Alors que le gouvernement français retient comme hypothèse « raisonnable » une hausse de 4°c à l’horizon 2050 (d’ici 25 ans) le dérèglement climatique bat son plein, la terre brûle et les eaux créent le tumulte avec la hausse du niveau des mers, des orages et tornades de plus en plus violents, des inondations de plus en plus meurtrières…
« Les zones sèchent s’assèchent, les zones humides s’humidifient, la Méditerranée est un hot spot du changement climatique. Sur l’arc méditerranéen, on constate déjà un réchauffement marqué avec un assèchement l’été » expliquait Hélène Corréa, climatologue à Météo France dans le quotidien La Provence. 1°c dans l’air c’est 7% d’humidité en plus.
Et, malheureusement les exemples foisonnent de mauvaises nouvelles : inondations dévastatrices de Nîmes 1989, Vaison-la-Romaine 1992, du Gard 2002, Arles 2003, tempêtes KLAUS 2009 pour la région Occitanie, Draguignan 2009, Var 2011, Cannes 2015, Givors et Rive de Giers octobre 2024, mais aussi des incendies massifs au Portugal, en Grèce et en Espagne, en France aussi notamment dans l’ancien Languedoc-Roussillon et la Corse, sans oublier l’actuel processus de désertification de la plaine du Roussillon… Cette longue liste n’oublie pas le reste du territoire national régulièrement frappé par des tempêtes et inondations ; mais ce qui peut être analysé et fait pour la sauvegarde des biens, des personnes et de la biodiversité sur l’arc méditerranéen pourra pour partie se transposer et ralentira ponctuellement le réchauffement climatique vers le nord.
Présenter le bassin méditerranéen comme un « spot » du dérèglement climatique, cela signifie que l’année 2022 la plus chaude enregistrée depuis 1947 y sera la norme en 2050. Toulouse, Montpellier, Nîmes, Aix, Marseille connaîtront durablement le climat andalou, climat se tempérant jusqu’à Lyon qui connaîtra, elle, le climat de Rome. Des étés de plus en plus secs (jusqu’à 2 mois de canicules au lieu de 20 jours en 2024), des automnes de plus en plus pluvieux sur les hauteurs méditerranéennes du système Ibérique ou des Pyrénées, des Cévennes ou des Alpes maritimes : goutte froide, épisode méditerranéen ou cévenol balayant les terres asséchées ou urbanisées entre monts et mer, mer au niveau plus élevé d’au moins 50 cm à la moitié du siècle faisant rétention des eaux pluviales.
Au-delà de l’incrédulité des climato-sceptiques partisans du laisser-faire et affirmant que la terre a déjà connu cela (Oui ! il y a 125 000 ans pour les niveaux de température et 3 millions d’année pour le même taux d’oxyde de carbone !), d’ élus sans imagination brossant leur électorat dans le sens du poil dont le Président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes remettant en cause le dispositif ZAN (Zéro artificialisation nette) en 2023 avant de faire marche arrière sur des motifs purement administratifs, de responsables économiques de l’agriculture, du bâtiment et des travaux publics, il faudra afficher un volontarisme sans faille, soutenu par une planification de court moyen et long terme, pour inverser la cap, là où c’est encore possible. Et ce n’est pas le Plan d’adaptation au changement climatique, rustine gouvernementale publié cet automne, à peine visible sur la réalité, qui peut suffire.
La planification attendue doit évoquer la souveraineté de la France sur ce sujet (comme sur d’autres). Quand on songe que la loi de restauration de la nature adoptée au niveau européen est le texte pour la biodiversité le plus important depuis 30 ans, notre pays doit se montrer offensif pour préserver les intérêts de la France et des Français.
Transformer l’agriculture
Deux grands chantiers doivent servir de fil conducteur aux décideurs pour les deux décennies à venir : l’agriculture et la préservation des risques naturels et techniques.
Pour ce qui est de l’agriculture, l’agro-climatologue serge Zaka nous prévient une nouvelle fois « Les printemps et les hivers seront très pluvieux, de plus en plus. En contrepartie, les étés, les fins de printemps et les débuts d’automne seront plus secs. Ce n’est pas le climat qui nous dira si l’agriculture s’en remettra. C’est notre réaction. Si on ne change rien à nos cultures, à nos pratiques, on ne va pas s’en sortir. Il faut anticiper ». Pour cela, la mobilisation coordonnée des syndicats agricoles, des assemblées consulaires, des collectivités locales et de l’État est nécessaire, dans le cadre d’une solidarité nationale mobilisant la redistribution fiscale où les plus fortunés contribuent significativement plus.
Il y a quelques années nous riions à l’évocation de boire un vin de Bordeaux vendangé en Bretagne ou un « Costières de Nîmes » délocalisé dans les pays de Loire, voire un rosé de Provence en Alsace. Aujourd’hui chaque grand viticulteur cherche des terrains en Bretagne, dans le Nord, en Cornouailles anglaise, voire en Belgique … pour y implanter des exploitations viables pour la deuxième partie du siècle. Ceci vaut pour le maraîchage et l’arboriculture. Cette évolution doit être accompagnée pour veiller à ne pas assécher les sols de ces futurs terrains (labourage intense et produits phytosanitaires), à conserver haies et arbres qui apportent de l’ombrage en été, limitent le vent qui dessèche, captent de l’eau en hiver, pour apprendre de l’agroforesterie des pays du sud, pour préserver la diversité des productions…
La puissance publique doit accompagner les agriculteurs en transition sur la question des revenus, le soutien du système bancaire, la formation, l’aide à la conversion, par filière, permettant de transformer l’agriculture méditerranéenne traditionnelle (vigne, maraîchage et arboriculture) pour de nouvelles exploitations (oliviers, amandiers, grenadiers, agrumes, eucalyptus…) tout en conservant ce qui pourra s’adapter à une hausse majeure de température, tel l’élevage ovin et caprin, où les vignes aux cépages andalous ou marocains… Ceci doit tenir compte de la ressource en eau qui va en s’étiolant avec la réutilisation des eaux usées, l’optimisation du réseau d’approvisionnement et la création de petites retenues collinaires. Dans ce cadre, le projet AquaDomitia 2 devra évaluer l’évolution de l’agriculture dans une zone en cours de désertification (dans les Pyrénées Orientales notamment) à l’aune de la raréfaction de l’eau du Rhône dans les décennies à venir pour ne pas rater son but en pénalisant les dessertes d’eau du Gard et de l’Hérault sans satisfaire les agriculteurs catalans.
Adapter nos sociétés aux risques
L’autre axe d’importance est la préservation des risques naturels et techniques des zones habitées.
La France doit prendre sa part de la lutte contre le dérèglement climatique en limitant l’émission de gaz à effet de serre mais aussi en prenant des mesures immédiates sur son territoire de protection des biens et des personnes.
L’urbanisation est un facteur aggravant des inondations. Forêts, broussailles, garrigues, exploitations agricoles ont trop souvent laissé place aux ZAC, voies diverses, zones urbaines plus ou moins denses… Et l’eau, sans tampon, dévale, ravageant tout sur son passage comme dans la région de Valence cette semaine, après Nice, Cannes, Nîmes, Vaison…
Nous devons repenser notre conception actuelle du cycle de l’eau et sortir du modèle de gestion des eaux pluviales hérité de la politique du « tout tuyau », inadapté au contrôle des inondations et ayant tendance à saturer les réseaux d’assainissement. Chaque catastrophe pousse les pouvoirs publics à entreprendre de nouveaux travaux gigantesques : bassins de rétention, détournement de cours d’eau, tunnels souterrains traversant les villes… Mais il faut également modifier nos PLU, amorcer un verdissement général de l’activité humaine, et nous tourner vers l’application des grands principes de la GIEP (Gestion Intégrée des Eaux Pluviales), notamment en ce qui concerne la perméabilisation des surfaces urbaines. Remplacer nos revêtements imperméables par des surfaces absorbantes et intégrer davantage de végétation permet non seulement de réduire les risques d’inondation, mais également de générer d’autres externalités positives sur la vivabilité de nos environnements. Le modèle de la « ville éponge » peut constituer un exemple vers lequel nous devrions tendre pour limiter les ravages de nouvelles catastrophes. Autres axes de travail indispensables : lutter contre le réchauffement dû aux transports, appliquer drastiquement un dispositif ZAN rénové (la méthode actuellement choisie est pleine d’incohérences, répartit mal l’effort et empêche à bien des égards les processus de réindustrialisation), élargir à l’ensemble des départements méditerranéens la procédure initiée par le préfet des Alpes-Maritimes en juillet 2024 qui a publié un DIRE conditionnant son feu vert à la fourniture d’éléments prouvant que les communes disposent de la ressource en eau nécessaire à leur extension. Ce DIRE doit être élargi à l’ensemble des questions liées à l’eau.
Et, dans le bassin méditerranéen, la question de la hausse du niveau des mers s’impose car elle promet d’impacter durement nos côtes exposées à la submersion marine. Il est ainsi de la Camargue, de l’étang de Berre, et d’une grande partie des cotes sablonneuses de Marseille ou du Languedoc directement menacées pour une hausse supérieure à 50cm. Quelle protection assurer pour les activités industrielles entre Arles et Marseille, les activités économiques, dont le tourisme avec le premier port de plaisance d’Europe à Port-Camargue et l’ensemble des activités balnéaires, les activités agricoles avec la production du riz de Camargue, les salines d’Aigues-Mortes et de Saint-Louis-du-Rhône ainsi que les élevages de taureaux et chevaux. Doit-on envisager la construction, ici ou là de polders ?
Enfin, la nécessité d’une planification peut s’entendre aussi dans le modèle économique des catastrophes qui s’enchaînent avec des factures qui flambent pour les assureurs, les collectivités territoriales et les habitants : la France, les Français peuvent-ils continuer à s’assurer quand « France-Assureurs » estime à 6,5 milliards d’euros en 2023 le coût annuel des catastrophes et sinistres climatiques ? Et combien d’emplois pourront être maintenus et créés, combien de richesses anciennes conservées et de nouvelles créées en évitant le traumatisme né du déchaînement de la nature ?
Alain Fabre-Pujol, Sophie Camard
et le pôle « écologie républicaine » de la GRS
Le texte vise à préserver la biodiversité de 20% des terres et des mers et à restaurer au moins 30% des habitats (zones humides, forêts, etc.) en mauvais état. Il doit permettre à l’Union Européenne de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord Kunming-Montréal en 2022.
Des vins de même facture sont dès aujourd’hui en train d’être expérimentés sur les terrils du Nord-Pas-de-Calais…
Document qui précise les obligations des collectivités locales souhaitant ouvrir de nouveaux secteurs à l’urbanisation