« L’urgence, c’est la crise générale de l’éducation » : après les émeutes, l’entretien croisé Bellamy–Maurel dans Marianne

entretien publié dans Marianne le 27 juillet 2023 – Propos recueillis par Louis Nadau et Soazig Quéméner

Il n’existe pas de lecture simple des émeutes et des pillages survenus à la fin du mois de juin sur notre territoire. Partant de deux analyses très éloignées – le poids de l’immigration d’un côté, la question sociale de l’autre –, les deux eurodéputés François-Xavier Bellamy (LR) et Emmanuel Maurel (gauche) convergent dans cet échange sur une nécessaire reprise en main de l’école, sans forcément avoir les mêmes solutions.

Marianne : Il y a un mois, la France était secouée par une vague de violences et de pillages… Comment qualifieriez-vous ce qui nous est arrivé ?

François-Xavier Bellamy : On ne peut pas ne pas voir que la population qui s’est soulevée est une population très majoritairement connectée au phénomène migratoire à une, deux ou trois générations. Trois générations dont, dans le contexte de faillite massive de l’intégration que notre pays connaît, beaucoup restent à distance d’une identité française qu’ils n’ont pas rejointe. Le deuxième phénomène qui est lié à cette crise d’intégration, c’est l’échec, la faillite de l’école.

Emmanuel Maurel : Il y a des raisons très claires à ce problème d’intégration. Si des politiques ou des pratiques de logement consistent à parquer tous les mêmes gens précaires au même endroit, forcément… En revanche, je ne suis pas d’accord avec le lien entre émeutes et immigration. Pourquoi ? Parce qu’on parle de gosses de 13 ou 14 ans qui sont français, dont les parents sont français, et dont même les grands-parents parfois sont français. J’observe enfin que ceux qui se sont livrés à ce bordel, ce vandalisme et cette violence, sont aussi, la plupart du temps, les enfants des travailleurs qui étaient en première ligne pendant le Covid.

F.-X.B. : Je ne dis pas que les gamins qui ont fait ça ne sont pas français, mais le fait est qu’ils ne se définissent pas comme tels. C’est là où il y a une faillite, que je ne leur impute pas – ce qui, sans doute, me rendrait suspect aux yeux de gens qui reprocheront immédiatement l’excuse sociale au premier qui essaye de ne pas dessiner un monde en blanc et noir. Ce qui s’est passé est un gigantesque acte d’accusation contre les faillites de l’école, qui ont créé le terreau de la fracturation communautariste. Mais si on continue avec un tel flux d’accueil, de nouveaux arrivants tous les ans, il n’y a aucune chance qu’on arrive à recréer la conscience d’appartenir à une nation commune.

E.M. : Je suis comme vous, je souffre quand je vois des enfants qui ne se sentent pas français, voire qui rejettent la France. Mais attention aux théorisations et aux généralisations à l’emporte-pièce. N’oublions jamais qu’il y a un élément déclencheur dans ces émeutes : la mort d’un jeune homme à l’occasion d’un contrôle policier. Ces gosses dont on parle se réinventent une identité aussi parce qu’ils se sentent discriminés, rejetés, qu’ils sont victimes de racisme. Quoi qu’il en soit, je pars du principe que la République doit aimer tous ses enfants. Même ceux qui disent « nique la France ». D’ailleurs, face au rapport à la France, si j’étais un peu taquin, je dirais que le riche qui planque son pognon dans les paradis fiscaux, il n’aime pas plus la France que les émeutiers.

F.-X.B. : Je suis absolument d’accord…

E. M. : Donc, ce patriotisme, tout le monde devrait contribuer à le renforcer, pas seulement les pauvres de banlieue d’origine étrangère. Les défaillances de l’intégration, le communautarisme qui est ­incontestable, sont aussi un résultat de la mondialisation capitaliste et de l’atomisation néolibérale qui cassent les repères, qui cassent l’État social, qui démantèlent les services publics et qui font que les gens, à un moment, se retrouvent seuls. Il y a une logique à l’œuvre derrière tous ces phénomènes de réinvention identitaire fantasmée. Parce que le petit gosse qui dit « je suis marocain », il n’a pas du tout envie d’aller vivre au Maroc.

Le gouvernement a réclamé le retour de l’autorité parentale…

E.M. : Il y a une crise générale de l’éducation qui ne se limite pas à celle de l’autorité parentale. La réponse du gouvernement est très insuffisante : le problème, ce n’est pas juste que les parents ne savent pas tenir leurs gosses. C’est que l’école n’est plus un sanctuaire, mais un lieu où les contradictions de la société, sa violence, s’invitent. Quand on ajoute à cela le fait que le métier d’enseignant est dévalorisé, mal payé, de plus en plus difficile… Je ne ferai jamais de procès aux instits, aux enseignants, au personnel de l’Éducation nationale, des gens qui sont payés 1 500 balles, qui ont en face d’eux tous les problèmes de la société, et à qui on ose dire : « C’est à vous de trouver la solution. » Je reviens sur une chose qui me paraît bien plus grave : la sécession des riches à l’école. C’est symptomatique du dysfonctionnement complet des élites dirigeantes. Ceux qui viennent disserter sur les plateaux de l’autorité parentale et de la crise de l’école sont ceux-là mêmes qui, comme ils disent, ont « mis leurs enfants à l’abri » ! Donc, évidemment qu’il y a des impératifs de mixité à réhabiliter et une politique éducative à refonder. Tout ça mériterait qu’on prenne le temps de réfléchir, qu’on remette tout à plat, qu’on se dise les choses et qu’on n’occulte rien.

« La République doit aimer tous ses enfants. Même ceux qui disent ‘nique la France’. D’ailleurs, face au rapport à la France, si j’étais un peu taquin, je dirais que le riche qui planque son pognon dans les paradis fiscaux, il n’aime pas plus la France que les émeutiers », Emmanuel Maurel

F.-X.B. : Oui, l’école ne resterait pas une minute dans l’état où elle est si les ministres, les parlementaires, les chefs d’entreprise et les journalistes n’avaient pas d’échappatoires pour scolariser leurs enfants. Je ne leur reproche pas de vouloir que leurs enfants puissent bénéficier de la meilleure éducation possible. Mais le problème, c’est d’accepter que les enfants des autres en soient privés. En revanche, si la mondialisation a bien eu des effets dévastateurs, ce n’est pas elle qui a cassé l’école. C’est une idéologie qui condamnait l’héritage et l’idée même de l’appartenance à la nation, au motif qu’elle empêchait l’émancipation de l’individu. Qui condamnait la transmission parce qu’elle engendrait de la ségrégation. Je ne blâme pas les professeurs, à qui on a volé le métier : on leur a expliqué que l’élève doit produire ses propres représentations du monde, qu’il faut qu’il écrive son histoire, sa vie, qu’il n’y a aucune raison d’imposer à quelqu’un un carcan culturel. C’est cette dérive qui est en cause.

Pourquoi vos familles politiques respectives ont-elles du mal à produire un discours qui prenne en compte l’ensemble des causalités de ces émeutes ?

E.M. : C’est normal qu’en tant qu’homme de gauche je n’aie pas forcément la même vision de la société qu’un homme de droite, même si nous avons en commun la conviction qu’il faut sortir le pays du marasme. Simplement, nous n’avons pas la même grille de lecture sur les aspects économiques, sociaux et territoriaux de la crise, et donc des solutions à apporter. En revanche, je reconnais la nécessité de renforcer la loi et l’ordre, tout en améliorant les politiques d’intégration.

La nécessité de mettre de l’ordre, ce n’est pas exactement le discours qui a été celui de la force majoritaire à gauche, La France insoumise.

E.M. : D’accord, mais les électeurs de gauche et de nombreux partis de gauche étaient pour qu’on appelle au calme. Les principales personnes qui sont pénalisées par le désordre, ce sont les gens qui vivent dans les quartiers en question. Ce qui compte, c’est de tracer une perspective progressiste, c’est-à-dire comment on fait pour remettre du service public ? Quelles réformes dans la police et la justice ? Quelles réponses à la crise éducative ? Comment on casse les ghettos ? C’est ça qui est intéressant. Et pour l’instant, le gouvernement n’a rien dit du tout là-dessus.

F.-X.B. : Il faut améliorer tout ce qui doit l’être dans la police. Il y a certainement des choses qui dysfonctionnent, mais je suis révolté de voir que des élus sont capables de reprendre à leur compte des slogans aussi lamentables que « Tout le monde déteste la police » ou bien « La police tue, la police assassine ». Il n’y a pas un policier de France qui se lève le matin en disant : « Je vais aller tuer un jeune aujourd’hui pour le plaisir. » Et s’il y avait du racisme structurel dans la police, honnêtement, le pays ne serait pas dans l’état où il est aujourd’hui. Le sujet, c’est aussi la justice. On est l’un des pays d’Europe qui sous-financent le plus sa justice. L’état de la justice contribue à ce que des policiers, et je ne les excuse pas pour autant, considèrent qu’ils sont les agents d’une sorte de justice immanente, parce que les gens qu’ils arrêtent, finalement, ne seront pas réellement sanctionnés.

Je regrette par ailleurs que certains à droite pensent qu’on s’en sortira en mettant de la police partout, des caméras vidéo de surveillance, en rentrant dans une vraie société policière. On ne mettra pas un policier derrière l’épaule de chaque Français. Donc, à la fin, la clé est toujours éducative. Ces gamins-là subissent une discrimination majeure qui est qu’ils sont ceux qui payent le prix fort de l’échec de l’école. Aujourd’hui, la France est un pays rempli d’opportunités. Si on ne veut pas vivre dans la misère, on n’y est pas condamné, à condition d’avoir reçu, et c’est là où je reviens à la question scolaire, des connaissances fondamentales et une culture en héritage. Cela a été la grande folie de nos dirigeants de considérer que l’école devait d’abord donner des compétences professionnelles aux enfants.

E.M. : Ce que vous dites est à rebours de tout le discours de la droite depuis 30 ans.

F.-X.B. : De la gauche aussi. Mais je suis d’accord, la droite n’a pas été à la hauteur sur le sujet. La clé, c’est de donner aux enfants une culture générale essentielle qui leur permette justement ensuite de trouver leur place dans la vie de la société, y compris, mais pas seulement, dans la vie économique. C’est le seul sujet qui devrait compter aujourd’hui.

Espagne : la remontada de la gauche

Il y a deux mois, la droite espagnole triomphait aux élections municipales et des parlements des communautés autonomes. Si le PSOE résistait bien, c’est du côté de la gauche alternative et radicale que le désastre était patent. La plupart des « mairies du changement », élues dans le sillage de la crise financière des années 2010, passaient à droite, et Podemos disparaissait de la plupart des conseils municipaux. Les différents partis régionalistes de gauche n’étaient pas non plus en bonne forme, tandis que la droite désormais alliée à l’extrême-droite progressait partout.

Deux mois plus tard, la droite fait grise mine. Les élections du 23 juillet ne permettent pas à Alberto Núñez Feijóo, le leader du Partido Popular (PP), de disposer d’une majorité. Quand bien même le PP progresse de moitié par rapport à 2019, c’est Pedro Sánchez qui apparaît le vainqueur de l’élection d’hier.

La droite a perdu

Avec 33% des voix et 136 députés sur 350, la droite conservatrice espagnole est en tête : le PP gagne plus de 3 millions de suffrages et 48 sièges, faisant bien plus que compenser le sabordage de Cuidadanos (les centristes nationalistes avaient annoncé dès le lendemain des municipales qu’ils ne présenteraient pas de candidats aux élections générales de juillet) et recueillir le vote utile d’électeurs ultra-conservateurs de Vox – un total de près de 2,3 millions de voix, et 29 sièges.

Le PP est talonné par le PSOE qui progresse lui aussi en voix (un peu moins d’un million de suffrages supplémentaires), s’établissant à 31,7%, et en sièges, avec 122 députés (+2, le Parti socialiste catalan progressant lui-même de 7 sièges, quand le reste du PSOE en perd 5).

Vox, parti d’extrême-droite post-franquiste, recule à 12,4% et perd 19 députés, n’en conservant que 33.

Sumar, la nouvelle coalition de la gauche radicale, reste quelques milliers de voix derrière, avec 12,3% et 31 sièges.

Enfin, les différents partis régionalistes et indépendantistes cumulent 7,5% des voix et obtiennent 27 sièges, 12 de moins qu’en 2019, quand leurs scores cumulés atteignaient 10,9%.

Comment la gauche, partagée entre modérés usés par le pouvoir et radicaux discrédités, que tout le monde donnait perdante face à une droite unie et prête à assurer l’alternance, a-t-elle ainsi résisté ?

Tout d’abord, il y a eu l’excellent sens politique de Pedro Sánchez et de Yolanda Díaz, la cheffe de file de Sumar.

Bon sens tactique

À la suite des élections municipales, le Premier ministre socialiste a fait le choix d’une dissolution immédiate des Cortes. La campagne législative a donc eu lieu pendant que les négociations entre Vox et le PP pour le contrôle des mairies et des législatures locales étaient publiques et immédiates. La collusion entre la droite et les nostalgiques de Franco a remobilisé la gauche et effrayé un certain électorat centriste et régionaliste.

La dissolution a également poussé la gauche radicale à s’unir rapidement, plutôt que de s’enfermer dans des négociations stratégiques et idéologiques qui se seraient étalées sur plusieurs mois. Podemos, acculé par la déroute municipale, l’impopularité record des ministres issus de ses rangs et incapable de se remettre du retrait de la vie politique de son leader charismatique deux ans plus tôt, n’a pas eu d’autre choix que d’accepter les conditions de la très populaire ministre communiste du travail Yolanda Díaz, qui avait déjà fédéré dès le mois d’avril la plupart des autres composantes de cette famille politique.

Les régionalistes et les indépendantistes, véritables perdants de cette élection, ont vu leur électorat se réfugier dans l’un ou l’autre des grands partis de la gauche nationale, car effrayés à l’idée de voir Vox intégrer le gouvernement. En Catalogne, si la droite indépendantiste de Junts résiste relativement bien, la gauche républicaine indépendantiste de l’ERC perd la moitié de ses électeurs et députés, au profit des socialistes catalans. Au Pays Basque, la progression des socialistes se fait au détriment des centristes autonomistes du PNV, mais surtout pour la première fois, ces derniers passent derrière la gauche indépendantiste de Bildu, en voix comme en siège (ce parti héritier des soutiens politiques d’ETA gagne près de 60 000 voix alors que le PNV en perd plus de 100 000).

Si ces considérations de forme tactique peuvent expliquer comment – à la marge d’un scrutin proportionnel par région où quelques points de pourcentage déterminent l’allocation des sièges – la gauche a pu empêcher la droite de prendre le pouvoir, des causes plus profondes expliquent plus profondément que cette stratégie ait fonctionné.

L’habileté, c’est surtout une gauche de gauche

La principale est que Pedro Sánchez a fait ce qu’on attend d’une gauche au pouvoir. Il a augmenté les salaires, entamé un processus de réconciliation nationale avec la Catalogne, combattu la nostalgie franquiste en sortant la dépouille du dictateur de son mausolée infâme. Même imparfaite et par trop pusillanime, la gauche espagnole n’a pas trahi, n’a pas fomenté de loi travail anti-syndicale ou mené l’austérité tambour battant.

Alors que Podemos avait obtenu des prérogatives ministérielles limitées aux sujets de société, ses responsables ont fait le choix, désastreux, de s’enfermer dans une rhétorique de plus en plus polémiste, minoritaire, donnant l’impression qu’elle combattait plus la société espagnole que les puissances financières. Sumar et Yolanda Díaz ont donc évité la déroute à la gauche du PSOE, qui aurait sans doute conduit à celle de l’ensemble de la coalition : cela s’est fait en remettant la gauche radicale là où on l’attend et là où elle est majoritaire, c’est-à-dire dans l’ambition forte d’un monde socialement plus juste plutôt que dans la stratégie intersectionnelle. En définitive, la réussite (relative) de Sumar, c’est la victoire des partis (Parti communiste espagnol – plus que Izquierda Unida, que Yolanda Díaz avait formellement quitté en 2019 tout en restant au PCE –, Más País d’Íñigo Errejón, Verdes Equo, mais aussi Compromís et Chunta Aragonesista…) sur le mouvementisme et le populisme de gauche.

Ce parlement sera vraisemblablement sans majorité, et de nouvelles élections pourraient avoir lieu d’ici la fin de l’année 2023. Mais Sánchez et Díaz ont montré qu’un autre chemin est possible : mener une politique juste, faire campagne sur des thèmes avec lesquels la gauche est en phase avec la société. Voilà ce qui a permis la remontada de la gauche espagnole.

Il ne faudra cependant pas sous-estimer la dynamique conservatrice ; si une coalition arc-en-ciel défensive espagnole est possible, il ne faudrait pas que sa constitution s’enlise dans des négociations interminables et que son action soit pusillanime : un échec de ce type pourrait relancer leurs ennemis.

Augustin Belloc

Etat de droit : Emmanuel Macron doit se ressaisir

Les propos confus d’Emmanuel Macron, à la mi-journée lors de son entretien télévisé depuis la Nouvelle Calédonie, sont inquiétants. S’il n’a évidemment pas à commenter une décision de justice, comme garant des institutions il ne peut par contre éluder l’expression du Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), qui a mis de fait en cause l’égalité de tous devant la loi.

Le Président de la République aurait dû rappeler les principes fondamentaux de l’Etat de droit, que tout agent public se doit de respecter. La contestation de la procédure légale affaiblit gravement nos institutions et l’autorité de l’Etat. Les hauts fonctionnaires qui apportent de l’eau au moulin corporatiste causent en réalité plus de dégâts qu’ils n’en réparent. Cela vaut pour toutes les missions régaliennes de l’Etat : police, justice, finances publiques, etc.

Le rôle du gouvernement et du Président de la République est tout à la fois de donner aux services publics les moyens d’agir, ce que manifestement il ne fait pas, et de rappeler au DGPN et au Préfet de police de Paris les limites fixée à leur expression, ce qu’il oublie de faire.

Rappelons enfin que l’incarcération préventive d’un policier marseillais par le juge des libertés peut faire l’objet d’un appel par l’intéressé. S’il estime cette décision infondée, il a tout loisir d’user de ce moyen à sa disposition : force doit rester à l’ordre de la loi !

100 jours, un remaniement cosmétique, et après ?

Sans majorité, sans projet politique défini maintenant que la réforme des retraites est passée, Emmanuel Macron se mue en président qui « tourne les pages ». L’exécutif a démontré depuis un an qu’il pouvait gouverner sans légitimité politique et sans tenir compte de la réalité vécue par les Français.

Cette dernière est pourtant cruelle, l’inflation ralentit certes mais les salaires ne suivent toujours pas et le pouvoir d’achat de nos concitoyens prend l’eau. La hausse de 10% des prix de l’électricité nous rappelle à quel point la crise de l’énergie est durable, sans qu’aucune action ne soit engagée pour apporter une réponse structurelle. Les discours s’accumulent sur la reconquête de notre souveraineté économique et industrielle alors que la vente de nos fleurons et les délocalisations se poursuivent. La semaine d’émeute qui a frappé notre pays après la mort de Nahel a démontré à quel point les fractures et les ségrégations sociales et territoriales sont à vifs, mais après un déploiement policier inédit pour rétablir l’ordre, l’exécutif a décidé de se contenter d’une loi expresse de réparation et n’a nullement l’intention d’aller plus loin.

Nos services publics, notamment hospitaliers, abordent cet été dans un état pire que le précédent, mais rien d’autre n’est proposé que le dispositif d’urgence qui avait permis de surnager l’année dernière. Que dire des perspectives de la rentrée scolaire de septembre prochain, après un an d’immobilisme complet sous le ministère de Pap Ndiaye. Le fiasco du dernier trimestre sur la mixité scolaire est venu clore une année pathétique.

Bercy nie toujours l’existence de superprofits alors que les dividendes continuent de s’envoler. Les défis écologiques (canicule, nappes phréatiques, biodiversité…) s’accumulent mais l’inaction générale est couverte par le vacarme des polémiques sur l’écologie radicale et la réponse sécuritaire qu’on oppose à ses activistes.

Aujourd’hui ou demain, on nous présentera donc un nouveau casting de ministres inconnus et souvent dépassés à l’avance par les faits… Le Prince de Lampedusa semble donner le ton des mois à venir : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout », mais Emmanuel Macron n’a pas le talent de Visconti comme réalisateur.

100 jours, un remaniement cosmétique, et après ?

Sans majorité, sans projet politique défini maintenant que la réforme des retraites est passée, Emmanuel Macron se mue en président qui « tourne les pages ». L’exécutif a démontré depuis un an qu’il pouvait gouverner sans légitimité politique et sans tenir compte de la réalité vécue par les Français.

Cette dernière est pourtant cruelle, l’inflation ralentit certes mais les salaires ne suivent toujours pas et le pouvoir d’achat de nos concitoyens prend l’eau. La hausse de 10% des prix de l’électricité nous rappelle à quel point la crise de l’énergie est durable, sans qu’aucune action ne soit engagée pour apporter une réponse structurelle. Les discours s’accumulent sur la reconquête de notre souveraineté économique et industrielle alors que la vente de nos fleurons et les délocalisations se poursuivent. La semaine d’émeute qui a frappé notre pays après la mort de Nahel a démontré à quel point les fractures et les ségrégations sociales et territoriales sont à vifs, mais après un déploiement policier inédit pour rétablir l’ordre, l’exécutif a décidé de se contenter d’une loi expresse de réparation et n’a nullement l’intention d’aller plus loin.

Nos services publics, notamment hospitaliers, abordent cet été dans un état pire que le précédent, mais rien d’autre n’est proposé que le dispositif d’urgence qui avait permis de surnager l’année dernière. Que dire des perspectives de la rentrée scolaire de septembre prochain, après un an d’immobilisme complet sous le ministère de Pap Ndiaye. Le fiasco du dernier trimestre sur la mixité scolaire est venu clore une année pathétique.
Bercy nie toujours l’existence de superprofits alors que les dividendes continuent de s’envoler. Les défis écologiques (canicule, nappes phréatiques, biodiversité…) s’accumulent mais l’inaction générale est couverte par le vacarme des polémiques sur l’écologie radicale et la réponse sécuritaire qu’on oppose à ses activistes.

Aujourd’hui ou demain, on nous présentera donc un nouveau casting de ministres inconnus et souvent dépassés à l’avance par les faits… Le Prince de Lampedusa semble donner le ton des mois à venir : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout », mais Emmanuel Macron n’a pas le talent de Visconti comme réalisateur.

+10% des prix de l’électricité : merci le marché européen !

+10% de hausse des prix de l’électricité au 1er août ! Le marché européen de l’électricité a encore frappé. Les ménages précaires et les PME industrielles en difficulté en sont les premières victimes.
Urgence sociale, urgence économique, urgence souveraine: nous devons reprendre le contrôle des prix de l’énergie.
Le vrai « bouclier tarifaire » pour la France, c’est de sortir IMMÉDIATEMENT du marché européen de l’énergie conçu au seul bénéfice des centrales à gaz allemandes. Ainsi nous pourrions vendre notre électricité à 60€ le Mwh et pas 190€ comme il est fixé ce jour aux heures pleines.
Une réorientation de notre politique énergétique est absolument indispensable.
C’est assez des milliards d’euros d’argent public déversés à perte sur les actionnaires des producteurs privés d’électricité !
Rétablissons le monopole d’EDF, rien qu’EDF, toujours EDF !

« Projet plein emploi » : après les émeutes, un contre-feu bien commode pour le Gouvernement !

Ce que l’on peut retenir du texte « pour le plein emploi » déposé par le gouvernement (et aggravé par la droite) est qu’il utilise toujours la même grosse ficelle quand il n’a rien a proposer : culpabilisation, stigmatisation et mépris des plus précaires.

Un contrat d’engagement (l’obligation de 15 à 20h par semaine) pour tous les demandeurs d’emploi. Traduction : les chômeurs sont responsables de leur situation et pour pouvoir continuer à bénéficier de leurs droits (disposer du service public de l’emploi et être indemnisé après avoir cotisé) ils devront « payer » en réalisant des heures sur des métiers qu’ils ne souhaitent pas forcément ou qu’ils ne savent ne pas faire.

Cette mesure ne prévoit aucun accompagnement supplémentaire et ouvrira un peu plus la porte à l’externalisation vers des partenaires privés.
D’un côté, la double peine pour les privés d’emploi et une charge supplémentaire pour les actuels conseillers « pôle emploi » et de l’autre un nouveau marché pour des prestataires pour l’heure inexistants, mais qui vont germer sous l’effet d’aubaine.
De plus, contrairement à ce qui avait été promis, rien dans ce projet ne permet de rétablir les mesures rejetées par le Conseil constitutionnel sur l’emploi des seniors.
En faisant entrer les allocataires du RSA dans le décompte de pôle emploi, le gouvernement introduit une confusion entre l’indemnisation du chômage ouverte en contrepartie de cotisation et le RSA, qui répond à la nécessité de garantir un filet minimum financé par l’Etat. En renforçant les mécanismes de sanction, en leur imposant 20h d’activité obligatoire, il y a fort à parier que le seul résultat qu’obtiendra le gouvernement sera une augmentation naturelle du non-recours aux allocations. De là à penser que c’est l’objectif visé…

La philosophie de ce projet de loi réside dans cette morale : moins il y aura de recours, plus le taux de chômage s’affichera à la baisse.
Chez ces gens-là, on ne compte plus, on cache !

La droite et la macronie nourrissent le RN !

En 6 jours d’émeutes, d’une intensité accrue par rapport à 2005, le chef de l’Etat ne voit pas qu’une grande partie du problème vient de lui et de ses prédécesseurs. Le délitement de l’école républicaine, la destruction des services publics, l’abandon des quartiers et des banlieues, tout comme celui de la ruralité, la co-gestion de la politique sécuritaire avec des syndicats radicalisés, le système de santé sous les décombres de la pandémie, le mépris des revendications du mouvement social, la concertation à coup de 49.3.

C’est au gouvernement qu’incombe la responsabilité de réparer ce qui est cassé. Il ne peut pas se contenter de répondre aux nuits de violence qui ont suivi le meurtre de Nahel Merzouki en invoquant la responsabilité parentale ou en accusant les jeux vidéos! Et sanctionner les pauvres sans se poser plus de questions sur l’origine du mal qui ronge nos quartiers populaires est une réponse bien commode – et bien ciblée – que les démagogues apprécieront.

Nous sommes à la veille des 100 jours de l’apaisement promis après la bataille contre la retraite à 64 ans. Le moins que l’on puisse dire est que l’objectif est loin d’être atteint! Si Macron ne change pas de politique, la France continuera de s’enfoncer dans le chaos, ouvrant ainsi un boulevard pour l’extrême-droite.

La droite et la macronie nourrissent le RN !

En 6 jours d’émeutes, d’une intensité accrue par rapport à 2005, le chef de l’Etat ne voit pas qu’une grande partie du problème vient de lui et de ses prédécesseurs. Le délitement de l’école républicaine, la destruction des services publics, l’abandon des quartiers et des banlieues, tout comme celui de la ruralité, la co-gestion de la politique sécuritaire avec des syndicats radicalisés, le système de santé sous les décombres de la précédente pandémie, le mépris des revendications du mouvement social, la concertation à coup de 49.3.

C’est au gouvernement qu’incombe la responsabilité de réparer ce qui est cassé. Il ne peut pas se contenter de répondre aux nuits de violence qui ont suivi le meurtre de Nahel Merzouki en invoquant la responsabilité parentale ou en accusant les jeux vidéos ! Et sanctionner les pauvres sans se poser plus de questions sur l’origine du mal qui ronge nos quartiers populaires est une réponse bien commode – et bien ciblée – que les démagogues apprécieront.

Nous sommes à la veille des 100 jours de l’apaisement promis après la bataille contre la retraite à 64 ans. Le moins que l’on puisse dire est que l’objectif est loin d’être atteint ! Si Macron ne change pas sa politique, la France continuera de s’enfoncer dans le chaos, ouvrant ainsi un boulevard pour l’extrême-droite.

LE CALME ET LA JUSTICE

Le meurtre du jeune Nahel Merzouk par un policier, qui a visiblement enfreint les règles d’utilisation de son arme, a mis le feu au pays ces derniers jours. L’exaspération dans les quartiers populaires face aux discriminations ressenties – et vécues ! – dans la relation de leurs habitants avec la police, n’épuise cependant pas l’analyse de ce déchaînement de violence. Cette intolérable bavure policière en est l’élément déclencheur mais pas la cause profonde.

Lors des dernières manifestations contre les retraites, certains d’entre nous avaient déjà redouté la survenue de drames similaires, pensant non sans raison que le gouvernement ait la volonté délibérée de créer les conditions d’un affrontement pour imposer par la peur et par la force sa politique de régression sociale. La police est instrumentalisée par les pouvoirs qui se succèdent depuis de nombreuses années pour mettre au pas tout mouvement social d’envergure. La police est sans cesse sollicitée, sans retenue et sans qu’on lui donne les moyens d’accomplir correctement sa tâche. Dès le mouvement des « gilets jaunes », les policiers étaient fatigués et usés, tout en étant encouragés par leur hiérarchie à accroître le niveau de violence en pratiquant les nassages systématiques, l’emploi des grenades de désencerclement et des LBD, sans parler des passages à tabac récurrents et autres humiliations comme celle subie par des lycéens mis à genoux la tête contre le mur. Bref un cocktail d’images insoutenables, qui documente un bilan accablant de violences policières, les pires depuis plus de 50 ans.

Peut-on dire pour autant que « la police tue » comme l’affirment des responsables de la France insoumise, dont leur leader ? Nous considérons que tenir de tels propos est une faute politique, car ils ne trient pas le bon grain de l’ivraie ! Ils jettent l’opprobre sur tout un service public et sur une institution – et font peser un risque moral et physique sur l’ensemble des gardiens de la paix, présumés tueurs en puissance. Les dérives dans la police sont réelles ; elles sont graves et concernent trop d’agents (on garde à l’esprit l’immonde forum de discussion sur lequel des milliers de policiers postaient des messages dont le racisme n’avait d’égal que la bêtise), mais ces phénomènes extrêmement inquiétants sont d’abord la conséquence de décisions politiques. La police est une institution régalienne. Sans elle, ni démocratie républicaine, ni cohésion nationale ne sont possibles. L’action des policiers contre les émeutiers et les bandes délinquantes, voire criminelles, durant la semaine qui vient de s’écouler, démontre s’il en était encore besoin qu’elle est indispensable pour éviter des drames, pour limiter autant que possible la dégradation des biens et les atteintes aux personnes, et cela, à ce jour, sans aucune victime malgré des situations où les policiers ont essuyé des coups de feu et constaté l’emploi d’armes létales par certains émeutiers.

Il n’en demeure pas moins que la doctrine d’emploi des “forces de l’ordre” doit être revue. Dans ce domaine les évolutions engagées depuis 20 ans sont contestables (cf. notre conférence des “Jeudis de Corbera” du 25 mai 2023). L’adoption sous l’impulsion de Bernard Cazeneuve et Bruno Le Roux de la loi dite de « sécurité publique » visait à assouplir les règles sur l’usage des armes à feu pour les policiers afin de les aligner sur celles des gendarmes. Ce texte, poussé par les circonstances d’un État encore traumatisé par les attentats de 2015 et la menace terroriste qui perdurait, nous l’avions déjà combattu ; il démontre aujourd’hui ses effets pervers et tragiques.

Il faut poser le bon diagnostic et en tirer les conséquences. Les services de police demeurent sous-dotés et leurs agents sont insuffisamment formés. Les décisions politiques prises en particulier depuis Nicolas Sarkozy, de la suppression désastreuse de la police de proximité à la révision générale des politiques publiques, ont fortement dégradé l’attractivité du métier de policier, dont les conditions de travail ne sont pas dignes d’un pays comme la France. L’administration s’est vue obligée de baisser son exigence de recrutement et cela a parfois conduit à l’embauche de policiers inaptes à cette fonction, violents, peu attachés aux valeurs républicaines, ayant surtout l’envie d’en découdre avec tous ceux ressemblant de près ou de loin à des étrangers. Alors que le racisme est un délit et une attitude antirépublicaine en soi, aucun fonctionnaire ne devrait prêter le flanc à une telle accusation dans l’exercice de sa mission. Sans une neutralité et une égalité de traitement strictes, l’autorité de l’État perd toute crédibilité. La pratique du contrôle au faciès maintient par ailleurs les fonctionnaires dans un état d’esprit délétère et les jeunes visés dans une défiance exacerbée contre l’institution et les pouvoirs publics.

Résultat, la violence d’État devient une réponse quasi automatique pour faire face aux mouvements populaires. Ce contexte déplorable est un terreau fertile pour la radicalisation d’une partie des policiers. La droite se contente depuis de trop longues années d’un soutien de façade à cette institution, en couvrant les exactions de ses éléments les plus violents et les comportements racistes croissants, pour faire oublier qu’ils ont affaibli ce service public.

Quant aux violences qui ont suivi le meurtre de Nahel Merzouki, elles sont l’illustration d’un contexte explosif : une population ouvrière, pauvre et précaire, méprisée par un pouvoir au service exclusif des riches et des possédants.

En Allemagne, il y a eu un mort en 10 ans pour refus d’obtempérer ; en France, on en est à 16 en 18 mois. Toute l’Europe observe cette dérive avec effarement et la France devient aux yeux de ses voisins un exemple à ne pas suivre.

La colère populaire déclenchée par la tragédie de Nanterre a aussi été exacerbée par certains médias, osant relayer des « informations », souvent mensongères, pour sous-entendre que ce jeune homme l’avait finalement bien cherché, faisant ainsi fi de toute compassion et même de toute honorabilité.

Ainsi, les violences de ces derniers jours ne sortent pas de nulle part mais il est hors de question de les excuser ou, pire, de les encourager. Car ce sont les quartiers populaires qui brûlent, des services publics déjà trop peu présents qui brûlent, ce sont les habitants de ces quartiers qui subissent les discriminations et les difficultés sociales endémiques qui en sont les premières victimes. Nous n’avons pas confiance dans le pouvoir actuel pour prendre enfin conscience de l’enjeu – les déclarations de diversion sur les jeux vidéos, les réseaux sociaux et l’irresponsabilité des parents préparent les esprits à l’inaction – et mettre des moyens pour reconstruire des quartiers abandonnés depuis bien longtemps.
À l’opposé, lorsqu’on refuse d’appeler au calme, soi-disant au nom de la justice, on commet une lourde erreur car on se rend complice des véritables responsables. De ce gouvernement d’abord, qui pourra ainsi en profiter pour accuser la gauche d’exploiter politiquement la mort de Nahel Merzouki pour semer le désordre et diluer sa lourde responsabilité.

Il faut arrêter de donner l’impression qu’on pourrait opposer le calme à la justice, il faut vouloir les deux ! Les explosions de colère et les révoltes sans autre but que la casse et le pillage n’amènent jamais la justice. D’un point de vue pénal, celle-ci suit son cours : le policier a été mis en examen pour « homicide volontaire », il est placé en détention provisoire et à l’isolement : à ce stade, la justice fonctionne. Nous devons être particulièrement vigilant sur la façon dont l’IGPN traitera ce dossier. Si elle fait, par esprit de corps, comme on l’a vu dans d’autres cas, obstruction à la vérité, cela pourrait aggraver la situation. Une réforme de cet organisme s’impose plus que jamais pour en garantir l’impartialité.

Enfin, les violences et déprédations font clairement le jeu de l’extrême droite, au point qu’on a vu dans certains quartiers des milices se constituer et des groupes fascistes proposer leurs « services » et parader dans les rues en hurlant leurs slogans racistes. En l’occurrence, l’appel à la sédition contre l’État de la part du pôle syndical majoritaire Alliance/UNSA chez les policiers est d’une exceptionnelle gravité, que la République française ne saurait tolérer.
Il en va du maintien de notre cohésion nationale de renforcer les services publics sur l’ensemble de notre territoire et bien entendu aussi de la police avec une véritable politique d’investissement et de formation.

Face aux discours hypocrites de la droite, la gauche devra agir !

Nos services publics ont besoin d’un véritable Plan Marshall pour que les principes d’égalité et de justice reprennent tout leur sens, qu’il s’agisse d’éducation, de santé, d’action sociale, mais aussi de police et de travail efficace de toute la chaîne judiciaire.

Daniel Large, Frédéric Faravel et Laurent Miermont

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