Emmanuel Maurel : « La coalition de gauche est bien plus solide que le croient Macron et les siens » – Marianne

Propos recueillis par Isabelle Vogtensperger et publié dans Marianne le 15 août 2024 à 18h00

Lundi dernier, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, lançait l’idée d’un « Pacte d’Action pour les Français » destiné à opérer une large coalition parlementaire, dont seraient exclus le Rassemblement national et La France insoumise. Pour Emmanuel Maurel, fondateur de la Gauche républicaine et socialiste et député, membre du Nouveau Front populaire, il s’agit avant tout d’une tractation politicienne et d’un déni de la situation politique.
Emmanuel Maurel estime que le « Pacte d’Action » proposé par Gabriel Attal cache en réalité un désir de maintenir une gestion austéritaire des finances publiques sans réelle remise en cause de la politique menée jusqu’alors par la majorité présidentielle. Celle-là même qui a pourtant été largement désavouée par les Français aux dernières élections législatives.
La meilleure stratégie que la gauche puisse tenir est dès lors, selon lui, de défendre son programme. Et il considère que les socialistes ne s’abstiendront pas de combattre la politique de Renaissance-LR, contre laquelle ils ont lutté durant sept ans.

Marianne : Le parti présidentiel tente une large coalition (dont sont exceptés le RN et LFI) avec ce « Pacte d’action » proposé par Gabriel Attal pour réunir gauche et droite. Qu’en pensez-vous ?

Emmanuel Maurel : Je suis surpris par cette initiative du Premier ministre démissionnaire. Il aime à rappeler, comme le président, que « personne n’a gagné » les élections législatives. Mais il y a bien une coalition parlementaire qui a été battue les 30 juin et 7 juillet derniers : c’est celle qu’il dirigeait ! On dit que les relations entre les deux têtes de l’exécutif se sont distendues. Je trouve néanmoins qu’il y a une communauté de pensée qui perdure : leurs tentatives maladroites procèdent du même déni de la situation politique.

Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait avoir une discussion féconde, de nature à déboucher sur une cohérence d’action, en s’adressant aussi bien à la gauche qu’à LR ou même à Horizons. En réalité, cette démarche est avant tout politicienne : Gabriel Attal mobilise son talent pour tenter d’accréditer l’idée que ce n’est qu’autour de son parti, pour ne pas dire de lui, qu’un équilibre pourra être trouvé.

« La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change ! »

Or non seulement Renaissance n’a plus les forces qui lui permettraient de prétendre à ce rôle, mais surtout, les électeurs ont clairement signifié qu’ils exigeaient un changement de cap.

Le « Pacte d’Action » qui repose avant tout sur le maintien d’une gestion austéritaire des finances publiques, ne propose rien de nouveau par rapport à la politique que les Français ont désavouée. La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change! En ce sens, plus qu’un « pacte d’action », on nous propose un pacte d’immobilisme. 

Quelle serait la meilleure stratégie pour la gauche : se rallier à cette large coalition ou au contraire, maintenir l’union avec La France Insoumise ?

La meilleure stratégie pour la gauche est de défendre son programme. Nos concitoyens en connaissent les grandes lignes : soutien au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes ; redistribution des richesses en faisant davantage contribuer les plus fortunés ; sauvetage et extension des services publics, notamment l’école et l’hôpital ; planification écologique et restauration de notre base industrielle, laquelle, quoiqu’en dise Macron, continue de s’affaisser. À mon sens, c’est sur ces bases qu’il faut travailler et le Nouveau Front Populaire a des propositions solides pour relever ces défis.

Le Président de la République et ses troupes affaiblies au Parlement continuent de mépriser ces orientations. Et ils essaient de nous diviser pour tenter de les escamoter, mais ça ne marchera pas. La coalition de gauche est bien plus solide qu’ils semblent le croire. Le président avait fait une grosse erreur d’appréciation en nous pensant incapables de nous mettre d’accord sur un programme et des candidats en quelques jours après sa dissolution surprise. Il persévère dans l’erreur aujourd’hui.

Il ne m’a certes pas échappé que le NFP n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je ne verse pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ». Mais la logique politique et démocratique commande de confier à la coalition arrivée en tête l’exercice du pouvoir : à charge ensuite pour nous de bâtir les majorités nécessaires au vote des réformes.

Pour Alain Minc dans Le Figaro, obtenir l’abstention des socialistes serait une stratégie habile de la part du Président – ce que ce pacte pourrait permettre d’obtenir. Qu’en pensez-vous ?

Ce que propose Alain Minc, c’est une sorte de soutien sans participation des socialistes à un gouvernement minoritaire Renaissance-LR et tout ça pour faire quoi ? Peu ou prou la même chose que depuis 2017 et a fortiori depuis 2022, c’est-à-dire une politique profondément inégalitaire et austéritaire.

Je n’imagine pas une seconde que les socialistes s’abstiennent de combattre une politique qu’ils dénoncent depuis sept ans et qu’ils ont contribué à faire battre dans les urnes cette année. Le PS est un grand parti de gouvernement, ancré territorialement, qui a bénéficié du NFP autant qu’il l’a fait progresser. Je ne le vois pas changer subitement d’orientation.

Les macronistes ont vraiment un drôle de rapport au réel. Ils essaient de résoudre la quadrature du cercle en se disant « notre politique a été battue, mais on va quand même la poursuivre, malgré – et contre – le vote des Français ». Et comme ils n’y arrivent pas, ils repoussent à nouveau les échéances : certaines éminences préconisent de repousser la nomination d’un Premier ministre non pas après les JO – c’est-à-dire maintenant – mais « fin août ou début septembre », voire après.

Le grand gagnant de ce pacte serait finalement le parti d’Emmanuel Macron. N’est-ce pas un sacrifice trop important pour les socialistes ? Un « déni de démocratie » comme dirait Mélenchon ?

Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement les plus vulnérables d’entre eux, qui attendent de leurs représentants qu’ils s’attaquent immédiatement aux problèmes auxquels ils sont confrontés, à commencer par le pouvoir d’achat. Ce que veulent nos compatriotes c’est que la politique soit à leur service et au service du pays. C’est à mon avis un enseignement qu’on peut tirer du scrutin des 30 juin et 7 juillet, qui a d’abord été un refus de mettre l’extrême droite au pouvoir, mais qui a aussi été un appel lancé aux responsables politiques pour qu’ils répondent enfin aux urgences économiques, sociales, écologiques, régaliennes de la France.

« Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement
les plus vulnérables d’entre eux »

Ce qui constituerait un « déni de démocratie » serait qu’on s’enlise dans des voies sans issues. Vouloir impulser des réformes avec seulement 193 députés en est une. Mais vouloir faire passer en douce un agenda repoussé par les électeurs en est une autre. Il faut donc essayer d’avancer en respectant la démocratie, c’est-à-dire en confiant au Nouveau Front Populaire la tâche de former un gouvernement.

Quelle gauche peut encore espérer tirer profit des tractations en cours ?

La gauche, dans sa grande diversité, est majoritairement représentée dans le Nouveau Front populaire. Chacun sait qu’elle a mis déjà beaucoup de temps (trop) à s’entendre sur un nom pour Matignon, prenant le risque de décevoir nos concitoyens qui avaient mis en elle de réels espoirs. Mais tout reste encore possible ! Macron pense que la « parenthèse enchantée » des JO lui permettra de reprendre la main, en usant justement de vaines tractations.

Je crois au contraire que les deux semaines qui viennent de s’écouler constituent pour nous un formidable point d’appui : l’esprit de concorde, l’ouverture aux autres, le patriotisme joyeux, le goût du collectif, dessinent les contours d’une France généreuse, entreprenante, solidaire que nous pouvons incarner et défendre.

Je reste convaincu que des réformes portées par la gauche – sur le SMIC, les retraites, les services publics, la politique industrielle – renforceront notre économie et notre modèle social et républicain. La France aurait tout à gagner d’une politique en faveur de la majorité des gens, qui réduit les inégalités, apaise les tensions et redonne espoir. Historiquement, elle s’est d’ailleurs toujours construite comme ça.

Changement constitutionnel en Irlande : la balle est dans le camp du cabinet britannique

Plus de cinq semaines se sont écoulées depuis les élections générales pour la Chambre des Communes. Elles ont offert au Labour Party conduit par Keir Starmer un retour en grâce qui doit bien plus à la déchéance des Tories, aux difficultés internes des nationalistes écossais et à la fin de la séquence du Brexit (qui avait vu le Red Wall passer aux mains des conservateurs grâce à la promesse de Boris Johnson de mettre fin aux atermoiements du parlement) qu’au caractère enthousiasmant du programme du nouveau gouvernement Keir Starmer.

Une victoire travailliste massive mais par défaut

Le nouveau Premier ministre britannique a résolument engagé son parti sur une voie centriste depuis qu’il a battu la dauphine de Jeremy Corbyn en avril 2020 pour le poste de chef du Labour : les 10 promesses sur lesquelles il avait alors fait campagne pour obtenir le « job », et qui marquaient une forme de continuité économique et sociale avec la ligne précédente du parti, ont été prestement effacée du site internet. Son leadership a donc constitué un retour au New Labour de Tony Blair, sans volonté de renégocier les relations avec l’Union Européenne ,et avec une grande modération dans ses critiques concernant la politique migratoire du gouvernement Sunak.

Aussi la victoire des travaillistes s’explique-telle avant tout par la déconfiture des Conservateurs conduits par le Premier ministre sortant Rishi Sunak, qui ont perdu près de 20 points (et 121 sièges) par rapport au scrutin de 2019. L’ancien (et richissime) directeur de société financière a été incapable de compenser les dégâts causés dans l’opinion par les scandales à répétition sous Boris Johnson et le passage catastrophique au 10 Downing street de sa prédécesseure Liz Truss. Il a dû aussi assumer les dégâts provoqués par la violence sociale de la politique économique des Tories et par les promesses non tenues des brexiters (sur le système de santé, le NHS, notamment).

Une politique plus dure sur l’immigration (on retiendra l’accord absurde de re-migration vers le Rwanda, quelle que soit l’origine des migrants) n’a pas non plus permis de contenir l’extrême droite parlementaire, née des ruines d’un UKIP devenu inutile par la concrétisation du Brexit. Bien au contraire, le Reform Party, la nouvelle petite entreprise de Nigel Farage, semble avoir recueilli une forme de légitimation. Il a ainsi réuni 14,3% (+12,3 points) des suffrages (devant les LibDems avec 12,2%, +0,7) mais n’a obtenu que 5 sièges (contre 72 aux LibDems1 qui emportent 61 circonscriptions supplémentaires, bénéficiant d’implantations locales stratégiques en Angleterre et en Écosse).

Le Labour Party a ainsi et avant tout bénéficié de la division de la droite et et d’une baisse de régime du Scottish National Party2 (le Labour a repris une trentaine de sièges au SNP – qui se maintient à 30% dans la région –, rétablissant le caractère stratégique de l’Écosse dans le dispositif majoritaire travailliste). Le scrutin majoritaire à un tour de circonscription a fait le reste.

Qui est Keir Starmer ?

Cependant le nouveau Premier ministre britannique n’est peut-être pas uniquement ce personnage sans charisme et social-libéral décrit (pas forcément à tort) par ses opposants internes et la presse d’Outre-Manche.

Avocat de talent, il s’est fait un nom dans la défense des droits humains, des libertés publiques et des militants politiques écologistes, mais aussi dans la lutte légale sur des causes économiques. Jeune avocat, il fournit en 1990 une aide juridique gratuite aux manifestants arrêtés par la police après les émeutes contre la Poll tax de Margaret Thatcher (1990) ; il s’est également opposé au gouvernement Blair, lui reprochant en particulier la guerre en Irak et l’attaquant en justice lorsque ce dernier refusa d’accorder des prestations aux demandeurs d’asile.

Et c’est bien dans son parcours professionnel que l’on peut trouver aujourd’hui des éléments de nature à nous intéresser, bien qu’il se soit révélé finalement assez malléable sur ces questions à la tête de son parti : ainsi dès le printemps 2020, il a exclu plusieurs membres du cabinet fantôme au prétexte d’avoir voté contre deux projets de loi conservateurs visant à garantir l’impunité aux militaires et aux agents de renseignement s’ils commettaient des actes criminels au cours de leurs opérations.

Avant de devenir député en 2015, il a été Procureur général (« directeur des poursuites pénales publiques », dans le système britannique) du Royaume Uni de 2008 à 2013, mais surtout il a participé entre 2003 et 2008 à l’élaboration des nouveaux services de police en Irlande du Nord, le Police Service of Northern Ireland (PSNI)3, un des nombreux points découlant des Accords du Vendredi-Saint4. Au moment d’aborder la question de l’Irlande du Nord comme Premier Ministre, cette expérience n’est sans doute pas inutile.

Une scène politique totalement différente

Le tableau politique de la province d’Irlande du Nord n’a pas grand-chose à voir avec le reste du Royaume Uni. Pour la troisième élection consécutive entre 2022 et 2024, le Sinn Féin5 est devenu le plus grand parti politique de la province ; il est désormais en tête de manière décisive en termes de représentativité et de suffrages, au sein de l’Assemblée provinciale, du gouvernement local et des députés élus au parlement britannique (où il continue de refuser de siéger car il ne reconnaît pas la souveraineté britannique sur la province malgré son attitude de coopération avec les autorités britanniques en Irlande du Nord depuis les Accords du Vendredi Saint).

Les sept députés du Sinn Féin élus constituent désormais le plus grand groupe de députés de tous les partis du nord, avec une augmentation de 4,2 points6 en termes de suffrages exprimés. 2024 marque donc le renforcement de Sinn Féin dans un contexte plus favorable à l’unité irlandaise : le Democratic Unionist Party (DUP)7 continue son déclin, ne conservant plus que 5 membres du parlement britannique : il a perdu plus de 70 000 voix depuis 20198 (-8,5 points) et trois sièges à Westminster où il dépassait jusqu’ici de peu la représentation théorique des républicains irlandais.

En réalité, le DUP avait perdu sa position stratégique dès les élections générales britanniques de 2019 : jusque-là, ses 10 députés étaient indispensables à la majorité parlementaire de Theresa May, tout en représentant une partie de ses problèmes. Le DUP était un soutien radical du Brexit, apportant de l’eau au moulin de Boris Johnson ; la victoire électorale massive de ce dernier en 2019 rendait le DUP inutile.

Depuis, le parti ultra-conservateur protestant s’est enlisé dans des scandales internes. Les positions de plus en plus caricaturales de certains de ses élus en matière de société et des dissensions sur la ligne politique l’ont conduit à raidir sa position et à refuser pendant près de deux ans (de mai 2022 à février 2024) la constitution d’un gouvernement provincial dirigé par la républicaine Michelle O’Neill qui avait remporté les élections de 2022 avec 29% de voix (contre 21 au DUP). Le parti unioniste a ainsi perdu sur toute la ligne et le scrutin britannique du 4 juillet dernier ne fut qu’une confirmation supplémentaire : le DUP a perdu sur tous les fronts, il cède North-Antrim au parti Traditionnal Unionist Voice (encore plus à droite), South-Antrim à l’Ulster Unionist Party (UUP)9 et Lagan Valley à l’Alliance Party10. La position globale du Sinn Féin en tant que parti le plus important d’Irlande a été consolidée11.

Le cabinet Starmer doit rompre avec la stratégie d’indifférence qui a prévalu depuis 14 ans

La réalité est que le système gouvernemental et parlementaire britannique proprement dit n’a pas pris en compte les intérêts de l’Ulster et de sa population. Cela est illustré par l’héritage des administrations tories successives qui ont abouti à l’austérité, au sous-financement systémique des services publics, à la catastrophe du Brexit et à la plus récente « loi d’amnistie »12. Cela s’est également traduit par le peu d’entrain des gouvernements conservateurs à peser sur le DUP pour qu’il respecte le cadre constitutionnel nord-irlandais découlant des Accords du Vendredi Saint en entrant dans le gouvernement provincial, tout comme Sinn Féin avait accepté de le faire quand le premier ministre nord-irlandais était membre du DUP.

Cependant, l’élection de la nouvelle administration travailliste offre l’occasion de changer fondamentalement la politique du gouvernement britannique à l’égard de l’Irlande et de réinitialiser les relations entre la Grande-Bretagne et l’Irlande. Les évolutions électorales sanctionnées par le scrutin du 4 juillet reflètent une demande populaire en Irlande-du-Nord pour une amélioration réelle de leurs perspectives politiques, ainsi qu’une opinion croissante selon laquelle le progrès économique et social requis pour répondre aux priorités des travailleurs et des familles ne sera possible qu’en dépassant la partition de l’Île ce qui implique un processus de changement constitutionnel.

Dans les jours qui ont suivi les élections, les médias britanniques et internationaux ont largement commenté la façon dont les bons résultats électoraux du Sinn Féin renforçaient la position de toutes celles et tous ceux qui militent en faveur de l’unité irlandaise. Cet élan a été alimenté par le Brexit, l’indifférence des responsables politiques anglais, l’échec économique et politique de la partition et l’impossibilité complète d’un retour en arrière qui rétablirait la frontière entre les deux Irlande à la suite de la mise en œuvre effective de la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne. Nous avons déjà eu l’occasion d’en expliquer les impasses et l’échec des Unionistes radicaux à relancer – au prix d’une compromission avec la pègre – les « troubles » au prétexte de l’établissement d’une frontière économique de fait entre la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord13.

L’unité de l’Irlande est de toute façon à l’agenda

La question n’est plus tant de savoir si la réunification irlandaise est inscrite à l’agenda politique mais de quelle manière l’unité irlandaise peut se réaliser et comment la lier indissociablement à un potentiel de prospérité économique accrue, de services publics de meilleure qualité, d’une stabilité politique et d’un règlement constitutionnel fondé sur l’état de droit. Si Sinn Féin a progressé dans les deux parties de l’Île, c’est aussi en grande partie parce qu’il prétend porter la promesse d’une République Sociale irlandaise, débarrassée du sectarisme confessionnel.

L’Accord du Vendredi Saint fournit le mécanisme permettant l’exercice de l’autodétermination par le biais de référendums d’unité simultanés et permettant une transition planifiée vers la réunification. Or jusqu’à présent, les gouvernements britanniques ont refusé de définir les critères selon lesquels la date de convocation de tels référendums pourrait être fixée, même si l’on peut comprendre que les premières années de la paix civile, après 29 ans de conflits, méritaient une prudence attentive.

Aujourd’hui, les changements électoraux, les changements démographiques, les réalignements politiques, les sondages d’opinion au nord et au sud et les énormes travaux de recherche universitaires soulignent tous la nécessité pour ce gouvernement britannique de commencer à penser et à agir différemment sur la question stratégique de l’autodétermination irlandaise.

Le refus persistant de le faire n’est plus tenable.

Consensus irlandais inédit

En revanche, un consensus émerge désormais sur la nécessité de planifier et de préparer un changement constitutionnel au sein de la majorité des partis politiques de l’île d’Irlande (y compris les trois partis gouvernementaux de coalition à Dublin)14. Le mois dernier, un comité multipartite du parlement irlandais (comprenant à la fois l’Assemblée et le Sénat), le Comité mixte sur la mise en œuvre des Accords du Vendredi-Saint, a publié un rapport historique intitulé Perspectives sur le changement constitutionnel : finances et économie. Ce rapport énonce 15 recommandations, dont la nécessité d’adopter une approche pangouvernementale (gouvernement irlandais, exécutif d’Irlande-du-Nord, cabinet britannique) pour planifier et se préparer à l’éventualité d’un changement constitutionnel. Il appelle en outre le gouvernement de Dublin à publier un livre vert définissant une vision pour une Irlande unie. Il recommande notamment qu’un comité parlementaire irlandais soit mandaté, doté de ressources adéquates et dédié à la préparation d’une Irlande unie dès maintenant.

Ce rapport représente une avancée politique majeure car il intègre ainsi la parole des parlementaires républicains de Sinn Féin dans une expression commune des forces politiques irlandaises, alors que le jeu politique des partis qui avaient dominé la vie politique de la République d’Irlande consistait avant tout à marginaliser les Républicains pour tenter (sans succès) de les faire reculer électoralement. Cela signifie qu’un changement constitutionnel est désormais à l’agenda politique de l’ensemble des partis de la République d’Irlande alors qu’il avait en réalité peu ou prou disparu des objectifs du Fine Gael et du Fianna Fáil (ce dernier ayant tenté de maintenir l’illusion sur ses intentions plus longtemps que son « frère ennemi »15). Bien sûr, cela ne signifie pas que l’unification soit irrésistible, mais le large consensus contenu dans le rapport du Comité mixte reflète la profondeur et la force de l’accord politique sur l’unité irlandaise et les processus nécessaires pour y parvenir.

En octobre 2022, Ireland’s Future, l’organisation civique qui milite et défend l’unité irlandaise, a organisé une grande conférence publique à la 3Arena sur les Docks de Dublin. À cette occasion, elle a réussi à réunir dans une même enceinte les dix principaux partis politiques irlandais de tous les horizons politiques nationaux et démocratiques pour discuter de l’unité irlandaise. Il y a deux mois, et peu avant les élections générales britanniques, Ireland’s Future a organisé un événement similaire à l’Odyssey Arena de Belfast. Cette fois, les représentants des mêmes partis politiques ont été rejoints par l’Alliance Party, signifiant le basculement de cette organisation dont nombre de dirigeants sont issus de communautés unionistes vers la perspective de l’unité irlandaise16. La participation de tous les principaux partis organisés à travers l’Irlande, à l’exception des trois principaux partis unionistes17, souligne ainsi la centralité du changement constitutionnel dans le discours national irlandais.

Deux interventions individuelles extrêmement importantes ont été faites lors de la conférence tenue à l’Odyssey, par Jarlath Burns, président de la Gaelic Athletic Association, et par l’ancien Premier ministre irlandais Leo Varadkar (FG). Burns a insisté sur la nécessité de favoriser les discussions sur l’avenir constitutionnel de l’Irlande, tandis que Varadkar a affirmé qu’il était désormais temps pour le gouvernement irlandais de traiter l’unité irlandaise comme un objectif politique, et non plus simplement comme une aspiration, ce qui illustre la transformation complète de posture du centre droit irlandais que nous évoquions plus haut (personne n’est dupe, il s’agit aussi de tenter de couper l’herbe sous les pieds de Sinn Féin).

Des solutions à l’étude

Ireland’s Future et d’autres, dont le professeur Brendan O’Leary18, ont produit des propositions détaillées sur la fixation d’une date pour les référendums sur l’unité d’ici 2030 et sur le type de processus de transition pour parvenir à un nouveau règlement constitutionnel pour l’Irlande. Le débat sur la réunification est également devenu une préoccupation ouverte du mouvement syndical irlandais depuis la conférence biennale des délégués du Congrès irlandais des syndicats en octobre 2021. Des dirigeants syndicaux, dont Owen Reidy, Gerry Murphy et d’autres, ainsi que des personnalités du mouvement syndical basé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, comme Mick Lynch et Terry O’Sullivan, ont tous réfléchi aux futurs arrangements politiques de transition en faisant référence aux droits des travailleurs.

Un plus grand nombre de voix alternatives issues de la tradition civique unioniste se font désormais entendre. Ainsi, des personnalités telles que Denzil McDaniels, Claire Mitchell, Karen Sethuraman et Davy Adams ont élargi la portée du débat en soulignant que les valeurs et les identités des Protestants et des syndicalistes doivent faire partie intégrante du processus de changement en cours.

Alors que le peuple irlandais s’est vu refuser son droit à l’autodétermination sur l’ensemble de l’Île depuis plus de 100 ans, cette option démocratique a finalement été reconnue en 1998 grâce à son inclusion dans les Accords du Vendredi-Saint. Plus que jamais aujourd’hui, la réunification irlandaise et un nouveau règlement constitutionnel constituent des objectifs à la fois raisonnables et légitimes.

Starmer devant ses responsabilités

Le jour est venu pour le nouveau gouvernement britannique de s’engager et d’accepter ces réalités. Il peut entrer dans l’histoire en permettant d’écrire un récit positif. Keir Starmer a les atouts en main pour devenir un partenaire dans la gestion du changement progressiste en Irlande et travailler en partenariat avec le gouvernement irlandais et l’opinion démocratique au sens large pour ouvrir la voie à la réunification et à la réconciliation.

Il y a vingt-sept ans, un gouvernement travailliste, récemment parvenu aux affaires, a joué un rôle crucial en contribuant à garantir un accord de paix en Irlande et à ancrer le processus dans la durée. Cela a été une réussite au-delà des espérances les plus folles de l’époque car l’Accord a tenu face à toutes les chausses-trappes et que ces 27 années ont fait évolué comme jamais les mentalités.

Les gouvernements britannique et irlandais sont désormais devant la responsabilité conjointe de planifier et de préparer le changement constitutionnel et de concevoir une transition ordonnée vers de nouveaux arrangements nationaux, démocratiques et constitutionnels en Irlande. Une feuille de route intergouvernementale convenue et dotée de ressources adéquates est nécessaire ; il est pour cela indispensable que des discussions formelles commencent entre les administrations britannique et irlandaise en place. La réponse anti-raciste apportée des deux côtés de la mer d’Irlande aux émeutes suprémacistes qui ont éclaté en Angleterre et à Belfast ces dernières semaines démontre que les sociétés sont prêtes : ne pas saisir le moment serait un gâchis incommensurable.

Keir Starmer doit se hisser à la hauteur de l’histoire.

Frédéric Faravel


1Les Libéraux-démocrates (anglais : Liberal Democrats, abrégé en LibDems) sont un parti politique britannique libéral classé au centre et au centre gauche. Le parti a été fondé en 1988 par une fusion du Parti libéral avec le Parti social-démocrate (SDP, scission du Labour Party) qui formaient depuis 1981 une alliance électorale. Le Parti libéral existait précédemment depuis 129 ans (il est né au milieu du XIXème siècle de la fusion du parti et du groupe parlementaire Whig et d’une partie des Radicals) et a dirigé le Royaume-Uni sous de nombreux Premiers ministres Gladstone, Asquith et Lloyd George notamment, avant d’être progressivement surpassé par le Parti travailliste, traduction de l’accès de la classe ouvrière au droit de vote et de sa conscience de devoir prendre en charge directement la défense de ses intérêts.

2Le Parti national écossais est le principal parti indépendantiste écossais. Fondé en 1934, le parti retrouve de la popularité depuis les années 1970 et suit une ligne politique de centre gauche qualifiée par le parti lui-même de « social-démocrate ». L’élan électoral du nationalisme écossais découle indirectement du rejet de la politique économique et fiscale Margareth Thatcher, une partie des catégories populaires et moyennes écossaises considérant que la défense de leurs intérêts de classe passaient par une réaffirmation de l’Écosse comme Nation. Lors de l’établissement du Parlement écossais en 1999, le SNP devient le plus grand parti d’opposition. Depuis sa victoire lors des élections législatives écossaises de 2007, le Parti national écossais dirige le gouvernement écossais. Le SNP siégeait au Parlement européen au sein du groupe écologiste.

3Le Service de police d’Irlande du Nord a remplacé en 2001 la Royal Ulster Constabulary (RUC), dont la composition héritée du régime unioniste ségrégationniste qui a dirigé la province de 1920 à 1972 empêchait toute utilisation en faveur de la paix civile : son recrutement exclusivement protestant l’a conduit à de très nombreuses reprises à être complices des groupes paramilitaires « loyalistes » et d’exactions multiples contre la population civile. Le PSNI assure un recrutement non sectaire de ses agents ; elle est par son caractère impartial régulièrement l’objet de critique de la part du principal parti unioniste de la province et des groupes politico-maffieux héritiers des paramilitaires loyalistes. La situation politique en Ulster explique l’armement de tous ses personnels assermentés.

4Pour une présentation complète des Accords du Vendredi-Saint (Good Friday Agreement en anglais, GFA), nous vous invitons à lire notre article du 10 avril 2023 : 25 ans après le Good Friday Agreement, l’Irlande en chemin vers l’unité ? https://g-r-s.fr/25-ans-apres-le-good-friday-agreement-lirlande-en-chemin-vers-lunite/

5Sinn Féin : « nous-mêmes » en irlandais. Parti Républicain, dont la forme actuelle est issue de la tendance du parti qui choisit de conserver l’objectif d’émancipation nationale au côté de l’émancipation sociale en 1969-1970.

6En 2017, le Sinn Féin avait fait un meilleur score en voix comme en pourcentage – 238 915 et 29,4% – mais à l’époque le score écrasant des ultra-conservateurs unionistes du DUP, 36% et l’effondrement des autres partis unionistes, nationalistes ou centristes empêchaient toute évolution. La vacance gouvernementale en Irlande du Nord de plus de 2 ans provoquée par les scandales politico-financiers frappant le DUP et le refus de Sinn Féin de constituer dans ces conditions un exécutif provincial (en pleine négociation pour le Brexit) avait été mal perçue par les nord-irlandais qui avaient d’une certaine manière sanctionné les deux principaux partis de la province remettant en selle les autres forces politiques locales – UUP, SDLP et Alliance Party.

7Parti unioniste démocratique : parti ultra-conservateur protestant, fondé en 1971 par le Révérend Ian Paisley et de nombreux dissidents du Unionist Ulster Party, qui dirigeait le gouvernement provincial depuis 1920 et que les fondateurs du DUP trouvaient trop accommodant avec la volonté (pourtant très limitée) de transformation politique et sociale de la province des différents gouvernements britanniques à partir de 1968. L’intransigeance politique et le sectarisme du DUP l’a conduit à avoir des liens étroits avec plusieurs groupes paramilitaires « loyalistes » comme l’Ulster Volunteer Force (UVF) et l’Ulster Defence Association (UDA). Le parti refusa les Accords du Vendredi Saint jusqu’à ce qu’il soit amené à prendre la direction du gouvernement provincial en association avec leurs anciens ennemis du Sinn Féin.

8et 120 000 depuis 2017…

9Le Parti unioniste d’Ulster est l’ancien parti protestant du pouvoir de 1920 à 1971, signataire des Accords du Vendredi Saint en 1998 avec David Trimble, qui a reçu pour cela le Prix Nobel de Paix.

10Créé en 1970 pour défendre un unionisme non confessionnel, le Parti de l’Alliance a progressivement évolué comme un parti libéral, qui prétend dépasser les conflits communautaires. Politiquement, il n’est classé ni chez les Unionistes, ni chez les Nationalistes ; le nombre de ses adhérents en faveur de l’unification de l’Irlande tend à devenir majoritaires.

11Sinn Féin est également présent en République d’Irlande : il a obtenu le meilleur score aux élections générales en février 2020 avec 24,5% des voix et le groupe parlementaire le plus important (37 sièges, à égalité avec les conservateurs du Fianna Fáil. Il est écarté du pouvoir par une coalition (qui était informelle depuis 2016 et qui visait déjà à l’époque à refuser à Sinn Féin de participer à une coalition gouvernementale malgré un score plus modeste) des deux partis ennemis de droite qui alternent au pouvoir depuis 1926.

12Le gouvernement de Rishi Sunak a fait adopter le 12 septembre 2023 une loi interdisant les enquêtes de police et les procès pour les crimes commis durant la période de la guerre civile en Irlande du Nord. L’avancée des enquêtes en ce domaine était de nature à compromettre gravement la réputation des forces de sécurité et des gouvernements britanniques en mettant à jour leur collaboration criminelle avec les groupes paramilitaires « loyalistes ». La République d’Irlande a saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le jugeant contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme.

13Irlande du Nord : Le Brexit va-t-il gâcher 23 ans de Paix ? https://g-r-s.fr/irlande-du-nord-le-brexit-va-t-il-gacher-23-ans-de-paix/

14Depuis 4 ans, la coalition gouvernementale irlandaise est composée par le Fine Gael (FG, centre droit, libéral, siégeant aux côtés du PPE), du Fianna Fáil (FF, centre droit, conservateur, siégeant au sein de Renew Europe) – deux partis qui se sont affrontés électoralement de 1926 à 2016 (et les armes à la main en 1922 et 1923) – et le Green Party (écologiste). Depuis avril dernier, c’est Simon Harris (FG) qui est premier ministre en titre (avec Micheál Martin, FF, comme vice premier ministre) après la démission de Leo Varadkar (FG, plusieurs fois premier ministre, dont la période décembre 2022 à avril 2024) ; ce dernier avait lui-même succédé à Micheál Martin, dont il était vice premier ministre, qui avait dirigé le gouvernement de juin 2020 à décembre 2022.

15Fine Gael et Fianna Fáil sont héritiers des deux branches nationalistes qui se sont divisées sur le traité anglo-irlandais de 1921 créant l’État libre d’Irlande, division qui conduisit à une terrible guerre civile au début des années 1920.

16Les partis soutenant une perspective d’unification de l’Irlande au parlement provincial d’Irlande du Nord sont désormais majoritaires dans cette assemblée : Sinn Féin, Alliance Party, Social-Democratic and Labour Party (SDLP, nationalistes et travaillistes), People before Profit Alliance (extrême gauche), 53 sièges sur 90. Cependant, les Accords du Vendredi-Saint imposent que les quatre partis les plus importants de l’assemblée appartiennent à l’exécutif provincial (Sinn Féin, DUP, Alliance Party, UUP) ; le SDLP sert ici d’« opposition officielle ».

17Democratic Unionist Party (DUP), Ulster Unionist Pary (UUP, signataire des Accords du Vendredi-Saint), Traditionnal Unionist Voice (TUV)… Il faudrait ajouter à cette liste le Progressive Unionist Party(PUP), signataire des Accords du Vendredi-Saint et qui représentait « l’aile gauche » socialisante des membres de l’Ulster Volunteer Force (un des principaux groupes paramilitaires « loyalistes ») qui prétendait défendre les intérêts de la classe ouvrière protestante ; ce parti se maintient mais peine à se faire entendre électoralement.

18Politologue irlandais, professeur à l’Université de Pennsylvanie. Il était auparavant professeur à la London School of Economics. En 2009-2010, il a été le deuxième conseiller principal sur le partage du pouvoir au sein de l’équipe de veille de l’unité d’appui à la médiation du Département des affaires politiques des Nations Unies.

Solidarité avec les revendications démocratiques du peuple vénézuélien

L’annonce des résultats des élections présidentielles vénézuéliennes du 28 juillet 2024 a suscité des protestations populaires massives. Nicolás Maduro affirme avoir gagné avec sept points d’avance, sans que le Conseil national électoral n’ait publié, comme il en a l’obligation, les résultats détaillés du scrutin. L’équipe de son principal concurrent, Edmundo González, a quant à elle publié sur Internet ce qu’elle affirme être les procès-verbaux de 81,7 % des bureaux de vote lui donnant un avantage de 37 points. Dans cette situation, la seule sortie par le haut consiste en un audit citoyen, public et pluraliste des actes du scrutin, qui permette la publication par le Conseil national électoral de l’ensemble des résultats par bureaux de vote pour que la volonté exprimée dans les urnes puisse prévaloir.

Depuis le soir des élections, les manifestants subissent une répression implacable : au moins 1 200 arrestations (selon les données du Procureur général de la République), dont des journalistes, des étudiants, des assesseurs de bureaux de vote. À ce jour, le décompte de morts s’élève à au moins 22 victimes. Les déclarations de Nicolás Maduro selon lesquelles deux prisons seraient dédiées à l’incarcération de 1000 personnes supplémentaires, au travail forcé et à la « rééducation » des manifestants nous indignent particulièrement. Nous affirmons le droit inaliénable des Vénézuéliens à choisir démocratiquement leurs dirigeants ainsi qu’à protester sans être criminalisés par l’État.

Face aux risques d’aggravation du conflit portés par l’auto-proclamation unilatérale des deux principaux candidats et l’intervention de grandes puissances étrangères en leur faveur, nous soutenons les efforts de médiation des gouvernements latino-américains de gauche entre les forces politiques en dispute pour une solution pacifique, en particulier le Brésil, la Colombie et le Mexique qui ont appelé dans une déclaration commune au respect du « principe fondamental de la souveraineté populaire […] grâce à une vérification impartiale des résultats ».

Enfin, nous appelons à la constitution d’un réseau de solidarité internationaliste avec le peuple vénézuélien, pour le soutien de ses aspirations démocratiques et de ses luttes d’émancipation, en rejetant toutes les prétentions et actions impérialistes au Venezuela, d’où qu’elles viennent.

Paris, 9 août 2024.

Signataires : À nous la démocratie ; ⁠Arguments pour la lutte sociale (Alputsoc) ; ⁠Ensemble ! ; Les écologistes – Europe écologie les Verts ⁠ (EELV) ; Gauche démocratique et sociale (GDS) ; ⁠Gauche écosocialiste (GES) ; Gauche républicaine et socialiste (GRS) ; ⁠Génération·s ; Nouveau parti anticapitaliste – l’Anticapitaliste (NPA-A) ; Parti Socialiste (PS) ; Pour une écologie populaire et sociale (Peps) ; ⁠Rejoignons-nous ; Réseau Bastille.

Ignoble Bezalel Smotrich

Quelques jours après que son collègue Ben Gvir (celui qui avait réprimé les manifestations des familles des otages) a fait libérer des soldats de Tsahal accusés de viols, le ministre Smotrich envisage à présent de laisser mourir de faim les Palestiniens de Gaza !

Ces actes et déclarations ignobles s’ajoutent aux dizaines de milliers de morts dans les bombardements et aux accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité contre Gallant et Netanyahu. Mais le pire est à venir.

Personne ne devrait pleurer la disparition d’Haniyeh, terroriste antisémite et chef du Hamas. Elle n’aurait pas suscité notre inquiétude s’il n’avait pas été tué en Iran. Or c’est la 2e fois qu’Israël frappe le territoire du régime des Mollahs depuis le 7 octobre.

Une riposte par des moyens sans commune mesure avec ceux employés suite à la destruction de leur ambassade à Damas semble donc inévitable. Le gouvernement d’Israël mène non seulement sa patrie, mais aussi toute la région au bord de l’abîme.

La France et l’Union européenne doivent agir pour enrayer cette mécanique infernale, moralement et humainement insupportable.

Fake news et violence séditieuse : la « nouvelle » stratégie de l’extrême droite anglaise

Une vague d’émeutes racistes secoue actuellement l’Angleterre. Il est important de rappeler le fait divers originel sur lequel elles ont pris appui : un adolescent de 17 ans dérangé psychologiquement, né à Cardiff au Pays de Galles de parents rwandais, chrétien, attaque au couteau un cours de danse et tue trois fillettes de 9 et 10 ans, blessant d’autres et deux adultes. Arrêté, il est rapidement transféré en asile psychiatrique, la police ne relève aucune motivation terroriste. L’extrême droite anglaise a alors répandu la rumeur, depuis le compte X Europe Invasion et le portail Channel 3 Now, selon laquelle les autorités cacheraient la véritable identité du meurtrier ; selon les fake news qu’elle diffuse, l’auteur est un migrant musulman arrivé illégalement par bateau.

Ces fausses informations que la nébuleuse ultra-nationaliste anglaise sait inventées de toute pièce lui servent de prétexte au déclenchement de plusieurs attaques simultanées en différents point de l’Angleterre (Londres, Manchester, Hartlepool, Aldershot) contre tout ce qui ressemble à des migrants ou des musulmans. De nombreux commerces sont pillés par des attroupements répondant à des slogans « suprémacistes blancs » et de l’extrême droite anglaise : « Nous voulons récupérer notre pays ! Anglais jusqu’à la mort ! » La police a empêché le pire au prix de près de 70 blessés dans ses rangs et a procédé jusqu’ici à 378 arrestations. L’état d’urgence est déclaré dans les villes touchées. Il y a des endroits où les militants anti-racistes se défendent physiquement contre des milices racistes pour protéger des commerces pakistanais ou des hôtels d’hébergement pour réfugiés. Dans certains quartiers visés les populations se constituent en milices d’autodéfense déterminées à s’opposer aux attaques racistes.

Le mode opératoire est commun à toute l’extrême droite européenne cherchant par la manipulation de faits divers à déstabiliser les démocraties. Chemnitz en Allemagne en 2018 avait été le théâtre d’un spectacle lamentable tout aussi peu spontané que les violences actuelles. Peu importe qu’en 2018 la victime fut binationale et antifasciste, peu importe qu’en 2024 le fait divers dramatique servant de prétexte ait été perpétré par un non musulman né au Royaume Uni, les calomnies, les rumeurs et les mensonges, répandus y compris par le PDG de X/Twitter1, amplifient ce qui sans l’intervention ferme des forces de l’ordre auraient abouti à de véritables pogroms modernes.

Le choix de déclencher aujourd’hui des affrontements n’est pas anodin : le parti travailliste vient à nouveau d’accéder au pouvoir avec une majorité écrasante qui doit beaucoup à la déréliction des Tories. Il y a quelques semaines un jeune homme a tué toute sa famille à l’arbalète : l’extrême droite n’a pas tenté alors de déclencher des émeutes. L’assassin était blanc mais le procédé de la rumeur ne procède pas de cette manière. Dans la situation présente, la réalité n’a pas empêché l’extrême droite anglaise de dénoncer sans preuve pour déclencher les violences actuelles d’incriminer des réfugiés du Moyen Orient totalement étrangers à l’affaire. Il s’agit en réalité de mettre en cause la capacité du Labour à assurer la tranquillité publique presqu’un mois après son accession au pouvoir (donc maintenant qu’il a tous les leviers en main) : soit en l’accusant de protéger des « assassins étrangers », soit en démontant son incapacité à rétablir l’ordre ou à protéger les « vrais » Anglais.

Il faut inlassablement combattre ceux qui pillent, saccagent, brûlent, pour terroriser ceux qu’ils haïssent par racisme exacerbé. Nous apportons notre soutien aux victimes de ces émeutes et invitons le gouvernement britannique à la plus ferme sévérité contre leurs auteurs. Quand l’extrême-droite française se prétendra le parti de l’ordre, il faudra lui rappeler comment ses amis ont mis à sac des quartiers entiers à travers toute l’Angleterre.

Les limites du modèle communautaire anglo-saxon apparaissent d’autant plus saillantes. Ceux qui, en France, idolâtrent ce mode de fonctionnement, persuadés que d’hypothétiques minorités jouissent supposément de plus de droits, doivent se rendre compte que cela aboutit au conflit de tous contre tous.

C’est aussi 12 années de politique austéritaire des conservateurs qui ont provoqué le divorce d’une partie des classes populaires et des classes moyennes avec le modèle de société libéral démocratique, qui réduit les droits sociaux et syndicaux, maintiens les salaires bas et s’attaque aux services publics. Les migrants servent ici à nouveau de boucs émissaires, instrumentalisés déjà par les conservateurs pour faire voter le Brexit : la droite britannique porte une lourde culpabilité par son irresponsabilité au pouvoir pendant 12 ans.

Nous avertissons enfin les factieux français qui voudraient se livrer à de telles exactions : ils trouveront tous les Républicains sur leur chemin. Nous ne laisserons pas importer les émeutes communautaires et nous protégerons tous les citoyens de ceux qui veulent les exclure de la seule communauté que nous reconnaissons, celle de la République.

La République cependant ne pourra être défendue par les Français qu’à la condition que sa promesse sociale, ancrée dans notre constitution, soit mise en actes. Nous mettons en garde les amis idéologiques des conservateurs britanniques d’importer en France les recettes budgétaires et économiques qui ont créé les conditions sociales de cette crise.

La République sociale se défendra contre tous ses adversaires !

Mathias Weidenberg, Augustin Belloc et Frédéric Faravel

1Elon Musk a twitté « la guerre civile est inévitable » : https://x.com/elonmusk/status/1819933223536742771 ; il y a quelques semaines il avait fait rétablir le compte d’un des militant suprémacistes considéré comme l’instigateur des émeutes actuelles.

Emmanuel Maurel, fidèle au socialisme républicain – L’Humanité

article publié par Gaël de Santis dans L’Humanité le 4 août 2024

Le fondateur de la Gauche républicaine et socialiste, député de la 3ème circonscription du Val-d’Oise, siège avec les communistes. Le parlementaire est un véritable élu de terrain, qu’il ne cesse d’arpenter.

Emmanuel Maurel est un promeneur. « On ne maîtrise les territoires que lorsqu’on les parcourt à pied », théorise le tout nouveau député du groupe GDR, où siègent les communistes. Il a d’ailleurs déjà repéré pour les prochains jours une randonnée dans sa nouvelle circonscription, la 3ème du Val-d’Oise. Il ira seul, mais ce 26 juillet, c’est en groupe que l’élu arpente les rues de Pierrelaye, dernière ville communiste du département. « Je vous ai fait un cadeau », s’en amuse-t-il en accueillant l’Humanité.

Guidé par Fahed Hadji, adjoint qui lui a ouvert de nombreuses portes lors de la campagne des législatives, Emmanuel Maurel visite les installations et salue les personnels des services publics dédiés à la jeunesse. Depuis le jardin du centre de loisirs, le maire, Michel Vallade, désigne la plaine au-delà de la clôture. Une terre à dépolluer : « J’ai cherché à y installer des cultures de plantes qui ne se mangent pas. »

Mener la bataille pour l’exception culturelle au Parlement européen

L’édile évoque le lin. Cela fait tilt chez Emmanuel Maurel, qui lance : « Le premier producteur européen, c’est la France ! » Et voilà le député, intarissable, qui raconte la renaissance de cette filière. L’élu est un socialiste comme on n’en fait plus, attentif au maintien d’une activité productive sur le sol national.

« J’ai beau être un banlieusard, je dois être l’un des seuls députés à avoir visité les 95 départements métropolitains. »

Au terme de la visite, à côté du chantier du terrain de football, on le rappelle à des choses plus terre à terre : peut-il intervenir pour accélérer un dossier de subvention pour les courts de tennis ? Voilà le député de la nation – qui ces dix dernières années a mené la bataille pour l’exception culturelle au Parlement européen – rappelé au local, qu’il sillonnait quand il était conseiller régional, de 2004 à 2015.

En réalité, il n’a été à aucun moment loin de la France et plastronne : « J’ai beau être un banlieusard, je dois être l’un des seuls députés à avoir visité les 95 départements métropolitains. » Né en Seine-Saint-Denis en 1973, résident du Val-d’Oise, Emmanuel Maurel « est très attaché à la France profonde, ses territoires, la diversité des départements et du peuple français. Il n’a jamais été fasciné par l’establishment parisien », témoigne son amie et camarade, l’ex-sénatrice CRCE Marie-Noëlle Lienemann.

Il est tombé en politique à l’âge de 16 ans, en rejoignant le Parti socialiste et SOS Racisme. Puis c’est l’Unef, les Jeunes socialistes, les bancs de Sciences-Po. En 2004, il est élu conseiller régional. Féru de culture, les médias lui prêtent une érudition classique. À les suivre, il n’aurait d’oreille que pour l’opéra et lirait des auteurs vieux d’au moins un siècle :
Apollinaire, Voltaire, etc. « Ils aiment à me cataloguer ringard », soupire-t-il.

S’il concède écouter « beaucoup de musique classique », il lit aussi des auteurs contemporains, tel Nicolas Mathieu. C’est surtout la poésie qu’il dévore : il s’est récemment plongé dans celle de l’Américaine Louise Glück ou du Français François Cheng. Sa vocation contrariée aurait été de devenir vice-président de la région Île-de-France à la Culture. Le président de l’époque, Jean-Paul Huchon, lui confiera l’apprentissage, puis les affaires internationales.

Un homme de partis

L’élu participe aux débats intellectuels de la gauche. Il a dirigé le journal la Corrèze républicaine et socialiste. Il est l’auteur d’une biographie – la première – de Jean Poperen, républicain et laïc, ex-communiste passé à la SFIO après la répression de Budapest en 1956*. Il retient de cette figure qu’il a côtoyé la priorité accordée à la question sociale : « Le
socialisme, c’est d’abord le salaire
. » Et de Jaurès, sa principale source d’inspiration, d’avoir « mis le réformisme au service de l’espérance révolutionnaire » et que le « parti est un intellectuel collectif ».

Emmanuel Maurel est de fait un homme de partis. Au pluriel. Un militant du PS d’abord, tendance aile gauche. Quand Jean-Luc Mélenchon claque la porte en 2008 et que Martine Aubry prend la tête de Solferino, lui reste. « Je pensais encore qu’il fallait un grand parti socialiste », justifie-t-il. En 2018, le mandat Hollande a achevé ses espoirs et il quitte le PS à
son tour. L’élu fonde Gauche républicaine et socialiste, un temps partenaire de la France insoumise, avant de rallier les campagnes de Fabien Roussel et Léon Deffontaines.

Il siège avec les communistes au sein du groupe GDR. Le vice-président PCF du Sénat, Pierre Ouzoulias, reconnaît en lui quelqu’un de « discret, d’une grande loyauté par rapport à ses idées. Il dispute à la droite les thèmes qui étaient ceux de la gauche, la nation, la République, la laïcité, qu’il faut se réapproprier, réactualiser ». Le député promeneur refuse de dévier de son chemin, celui de la République sociale.

Gaël de Santis

* En réalité, Jean Poperen quittera progressivement le PCF à partir de 1956 fondant la revue Tribune du Communisme, qui accompagnera en 1958 la création du Parti socialiste autonome (scission de la SFIO compromise dans la Guerre d’Algérie et avec les gaullistes dans la création de la Vème République). Il sautera le pas en 1960 en participant à la création du PSU qui fusionne le PSA et plusieurs autres collectifs ; il rompra en 1967 devant le refus du PSU de rejoindre la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (FGDS) avant de participer à la création du nouveau Parti Socialiste en 1969. [note de la GRS]

S’engager pour vraiment changer la vie !

La période politique intense des derniers mois, marquées par deux campagnes électorales, une dissolution par caprice présidentiel et la menace toujours forte de l’extrême droite (toujours aux portes du pouvoir), a conduite nombre de nos concitoyens à s’engager. Certains ont sauté le pas d’adhérer à un parti politique et c’est le cas de plusieurs dizaines de nouveaux adhérents pour la Gauche Républicaine et Socialiste. L’un d’entre eux – Julien Zanin – a tenu à exprimer les raisons qui motivent son engagement : c’est le texte que nous publions ci-dessous.

Les récentes élections européennes et législatives furent un choc pour beaucoup.

Nous avions beau savoir, l’ampleur sans précédent du vote Rassemblement National est un coup de massue pour la plupart des gens de gauche, et cela à plusieurs titres.

Tout d’abord en tant que marqueur de la crise démocratique que traverse la France, avec une défiance grandissante vis-à-vis de dirigeants qui n’auront eu de cesse de se couper du peuple français, que ce soit en trahissant des promesses, en méprisant la contestation, ou en poussant dans ses retranchements une 5ème république à bout de souffle.

La progression de l’extrême droite révèle aussi l’échec de la gauche à porter l’espérance d’une autre vie, meilleure, plus juste, plus égalitaire, plus fraternelle, plus écologique.

C’est dur à dire, dur à lire, mais nous devons faire ce constat pour avancer. Tout en restant conscients qu’il n’y aucune fatalité.

Le sursaut du second tour, grâce au barrage républicain face au RN, a redonné cet espoir qui nous manquait tant.

Il montre qu’aussi désenchantée soit toute une frange de la population, il reste des valeurs et des principes qui guident toujours l’action de la grande majorité des Français.

Dans le vote Rassemblement National s’expriment aussi une colère et une tentative de changer les choses, espérant que soit pour le mieux, et parfois aussi, faute de mieux.

C’est ainsi à nous, peuple de gauche, de démonter l’argumentaire populiste et démagogique de l’extrême droite, de lever le voile sur les intérêts qu’ils représentent qui sont à l’opposé de ceux des classes populaires.

C’est aussi à nous de reprendre la main sur des sujets trop souvent abandonnés à l’extrême droite, pour y apporter un autre discours, une autre grille de lecture, d’autres solutions.

Ce constat, beaucoup de monde le partage, mais constater ne suffit évidemment pas, il faut aussi agir.

Dans quelle cadre, avec qui, sur quelle base ?

Le choix qui a été fait par la GRS est celui du parti politique, de la définition d’une ligne claire, avec en son cœur les valeurs du socialisme, de la république laïque, de l’écologie et de l’universalisme.

Si le cap est clair et tranche parfois avec d’autres groupes à gauche, la recherche de l’unité est une autre des valeurs clés que nous portons.

Sans faire de compromis sur ce qui nous définit, sans mettre sous le tapis les différends, nous considérons que le succès de la gauche sur le temps long ne peut s’écrire que dans l’unité et le débat d’idée à la base.

Il s’agit aussi de sortir de l’hystérisation des débats politiques, de la culture du clash, du clivage, du buzz.

S’inscrivant dans une tradition politique qui prend ses racines dans l’universalisme et la raison des Lumières, nous considérons que avons besoin de sang froid, de débat apaisé pour aller au fond des choses et ne pas sombrer dans la superficialité qui caractérise notre époque de consommation effrénée, ni dans le différentialisme qui par nature rend stérile tout débat entre groupes différenciés.

C’est ainsi un vaste chantier qui se profile devant nous, avec deux directions principales : travailler à la reconstruction de la gauche, de son unité durable, et mener la bataille culturelle, politique et sociale face à l’extrême-droite pour réaffirmer haut et fort que la seule issue pour sortir des crises qui pèsent sur la France, sur l’Europe et sur le monde, c’est le socialisme.

La lutte sera longue et difficile, mais il n’y a pas d’autre chemin, pas de raccourci.

Alors dès maintenant engage toi, rejoins la GRS, mène le combat pour changer la vie, vraiment !

Julien Zanin

Duralex reprise en SCOP : victoire d’un modèle bénéfique pour l’emploi et la pérennité de nos entreprises

Tout le monde connaît Duralex, entreprise emblématique de l’industrie française, et ses verres. Le 26 juillet dernier, le tribunal de commerce d’Orléans décidait de la reprise de cette entreprise sous forme de Société Coopérative de Production (SCOP). Cette décision, préférant la SCOP à 2 autres offres de reprise, permet le maintien de l’ensemble des emplois.

Après SCOP TI, coopérative issue de la lutte des Fralib qui avaient repris leur usine de Thé fermée par Unilever en 2015, cette décision est une nouvelle démonstration de la pertinence du modèle SCOP pour garantir la pérennité des entreprises, maintenir et redévelopper le tissu industriel français, tout en garantissant des conditions favorables aux salariés.

Les Sociétés Coopératives de Production ont des atouts indéniables pour rendre les entreprises performantes, durables et socialement responsables :

  • Leur gouvernance (les salariés doivent détenir plus de 50 % du capital et 65% des droits de vote), sur le principe de 1 personne = 1 voix, garantit des prises de décision favorisant un développement pérenne, ancré sur son territoire, avec des conditions de travail correctes pour l’ensemble des salariés ;
  • La répartition des bénéfices garantit la solidité de ces entreprises. Au moins 16 % doivent être mis en réserve pour en assurer la stabilité dans le temps. En pratique, la part mise en réserve par les entreprises coopératives s’élève à 40 ou 45 % des bénéfices. La priorité est accordée à la stabilité de l’entreprise plutôt qu’à la rémunération d’actionnaires extérieurs ;
  • La SCOP est un modèle de partage de la valeur générée par l’entreprise : plus de 25 % des bénéfices (et là encore, en général, cette part s’élève à 40 à 45%) doivent être reversés aux salariés, qu’ils soient associés ou non.

Au delà des cas médiatiques de reprise d’entreprises en difficulté, le modèle coopératif s’adapte à tout type d’entreprise, à tout secteur d’activité.

L’État doit favoriser le développement de ce modèle.

La GRS proposait notamment en 2022 :

  • de créer un fonds d’accompagnement des reprises ou créations d’entreprises par les salariés en particulier sous forme coopérative. Ce fonds, en lien avec les réseaux et outils financiers du Mouvement SCOP, doit permettre d’aider à capitaliser les entreprises pour initier des projets industriels d’envergure sous forme coopérative ;
  • d’interdire le départ des machine-outil si les salariés veulent reprendre l’activité.

Le programme du Nouveau Front Populaire en 2024 promet également de créer un droit de préemption pour permettre aux salariés de reprendre leur entreprise sous forme coopérative et d’accompagner les reprises en SCOP.

Le modèle des SCOP est une opportunité pour transformer notre économie et reconstituer une industrie française pérenne, non délocalisable et compétitive, éloigné des velléités spéculatives du capitalisme financier sauvage.

Voici pourquoi la cérémonie d’ouverture des JO de Paris n’était pas “woke”

Parce que c’était Français : riche, contradictoire, parfois choquant (et nous ne sommes pas tous choqués par les mêmes choses), parfois léger, le sexe et le désir omniprésent, la colère et la révolte également, hermétique parfois (il n’était pas immédiatement compréhensible que le moment de rock métal rendait aussi hommage au Bataclan), docte et arrogant à d’autres moments (bien sûr on adore Louise Michel), picaresque au sens rabelaisien et beau comme un défilé de toutes les modes.

C’était même à certains moments ridicule, parfois hésitant entre hommage et « blasphème », et menaçant de tomber dans les eaux.

Et c’était extrêmement parisien ! Fluctuat nec mergitur, n’est-ce pas !

Alors Paris s’est célébrée et a presque fait oublier l’objet de sa fête, les athlètes parqués sur des bateaux mouches pour ne pas gêner les chorégraphies, jusqu’à ce moment lumineux, le passage de la torche par des gloires passées – la France hésite toujours entre nostalgie et avenir – l’hommage à un grand ancien – nous sommes existentialistes, nous savons que nous allons tous mourir – et la promesse de la lumière !

C’est en France que commence la conquête du ciel. Cette montgolfière ne rappelle pas que le rêve des deux frères inventeurs. Les toiles de la première montgolfière sont travaillées par les ouvriers du faubourg Saint-Antoine dans les ateliers de l’industriel Réveillon. Celui-ci est un adepte du libre échange, mais confronté à la concurrence déloyale anglaise, il veut “baisser le coût du travail”. L’émeute de ses ouvriers révoltés en avril 1789 sert de répétition à la prise de la Bastille, qui partira du même quartier, trois mois plus tard. C est de ce faubourg qu’a été lancé la marche des femmes parisiennes sur Versailles à l’automne. C’est ce faubourg qui popularise le “Ça ira !” et qui se bat contre l’arbitraire bonapartiste. En 1870, les ouvriers du quartier acclament Gambetta quittant Paris encerclé par les troupes germano-prussiennes pour organiser la résistance nationale. Il s’enfuit … en montgolfière. Et c’est avec les ouvriers de ce quartier que Louise Michel combat pendant la Commune.

Enfin, la lumière de la flamme, illuminant la Ville-Lumière, rappelle que nous sommes la Nation enfantée du « Siècle des Lumières ! » C’est-à-dire : Universaliste !

Il n’y a rien d’Américain dans le spectacle proposé vendredi soir – même les stars nord-américaines invitées ont offert un témoignage de culture française et d’hommage à la France. Et la Marseillaise fut magnifiquement chantée par une enfant de cette histoire contradictoire, née aux Amériques françaises, portant à la fois l’esclavage et son abolition. Rappelons le : la République américaine fit la guerre à la République française parce que celle-ci avait osée avoir des députés noirs au sein de son assemblée, qu’elle avait osé abolir l’esclavage. Notre histoire n’est pas celle des Américains : elle les dépasse et les surpasse. Et c’est pourquoi nous n’avons pas besoin de leurs théories sociales.

Tout dans cette cérémonie était Française. Profondément et contradictoirement Française. Si vous êtes dépassés par votre propre Nation, et bien acceptez de lire pour comprendre enfin ce qu’elle raconte au monde et d’elle-même, ou bien, choisissez-vous une Nation plus simple.

Mathias Weidenberg

Crise estivale des Hôpitaux – focus sur les PADHUE

L’été est depuis plusieurs années une période compliquée pour le système de santé. Nous nous en sommes faits plusieurs fois l’écho les années précédentes. Par manque de personnel, les hôpitaux ont souvent du mal à garder leur lit ouvert et cherchent donc à embaucher des milliers de médecins quand ils ont les crédits suffisants.

Avec la pénurie de praticiens consécutive à des années de numerus clausus abscons (qui n’a été levé que de manière théorique, puisqu’il n’y a pas assez de places pour tous les étudiants en médecine potentiels), les hôpitaux se tournent vers les Praticiens à diplômes hors Union Européenne (et Espace Économique Européen) ou PADHUE. En cette période chargée, il nous semble utile de se pencher sur leur situation, ces médecins formés à l’étranger et qui ont obtenu leur diplôme en dehors du territoire européen. L’hétérogénéité des statuts de ces médecins a justifié la mise en place d’un nouveau cadre d’affectation en 2020, permettant de « sécuriser le parcours des praticiens, leur accueil en établissement ainsi que leur activité au sein des services. Cela, à travers la mise en place d’épreuves de vérification des connaissances (EVC) réformées, d’un parcours de consolidation des compétences (PCC) et du statut de praticien associé. » Pourtant, ils n’obtiennent ainsi qu’une autorisation temporaire d’exercice qui, toute durée cumulée, ne peut pas excéder deux ans.

En janvier dernier, Emmanuel Macron avait appelé à les régulariser, eux qui « tiennent parfois à bout de bras nos services de soins ». Six mois plus tard, ils attendent toujours, un grand classique du macronisme : célérité sur le démantèlement de l’État social, déclarations sans suite sur les urgences sociales.

Or leur situation reste très précaire. D’abord, l’épreuve qui leur aurait permis d’exercer de plein droit est « ultra-compétitive », ce concours en 2023 a ouvert seulement un poste pour trois candidats : logiquement, les deux tiers des PADHUE ont échoué. Pour les non lauréats qui sont 2700 à travailler déjà dans nos hôpitaux et qui arrivent au bout de leur mission, les directeurs peuvent les prolonger, mais depuis janvier, sous un statut d’étudiant toujours plus vulnérable. Ainsi on demande à ces praticiens d’aller faire une signature de convenance de leur dossier dans leur pays d’origine pour pouvoir continuer à bénéficier d’une convention étudiante sans cotisation. Pire, les préfectures ont durci leurs procédures : certaines d’entre elles, voyant arriver ce type de conventions, refusent de prolonger les titres de séjour pour des personnes sous un statut aussi précaire. Aujourd’hui, une dizaine de litiges sont en cours, dont les PADHUE font directement les frais.

D’autre part, avec un statut d’étudiant, leur rémunération pose question, car elle a même diminué : quand ils étaient sous statut de praticien-attaché associé, ils gagnaient 3 300 euros, avec le statut d’étudiant/stagiaire ils se retrouvent rétrogradés de 43 %, à 1 700 euros, sans plus cotiser à rien. Leur précarité financière les amènent de plus en plus fréquemment à s’endetter auprès de leur famille. Ils n’ont pas de droit au chômage non plus, étant des « étudiants ».

À force de pétitions, de sit-in, de menace de grève, les collectifs de PADHUE ont obtenu à la mi-mai la promesse d’un statut, un vrai contrat de 13 mois, renouvelable une fois. Mais le problème, c’est que les décrets d’application se font encore attendre, alors que d’autres textes ont été publiés dans le même laps de temps malgré la dissolution, comme celui qui permet à un orientateur situé aux urgences, avec 14 heures de formation, de trier les malades (décret d’application de la Loi Valletoux sur les déserts médicaux), ou encore un décret d’application de la loi Darmanin qui simplifie les OQTF.

En somme, on manque cruellement de médecins pour faire tourner les hôpitaux : mais les priorités de l’exécutif semblent ailleurs, la gestion des affaires courantes ne va pas arranger les choses et si un changement de politique donc d’équipe gouvernementale n’a pas lieu, il n’y a aucune raison que l’on progresse. Pourtant affaires courantes ou pas, considérant en plus que le président de la République s’était engagé sur ce dossier, cela devrait être une priorité nationale.

Frédéric Faravel

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