Statut des directeurs d’école : le Macronisme en mode disciplinaire et inégalitaire

Il est des mots que le législateur ne doit pas oublier : « Le travail des directeurs est épuisant, car il y a toujours des petits soucis à régler, ce qui occupe tout notre temps de travail et bien au-delà du temps rémunéré, et à la fin de la journée, on ne sait plus trop ce que l’on a fait. » C’est « la perspective de tous ces petits riens qui occupent à 200% notre journée » qui épuise les directions d’école. 

Extraits de la lettre de Christine Renon, « directrice épuisée » d’une école à Pantin, déchargée à temps complet, qui s’est donnée la mort le 21 septembre 2019. 

La proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école arrive au Sénat : le texte sera examiné en commission le 3 mars puis en séance publique le 10 mars 2021. La Gauche Républicaine et Socialiste ne peut que constater qu’elle ne répondra pas aux attentes des directrices et directeurs d’école. Pire, la constante négation de la réalité des conditions de travail dont le projet de loi fait encore la preuve risque d’accroître les difficultés de ces enseignants-directeurs investis de cette fonction. 

Les directeurs d’école demandent une reconnaissance. Non seulement en terme salarial, mais aussi une reconnaissance de cette charge de travail totalement invisible, restée hors de portée de la compréhension de tous les législateurs et ministres réunis jusqu’ici. Jean-Michel Blanquer, Cécile Rilhac et le gouvernement ne font pas exception. Ils ont oublié les mots de Christine Renon. 

Il est temps de reconnaître la réalité. Elle sait qu’il y a 20 ans encore les quelques échanges avec la hiérarchie se limitaient à moins d’une dizaine de courriers. Le travail de direction d’école était entièrement tourné vers les élèves. Aujourd’hui, l’école est immédiatement accessible pour l’ensemble des parents, des services municipaux et académiques du fait des évolutions technologiques et de la société. Cette possibilité est souvent devenue une convocation à répondre dans l’instant, une injonction à l’astreinte permanente. Ces enseignants particulièrement dévoués perdent depuis lors le sens de la direction d’école. Un pan entier de notre école si essentiel pour maintenir l’édifice debout – nous l’avons tous vu lors de cette crise sanitaire – est au bord de burn-out

Quand les directeurs d’école réclament des secrétaires d’école et des moyens matériels, le Ministre de l’éducation nationale a répondu par deux fois en moins de deux ans par la création d’un statut spécifique. Un statut, dans de telles conditions, ne changera rien aux conditions de travail. Pour preuve, seuls 11% des concernés sont favorables à la création d’un tel statut. Heureusement par deux fois, la mobilisation de la profession, d’élus et de parents d’élèves a permis d’écarter cette perspective. 

Dans le texte présenté au Sénat, nous pouvons cependant saluer deux avancées : 

  • La première consiste à transférer la responsabilité du « plan pour parer aux risques majeurs liés à la sûreté » des directeurs à l’autorité académique et aux collectivités responsables des locaux scolaires ; 
  • La seconde concerne le temps de décharge de classe qui correspond en partie à la demande de la profession. 

Mais l’idée du « statut », chassée par la porte et la fenêtre, revient cette fois-ci par la lucarne. Si l’on peut lire que le directeur « n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école », le reste du texte sème en effet le doute. La notion floue de « délégation de compétences de l’autorité académique » pour un « emploi de direction » (autre notion imprécise) nouvellement créé, démontre une nouvelle tentative de séparer les directeurs de leurs collègues. Le texte est très clair par la suite : « Lorsque sa mission de direction n’est pas à temps plein [le directeur] peut-être chargé de missions d’enseignement dans l’école dont il a la direction ou de missions de formation ou de coordination. » Ainsi le directeur n’est plus un enseignant faisant fonction de directeur, mais bien d’un directeur faisant fonction d’enseignant. Et comment nomme-t-on un emploi séparé de ses pairs qui endosse une partie de l’autorité académique ? Un supérieur hiérarchique… 

Le gouvernement et sa majorité présidentielle démontrent ainsi leur volonté de ne pas répondre aux problèmes réels d’organisation de l’école. Il nous paraît nécessaire que cette « délégation de compétences de l’autorité académique » disparaisse du texte, car cette notion met à mal la confiance au sein de la communauté éducative attachée à son horizontalité. 

L’article 4 bis nous paraît par ailleurs inutile : de nombreuses écoles, en pédagogie coopérative pourtant régulièrement mise à l’index, voire sanctionnée, associent les élèves aux décisions. Il semblerait plus opportun de reconnaître et garantir la liberté pédagogique. 

La Gauche Républicaine et Socialiste demande enfin que l’État reprenne la responsabilité de ses décisions en ne les reportant pas sur les collectivités territoriales qu’il a fragilisées depuis de nombreuses années : ni l’aide humaine (article 2 bis) et ni les moyens informatiques liés à la mission de direction (article 2 – 11) ne devraient être imputés aux communes. L’article 4 semble être la monnaie d’échange avec les collectivités en donnant au directeur d’école la charge de l’organisation du temps périscolaire. Alors que cela est aujourd’hui possible dans le cadre du cumul d’activités et donc d’heures supplémentaires rémunérées, cet article permet la mise à disposition à titre gracieux de moyens humains, sur le dos des directeurs, pour permettre aux collectivités de supprimer quelques postes sur le temps périscolaire. 

Nul ne doit être naïf face à ce texte : la hiérarchisation de l’école n’a d’autres objectifs que la disciplinarisation de ce maillon éducatif ; le macronisme cherche à décharger encore une fois l’État de ses obligations sur les collectivités ce qui ne peut qu’accroître les inégalités territoriales et les fractures dans l’unité républicaine de la nation. 

Nous ne pouvons nous y résoudre.

La situation épidémique est de plus en plus inquiétante à Mayotte du fait des contaminations par le variant sud-africain du Covid-19

Seul département à être confiné aujourd’hui, ce territoire de 376 km² a vu une forte hausse du nombre de cas (+2 400 en une semaine en Février) et un taux d’incidence de 858,8 cas pour 100 000 habitants. L’Agence Régionale de Santé de Mayotte a d’ailleurs confirmé un taux de positivité de 30%, 141 hospitalisations (dont 29 en réanimation) et 95 décès. 

Pour tenter de surmonter ces problématiques, les autorités préfectorales et l’Agence Régionale de Santé ont déployé un million d’euros pour la mise en place d’un dispositif de médiation dont l’objet est de sensibiliser les populations aux gestes barrières et au respect du confinement. Par ailleurs, l’État a mis en place une distribution d’aide alimentaire d’urgence en direction des plus démunis et des aides financières destinés aux entreprises – sachant que le territoire avait connu la plus forte perte de la valeur marchande dans les Outre-Mer lors du premier confinement avec -9,9 % – via le Fonds de solidarité. 

Ces aides d’État sont nécessaires pour répondre aux difficultés des populations mais restent temporaires et insuffisantes. 

En effet, les conditions de vie (dont les carences d’alimentation et l’existence de cas de dénutrition aiguë) et les difficultés d’accès à des services de base (tels que l’eau potable, ne serait-ce que pour respecter les mesures d’hygiène) compliquent la lutte contre la pandémie. Rappelons que 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté, que l’habitat indigne – notamment avec des bidonvilles recueillant la pression migratoire – y est largement répandu et que l’inégalité d’accès à la santé (avec 28 médecins libéraux pour toute l’île en 2017 et un seul Centre Hospitalier qui manque de moyens) obligent aujourd’hui des transferts de malades vers La Réunion (1 412 km par dessus l’Océan Indien et Madagascar, 2h10 d’avion). 

Au-delà des quelques mesures mises en place, la situation actuelle nous rappelle à quel point il est important d’organiser et planifier enfin un réel développement structurel, économique et sanitaire de Mayotte afin d’éviter de telles situations dans le temps. 

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son entier soutien à nos concitoyens de Mayotte dans cette période difficile. 

En quelques chiffres : 

Assurance-chômage : entêtement gouvernemental contre unité syndicale

Les cinq grandes confédérations syndicales ont de manière inédite décidé de s’exprimer ensemble dans un communiqué public ce mardi 23 février 2021 pour dénoncer à nouveau l’entêtement gouvernemental sur la « réforme » de l’assurance chômage.

Leur opposition était connue et affirmée depuis de longs mois, après l’échec des négociations avec les partenaires sociaux au printemps 2019. Le gouvernement d’Édouard Philippe avait alors rejeté la faute sur l’incapacité du patronat et des organisations syndicales à s’accorder sur une réforme, après avoir lui-même organisé l’impasse en leur intimant des injonctions contradictoires. Il avait donc imposé ses vues au travers de deux décrets publiés au Journal officiel le 28 juillet 2019 (n° 2019-797 et n° 2019-796), dont le seul objectif visait à réaliser des économies sur le dos des demandeurs d’emploi.

Opposition syndicale radicale

Les cinq organisations de salariés avaient déjà exhorté l’exécutif à renoncer à la réforme de l’assurance-chômage, dans un courrier commun adressé le 14 octobre 2020 au premier ministre, Jean Castex, avec copie à Emmanuel Macron. Mais il ne s’agissait que d’un des nombreux points abordés dans cette lettre.

Ce qui est inédit ici c’est le communiqué public sur le seul sujet de l’assurance chômage dans lequel les organisations renouvellent leur opposition totale à des mesures dont les incidences « pèseront lourdement sur le quotidien des femmes et des hommes qui perdent leur [poste] ». Trois dispositions sont particulièrement critiquées depuis l’origine : accroissement de la durée de cotisation pour être éligible à une allocation et pour recharger les droits à indemnisation ; dégressivité des sommes versées à partir du septième mois pour les chômeurs de moins de 57 ans qui gagnaient 4 500 euros brut quand ils étaient en activité ; nouvelle formule de calcul, ayant pour effet de diminuer la prestation pour ceux qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité.

Élaborées à une époque où l’économie était dynamique, mais déjà contestées, ces dispositions ont été suspendues, reportées ou adoucies par le gouvernement, lorsque la pandémie de Covid-19 a entraîné une brutale récession, à partir du printemps 2020. Ainsi Le 1er novembre 2019, les premières mesures étaient entrées en vigueur. Il s’agissait des nouvelles règles d’indemnisation (durée minimale de travail, rechargement des droits, dégressivité des allocations chômage pour les hauts revenus, ouverture des droits aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants). Ces mesures ont été suspendues jusqu’au 1er janvier 2021 par le décret du 29 juillet 2020. Cependant, le retour aux règles antérieures ne s’applique qu’aux demandeurs d’emploi dont la fin du contrat de travail est intervenue entre le 1er août et le 31 décembre 2020 (sans rétroactivité pour ceux qui avaient déjà perdu leur emploi entre le 1er novembre 2019 et le 31 juillet 2020). Au 1er septembre 2020, le deuxième volet de la réforme devait entrer en vigueur avec le changement du mode de calcul de l’allocation chômage. Reportée une première fois, la réforme devrait cependant être appliquée dès le 1er avril 2021. L’échéance dramatique se rapproche.

L’exécutif n’a jamais remis en cause le fondement et la motivation des décrets de juillet 2019 ; le gouvernement cherche donc à préserver au maximum le contenu de « sa réforme » et à obtenir une forme de victoire à la Pyrhus, pariant tout à la fois sur la lassitude et le retour de la division syndicale qui serait facilitée par une forme de reprise économique (dont on peine à voir en quoi il la prépare).

On ne change pas une logique qui perd

Une pseudo-concertation a donc été engagée par Élisabeth Borne qui prétend « amender » le contenu des décrets de juillet 2019. Mais dans les scénarios proposés par le pouvoir, la philosophie reste intacte ; il ne saurait être question tout au plus que de changer le calendrier de mise en œuvre de la réforme tout en atténuant son impact, pour les chômeurs comme pour les entreprises, le « en même temps » qui avait abouti à l’échec du printemps 2019. Les arbitrages de l’exécutif devraient tomber en mars, après une nouvelle réunion des partenaires sociaux avec la ministre dans une semaine.

Mais les syndicats en contestent le fondement même : « Le chômage n’est pas un choix » ; « les demandeurs d’emploi doivent bénéficier d’une assurance-chômage garantissant à la fois un revenu de remplacement approprié (…) et un accompagnement adapté aux besoins de chacune et chacun ». Les seuils d’accès à l’indemnisation « doivent inclure un maximum de travailleurs et tout particulièrement les jeunes » tandis que la détermination des règles d’indemnisation « doit obéir à des principes simples et lisibles ». Enfin, la formule de calcul doit permettre « de délivrer une indemnisation au plus proche du salaire perdu ».

Quant à la dégressivité des indemnités, les confédérations exigent son abandon pur et simple car elles la jugent « inefficace », « dangereuse » et « injuste ». En effet, cette mesure incite « à accepter des emplois moins qualifiés » et « sanctionne les personnes qui ont le plus de mal à retrouver un emploi ». Par ailleurs, les organisations syndicales considèrent qu’« une modulation des cotisations patronales est nécessaire pour décourager les employeurs abusant des contrats précaires ». C’était un des points que le patronat avait violemment refusé au printemps 2019, offrant ainsi au gouvernement Macron-Philippe le prétexte pour passer en force avec ses deux décrets. Les organisations syndicales peuvent aujourd’hui s’appuyer sur les premiers travaux de l’Unédic qui confirment que les conséquences seront lourdes pour les demandeurs d’emploi et largement concentrées sur les plus précaires. Ces conclusions ont été confirmées par d’autres études sociales.

De nouvelles impasses

La crise sanitaire a contraint le gouvernement à suspendre la mise en œuvre de sa « réforme ». Mais malgré la mise en scène d’une concertation de façade, le gouvernement continue d’avancer dans sa mise en œuvre coûte que coûte comme nous l’avons vu plus haut.

La crise actuelle a par ailleurs mis en exergue de nouvelles et graves difficultés.

L’extension nécessaire du dispositif de chômage partiel – sans jamais interrogé pourtant son mode de financement – a permis à de nombreuses entreprises de ne pas mettre la clef sous la porte et à des millions de salariés de ne pas trop perdre de revenus. Mais comme nous nous en étions alarmés le 9 décembre dernier (https://g-r-s.fr/le-gouvernement-profite-t-il-de-la-crise-sanitaire-pour-tuer-lassurance-chomage/), sans réflexion sur son adaptation à une situation nouvelle pour laquelle il n’avait pas été prévue, le dispositif « activité partielle » est en train de déséquilibrer durablement les comptes de l’assurance chômage ce qui place les organisations syndicales et patronales dans une position de fragilité face au gouvernement.

Par ailleurs, le gouvernement et les partenaires sociaux font pour des raisons différentes l’impasse sur tous les profils qui ne correspondent pas aux salariés stables qui peuvent faire valoir un contrat de travail ; la crise sanitaire et l’arrêt forcé de l’activité économique a mis au jours la détresse de l’immense majorité des salariés à l’emploi discontinu auxquels aucun dispositif solide ne répond. Une fois (mal) « réglé » le cas des intermittents du spectacles, il reste plusieurs centaines de milliers de travailleurs engagés en « extra » dans la restauration, l’hôtellerie, l’événementiel, le nettoyage, le commerce, le tourisme, l’agriculture … à qui rien n’est proposé. Il faut ouvrir ce chantier et prendre enfin en compte ces salariés dont l’emploi est par nature intermittent ou à ces millions de chômeurs incités depuis des décennies à accepter n’importe quel petit boulot par un déni de droit à l’assurance chômage. On ne saurait non plus se contenter de leur promettre une très hypothétique généralisation des CDI. Dans de nombreux secteurs ou métiers, l’intermittence est officiellement la norme reconnue comme un « usage » par un agrément du ministère du travail. La perspective d’un CDI pour tous demeure à ce stade incantatoire et peine d’autant plus à convaincre qu’elle a été faite par bien des gouvernements avant l’actuel. L’alternative bien réelle à laquelle ces salariés à l’emploi discontinu sont confrontés dans la pratique est plutôt celle d’une sortie du salariat, celle d’une flexibilité sans sécurité. L’ubérisation est-elle l’horizon dans lequel ils doivent se projeter ?

La majorité présidentielle avait tenté une manœuvre de diversion avec une proposition de loi, portée par un député et un sénateur LREM, qui abordait le sujet sans répondre réellement aux besoins de ces salariés. Ce texte – pourtant très insuffisant – vient d’être royalement enterré : le principal rédacteur de la proposition a été missionné par le premier ministre pour « réfléchir » sur le dossier, renvoyant ainsi aux calendes grecques toute discussion parlementaire, alors même que la gauche s’apprêtait à accepter de discuter et d’amender la proposition de loi.

* * *

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte donc son soutien aux organisations syndicales et partage leur avis sur la nocivité de la réforme de l’assurance chômage imposée par le gouvernement en juillet 2019. Nous demandons à nouveau l’abrogation des décrets n° 2019-797 et n° 2019-796 qui seule permettra une discussion saine pour travailler à l’amélioration du système. Celle-ci ne peut s’effectuer en considérant que le chômage serait choisi. La Gauche Républicaine et Socialiste appelle les organisations syndicales et professionnelles à prendre à bras le corps le dossier des intermittents de l’emploi et à cesser de considérer qu’il n’existe qu’un seul profil type de salariés. La Gauche Républicaine et Socialiste apportera son soutien et sa réflexion aux initiatives des parlementaires de gauche qui travaillent aujourd’hui par-delà les deux chambres – et en rassemblant toutes les sensibilités – à une rénovation solidaire de notre système d’assurance chômage.

Élections en Catalogne : la question républicaine plus brûlante que jamais

Dimanche 14 février se sont tenues les élections renouvelant la Generalitat, le parlement catalan. Organisé en pleine pandémie de coronavirus, le scrutin a vu la participation s’effondrer. Les républicains indépendantistes ont vu leur majorité se renforcer, et la gauche dans son ensemble, unioniste comme indépendantiste ressort largement majoritaire. Toutefois, le parti d’extrême-droite néo-franquiste Vox fait son entrée au parlement. 

À première vue, les résultats semblent montrer une large victoire des indépendantistes. Leur majorité au parlement s’accroît (passant de 70 à 74 sièges sur 135). La baisse de mobilisation du camp unioniste a conduit à ce que, pour la première fois, le camp indépendantiste totalise plus de 50% des suffrages exprimés. Autre première électorale depuis la fin du franquisme dans une élection du parlement catalan, la gauche républicaine de Catalogne (ERC) arrive en tête du camp indépendantiste. L’ERC dépasse la coalition indépendantiste attrape-tout de Carles Puigdemont Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), en voix (21,3% contre 20%) comme en sièges (33 contre 32). Les indépendantistes de gauche radicale de « candidature d’unité populaire » (CUP) améliorent sensiblement leur score, après une campagne où ils sont apparus comme les plus farouches partisans de l’indépendance unilatérale. Ils obtiennent 6,7% des voix et 9 sièges, 5 de plus qu’en 2017. Ils dépassent ainsi En Comú, Podem (coalition autour de Podemos, 8 sièges), et s’imposent comme la principale force de gauche radicale. Les indépendantistes de droite du parti démocrate européen de Catalogne (PdeCat), le parti d’Artur Mas rongé par la corruption, avaient été expulsés de Junts par Carles Puigdemont – qui en était pourtant issu – pour manque de fidélité à son égard. Le PdeCat ne cautionne pas le virage au centre gauche de Puigdemont. Ce dernier avait renoncé au discours habituel de la droite catalaniste, promouvant l’indépendance afin de faire de la Catalogne une Cité-État dynamique et libérale, débarrassée de la péréquation sociale espagnole ; Puigdemont avait recentré son action politique sur la recherche de l’indépendance, en s’alliant avec des formations plus à gauche. Le PdeCat concourrait donc seul lors de ces élections et a échoué à conserver des sièges au parlement, totalisant à peine plus de 2% des suffrages. 

Un camp indépendantiste ancré à gauche 

Cette large victoire des indépendantistes ne doit pas masquer celle plus large encore de la gauche dans son ensemble. Dans le camp indépendantiste, les républicains de gauche de l’ERC ont pris l’ascendant sur le parti de Puigdemont, qui s’était lui-même éloigné des mantras classiques de la droite catalaniste. Celle-ci est reléguée hors du parlement. La gauche radicale indépendantiste progresse sans pour autant que En Comú, Podem ne recule. Dans le camp unioniste, les centristes libéraux ultra-unionistes (voire nationalistes) de Ciudadanos s’effondrent, passant de premier parti, avec 25% des voix et 36 sièges en 2017, à septième parti, avec 5% des voix et 6 sièges en 2021. Cet effondrement profite au Parti socialiste de Catalogne (PSC, branche catalane autonome du PSOE), qui arrive en tête des suffrages avec 23% des voix (+9 points), et gagne 13 sièges, pour en atteindre 33. Au total, les différents partis de gauche (PSC, ERC, CUP et En Comú, Podem) obtiennent 83 sièges et presque 58% des suffrages, sachant que la coalition Junts comprend également en son sein plusieurs petits partis de gauche indépendantistes. Même si la logique d’alliance actuelle oppose les indépendantistes aux unionistes, une coalition PSC – ERC – Podemos serait majoritaire. Dans l’hypothèse d’une majorité indépendantiste, Junts devra se faire au rôle inédit de partenaire minoritaire de coalition ; cela pourrait tendre d’avance les relations avec l’ERC qui ne sont pas forcément au beau fixe. Aussi une majorité de gauche pourrait éventuellement représentée une alternative à celle de l’union des indépendantistes. 

L’unionisme intransigeant a nourri l’extrême droite 

La droite unioniste, grande perdante de ces élections, n’a pas réussi à se mobiliser. Ainsi la droite libérale de Ciudadanos est balayée, payant sans doute ses outrances ; la droite conservatrice du Parti Populaire poursuit son effondrement, en dessous de 4% des voix, perdant encore un siège de député et n’en conservant plus que trois, tous issus de la circonscription de Barcelone. En revanche, la droite néo-franquiste de Vox fait une entrée tonitruante au parlement catalan, arrivant en tête des voix à droite (7,7%, 11 sièges). Le récit de la Catalogne antifasciste pure de tout élément d’extrême-droite, rhétorique fréquente du camp indépendantiste, butte désormais sur la réalité du poids de Vox dans la droite unioniste catalane ; cependant cette rhétorique continue d’être opérante pour ce qui est  de la composition du camp indépendantiste. Les raisons de cet effondrement de Ciudadanos et de la progression de Vox sont analogues à celles ayant expliqué, en 2019, un effondrement identique de Ciudadanos et la même progression de Vox aux élections générales espagnoles. Ciudadanos, par son discours unioniste radical, favorable à la suspension de l’autonomie catalane et à l’emprisonnement des leaders indépendantistes, était en décalage avec son discours économique libéral. Les plus sensibles au discours s’opposant au morcellement de l’Espagne sont précisément ceux qui ont le plus à perdre du libéralisme, les catégories populaires, bénéficiaires de la péréquation centralisée espagnole. La politique sociale et la relative fermeté sur la question catalane de Pedro Sanchez, premier ministre socialiste d’Espagne, ont permis au PSOE et au PSC de regagner une partie des catégories populaires dont une partie avaient pu être séduites par la fermeté de Ciudadanos, mais qui a fini par se lasser du libéralisme économique intégral de ce parti. En Catalogne, les banlieues de Barcelone peuplée « d’immigrants » andalous, après avoir voté Ciudadanos en 2017, sont largement repassées au PSC. Les électeurs les plus radicalement opposés à l’autonomie ou à l’indépendance de la Catalogne ne sont pas restés à Ciudadanos, et sont allés au plus court, Vox tenant un discours encore plus radical. 

La République et l’unité espagnole : deux débats désormais incontournables 

Ainsi, dans le camp unioniste comme dans le camp indépendantiste, la gauche a pris le dessus. Le renforcement de la majorité indépendantiste, et la victoire inédite depuis le retour à la démocratie des républicains de gauche, rendent inévitable la question d’une république catalane. L’emprisonnement des leaders indépendantistes ayant participé au référendum de 2017, dénoncé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et contraire aux lois européennes concernant Oriol Junqueras (président de l’ERC, élu député européen en 2019 avant son jugement, et donc bénéficiant de l’immunité parlementaire mais qui n’a pas été libéré de sa détention provisoire), le refus par les socialistes espagnols d’envisager la fin d’une monarchie corrompue, et le divorce culturel grandissant entre le Royaume d’Espagne et la Catalogne renforcent les arguments et les positions des indépendantistes. Si l’indépendance de la Catalogne n’est qu’un prélude au délitement complet de l’État-Nation espagnol, il y a cependant de quoi s’interroger sur le processus qu’elle ouvrirait. La question est aujourd’hui posée de savoir si l’Espagne serait capable de survivre en tant que Nation sans la Catalogne et sans doute sans la monarchie, car le coup porté par l’indépendance catalane à celle-ci (après la mise au jour de son niveau de corruption) lui serait probablement fatal. Nous ne pourrions pas non plus accueillir sans circonspection une indépendance catalane qui ne serait motivée que par la création d’un paradis fiscal libéral fuyant l’Espagne pour échapper à la péréquation ; la progression constante de l’ERC et l’évolution à gauche du camp indépendantiste semblent évacuer le projet d’une Catalogne néolibérale. Le républicanisme catalan ne doit pas devenir un prétexte pour le démantèlement de l’État social espagnol, mais la défense de celui-ci ne doit pas autoriser à bafouer la démocratie et à emprisonner des opposants politiques. 

Grève à la raffinerie de Grandpuits : récit d’une journée de mouvement social

Ce dimanche 7 février 2021, deux militants de la Gauche Républicaine et Socialiste de Seine-et-Marne – Nathalie Moine, co-référente départementale GRS77 et Gurvan Judas – se sont rendus à la raffinerie de Grandpuits dans le sud du département où les salariés sont maintenant en grève depuis le 4 janvier. Plus de 40 jours. 40 jours de combats. Gurvan nous raconte cet après-midi auprès des salariés et de leurs soutiens.

« La raffinerie, alimentée depuis des pipelines venants du Havre et remontants,la Seine est vétuste. Elle est en réalité « délaissée » au nom d’une politique écologique fondée sur la production de biocarburants et de bioplastiques et l’exploitation de deux centrales solaires photovoltaïques : Total cherche ainsi à se repeindre en vert pour l’occasion. Un plan de licenciement est prévu. La raffinerie doit faire l’objet d’une reconversio, et arrêter toutes ses activités d’ici 2023.

Une procédure de plan de sauvegarde de l’emploi prévu va entraîner la disparition de 150 postes. Mais d’après les syndicats, ce sont 700 salariés, sous-traitants compris, qui seront touchés. Des chiffres que conteste la direction de Total qui assure que 250 postes seront maintenus et 15 autres créés. Malgré cela, la colère des salariés de la raffinerie de Grandpuits monte, encore et toujours, en témoigne ce que nous avons vu ce dimanche.

Arrivés aux alentours de midi, nous avons dans un premier temps vu peu de monde : des Gilets Jaunes, des membres de la CGT et d’organisations politiques comme Le Mouvement Révolutionnaire (issu d’une scission du NPA), ainsi que des membres d’écoles d’art étaient déjà présent sur place, autour d’un feu. S’organisait alors progressivement la journée dans une ambiance festive ainsi que le repas : merguez, barbecue, sandwich. Des panneaux « En Grève » et des drapeaux de la CGT recouvrent le parking, une table, des caisses de grèves et même un sapin de Noël avec un gant faisant un doigt d’honneur en guise d’étoile ( certainement adressé au PDG de Total). Progressivement, de plus en plus de monde arrive, plusieurs dizaines, avant que le spectacle ne commence. Car ce dimanche se tenait une journée spéciale sur le parking de la raffinerie où a été installé un chapiteau pour l’occasion. À proximité du piquet de grève, des artistes, un chanteur, défendant d’une voix grave, accompagné d’une guitare et d’un accordéon, le sort des salariés. S’y ajoutent bientôt une troupe de cirque, des numéros de jonglage et d’acrobaties pour rythmer cette journée festive. Des numéros impressionnants remplis d’humour et de dérision face à la situation des salariés, les jongleurs, jonglant avec de fausses bouteilles de Champagne amenées « pour le PDG de Total ». « On est là, on est là, pour l’honneur des raffineurs et pour un monde meilleur, même si Macron ne veut pas nous on est là », cette adaptation de l’antienne des Gilets Jaunes ponctue l’après-midi Tout cela malgré un froid glacial et la neige par moment. Enfin, pour finir un numéro de Stand Up, Audrey Vernon, venue jouer son spectacle « Billion dollar baby » pour clôturer cette journée de fête.

Avant le spectacle, les raffineurs s’étaient réunis ; ils n’étaient que quelques uns à être présents, la majorité de cette petite foule joyeuse – malgré la situation – est constituée des familles des raffineurs et de différents soutiens. Ces soutiens, ces présences sont essentielles pour les raffineurs comme l’a rappelé Adrien Cornet délégué CGT de Grandpuits, organisateur de cette journée, dans un discours magnifique, où il était ému aux larmes.

Nous avons pris le temps de le rencontrer ensuite lui, ainsi que plusieurs autres raffineurs et organisateurs de cette journée, pour échanger sur la lutte qu’ils conduisent. Leur discours est intelligent, censé ; ils sont conscients de la crise écologique, de la nécessité d’engager cette transition, que le pétrole pollue. Ils demandent cependant que cette transition écologique se fasse en amont : elle doit être programmée, engagée de manière intelligente, préparée. Et non se faire au détriment de centaines d’emplois, l’écologie servant ici d’excuse à Total pour fermer un site vétuste dans lequel elle a cessé d’investir. C’est ce que que nous a dit l’un des organisateurs.

D’autres journée de ce type et actions sont prévues, notamment une manifestation ce mardi 9 février à La Défense au pied de la Tour Total. Les soutiens sont nombreux, les syndicalistes affirment qu’« une dizaine de milliers d’euros » a déjà été récoltée pour soutenir le mouvement.

Comment ne pas être ému devant ces gens conscients de la réalité, dont le discours est lucide. Ils se battent pour leur avenir et leurs emplois, dans le rire et la joie ; ils font peuvent d’une force et d’une résilience formidable, d’une solidarité sans faille. Des gens qui se battent pour leur emplois face au géant Total, pour l’honneur des raffineurs et pour un monde meilleur, oui ils sont là…et le resteront jusqu’à ce qu’ils soient enfin entendus … et il serait bon que ce ne soit pas que par Total ! »

Veolia contre Suez : non c’est non  !

Le PDG de Veolia serait-il une métaphore capitalistique du type lourd en boîte de nuit à qui on dit « non » 3 fois et qui ne peut s’empêcher de revenir à l’assaut ? 

Veolia, en effet, a annoncé, dimanche 7 février 2021, « le dépôt d’une offre publique d’achat sur l’ensemble du capital de Suez, au prix de 18 euros par action − coupon attaché ». C’est le prix auquel cette société avait racheté, le 5 octobre, 29,9 % du capital de son rival auprès d’Engie (ex. GDF-Suez). 

La société Suez affirmait avoir obtenu du tribunal de Nanterre une ordonnance imposant à Veolia de ne pas lancer son OPA, si elle n’était pas préalablement approuvée par son propre conseil d’administration. Mais Veolia, de son côté, assurait avoir déposé son offre à 7 heures auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) avant que la décision du tribunal ne lui soit communiquée, à 7 heures 23. « Notre offre est valable. Elle est partie », a répliqué Antoine Frérot, PDG de Veolia. Décidément, la métaphore du dragueur impénitent de boîte de nuit semble taillée précisément pour ce dernier. 

Depuis l’été 2020, les principaux dirigeants capitalistes ou gouvernementaux soufflent le chaud et le froid dans ce dossier. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, n’a jamais totalement désavoué ce projet d’absorption de Suez par Veolia, défendant même l’idée de création d’un grand champion économique de l’environnement, mais demandant pour donner le change à ce que M. Frérot s’engage à obtenir un blanc-seing de Suez avant de lancer son OPA à 11,3 milliards d’euros, dont 3 milliards déjà dépensés dans le cadre du rachat des titres Engie. On se rappelle qu’Engie avait elle-même lâché Suez en octobre dernier au terme d’un conseil de surveillance rocambolesque, au cours duquel les représentants de l’État avaient mis en scène leur marginalisation et ceux de la CFDT s’étaient absentés au moment opportun… 

L’annonce de Veolia de ce jour constitue une nouvelle irrégularité majeure qui ridiculise un peu plus l’Etat. L’intersyndicale Suez a immédiatement interpellé le ministre : « Allez-vous laisser faire cette folie ? », assimilant l’OPA de Veolia à une « déclaration de guerre ». Le ministre de l’économie s’est contenté ce matin sur Europe 1 d’en appeler à retrouver le chemin de la conciliation et du dialogue, arguant « le capitalisme français ne peut être la guerre de tous contre tous ». De quelle crédibilité politique le ministre peut-il encore se prévaloir alors que l’Etat a abandonné toute action sérieuse de régulation du capital dans notre pays, que Bruno Le Maire ne s’est décidé à activer le décret Montebourg que pour empêcher le québécois Couche-Tard de reprendre Carrefour pourtant non délocalisable après avoir laissé partir sans agir Photonis ou Latécoère. La démonétisation de la parole ministérielle est d’autant plus forte que chacun sait que tout au long des négociations de l’été et de l’automne l’Elysée plaidait pour la fusion. Macron, déjà comme secrétaire général adjoint de l’Elysée, sapait les efforts du ministre Montebourg sur le dossier des hauts fourneaux de Florange. 

Ces derniers épisodes boursiers et financiers ne changent pourtant rien à l’affaire ! Ce projet est une fausse bonne idée, et encore c’est un euphémisme. 

Le rachat de Suez par Veolia aboutira de fait en France à la constitution d’un grand monopole privé dans la gestion de l’eau et des déchets. Or, s’il y a situation de monopole – surtout dans ce secteur –, celui-ci doit être public. Et si tel n’était pas le cas, il était préférable qu’il existe une concurrence saine entre entreprises françaises capables d’organiser une stimulation positive plutôt qu’une compétition destructrice. 

Mais plus encore, la logique qui sous-tend le projet de Veolia conduira à court et moyen termes à l’introduction d’opérateurs étrangers qui occuperont l’espace de la libre concurrence. Tous les exemples précédents démontrent que cela aboutit à un accroissement significatif de la pénétration des entreprises étrangères en France. Cela ne sera pas sans conséquences négatives sur nos recettes fiscales, sur l’emploi et les conditions sociales des salariés français de ces entreprises et enfin sur la maîtrise technologique et la Recherche & Développement (car Veolia pour respecter les règles de la concurrence se séparera d’une partie des activités de Suez à l’international qui avait permis à cette société de construire des coopérations mondiales dans ce domaine). 

Toute cette affaire pose donc une grave question de souveraineté nationale : 

  • d’une part, une pénétration accrue de notre marché par des sociétés étrangères ; 
  • d’autre part, et paradoxalement, une mise à mal des synergies qu’ont su construire Veolia et Suez entre activités nationales et internationales, en particulier en matière de développement technologique. 

Ce regroupement aura des conséquences négatives pour l’emploi, que ce soit pour les fonctions « support » nationales ou régionales mais aussi dans les agences locales. 

Il fait enfin porter un risque important sur la nécessaire diversité des solutions à mettre en œuvre dans le domaine de l’économie circulaire, où un modèle unique pourrait s’imposer, en choisissant de privilégier un modèle hyper-mécanisé et spécialisé, plutôt que de le faire cohabiter avec des centres locaux, plus diffus, plus mixtes mais dont le spectre des produits traités est plus large. Or ce sont des choix majeurs sur le chemin pour engager la transition écologique, pour favoriser l’emploi et les compétences, et pour soutenir le développement local. 

Loi Grand Âge encore reportée : Macron et Bourguignon doivent revoir leurs priorités

Projet ancien sans cesse reporté par les gouvernements sous Sarkozy puis Hollande, puis à nouveau promise depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, la loi Grand âge et autonomie, annoncée au printemps puis en septembre 2021, a été à nouveau renvoyée dans les limbes gouvernementales. En effet, mercredi 13 janvier, lors des questions d’actualité au gouvernement, la ministre déléguée chargée de l’autonomie, Mme Bourguignon, a annoncé un nouveau report du projet « au terme de la crise sanitaire ».

Le projet semblait pourtant réunir tous les atouts pour devenir une priorité de l’action publique et faire l’objet d’un débat (pour une fois) sérieux et utile pour le pays (quelles que soient les préventions et les désaccords existant entre la majorité présidentielle et le reste du pays) : une demande forte de tous les acteurs du secteur, une pléiade de rapports – Libault et El Khomri en 2019, Guedj et Piveteau en 2020… – commandés pour passer sous silence les mesures proposées dans le rapport de notre députée Caroline Fiat en collaboration avec Monique Iborra (2018), la nomination d’une ministre déléguée, la création d’une 5ème branche de la sécurité sociale spécifique à l’autonomie (bien que celle-ci soit aujourd’hui une coquille vide ce que nous avions dénoncé à l’Assemblée nationale et au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale [PLFSS] pour 2021) et une transition démographique qui verra la part des plus de 75 ans fortement augmenter. La ministre déléguée – malgré tous les reproches qu’il est possible de lui faire – semblait elle-même déterminée à proposer un texte important : « Cette réforme du grand âge et de l’autonomie aurait pu être une énième réforme financière avec un plan d’investissement sur les places en Ehpad et un taux d’encadrement, mais j’ai la conviction que la transition démographique imminente nous pousse à faire plus. » Dont acte.

Las ! tout ceci est aujourd’hui hors champ. L’exécutif et la majorité parlementaire évoquent une surcharge du calendrier parlementaire qui ne laisse personne dupe : le ministère assure désormais que le projet de loi sera déposé avant l’été, mais aucun agenda parlementaire solide n’est avancé, laissant entrevoir qu’il sera impossible de l’examiner à l’automne. Aurons-nous un examen du PLFSS pour 2022 qui laissera à nouveau la 5ème branche vide ? Ensuite, les débats budgétaires puis la campagne pour l’élection présidentielle obéreront tout travail parlementaire, soyons lucides !

Alors que la crise sanitaire a clairement révélé les failles de la prise en charge des personnes âgées ou même parfois de leur simple prise en compte, le report de cette loi est indigne des enjeux et constitue un mépris de plus à l’égard de tous ceux qui se battent depuis des années pour une longévité digne. Comment imaginer attendre que la crise sanitaire soit réglée pour s’attaquer au défi du grand âge ? Déjà aujourd’hui, faute de personnel et de moyens financiers, il est impossible d’honorer toutes les demandes d’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap.

Mener une politique pour le grand âge, c’est également avoir une vision à long terme, c’est planifier, anticiper, prévoir, et coordonner les politiques de santé, d’habitat, de mobilité, du numérique, d’écologie, des services publics, ou d’action sociale… Sur tous ces sujets, l’exécutif et sa majorité parlementaire nous ont habitué depuis 3 ans au mieux à un manque de vision, au pire à une négligence coupable. Il est évident que ce nouveau report traduit un fait politique : la ministre déléguée a perdu ses arbitrages dans la fixation des priorités de l’action gouvernementale, qui préfère occuper le Parlement sur les séparatismes ou pérorer sur le maintien à terme des « réformes » de l’assurance chômage ou des retraites. La nomination de Mme Bourguignon dans le gouvernement Castex ressemble de plus en plus à une opération cosmétique, ce qui nous désole.

Nous partageons donc l’inquiétude des principales fédérations associatives d’aides à domicile : « L’heure n’est plus aux débats, encore moins aux diagnostics. C’est désormais d’une décision politique dont nous avons besoin » !

Nous appelons donc l’exécutif à revoir rapidement ses priorités pour apporter enfin les outils nécessaires pour un secteur trop longtemps laissé en déshérence par les pouvoirs publics.

La Gauche Républicaine et Socialiste condamne le coup d’État en Birmanie

L’Armée a mis fin brutalement aujourd’hui à la transition démocratique en cours depuis 2015 en Birmanie. Les principaux leaders de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) et de la majorité parlementaire, dont la prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi et le président de la République, Win Myint, ont été arrêtés. L’armée s’est ensuite emparée de l’hôtel de ville de Rangoun, la capitale économique du pays, et l’accès à son aéroport international est bloqué par des militaires. Les télécommunications, portables et internet, sont gravement perturbées.


Voici plusieurs mois que l’armée birmane et ses principaux chefs tentaient de discréditer les résultats des élections législatives

En novembre 2020, 70% des électeurs ont défié la situation sanitaire pour voter à nouveau massivement pour la LND. L’ancienne junte espérait que la pandémie découragerait une partie des électeurs et permettrait de rééquilibrer politiquement le parlement (où elle détient d’office 25% des sièges) en relevant par défaut le score Parti de l’union, de la solidarité et du développement (USDP), une formation d’opposition alliée aux militaires. L’USDP a été étrillée lors du scrutin.


Il semble clair que la junte – au travers du général Min Aung Hlaing qui va désormais concentrer les pouvoirs « législatif, administratif et judiciaire », tandis qu’un autre général, Myint Swe, qui occupait les fonctions de vice-président, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique – cherchait un moyen pour rogner les marges de manœuvres qu’elle avait accordées en 2015. N’ayant pu le faire au détour du scrutin de novembre, elle a choisi la manière forte.


La Gauche Républicaine et Socialiste n’oublie pas la coupable attitude d’Aung San Suu Kyi et de ses partisans gouvernementaux dans les terribles persécutions qui frappent depuis plusieurs années les Rohingyas (musulmans birmans).

L’ancienne prix Nobel a choisi de nier ou de taire les faits selon les moments, se rendant de fait complice des nettoyages ethniques initiés et commis par l’armée birmane contre une partie de la population du pays. L’aura de la « Dame de Rangoon » a été durablement atteinte. Cependant, sans minimiser la responsabilité de ses dirigeants, on mesure aujourd’hui sans doute à quel point la marge de manœuvre des membres de la LND – au parlement comme au gouvernement – était étroite.


La Gauche Républicaine et Socialiste condamne donc le coup d’État militaire en Birmanie et souhaite que la communauté internationale agisse en concertation pour créer les conditions d’une reprise rapide de la transition démocratique en Birmanie en faisant pression sur les militaires putschistes.

Reconfinement en perspective : inefficacité du gouvernement dans la stratégie sanitaire.

Un nouveau confinement semble inévitable. La véritable question aujourd’hui est de savoir quand il commencera. Un reconfinement engendrerait une situation insoutenable pour nombre de nos compatriotes.

Ce que nous montre cette situation et la résignation de nos concitoyens

D’abord ce qui se passe sous nos yeux révèle l’incapacité du gouvernement à gérer la pandémie, mais critiquer la stratégie d’un gouvernement qui navigue à vue est aussi difficile qu’inutile.

Depuis le mois de mars nous nous demandons s’il y a un pilote dans l’avion. Pour quiconque envisage honnêtement le problème, il s’agit d’une débâcle pour le chef de l’État, et pour l’État lui-même, qui semble en pleine déliquescence. Si nous sommes en guerre comme nous le disait Emmanuel Macron en mars dernier, nous vivons une bien drôle de guerre, et il est légitime de se demander si le Président est un chef, et ce qu’il a pu bien pu faire de l’État. En effet le gouvernement ne contrôle rien, est dépassé par la situation, est incapable de prévoir, subit et prend des décisions à la hâte en fonction de l’évolution de la situation. Au lieu de prévoir, c’est à dire de gouverner, en apportant des solutions concrètes de long terme comme l’augmentation du nombre de lits d’hôpitaux et en ayant une véritable stratégie, la politique gouvernementale, s’il y en a une, est sans envergure, et ne consiste qu’en annonces et en réactions : confinement, reconfinement, reconfinement, couvre-feu partiel, puis total, 20 heures puis 18 heures, fermeture et réouverture etc. C’est à n’y plus rien comprendre.

Ce gouvernement est inefficace et sa pseudo politique sanitaire patine partout. Ainsi le couvre-feu, est presque impossible à faire respecter, et n’est même pas efficace. Le nombre de contaminations quotidiennes est toujours aussi mauvais et ces mesures n’améliorent pas la situation : nous n’avançons pas. Nous stagnons. Nos concitoyens sont à bout, résignés bref, c’est une déconfiture. 

Qui plus est, la situation générale est une occasion de mettre sous cloche la démocratie en empêchant le Parlement de jouer son rôle, et de restreindre toujours un peu plus les libertés publiques. Le Parlement est devenu un simple organe consultatif, alors que c’est un pilier de notre démocratie. La crise sanitaire terrible et les confinements qui en découlent ne peuvent servir d’alibi à l’affaiblissement de nos libertés publiques et à l’étouffement du Parlement. Cette situation amène une montée de mécontentements politiques et sociaux, mais à l’approche d’un nouveau confinement le gouvernement n’aura pas à gérer ces mécontentements, ce qui fait ses affaires. Jusqu’à lors nous n’avions eu droit qu’à un tas de demi-mesures, comme pour préparer doucement à un nouveau confinement. Encore une fois, ce gouvernement réagit ; il n’agit pas.

La planification est devenue un gros mot. Après avoir enterré Descartes pour la rationalité et Pasteur pour la stratégie vaccinale, voilà Colbert lui aussi enterré.

C’est tout ceci qui nous amène maintenant au bord d’un troisième confinement, qui s’avérera destructeur pour une partie de nos concitoyens. 

Ce troisième confinement sera subi, symbole d’un État incapable de gérer le pays.

Présidentielle portugaise : ne pas négliger les « signaux faibles »

Les électeurs portugais ont réélu dimanche 24 janvier 2021 Marcelo Rebelo de Sousa, candidat indépendant issu du parti social-démocrate (PSD, centre droit), président de la République avec près de 61% des voix dès le premier tour.

Sa réélection n’est pas une surprise et lui qui avait déjà emporté au 1er tour le scrutin précédent en 2016 avec 52% des suffrages était annoncé vainqueur à plus de 55% dans les sondages depuis plusieurs semaines. Le conservateur modéré a depuis longtemps une très bonne cote dans l’opinion publique portugaise et il est parvenu à cohabiter sans accroc majeur avec le Premier ministre socialiste Antonio Costa. Le président de la République portugaise, bien qu’élu au suffrage universel, n’a pas des pouvoirs aussi étendus que celui de la République française – loin de là –, mais sa fonction de représentation et la capacité de la présidence à dénouer d’éventuelles crises politiques ont régulièrement amené à ce mandat des personnalités reconnues pour leur expérience et dont les anciens conflits politiques avaient cédé la place à une image consensuelle. Aussi lorsque Marcelo Rebelo de Sousa constata que sa stratégie initiale d’opposition systématique aux principales réformes du gouvernement PS ne fonctionnait pas et que le PSD ne pourrait être un soutien solide pour sa réélection, il changea son fusil d’épaule et mis en scène son soutien au gouvernement Costa. Durant la crise sanitaire, il a dit travailler à « l’union nationale » et il a même affirmé que « toutes les erreurs dans la gestion de la crise [étaient] de son fait. »

Marcelo Rebelo de Sousa était donc d’autant plus apprécié qu’il succédait en 2016 à Hanibal Cavaco Silva (PSD) ; ce dernier avait une image clivante : il a toujours eu des relations difficiles avec les socialistes portugais (dans une démocratie parlementaire pourtant habituée aux compromis au centre entre le PS et le PSD), et il avait à la fin de son mandat tenté d’empêcher pendant plus d’un mois la formation du premier gouvernement portugais d’union de la gauche – ou plutôt d’un gouvernement socialiste soutenu sans participation par le parti communiste et le Bloc de gauche (Bloco de esquerda, BE – gauche radicale). Ainsi le PS, pour s’éviter une défaite assurée, n’avait présenté aucun candidat (il avait déjà éludé l’élection en 2016, laissant un candidat sans étiquette qui lui était pourtant favorable arriver deuxième avec 23% et le seul soutien de deux petits partis dont un maoïste). Le chef du gouvernement a même refusé de soutenir la socialiste Ana Gomes, une diplomate de carrière âgée de 66 ans, devenue une éminente militante anti-corruption et qui s’est posée en rempart contre la montée de l’extrême droite.

Il n’est donc pas ici possible de tirer des enseignements définitifs sur l’évolution de la vie politique portugaise, d’autant que la participation à ce scrutin est traditionnellement faible (49% en 2016, 46,5% en 2011, 61,5% en 2006, 49,7% en 2001…), ce qui peut paraître relativement logique au regard de l’enjeu limité de l’élection.

Il faut cependant regarder de près ces résultats ; d’abord parce que l’on perçoit très nettement l’effet de la crise sanitaire et du confinement strict qui a à nouveau cours depuis plusieurs semaines au Portugal : la participation s’est établie à 39,5% soit 9,5 points de moins qu’en 2016. La crise sanitaire a d’ailleurs été un argument de campagne pour mobiliser autour de sa personne et d’une demande de stabilité : dans son dernier discours de campagne, Marcelo Rebelo de Sousa a appelé les électeurs à voter pour lui afin d’éviter un second tour (qui aurait pu se dérouler le 14 février), et ainsi « épargner aux Portugais le prolongement de l’élection pendant trois semaines cruciales » pour freiner l’épidémie. « Il suffit d’une abstention de 70 % pour rendre un second tour quasiment inévitable », s’était-il également inquiété.

Les effets de la crise sanitaire se font aussi sentir à gauche. Bien qu’Ana Gomes n’ait pas reçu le soutien officiel de son parti et d’Antonio Costa, force est de constater que son score est extrêmement bas : même si elle est deuxième, elle recueille à peine 13% des suffrages exprimés. Durant les fêtes de fin d’année certains sondages l’ont même donné derrière le candidat d’extrême droite (nous y reviendrons). Il semble probable que l’électorat socialiste ne se soit pas mobilisé pour ce scrutin, ou même ait voté pour le président sortant. Car l’atonie socialiste ne profite pas au reste de la gauche qui soutient sans participer le gouvernement Costa : Marisa Mattias, dirigeante du BE, avec 3,95%, perd plus de 6 points par rapport à 2016 ; elle arrive même derrière le candidat du très archaïque parti communiste portugais, João Fereira, qui rassemble 4,32% (+0,38 point) des suffrages. La gauche se portait pourtant plutôt bien avant la pandémie, les élections européennes de mai 2019 – avec une participation de 31% (plus proche donc des présidentielles) – lui ayant donné des résultats plutôt positifs pour des partis associés de près ou de loin à l’exercice immédiat du pouvoir : 33,4% pour le PS (+2 points), 9,8% pour le BE (+5,3 points) compensant la chute de CDU (coalition écolo-communiste) avec 6,9% (-5,8 points). Les élections européennes annonçaient alors la consolidation de la coalition d’union de la gauche lors des législatives de l’automne 2019 (participation de 48,6%) : PS à 36,3% (+4 points), BE à 9,5% (-0,7 point) et CDU à 6,3% (-2 points).

La gauche portugaise a donc perdu des plumes dans la pandémie quelle que soit la place occupée dans la coalition gouvernementale, sans que cela signifie pour autant que le PSD et la droite conservatrice (CDS et PPM) représentent aujourd’hui une alternative gouvernementale. Il est à craindre que la vie politique portugaise recherche dans « l’éternel retour du même » la solution mécanique à un nouveau problème et que la pseudo-cohabitation Costa-Rebello ne finisse par déboucher sur une nouvelle coalition centriste PS-PSD ou PSD-PS.

Car la nouveauté alarmante du scrutin présidentiel réside dans le résultat du candidat « populiste », qu’il conviendrait pourtant de désigner par un qualificatif moins ambigu : si André Ventura et son petit parti Chega ! (traduction : « ça suffit ! ») se présentent comme une version portugaise du trumpisme prétendant défendre « les Portugais bien intentionnés » contre les « profiteurs » en tout genre d’un « système » qu’il veulent transformer de l’intérieur, Ventura recycle en réalité sur un ton volontairement provocateur des discours fantasmagoriques sur le mythe du danger représenté par la « gauche révolutionnaire », ou encore ultra catholiques et racistes, anti-Roms, anti-Gitans, anti-immigrés qu’on n’avait plus entendu réellement dans le débat politique portugais depuis la chute de la dictature salazariste. Il a, par exemple, défendu un plan de confinement sanitaire spécial pour les communautés Roms, ou proposé qu’une députée née en Guinée-Bissau, qui voulait restituer des œuvres d’art aux anciennes colonies portugaises, soit « rendue à son pays d’origine ». Or André Ventura a atteint dimanche 12% des suffrages quand Chega ! n’arrivait en coalition avec les ex « monarchistes » (en réalité les héritiers du salazarisme) et les pro-vie qu’à 1,49% des suffrages lors des européennes de mai 2019 et seul à 1,3% lors des législatives de l’automne 2019, permettant à son chef de siéger à l’Assemblée nationale pour l’utiliser comme une tribune.

Le profil attrape-tout de Chega ! et les dégâts de la crise sanitaire, additionnés à la tentation d’un retour au centrisme gouvernemental, pourraient donc offrir les conditions d’une nouvelle aventure politique et électorale à l’extrême droite portugaise renaissant de ses cendres. En tout cas, les commentateurs portugais s’accordaient tous au soir du dimanche 24 janvier 2021 sur le danger réel que représentent désormais Ventura et son parti. Un seul éditorialiste restait optimiste écrivant « contrairement à beaucoup d’autres », que Chega ne survivra pas jusqu’aux prochaines élections législatives de 2023 : « Ce parti ne sera qu’un phénomène, comme l’a été le Parti rénovateur démocratique de Ramalho Eanes [le premier président portugais élu après le retour de la démocratie en 1974]. Il disparaîtra aussi vite qu’il est apparu. Pour une raison très simple : Ventura n’aura pas la main sur les sauvages de son parti qui sont à l’affût du pouvoir. » Ventura a pourtant prévenu dimanche soir le PSD, principal parti de centre droit et d’opposition au Portugal : « Désormais, il n’y aura pas de gouvernement de droite sans la participation de Chega. »

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