Contre le Front républicain, Emmanuel Macron promeut une alliance de fait Droite/RN

Marie-Lienemann, ancienne ministre, ancienne parlementaire et coordinatrice nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste était l’invitée de BFMTV samedi 7 septembre 2024 vers 11h30 pour débattre de la situation politique, qui ne cesse de se dégrader depuis des mois du fait du refus d’Emmanuel Macron de reconnaître sa défaite électorale des 9 et 30 juin et 7 juillet derniers.

Elle débattait avec Agnès Evren, sénatrice LR de Paris, Charles Sapin, journaliste au Figaro, et Arnaud Benedetti, politologue.

Il est de plus en plus clair que le Président de la République a immédiatement bafoué le front républicain et mis en place une alliance de fait Droite/RN. Pour certains, ce serait la faute de la gauche : vaste fumisterie !

Emmanuel Macron a agi en chef de clan et non en Président : avant toute chose, il ne voulait ni revenir sur le départ en retraite à 64 ans, ni la hausse du smic pour atteindre 1600 euros, ni des mesures significatives de justice fiscale pour restaurer les comptes publics et la qualité des services publics.

La gauche doit rester unie et prête à faire face aux mauvais d’un exécutif qui s’appuie désormais sur une majorité parlementaire qui va de Renaissance au Rassemblement national.

Barnier à Matignon : le bras d’honneur de Macron aux Français

L’interminable série de consultations conduites par le Président de la République pour ne pas nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire a pris fin aujourd’hui de la pire des manières.

En choisissant Michel Barnier, dernière roue du carrosse LR, Emmanuel Macron a balayé d’un revers de main les résultats de sa propre dissolution ; et fait un bras d’honneur aux millions d’électeurs de gauche qui ont sauvé la moitié de son groupe parlementaire à l’Assemblée.

Pire : l’Elysée a négocié en direct avec Marine Le Pen les conditions d’une neutralité bienveillante des députés RN en cas de dépôt d’une motion de censure !

Le nouveau Premier ministre, qui lors de la primaire LR avait proposé d’abolir des pans entiers de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, ne manquera pas de détailler les termes de cet accord lors de son discours de politique générale.

Les milieux d’affaires et les marchés financiers sont les vrais gagnants de cette forfaiture démocratique. Leur effroi à l’idée d’augmenter les salaires et contribuer davantage aux charges publiques s’est instantanément dissipé. Les dividendes défiscalisés et autres subventions sans contreparties continueront d’arroser leur cours de bourse.

Macron n’a jamais été préoccupé par une quelconque « stabilité institutionnelle ». Son obsession cardinale demeure la préservation des privilèges de son noyau dur de supporters, sous l’œil vigilant de Bruxelles, rassurée par « Barnier l’européen ».

Nos concitoyens n’ont à présent sous les yeux qu’un régime crépusculaire accaparé et dénaturé par un Président méprisant et solitaire. Il reviendra aux forces de gauche de s’opposer radicalement à la poursuite de sa politique d’austérité néolibérale et autoritaire.

Allemagne : Minuit moins le quart

Voici les nouveaux résultats pour les élections en Thuringe et en Saxe, deux régions d’Allemagne de l’Est qui votaient aujourd’hui. La participation fut convenable. C’est en Thuringe un triomphe pour le parti d’extrême droite AfD, premier avec 33,4%.

L‘AfD menée ici par Björn Höcke n’est pas comparable au RN ou à Fratelli d’Italia de Meloni : c’est beaucoup plus radical, assumant d’être catalogué « néofasciste » par la justice allemande, et « catégorie S » par les services de sécurité intérieur. Björn Höcke assume avoir milité jeune dans un groupe néonazi et avoir des candidats néonazis.

Aucun autre parti ne souhaite s’associer avec eux. Mais ayant obtenu 33,4% des suffrages ils obtiendrons plus de 33% des sièges et auront un rôle de blocage, ainsi que la présidence du parlement du Land. L’AfD vient d’annoncer qu’ils regarderaient très en détail les nominations de juges et enseignants – compétence parlementaire et qu’ils peuvent bloquer avec le niveau qu’ils ont atteints.

En Saxe, les chrétiens démocrates de la CDU sont de justesse devant. Mais là aussi l‘AfD va jouer un rôle important.

Dans les deux régions, les Linke, le parti issu des anciens communistes de l’Est (le SED, puis le PDS), s’effondrent. En Thuringe, la popularité du président de la région, issu des Linke, n’a rien pu empêcher. En Saxe, les Linke manquent le score minimum de 5% mais vont gagner directement deux circonscriptions à Leipzig, illustrant à merveille l’impasse de la stratégie qu’ils ont choisi depuis quelques années et que suit également La France Insoumise en France. Ils sauveront une présence minimum au parlement. Les écologistes ont le même problème : vote urbain bourgeois, ils sont ratiboisés en Saxe mais emportent les deux autres circonscriptions de Leipzig.

C’est le nouveau parti de Sahra Wagenknecht, BSW, gauche conservatrice sur les questions sociétales, qui emporte l’électorat abandonné par les Linke, empêchant leur dérive vers l‘AfD. Sans le BSW, l‘AfD serait au dessus de 40%.

Sahra Wagenknecht, fondatrice du parti Alliance Sahra Wagenknecht (Bündnis Sahra Wagenknecht, BSW), en meeting le 29 août dans la ville d’Erfurt, capitale du Land de Thuringe. © Martin Schutt/AP/SIPA

La coalition au gouvernement à Berlin est sanctionnée lourdement. En Thuringe, où le FDP local (le parti libéral allié à Renaissance) avait un temps fait alliance avec l’AfD de Höcke, ils sont balayés, seulement 1,2%. Les libéraux ne serons plus représentés. Le SPD est le parti qui résiste sur un socle très bas. En Saxe, la coalition gouvernementale rassemble 15%, les libéraux n’aurons pas de sièges, les écologistes en sauvent deux à Leipzig, le SPD revient de très loin…

Rappelons qu’à Berlin gouverne, plutôt mal que bien, la coalition rêvée d’Emmanuel Macron : un social-démocrate libéral comme Chancelier, un ministre des finances libéral-centriste, des verts libéraux. C’est un désastre.

La CDU a annoncé dès ce soir vouloir établir un front républicain avec un cordon de protection contre l‘AfD. Il a donc proposé une coalition à l’alliance de Sahra Wagenknecht. Celle-ci l’a accepté, écartant catégoriquement toute collaboration avec l’AfD « néofasciste ». En Thuringe, les Linke soutiendrons, en Saxe, le SPD serait d’accord.
Mais cette alliance va devoir traiter au fond les échecs de la République fédérale allemande depuis 2003 et l’agenda 2010 de Schröder, suivi des années erratiques et sans investissement d’avenir d’Angela Merkel, dont le gouvernement actuel paye les factures cachées, guerre Russie-Ukraine incluse.

Regarder les réalités en face, c’est reconnaître l’absurdité de la règle d’or, la profonde injustice de la répartition de la prospérité des années 2009-2019 et les profonds traumatismes des années 2015-2023, avec deux vagues de réfugiés d’un million de personnes chacune, suscitant plus de solidarité que les 17% de pauvres, dont 10% de salariés pauvres, mais aussi la crise du Covid et l’impact de l’inflation sur les ménages populaires.

Pendant ce temps, les grandes entreprises augmentent leurs dividendes selon un modèle que nous avons observé en France : il conduit à la perte de l’industrie, des inégalités, et l’asphyxie des services publics.

Il est minuit moins le quart.

Fin septembre, la région du Brandebourg, qui encercle Berlin, est la prochaine à voter.

Mathias Weidenberg (GRS, Berlin)

L’enseignement n’est visiblement pas prioritaire dans la gestion des « affaires courantes »

À une semaine de la rentrée, les formateurs/professeurs préparant les étudiants aux épreuves des concours de recrutement ne disposent toujours pas de programmes pour le CAPES de 2026, et donc aucune assurance que ce qu’ils vont commencer à enseigner à leurs étudiants en première année de Master sera ensuite bien au concours.

Cette situation est très inconfortable tant pour les enseignants que pour les étudiants.

Le gouvernement démissionnaire a pourtant pris dans le courant de l’été 2024 des décisions bien plus lourdes que celle-là.

L’éducation ne semble vraiment pas être sa priorité !

La Gauche Républicaine et Socialiste demande instamment que les mesures nécessaires soient mises en œuvre et, plus largement, qu’un gouvernement réellement chargé des affaires de la nation soit installé, dans toute sa légitimité politique – c’est-à-dire qui soit conforme aux aspirations exprimées par les Français lors des élections législatives anticipées.

Choix du Premier Ministre : Pour un sursaut rapide !

Alors que le président de la République reçoit les principales forces politiques représentées à l’Assemblée nationale, la Gauche Républicaine et Socialiste en appelle à un sursaut politique rapide.

Depuis près de deux mois, la France n’a plus, officiellement, de gouvernement. Cette situation est la conséquence de l’entêtement du chef de l’État, qui multiplie les manœuvres dilatoires depuis le 7 juillet. Son inertie procède d’un déni de réalité. Emmanuel Macron a beau répéter que « personne n’a gagné les élections », il y a bien de grands perdants : la coalition qu’il dirigeait et la politique économique et sociale qu’il conduisait !

Encore plus grave : le gouvernement démissionnaire fait plus « qu’expédier le affaires courantes » et continue de prendre des décisions politiques, comme on l’a vu sur les mesures de gel budgétaire prises par Gabriel Attal, sans aucune concertation ni même communication préalable auprès des parlementaires.

Cette situation ne peut plus durer. En l’absence de majorité, la logique démocratique voudrait que le chef de l’État confie à la coalition arrivée en tête la mission de former un gouvernement, à charge ensuite pour celui-ci de convaincre les députés de la pertinence de son programme.

Lors de son entretien avec les représentants du Nouveau Front Populaire, le Président lui-même avait reconnu que les Français souhaitaient un changement d’orientation politique. Il est donc temps de passer des paroles aux actes !

Nous dénonçons le sectarisme de LR qui, fort de ses 5,4% aux élections législatives, prétend gouverner les Français à droite.

Nous dénonçons aussi la tartufferie des macronistes, qui, après avoir posé comme condition l’absence de représentants LFI dans un gouvernement dirigé par Lucie Castets, surenchérissent à présent en menaçant de bloquer toute mesure non-conforme à leur ligne politique.

Les chantages à la motion de censure, d’où qu’ils viennent, témoignent d’une effarante immaturité politique, car ils remettent le RN au centre du jeu : en effet, pour passer le seuil des 289 députés, la censure ne peut être votée qu’avec leurs voix. En outre, l’instabilité permanente à l’Assemblée favoriserait les discours démagogiques sur la nécessité de mettre au pouvoir un homme (ou une femme) providentiel.

Dès lors, le débat sur le contenu des politiques est le seul qui vaille la peine d’être mené. Qu’est-ce qui, dans les propositions soumises aux Français lors du scrutin de juillet, est de nature à susciter l’assentiment d’une majorité de la population ?

Nous sommes convaincus que les priorités économiques et sociale du Nouveau Front Populaire sont susceptibles de convaincre une majorité de citoyens, quels qu’aient été leurs choix électoraux.

Ainsi, la remise en cause de la réforme des retraites est attendue par une très grande majorité de Français. En abrogeant immédiatement cette loi injuste et cruelle adoptée à la faveur d’un 49.3 honteux, l’Assemblée ferait œuvre de salubrité publique.

À cela doit s’ajouter une action résolue en faveur du pouvoir d’achat. La hausse des salaires, après deux années de forte inflation, se justifie pleinement, surtout pour nos concitoyens les plus modestes. Il est assez paradoxal que les gouvernants successifs rabâchent sans cesse leur attachement à la « valeur travail »… tout en le payant de moins en moins à sa juste valeur !

Au-delà de la hausse immédiate du SMIC, la convocation d’une conférence salariale s’impose. Elle permettrait d’identifier les secteurs prioritaires et d’élaborer les mesures d’accompagnement nécessaires dans certaines entreprises ou branches professionnelles. La revalorisation des salaires dans les métiers de l’éducation ou du soin, longtemps négligés, devra être mise en place à cette occasion.

La situation préoccupante de l’accès aux soins inquiète à juste titre nos concitoyens. Il faut en finir avec les coupes budgétaires et voter un plan pluriannuel de remise à flots de l’hôpital public. La décision absurde et dangereuse de diminuer le nombre d’internes, prise en catimini par le gouvernement sortant, devra être annulée au plus vite.

Les macronistes et la droite rétorquent que les mesures de justice sociale et de renforcement des services publics coûtent cher, a fortiori dans un contexte de marges de manœuvres financières réduites. Mais nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes : ce sont eux qui ont volontairement réduit les recettes fiscales, et accru le déficit public, en accordant toujours plus d’exonérations aux plus riches ! Pour pouvoir agir, nous n’avons donc pas d’autre choix que créer immédiatement une taxe temporaire sur les super profits, supprimer la « flat tax » et créer un nouvel ISF.

Mais retrouver des recettes, c’est aussi créer des richesses. Cela passe par le soutien à notre tissu productif et à une vraie politique de réindustrialisation.

La reconquête de notre souveraineté économique et technologique peut et doit faire l’objet d’un consensus transpartisan. Militants inlassables du « Fabriqué en France », nous savons que notre pays dispose d’atouts incomparables pour relancer des filières françaises de production de biens industriels.

Les aides aux entreprises doivent êtres revues en fonction de ces objectifs. Il faut donc non seulement des contreparties en terme d’emplois et d’investissements, mais aussi un criblage des secteurs prioritaires (transition écologique, nouvelles technologies…).

En outre, nous devons mettre en place une véritable stratégie d’intelligence économique, à la fois offensive et défensive, pour protéger nos entreprises de la voracité de nos concurrents.

Ces mesures contribueront à améliorer immédiatement la vie de nos concitoyens et à préparer l’avenir.

Il ne nous a certes pas échappé que le Nouveau Front Populaire n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et nous ne versons pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ».

Nous sommes simplement convaincus que cette feuille de route rapidement esquissée permettra au pays et aux Français d’aller mieux.

Pour la Gauche Républicaine et Socialiste
Marie-Noëlle Lienemann, ancienne sénatrice, ancienne ministre
Emmanuel Maurel, député du Val-d’Oise
Co-fondateurs de la Gauche Républicaine et Socialiste

Emmanuel Maurel sur BFM : Macron doit cesser de jouer et doit nommer un(e) Premier(e) Ministre !

Emmanuel Maurel, député GRS, était l’invité de BFM TV le lundi 19 août 2024 pour débattre avec Andrea Kotarac, porte-parole du RN, et Maud Gatel, secrétaire générale du MoDem.

Seul député sur le plateau, il a rappelé que la priorité n’était pas de savoir s’il fallait destituer le Président de la République Emmanuel Macron (procédure que l’on sait d’avance condamnée à l’échec) mais de rappeler l’exaspération que provoque son comportement pour le moins irresponsable.

Or cette exaspération est parfaitement légitime face à un locataire, qui verse dans l’inertie volontaire et dans le déni de réalité pur et simple. Pendant ce temps, le gouvernement « démissionnaire » décide de couper drastiquement dans les dépenses publiques ! Il est temps qu’Emmanuel Macron arrête de jouer avec les Français et nomme un Premier ministre : il faut qu’un gouvernement légitime travaille enfin au service des Français de leurs demandes en termes de pouvoir d’achat, de réparation de l’injustice politique et sociale qu’a représenté le passage en force sur la réforme des retraites, de relance écologique de l’économie et de la production et aussi de restauration des services publics.

Au Venezuela, Maduro contre le chavisme

Alors que le Venezuela est entré dans une nouvelle crise électorale et politique qui effraie l’Amérique du Sud (et accessoirement semble toujours diviser la gauche française), notre camarade Vincent Arpoulet, spécialiste de l’Amérique latine, décrypte la situation politique et présente les enjeux et les intérêts qui s’affrontent.

« Le principe fondamental de la souveraineté populaire doit être respecté par le biais de la vérification impartiale des résultats ». Voilà l’objectif prioritaire établi au sein du communiqué publié par les diplomaties brésilienne, colombienne et mexicaine en vue de trouver une issue pacifique à la crise politique qui fracture actuellement le Venezuela.

Si celle-ci ne cesse de s’aggraver depuis que Nicolas Maduro a succédé, en 2013, à Hugo Chavez à la tête de l’État vénézuélien, elle a récemment été exacerbée par les auto-proclamations successives, au soir du dernier scrutin présidentiel qui s’est tenu le 28 juillet, de Maduro ainsi que de son principal opposant de droite Edmundo Gonzalez, avant même la publication des procès-verbaux de l’intégralité des bureaux de vote par le Conseil National Électoral (CNE). Ce dernier prétend avoir été victime d’un piratage informatique l’empêchant, jusqu’à ce jour, de rendre publics l’ensemble des votes qui sont, au Venezuela, réalisés par voie électronique. Or, cette publication est particulièrement attendue en raison du fossé béant qui sépare les résultats nationaux proclamés par le CNE (selon lesquels le président sortant aurait été réélu dès le premier tour avec 52% des voix) et les premiers sondages de sortie des urnes qui plaçaient l’opposition largement en tête. C’est pourquoi, face à la difficulté de tirer le vrai du faux dans un tel contexte, les différents gouvernements de gauche latino-américains mettent l’accent sur la nécessité d’assurer une médiation entre les différentes forces en présence en vue d’aboutir à un audit public des votes, seule manière à leurs yeux de garantir la souveraineté du peuple vénézuélien. Et au vu de l’empressement d’un certain nombre de grandes puissances à reconnaître la victoire du camp le plus susceptible de sécuriser leurs intérêts stratégiques au sein de cet État pétrolier (à l’image de la Chine et de la Russie favorables à Maduro, mais également des États-Unis partisans de Gonzalez), difficile de leur donner tort.

Ces gouvernements prennent ainsi ouvertement leurs distances vis-à-vis d’un certain nombre de dirigeants conservateurs de la région qui, alignés diplomatiquement sur Washington, ont rapidement apporté leur soutien à Edmundo Gonzalez. C’est notamment le cas du président équatorien Daniel Noboa ou de son homologue argentin Javier Milei, qui ne sont par ailleurs pas particulièrement réputés pour leurs préoccupations démocratiques. Cependant, le Brésil, la Colombie et le Mexique s’éloignent tout autant du président vénézuélien sortant – fait particulièrement notable au vu de la proximité entre les rhétoriques anti-impérialistes de figures telles que le président brésilien Lula et celle du gouvernement maduriste.

Cette prise de position peut notamment s’expliquer par le fait qu’au-delà des suspicions de fraude lors du dépouillement, ce scrutin a été biaisé dès le départ par l’invalidation, sur la base de motifs plus ou moins fondés, de plusieurs candidatures d’opposition. Le cas le plus médiatisé est celui de Maria Corina Machado, figure conservatrice ayant largement remporté les primaires organisées au mois d’octobre 2023 par la Table de l’unité démocratique, principale coalition d’opposition au madurisme. Or, celle-ci est déclarée inéligible par la justice vénézuélienne pour avoir appuyé et tiré profit du gel d’un certain nombre d’actifs nationaux placés dans les institutions bancaires de plusieurs États reconnaissant la légitimité de Juan Guaido, l’un des fers de lance de l’opposition qui s’est autoproclamé président du pays entre 2019 et 2023. Si l’utilisation de ces actifs par un dirigeant dont la légitimité démocratique est plus que contestable s’inscrit effectivement dans une forme d’ingérence n’ayant fait qu’aggraver le délitement de l’économie, ainsi que de la société vénézuélienne, il ne s’agit que d’un argument parmi d’autres utilisés pour marginaliser du scrutin un certain nombre d’autres partis d’opposition bien moins suspects d’être à la botte de velléités impérialistes. C’est le cas des oppositions de gauche au madurisme, comme le démontre notamment le reportage réalisé par la politiste Yoletty Bracho pour la revue de critique communiste Contretemps1. L’un des représentants de la gauche vénézuélienne lui confie notamment : « Il est impressionnant de voir que la droite a pu avoir son candidat, mais que c’est nous à gauche qui n’avons pas le droit d’avoir de candidat. Nous n’avons pas de représentation lors de ces élections »2. Sous-entendu, le madurisme s’est détourné de la gauche du paysage politique. Un virage à droite confirmé par le fait que le Parti Communiste Vénézuélien (PCV) est récemment entré dans l’opposition, dénonçant la crise d’un « modèle de capitalisme dépendant (…) en contradiction avec les intérêts des travailleurs »3.

Alors qu’on présente une confrontation entre Madurisme et extrême droite, c’est la gauche vénézuélienne qui est en réalité écartée du débat politique et des solutions

Ce modèle de capitalisme dépendant repose quasi exclusivement, depuis le début du XXe siècle, sur les revenus générés par les abondantes réserves pétrolières dont dispose le pays. Les données publiées par la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL) mettent en lumière le quasi-monopole occupé par les ressources pétrolières dans les exportations vénézuéliennes dans la mesure où elles représentent environ 85% des produits vendus par le pays sur la scène internationale4. Si cette structure économique n’est pas fondamentalement remise en cause par l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999, celui-ci modifie en revanche radicalement les modalités d’allocation de ces ressources. En réaffirmant la prédominance de la puissance publique dans la gestion de l’intégralité du processus d’exploitation et de commercialisation des ressources pétrolières, il redirige une majorité des revenus issus de ces activités vers l’État qui est alors en mesure de développer un certain nombre de programmes de redistribution sociale. Cela conduit notamment à une diminution significative de l’extrême-pauvreté qui passe de 22,6% à 8,2% de la population entre 2002 et 2012. Cependant, le fait que ce modèle social repose quasi exclusivement sur les revenus générés par les exportations pétrolières le rend particulièrement dépendant aux variations du prix du baril à l’échelle internationale. Et s’il augmente globalement de manière continue au cours des années 2010, il chute subitement de 100 à 80€ entre 2013 et 2014, ce qui expose l’économie vénézuélienne à une dégradation des termes de l’échange. En effet, si la hausse considérable des exportations de ressources pétrolières provoque un afflux massif de devises en dollars, celles-ci doivent être converties en bolivar, la monnaie nationale vénézuélienne. Or, la contrepartie de la spécialisation dans la production pétrolière est que le Venezuela doit importer de nombreux biens manufacturés nécessaires à la satisfaction de la demande interne, de même que l’ensemble des équipements nécessaires à son industrialisation qui ne sont pas produits sur place. Il se trouve que les importateurs doivent directement régler ces importations en dollars, et non en devises nationales. Lorsque les importations deviennent plus importantes que les exportations, la demande de dollars sur le marché des changes devient plus importante, ce qui déprécie le prix de la monnaie nationale en comparaison du dollar. Le prix de toutes les importations augmente alors puisqu’il faut plus de devises nationales pour se procurer un dollar. C’est pour faire face à cette hémorragie de devises que, tout en conservant officiellement une rhétorique radicalement anti-impérialiste, le gouvernement vénézuélien laisse libre cours à la dollarisation officieuse de son économie. Or, la manière dont s’opère cette dollarisation ne fait qu’accroître la précarisation d’une part significative de la population. En effet, si la plupart des emplois restent rémunérés en bolivar – c’est notamment le cas de l’intégralité des travailleurs de la fonction publique –, la majorité des prix se calent désormais sur le cours du dollar. C’est ainsi que le prix moyen d’un déjeuner classique oscille autour de 10 dollars dans un pays dans lequel le salaire minimum équivaut à peine à 50 dollars par mois à l’heure actuelle.

Mettre l’accent sur la part de responsabilité du gouvernement dans cette crise économique ne doit pas pour autant conduire à occulter le poids tout aussi important des différentes sanctions internationales imposées depuis 2013, en particulier par les États-Unis. A titre d’exemple, le gel du paiement des ressources exportées aux États-Unis par l’entreprise pétrolière publique PDVSA en 2019 la prive de 7 milliards de dollars, ce qui ne fait qu’aggraver l’hémorragie de devises qui frappe le pays sud-américain. Ces sanctions ont récemment été allégées à la faveur du conflit russo-ukrainien – un certain nombre de pays étant désireux de diversifier leurs sources d’approvisionnement en ressources pétrolières en vue de faire face à l’arrêt des importations de pétrole russe – mais comme en Iran, comme à Cuba, elles produisent toujours les mêmes effets : elles ne frappent que les populations civiles, tout en renforçant le virage autoritaire du gouvernement (justifié officiellement par la nécessité de lutter contre un impérialisme étasunien dont on peut, tout en condamnant les dérives du madurisme, difficilement nier l’existence).

La mise en scène d’une confrontation entre des protagonistes incompétents qui se détournent des intérêts populaires, à leur profit et celui des États-Unis d’Amérique,
de la Chine et de la Russie

Un impérialisme étasunien par ailleurs ouvertement plébiscité par une opposition officielle qui semble tout autant incapable de répondre aux aspirations démocratiques exprimées par les mobilisations en cours. Sachant que les oppositions de gauche et/ou centristes au madurisme ont été marginalisées en amont du scrutin, le président sortant faisait en effet face à la frange la plus conservatrice lors de ce scrutin. Si Gonzalez semble relativement mesuré sur certains sujets tels que l’éducation publique qu’il affirme vouloir préserver, celui-ci ne cesse de s’afficher en compagnie de Maria Corina Machado qui incarne un courant politique dont l’objectif est de revenir purement et simplement au néolibéralisme radical en vigueur avant l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez. Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine, met notamment l’accent sur le fort dogmatisme libéral de Machado qui se traduit par sa volonté affichée, et répétée à de nombreuses reprises, de privatiser PDVSA5. Dans un pays dans lequel cette société est vue comme un joyau de l’État, une telle proposition est particulièrement iconoclaste, y compris au sein de l’opposition au madurisme. Preuve que l’opposition semble à l’heure actuelle noyautée par sa frange la plus radicale. Et ce, d’autant plus que Machado a par ailleurs ouvertement fait appel à de nombreuses reprises à une intervention armée des États-Unis en vue de renverser le chavisme.

En somme, le drame de la situation vénézuélienne, c’est que ni Maduro, ni l’opposition majoritaire ultra conservatrice ne semblent à même de préserver les premiers acquis sociaux du chavisme « première génération » – qui se distingue du madurisme en de nombreux points. Si Chavez inaugure en effet sa première présidence par l’adoption d’une nouvelle Constitution destinée à démocratiser la société vénézuélienne, parallèlement à la réaffirmation de la prédominance du pouvoir politique sur l’armée – le défilé militaire accompagnant traditionnellement la mise en place d’une nouvelle Assemblée constituante n’ayant exceptionnellement pas eu lieu à cette occasion -, son successeur semble à l’inverse assumer de plus en plus ouvertement ses similarités avec les militaires ayant dirigé à plusieurs reprises le pays. En témoigne l’ouverture de centres pénitentiaires de haute sécurité dans lesquels les opposants seront soumis au travail forcé « comme à l’époque »6

Vincent Arpoulet

1 BRACHO Yoletty, «  « Tout le monde sait ce qu’il s’est passé. » Pour une approche de gauche des élections vénézuéliennes », Contretemps. Revue de critique communiste, 6 août 2024 ; https://www.contretemps.eu/gauche-internationaliste-elections-venezuela/

2 Ibid

3 BENOIT Cyril, « Venezuela : les communistes pour une alternative populaire à la crise », PCF, Secteur International ; https://www.pcf.fr/venezuela_les_communistes_pour_une_alternative_populaire_la_crise

4 https://statistics.cepal.org/portal/cepalstat/national-profile.html?theme=2&country=ven&lang=en

5 POSADO Thomas, « Venezuela : Maria Corina Machado, nouvelle figure du radicalisme de droite », France Culture, 26 octobre 2023 ; https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/venezuela-maria-corina-machado-nouvelle-figure-du-radicalisme-de-droite-7868137

6 BRACHO Yoletty, « « Tout le monde …, op. cit.

Retrouvez le communiqué commun de plusieurs partis de gauche français le 9 août 2024

L’émancipation passe par le sport, pas par l’obscurantisme religieux

Si les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont dépassé bien des attentes, que ce soit en termes de médailles françaises, d’ambiance ou d’engouement national, et ce, sans accroc majeur, cela ne doit pas occulter certains points de crispation.

L’un des sujets ayant fait couler beaucoup d’encre est la question de la présence et de l’autorisation ou non des signes religieux ostensibles portés par les sportifs, plus précisément le port du voile islamique ou hijab.

La France est en effet le seul pays à avoir interdit à ses athlètes le port de tout signe religieux, au nom de la laïcité, du refus de « toute forme de prosélytisme, [et de] la neutralité absolue du service public » (ministère des Sports), dans la lignée de la réglementation récente de la FFF, entérinée par le Conseil d’État.

Comme on pouvait s’y attendre, les partisans du communautarisme, assumé ou non, direct ou non, sont montés au créneau. C’est notamment le cas d’un article de Mediapart intitulé « Voile et JO, l’hypocrisie française »1, qui est une mise en cause directe des principes de la République laïque. Edwy Plenel, cofondateur de la plateforme d’information, a ainsi déclaré sur X : « À la cérémonie de clôture des JO Paris 2024, le hijab de la championne néerlandaise Sifan Hassan en joyeuse réponse à l’archaïque interdiction française du voile pour les sportives. »2

Le port du hijab serait donc quelque chose de « joyeux » et la laïcité un « archaïsme ». On marche sur la tête ! Tragique inversion du sens des mots.

Notons d’ailleurs que Sifan Hassan, championne olympique du marathon, a couru sans son voile : preuve que la respiration laïque est possible et nécessaire pour faire son sport correctement. Le porter sur le podium n’est donc pas forcément innocent.

Au-delà des attaques contre le respect des principes républicains demandé aux athlètes français, il est tout simplement reproché aux autorités française l’application de la Charte olympique, qui stipule dans son article 50.2 : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »

Mais le CIO a décidé que le voile relevait du vêtement culturel et non confessionnel. Sans nier l’aspect culturel, le limiter à ce domaine est évidemment un contre-sens et entre en contradiction avec une bonne partie des arguments contre l’interdiction française de son port. Maria Hurtado, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, interrogée sur l’interdiction du port du voile pour les Françaises aux Jeux Olympiques de Paris 2024, a déclaré : « De manière générale, le Haut-Commissariat estime que personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non. » Prise de position hypocrite, car elle se fait contre un pays qui respecte et fait progresser les droits des femmes ; on attend toujours une expression à l’égard d’autres régimes. Qu’en est-il de l’imposition du voile aux sportives de certaines délégations de pays islamistes, notamment iraniennes ? L’Iran avait par ailleurs interdit certaines épreuves, comme la lutte, la boxe, le judo, la gymnastique, la natation ou encore le beach volley, à leurs athlètes féminines. Et qu’en est-il de la « Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » de l’ONU ? Il s’opère un dangereux retournement de valeurs. Hypocrisie encore lorsque le CIO préfère disqualifier la breakdancer afghane Manizha Talash, participant aux Jeux sous les couleurs de l’équipe olympique des réfugiés, pour avoir porté sur son dos une cape avec l’inscription « Free afghan women » (« Libérez les femmes afghanes »).

Malgré leur incontestable réussite sportive et populaire, les JOP ont donné lieu à des commentaires qui témoigne d’une profonde inversion de sens

C’est aussi le cas de l’argumentation principale développée par Mediapart : cela ostraciserait les femmes de la pratique sportive, ce serait une mesure discriminatoire allant à l’encontre de ses prétentions. Les femmes voilées n’auraient ainsi « pas le droit » de participer. Les promoteurs de l’égalité par le hijab taisent à dessein le poids de l’obscurantisme religieux qui interdit aux femmes, ou qui les pousse à s’interdire à elles-mêmes, de retirer le voile. Des sportives le retirent pour pratiquer leur sport, au même titre que des jeunes filles et jeunes femmes le retirent pour aller à l’école.

Le sport tient depuis longtemps une place importante dans notre République, et il doit donc être le reflet de ses principes. Plus encore, lors de la plus prestigieuse compétition sportive internationale, les Jeux Olympiques, on peut considérer que les sportifs exercent une mission de service public, représentant la France, État laïque. Le port de tout signe religieux ostensible serait donc contradictoire avec la mission qu’ils exercent ainsi et qui les apparentent à des représentants de la puissance publique qui ont une obligation de neutralité.

Et plus généralement, c’est l’idée universaliste derrière le sport qu’il s’agit de défendre : toutes et tous se présentent à égalité, soumis aux mêmes règles.

Ce qui s’inscrit en toile de fond de ce débat, c’est bien la confrontation culturelle entre, d’un côté, l’universalisme laïque hérité des Lumières et de la loi de 1905, et de l’autre, un rassemblement hétéroclite, au pire communautariste, au mieux vidant la laïcité de sa substance, la réduisant à la tolérance, au respect de toutes les religions et à la liberté de les pratiquer, faisant disparaître les principes de neutralité et de liberté de conscience (ou de raison). Il s’agit finalement d’une fausse bienveillance, à l’anglo-saxonne, où la liberté et le respect de l’individu et des différences ne valent qu’à la condition que chacun reste en réalité entre soi et ne franchisse pas les limites de sa communauté supposée ou de sa classe. Derrière le mirage qui accompagne un discours sur la liberté absolue de l’individu, il s’agit de masquer l’aliénation et le poids des cultures rétrogrades et patriarcales de certains courants religieux.

Il est à cet aune assez savoureux de considérer que, parmi les leaders d’opinion qui remettent en cause ouvertement ou implicitement les principes de laïcité, on trouve des athées revendiqués qui se paient le luxe d’expliquer à qui voudra bien les entendre ce que c’est que d’être croyant, ce que les fidèles de telle ou telle confession doivent croire et ce qui devrait les choquer. C’est en réalité une posture de condescendance qui n’a rien à envier aux réflexes coloniaux ou néo-coloniaux, une forme de réactivation du mythe du « bon sauvage ». Ainsi, être une bonne musulmane reviendrait en définitive à porter le voile, niant en pratique tout autre rapport possible à la foi islamique pour les femmes. Edwy Plenel n’agit en réalité pas différemment, et on l’a connu plus pertinent sur bien d’autres sujets : ce naufrage philosophique d’un grand intellectuel ne peut que nous attrister. Mais c’est aussi un registre qui a été emprunté à plusieurs reprises ces dernières années par Jean-Luc Mélenchon quand il a expliqué que, pour un véritable croyant, la loi de Dieu était forcément supérieure à celle de la République, le contraire signifiant qu’on serait un « mécréant », ou plus récemment avec ses critiques sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris imposant symboliquement aux chrétiens de se rallier aux interprétations les plus réactionnaires de certaines Églises. « L’Église chez elle et l’État chez lui » énonçait le 14 janvier 1850 Victor Hugo à la tribune de l’Assemblée nationale : il serait judicieux qu’Edwy et Jean-Luc l’appliquent à leurs prises de parole.

Il est temps que chacun se rappelle la maxime de Victor Hugo : « L’Église chez elle et l’État chez lui »

Pour autant, les lois laïques sont-elles suffisantes ? Non, la problématique de fond ne pourra pas se résoudre uniquement par des lois, par le haut. L’École pourra aider évidemment, mais in fine, seul un mouvement partant d’en bas, du peuple, dans un élan démocratique et émancipateur pourra résoudre cette contradiction. Contrairement au gloubi-boulga politique qui sourd régulièrement des interventions d’Ersilia Soudais (députée insoumise de Seine-et-Marne), le principe de laïcité ne se limite pas à la loi de 1905, qui contient à la fois un immense élan d’émancipation et de liberté mais aussi des dispositions de contraintes (sur la police des cultes notamment) que les pouvoirs publics oublient trop souvent de mettre en œuvre. Cette mise en œuvre aurait par ailleurs évité un débat autour de la loi « séparatisme » qui a permis une instrumentalisation indigne de la laïcité (retrouvez notre analyse de cette très mauvaise loi ici).

Mais les lois de 1905 ou de 2004 n’en sont pas moins indispensables pour garantir des espaces de neutralité, pour poser des limites à l’imprégnation de l’obscurantisme et de la religion, surtout dans un contexte international qui connaît depuis quarante ans une offensive politique tout azimut des intégrismes religieux. Faire sauter la digue de la laïcité, c’est laisser un boulevard aux intégristes politico-religieux, pour faire leur prosélytisme mais aussi pour exercer plus de pression, en particulier sur les femmes. La chaîne Public Sénat avait organisé le 9 avril dernier un débat intitulé « Laïcité chez les jeunes : pourquoi ça coince ? »3, durant lequel l’argument « tarte à la crème » a évidemment ressurgi : « C’est toujours les mêmes personnes qu’on cible du doigt [sic] quand on parle de laïcité ». Sans nier le fait que certaines forces politiques à l’extrême droite et à l’extrême centre dévoient évidemment nos principes par idéologie ou opportunisme, il est temps de remettre là-aussi la mairie au centre du village. Si les lois de 1905 et 2004 et le principe républicain de laïcité en général sont « moins compris » par les moins de 20 ans, c’est aussi parce qu’ils font volontairement abstraction du contexte international de montée des opérations politiques instrumentalisant le religieux, que ce soit avec les évangéliques, les sionistes-religieux ou évidemment les islamistes – et qu’ils y sont encouragés par divers influenceurs que les générations plus âgées, ne fréquentant pas les mêmes « médias », ne soupçonnent que peu. Et ils sont également dans le déni sur les conséquences nationales de ce contexte international, avec la montée des courants qui remettent ouvertement en cause les principes républicains et démocratiques et qui exercent une pression sociale et politique dans un nombre croissant de quartier. Il n’est pas indifférent de constater que cette offensive et cette pression rencontrent d’autant plus de succès dans les territoires où la promesse sociale et d’égalité de la République n’a fait que reculer depuis quarante ans ou n’a jamais véritablement connu de mise en application.

Bien sûr, l’on pourra toujours arguer que certaines femmes arrêteront leur pratique sportive. Oui, c’est vrai et c’est regrettable, mais ce n’est sûrement pas la laïcité et ses lois qu’il faut blâmer pour cela, sauf à vouloir se mettre à la remorque de l’islamisme. Car, pour finir, si la problématique internationale de l’oppression obscurantiste ne se résoudra pas par des polémiques lancées à l’occasion des Jeux Olympiques ou d’autres évènements grand public (dont le caractère commercial conduit à minorer la liberté d’expression), elle en dit long sur l’offensive politique en cours des intégrismes politico-religieux en France et de leurs alliés, objectifs ou non. Il appartient à la gauche universaliste de faire front face à ces attaques contre les principes républicains, d’où qu’elles viennent.

Julien Zanin, Céline Piot, Frédéric Faravel et Damien Vandembroucq

1https://www.mediapart.fr/journal/france/090824/voile-et-jo-l-hypocrisie-francaise

2https://x.com/edwyplenel/status/1822765041135034486

3https://www.publicsenat.fr/emission/avoir-20-ans/laicite-chez-les-jeunes-pourquoi-ca-coince-e7

Emmanuel Maurel : « La coalition de gauche est bien plus solide que le croient Macron et les siens » – Marianne

Propos recueillis par Isabelle Vogtensperger et publié dans Marianne le 15 août 2024 à 18h00

Lundi dernier, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, lançait l’idée d’un « Pacte d’Action pour les Français » destiné à opérer une large coalition parlementaire, dont seraient exclus le Rassemblement national et La France insoumise. Pour Emmanuel Maurel, fondateur de la Gauche républicaine et socialiste et député, membre du Nouveau Front populaire, il s’agit avant tout d’une tractation politicienne et d’un déni de la situation politique.
Emmanuel Maurel estime que le « Pacte d’Action » proposé par Gabriel Attal cache en réalité un désir de maintenir une gestion austéritaire des finances publiques sans réelle remise en cause de la politique menée jusqu’alors par la majorité présidentielle. Celle-là même qui a pourtant été largement désavouée par les Français aux dernières élections législatives.
La meilleure stratégie que la gauche puisse tenir est dès lors, selon lui, de défendre son programme. Et il considère que les socialistes ne s’abstiendront pas de combattre la politique de Renaissance-LR, contre laquelle ils ont lutté durant sept ans.

Marianne : Le parti présidentiel tente une large coalition (dont sont exceptés le RN et LFI) avec ce « Pacte d’action » proposé par Gabriel Attal pour réunir gauche et droite. Qu’en pensez-vous ?

Emmanuel Maurel : Je suis surpris par cette initiative du Premier ministre démissionnaire. Il aime à rappeler, comme le président, que « personne n’a gagné » les élections législatives. Mais il y a bien une coalition parlementaire qui a été battue les 30 juin et 7 juillet derniers : c’est celle qu’il dirigeait ! On dit que les relations entre les deux têtes de l’exécutif se sont distendues. Je trouve néanmoins qu’il y a une communauté de pensée qui perdure : leurs tentatives maladroites procèdent du même déni de la situation politique.

Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait avoir une discussion féconde, de nature à déboucher sur une cohérence d’action, en s’adressant aussi bien à la gauche qu’à LR ou même à Horizons. En réalité, cette démarche est avant tout politicienne : Gabriel Attal mobilise son talent pour tenter d’accréditer l’idée que ce n’est qu’autour de son parti, pour ne pas dire de lui, qu’un équilibre pourra être trouvé.

« La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change ! »

Or non seulement Renaissance n’a plus les forces qui lui permettraient de prétendre à ce rôle, mais surtout, les électeurs ont clairement signifié qu’ils exigeaient un changement de cap.

Le « Pacte d’Action » qui repose avant tout sur le maintien d’une gestion austéritaire des finances publiques, ne propose rien de nouveau par rapport à la politique que les Français ont désavouée. La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change! En ce sens, plus qu’un « pacte d’action », on nous propose un pacte d’immobilisme. 

Quelle serait la meilleure stratégie pour la gauche : se rallier à cette large coalition ou au contraire, maintenir l’union avec La France Insoumise ?

La meilleure stratégie pour la gauche est de défendre son programme. Nos concitoyens en connaissent les grandes lignes : soutien au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes ; redistribution des richesses en faisant davantage contribuer les plus fortunés ; sauvetage et extension des services publics, notamment l’école et l’hôpital ; planification écologique et restauration de notre base industrielle, laquelle, quoiqu’en dise Macron, continue de s’affaisser. À mon sens, c’est sur ces bases qu’il faut travailler et le Nouveau Front Populaire a des propositions solides pour relever ces défis.

Le Président de la République et ses troupes affaiblies au Parlement continuent de mépriser ces orientations. Et ils essaient de nous diviser pour tenter de les escamoter, mais ça ne marchera pas. La coalition de gauche est bien plus solide qu’ils semblent le croire. Le président avait fait une grosse erreur d’appréciation en nous pensant incapables de nous mettre d’accord sur un programme et des candidats en quelques jours après sa dissolution surprise. Il persévère dans l’erreur aujourd’hui.

Il ne m’a certes pas échappé que le NFP n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je ne verse pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ». Mais la logique politique et démocratique commande de confier à la coalition arrivée en tête l’exercice du pouvoir : à charge ensuite pour nous de bâtir les majorités nécessaires au vote des réformes.

Pour Alain Minc dans Le Figaro, obtenir l’abstention des socialistes serait une stratégie habile de la part du Président – ce que ce pacte pourrait permettre d’obtenir. Qu’en pensez-vous ?

Ce que propose Alain Minc, c’est une sorte de soutien sans participation des socialistes à un gouvernement minoritaire Renaissance-LR et tout ça pour faire quoi ? Peu ou prou la même chose que depuis 2017 et a fortiori depuis 2022, c’est-à-dire une politique profondément inégalitaire et austéritaire.

Je n’imagine pas une seconde que les socialistes s’abstiennent de combattre une politique qu’ils dénoncent depuis sept ans et qu’ils ont contribué à faire battre dans les urnes cette année. Le PS est un grand parti de gouvernement, ancré territorialement, qui a bénéficié du NFP autant qu’il l’a fait progresser. Je ne le vois pas changer subitement d’orientation.

Les macronistes ont vraiment un drôle de rapport au réel. Ils essaient de résoudre la quadrature du cercle en se disant « notre politique a été battue, mais on va quand même la poursuivre, malgré – et contre – le vote des Français ». Et comme ils n’y arrivent pas, ils repoussent à nouveau les échéances : certaines éminences préconisent de repousser la nomination d’un Premier ministre non pas après les JO – c’est-à-dire maintenant – mais « fin août ou début septembre », voire après.

Le grand gagnant de ce pacte serait finalement le parti d’Emmanuel Macron. N’est-ce pas un sacrifice trop important pour les socialistes ? Un « déni de démocratie » comme dirait Mélenchon ?

Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement les plus vulnérables d’entre eux, qui attendent de leurs représentants qu’ils s’attaquent immédiatement aux problèmes auxquels ils sont confrontés, à commencer par le pouvoir d’achat. Ce que veulent nos compatriotes c’est que la politique soit à leur service et au service du pays. C’est à mon avis un enseignement qu’on peut tirer du scrutin des 30 juin et 7 juillet, qui a d’abord été un refus de mettre l’extrême droite au pouvoir, mais qui a aussi été un appel lancé aux responsables politiques pour qu’ils répondent enfin aux urgences économiques, sociales, écologiques, régaliennes de la France.

« Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement
les plus vulnérables d’entre eux »

Ce qui constituerait un « déni de démocratie » serait qu’on s’enlise dans des voies sans issues. Vouloir impulser des réformes avec seulement 193 députés en est une. Mais vouloir faire passer en douce un agenda repoussé par les électeurs en est une autre. Il faut donc essayer d’avancer en respectant la démocratie, c’est-à-dire en confiant au Nouveau Front Populaire la tâche de former un gouvernement.

Quelle gauche peut encore espérer tirer profit des tractations en cours ?

La gauche, dans sa grande diversité, est majoritairement représentée dans le Nouveau Front populaire. Chacun sait qu’elle a mis déjà beaucoup de temps (trop) à s’entendre sur un nom pour Matignon, prenant le risque de décevoir nos concitoyens qui avaient mis en elle de réels espoirs. Mais tout reste encore possible ! Macron pense que la « parenthèse enchantée » des JO lui permettra de reprendre la main, en usant justement de vaines tractations.

Je crois au contraire que les deux semaines qui viennent de s’écouler constituent pour nous un formidable point d’appui : l’esprit de concorde, l’ouverture aux autres, le patriotisme joyeux, le goût du collectif, dessinent les contours d’une France généreuse, entreprenante, solidaire que nous pouvons incarner et défendre.

Je reste convaincu que des réformes portées par la gauche – sur le SMIC, les retraites, les services publics, la politique industrielle – renforceront notre économie et notre modèle social et républicain. La France aurait tout à gagner d’une politique en faveur de la majorité des gens, qui réduit les inégalités, apaise les tensions et redonne espoir. Historiquement, elle s’est d’ailleurs toujours construite comme ça.

Changement constitutionnel en Irlande : la balle est dans le camp du cabinet britannique

Plus de cinq semaines se sont écoulées depuis les élections générales pour la Chambre des Communes. Elles ont offert au Labour Party conduit par Keir Starmer un retour en grâce qui doit bien plus à la déchéance des Tories, aux difficultés internes des nationalistes écossais et à la fin de la séquence du Brexit (qui avait vu le Red Wall passer aux mains des conservateurs grâce à la promesse de Boris Johnson de mettre fin aux atermoiements du parlement) qu’au caractère enthousiasmant du programme du nouveau gouvernement Keir Starmer.

Une victoire travailliste massive mais par défaut

Le nouveau Premier ministre britannique a résolument engagé son parti sur une voie centriste depuis qu’il a battu la dauphine de Jeremy Corbyn en avril 2020 pour le poste de chef du Labour : les 10 promesses sur lesquelles il avait alors fait campagne pour obtenir le « job », et qui marquaient une forme de continuité économique et sociale avec la ligne précédente du parti, ont été prestement effacée du site internet. Son leadership a donc constitué un retour au New Labour de Tony Blair, sans volonté de renégocier les relations avec l’Union Européenne ,et avec une grande modération dans ses critiques concernant la politique migratoire du gouvernement Sunak.

Aussi la victoire des travaillistes s’explique-telle avant tout par la déconfiture des Conservateurs conduits par le Premier ministre sortant Rishi Sunak, qui ont perdu près de 20 points (et 121 sièges) par rapport au scrutin de 2019. L’ancien (et richissime) directeur de société financière a été incapable de compenser les dégâts causés dans l’opinion par les scandales à répétition sous Boris Johnson et le passage catastrophique au 10 Downing street de sa prédécesseure Liz Truss. Il a dû aussi assumer les dégâts provoqués par la violence sociale de la politique économique des Tories et par les promesses non tenues des brexiters (sur le système de santé, le NHS, notamment).

Une politique plus dure sur l’immigration (on retiendra l’accord absurde de re-migration vers le Rwanda, quelle que soit l’origine des migrants) n’a pas non plus permis de contenir l’extrême droite parlementaire, née des ruines d’un UKIP devenu inutile par la concrétisation du Brexit. Bien au contraire, le Reform Party, la nouvelle petite entreprise de Nigel Farage, semble avoir recueilli une forme de légitimation. Il a ainsi réuni 14,3% (+12,3 points) des suffrages (devant les LibDems avec 12,2%, +0,7) mais n’a obtenu que 5 sièges (contre 72 aux LibDems1 qui emportent 61 circonscriptions supplémentaires, bénéficiant d’implantations locales stratégiques en Angleterre et en Écosse).

Le Labour Party a ainsi et avant tout bénéficié de la division de la droite et et d’une baisse de régime du Scottish National Party2 (le Labour a repris une trentaine de sièges au SNP – qui se maintient à 30% dans la région –, rétablissant le caractère stratégique de l’Écosse dans le dispositif majoritaire travailliste). Le scrutin majoritaire à un tour de circonscription a fait le reste.

Qui est Keir Starmer ?

Cependant le nouveau Premier ministre britannique n’est peut-être pas uniquement ce personnage sans charisme et social-libéral décrit (pas forcément à tort) par ses opposants internes et la presse d’Outre-Manche.

Avocat de talent, il s’est fait un nom dans la défense des droits humains, des libertés publiques et des militants politiques écologistes, mais aussi dans la lutte légale sur des causes économiques. Jeune avocat, il fournit en 1990 une aide juridique gratuite aux manifestants arrêtés par la police après les émeutes contre la Poll tax de Margaret Thatcher (1990) ; il s’est également opposé au gouvernement Blair, lui reprochant en particulier la guerre en Irak et l’attaquant en justice lorsque ce dernier refusa d’accorder des prestations aux demandeurs d’asile.

Et c’est bien dans son parcours professionnel que l’on peut trouver aujourd’hui des éléments de nature à nous intéresser, bien qu’il se soit révélé finalement assez malléable sur ces questions à la tête de son parti : ainsi dès le printemps 2020, il a exclu plusieurs membres du cabinet fantôme au prétexte d’avoir voté contre deux projets de loi conservateurs visant à garantir l’impunité aux militaires et aux agents de renseignement s’ils commettaient des actes criminels au cours de leurs opérations.

Avant de devenir député en 2015, il a été Procureur général (« directeur des poursuites pénales publiques », dans le système britannique) du Royaume Uni de 2008 à 2013, mais surtout il a participé entre 2003 et 2008 à l’élaboration des nouveaux services de police en Irlande du Nord, le Police Service of Northern Ireland (PSNI)3, un des nombreux points découlant des Accords du Vendredi-Saint4. Au moment d’aborder la question de l’Irlande du Nord comme Premier Ministre, cette expérience n’est sans doute pas inutile.

Une scène politique totalement différente

Le tableau politique de la province d’Irlande du Nord n’a pas grand-chose à voir avec le reste du Royaume Uni. Pour la troisième élection consécutive entre 2022 et 2024, le Sinn Féin5 est devenu le plus grand parti politique de la province ; il est désormais en tête de manière décisive en termes de représentativité et de suffrages, au sein de l’Assemblée provinciale, du gouvernement local et des députés élus au parlement britannique (où il continue de refuser de siéger car il ne reconnaît pas la souveraineté britannique sur la province malgré son attitude de coopération avec les autorités britanniques en Irlande du Nord depuis les Accords du Vendredi Saint).

Les sept députés du Sinn Féin élus constituent désormais le plus grand groupe de députés de tous les partis du nord, avec une augmentation de 4,2 points6 en termes de suffrages exprimés. 2024 marque donc le renforcement de Sinn Féin dans un contexte plus favorable à l’unité irlandaise : le Democratic Unionist Party (DUP)7 continue son déclin, ne conservant plus que 5 membres du parlement britannique : il a perdu plus de 70 000 voix depuis 20198 (-8,5 points) et trois sièges à Westminster où il dépassait jusqu’ici de peu la représentation théorique des républicains irlandais.

En réalité, le DUP avait perdu sa position stratégique dès les élections générales britanniques de 2019 : jusque-là, ses 10 députés étaient indispensables à la majorité parlementaire de Theresa May, tout en représentant une partie de ses problèmes. Le DUP était un soutien radical du Brexit, apportant de l’eau au moulin de Boris Johnson ; la victoire électorale massive de ce dernier en 2019 rendait le DUP inutile.

Depuis, le parti ultra-conservateur protestant s’est enlisé dans des scandales internes. Les positions de plus en plus caricaturales de certains de ses élus en matière de société et des dissensions sur la ligne politique l’ont conduit à raidir sa position et à refuser pendant près de deux ans (de mai 2022 à février 2024) la constitution d’un gouvernement provincial dirigé par la républicaine Michelle O’Neill qui avait remporté les élections de 2022 avec 29% de voix (contre 21 au DUP). Le parti unioniste a ainsi perdu sur toute la ligne et le scrutin britannique du 4 juillet dernier ne fut qu’une confirmation supplémentaire : le DUP a perdu sur tous les fronts, il cède North-Antrim au parti Traditionnal Unionist Voice (encore plus à droite), South-Antrim à l’Ulster Unionist Party (UUP)9 et Lagan Valley à l’Alliance Party10. La position globale du Sinn Féin en tant que parti le plus important d’Irlande a été consolidée11.

Le cabinet Starmer doit rompre avec la stratégie d’indifférence qui a prévalu depuis 14 ans

La réalité est que le système gouvernemental et parlementaire britannique proprement dit n’a pas pris en compte les intérêts de l’Ulster et de sa population. Cela est illustré par l’héritage des administrations tories successives qui ont abouti à l’austérité, au sous-financement systémique des services publics, à la catastrophe du Brexit et à la plus récente « loi d’amnistie »12. Cela s’est également traduit par le peu d’entrain des gouvernements conservateurs à peser sur le DUP pour qu’il respecte le cadre constitutionnel nord-irlandais découlant des Accords du Vendredi Saint en entrant dans le gouvernement provincial, tout comme Sinn Féin avait accepté de le faire quand le premier ministre nord-irlandais était membre du DUP.

Cependant, l’élection de la nouvelle administration travailliste offre l’occasion de changer fondamentalement la politique du gouvernement britannique à l’égard de l’Irlande et de réinitialiser les relations entre la Grande-Bretagne et l’Irlande. Les évolutions électorales sanctionnées par le scrutin du 4 juillet reflètent une demande populaire en Irlande-du-Nord pour une amélioration réelle de leurs perspectives politiques, ainsi qu’une opinion croissante selon laquelle le progrès économique et social requis pour répondre aux priorités des travailleurs et des familles ne sera possible qu’en dépassant la partition de l’Île ce qui implique un processus de changement constitutionnel.

Dans les jours qui ont suivi les élections, les médias britanniques et internationaux ont largement commenté la façon dont les bons résultats électoraux du Sinn Féin renforçaient la position de toutes celles et tous ceux qui militent en faveur de l’unité irlandaise. Cet élan a été alimenté par le Brexit, l’indifférence des responsables politiques anglais, l’échec économique et politique de la partition et l’impossibilité complète d’un retour en arrière qui rétablirait la frontière entre les deux Irlande à la suite de la mise en œuvre effective de la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne. Nous avons déjà eu l’occasion d’en expliquer les impasses et l’échec des Unionistes radicaux à relancer – au prix d’une compromission avec la pègre – les « troubles » au prétexte de l’établissement d’une frontière économique de fait entre la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord13.

L’unité de l’Irlande est de toute façon à l’agenda

La question n’est plus tant de savoir si la réunification irlandaise est inscrite à l’agenda politique mais de quelle manière l’unité irlandaise peut se réaliser et comment la lier indissociablement à un potentiel de prospérité économique accrue, de services publics de meilleure qualité, d’une stabilité politique et d’un règlement constitutionnel fondé sur l’état de droit. Si Sinn Féin a progressé dans les deux parties de l’Île, c’est aussi en grande partie parce qu’il prétend porter la promesse d’une République Sociale irlandaise, débarrassée du sectarisme confessionnel.

L’Accord du Vendredi Saint fournit le mécanisme permettant l’exercice de l’autodétermination par le biais de référendums d’unité simultanés et permettant une transition planifiée vers la réunification. Or jusqu’à présent, les gouvernements britanniques ont refusé de définir les critères selon lesquels la date de convocation de tels référendums pourrait être fixée, même si l’on peut comprendre que les premières années de la paix civile, après 29 ans de conflits, méritaient une prudence attentive.

Aujourd’hui, les changements électoraux, les changements démographiques, les réalignements politiques, les sondages d’opinion au nord et au sud et les énormes travaux de recherche universitaires soulignent tous la nécessité pour ce gouvernement britannique de commencer à penser et à agir différemment sur la question stratégique de l’autodétermination irlandaise.

Le refus persistant de le faire n’est plus tenable.

Consensus irlandais inédit

En revanche, un consensus émerge désormais sur la nécessité de planifier et de préparer un changement constitutionnel au sein de la majorité des partis politiques de l’île d’Irlande (y compris les trois partis gouvernementaux de coalition à Dublin)14. Le mois dernier, un comité multipartite du parlement irlandais (comprenant à la fois l’Assemblée et le Sénat), le Comité mixte sur la mise en œuvre des Accords du Vendredi-Saint, a publié un rapport historique intitulé Perspectives sur le changement constitutionnel : finances et économie. Ce rapport énonce 15 recommandations, dont la nécessité d’adopter une approche pangouvernementale (gouvernement irlandais, exécutif d’Irlande-du-Nord, cabinet britannique) pour planifier et se préparer à l’éventualité d’un changement constitutionnel. Il appelle en outre le gouvernement de Dublin à publier un livre vert définissant une vision pour une Irlande unie. Il recommande notamment qu’un comité parlementaire irlandais soit mandaté, doté de ressources adéquates et dédié à la préparation d’une Irlande unie dès maintenant.

Ce rapport représente une avancée politique majeure car il intègre ainsi la parole des parlementaires républicains de Sinn Féin dans une expression commune des forces politiques irlandaises, alors que le jeu politique des partis qui avaient dominé la vie politique de la République d’Irlande consistait avant tout à marginaliser les Républicains pour tenter (sans succès) de les faire reculer électoralement. Cela signifie qu’un changement constitutionnel est désormais à l’agenda politique de l’ensemble des partis de la République d’Irlande alors qu’il avait en réalité peu ou prou disparu des objectifs du Fine Gael et du Fianna Fáil (ce dernier ayant tenté de maintenir l’illusion sur ses intentions plus longtemps que son « frère ennemi »15). Bien sûr, cela ne signifie pas que l’unification soit irrésistible, mais le large consensus contenu dans le rapport du Comité mixte reflète la profondeur et la force de l’accord politique sur l’unité irlandaise et les processus nécessaires pour y parvenir.

En octobre 2022, Ireland’s Future, l’organisation civique qui milite et défend l’unité irlandaise, a organisé une grande conférence publique à la 3Arena sur les Docks de Dublin. À cette occasion, elle a réussi à réunir dans une même enceinte les dix principaux partis politiques irlandais de tous les horizons politiques nationaux et démocratiques pour discuter de l’unité irlandaise. Il y a deux mois, et peu avant les élections générales britanniques, Ireland’s Future a organisé un événement similaire à l’Odyssey Arena de Belfast. Cette fois, les représentants des mêmes partis politiques ont été rejoints par l’Alliance Party, signifiant le basculement de cette organisation dont nombre de dirigeants sont issus de communautés unionistes vers la perspective de l’unité irlandaise16. La participation de tous les principaux partis organisés à travers l’Irlande, à l’exception des trois principaux partis unionistes17, souligne ainsi la centralité du changement constitutionnel dans le discours national irlandais.

Deux interventions individuelles extrêmement importantes ont été faites lors de la conférence tenue à l’Odyssey, par Jarlath Burns, président de la Gaelic Athletic Association, et par l’ancien Premier ministre irlandais Leo Varadkar (FG). Burns a insisté sur la nécessité de favoriser les discussions sur l’avenir constitutionnel de l’Irlande, tandis que Varadkar a affirmé qu’il était désormais temps pour le gouvernement irlandais de traiter l’unité irlandaise comme un objectif politique, et non plus simplement comme une aspiration, ce qui illustre la transformation complète de posture du centre droit irlandais que nous évoquions plus haut (personne n’est dupe, il s’agit aussi de tenter de couper l’herbe sous les pieds de Sinn Féin).

Des solutions à l’étude

Ireland’s Future et d’autres, dont le professeur Brendan O’Leary18, ont produit des propositions détaillées sur la fixation d’une date pour les référendums sur l’unité d’ici 2030 et sur le type de processus de transition pour parvenir à un nouveau règlement constitutionnel pour l’Irlande. Le débat sur la réunification est également devenu une préoccupation ouverte du mouvement syndical irlandais depuis la conférence biennale des délégués du Congrès irlandais des syndicats en octobre 2021. Des dirigeants syndicaux, dont Owen Reidy, Gerry Murphy et d’autres, ainsi que des personnalités du mouvement syndical basé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, comme Mick Lynch et Terry O’Sullivan, ont tous réfléchi aux futurs arrangements politiques de transition en faisant référence aux droits des travailleurs.

Un plus grand nombre de voix alternatives issues de la tradition civique unioniste se font désormais entendre. Ainsi, des personnalités telles que Denzil McDaniels, Claire Mitchell, Karen Sethuraman et Davy Adams ont élargi la portée du débat en soulignant que les valeurs et les identités des Protestants et des syndicalistes doivent faire partie intégrante du processus de changement en cours.

Alors que le peuple irlandais s’est vu refuser son droit à l’autodétermination sur l’ensemble de l’Île depuis plus de 100 ans, cette option démocratique a finalement été reconnue en 1998 grâce à son inclusion dans les Accords du Vendredi-Saint. Plus que jamais aujourd’hui, la réunification irlandaise et un nouveau règlement constitutionnel constituent des objectifs à la fois raisonnables et légitimes.

Starmer devant ses responsabilités

Le jour est venu pour le nouveau gouvernement britannique de s’engager et d’accepter ces réalités. Il peut entrer dans l’histoire en permettant d’écrire un récit positif. Keir Starmer a les atouts en main pour devenir un partenaire dans la gestion du changement progressiste en Irlande et travailler en partenariat avec le gouvernement irlandais et l’opinion démocratique au sens large pour ouvrir la voie à la réunification et à la réconciliation.

Il y a vingt-sept ans, un gouvernement travailliste, récemment parvenu aux affaires, a joué un rôle crucial en contribuant à garantir un accord de paix en Irlande et à ancrer le processus dans la durée. Cela a été une réussite au-delà des espérances les plus folles de l’époque car l’Accord a tenu face à toutes les chausses-trappes et que ces 27 années ont fait évolué comme jamais les mentalités.

Les gouvernements britannique et irlandais sont désormais devant la responsabilité conjointe de planifier et de préparer le changement constitutionnel et de concevoir une transition ordonnée vers de nouveaux arrangements nationaux, démocratiques et constitutionnels en Irlande. Une feuille de route intergouvernementale convenue et dotée de ressources adéquates est nécessaire ; il est pour cela indispensable que des discussions formelles commencent entre les administrations britannique et irlandaise en place. La réponse anti-raciste apportée des deux côtés de la mer d’Irlande aux émeutes suprémacistes qui ont éclaté en Angleterre et à Belfast ces dernières semaines démontre que les sociétés sont prêtes : ne pas saisir le moment serait un gâchis incommensurable.

Keir Starmer doit se hisser à la hauteur de l’histoire.

Frédéric Faravel


1Les Libéraux-démocrates (anglais : Liberal Democrats, abrégé en LibDems) sont un parti politique britannique libéral classé au centre et au centre gauche. Le parti a été fondé en 1988 par une fusion du Parti libéral avec le Parti social-démocrate (SDP, scission du Labour Party) qui formaient depuis 1981 une alliance électorale. Le Parti libéral existait précédemment depuis 129 ans (il est né au milieu du XIXème siècle de la fusion du parti et du groupe parlementaire Whig et d’une partie des Radicals) et a dirigé le Royaume-Uni sous de nombreux Premiers ministres Gladstone, Asquith et Lloyd George notamment, avant d’être progressivement surpassé par le Parti travailliste, traduction de l’accès de la classe ouvrière au droit de vote et de sa conscience de devoir prendre en charge directement la défense de ses intérêts.

2Le Parti national écossais est le principal parti indépendantiste écossais. Fondé en 1934, le parti retrouve de la popularité depuis les années 1970 et suit une ligne politique de centre gauche qualifiée par le parti lui-même de « social-démocrate ». L’élan électoral du nationalisme écossais découle indirectement du rejet de la politique économique et fiscale Margareth Thatcher, une partie des catégories populaires et moyennes écossaises considérant que la défense de leurs intérêts de classe passaient par une réaffirmation de l’Écosse comme Nation. Lors de l’établissement du Parlement écossais en 1999, le SNP devient le plus grand parti d’opposition. Depuis sa victoire lors des élections législatives écossaises de 2007, le Parti national écossais dirige le gouvernement écossais. Le SNP siégeait au Parlement européen au sein du groupe écologiste.

3Le Service de police d’Irlande du Nord a remplacé en 2001 la Royal Ulster Constabulary (RUC), dont la composition héritée du régime unioniste ségrégationniste qui a dirigé la province de 1920 à 1972 empêchait toute utilisation en faveur de la paix civile : son recrutement exclusivement protestant l’a conduit à de très nombreuses reprises à être complices des groupes paramilitaires « loyalistes » et d’exactions multiples contre la population civile. Le PSNI assure un recrutement non sectaire de ses agents ; elle est par son caractère impartial régulièrement l’objet de critique de la part du principal parti unioniste de la province et des groupes politico-maffieux héritiers des paramilitaires loyalistes. La situation politique en Ulster explique l’armement de tous ses personnels assermentés.

4Pour une présentation complète des Accords du Vendredi-Saint (Good Friday Agreement en anglais, GFA), nous vous invitons à lire notre article du 10 avril 2023 : 25 ans après le Good Friday Agreement, l’Irlande en chemin vers l’unité ? https://g-r-s.fr/25-ans-apres-le-good-friday-agreement-lirlande-en-chemin-vers-lunite/

5Sinn Féin : « nous-mêmes » en irlandais. Parti Républicain, dont la forme actuelle est issue de la tendance du parti qui choisit de conserver l’objectif d’émancipation nationale au côté de l’émancipation sociale en 1969-1970.

6En 2017, le Sinn Féin avait fait un meilleur score en voix comme en pourcentage – 238 915 et 29,4% – mais à l’époque le score écrasant des ultra-conservateurs unionistes du DUP, 36% et l’effondrement des autres partis unionistes, nationalistes ou centristes empêchaient toute évolution. La vacance gouvernementale en Irlande du Nord de plus de 2 ans provoquée par les scandales politico-financiers frappant le DUP et le refus de Sinn Féin de constituer dans ces conditions un exécutif provincial (en pleine négociation pour le Brexit) avait été mal perçue par les nord-irlandais qui avaient d’une certaine manière sanctionné les deux principaux partis de la province remettant en selle les autres forces politiques locales – UUP, SDLP et Alliance Party.

7Parti unioniste démocratique : parti ultra-conservateur protestant, fondé en 1971 par le Révérend Ian Paisley et de nombreux dissidents du Unionist Ulster Party, qui dirigeait le gouvernement provincial depuis 1920 et que les fondateurs du DUP trouvaient trop accommodant avec la volonté (pourtant très limitée) de transformation politique et sociale de la province des différents gouvernements britanniques à partir de 1968. L’intransigeance politique et le sectarisme du DUP l’a conduit à avoir des liens étroits avec plusieurs groupes paramilitaires « loyalistes » comme l’Ulster Volunteer Force (UVF) et l’Ulster Defence Association (UDA). Le parti refusa les Accords du Vendredi Saint jusqu’à ce qu’il soit amené à prendre la direction du gouvernement provincial en association avec leurs anciens ennemis du Sinn Féin.

8et 120 000 depuis 2017…

9Le Parti unioniste d’Ulster est l’ancien parti protestant du pouvoir de 1920 à 1971, signataire des Accords du Vendredi Saint en 1998 avec David Trimble, qui a reçu pour cela le Prix Nobel de Paix.

10Créé en 1970 pour défendre un unionisme non confessionnel, le Parti de l’Alliance a progressivement évolué comme un parti libéral, qui prétend dépasser les conflits communautaires. Politiquement, il n’est classé ni chez les Unionistes, ni chez les Nationalistes ; le nombre de ses adhérents en faveur de l’unification de l’Irlande tend à devenir majoritaires.

11Sinn Féin est également présent en République d’Irlande : il a obtenu le meilleur score aux élections générales en février 2020 avec 24,5% des voix et le groupe parlementaire le plus important (37 sièges, à égalité avec les conservateurs du Fianna Fáil. Il est écarté du pouvoir par une coalition (qui était informelle depuis 2016 et qui visait déjà à l’époque à refuser à Sinn Féin de participer à une coalition gouvernementale malgré un score plus modeste) des deux partis ennemis de droite qui alternent au pouvoir depuis 1926.

12Le gouvernement de Rishi Sunak a fait adopter le 12 septembre 2023 une loi interdisant les enquêtes de police et les procès pour les crimes commis durant la période de la guerre civile en Irlande du Nord. L’avancée des enquêtes en ce domaine était de nature à compromettre gravement la réputation des forces de sécurité et des gouvernements britanniques en mettant à jour leur collaboration criminelle avec les groupes paramilitaires « loyalistes ». La République d’Irlande a saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le jugeant contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme.

13Irlande du Nord : Le Brexit va-t-il gâcher 23 ans de Paix ? https://g-r-s.fr/irlande-du-nord-le-brexit-va-t-il-gacher-23-ans-de-paix/

14Depuis 4 ans, la coalition gouvernementale irlandaise est composée par le Fine Gael (FG, centre droit, libéral, siégeant aux côtés du PPE), du Fianna Fáil (FF, centre droit, conservateur, siégeant au sein de Renew Europe) – deux partis qui se sont affrontés électoralement de 1926 à 2016 (et les armes à la main en 1922 et 1923) – et le Green Party (écologiste). Depuis avril dernier, c’est Simon Harris (FG) qui est premier ministre en titre (avec Micheál Martin, FF, comme vice premier ministre) après la démission de Leo Varadkar (FG, plusieurs fois premier ministre, dont la période décembre 2022 à avril 2024) ; ce dernier avait lui-même succédé à Micheál Martin, dont il était vice premier ministre, qui avait dirigé le gouvernement de juin 2020 à décembre 2022.

15Fine Gael et Fianna Fáil sont héritiers des deux branches nationalistes qui se sont divisées sur le traité anglo-irlandais de 1921 créant l’État libre d’Irlande, division qui conduisit à une terrible guerre civile au début des années 1920.

16Les partis soutenant une perspective d’unification de l’Irlande au parlement provincial d’Irlande du Nord sont désormais majoritaires dans cette assemblée : Sinn Féin, Alliance Party, Social-Democratic and Labour Party (SDLP, nationalistes et travaillistes), People before Profit Alliance (extrême gauche), 53 sièges sur 90. Cependant, les Accords du Vendredi-Saint imposent que les quatre partis les plus importants de l’assemblée appartiennent à l’exécutif provincial (Sinn Féin, DUP, Alliance Party, UUP) ; le SDLP sert ici d’« opposition officielle ».

17Democratic Unionist Party (DUP), Ulster Unionist Pary (UUP, signataire des Accords du Vendredi-Saint), Traditionnal Unionist Voice (TUV)… Il faudrait ajouter à cette liste le Progressive Unionist Party(PUP), signataire des Accords du Vendredi-Saint et qui représentait « l’aile gauche » socialisante des membres de l’Ulster Volunteer Force (un des principaux groupes paramilitaires « loyalistes ») qui prétendait défendre les intérêts de la classe ouvrière protestante ; ce parti se maintient mais peine à se faire entendre électoralement.

18Politologue irlandais, professeur à l’Université de Pennsylvanie. Il était auparavant professeur à la London School of Economics. En 2009-2010, il a été le deuxième conseiller principal sur le partage du pouvoir au sein de l’équipe de veille de l’unité d’appui à la médiation du Département des affaires politiques des Nations Unies.

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