A Ouroux-sur-Saône, un couple de maraîchers met en évidence la crédibilité d’une trajectoire de conversion à l’agriculture biologique, en termes de qualité des produits comme en termes de qualité de vie des paysans.
Sur le domaine de Mercurey enfin, un viticulteur néerlandais chaleureux et savant, engagé dans la lutte contre les pesticides en général et le glyphosate en particulier réalise un vin bio apprécié et reconnu.
De nos longues discussions, à la fois techniques et politiques, émaillées de savoureuses anecdotes et riches en découvertes (me voilà initié aux mystère de la « cramaillotte », fade gelée de fleurs de pissenlits), je ressors conforté sur la pertinence de notre programme en matière de transition écologique : bien-fondé de la fructueuse « règle verte », urgence d’une révolution agricole fondée sur la saisonnalité et la proximité, nécessité de la planification écologique. Il serait déplacé de conclure péremptoirement que tous ces échanges confirment nos thèses et nos propositions. Mais ils entrent en résonance avec nos convictions profondes. Dans ce vieux pays qu’est la France, la passion de l’égalité est intacte, tout comme l’est cet attachement ambivalent à l’Etat que nombre de commentateurs font mine de déplorer. Culturellement, les Français sont plutôt hostiles au libéralisme, et largement favorables à l’intervention de la puissance publique dans la vie économique. Je ne m’en plaindrais pas.
Mais contrairement aux fadaises qu’on lit parfois ici ou là, cela n’empêche en rien que les initiatives individuelles ou collectives fleurissent. Dans cette portion de France qui se sent parfois délaissée, je suis rasséréné d’avoir rencontré autant de compatriotes entreprenants, tenaces, dévoués.
Ici, dans un village (Givry), c’est une poignée de passionnés, emmenés par un flûtiste aussi fantasque que brillant, qui crée, à partir de rien, un festival de musique internationalement reconnu (Musicaves). Là, à Chalon-sur-Saône, c’est une web télé associative, innovante et engagée.
Et puis il y a tous ces élus locaux, rencontrés au fil des étapes, qui, dans un contexte de défiance générale, et de baisse drastique des dotations aux collectivités, ne se contentent pas de gérer le quotidien, mais inventent, anticipent, se battent. Leur dévouement force l’admiration. Et j’apprends à leur contact autant que dans les livres. A Bletterans, en sus de l’incontournable interrogation sur l’avenir de la gauche, ce sont d’âpres débats sur l’art des charpentes, sur l’architecture contemporaine, mais aussi le quotidien des paysans du Haut-Jura qui, en hiver, se transforment en lunetiers, en horlogers, en lapidaires. A Château-Chinon, un dîner joyeux pendant lequel, parmi mille et autres sujets, l’on évoque l’avenir de la forêt morvandelle et l’épineuse question de l’invasion des résineux. A Glux-en-Glenne, le maire raconte le lent cheminement du bois de chauffage qui, jeté en bûches libres au “Port des Lamberts”, est assemblé en radeaux à Clamecy pour être finalement acheminé, via l’Yonne, à Paris. René Blanchot, retraité de la SNCF, n’ a pas son pareil pour décrire le “suintement des eaux” qui, au printemps, voit les sentiers envahis par de minuscules sources qui vont grossir les ruisseaux, puis les rivières.
C’est d’ailleurs à cet élu cordial et engagé que je dois une des plus belles rencontres du périple. Invités à visiter le site de Bibracte, auquel sont consacrés, en contrebas, un musée magnifique et un centre de recherches de renommée mondiale (un des “grands travaux” du président Mitterrand, qui fit appel au grand architecte Faloci), nous nous laissons guider par le directeur de l’établissement public, Vincent Guichard, qui a la modestie et l’aménité des vrais savants. De la vieille cité des Eduens, dont César vante l’opulence dans la Guerre des Gaules, l’archéologue n’ignore rien. Mais c’est aussi l’occasion pour nous de revenir sur la vieille notion des “ancêtres” et le débat sur “l’idole des origines”, que l’historien Sylvain Venaire retrace magistralement dans un essai qui a fait date. (Note : Les origines de la France, quand les historiens racontaient la nation, Seuil, 2013). Jean-Luc Mélenchon, qui, avec ses camarades de lutte, s’est maintes fois rendu à l’oppidum de Bibracte, avait prononcé, sur site, un discours richement informé sur la question.