Projet de loi grand Âge autonomie, un enterrement de première classe !

tribune de Caroline Fiat, députée Gauche Républicaine et Socialiste, publiée le jeudi 9 septembre 2021 dans L’Humanité

Au début, c’était une promesse. Une promesse qui avait du sens, la promesse que nous pourrions ouvrir les yeux en grand sur les difficultés et les inégalités dont souffrent trop de nos concitoyens, la promesse que la République n’oublie aucun de ses enfants, surtout quand ils sont plus fragiles.

Je me suis emparée de ce combat dès le début, me sentant légitime à le faire après avoir parcouru les tranchées et subi les assauts du manque de moyens dans les EHPAD.

Trop de souffrance pour nos résidents, trop de souffrance pour nos soignants, trop d’injustices…

Les mondes du vieillissement et du handicap sont soit invisibilisés, soit transformés en marché et dans ce cas ne s’adressent qu’à la part aisée des publics concernés.

Il était temps de rétablir la situation, c’était une urgence, un impératif !

Ce fut d’abord un rapport, avec ma collègue Monique Iborra. J’étais la parlementaire du réel, elle était la parlementaire de la trajectoire budgétaire. Mais finalement, en poussant les portes et en constatant l’état délabré de nos établissements, elle put faire la différence entre un tableau Excel et une toilette protocolaire. À partir de ce moment, nous avons pu travailler sur des constats partagés et établir des propositions communes.

Ce rapport, publié en mars 2018, dressant des constats unanimes et partagés par l’ensemble des acteurs auditionnés, proposant une feuille de route permettant de remettre la personne au centre des politiques du grand âge, a été salué par tous. Le 13 juin 2018, Emmanuel Macron annonçait une loi sur le grand âge pour 2019.

Mais mon rapport fut aussitôt enterré par un nouveau rapport. Ainsi, au lieu d’agir, le gouvernement préféra une nouvelle étude et le 17 septembre 2018, le Premier ministre chargea Dominique Libault de conduire une concertation et de faire des propositions de réforme, notamment dans la perspective d’un projet de loi. Le 1er octobre 2018, Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé lançait une vaste concertation nationale « Grand âge et autonomie » qui pris fin en février 2019. Elle mobilisa 10 ateliers nationaux, 5 forums régionaux, une consultation citoyenne ayant recueilli plus de 1,7 million de votes pour 414 000 participants, 100 rencontres bilatérales et des groupes d’expression de personnes âgées, professionnels et aidants. « La concertation Grand âge et autonomie qui vient d’avoir lieu s’est traduite par des contributions très riches et convergentes de la part de tous les acteurs. Ce rapport en est la traduction la plus fidèle possible » nous expliquait alors Dominique Libault, pilote de la concertation Grand âge.

Puis en 2019, la Ministre Agnès Buzyn confia à Myriam El-Khomri un nouveau rapport sur les métiers du grand âge.

De rapports en renoncement, ce qui était une priorité du quinquennat devint ainsi peu à peu une Arlésienne douloureuse.

Début 2019, Agnès Buzyn annonçait une loi pour l’automne 2019. Fin janvier 2020, la Ministre assurait que le projet de loi serait « présenté à l’été » 2020.

Puis vint la crise Covid et le départ d’Agnès Buzyn.

Comme dans tous les secteurs de la santé, cette pandémie a également agi comme un révélateur des dysfonctionnements de notre société, ainsi les personnes fragiles, les personnes âgées, ont été les premières victimes de ce virus. Mais elles ont été également victimes du manque de personnel dans nos établissements et du refus d’action du gouvernement depuis 2017.

Et la machine infernale de la réaction permanente, de l’agitation médiatique, se substituant à une réflexion de fond et une planification méthodique, s’est mise en branle. Et on ne parla plus de la grande loi annoncée ou alors uniquement pour en annoncer le report.

Durant l’été 2020, Olivier Véran annonçait une loi pour fin 2020. Fin 2020, Emmanuel Macron promettait une loi pour début 2021. Début 2021, on nous annonçait une loi pour après la crise sanitaire…

Les horloges, pourtant sous le contrôle de l’homme solitaire de l’Elysée, ont continué à tourner.

Et le temps du bilan approchant, on commença à entendre une petite musique sur le retour de la loi.

Pour masquer un échec sur un sujet précis, il suffit de renommer le sujet et de lui donner un calendrier.

C’est ce qui a été tenté avec cette loi « Autonomie Grand Age » rebaptisée loi « Génération solidaire ».

Mais toujours dans un moment où seule la cacophonie sur la Covid prenait le pas sur tout le reste.

Alors aujourd’hui, la dernière fausse « bonne idée » de Matignon, sous les ordres de l’Elysée, est de noyer cette loi dans le prochain examen du PLFSS.

Un PLFSS qui a vu lors de sa dernière édition, la création d’une cinquième branche fantôme.

Si le titre a bien été ajouté, c’est à budget constant que cela a été fait.

Au vu des débats précédents lors des examens du Plan de financement de la sécurité sociale, nous ne pouvons que déplorer qu’un tel sujet, qui concerne l’ensemble de nos concitoyens tant pour le vieillissement, phase normale d’une vie humaine, que pour le handicap, dont personne n’est à l’abri après un accident de la vie, soit traité sous le seul angle de la rigueur budgétaire, à la va-vite et dans le seul but de cocher les cases d’un bilan que le locataire de l’Elysée a complètement raté.

Loin d’être une bonne nouvelle, ce projet, s’il était mené à son terme, nous promet un enterrement définitif sous ce mandat de la moindre réforme d’envergure sur ce sujet de société universel.

Que faut il attendre du procès des attentats du 13 novembre ?

Mercredi 8 septembre 2021 à 21 heures, Anthony Gratacos, conseiller départemental de Seine-et-Marne et secrétaire général de la Gauche Républicaine et Socialiste, répondait aux questions de Stéphanie de Muru sur RT France, aux côtés d’Alexandre Touzet, vice président (LR) du conseil départemental de l’Essonne. Alors que s’est ouvert hier le procès du commando terroriste qui a conduit les attentats du 13 novembre 2015, le SG de la GRS a rappelé que la Justice est la réponse républicaine à la barbarie. Si certaines familles de victimes peuvent exprimer une légitime colère et chercher des boucs émissaires, il convient que notre société démontre qu’elle ne remettra en cause ses fondamentaux républicains et démocratiques comme l’espéraient sans doute les djihadistes. Le travail d’accompagnement des victimes d’attaques terroristes est quelque chose d’extrêmement fort dans notre pays depuis de nombreuses années. Le procès permettra sans doute de faire la lumière sur les failles du dispositif de sécurité au niveau national et européen ; il semble que les leçons aient été depuis tirées de manière opérationnelle, même s’il reste des progrès à faire, notamment pour renforcer les effectifs de renseignement humain, indispensables, et que le renseignement territorial est depuis Nicolas Sarkozy particulièrement désorganisé. Il conviendra également de prendre en compte l’évolution de la situation géopolitique, avec la reconquête de l’Afghanistan par les Taliban alors que les Islamistes avaient connu ses dernières plusieurs années de recul militaire au niveau international.

Laïcité : le fiasco consternant de la campagne Blanquer

EXPLIQUER CE QU’EST LA LAÏCITÉ : UNE BONNE IDÉE ET UNE NÉCESSITÉ.

MAIS SI LE MINISTRE PARAÎT AVOIR LES IDÉES CLAIRES, AU FINAL LA CAMPAGNE ENGAGÉE AJOUTE À LA CONFUSION. QUEL FIASCO !

Le ministère de l’éducation a lancé une campagne de communication sur le thème de la laïcité. Sur huit affiches, des groupes d’élèves sont mis en scène dans des situations scolaires : en classe, en cours de sport, en récréation, à la bibliothèque… avec slogan se voulant éducatif.

L’idée d’une campagne est bonne. Il y a aujourd’hui tellement de confusion dans le débat public. Entre les outrances de l’extrême-droite la confondant avec un outil anti-islam, les ambiguïtés consternantes de feu l’observatoire (national) de la laïcité ou son invocation par les uns et les autres à tout propos (et donc hors de propos), la laïcité, valeur lumineuse de notre République, devient incompréhensible pour de plus en plus de nos concitoyens.

Certes la laïcité, ce n’est pas que « à l’école » mais c’est important pour l’École donc pourquoi pas une campagne d’information civique pour tous.

D’autant plus que le ministre Jean-Michel Blanquer s’expliquant sur une radio nationale semble avoir les idées claires sur ce sujet : «La laïcité, c’est rappeler que chacun est libre d’avoir la croyance ou la non-croyance qu’il ou elle veut et que chacun doit se respecter, que personne ne doit faire pression sur personne sur ces enjeux. Et que l’école en particulier est un sanctuaire de neutralité sur ces enjeux.» Propos pertinents.

Mais que la campagne d’affichage qui prétendrait les illustrer ne reflète en rien. Le plus souvent hors sujet, elle est même quelques fois à contre sens complet. Et « mal nommé les choses » comme on le sait, c’est « rajouter au malheur du monde ».

Une seule légende des huit affiches parle du sujet : « Donner le même enseignement (…) quelques soient leurs croyances ».

La campagne du ministère de l’éducation nationale, parrainée par Jean-Michel Blanquer, développe une vision d’assignation communautaire et racialiste de la société : un contre-sens dangereux !

Pour le reste :

  • Le choix d’élèves aux couleurs de peau différentes et aux prénoms supposés évocateurs est déjà une vision « racialisée » ou communautariste des croyances religieuses réelles ou fantasmées des élèves. Le risque de renforcer une vision raciste de la société n’est pas mince.
  • La plupart des slogans se réfèrent à la sérénité de l’espace public, à la volonté de faire partie de la communauté nationale ou à l’objectif d’émancipation donné à l’École publique, toutes choses importantes desquelles la laïcité participe mais auxquelles elle ne se réduit pas. Cette objection est importante dans la mesure où faire porter à la laïcité des missions qui ne sont pas les siennes participe grandement de la confusion actuelle et des réticences qui se font jour.
  • Certains slogans sont ridiculement réducteurs : ainsi de « Permettre à Erynn et Edène d’être égales en tout » Ces deux petites filles souhaitent peut-être surtout être égales en tout avec leurs copains garçons ou être égales en tout avec les filles et les garçons de milieu social favorisé, toutes questions tout aussi importantes que d’être égales en tout quelque soit leur couleur de peau. Cependant aucune de ses trois revendications importantes n’a à voir avec la laïcité.
  • Enfin certains slogans sont même à contre-sens complet, ce qui est encore plus grave. Ainsi de « Permettre à Milhan et Aliyah de rire des mêmes histoires. C’est ça la laïcité. ». Rire des mêmes histoires ce serait chercher une conformité culturelle qui n’est en rien dans la nature de la laïcité. La laïcité, au contraire, c’est permettre à chacune et chacun de ne pas rire des mêmes histoires, et de pouvoir s’en expliquer au sein d’un débat respectueux.

La laïcité c’est la liberté de conscience individuelle qu’autorise la séparation des Églises et de l’État. Simplement cela, mais tout cela.

Oui, il est essentiel d’expliquer ce qu’est la laïcité.

La campagne ministérielle ne le fait manifestement pas. Bien au contraire. Au lieu d’éclairer le débat elle aggrave la confusion voire oriente nos concitoyennes et concitoyens sur une mauvaise voie.

Tout reste donc à faire pour défendre cette valeur si importante au cœur de notre projet républicain.

Macron à Marseille : des annonces indispensables, des insuffisances, des polémiques et un tropisme libéral…

Il est grand temps que cela change à Marseille et que cette ville tourne la page des pratiques précédentes.

Ce n’est pas la venue d’Emmanuel Macron qui a donné le départ de cette nouvelle ère. C’est d’abord et avant tout le vote des Marseillais pour la liste du Printemps Marseillais et l’élection d’une équipe bien décidée à rompre avec la gestion passée, l’immobilisme, l’incurie et les complaisances coupables de ses prédécesseurs. Et c’est sans doute l’alerte lancée par le maire et son conseil municipal qui a permis (enfin !) cette réaction de l’État et du président de la République.

Oui, il était temps !

Si les élus de la ville, de la métropole et du conseil général puis départemental sont depuis des années défaillants, l’État a aussi largement sa part de responsabilité. D’abord, s’agissant des politiques qui sont exclusivement de sa compétence : la police, la justice, la protection judiciaire de la jeunesse, le nombre de postes d’enseignants, les moyens aux hôpitaux… Là, les retards sont considérables. Alors les rattrapages ne sauraient tarder davantage.

C’est l’élection du Printemps Marseillais qui a sorti la Ville de l’immobilisme, contraignant aujourd’hui l’État à réagir enfin !

Et puis, s’agissant d’autres politiques d’État mais néanmoins très liées aux actions des collectivités territoriales, comme le logement, l’État a souvent laissé faire, laissé surtout ne rien faire. Les préfets n’ont pas assumé leurs responsabilités par exemple pour exiger que les engagements contractuels pris entre l’État et ces collectivités –en matière de la politique de la ville ou de lutte contre l’habitat insalubre notamment – soient tenus. Et cela depuis de très nombreuses années. L’autorité de l’État, c’est cela aussi.

S’agissant des écoles, si les collectivités territoriales sont compétentes pour les bâtiments, il revient à l’Éducation Nationale d’exiger que les élèves soient accueillis dans des conditions sûres, dignes et adaptées à un enseignement de qualité. Que de silences et d’inactions complices !

Alors que le président tance les chicayas qui ont trop souvent prévalu n’est pas infondé, mais qu’il n’exonère pas non plus l’État de ses défaillances car il faut veiller à ce qu’elles ne puissent plus de reproduire.

Maintenant que peut-on retenir de l’intervention d’Emmanuel Macron ?

Il y a les annonces financières et thématiques et les annonces institutionnelles.

Sur les annonces institutionnelles, le grand point positif est de rouvrir le dossier des compétences de la Métropole.

Sa création n’a fait qu’accroître les difficultés d’action, éloignant la décision de la ville et des citoyens, ajoutant en permanence de la complexité opérationnelle, des lenteurs et des paralysies. De surcroît, à la Métropole, c’est toujours l’équipe précédente, dont le bilan est catastrophique pour la cité phocéenne, qui reste au pouvoir. Par quel miracle deviendrait-elle soudain vertueuse et dynamique ?!

La Ville et les habitants doivent retrouver leur pouvoir de décision et d’action face à une Métropole encore dirigée par l’équipe qui a failli !

Oui il faut rapidement modifier le cadre législatif et institutionnel de cette Métropole et redonner à la ville de Marseille des compétences réelles dans des sujets clefs. Et tout n’est pas seulement affaire d’enveloppe financière – ça compte bien sûr –, mais d’équipe opérationnelle, de capacité légale pour agir. Prenons l’exemple du logement : en réalité, c’est un véritable imbroglio entre les compétences de l’État, de la Métropole et de la ville. Or pour résoudre les problèmes, on ne peut continuer les éternels renvois de balle, ne serait-ce que pour deux sujets essentiels afin d’éradiquer le logement indigne : la production de nouveaux logements et la mobilisation du parc existant pour le relogement des familles. La ville de Marseille n’est que très peu représentée dans la gouvernance des offices HLM qui sont massivement implantés sur Marseille et, en réalité, elle n’a pas de prise sur la gestion et les décisions qui, pourtant, conditionnent la vie de tant d’habitants (qu’il s’agisse de l’entretien, de la gestion locative ou du patrimoine, comme des nouvelles réalisations). Cela ne peut durer ! Le président de la République a annoncé une nouvelle loi. Je prendrai toute ma part au Sénat pour que ce texte ne soit pas un rideau de fumée. J’espère en tout cas, qu’il ne tardera pas car la loi 3DS (décentralisation, déconcentration, différenciation et simplification) n’est programmée que pour être votée à la fin du quinquennat. Et encore !!

L’autre proposition est la création des structures publiques cogérées État/collectivités peut s’avérer une bonne solution, en particulier dans cette phase temporaire avant une clarification des compétences. Encore faut-il que leur création ne mette pas des lustres et là les paroles du président de la République semblent volontaristes. À suivre…

À suivre aussi, la place laissée à la concertation et la prise en compte de l’avis des habitants, des usagers dans ce genre de dispositifs au sein desquels la tentation technocratique est parfois très forte. Or c’est essentiel, en particulier dans les quartiers populaires où la voix des habitants et de leurs associations est souvent négligée.

Les annonces financières, les projets sont, d’une part, marqués par un grand flou – ce sont souvent la reprise d’annonces déjà faites précédemment – et, d’autre part, héritent de sommes insuffisantes.

Au motif d’exemplarité, d’innovation, c’est derrière ce qui peut ressembler à un catalogue, une « liste à la Prévert », une logique libérale qui tend à s’accélérer, préfigurant les axes de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron qui est de moins en moins et de gauche et de droite mais surtout à droite !

Regardons les annonces concernant ce qui relève de la stricte responsabilité de l’État… du côté des postes de policiers, rien de neuf par rapport aux engagements déjà pris par Gérald Darmanin si ce n’est une accélération du calendrier. Pas très précis du côté de la justice, et je reste convaincue que l’organisation de la lutte contre le grand banditisme (drogue, trafic d’armes) n’aura pas des moyens assez massifs pour commencer à manifester plus d’efficacité. Enfin, grand silence sur les postes de la prévention judiciaire de la jeunesse pourtant essentiels pour conjurer la spirale qui emporte tant de jeunes dans ces dérives délinquantes.

À titre personnel, je suis tout à fait convaincue qu’une légalisation du cannabis (interdit bien sûr aux mineurs), une gestion publique de sa distribution, de sa production, du contrôle de qualité devrait être engagée dans notre pays. Je vous invite à lire les excellents rapports de la mission de l’Assemblée nationale, réalisés par des élus de tous bords politiques qui ouvrent des pistes sérieuses.

Le pouvoir n’a qu’un message : « circulez il n’y a rien à voir, on va durcir la répression ». Message que l’on entend depuis des années, alors que la consommation de cannabis ne fait que croître en France. On parle de « guerre à gagner » mais avec les méthodes actuelles, même en renforçant les moyens on ne la gagnera pas. Il faut une autre voie. En tout cas, un débat sérieux s’impose sur ce sujet. Sinon la gangrène que ce genre de trafic porte, non seulement dans certains quartiers mais dans de nombreux territoires, va continuer à s’étendre.

Les hôpitaux de Marseille ont besoin d’énormes investissements et de soutien pour améliorer le fonctionnement et les créations de postes. Les annonces se suivent avec des sommes dont il n’est pas toujours simple de mesurer l’impact réel et la capacité à combler les retards. Et cet exemple montre à quel point une méthode plus planificatrice avec des programmations pluriannuelles claires, chiffrées valant engagements est indispensable dans des dossiers aussi importants et qui nécessitent continuité de l’effort, détermination dans la durée et d’engager très tôt l’ensemble des études et d’éviter le « stop and go » démobilisateur, coûteux, destructeur et pourtant si fréquent dans l’action publique française. Après les annonces de millions (qu’on présente souvent plusieurs fois comme s’il y avait du neuf), les personnels, les élus et les usagers ont l’impression que tout se perd dans les sables et que les changements attendus ne se réalisent pas ou à des échéances improbables. Chacun peut comprendre la progressivité des avancées, pas qu’elles soient systématiquement reportées.

Transports, sécurité, hôpitaux, justice, protection de la jeunesse : les chiffres annoncés sont encore loin du compte…

On voit ce risque pour les hôpitaux, c’est aussi le cas pour les transports, où là clairement les sommes annoncées sont insuffisantes.

D’ailleurs Sophie Camard, maire du 1er secteur de Marseille le notait le 3 septembre dans un tweet : « Pour situer les chiffres, le plan d’action du plan de déplacements urbains est évalué à lui seul à 7 Milliards d’euros (donc hors logement, écoles, etc.).

Je vous laisse donc évaluer le seuil à franchir par rapport aux annonces. »

Là, à l’évidence, le compte n’y est pas et pourtant c’est indispensable pour désenclaver les quartiers et permettre le développement économique de la Ville.

Au-delà des manques de crédits, sur des politiques majeures pour notre avenir et notre modèle républicain comme l’emploi et l’éducation, Emmanuel Macron propose une accélération du basculement vers des conceptions libérales très dangereuses, inégalitaires et pourtant souvent très contestées dans les pays qui ont promu ces idéologies.

Parlons de la proposition d’Emmanuel Macron sur l’école. Il ressort une vieille lune des Libéraux et de Blanquer à savoir l’autonomie des chefs d’établissements pour recruter les enseignants et intervenants dans les écoles et de la souplesse pour les équipes faisant croire qu’ainsi, on combattrait mieux l’échec scolaire.

Qui peut imaginer que soudainement des enseignants plus compétents, plus motivés vont se précipiter pour venir dans des quartiers et écoles dans lesquelles ils ne sont jamais candidats ? Beaucoup d’enseignants dans ces écoles sont motivés et enragent de voir qu’ils n’ont pas les moyens d’agir correctement et n’ont pas le soutien attendu. Ils souhaiteraient aussi, en particulier les jeunes, une formation renforcée et une formation continue qui les aide à bien affronter les difficultés de leurs élèves (il y a donc un besoin massif de remplaçants).

Au contraire, le choix d’Emmanuel Macron risque plutôt de tirer vers le bas ces structures scolaires.

Ces établissements ont au contraire besoin d’une forte implication des autorités académiques en direction des équipes éducatives. Trop souvent ce soutien leur manque face aux difficultés rencontrées ! Mettre les chefs d’établissement comme les grands responsables du projet et de sa mise en œuvre revient d’une part à leur confier une responsabilité excessive et risquée (est-on sûr qu’ils sont en situation réelle de définir un projet optimal ?) mais aussi à dédouaner les responsables académiques et rectoraux et à accroître les inégalités.

Avec l’autonomie des chefs d’établissement scolaire, Emmanuel Macron ressort une « vieille lune » des Libéraux et tente de faire diversion !

C’est une vision éclatée et inégalitaire de notre service public de l’Éducation Nationale.

C’est d’ailleurs aussi la thèse défendue récemment par Valérie Pécresse. Elle, elle franchit le pas supplémentaire allant jusqu’à proposer que les écoles soient privées et qu’on donne aux élèves des chèques pour garantir la gratuité… Mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est bien cette logique concurrentielle, désarticulée de notre système d’éducation qui est soutenue.

Tout cela au nom de la prétendue souplesse. Prétendue, car en fait ce n’est pas de la souplesse mais de la disparité quant aux contenus et aux savoirs transmis.

De la souplesse, il en faut pour favoriser des initiatives et des méthodes diverses, mais pas sur les contenus programmatiques et les objectifs à atteindre qui doivent demeurer communs, identiques.

Emmanuel Macron ne fera aucune annonce sur les créations de postes pour dédoubler plus fortement les classes dans tous ces établissements, veiller à ce que les remplaçants soient en nombre suffisant. Cette histoire d’autonomie des chefs d’établissements est non seulement dangereuse pour l’égalité républicaine mais sert aussi de rideau de fumée à l’absence d’enseignants et de surveillants supplémentaires.

On notera au passage qu’il n’a donné aucun chiffre sur les sommes dégagées pour remettre en état les écoles de Marseille. Espérons qu’il sera plus net en Octobre !

La clef pour la réussite des élèves issus des quartiers et milieux populaires – des autres aussi sans doute – est certainement à chercher dans un lien plus étroit entre l’éducation nationale, le temps extra-scolaire, la culture, le sport, l’éducation populaire avec des projets de qualité mis en œuvre dans chaque établissement avec des personnels compétents œuvrant aussi les forces vives de la ville et du quartier.

Au passage, Emmanuel Macron semble louer les cités éducatives, mises en place dans certaines communes de la politique de la ville, alors qu’il a fallu batailler ferme pour que ces projets puissent se poursuivre et se développer dans le cadre du plan de relance, car le gouvernement freinait des quatre fers…

Mettre en place une telle réforme suppose que l’État finance ces postes, veille à la qualification et compétences des animateurs, et ce partout (et pas seulement dans les territoires attractifs). Mais si l’intention est parfois énoncée par le chef de l’État, aucun moyen n’est dégagé, aucun poste créé, et en réalité Emmanuel Macron ne porte pas sérieusement cette évolution de notre système éducatif, qui est en fait à l’opposé du démantèlement qu’il envisage vraiment. Les enseignants et bon nombre de parents ont réagi face à ce qu’ils ont ressenti comme une véritable provocation.

Les propositions sur l’emploi sont dans la même veine. Emmanuel Macron fait comme si le problème était principalement de mettre en relation les jeunes et habitants des quartiers avec les entreprises, alors qu’il y a un taux de chômage très important dans la ville et le département. Non il ne suffit pas de traverser la rue ! Il faut une stratégie de créations d’emplois, d’emplois variés. On aurait pu attendre une vraie réflexion à la fois sur la réindustrialisation, les relocalisations, voire des déconcentrations de certains services d’État, ou encore sur un plan de rattrapage des postes d’emplois publics qui manquent tant dans cette Ville. On pourrait attendre des propositions pour développer l’économie sociale, l’économie circulaire. De l’autre côté, il faut mener des actions d’insertions plus globales et pérennes pour ceux qui sont plus loin de l’emploi.

On est encore loin d’une véritable vision stratégique républicaine de l’État pour la cité phocéenne !

En tout cas, il reste de ces discours une impression d’absence de vision d’un renouveau républicain et social. Car, au fond, il ne veut pas changer les logiques d’hyper-concentration des richesses, du pouvoir, il n’a aucune intention de faire progresser l’égalité et campe dans un discours sur « l’égalité des chances », version édulcorée et illusoire tant nous savons que les déterminants sociaux ne se combattent pas juste au début et à l’école (ce qui est bien sûr très important et nécessaire) mais à travers une action qui va de l’égalité d’accès aux services publics, aux droits tout au long de la vie et à moins d’inégalités sociales et de richesses. C’est l’anti premier de cordée qu’il faut mettre en œuvre.

Emmanuel Macron va revenir à Marseille en octobre. Je pense que l’équipe municipale et les Marseillais seront vigilants et exigeants. Ils sauront se faire entendre, car il y a encore un grand chemin pour engager le changement nécessaire pour la seconde ville de France et le rattrapage républicain indispensable.

« Qui peut croire que soudainement des professeurs se précipiteraient dans les quartiers et écoles, où ils ne sont jamais candidats ? » – Marie-Noëlle Lienemann

Macron ressort une vieille lune des libéraux et de Blanquer, à savoir l’autonomie des chefs d’établissements pour recruter les enseignants et intervenants dans les écoles, et de la souplesse pour les équipes, faisant croire qu’ainsi on combattrait mieux l’échec scolaire…

Qui peut imaginer que soudainement des enseignants plus compétents, plus motivés vont se précipiter pour venir dans des quartiers et écoles dans lesquelles ils ne sont jamais candidats ?

Au contraire, ce choix risque plutôt de tirer vers le bas ces structures scolaires.
Or ces établissements ont besoin d’une forte implication des autorités académiques en direction des équipes éducatives. Trop souvent, ce soutien leur manque face aux difficultés rencontrées ! Mettre les chefs d’établissement comme les grands responsables du projet et de sa mise en œuvre revient, d’une part ,à leur confier une responsabilité excessive et risquée ( est-on sûr qu’ils sont en situation réelle de définir un projet optimal ?), et, d’autre part, à dédouaner les responsables académiques et rectoraux et à accroître les inégalités.

C’est une vision éclatée et inégalitaire de notre service public de l’Education Nationale .

C’est d’ailleurs aussi la thèse défendue par Valérie Pécresse, le week-end dernier lors de son meeting en Corrèze . Elle, elle franchit un pas supplémentaire allant jusqu’à proposer que les écoles soient privées et qu’on donne aux élèves des chèques pour garantir la gratuité…!?
Mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien cette logique concurrentielle, désarticulée de notre système d’éducation qui a été soutenue à Marseille par Emmanuel Macron…
Tout cela au nom de la prétendue souplesse … prétendue, car en fait ce n’est pas de la souplesse mais de la disparité quant aux contenus et aux savoirs transmis.

De la souplesse , il en faut pour favoriser des initiatives, des méthodes diverses mais pas sur les contenus programmatiques et les objectifs à atteindre qui doivent demeurer communs, identiques .

Emmanuel Macron ne fera aucune annonce sur les créations de postes pour dédoubler plus fortement les classes dans tous ces établissements, veiller à ce que les remplaçants soient en nombre suffisant. Cette histoire d’autonomie des chefs d’établissements est non seulement dangereuse pour l’égalité républicaine, mais elle sert aussi de rideau de fumée à l’absence d’enseignants, de surveillants supplémentaires.

On notera au passage qu’il n’a donné aucun chiffre sur les sommes dégagées pour remettre en état les écoles de Marseille… espérons qu’il sera plus net en novembre.

La clef pour la réussite des élèves issus des quartiers et milieux populaires – des autres aussi sans doute – est certainement à chercher dans un lien plus étroit entre l’éducation nationale, le temps extra-scolaire, la culture , le sport, l’éducation populaire … avec des projets de qualité, mis en œuvre dans chaque établissement avec des personnels compétents œuvrant aussi les forces vives de la ville et du quartier.

Au passage, Emmanuel Macron semble louer les cités éducatives mises en place dans certaines communes en « politique de la ville », alors qu’il a fallu batailler ferme pour que ces projets puissent se poursuivre et se développer dans le cadre du plan de relance quand le gouvernement freinait des quatre fers…

Mettre en place une telle réforme suppose que l’Etat finance ces postes , veille à la qualification et compétences des animateurs, et ce partout (et pas seulement dans les territoires attractifs). Mais, si l’intention est parfois énoncée par le chef de l’Etat , aucun moyen n’est dégagé, aucuns postes créés, et en réalité Emmanuel Macron ne porte pas sérieusement cette évolution de notre système éducatif, qui est en fait à l’opposé du démantèlement qu’il envisage vraiment.

Les Outre-mer ne peuvent être tenus responsables de plusieurs années de politiques publiques inadaptées à leurs besoins !

La Martinique, la Guadeloupe et la Polynésie française ont été une à une reconfinées du fait d’une quatrième vague du Covid-19, causée principalement par le variant delta. Cette situation pandémique, qui s’est largement dégradée au mois d’Août, voit le taux d’incidence (nombre de tests positifs pour 100.000 habitants par semaine) atteindre des pics inédits avec plus de 1.165 cas pour la Martinique, 1.747 cas en Guadeloupe et 2.800 cas en Polynésie.

Les personnels soignants des Antilles et de la Polynésie doivent désormais gérer les pénuries de lits et de matériels au jour le jour. Ainsi, en Martinique et en Guadeloupe, l’accès des malades aux soins intensifs fait l’objet d’un tri drastique et dramatique avec des évacuations vers des hôpitaux de l’Hexagone. Heureusement, qu’au-delà des failles de l’État, c’est dans un élan de solidarité nationale que se sont organisées des renforts humains et matériels pour appuyer et soulager les structures sanitaires sur place.

Mais pourquoi une telle flambée épidémique ? Selon les autorités, elle est due à un faible taux de vaccination des populations des Antilles. Ainsi, en Martinique l’Agence Régionale de Santé (ARS) dénombre un taux de couverture vaccinale de 21,2% de la population majeure, 32,86% en Guadeloupe (contre 41,74% à Saint-Martin et 71,63% à Saint-Barthélémy) et 29,3% en Polynésie contre 68,5% à l’échelle de la France entière.

Pourquoi un aussi faible taux de vaccination ?

Pour expliquer ce faible taux de vaccination, certains parlent de réticences culturelles, dues entre autres à l’insularité, et à « un manque de responsabilité » des populations concernées face à la campagne vaccinale. D’autres sont même allés jusqu’à mettre en avant une « inclinaisons des populations » à se protéger de la maladie en pratiquant le Voodoo ou encore d’autres rituels mélangés à la médecine traditionnelle. La Gauche Républicaine et Socialiste rejette en bloc de telles insinuations qui ne font que stigmatiser nos compatriotes ultramarins tout en dédouanant l’État de ses responsabilités.

D’une part, n’oublions pas que ces territoires, ont un passé complexe du fait des blessures historiques héritées du passé colonial de notre pays et de l’esclavage. Certaines plaies sont encore ouvertes et reste alimentées par les erreurs stratégiques de l’État et les manques en termes de politiques publiques adéquates dans ces territoires. Cela ne permet pas d’améliorer la situation et la vision qu’ont une partie de nos compatriotes ultramarins vis-à-vis de la France Hexagonale.

D’autre part, ces territoires n’ont pas attendu la pandémie de Covid-19 pour connaître des difficultés sanitaires. Les problématiques engendrés par la pollution des Antilles par l’usage de la chlordécone et le flou qui existe autour des retombées radioactives des essais nucléaires en Polynésie en sont les meilleurs exemples. Les populations ont ainsi pu y constater les défaillances de l’État quand il aura été question de mettre en place des politiques de reconnaissance et de réparation adaptées à ces deux catastrophes sanitaires et écologiques.

D’ailleurs, la régularité des promesses, souvent non-tenues, et les déclarations dissonantes des membres du Gouvernement n’ont fait qu’alimenter les craintes et les angoisses des populations. Il n’y a donc rien d’étonnant quand on voit que les décisions et les annonces des autorités soient peu comprises, jugées incohérentes et vécues comme des « mensonges d’État ». Rappelons que les premières plaintes portées contre les ARS et le Préfet pour refus de traitements à l’hydroxychloroquine provenaient justement de la Guadeloupe et de la Martinique.

À partir de ce constat, comment pouvons-nous espérer créer une adhésion autour d’un vaccin produit en l’espace d’un an alors que des traumatismes profonds existaient déjà depuis plusieurs décennies ?

Des déserts hospitaliers patiemment installés

Une autre illustration concerne la lenteur de l’État à agir sur les problématiques hospitalières. Pour ne prendre que l’exemple de la Martinique, cela fait plusieurs années que le Centre Hospitalier Universitaire subissait une situation très dégradée avec des difficultés notamment sur les conditions de travail des agents hospitaliers, des manques d’effectifs de personnels de santé et de médicaments et de produits de désinfection, des locaux vétustes, des manques en matière d’équipement, etc. Il aura fallu attendre plusieurs années, des manifestations régulières et une pandémie, malgré les appels récurrents des élus locaux, pour qu’une enveloppe de 500 millions d’euros soit octroyée par le Gouvernement, seulement en mars 2021. Pendant ce temps, les populations souffraient en temps normal de difficultés d’accès aux soins.

Comment espérer qu’une enveloppe budgétaire, arrivée trop tard, puisse permettre aux structures hospitalières de s’armer correctement face à la virulence de la dernière vague pandémique ? Une communication appropriée et un travail de pédagogie sur l’importance de la vaccination auraient été plus efficaces que des moyens financiers tardifs.

Catastrophe économique et sociale

Au-delà des effets sanitaires de la pandémie, les implications économiques pour ces territoires sont terribles. Les Outre-mer connaissaient déjà des freins structurels alimentés par les spécificités telles que l’éloignement géographique, les conditions climatiques difficiles et de moins en moins prévisibles, et l’insularité. Pour rappel, la première vague épidémique avait eu des effets négatifs en Martinique avec un recul de la valeur ajoutée totale de 4,4%, 5,1% en Guadeloupe et 3% en Polynésie.

L’année 2021 devait leur permettre de rouvrir les vannes, notamment pour les secteurs en liens avec les activités touristiques et nautiques qui avaient souffert d’un fort manque à gagner. La nouvelle vague pandémique risque d’accentuer la dégradation du tissu économique dans des territoires où le taux de chômage, surtout des jeunes, et les destructions d’entreprises pesaient déjà sur les conditions de vie des populations.

D’autres territoires ultramarins restent fragiles face à cette pandémie, notamment Mayotte – où les infrastructures publiques ne permettent pas de respecter les gestes barrières convenablement – et la Guyane – où les peuples autochtones restent vulnérables. Nous y constatons des freins similaires et les populations risquent d’y connaître des difficultés similaires aux Antilles et à la Polynésie.

Face à cette situation est intenable pour nos compatriotes des Outre-mer, la Gauche Républicaine et Socialiste exhorte le Gouvernement à tout mettre en œuvre pour éviter, au-delà des effets négatifs de la pandémie, un embrasement politique et institutionnel qui pourrait mettre à mal le socle républicain.

L’Hartz et la manière

Depuis 20 ans, l’Allemagne fustige les chômeurs et les pauvres.

Les réformes Hartz4, inspirées par Rudolf Steinmeier, actuel président de la République allemande, à ¨Gerhard Schröder, alors chancelier SPD, et Joschka Fischer, Vice chancelier Vert, ont été notamment mises en œuvre par Olaf Scholz, secrétaire général du SPD chargé de « tenir le parti » au moment du vote de l’agenda 2010, puis ministre du travail de la grande coalition avec Angela Merkel.
Celle-ci a toujours rendu un hommage appuyé à ces réformes du marché du travail.

5 millions d’Allemands en âge d’être actifs sont passés suite aux réformes au statut de récipiendaire du minimum social Hartz4. Selon les théories du marché du travail néolibéral, ils ont choisi leur condition, c’est de leur faute s’ils ne sont pas en emploi.
Hartz4 s’accompagne dès lors d’une batterie de contrôles et de règles privant les 5 millions des plus modestes de leur liberté sur des décisions les plus intimes : logement, se marier ou l’on, avoir un enfant ou non, leur vie est depuis 15 ans sous tutelle.

Ce système de contrôle et de punition – rappelons qu’une jeune femme fut sanctionnée d’avoir refusée de travailler dans un bordel, rappelons que le degré de désespoir des récipiendaires et l’absence de salaire minimum vit l’Allemagne offrir des salaires à 1,5 Euro de l’heure – est bien sûr inefficace quant à la réinsertion professionnelle : 5 millions de personnes étaient sous le régime en Hartz4 en 2008, elles y étaient toujours en 2018.

La stratégie de la déflation salariale

Dans la même période, la déflation salariale, à peine ralentie par la mise en place d’un salaire minimum à partir de 2013, a fait passer le taux de pauvreté de 11% en 1998 à 17% en 2019.
Dans la même période, l’Allemagne a été l’un des pays les plus prospères d’Europe, voyant à partir de 2010 ses excédents commerciaux dépasser plus de 6% du PIB – une limite pourtant jugée aussi essentielle à la stabilité de la zone euro que la limite de 3% de PIB de déficit public, mais à laquelle l’Allemagne ne fut pas tenue de se tenir – et accumuler chaque année plus de 200 milliards d’euros en excèdent de sa propre consommation.

Sous Angela Merkel, alors que 17% des Allemands (1 salarié sur 10) est sous le seuil de pauvreté, l’Allemagne a accumulé plus de 2.200 milliards de liquidités grâce à son excédent commercial qu’elle n’a ni réinvestie ni consommée.
Le choix a été fait de faire monter le bas de laine des plus riches plutôt que de préparer le pays aux enjeux du futur : crise climatique, crise démographique, retard d’infrastructures technologiques, retard pédagogique et risques sanitaires.
Les pauvres payent la facture.

Aujourd’hui, dans ce contexte où le taux de chômage de moins de 5% ne décrit pas la réalité sociale du pays – avoir un emploi ne protège pas de la pauvreté -, le responsable du pôle emploi allemand affirme que l’Allemagne a besoin de 400.000 migrants hautement qualifiés par an.

Industrie alimentaire et spéculation immobilière : symptômes de la crise du système allemand

La crise du Covid a illustré deux bouts de l’économie allemande : en avril 2020, c’est l’industrie agroalimentaire qui devenait le principal foyer infectieux. Alors que l’Allemagne fut relativement épargnée par la première vague, les abattoirs, les foyers d’ouvriers agricoles, les établissements vivant de salariés payés le plus vilement possible, obligés de rembourser leur salaire en payant l’hébergement à leurs employeurs, comme dans le système des mines décrit par Zola dans Germinal, sans contrôle sanitaire, contaminèrent jusqu’à 80% de leurs salariés.
L’Allemagne a découvert que son alimentation pas chère était produite dans des conditions de travail et de salaire qu’un pasteur de Basse-Saxe – la région dont Schröder fut longtemps le président- qualifia « d‘esclavage ».

La déflation sur les biens primaires de consommation était essentielle en contexte de déflation des bas salaires pour empêcher l’apparition d’une force politique alternative.
Les ouvriers qualifiés et les professions intermédiaires et supérieures ont, elles, vu une progression de leurs revenus. Les 25% de salariés les mieux payés en Allemagne ont capté l’essentiel des gains de productivité répartis en salaires.
Ils sont dès lors les alliés objectifs d’une forme de statu quo.
La nécessité de maintenir les cours de consommation bas explique également l’obsession de la puissance publique de ne pas investir, de ne pas moderniser les réseaux de télécommunications, les routes, les ponts, les bâtiments.

Le secteur du logement n’est par contre, à l’autre bout, pas pris en compte dans la mesure de l’inflation. Or, dans un pays de locataires, où des millions de logements étaient en propriété publique, où l’offre abondante permettait de maintenir de bas prix, l’afflux de ces 2.200 milliards de liquidités en 12 ans a complètement déséquilibré ce marché.
Une bulle spéculative immobilière a permis aux principales villes allemandes de rattraper les autres villes d’Europe et a accru (et continue d’accroître) de manière considérable la pression sur les 30 millions de foyers modestes en Allemagne.

Ces deux phénomènes : secteur agroalimentaire offrant de la nourriture moins chère au prix de conditions de travail esclavagistes (expliquant au passage comment l’Allemagne a taille des croupières à l’agro-alimentaire français), refusant par exemple de respecter les lois européennes sur les nitrates et préférant assumer tout à la fois pollution et amende européenne, et secteur immobilier servant de débouché aux liquidités – dans un contexte où l‘État, déflationniste, n’offre pas par l’emprunt d’investissements rémunérés de débouchés – expliquent aussi pourquoi la démocratie allemande est tombée malade.

Alors, on en est pas à la septicémie démocratique à la française, mais la crise allemande du système de représentation suit avec quelques années d’écart la crise sociale.

Nous sommes particulièrement inquiets de l’évolution de la situation. Les élites patronales continuent de réclamer baisses d’impôts, abandon de l’école et immigration qualifiée, pour maintenir la pression sur les salaires à la baisse et délocaliser le coût de la formation sur d’autres pays.
En même temps, c’est un gros tiers de la population allemande qui n’a rien vu des 12 années de prospérité incroyable depuis la crise financière de 2008.

La crise pandémique sert de révélateur à des maladies plus anciennes. Mais la crise climatique ne pourra être affrontée que de deux manières : soit solidairement, et les classes supérieures devrons comprendre leur responsabilité particulière et donc la légitimité à leur réclamer l’essentiel de l’effort national, soit chaque classe pour soi, et c’est la promesse de drames bien plus terribles encore que ceux de la crise climatique.
Il n’y avait qu’une famille de pensée en Allemagne qui me semble vouloir affronter ces défis avec courage et lucidité. Elle vient de se faire ostracisée dans le parti politique où elle s’organisait jusqu’alors : Fabio De Masi, d’un côté, et Sarah Wagenknecht (et son mouvement Aufstehen), de l’autre, ont été peu ou prou écartés des postes de direction réels des Linke (et Wagenknecht se remet à peine d’une forme de burn out politique).

Le SPD dominé par un « Schröder-Boy », la droite par un Laschet – synthèse petite bourgeoise d’un Copé et d’un Wauquiez – et les Verts par une Baerbock, soucieuse de son pouvoir plus que la cause, vont décider de l’affaire, pendant que les Linke, après l’épuration des marxistes, restent entre « gauchistes infantiles » et social-démocrates à l’ancienne et sont en route pour manquer les 5% (seuil nécessaire pour être représenté au Bundestag). L‘AfD semble en pleine crise interne ; le FDP est en embuscade pour revenir au pouvoir et empêcher toute redistribution, tout investissement public, toute lutte contre le changement climatique. La réponse ne viendra donc pas de l’élection de septembre 2021, mais des mouvements, associations et nouvelles alliances qui suivrons.

N’attendez pas ici un mot d’hommage à la chancelière qui s’en va. Son règne fut celui d’un immobilisme bourgeois troublé par des foucades électoralistes conduisant dans l’affect à des décisions structurantes malgré elle même.
Ceux qui se félicitent de sa stabilité et de sa réussite économiste crachent au visage d’un tiers des habitants de ce pays qui ont été systématiquement exclu du partage.

https://www.destatis.de/DE/Presse/Pressemitteilungen/2021/03/PD21_113_p001.html?fbclid=IwAR3SJKrXCmVTk9wBmSTzZUr3xNMBLLgmZASNhmt3bEQ5cGPemqE31775oz8#:~:text=113%20vom%2010.,so%20hoch%20wie%20noch%201998

La réponse à la crise climatique passe par la responsabilité collective

Le rapport 2021 du GIEC publié le 9 août 2021 confirme qu’une large partie du changement climatique est désormais irréversible, que ses signes en sont déjà visibles. Les partisans du capitalisme néolibéral et Emmanuel Macron vont tenter à nouveau d’insister sur la responsabilité des comportements individuels ; pourtant c’est bien notre modèle économique qui doit radicalement changer, alors même qu’aucune théorie économique contemporaine n’intègre l’énergie (et donc la production de CO2 dans ses modèles), ce qui nous laisse relativement démunis. Quelques semaines après le fiasco de la loi « climat résilience » et le coup monté sur le référendum constitutionnel, Emmanuel Macron continue de ne pas comprendre qu’il faut des actes et non un plan de communication pour la présidentielle. Nous allons devoir inventer et bouger vite.

Dans son dernier rapport le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) confirme l’importance et l’origine humaine du réchauffement climatique planétaire. Par rapport à la deuxième moitié du XIXème siècle, la température moyenne de la décennie 2010-2020 a augmenté de près d’1,1°c. Ce réchauffement inédit est directement induit par l’augmentation de la concentration dans l’atmosphère des gaz à effets de serre (CO2 mais aussi méthane) émis par l’activité humaine. Indépendamment des futures mesures mises en œuvre, ce réchauffement va se poursuivre sur une durée longue. Après une partie constat, le rapport du GIEC montre dans une partie prospective l’impact de différents scénarios d’émissions carbone (de la neutralité jusqu’à l’accélération en passant par la maîtrise) sur l’évolution du climat, l’ampleur du réchauffement dans les prochaines décennies. Même dans les hypothèses les plus optimistes, les changements seront majeurs.

Le réchauffement moyen de la planète s’accompagne d’une montée du niveau des eaux océaniques qui va impacter l’ensemble des zones côtières. Il induit aussi une augmentation de la fréquence des événements extrêmes : canicules, sécheresses, crues, inondations et pluies diluviennes, cyclones, etc. Les scénarios les plus pessimistes n’excluent plus la survenue de phénomènes majeurs, tels que des changements de courants océaniques susceptibles de modifier de façon violente le climat de l’Europe de l’ouest.

L’humanité se trouve ainsi confrontée à un défi majeur ; ses conditions d’existence seront mises à rude épreuve dans les décennies à venir. Il importe tant de travailler à réduire les émissions de gaz à effets de serre pour limiter l’ampleur du réchauffement que d’organiser et de préparer nos sociétés à vivre au mieux dans ce nouvel environnement. Pourtant, depuis la création du GIEC en 1988, la remise de son premier rapport sonnant l’alarme climatique en 1990 et le premier sommet de la planète à Rio en 1992, rien n’a vraiment bougé : année après année les émissions mondiales de CO2 ont continué de croître et les températures moyennes de monter. Même la remise commune d’un prix Nobel de la paix au GIEC et à Al Gore qui s’était beaucoup démené pour communiquer sur l’urgence climatique n’y a rien fait.

Le problème est certes global et nécessite des politiques concertées à l’échelle mondiale. L’exemple du trou de la couche d’ozone au dessus des pôles, causé par les gaz chloro-fluro-carbonés (CFC) montre pourtant qu’une telle action internationale est possible. L’interdiction mondiale des gaz CFC a permis de régler cette question et de restaurer la couche d’ozone en une quinzaine d’années.

Si la question climatique est incomparablement plus difficile à résoudre, c’est qu’elle frappe au cœur de l’organisation de nos sociétés. Les émissions de CO2 sont en effet presque parfaitement corrélées avec le PIB. Elles reflètent très directement l’énergie que nous consommons pour nous déplacer, nous chauffer, fabriquer, bâtir, transformer notre environnement. Réduire drastiquement les émissions de CO2 remet directement en cause notre modèle économique.

Au niveau international, la responsabilité historique des pays les plus développés, auteurs de la majorité des émissions cumulées depuis le début de l’ère industrielle se couple à la responsabilité croissante des pays émergents (Inde et Chine en premier lieu) qui prennent une part toujours plus importante, bientôt majoritaire aux émissions annuelles. La question climatique va naturellement induire des tensions géopolitiques entre les pays les plus riches et les pays encore en développement.

Mais réduire drastiquement les émissions de CO2 nous impose surtout de changer de modèle de société, de changer radicalement de modèle économique. Songeons qu’aucune des théories économiques contemporaines n’intègre l’énergie dans ses modèles alors même que c’est bien la maîtrise de nos dépenses énergétiques qui va engager notre avenir dans les décennies à venir.

Le capitalisme néo-libéral, basé sur l’exploitation et la mise en concurrence illimitées des ressources humaines et environnementales, est profondément démuni face à l’enjeu du changement climatique. La dictature court-termiste de l’optimisation des coûts et de la maximisation des rendements est largement responsable des déséquilibres sociaux et environnementaux, elle ne saurait en être la solution. Bien sûr, au niveau national, comme pour la pandémie au COVID 19, il faut s’attendre à ce que, face à un problème aussi global, Emmanuel Macron et son gouvernement cherchent à évacuer les causes structurelles pour insister sur les responsabilités individuelles. Il faut s’attendre à la mise en place de politiques d’incitation. Et comme celles-ci seront inefficaces, il faut s’attendre à toujours plus d’autoritarisme et de coercition.

Comme la pandémie mais à plus grande échelle et sur une durée plus longue, le réchauffement climatique s’annonce porteur de désordres et d’inégalités qui vont affecter profondément nos conditions d’existence. Comme pour la pandémie, les populations les plus affectées seront les plus fragiles du point de vue social et économique.

Répondre aux questions posée par le réchauffement du climat impose de cesser de s’en remettre aux trop classiques mécanismes individuels d’incitation qui sont fondés sur la logique des marchés. Cesser de s’en remettre aux marchés, c’est à dire mettre en place des politiques publiques de long terme, en un mot : planifier. Ces politiques ne pourront être mises en œuvre efficacement que si elles sont solidaires et ne laissent personne sur le côté. Il importe pour cela de retrouver le goût du débat public et de l’action collective. C’est par l’approfondissement de la démocratie bien plus que par la dictature de l’urgence que nous pourrons élaborer des solutions collective. La question climatique sera à n’en pas douter le défi des décennies à venir. Être à la hauteur de ce défi suppose en particulier de commencer par sortir de l’affrontement stérile entre xénophobes et démophobes qui monopolise les médias et de mettre la question climatique et ses conséquences au centre des débats politiques. La Gauche Républicaine et Socialiste prendra toute sa part dans ce combat politique.

“On peut reprocher à la France d’être peu combative”

Marianne · entretien publié le 6 août 2021 · PROPOS RECUEILLIS PAR R.S.

Marianne : Dans sa note, l’École de guerre économique explique que l’Allemagne cherche à imposer ses règles et à affaiblir la France, dont le modèle est fondé sur le nucléaire. Est-ce quelque chose que l’on constate au Parlement européen ?
Emmanuel Maurel : Il y a une offensive des Allemands pour leur « mix éolien et gaz ». Nos voisins prennent appui sur une entente entre les lobbies industriels et certains écologistes. Le problème, c’est que, sur le plan environnemental, ce modèle est intenable. Ses émissions de CO2 demeurent très élevées, bien plus qu’en France. Mais on ne peut pas ignorer les arguments contre le nucléaire. Les populations refusent l’enfouissement des déchets, qui resteront toxiques des dizaines (voire des centaines) de milliers d’années. On ne pense pas non plus assez à l’assèchement et au réchauffement des rivières utilisées aujourd’hui pour refroidir les réacteurs. Si on est lucide, le nucléaire l’emporte sur le gaz et a fortiori sur le charbon, mais faut-il pour autant l’exalter dans cette taxonomie européenne ? Je ne suis pas sûr. Je pense qu’il faut explorer d’autres pistes, au premier rang desquelles les économies d’énergie.

L’une des failles du modèle allemand, c’est qu’il s’appuie en partie sur la fourniture du gaz russe, au risque d’une dépendance européenne envers la Russie…
Sur « Nord Stream 2 », j’ai une position modérée. Si l’on s’oppose aux Russes sur ce gazoduc, qui est assemblé à 95%, on se met dans la main des Américains, qui veulent rendre l’Europe dépendante de leur gaz à eux en usant du chantage des sanctions extraterritoriales. Est-ce qu’on veut couper tout contact avec les Russes et dépendre encore plus des Américains ?

Historiquement, l’Europe s’est bâtie sur des enjeux énergétiques convergents avec le CECA en 1951. Pourquoi constate-t-on une divergence de fond sur ces enjeux stratégiques ?
Avec la France et l’Allemagne, on est confronté à deux États aux intérêts de plus en plus divergents. Les tensions vont au-delà des sujets énergétiques. On a vu cette divergence lors des négociations sur l’accord d’investissement avec la Chine, par exemple. L’Allemagne a précipité la signature de cet accord lors de la dernière semaine de sa présidence du Conseil européen, en décembre 2020… Autrefois, elle cherchait des compromis par fidélité à la construction européenne, aujourd’hui elle veut imposer son point de vue. Mais on pourrait aussi reprocher à la France d’être peu combative, et par là-même moins influente…

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