Angela Merkel, qu’elle avait remportée huit fois d’affilée directement, au scrutin uninominal.
Hier soir, c’est une candidate SPD qui a remportée ce scrutin. Merkel laisse donc derrière elle un paysage politique en ruines, un Bundestag sans majorité claire, et son parti la CDU avec le pire résultat de son histoire.
Le SPD profite d’abord des erreurs de ses concurrents
Le SPD, dans une campagne marquée par les gaffes de ses adversaires, avec un programme beaucoup plus à gauche qu’en 2017, l’emporte et retrouvé son score de 2013, mais réalise quand même le quatrième plus mauvais score de son histoire.
La chancellerie n’est pas gagnée pour autant. La reconquête cependant d’un électorat venu des Linke avec un programme très matérialiste, concentré sur les salaires, le pouvoir d’achat, la réduction du coût du logement, et de certaines régions tentées par l’extrême droite, montre une voie qu’il faudra confirmer au pouvoir. Il ne faudra pas faire du « molletisme allemand ». Car il faut noter une forme de schizophrénie politique du SPD : le programme a été en grande partie porté par une partie de l’aile gauche (très anti-Schröder) qui contrôle l’appareil du parti depuis leur congrès de 2019, mais les candidats et notamment celui à la Chancellerie sont issus de l’aile la plus sociale-libérale ; dans les listes à la proportionnelle, les rares députés SPD sortants marqués à gauche ont été largement défavorisés.
Les Verts finissent loin de ce qu’il était promis, alors que comme en 2011, ils semblaient avoir la possibilité de s’emparer du pouvoir. Leur choix en cohérence interne de la plus inconnue de leurs dirigeants comme tête de liste leur a fait perdre leur position de leader. Ils ont sous-estimés l’importance d’avoir désamorcé par la présence médiatique antérieure des polémiques destructrices de confiance, et surestimés l’importance des effets d’affichage politiquement corrects. Les Verts ont convaincu les classes bourgeoises citadines, et font le meilleur score de leur histoire, mais 10 points en dessous de leurs sondages il y a six mois.
Les Linke avaient également choisi la cohérence interne plutôt que la synthèse entre leurs deux pôles idéologiques. En éliminant la tendance marxienne, ou matérialiste, incarnée par Sahra Wagenknecht, en laissant démissionner des personnalités reconnues par les autres partis, comme Fabio de Masi, en intriguant enfin contre le projet Aufstehen, qui intéressait 36% des Allemands en 2018 et pouvait créer un mouvement populaire sur le modèle de la campagne Sanders de 2016, les Linke ont perdu les classes populaires de l‘Est sans convaincre les classes urbaines citadines. Les premières se sont reportées au SPD, les secondes sur les Verts. Les Linke perdent 4 points !
Libéraux « faiseurs de roi », extrême droite enracinée
C’est le FDP qui se retrouvait faiseur de rois hier soir. Et ils peuvent remercier les Linke comme les Verts pour cela. Il aurait suffi de 2 points de plus aux Linke pour qu’une coalition de gauche ait la majorité.
Le FDP incarne la résistance des classes bourgeoises à toute remise en cause de leur partage des richesses, du pouvoir, des gratifications symboliques, tout en surfant sur une petite musique anti-vaccin et anti-pass sanitaire, anti-Etat, et peu favorable à l’intégration européenne. Ces libéraux là ne sont pas du tout macronistes.
Le FDP rêve d’une alliance bourgeoise avec la droite et les Verts.
L’extrême droite AfD n’a pas autant profité de son rejet des politiques anti-Covid autant qu’elle l’espérait. Incapable de faire monter le sujet de l’immigration sur le devant de la scène (il n’en fut pas question dans cette campagne), de plus en plus droitisé avec d’anciens néo-nazis montant dans les cadres, l‘AfD se tasse et perds 2 points par rapport à 2017.
Cependant, et ceci est inquiétant, l’AfD dispose maintenant d’un socle constant et solide de 10% des Allemands.
Les expériences précédentes de populisme allemand avaient été de courte durée : le parti Republikaner d’extrême droite dans les années 1980 avait disparu en 10 ans, les succès électoraux du parti néonazi NPD n’avaient pas eu de confirmation au début des années 2000 et les Pirates, parti populiste entre gauche et droite, n’avaient aussi duré qu’une saison entre 2009 et 2013.
L‘AfD a donc réussi à refaire surgir une extrême droite pérenne au Bundestag, et cela, c’est un signe supplémentaire de la Weimarisation en cours : jamais, depuis 1949, la République ouest-allemande n’avait connue un tel phénomène, alors qu’il est consubstantiel à l’émiettement de la vie politique sous Weimar, avec deux autres composantes : la répétition de grande coalition gauche-droite, et les élections à répétition. En dehors de 2005, où Schröder força la dissolution du Bundestag et une élection anticipée, c’est la dernière composante qui manque pour retrouver la même dynamique parlementaire que sous Weimar.
Un long intérim en perspective ?
Pour renforcer la pertinence de ce concept de weimarisation, rappelons que sous Weimar, l’émiettement des voix fit survivre des multitudes de partis microscopiques, qui, en l’absence de barrière à 5%, obtenaient des sièges avec 1%.
Malgré la barrière des 5%, pas moins d’un votant sur 12 a choisi l’un de ces petits partis, 8,3% des suffrage ne sont pas représentés au Bundestag, ces électeurs décidant de se porter en parfaite connaissance de cause sur des partis n’ayant aucune chance d’être représenté. Cela démontre une perte de confiance dans le parlementarisme allemand beaucoup plus profonde encore que le vote AfD ou l’abstention (24% hier, comparable aux scrutins précédents à un niveau relativement élevé).
Tous ces micro-partis cependant réussissent à capter du financement public. Ils vont survivre encore 4 ans.
Angela Merkel est toujours chancelière ce matin. Tant que les futurs partis coalisés n’auront pas signé leur contrat de coalition, véritable programme de gouvernement détaillé – la synthèse nécessaire en Allemagne ne se faisant pas sur les postes, mais sur les politiques à mener –, c’est le gouvernement sortant qui expédie les affaires courantes.
Hier soir, les caricaturistes imaginaient déjà Merkel tenir le discours du nouvel an 2022 en chancelière provisoire…
Élections au Canada : la cohésion québécoise autour de la laïcité réveille la discorde entre francophones et anglophones
Ce lundi 20 septembre 2021, les Canadiens étaient appelés aux urnes pour élire les 338 députés qui les représenteront à la Chambre des Communes, deux ans à peine après la dernière élection générale.
Les raisons de la dissolution du Parlement par le premier ministre libéral Justin Trudeau étaient assez obscures. Sa relativement bonne gestion de l’épidémie du coivd-19, mise en perspective par la gestion catastrophique de la pandémie dans les provinces dont le gouvernement régional est conservateur, l’auront probablement poussé à vouloir prendre de court les partis d’opposition, conservateurs en tête, afin de retrouver la majorité absolue perdue aux élections de 2019.
Des élections fédérales pour quoi faire ?
Monsieur Trudeau avait insisté sur la nécessité d’organiser des élections en temps de Covid, afin d’illustrer la continuité démocratique en période de crise. Il aura ainsi fait mieux que le gouvernement français, dont l’incurie en matière d’organisation électorale depuis deux ans est délétère.
Il semble toutefois que la crise sanitaire inédite que nous vivons depuis ces deux dernières années n’ait pas modifié le paysage politique canadien. Ainsi, à ce stade du dépouillement déjà très avancé, les libéraux gagnent un député, passant de 157 à 158 sièges, ratant le pari de recouvrer la majorité absolue. Les conservateurs d’Erin O’Toole en perdent deux, de 121 à 119. Les indépendantistes du Bloc Québécois, menés par Yves-François Blanchet, gagnent deux députés et passent de 32 à 34 sièges. Les néo-démocrates, formation de gauche dirigée par Jagmeet Singh, gagnent un député et obtiennent 25 sièges. Enfin, les écologistes perdent un de leurs trois sièges, et la seule député indépendante ne s’étant pas représentée, il n’y a plus de député en dehors des cinq partis majeurs de la politique canadienne.
Cette quasi-identité entre l’ancien et le nouveau Parlement masque quelques évolutions au sein de la carte électorale, mais elles sont minimes. Le parti conservateur, qui s’est recentré sur les questions de société, notamment sur l’avortement et l’obligation vaccinale, a gagné quelques circonscriptions dans les provinces maritimes de la côte est ainsi qu’en Ontario, plus progressistes que l’Ouest canadien. Toutefois, ce recentrage a permis le développement, sur sa droite, du Parti Populaire du Canada, qui a réalisé des scores assez élevé dans l’Ouest canadien, très conservateur. Dans les circonscriptions urbaines de Calgary, Edmonton et Vancouver, cette division de la droite a permis aux libéraux ou aux néo-démocrates de réaliser quelques gains, compensés par la poussée conservatrice à l’est.
Les écologistes ont en revanche connu une franche défaite, alors même que le Canada a traversé une grave crise climatique cet été. Au-delà de la perte d’un siège sur trois, ils réalisent un score trois fois inférieur à celui de 2019. Leur stratégie électorale, consistant à parler moins d’environnement et plus de sujets de société, avec une approche différencialiste de l’antiracisme, a échoué. Ils perdent deux des trois circonscriptions gagnées en 2019, et n’en gagnent une dans l’Ontario qu’à la faveur de l’abandon à la dernière minute du candidat libéral, mis en cause dans un scandale de harcèlement sexuel.
Les indépendantistes québécois, eux, sortent renforcés de cette élection. Certes, ils ne parviennent pas à leur objectif de 40 sièges (jugé très ambitieux par les journalistes canadiens et par certains indépendantistes eux-mêmes), ni à arriver en tête des suffrages au Québec, ils sont, avec 32% des voix, devancés de moins d’un point par les libéraux. Ils ont cependant réussi à confirmer leur retour en force de 2019, lorsqu’ils avaient triplé leur représentation, deviennent le premier parti du Québec en nombre de députés, devançant d’un siège les libéraux, et confirment leur domination dans l’électorat francophone.
La tâche n’était pourtant pas aisée.
Une forme d’arrogance anglophone a, à nouveau, relativement profité au Bloc Québécois
Le système politique québécois repose sur un double système de partis politiques, les uns pour les élections au Parlement fédéral canadien, les autres pour les élections au Parlement provincial québécois. Au niveau provincial, les indépendantistes du Parti Québécois traversent la pire crise de leur histoire, et jamais l’indépendantisme n’a paru aussi faible depuis les années soixante. Au niveau fédéral en revanche, ils progressent et semblent en dynamique.
Le Bloc Québécois a en réalité réussi à capter une partie de l’élan politique nationaliste du Premier Ministre du Québec François Legault. Ancien indépendantiste, il a fondé un parti nationaliste non souverainiste, économiquement libéral et plus conservateur sur les questions de société que le Parti Québécois. Il a toutefois pu mener des réformes attendues depuis longtemps par le peuple québécois : extension de la loi de protection de la langue française, et instauration de la laïcité au Québec, loi prohibant notamment le port de signes religieux distinctifs pour les fonctionnaires provinciaux.
Ces deux lois reçoivent un appui massif au Québec, à proportion égale du rejet qu’il suscite dans le Canada anglophone. Le modèle de société anglo-saxon, communautariste, ne distinguant pas émancipation et extension infinie des choix individuels, et admettant le droit à la différence pour toute communauté réelle ou fantasmée à l’exception des Québécois, est entré en collision frontale avec le modèle de société voulu par ces derniers.
Se sont alors réveillés les vieux travers des Canadiens anglophones: le mépris des francophones. Ainsi, la cheffe du parti vert, Madame Annamie Paul, a jugé que les positions du chef indépendantiste Yves-François Blanchet étaient dues à un « manque d’éducation sur les questions de racisme systémique ». Comment peut-il y avoir de débat, de délibération collective, et donc de démocratie, si l’on objecte à son contradicteur un manque d’éducation comme seule racine de la pensée ? On notera par ailleurs que Madame Paul, qui a tout le long du débat prononcé Blanchet « Blanchette », ne s’est pas vue signifier son manque d’éducation sur la prononciation du français.
Cette impasse démocratique, apanage du prétendu progressisme forcené anglo-saxon, a ainsi propulsé le Bloc Québécois comme seul défenseur des intérêts francophones. Lors du même débat, l’animatrice est sortie de la neutralité pour demander pourquoi à monsieur Blanchet pourquoi soutenait des mesures « discriminatoires » comme la laïcité ou la défense du français. Ces propos ont généré un tel scandale au Québec que les appels à demi-mot de monsieur Legault à soutenir les conservateurs n’ont pas été suivis par son électorat.
La nécessité d’un parti politique distinct pour défendre les intérêts du peuple québécois au sein de la fédération canadienne est donc apparue aux électeurs francophones du Québec. Les résultats d’hier le démontrent. Ils se vivent comme une Nation distincte, maîtresse chez elle, pour reprendre la formule classique des indépendantistes. Membres à part entière du peuple québécois, les immigrants au Québec devraient y apprendre le français, langue nationale, et tous les fonctionnaires devraient se plier à la loi sur la laïcité.
La société anglo-saxonne, elle, semble avoir une approche différente. Elle ne considère les Québécois que comme une communauté parmi d’autres. Elle serait ainsi non pas constitutive de la Nation québécoise, mais majoritaire au sein de la province du Québec. De là, la volonté d’assimilation et de laïcisation est perçue comme une ingérence d’une communauté majoritaire sur des communautés minoritaires, et ainsi jugée comme oppressive. Pour les Québécois, il y a plutôt ingérence du « Rest of Canada » (ROC) dans les affaires québécoises.
Pour l’instant, monsieur Legault semble avoir convaincu les Québécois de la possibilité de se vivre en Nation distincte sans besoin de déclarer l’indépendance. Pour combien de temps ? Déjà en 2019, toute la campagne électorale avait tourné, au Québec, autour de la question de la laïcité et de la légitimité de cette loi.
En tous les cas, la proximité linguistique et dans les aspirations d’organisation de la société autour de la laïcité entre la France et le Québec doivent nous conduire à renforcer la coopération entre nos deux Nations.
Après le fiasco australien, qui croit encore à la « solidarité » avec l’OTAN et les USA ?
Joe Biden fragilise la stratégie française dans la région indopacifique. Ce fiasco mettra-t-il fin à la naïveté atlantiste des élites françaises ?
La décision de l’Australie de résilier le « contrat du siècle » portant sur l’achat de sous-marins au groupe français Naval Group, au profit de matériels américains et britanniques, est regrettable.
Il ne faut pas être crédule, l’argument avancé par les autorités australiennes, de la découverte de « nouveaux besoins », ne tient pas la route. Les sous-marins français, même si traditionnellement la France n’exporte pas de propulsion nucléaire, furent convertis en propulsion conventionnelle à la demande explicite de l’Australie. Il s’agit uniquement d’une décision politique poussée par les États-Unis.
Mais plus largement, ce choix marque un coup d’arrêt à la stratégie française dans la région indopacifique. En effet, largement mis en avant lors de la visite d’Emmanuel Macron en Australie en mai 2018, l’axe Paris-Delhi-Canberra « vrai nouvel ordre géostratégique » selon le Président vient de subir un premier affaiblissement important qui devrait logiquement se poursuivre. D’abord avec l’annonce d’un partenariat sécuritaire « AUKUS » qui exclut la France. Ensuite, la prochaine visite du Premier ministre indien, en compagnie des membres du « Quad » (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, composé également de l’Australie et du Japon) à Washington le 24 septembre prochain devrait également comporter son lot d’annonces.
D’aucuns auraient pu assez logiquement le prévoir, le désengagement américain au Moyen-Orient au profit du « pivot asiatique » n’est pas récent. La stratégie française, louable, a quant-à-elle souffert d’un manque de soutien politique, trop effrayé pour s’émanciper totalement d’une tutelle américaine qui dessert nos intérêts.
Il s’agit d’un nouvel exemple, parmi tant d’autres, du besoin concret d’autonomie stratégique tant pour la France que pour les Européens en matière de défense et d’industrie.
Toutefois, ce besoin de solidarité européenne restera lettre morte tant que l’Allemagne, qui a intrigué contre les intérêts français en soutenant les armateurs américains, se livrera également à une guerre économique contre la France.