Une stratégie pour redresser la France

Découvrez nos réponses à la crise économique et sociale que traverse le pays.

Les classes populaires allemandes, dans le même bateau que les classes populaires européennes

Les 1% les plus riches allemands possèdent 22% du patrimoine, les 10% les plus riches 66%, et le coefficient d’inégalité en Allemagne, appelé Gini, n’est pas de 0,78 mais de 0,81. Plus il se rapproche de 1 plus une société est inégalitaire. Il était de 0,67 en 2000.

L’Allemagne, d’une des sociétés européenne les plus égalitaires, est devenue en 22 ans l’une des plus inégalitaires. Ces vingt ans ont vu 18 ans de participation au gouvernement du SPD, 15 ans la droite, 7 ans les écologistes et 4 ans les libéraux. Tous se sont accordés, malgré l’établissement d’un salaire minimum légal en 2014, pour détricoter l’économie sociale de marché, l’invention de la fin des années 1950 permettant le consensus historique entre classes populaires et moyennes autour de la démocratie.

Les revenus de la moitié de la population allemande ont baissé entre 1996 et 2016.
Les inégalités de revenus sont déjà bien documentées.
À l’occasion des élections de 2017, des études avaient exposé comment, depuis 1996, les 40% des Allemands gagnant le moins avaient perdu du pouvoir d’achat, quand les 25% les mieux payés avaient gagné jusqu’à 40% de pouvoir d’achat.
Alors que les comptes publics allemands d’avant le Covid démontrent un haut niveau de richesse nationale, que le chômage avoisinait les 5%, et les excédents commerciaux, record depuis dix ans, accumulaient dans le pays des quantités incroyables de capitaux, les 40% d’ouvriers, employés, indépendants avaient eux des conditions de vie inférieures à celles de leurs parents.

Cependant, la presse national-populiste allemande publiait à échéance régulière des articles exposant comment, en moyenne, les foyers allemands possèdent, en Europe, moins de patrimoine que les Grecs ou les Français. Le message implicite, c’est que ces 40% vivaient moins bien parce que leurs impôts alimentaient par l’Union Européenne les patrimoines des Grecs et des Européens. Voilà comment on empêche les classes populaires de découvrir leur communauté d’intérêts dans une zone économique, monétaire et politique.

Il n’y avait pas, dans le passé, en Allemagne de pression à l’achat du logement, ni à la constitution d’un patrimoine immobilier.
Grèce et France ont ici des traditions différentes. Les familles s’endettent tôt pour se constituer un patrimoine immobilier pour les vieux jours : elle est donc pensée comme une épargne de précaution. Mais ce phénomène ralentît en France avec l’explosion des prix immobiliers, qu’aucun gouvernement français n’a voulu endiguer.

L’Allemagne fut longtemps un pays de locataires, à l’offre de logements abondante et relativement abordable.
Dans la capitale allemande, au début des années 2000, plus de 45% des logements étaient propriété publique, gérée par la ville, des coopératives ou une régie de droit privé en main publique. Cela explique l’absence d’explosion sociale dans les années 2000-2010. Le revenu s’effritait peut-être, mais l’Allemagne connut entre 2003 et 2006 une crise immobilière qui baissa la part du revenu disponible consacrée au logement.
Depuis 2010, cependant, l’afflux de capitaux par les excédents commerciaux et ceux de la balance des paiements n’a pas trouvé de débouchés d’investissement, l’Etat refusant de s’endetter pour investir.
La ville de Berlin, elle, s’est séparée de l’essentiel de ses logements, se privant d’un instrument essentiel de régulation du marché immobilier.
C’est la ville où le prix à l’achat comme celui à la location a le plus progressé, obligeant en 2019 la ville à décréter un encadrement légal des prix des loyers, avec un maximum par m2 ne pouvant être dépassé sous la menace d’une amende de 50 000 euros.
Cette nouvelle « loi du maximum » rappelant les conventionnels de 1793, est attaquée devant la cour constitutionnelle, mais démontre surtout comment la ville s’est elle-même privée des outils d’intervention en privatisant n’importe comment.

Les capitaux ont partiellement rejoint, en Allemagne… le matelas : on estime à 1000 milliards d’euros l’épargne dormante sur des comptes courants des Allemands les plus fortunés, ceux du tiers prospère de l’Allemagne.
L’autre partie des capitaux, venue du monde entier, a alimenté une explosion des prix de l’immobilier.
Le coût du foncier a progressé de 80 à 300% dans les villes allemandes, les loyers suivant le même chemin dans la même proportion. Le revenu disponible des ménages modestes s’en est trouvé très directement réduit. C’est ce qui explique le divorce récent des classes populaires et de la démocratie sociale à l’Allemande.

A la suite des réformes antisociales du SPD et des écologistes entre 2003 et 2005, et des politiques pro-banque et « premiers de cordée » de Merkel, le vote de 2017 fut un vote de classe.
Les classes populaires ont choisi massivement soit les deux partis exclus du jeu démocratique et de la participation au pouvoir, les Linke à gauche, et l’extrême droite incarnée par AfD (cette dernière revenant au Bundestag avec 94 députés pour la première fois depuis 60 ans) ; soit l’abstention.
Les Verts et les libéraux du FDP sont en concurrence pour les mêmes classes sociales : les classes supérieures, celles qui ont bénéficié de l’évolution économique des dix dernières années, et qui, par conséquent, défendent une forme de statu quo européen.
SPD et droite merkellienne fondent de tous les côtés, partis des retraités et de classes moyennes ayant vu leur pouvoir d’achat stagner depuis 1996.

Si l’on reprend l’étude du DIW, voici la réalité des inégalités de patrimoine en Allemagne : alors que rapportée à la moyenne de la population, les Allemands devraient chacun posséder 150 000 € de patrimoine, les 50% les plus modestes n’en possèdent en moyenne que … 3700.

Ce n’est pas le Grec qui s’est constitué un patrimoine sur le dos de l’ouvrier allemand, mais bien le riche allemand, et d’après l’étude principalement un homme ouest-allemand.

Celui-ci ne se plaindrait, toujours d’après le DIW, que d’une chose : travailler 47 heures par semaine et manquer de temps libre.

Une étude de 2016 démontre que cette « plainte » des millionnaires allemands est particulièrement cynique : la baisse du chômage et l’appauvrissement des classes populaires vont de pair, parce que l’Allemagne a procédé depuis 1998 à une gigantesque baisse du temps de travail et des salaires pour les employés, ouvriers, précaires et indépendants.
En forçant la sortie de contrats à temps plein et indéterminés, les classes sociales élevées ont créé une servitude permanente pour les classes populaires.
Celles-ci ont dû accepter des contrats réduisant le nombre d’heures rémunérées pendant l’année, baissant leur revenu, pendant que l’indemnité chômage devenait, par les systèmes de contrôle violant l’intimité, une contrainte encore plus insupportable.
En moyenne, le temps de travail des 50% les plus modestes est passé entre 1998 et 2016 de 38 à 33 heures hebdomadaires, payées 33.
Incapable de vivre dignement dans ces conditions, on ne moufte plus au boulot. On ne se syndique plus. On ne se bat plus.
Il ne reste plus que l’acte du vote pour se révolter, et comme c’est la « démocratie réunifiée » qui dégrade autant les conditions de vie, c’est contre la démocratie que les classes populaires votent.

Les 25% les plus riches ont par contre maintenu leur temps de travail en moyenne au-dessus de 40 heures hebdomadaires payées 40. Ils n’ont partagé ni temps de travail, ni revenus. Et grâce à la spéculation immobilière et la spéculation financière, leur patrimoine progresse en valeur bien plus rapidement que l’inflation.
Dans le même temps, l’Allemagne a fait comme les autres pays européens, et réduit le niveau de prélèvements obligatoires des 25% les plus favorisés : suppression de l’impôt sur les revenus financiers, suppression de l’équivalent de l’ISF, réduction de la taxation de l’héritage, basculement des cotisations et des revenus de l’impôt progressif sur des taxes sans condition de revenu et des impôts indirects.

Les inégalités de revenus ont donc crû en Allemagne, et les inégalités de patrimoine révèlent qu’en plus la moitié des Allemands n’en ont pas.
La crise économique est donc explosive dans ce pays : sans patrimoine, pas de précaution possible contre des accidents économiques majeurs et dramatiques ; pas de patrimoine, c’est être livré, après les réformes Harz IV, à l’arbitraire des contrôles des modes de vie, jusque dans les décisions les plus intimes – peut-on se permettre de se marier, d’avoir un enfant, de vivre ensemble…
De plus, les montants gigantesques de capitaux inemployés, ou engloutis dans la bulle immobilière, n’ont aucune utilité sociale. En refusant de les mobiliser par la dette ou l’impôt, l’Etat allemand a gaspillé dix ans de prospérité pour protéger le quart des Allemands les plus prospères. Il n’a cependant pas satisfait les exigences de rendements des rentiers et cette pression politique explique la conversion de certaines classes supérieures à l’extrême-droite.

La crise du Covid frappe donc un pays où les inégalités dans la prospérité sont devenues tellement insupportables que les services secrets intérieurs le reconnaissent : la première des menaces à laquelle doit faire face la démocratie allemande, c’est l’extrême-droite.

Il faut dire, comme l’a révélé la crise sanitaire du Covid dans certaines branches, que le capitalisme allemand est expert dans l’utilisation de forts volumes de main-d’œuvre moins bien payées et sans culture syndicale, importées d’Europe de l’Est pour maintenir les salaires bas, et les dividendes élevés.
Dans le secteur de la viande, où Merkel arracha à Hollande des réformes européennes funestes à l’agroalimentaire français, les patrons ont fait venir, contre les règles de confinement, 30 000 ouvriers de Roumanie et de Bulgarie, pour les employer par des sous-traitants de paille à des salaires de misère, logés par ces mêmes sous-traitants dans des foyers insalubres à des prix démentiels, l’employeur récupérant par le loyer le salaire versé. Dans ces conditions, qu’un pasteur de Gütersloh qualifie « d’esclavage moderne », 50% des ouvriers ont contracté le Covid.
C’est cela, la compétitivité à l’allemande : la misère, l’exploitation, la maladie.

Il existe une petite musique en France liant les difficultés du pays « à l’hégémonie allemande en Europe, à l’Euro qui n’est que le Deutsche Mark masqué, à ces diktats allemands que sont les traités européens. »
Chacun de ces faits est le résultat d’une alliance consciente des bourgeoisies françaises et allemandes sur le dos de leurs classes populaires.
Les « fondés de pouvoir » de ces bourgeoisies se sont chargés de faire endosser ces politiques par les partis représentant les classes populaires et moyennes – Delors et Hollande en France, Schröder, Gabriel en Allemagne, entre autres, car ils sont bien trop nombreux pour tous les citer.
Dans les deux cas, les partis de la social-démocratie ont perdus les classes populaires et moyennes, l’un s’effondrant en dessous de 7%, l’autre passant de 42 à 14%. Les gauches ont été également emmenées dans ce voyage vers l’enfer : le total gauche en France est passé de 52% en 2012 à 25% aujourd’hui, et en Allemagne, de 57% en 1998 à 35% aujourd’hui.
Dans les deux cas, l’extrême-droite est devenu le parti des classes populaires.
L’amitié franco-allemande n’existe pas, comme l’expliquait Coralie Delaume en 2018, mais l’amitié des bourgeoisies touchant des dividendes, elle, est réelle.
Elles n’ont pas besoin de cohésion sociale, de paix sociale, d’unité nationale.
Daniel Guerin rappelait, dans son introduction de 1962 à la réédition de son livre de 1936 « Fascisme et Grand Capital » : « la solidarité de classe que la bourgeoisie française avait déjà témoignée, naguère, au vainqueur de 1871, lui inspirait de l’indulgence (voire de la sympathie) pour les régimes « forts » d’Allemagne et d’Italie, et un secret désir de s’entendre avec eux contre le prolétariat. »

La bourgeoisie allemande est effrayée : lorsque la crise pandémique paralysait les usines allemandes en Chine, ce sont les communistes chinois qui ont forcé leur réouverture, contre l’avis des propriétaires en Allemagne. Cela les a traumatisés : « quoi, je ne maîtrise pas mon capital en Chine ? »
Le protectionisme américain fermant la voie du marché occidental, il reste le marché intérieur. Angela Merkel cherche une alliance européenne pour une relance afin de permettre à la bourgeoisie de retrouver en Europe les marges perdues en dehors.
Mais il ne faut pas se leurrer : cette affaire se fera sur le dos des classes populaires. Emmanuel Macron, qui a ramené la bourgeoisie sociale française dans son comportement électoral à sa maison, la droite, l’a d’ailleurs déjà annoncé : la réforme des retraites passe avant la relance économique.

Ces politiques égoïstes et cupides des bourgeoisies franco-allemandes ont un défaut : si la démocratie cesse d’être sociale, le divorce des classes populaires de la démocratie condamne à mort celle-ci. La bourgeoisie peut espérer conserver le pouvoir, soit par la violence – et seul un mur de policier sépara Macron d’une chute du régime en décembre 2018 –, soit en se mettant elle-même à la tête du mouvement national-populiste, comme avec Johnson, Trump ou Bolsonaro. C’est en France la tendance du front souverainiste, qui crée le pont entre les intérêts bourgeois et le RN, ou en Allemagne, la tentation populiste de la CSU bavaroise et de la CDU de Saxe.

Les inégalités de revenus et de patrimoine en Allemagne sont encore plus marquées qu’en France. Le taux de pauvreté y est, avant le Covid, plus élevé qu’en France (17% contre 14%).
Si la France est le pays record du monde dans le paiement des dividendes, faisant de son capital le plus coûteux du monde, coût financé par les salariés, l’Allemagne est le pays record d’Europe du contraste entre richesse nationale et misère populaire.

Il faut créer les liens de conscience de classe entre Français et Allemands : ouvriers, employés, fonctionnaires, précaires, indépendants sont dans le même bateau, celui d’une galère où ils rament pendant que leur bourgeoisies sirotent des cocktails sur le pont. Ce n’est pas en levant les classes populaires l’une contre l’autre que l’on changera cela. Et ce n’est qu’en les reconquérant dans les deux pays que les deux Républiques, sociale et laïque en France, d’économie sociale de marché en Allemagne, pourront subsister.

Cela passe par rétablir deux priorités :

  1. logement, donc baisse des prix et rendements immobiliers ;
  2. et salaires, c’est à dire rééquilibrer le partage des richesses entre travail et capital au profit du travail.

C’est la condition pour reconstruire les systèmes de prévoyance solidaires, de santé, d’éducation, de sécurité matérielle.

Reconstruire une représentation politique des classes populaires dans les deux pays ne se fera pas du jour au lendemain. Cela ne se fera pas sous l’égide d’une bourgeoisie libérale écologique incapable de penser les conditions de production et de vie digne des classes populaires, aveuglée par l’individualisme de sa morale. Pourtant, c’est justement par la mobilisation des capitaux que la bourgeoisie refuse d’investir que le bien commun, social et écologique, peut être atteint.

Cela signifie, comme la ville de Berlin réinventant en 2019 la loi du Maximum des révolutionnaires français de 1793, ne pas avoir peur de penser comment contraindre le capital, ce qu’est le bien commun, comment subordonner le marché au bien commun, et reconstruire un pacte républicain.

Municipales 2020 : au-delà de plusieurs symboles réjouissants, les défis restent immenses

Au soir du second tour des élections municipales, et le lendemain encore, nombreux sont ceux à gauche qui crient victoire. Il n’est pas question de leur reprocher, il est légitime que des candidats et des militants se réjouissent de leurs résultats après une campagne qui n’a ressemblé à aucune autre. Les militants de la Gauche Républicaine & Socialiste se réjouissent tout autant lorsqu’ils ont participé à la victoire des forces de gauche là où elle a eu lieu. Nous tentons de consoler aussi d’autres camarades, amis et sympathisants qui ont connu la défaite, parfois attendue, toujours amère et souvent injuste.

Une fois dit ou écrit cela, il faut cependant prendre garde à ne pas tomber dans le triomphalisme en tirant des conclusions erronnées du scrutin qui vient de s’achever. Rien ne serait pire pour la gauche de répéter la même erreur interprétative que celle de mars 2001, où dans un accès de cécité volontaire, la conquête de Paris et de Lyon avait permis de masquer des résultats plus mauvais que ce que la presse et les partis avaient alors présenté. Le fait qu’un certain nombre de grandes villes basculent vers des listes rassemblant la gauche et les écologistes (Lyon, Bordeaux, Tours, Montpellier, Nancy, Annecy, Corbeille-Essonnes, Périgueux, Bourges, etc.), que certaines d’entre elles soient conservées par ce type de liste ou des rassemblements plus classiques (Grenoble, Lille) ou qu’ils évitent des basculements vers LREM (Strasbourg) [le cas de Marseille est plus complexe en attente d’un troisième tour] – c’est une excellente nouvelle – ne doit pas nous faire oublier qu’en réalité le ratio droite/gauche n’a pas réellement bougé : en 2014 il ne restait plus que 84 villes de plus de 30 000 habitants à gauche ; en 2020, elles sont 86, le bilan des gains et des pertes par la gauche et les écologistes est donc mitigé et il le reste si l’on regarder toutes les strates de population (sauf pour les villes de plus de 100 000 habitants). Le rejet du parti présidentiel semble cependant acté un peu partout – sauf exception – ce qui n’empêchera pas l’exécutif de continuer, après ce désaveu, à user sans vergogne de tous les moyens institutionnels dont il dispose

Le premier enseignement de ce scrutin, avant toute autre chose, c’est l’effondrement de la participation, alors que les élections municipales étaient réputées pour être plus fréquentées que les autres il n’y a pas si longtemps…

La crise pandémique, qui semble désormais relativement maîtrisée dans notre pays, n’explique pas pour l’essentiel cette chute brutale. Si elle a pu nous paraître expliquer l’abstention massive du premier tour (avec des appels publics dès la fin de la matinée du 15 mars à ne pas aller voter ou réclamant l’annulation du scrutin), le maintien d’une abstention aussi massive au second tour nous raconte une autre histoire, dans laquelle une large partie du peuple français a décidé de décrocher des élections. Alors qu’on pouvait imaginer que nos concitoyens – à défaut de considérer que les élections nationales avaient une influence réelle sur les choix gouvernementaux et l’évolution concrète de leurs vies – croyaient encore à l’efficacité du vote pour orienter des politiques publiques locales, il nous faut constater que ce n’est plus le cas pour une grande majorité d’entre eux. Les discours qui insistent sur le fait que les électeurs manqueraient de responsabilité sont un peu courts ; il faut faire droit à une idée désormais très répandue dans les catégories populaires selon laquelle la politique ne peut plus changer leur vie.

On aboutit donc du fait de cette abstention massive à une contradiction qui n’est qu’apparente : plus un territoire souffre de la mondialisation libérale plus il vote à droite ; plus un territoire semble s’y être bien inséré, plus il vote écologiste ou à gauche. Il faut mesurer ce que peut signifier une partie du vote écologiste dans les « métropoles » : c’est le retour d’un électorat qui avait voté Macron et LREM au printemps 2017 qui revient à un vote de centre gauche, où l’écologie se substitue peu à peu à la social-démocratie comme idéologie des catégories socio-professionnelles supérieures qui se pensent « progressistes ». Le risque de voir s’estomper encore la question sociale s’aggrave donc, les dirigeants des partis appartenant peu ou prou tous à ce milieu social et adhérant à la culture dominante des centre-villes métropolitains. D’une certaine manière, la France est en train d’achever le parcours qui conduit à l’américanisation de sa vie politique. L’abstention massive rejoint ce que l’on connaît depuis plusieurs décennies aux États-Unis et qui est une victoire de la pensée libérale : les structures collectives sont démonétisées et le business devient l’organisateur du corps social plus que la décision publique. C’est là un des résultats navrant des échecs de la gauche qui se prétend « de gouvernement » et qui a progressivement convaincu les citoyens qu’elle ne peut ou ne veut pas changer le monde. L’impuissance (volontaire) de la gauche face au Capital a provoqué la grève ou la dépression civique.

Nous avons donc franchi un cap qui marque une nouvelle étape de la crise démocratique, révélant encore avec force une fracture sociale et territoriale :

      • En effet, la forte abstention de dimanche (et du 15 mars) risque d’alimenter une rupture au sein même de nos villes qui pourrait créer des dégâts importants et à long terme sur l’acceptation même des politiques publiques locales. Si nous nous se réjouissons de l’adoption de programmes locaux mêlant officiellement solidarité et transformation écologique, leur mise en œuvre sera-t-elle aisée alors que dans certains cas ce sont plus de 70% des habitants qui ont boudé les urnes ? La remarque est d’ailleurs valable pour les communes qui ont choisi ou reconduit une majorité de droite ;

      • Cette abstention peut également renforcer des logiques clientélistes, puisque certaines forces politiques ont choisi de ne pas lutter contre la désertion des urnes. Il s’agit pour elles désormais de mobiliser sur un faible nombre d’électeurs leurs sympathisants et de faire ce qu’il faut pour être devant. Il n’est plus question ici de mobiliser les citoyens et de les convaincre de la pertinence de votre projet. On sait ce que cette logique comporte comme risques de corruption, de clientélisme, de communautarisme et parfois d’achat de voix ;

      • Cela marque également une fracture au sein du pays : qui peut croire que le pays bascule vers une gauche écologique, aux contours parfois indéfinissables, uniquement parce que les grandes villes et en leur sein les centre villes ont choisi dimanche majoritairement ce camp ? Très souvent en milieu rural, périurbain ou dans les quartiers populaires, les habitants sont restés indifférents aux propositions politiques qui leur étaient ainsi soumises, par la gauche comme par la droite. Les écologistes percent essentiellement dans les grandes métropoles. À l’inverse, on voit que la plupart des villes moyennes restent aux mains des maires sortants LR et divers droite (et certaines ont basculé cette année). Notre pays est donc de plus en plus clivé, avec des métropoles qui s’autonomisent, qui font sécession d’une certaine façon, et de l’autre des périphéries qui votent pour des forces plus « rétrogrades ». Ce rapport centre-périphérie est visible jusqu’au sein des métropoles.

Il conviendrait donc de ne pas tirer de conclusions hâtives du scrutin municipal. Les victoires médiatiques – aussi réjouissantes soient-elles – dans les grandes villes masquent des clivages nationaux profonds. Cette élection municipale était fortement désynchronisée du contexte national en raison de l’absence de logique d’alternance. Enfin une élection à 30% de participation et une élection à 80% de participation n’ont rien à voir. Les classes populaires n’ont pas voté. Lorsqu’elles se déplaceront à la présidentielle, elles pourraient faire entendre une toute autre musique.

On peut retenir que la gauche réussit mieux lorsqu’elle est unie et cohérente, que son projet a été travaillé et n’est pas qu’un bricolage de dernière minute. Le travail est encore largement devant nous. Et le défi d’engager une dynamique politique qui permette de convaincre l’ensemble des Français de l’utilité de la Démocratie et en son sein de la gauche républicaine et écologique reste entier. Nous devons être vigilants et éviter que (pour reprendre le concept d’américanisation de la vie politique française) la gauche française souffre du même aveuglement que les Démocrates américains qui tombèrent de haut face à Donald Trump.

Quoi qu’en dise les différents partenaires, les égos sont aiguisés dans la perspective de la course à la désignation d’un candidat pour élire un monarque présidentiel. Nous nous attacherons, nous, à retisser le lien abîmé avec nos concitoyens, là où nous pouvons le faire, que nous participions à des majorités ou à des oppositions municipales. Nous n’aurons également de cesse de plaider pour le rassemblement et un travail de fond pour un programme de transformation. Tout reste à faire.

Contre l’esclavage, le racisme, les discriminations : la République et son idéal !

Contre l’esclavage, le racisme, les discriminations : la République et son idéal !

Prolongeant la dynamique du mouvement d’indignation qui a saisi toutes les sociétés occidentales après le meurtre raciste de George Floyd aux États-Unis d’Amérique commis par un policier blanc de Minneapolis, le débat public et les manifestations s’étendent aujourd’hui plus largement à la question de la mémoire, de l’esclavage et des logiques structurelles qui nourrissent toujours dans notre société le racisme et les discriminations.

Une partie du débat et des happenings se cristallisent aujourd’hui sur les statues de personnalités d’époques diverses, que certains souhaitent déboulonner comme représentations symboliques d’une oppression raciste passée. Sans parler du cas particulier des États-Unis et de la mémoire de la Guerre Civile qui seule permit l’abolition de l’esclavage, la statue d’un commerçant esclavagiste britannique a été jetée dans la rivière à Bristol ; elle avait été érigée plusieurs siècles plus tôt pour le remercier d’avoir apporté la prospérité à la ville grâce au détestable « commerce triangulaire », la symbolique était ici particulièrement puissante.

Mémoires de France

En France aussi, les happenings militants se développent et le débat bat son plein. Si cela peut donner lieu à des caricatures, disons le la question n’est pas en soi illégitime. Il ne doit plus, heureusement, rester en France de statue, de rue ou d’avenue Pétain et plus aucun républicain ne lui rend hommage, le chef du régime défaitiste et collaborationniste qui trahit la France ayant effacé le « vainqueur de Verdun » (et sur cette dernière image d’Épinal, il y aurait beaucoup à dire). Pour s’émouvoir de la raréfaction des rues Adolphe-Thiers ou reprocher encore à Gustave Courbet d’avoir fait abattre la colonne Vendôme, il faut être un adorateur particulièrement zélé des « Versaillais ». Que notre pays évolue et choisisse au cours de son histoire et de l’évolution de sa société d’honorer telle ou telle figure est dans l’ordre des choses, mais nous sommes en démocratie et cela doit se faire lors d’un débat serein.

Si d’aucuns ont choisi de s’en prendre à la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale ou exigent que l’on rebaptise la salle Colbert dans le Palais Bourbon car il aurait promulgué le « code noir », rappelons qu’il a promulgué une bonne partie des codes de l’époque, qu’il n’en est pas l’initiateur en tout cas pas plus que Louis XIV qui pourrait bien être visé par la même colère. Personne ne semble retenir que les fresques de la Salle des Conférences du Sénat racontent dans ce grand palais républicain une histoire de France quasi exclusivement monarchique et catholique, ce qui est pour le moins cocasse. De même personne ne songe sérieusement à réduire en cendres le Sacré Cœur, alors qu’il a été construit pour célébrer le massacre de la Commune de Paris et prévenir le peuple de la Capitale qu’il serait toujours surveillé par l’Église et l’Armée. Quand a contrario un buste du Général De Gaulle est vandalisé à Lille sous le prétexte de racisme ou que la statue de Jacques Cœur subit le même sort à Bourges (on peut s’interroger sur une opération de provocation volontaire en pleine campagne des élections municipales) en l’accusant de colonialisme, nous faisons face à de l’inculture et à une méconnaissance affligeante de notre histoire qu’il faudra réparer.

Évidemment, la France a une longue histoire, dans les siècles qui se sont écoulés on trouve le pire et le meilleur. Il faut savoir vivre avec et savoir la regarder sereinement et démocratiquement ; que les promoteurs de l’esclavage ou des militaires connus pour avoir perpétré des massacres de populations civiles dans l’hexagone ou en Outre Mer soient progressivement écartés ou que leurs méfaits soient rappelés ne devraient pas nous effrayer. Mais il est important qu’alors que nos commémorations symboliques peuvent évoluer nous ne jetions un voile sur tout ou partie de notre histoire : les régimes, gouvernements, monarques, ministres, généraux, etc. qui ont fait la France doivent être présentés aussi avec leurs zones d’ombre ; l’histoire de l’Outre Mer où vivent plusieurs millions de nos concitoyens mériterait elle aussi d’être valorisée, enseignée aussi bien dans la Creuse qu’à Fort-de-France.

La République face à l’histoire

L’esclavage – en quelques époques ou lieux que ce soit – ne peut apparaître à un républicain et un humaniste sincère que comme une abjection morale. Il laisse des traces profondément dans les sociétés qu’il a blessées et parfois plusieurs générations après. Quiconque veut bien être un peu observateur constatera que c’est encore le cas à bien des égards en Martinique, Guadeloupe ou à la Réunion, où la stratification économique et sociale ou même certains comportements portent encore l’héritage de l’esclavage. Clemenceau, journaliste pour Le Temps, s’était rendu aux États-Unis d’Amérique après la victoire de l’Union sur la confédération, il avait vu l’horreur des conséquences de l’esclavage même après son abolition, il en était revenu profondément anticolonialiste.

Or l’un des premiers actes de notre pays en devenant République fut de rompre symboliquement avec cette pratique abominable. La République française s’est constituée en abolissant l’esclavage, une première fois en 1794, et l’un des premiers actes du gouvernement provisoire qui établit la Deuxième République en 1848 c’est à nouveau l’abolition de l’esclavage et la création pour la première fois en droit positif dans le monde occidental de la notion de crime contre l’humanité, puisque le citoyen français qui continuerait à posséder et/ou à acheter des esclaves serait déchu de sa nationalité française. Qui se souvient de cela ? Qui se souvient que la proclamation devant la face du monde de l’aspiration à l’égalité par la Nation française avait bien dès le départ cette portée universelle puisqu’elle s’adresse à tous les êtres humains quelle que soit leur couleur de peau ? C’est dire combien les attaques récentes contre la mémoire de Victor Schoelcher, père de l’abolition, sont absurdes. Cela ne doit par contre pas effacer une réalité historique et politique qui est trop peu enseignée, voire pas du tout : l’abolition n’est pas un cadeau accordé dans un élan de pure générosité humaniste ; si l’abolition put être décidée (avec le compromis qu’on trouverait aujourd’hui aberrant sur l’indemnisation des propriétaires) c’est aussi la conséquence des nombreuses révoltes d’esclaves à la Martinique et à la Guadeloupe, notamment, et de la lutte réussie pour l’indépendance d’Haïti. L’abolition répondait donc aussi à un rapport de force et des intérêts bien compris. L’ensemble de cette histoire, plus complexe que l’image d’Épinal qu’en fit plus tard la IIIème République, mériterait d’être rappelée et enseignée.

Si l’idéal républicain est donc bien universaliste et égalitaire, la République n’est pas acquise une bonne fois pour toute. Napoléon Bonaparte au moment d’établir le Consulat – qui était déjà une forme d’abolition de la République – rétablit l’esclavage en Guadeloupe avec une répression féroce (la Martinique occupée par les Britanniques ne connut jamais cette première abolition) et tenta de reconquérir Haïti pour y rétablir l’esclavage. La motivation profondément raciste de ce personnage pourtant illustre de l’histoire de France ne fait pas de doute. Ainsi lorsque nous enseignons l’Histoire du Consulat et de l’Empire, notre récit national devrait sans doute célébrer l’instigateur du code civil, mais peut-être brosser aussi le portrait moins flatteur du dirigeant raciste d’un régime très autoritaire et intrusif, qui mit souvent pour de mauvaises raisons l’Europe à feu et à sang (revers de la médaille de la gloire militaire temporaire qu’on lui attribue). La République fut également progressivement subjuguée par un autre Bonaparte ; les missi dominici de Napoléon le Petit imposèrent ainsi un régime particulièrement oppressif pour les Antillais et Réunionnais que la Deuxième République venait de libérer de l’esclavage. Ce régime se perpétua d’ailleurs au-delà de la chute du Second Empire, il ne tomba réellement qu’avec départementalisation de 1946 et l’action publique ne cesse depuis de corriger petit à petit les séquelles de cette histoire.

Si l’idéal républicain est bien universaliste et égalitaire, les gouvernements de la République et ceux qui les dirigent ne sont pas parfaits et peuvent même avoir commis des fautes. On peut établir que l’esclavage et la colonisation naissent de concert. Pour soutenir l’idée de l’esclavage, il faut évidemment soutenir l’idée d’une inégalité entre les Hommes, l’existence de races inférieures et supérieures. Les premières colonies antillaises et africaines sont ainsi totalement liées à l’histoire de l’esclavage. La poursuite de la colonisation après l’abolition symbolique de l’esclavage est héritière de cette idée que les peuples colonisés seraient de ces « races inférieures » et l’Européen, le Français, serait donc légitime à les dominer. La colonisation porte ainsi un message radicalement opposé à celui de la République. Comment plaider la cohérence d’une France républicaine qui puisse prétendre diriger des territoires et des populations auxquelles elle refuse les bénéfices des droits qu’elle proclame pour toute l’humanité ? En Algérie, seule véritable colonie de peuplement française (considérée comme partie intégrante du territoire national dès les années 1880), le code de l’indigénat impliquait des peines spéciales décidées par l’administration coloniale pour les Algériens, qui bien que Français ne bénéficiaient pas pleinement de la citoyenneté. Il n’est pas possible d’arguer après coup que c’était une autre époque et qu’il serait inapproprié de mesurer la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle avec les lunettes de 2020 : les débats politiques et parlementaires sur la pertinence de l’aventure coloniale, tant du point de vue philosophique que pratique, furent particulièrement vifs. On l’a dit, des Républicains radicaux comme Clemenceau étaient profondément anticolonialistes, mais certains nationalistes ou monarchistes voyaient également dans la colonisation une diversion par rapport à la « nécessaire » préparation de la revanche sur l’Allemagne, quand l’inventeur de l’école républicaine obligatoire, gratuite, publique et laïque – Jules Ferry – fut un colonialiste convaincu. Jean Jaurès qui commença sa carrière politique à l’ombre de ce dernier devint ensuite tout à la fois socialiste et anticolonialiste, mais il faut dire que la vigueur anticolonialiste concrète de la SFIO s’effaça rapidement après son assassinat. Charles De Gaulle, envoyé dans les années 1930 en mission au Liban, rédigea lui-même une note indiquant que de tels régimes supposant que des peuples soient ainsi mis sous tutelle étaient déjà anachroniques et qu’il était dans le sens de l’histoire qu’ils prennent leur indépendance. De quoi éclairer sous un jour particulier l’action qu’il mena quelques trente années plus tard (après avoir compté sur « l’empire » comme base arrière de la France Libre), qui est elle-même percluse de multiples contradictions.

L’universalisme républicain en acte

La République et son idéal font ainsi souvent les frais des rapports de force politiques, quand ce n’est pas plus prosaïquement et banalement la conséquence de « petits jeux politiciens ». La République est un combat ; on ne peut tenir notre devise Liberté – Égalité – Fraternité pour acquise du simple fait qu’elle serait énoncée. Comme socialistes, nous connaissons bien les logiques inégalitaires à l’œuvre en économie capitaliste qui ne plient ou reculent que sous l’effet du rapport de force politique et social que l’on construit (ou pas). Pourquoi serait-ce différent pour les inégalités et discriminations fondées sur l’origine, la couleur ou la religion supposée ? Pourquoi serait-ce différent quand les Libéraux et le monde capitaliste instrumentalisent également les enjeux d’identité pour réduire la personne à l’individu, pour diminuer d’autant la capacité des travailleurs à s’organiser collectivement en les dressant les uns contre les autres en fonction de leurs origines ? Pourquoi serait-ce différent quand les discriminations liées à l’origine croisent les inégalités économiques et sociales ?

D’ailleurs en d’autres points du globe, ce type de processus a été parfaitement utilisé, y compris à des fins économiques, entre des populations différentes que ne séparaient pas la couleur de peau : l’opposition au sein de la classe ouvrière d’Irlande du Nord entre Unionistes et Nationalistes (Protestants et Catholiques) grâce à l’encouragement du sectarisme est un modèle du genre.

Raison de plus pour ne pas se laisser pièger par des concepts ambigus ou même pervers. Ainsi la notion de « privilège blanc » (expression popularisée par une écrivaine de talent et à succès mais dont on peut s’interroger sur son sens des réalités) peut évidemment être comprise, dans une certaine mesure, s’il s’agit de désigner cette situation où, par le fait d’être blancs, certains d’entre nous ont accès facilement à un logement, un emploi, à un certain nombre de choses sans même nous en rendre compte. Mais cette notion, même si on peut en comprendre l’intention (chez certaines personnes de bonne foi), est viciée à la base car le concept de « privilège » renvoie à quelque chose qu’il faudrait en principe abolir. Or, le souci aujourd’hui n’est pas de savoir si les « blancs » doivent avoir accès facilement à un logement, etc. ou s’il faudrait leur retirer cette capacité, alors même qu’elle n’est pas l’apanage de tous les « blancs ». Cette façon de penser est même quelque part une manière de réinvestir le principe de « hiérarchie des races », entre les « blancs » qui auraient (forcément) une vie merveilleuse et « les autres ». La question c’est de se demander pourquoi d’autres n’ont pas accès, pourquoi nous tolérons encore que dans les faits de telles discriminations perdurent concrètement ; la question est de se demander – lorsqu’on a constaté qu’il y a des gens, en raison de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, pour lesquels l’exercice des droits humains est soit tronqué, soit inexistant – comment il faut agir pour faire reculer puis mettre fin concrètement à cette rupture d’égalité. Car à nouveau ce que l’universalisme républicain nous rappelle c’est bien l’unité de l’humanité, l’égalité entre tous les Hommes, en cela il n’est en rien un concept évanescent et surplombant comme le prétendent certains militants différentialistes ou intersectionnalistes. L’universel ne relève pas d’une sorte de dogme surplombant, d’un ensemble de principes qu’on accepte tels quels. L’universel c’est une aspiration qui est toujours en construction, qui est traversée d’une réflexion sur les façons de faire progresser ces aspirations universelles. L’universalisme républicain devient concret lorsqu’il existe une volonté politique pour le mettre en œuvre.

Ainsi, après la démonstration que nous venons de faire, si l’expression de racisme d’État nous semble impropre dans la République française, le débat sur la définition de « racisme structurel » peut être entendu mais doit faire l’objet de beaucoup de précautions. Le Défenseur des Droits vient de pointer une politique systématique dans un arrondissement de Paris d’arrestations de personnes de couleur ; il considère ici qu’il ne s’agit plus de l’acte d’un individu mais d’une structure, il a également pointé le fait que ses interpellations sur les dysfonctionnements de l’institution n’avaient pas reçu de réponses depuis 5 ans. Soyons clairs, il existe en France une politique ou une stratégie particulière qui a des effets de « racisme institutionnel », c’est celle qui préside aux contrôles d’identité. C’est un cas particulièrement choquant : toutes les études montrent que lorsque vous êtes jeunes, noirs ou d’origine maghrébine, vous avez 10 à 20 fois plus de « chances » d’être contrôlés : cela signifie que 3 ou 4 fois par jour au bas mot une personne issue de ces catégories peut-être contrôlée, ce qui explique aisément un sentiment de ras-le-bol, de révolte et parfois les propos et les actes qui vont avec (avec les conséquences que l’on peut imaginer). Cette pratique s’apparente donc à une peine administrative appliquée à une catégorie de la population qui doit justifier plus que d’autres de son appartenance à la Nation, du fait de son apparence … et cela devant ses amis, devant ses proches, devant les collègues de travail qui eux ne seront pas contrôlés, et le fait que cela se passe également parfois sans témoin n’en diminue pas l’ineptie. Les justifications prétextées pour cette pratique discriminante sont de deux ordres : l’immigration irrégulière et le trafic de stupéfiant… Notre police est affectée pour une trop grande part au contrôle et à la répression du commerce et de la consommation d’une drogue qui est aujourd’hui légale au Canada et dans de nombreux États européens et des USA : la marijuana. Ces policiers doivent être affectés à des tâches autrement plus importantes pour l’ordre public, notre sécurité et la concorde civile. Avec cette réforme, l’essentiel des contrôles d’identité et leur justification tendancieuse disparaîtraient. La fin de cette stratégie de fait des contrôles d’identité discriminatoires auraient également pour conséquence de participer à la modification de l’état d’esprit d’une partie des forces de police, à qui la hiérarchie impose de fait une façon de penser qui s’éloigne des principes républicains.

Notons aussi que le choix des hommes compte sur ce chemin semé d’embûches. Dans la suspicion qui existe entre une partie de la population et les forces de l’ordre, le problème ne vient pas directement des policiers, mais de la stratégie qu’on leur demande d’appliquer. Les hommes comptent dans ces matières : M. Papon était dans les années 1960 Préfet de police de Paris ; sous son autorité ont eu lieu le Massacre de Charonne (8 février 1962, 9 morts et 250 blessés) et celui des manifestants pro-FLN du 17 octobre 1961 (pas moins de 200 morts). Le Préfet Grimaud qui lui a succédé avait une toute autre politique en matière de maintien de l’ordre, il est évident que de nombreux manifestants de Mai-68 doivent la vie à ce changement de préfet. À un moment, il y a la responsabilité des chefs qui donnent des consignes et des stratégies, et les policiers ne sont souvent que des agents qui doivent obéir aux ordres qui leur ont été donnés (tant qu’ils ne sont pas illégaux). Rappelons le courrier adressé à ses troupes par le Préfet Grimaud le 29 mai 1968 : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés. Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez. » La hiérarchie, l’administration républicaine et ses cadres se doivent en tout temps et toute circonstance d’impulser un discours, des consignes et des stratégies conformes à l’idéal républicain, si l’on veut que l’ensemble des représentant de l’État en toute matière (et pas seulement en ce qui concerne la sécurité et le maintien de l’ordre) agisse selon les principes républicains.

L’éducation est aussi un terrain à réinvestir. Nous avons insisté plus haut sur l’enseignement de l’histoire, sur un récit national qui prenne mieux en compte la diversité du peuple français, qui tienne compte avec raison des faces sombres et lumineuses de notre pays. Faire face à notre histoire avec réalisme est la meilleure manière de renforcer l’unité de la communauté nationale. Il faudra donc revoir notre enseignement de l’esclavage et de la colonisation, l’enseignement des l’histoire de l’Outre Mer et des pays qui ont été si fortement liés, pour le pire mais parfois aussi le meilleur, au nôtre avant de prendre leurs indépendances. Le fait que l’immigration algérienne se soit poursuivie – dans des proportions importantes – après 1962 montre également que la France était capable de dépasser la guerre civile qu’elle avait subi et fait subir des deux côtés de la Méditerrannée. Il ne faut pas non plus oublier les conditions souvent indécentes dans lesquelles beaucoup de travailleurs maghrébins puis leurs familles furent reçus, ou plutôt parqués. Une histoire de l’immigration doit donc être intégrée au récit national, en ayant à l’esprit que le fait que celle-ci depuis les années 1960 provienne très majoritairement de pays dont les populations ont été dominées par la France modifie quelque peu la manière dont nous pouvons atteindre les objectifs républicains d’assimilation et d’intégration que nous avons appliqués aux immigrations précédentes. Au demeurant nous récusons l’idée parfois avancée (au comptoir du café du commerce) que si les Italiens, Polonais, Yiddish, Espagnols ou Portugais ont subi un forme de « bizutage », il serait tolérable que les immigrations maghrébines et subsahariennes le subissent aussi.

Enfin, la crise sanitaire que nous venons de subir a de nouveau démontré les discriminations de tout ordre dont font l’objet des habitants de certaines parties de notre territoire. La Seine-Saint-Denis a enregistré ainsi un niveau de contamination, de décès et de verbalisation (cf. notre paragraphe sur le contrôle au faciès) plus important que la moyenne nationale. On sait parfaitement que ce département compte aujourd’hui de très nombreux habitants d’origine méditerranéenne, subsaharienne et chinoise. Les statistiques ethniques réclamées par certains – en prenant le risque de figer les identités – n’apporteraient rien de nouveau et d’utile à l’action publique. La sous dotation médicale ou en services publics de ce territoire est ancienne et n’est pas liée à la nature de son peuplement actuel mais l’a précédé. Le déficit d’égalité de la Seine-Saint-Denis s’est donc creusé au fil des décennies ; il a commencé à le faire selon une logique que nous qualifierons de « méfiance » à l’égard de « classes laborieuses » considérées comme des « classes dangereuses ». L’installation des familles de travailleurs immigrés à la sortie des bidonvilles dans lesquels ils étaient cantonnés parfois jusque dans les années 1970 n’a fait que renforcer cette discrimination territoriale, dans un territoire frappé dès le début des années 1980 par une violente désindustrialisation. Ici encore l’inégalité économique et sociale rejoint la problématique des discriminations « ethniques » et celle de la ségrégation géographique. Le retour à une « Politique de la Ville » digne de ce nom (elle a fini d’être mise en lambeau sous le quinquennat de François Hollande), parallèle à un renforcement massif des services publics et des politiques de droit commun pour ramener ces territoires à l’égalité républicaine, ou un renforcement des contrôles et des sanctions pénales en matière de discrimination à l’embauche et dans l’emploi, est une urgence absolue.

* * *

La République est un combat. La réalisation de la promesse de l’universalisme républicain est un combat. Elles ne peuvent se satisfaire de notre immobilisme ; pour faire un peu de provocation, détournons dans cette conclusion le fameux slogan maoïste : « La République est comme une bicyclette : quand elle n’avance pas, elle tombe ! »

La République est née en rejetant radicalement l’esclavage et le racisme, en proclamant l’égalité humaine à toute l’humanité. Notre pays n’a pas besoin d’accommodements, de négociations, de tractations, de privilèges : il a besoin d’égalité et de République. Plus que jamais ! La concrétisation de notre idéal ne va pas de soi et dépend des actions que nous aurons la volonté et le courage de mettre en œuvre : au travail !

Face à la violence et au racisme, redonner force à la République !

Le meurtre de Georges Floyd par quatre policiers de Minneapolis (Minnesota) est la dernière goutte de sang faisant rompre des digues dans les opinions publiques occidentales.

La prise de conscience en cours dépasse le cadre américain et rappelle dans l’universalité de la réponse des jeunesses des sociétés riches les mouvements oubliés contre l’apartheid de l’Afrique du Sud des années 1980.

Ainsi, malgré la conscience du risque pris, alors que la pandémie due au Covid-19 n’est pas finie, des dizaines de milliers de manifestants, jeunes pour la plupart, masqués, ont manifesté partout en Europe contre le racisme et les violences policières : Bruxelles, Londres, Copenhague, Berlin, Munich, Francfort, Hambourg, et même, malgré l’interdiction prononcée par les préfets, à Paris et plusieurs grandes villes de France. À Bristol, une statue de l’esclavagiste Colson a été jeté dans le port.

Tous les cortèges ont en commun de rassembler des jeunes, entre 18 et 35 ans, beaucoup de primo-manifestants, tous habillés de noirs. C’est un mouvement d’opinion qui rebondit sur celui des « Friday » pour le climat. Il démontre un refus de thèses et d’organisations sociales et politiques au cœur du néolibéralisme, et dont le protecteur dévoyé est souvent la police.

Il ne constitue pas encore une alternative, et les contradictions sont nombreuses encore entre tenants de l’universalisme humaniste, et ceux, adhérant paradoxalement à la définition néolibérale d’une humanité divisée en identités et inégalités de nature, privilégiant l’individualisme de la communauté, et niant les solidarités de classe. C’est le piège de ce moment : il y a des libéraux souhaitant le repli individualiste ou communautaire pour nier les classes et les questions sociales ; il y a des faux universalistes souhaitant plonger la tête dans le sable, privilégiant la conservation de l’ordre social à la résolution de sa violence. Les uns ne veulent pas de la République, les autres nient qu’elle soit sociale.

L’Allemagne face aux infiltrations terroristes de sa police

À Berlin, à Munich, à Hambourg, à Nuremberg, dans de nombreuses villes allemandes, les manifestations ont fait le lien entre racisme et violences policières.

Dans ce pays, les policiers doivent prêter serment à la loi fondamentale, qui inclut la déclaration des Droits de l’Homme, et proclame le caractère intangible de la dignité humaine.

À ce titre, il est jugé incompatible avec le service public l’engagement dans des partis et mouvements d’extrême droite tels que le NPD.

Il y a presque dix ans, on découvrait cependant que dix meurtres, neuf immigrés d’origine turcs ou grecs, et une policière, avaient été commis par une cellule terroriste d’extrême droite, la NSU. Tout au long des enquêtes, la police n’avait pourtant jamais prospecté sur cette piste, privilégiant des « règlements de compte entre maffias et clans », se plaignant d’une omerta empêchant le recueil d’informations sur cette maffia, qui n’existait pourtant que dans les préjugés racistes des enquêteurs.

Depuis, les groupements d’extrême droite ont renforcé leurs efforts pour infiltrer la police.

Depuis quelques années, les autorités ne réagissent plus par des enquêtes administratives, comme la France continue elle à le faire avec l’IGPN, juge et partie, mais directement en saisissant les services secrets intérieurs.

C’est ainsi qu’en 2018 un groupe Whatsapp de 40 policiers a été identifié et observé : ces policiers, du Land de Hesse, utilisaient les bases de données de la police pour envoyer des lettres de menaces à des militants antiracistes et des avocats des victimes de la NSU. Suite à une perquisition en février 2020, il a été prouvé que certains de ces fonctionnaires avaient détourné armes et munitions des dépôts policiers en vue de préparer des actions terroristes. Les enquêtes en cours ont entraîné les limogeages immédiats des fonctionnaires concernés.

En France, un tel groupe peut grimper à 8 000 participants !

La co-présidente d’un des partis au gouvernement, le SPD, Saskia Esken, a réclamé hier une grande enquête sur le racisme dans la police. Elle n’est pas seule : les autorités hiérarchiques policières elles-mêmes parlent de combattre le racisme dans leur rang, de renforcer formation et encadrement, de se donner les moyens pour maintenir une police républicaine, loyale au serment à la loi fondamentale.

Samedi, malgré des affrontements en fin de manifestation à Berlin et 93 arrestations, le chef de la police a « remercié » les manifestants « majoritairement pacifiques » et loué leurs efforts pour respecter la distanciation physique – discours si différent d’un Castaner déclarant en janvier 2019 « ceux qui viendront manifester savent qu’ils seront complices des débordements » ou d’un préfet de police indiquant à une manifestante âgée qu’ils n’étaient « pas dans le même camp ».

Une culture de l’impunité est la négation de la République

Ce long développement permet de souligner la culture de l’impunité qui s’est établie en France. Aujourd’hui même, le rapport du Défenseur des Droits la dénonce : en cinq ans, le Défenseur des droits a demandé des poursuites disciplinaires dans trente-six affaires de manquements aux règles de déontologie, sans recevoir de réponse.

La République proclame l’égalité de toutes et tous devant la loi. Cela vaut également pour ceux dépositaires, au nom du peuple souverain, du monopole de l’exercice de la violence légitime. Le peuple républicain attend de sa police protection et service, pour pouvoir jouir des libertés publiques garanties par la constitution.

Cependant, l’exercice de la violence ne reste légitime que s’il est contrôlé, encadré, si les Gardiens de la Paix sont formés et dirigés correctement, si des effectifs et des moyens nécessaires et suffisants permettent d’assurer les missions.

Devenir policier est un engagement au service de la Nation qui peut rendre nécessaire le sacrifice de sa vie pour sauver les autres. C’est un métier difficile, ingrat, à la conjonction de demandes contradictoires, entre des politiques néo-libérales qui veulent gérer à coup de matraque les inégalités sociales, une Nation espérant Protection et Soutien, et des groupes sociaux et politiques s’affranchissant de la République.

Il faut le dire : le gardien de la paix est au cœur du pacte social républicain, comme le professeur, l’infirmière, le militaire, le pompier. C’est pourquoi les attentes sont également particulièrement élevées quant à l’exemplarité de son comportement en fonction. Tout cela implique de garantir l’exemplarité par la sanction immédiate des comportements déviants.

En France cependant, de faux républicains affirment l’infaillibilité de nature de la police.

Républicaine par la force des textes de lois, elle serait sans faute ni tâche. Elle devrait dès lors être soustraite à tout examen de son action, ses fonctionnaires considérés au-dessus de tout soupçon.

Cette culture de l’impunité est entretenue par le rôle prééminent donné à l’IGPN, autorité de contrôle administrative interne.

L’absence de contrôle s’accompagne de la lâcheté hiérarchique. Comment un groupe Facebook a-t-il pu atteindre 8 000 membres sans qu’un seul gradé, face aux centaines de messages racistes et sexistes, n’intervienne ? Comment se peut-il qu’un tel groupe ne soit pas surveillé par la sécurité intérieure ?

Cela s’explique par une raison simple : depuis 2005 au moins, la police est utilisée comme instrument principal de lutte contre les révoltes et les colères sociales, tout en restant une variable d’ajustement budgétaire, dont on réduit toujours les effectifs ou les moyens concrets, poussant ses fonctionnaires à bout, jusqu’aux « épidémies de suicides ».

La hiérarchie policière, versée dans la seule répression sociale, au point d’agresser les journalistes et les parlementaires en manifestation, sous estime le danger d’infiltration des institutions par des groupes et idéologie d’extrême droite souhaitant la guerre civile européenne.

Ces idéologies sont à l’origine des attentats d’Anders Breivik en Norvége en 2011, du tueur de Munich en 2016, du meurtre de la députée travailliste britannique Jo Cox en 2016, des attentats en Allemagne contre des élus, des juifs et des turcs en 2019 et 2020.

Pourquoi une police où les syndicats affiliés à l’extrême droite ont fortement progressé ces dix dernières années serait-elle immunisée face à un phénomène européen ?

L’égalité devant la loi nécessite de remettre les deux moteurs inséparables, la sanction et la formation, au cœur de la réforme de la police républicaine.

Il est insupportable que des personnes, interpellées pour des délits, meurent au moment de leur interpellation, qu’ils s’appellent Traoré ou Chouviat. La doctrine et les techniques d’interpellation doivent changer, l’obligation de secours à la vie redevenir prioritaire à l’accomplissement d’un acte administratif visant à sanctionner un outrage.

Il est contraire à la République que la police ne garantisse plus l’exercice des droits fondamentaux, tel que celui de manifester, de s’exprimer, mais au contraire les en empêche. Ce n’est pas le rôle de la police de décrocher, pendant le confinement, des banderoles d’opposants accrochés à des balcons privés. Il est absolument intolérable que des élus, des journalistes, des syndicalistes, soient des cibles dans les cortèges. Personne ne devrait perdre un œil ou une main dans l’exercice d’un droit fondamental. Il est absolument nécessaire de pourchasser devant la justice tous les actes de violence non proportionnés de membres des forces de l’ordre. Il n’est pas proportionné aux impératifs de maintien de l’ordre d’éborgner, amputer, et blesser des citoyens libres de manifester.

* * *

Aux États-Unis, le Parti Démocrate a annoncé une grande réforme de la police en cas d’alternance. En Allemagne, le plaquage ventral est maintenant interdit. La France, en retard, sous la pression internationale, a annoncé l’interdiction de la prise d’étranglement mais reste dans l’ambiguïté sur le plaquage ventral.

La confiance dans la République et sa police exige à la fois de la réformer, de mieux la former et l’encadrer, et de briser la lâche impunité que lui garantit le pouvoir actuel.

Remettre de la République dans la police, c’est remettre de la République dans la société, et par conséquent, s’attaquer aux conséquences sociales de 40 ans de destruction néolibérale de l’Etat et de la cohésion nationale.

Le coût du travail n’existe pas !

Il n’y a plus de véritable politique de l’emploi en France.

Celle-ci se confond depuis maintenant de nombreuses années avec l’idée simpliste qu’il suffirait de baisser les coûts de production pour que le taux de chômage diminue. On assiste ébahi à un empilement de mesures visant à réduire le « coût » du travail (CICE, Pacte de responsabilité etc.) sans que cela ait le moindre effet pérenne sur le marché de l’emploi.

Cette non-politique a en revanche des conséquences directes et franchement absurdes sur notre appareil productif : multiplication des plans de réductions des effectifs, recours excessifs à la sous-traitance, développement d’emplois atypiques favorisant la précarité (CDD, interim, etc.).

Plutôt que de continuer dans cette voie la crise actuelle nous fournit l’opportunité d’entamer une bifurcation digne de ce nom, de rompre avec l’idée malsaine et faussée selon laquelle le travail est un coût qu’il faut baisser.

Rappelons-le, le travail n’est ni un coût ni une marchandise comme les autres.

Il est un investissement et constitue, au même titre que la monnaie, l’une des conditions indispensables de l’échange économique. Parler du coût du travail a donc aussi peu de sens que de parler du coût de la monnaie et est révélateur du renversement sémantique à l’œuvre depuis 30 ans qui vise à culpabiliser les travailleurs.

Leur précarisation croissante n’a par ailleurs jamais été une solution au chômage de masse. Au lieu de favoriser l’émergence d’un cercle vertueux dans lequel l’efficacité économique serait directement corrélée à la stabilité de l’emploi et à une revalorisation des salaires, les partisans de la « flexisécurité » pratiquent la dynamique inverse et créent de véritables trappes à pauvreté desquelles il sera particulièrement complexe d’extraire les travailleurs précarisés.

L’enjeu est donc de taille : il ne s’agit rien de moins que de construire une nouvelle stratégie économique orientée vers une véritable transition sociale et écologique dont les deux piliers seraient l’investissement dans des emplois de qualité et la réduction du temps de travail.

Contrairement donc à l’idéologie libérale, la baisse d’un prétendu « coût » du travail ne constitue pas un levier d’action adéquat. Une politique de l’emploi digne de ce nom ne pourra jamais se contenter d’une telle chimère ; elle doit se construire sur une série d’instruments allant de la politique industrielle au marché du travail en passant par l’éducation et la formation professionnelle. Et tous ces instruments doivent être animés par un objectif partagé : celui d’un appareil productif qui valorise des emplois plus qualifiés et de meilleure qualité.

L’urgence sociale et écologique nous force à tourner la page d’un hyperproductivisme low-cost qui ne survit que par la compression des coûts et la précarisation des travailleurs. La crise sanitaire du Covid-19 a d’ailleurs fait rejaillir le problème fondamental de l’utilité sociale des emplois :

comment ne pas s’insurger devant le traitement réservé à celles et ceux qui ont fait tourner le pays pendant ces deux derniers mois (personnels hospitaliers, ouvriers du bâtiment, travailleurs des services publics, conducteurs de métros et de bus etc…) ?

La question de la répartition du travail se pose également avec une intensité croissante.

Révolution numérique et persistance du chômage nous mettent face au défi de trouver une configuration du marché de l’emploi qui ne soit excluante pour personne. Le risque d’une société à deux vitesses où cohabiteraient des citoyens intégrés par le travail et d’autres vivant à sa marge existe bel et bien et montre l’impérieuse nécessité de relancer une dynamique d’aménagement et de réduction du temps de travail.

Faire le pari de l’emploi c’est également viser sa juste répartition :

le passage au 39h a entraîné la création de 145 000 emplois sur trois ans, avec les 35h il s’agit de 350 000 sur quatre ans. Certes la réduction du temps de travail n’est pas une fin en soi, elle doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur la place du travail dans notre société, il n’en reste pas moins qu’elle constitue une politique de l’emploi redoutablement efficace quand elle est bien menée.

Face à la faillite sociale, économique et écologique du néolibéralisme il est encore temps d’engager nos politiques de l’emploi vers un futur plus souhaitable et soutenable, vers une vision qualitative de la production économique qui soit respectueuse des travailleurs et de l’environnement.

Le mur de la dette publique n’existe pas !

Depuis le début de la crise du covid-19 , les discours alarmistes sur le gonflement de la dette publique française prolifèrent et ce sans raison apparente.

Oui, déficits et dette publics gonfleront demain : le second projet de loi de finance rectificative annonce un déficit à 7,6 % du PIB et une dette équivalente à 112 % du PIB à la fin de l’année 2020.

Non, une telle situation n’a rien de catastrophique. Contrairement à nombre d’idées reçues la dette publique n’est pas un mal en soi, et encore moins un mal français.

Dans leur volonté d’autoflagellation, les libéraux et autres partisans des politiques austéritaires oublient que l’augmentation des déficits et de la dette publique n’est pas une situation qui s’arrête aux frontières de l’Hexagone. C’est la norme dans la quasi-totalité des pays développés.

Depuis 1974 les Etats-Unis n’ont connu que trois années d’excédents budgétaires, la Grande-Bretagne quatre et le Japon cinq. Avoir un budget équilibré tient donc de l’exception et non de la règle. Bien souvent les discours sur la dette ne sont que des prétextes pour attaquer des dépenses publiques jugées à tord excessives.

Dans le lot des arguments nous intimant l’ordre de nous inquiéter du niveau de la dette publique française on retrouve aussi l’idée que les générations futures devront payer nos excès.

« La dette serait à l’origine d’une rupture d’équité entre générations. » Rien n’est plus faux.

la dette publique est inférieure à la production de richesses par les administrations publiques et ce sont ces mêmes richesses, et non nos excès, que nous léguerons aux générations futures à travers les dépenses publiques d’éducation ou encore de santé. Ce qui pose problème ce n’est pas la valeur du lègue, le patrimoine privé comme le patrimoine public sont positifs, c’est sa répartition.

A la faveur de la crise, le gouvernement semble découvrir une vérité pourtant établie depuis longtemps : la dette publique est un outil indispensable de l’interventionnisme étatique et il ne faut pas hésiter à l’utiliser quand la situation l’exige.

Lorsque la conjoncture est basse, lorsque l’activité se rétracte, il est du devoir de l’Etat de faire jouer les déficits publics et la dette afin de relancer l’économie. La majorité des pays de l’OCDE a d’ores et déjà mis en place une politique budgétaire expansionniste et renvoyé aux calendes grecques leurs objectifs d’équilibre budgétaire.

C’est la voie à emprunter. La dette publique est nécessaire, elle ne devient excessive que lorsque les taux d’intérêts et d’inflation sont trop élevés. Ce n’est pas le cas présentement. Loin d’être un problème, l’endettement public est actuellement la solution à la crise économique que nous traversons. Mais cette vérité triviale ne semble pas sauter aux yeux de tout le monde.

« La transition écologique impose des choix cohérents au service d’un projet d’émancipation »

L’écologie n’a de sens que si elle s’inscrit dans une perspective philosophique et politique récusant aussi bien l’idéologie de la compétition que le conservatisme xénophobe, souligne, dans une tribune au « Monde », Gaëtan Gorce, membre de la Gauche républicaine et socialiste.

De tribunes en appels variés, il n’est plus question, comme issue à la crise que nous traversons, que de transition et d’investissement écologiques !

Mais si tout le monde semble s’accorder sur l’objectif, c’est qu’il repose sur une ambiguïté qu’il serait sage de lever. L’écologie n’est pas un programme en soi. Elle impose de faire des choix cohérents en matière sociale, économique, fiscale et ne peut donc avoir de sens qu’inscrite dans une perspective plus large, politique et anthropologique.

Face aux dérives toujours possibles, y compris autoritaires, d’une nouvelle « morale écologiste », c’est d’abord une conception philosophique de l’homme qu’il convient de remettre en avant : une conception qui fait de l’individu un être social, certes autonome mais constitué des relations qu’il entretient avec le monde dans lequel il vit ;

une philosophie, celle de l’émancipation collective qui considère l’humanité comme un écosystème, caractérisé par des liens d’interdépendance qui, de contraints, doivent devenir librement consentis. Et dans laquelle l’exigence écologique trouve « naturellement » sa place. Se fixer cette exigence permet de refonder à la base le combat à mener : à la fois contre une idéologie néolibérale revendiquant pour l’individu une liberté d’action totale et contre un conservatisme xénophobe qui partage cette vision compétitive, mais la transpose à l’échelle de groupes humains fermés sur leur identité.

Un pacte social

Elle conduit à renouer avec les deux grandes sources d’inspiration que furent pour la gauche les théories de la liberté sociale et du solidarisme, qui restent d’une formidable actualité. La première va au-delà d’une conception matérielle et jugée égoïste de la liberté. Aussi refuse-t-elle d’en séparer la définition de celle de la fraternité. La liberté n’est pas la juxtaposition d’intérêts et d’initiatives individuels dont la confrontation finit par détruire la société. Elle est la possibilité de s’accomplir par le plein exercice de ses facultés, qui ne peut s’obtenir par la concurrence qui mutile mais se réalise au contraire par la coopération qui enrichit la ressource commune dans laquelle chacun peut alors puiser plus largement.

Ce qui suppose que l’autre ne soit pas vu simplement comme un partenaire de l’échange marchand, mais comme un égal.

Le philosophe, homme politique et éditeur Pierre Leroux (1797-1871) s’est, parmi d’autres, fait le porte-parole de cette idée d’une véritable communauté sociale, condition et moyen de la liberté individuelle.

Le « solidarisme », formalisé par le Prix Nobel de la paix Léon Bourgeois (1851-1925), la complète : prenant acte que l’individu n’existe pas sans la société, il fonde positivement la morale et le droit sur ce fait social incontestable qu’est la solidarité, c’est-à-dire l’imbrication des fonctions. Il en déduit la dette dont chaque membre de la société serait redevable. De ce qu’il ne peut rien accomplir sans les autres, l’homme doit s’acquitter par son engagement à leur service, au prorata des avantages reçus. Le développement de sa liberté, son épanouissement, liés à ses qualités propres, se réaliseront d’autant mieux que la société sera plus solidaire, c’est-à-dire plus riche de la conjonction des efforts de tous.

C’est la perspective d’une égalité fondatrice et croissante qui doit guider l’action politique, poussant au progrès continu de la solidarité

Ces deux cadres théoriques, qui ont servi de fondement tant à l’impôt progressif qu’aux premières assurances sociales, amènent à une conclusion commune : il n’y a pas lieu d’opposer l’individu à la société, l’une étant créée par l’autre, pas plus que la liberté à la solidarité, chacune contribuant à l’affirmation de l’autre. Leur développement ne peut être que concomitant. On voit bien alors en quoi cette approche nous aide à préciser le projet de la gauche et à y intégrer l’écologie.

Le « solidarisme » repose sur une conception du pacte social susceptible de servir de support à un réformisme offensif. Il imagine en effet ce pacte comme un contrat de fait, dont les clauses devraient être proches de celles que les hommes auraient consenties s’ils avaient pu en délibérer à l’origine. Le principe d’égalité ne les aurait en effet conduits à donner leur accord qu’en contrepartie d’avantages jugés équivalents par et pour tous. C’est cette perspective d’une égalité fondatrice et croissante qui doit donc guider l’action politique, poussant au progrès continu de la solidarité.

« Un fonds commun » inaliénable

Le solidarisme invite ensuite à considérer que la dette dont l’homme est débiteur vaut aussi bien pour l’avenir que pour le passé. La seule façon qu’il ait de remercier ses donateurs est d’agir de la même façon à l’égard de ses descendants, tous étant ses semblables dotés par conséquent des mêmes droits. Il lui incombe donc d’entretenir mais aussi d’enrichir le legs qui lui est fait et dans lequel il est aisé – et logique – d’introduire « la nature ».

Le patrimoine dont il jouit et qu’il lui revient de transmettre est en effet aussi bien matériel qu’immatériel, naturel que social. Il constitue « un trésor ou un fonds commun » inaliénable, non privatisable, universellement accessible, anticipant les notions de patrimoine commun de l’humanité ou de biens publics mondiaux. Il en découle une règle pour l’action : préserver, réparer ou enrichir ce patrimoine par des politiques appropriées.

Cette analyse, séculaire, est aujourd’hui confortée par l’évolution des sciences, notamment la biologie qui fait de tout être vivant non une substance mais une symbiose, non un état mais un devenir. Toutes nous confirment que nous sommes physiquement et psychologiquement le produit d’interactions : notre mode d’existence est donc foncièrement écologique. L’économie ne peut prétendre en fournir la finalité profonde qu’il appartient à la communauté humaine de définir en élargissant sa responsabilité à toutes les dimensions de vie sur terre. Dès lors, l’enjeu est bien de construire sur ces bases la société comme une société de coopération qui pense l’humain en relation avec ce qui le fait vivre. Au rebours d’une vision réactionnaire subordonnant la vie sociale au respect des lois naturelles, il s’agit bien là d’articuler le politique, l’économique, le social et l’environnemental au service d’un projet d’émancipation.

CoVid-19, Macron, Le Maire et les PME : Vae victis !

Emmanuel Macron, en chœur avec Bruno Le Maire, martial, déclarait le 16 mars au début de la crise que « pas une entreprise ne serait livrée au risque de faillite » et que pas un emploi ne serait perdu à cause du covid 19. Sa déclaration a fait long feu.

Le ton a désormais changé.

Il faudra payer. Fini le quoi qu’il en coûte, les dépenses exceptionnelles devront bien être remboursées un jour ou l’autre ; l’Élysée et Bercy ont sans doute été piqués au vif par les moqueries à leur endroit lorsque les citoyens se sont chargés de leur rappeler sur les réseaux sociaux qu’ils avaient finalement trouvé « l’argent magique » qu’ils refusaient jusqu’ici à l’hôpital public et à la sécurité sociale. L’improvisation aidant et les promesses n’engageant que ceux qui n’ont pas d’autres choix que d’y croire, la durée du confinement a eu raison du volontarisme affiché par le président de la République : les faillites seront nombreuses ainsi que les pertes d’emplois.

Mais que faudrait-il payer et avec quoi ? Là est la question. Car les mesures qui ont été prises par le gouvernement sont très loin de répondre aux enjeux réels et aux besoins d’une économie française contrainte à l’arrêt parce que notre système de santé avait été précédemment dégradé. Nous en avions fait la démonstration dans le décryptage des ordonnances établies par le gouvernement suite à la loi d’urgence du 23 mars 2020 : la plupart des mesures économiques prises ne concernent que les micro-entreprises, les indépendants et les professions libérales. Les neuf conditions cumulatives d’accès au fonds de solidarité sont très contraignantes. Or c’est l’accès à ce fonds qui conditionne toutes les autres aides en dehors de la garantie d’emprunt par l’État. À ce jour, un million d’entrepreneurs (dont 80% d’indépendants, de micro-entreprises et de libéraux) ont profité de ce soutien, sur 4,5 millions d’entreprises en France ; c’est très peu.

La réalité est cruelle : Exit les entreprises de plus de 10 salariés. Exit les entreprises dont le patron est salarié à temps plein. Vous avez le malheur de vouloir vous payer sous le régime salarié ? Vous ne rentrez pas dans les clous… Exit les entreprises qui ont fait plus de 1 M€ de chiffre d’affaire l’année dernière. Exit les entreprises qui ont fait plus de 60 000 € de bénéfices en 2019. Vous aviez fait 55 000 € en 2018 ? Vous n’êtes pas dans les clous…

Prêt Garanti par l’État, miroir aux alouettes

Pour ces entreprises, pas de report de loyer et pas d’annulation des cotisations – mesures conditionnées à l’accès au fonds –, pas de report des factures d’eau et d’électricité, pas de report des crédits, sauf accord particulier avec leur banque. Reste donc le Prêt Garanti par l’État (PGE). Mais là encore, les entreprises concernées ont été confrontées à un loup…

En théorie, les PGE étant accordés quasiment sans conditions, même les entreprises déjà en difficulté doivent pouvoir en profiter. Dans la réalité ce n’est pas si simple et les banques trainent les pieds. Alors que le risque est extrêmement limité – le crédit étant couvert à 90% par l’État à travers la Banque Publique d’Investissements (BPI) –, les banques craignent d’être accusées de soutien abusif au passif d’une entreprise (article 60 de la loi du 24 janvier 1984). Quand l’activité n’est plus là, que l’argent ne rentre plus, les charges courantes nécessitent toujours d’être couvertes et, en pratique, le PGE est évidemment sollicité pour éviter un défaut sur celles-ci. N’importe qui, avec quelques notions en gestion comptable sait que les prêts de fonctionnement sont dangereux : ils ne produisent pas de valeur ajoutée donc ne rapportent rien et diminuent d’autant la capacité de financement de l’entreprise qui utilise ce procédé. En France, il est par exemple interdit aux collectivités territoriales de contracter de tels prêts. En théorie, un crédit vise à investir et à créer de la valeur, il ne devrait pas servir à tourner à pertes. C’est pourtant le choix que le gouvernement a fait. Pour limiter la casse immédiate, évidemment, mais aussi pour protéger la rente !

Pendant que les entreprises qui ne tournent plus continuent de payer, pas de problème avec les bailleurs qui, grâce au PGE, continuent de toucher leurs loyers. Idem pour les assureurs et les banques sur les crédits non couverts par la BPI. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le risque n’est ni réparti ni partagé entre les acteurs de l’économie.

Or le fonctionnement même du PGE est baroque. Il est d’abord consenti pour une période d’un an, sans frais de dossier, ni commission, ni intérêt, ni remboursement pendant une période de 12 mois. Cela paraît simple et généreux… mais 10 mois plus tard, les banques demanderont si l’entreprise est en mesure de rembourser le PGE au terme des 12 mois. Si c’est le cas – ce qui suppose que l’entreprise dispose de l’avance en trésorerie –, le remboursement sera effectué sans frais. Si ce n’est pas le cas – et ce ne le sera assurément pas –, l’entreprise devra négocier un prêt à moyen terme sur un maximum de 5 ans, auxquels viendront s’ajouter des frais de dossier, la commission de la BPI et le taux applicable à ce moment là. Ce sont donc les entreprises les plus fragilisées, les plus en difficulté qui payeront pour celles, souvent plus grosses qui auront réussi à s’en sortir le plus rapidement. Vae victis

 

La réalité c’est quand on se cogne

Il y a donc les allocutions présidentielles et la réalité. Dans la réalité, les dépôts de bilan augmentent d’ores-et-déjà : +10% en mars, +20% en avril. Les entreprises qui étaient déjà fragiles avant la crise finissent d’agoniser. Ce n’est qu’un début.

Il y aura plusieurs vagues :

  • D’abord celles, nombreuses, qui ont été exclues des dispositifs d’aides pour les raisons précédemment évoquées. Le premier prestataire ou bailleur, la première administration ou caisse sociale qui appuiera sur le bouton de la cessation de paiement entraînera leur faillite.

  • Puis, dans 6 à 12 mois, celles qui feront face à leur impossibilité à assumer les remboursements des PGE. S’endetter à hauteur de 25 % de son chiffre d’affaire annuel sans voir rentrer un seul centime ou presque pendant plusieurs mois, tout ça dans le cadre d’une récession économique inédite, c’est, au mieux, retarder l’incendie, au pire être esclave de la banque pendant des années sans avoir aucune marge de manœuvre pour investir. La première difficulté survenue à l’occasion de la perte d’un contrat ou d’un mouvement d’humeur du marché, un nouveau venu qui casse les prix ou un client qui fait faillite et ne peut honorer ses factures, entraînera l’activité dans les limbes une bonne fois pour toute.

  • Suivront, pendant 2 à 3 ans, encore plus nombreuses, celles qui auront tout tenté pour se débattre mais auront par et pour cela même creusé leurs tombes en se couvrant de dettes. Les reports de charges, de cotisations, de loyers, de crédits, de factures, etc. finiront par devoir être honorés. Rien dans la loi ou les ordonnances n’indique quand et comment. Ce sera alors la foire d’empoigne. S’il y a une activité qui croîtra alors, ce sera celle des tribunaux de commerce.

Ce sont des dizaines de milliers d’entreprises qui finiront tôt ou tard pas succomber, et les emplois qui vont avec. Au-delà des effets de manche de la communication politique, on se demande si l’exécutif a réellement pris la mesure ce qui se prépare… au cours d’une année normale, la France compte entre 50 000 et 60 000 défaillances d’entreprises ; dans les 12 mois qui viennent, nous risquons, sans pouvoir être accusés d’un excès de pessimisme, entre 100 000 et 150 000 défaillances, entraînant entre 500 000 et 800 000 destructions d’emploi. Vae victis

Le commerce des faillites

Tous ne sont pas inquiets devant cette situation catastrophique pour l’activité économique et l’emploi. Les mandataires judiciaires se frottent déjà les mains. Ces profiteurs des tribunaux de commerce, qui vivent sur le dos des entreprises en difficultés en ponctionnant des pourcentages délirants sur des chiffres d’affaire qui n’existent plus, vont s’empresser de vendre à la découpe et à la barre les actifs toujours intacts (locaux et outils de production) des entreprises défaillantes pour assurer le paiement de leurs pécules.

Aux mises en redressement judiciaire, dont personne ne se redresse jamais, succèderont les liquidations et les cessions d’actifs à vil prix sur lesquels se jetteront les grandes entreprises, qui feront ainsi potentiellement l’acquisition de marques, brevets, fichiers clients, stocks, baux commerciaux, etc. En quelques heures, les capitaux de production concrets s’échangeront pour des sommes relativement dérisoires. Les tribunaux de commerce, justice privée que l’on a eu grand tort de ne pas réformer en 2000-2001 (prétextant de le faire après l’élection de Lionel Jospin), seront le théâtre d’arrangements rocambolesques où les relations priment sur la loi (quand on ne soupçonne pas tout simplement la corruption).

Au sein du tribunal de commerce, le seul représentant de l’État est le procureur ; or il est facilement contourné parce que sortant généralement de l’école et espérant passer rapidement à une autre juridiction, et il n’aura que ses yeux pour pleurer devant l’amoncellement de dossiers et le peu de moyens qui lui sont alloués. Le résultat prévisible sera un mouvement encore plus important de concentration des activités économiques.

Les chefs d’entreprises liquidées, eux, se retrouveront fasse à des montagnes de dettes et le risque d’être mis en cause personnellement dans la faillite. Ne pas avoir déclaré la cessation de paiement à temps, avoir liquidé des actifs trop tôt ou maintenu l’activité trop longtemps malgré l’inéluctabilité de la faillite et la responsabilité personnelle du dirigeant sera alors engagée pour le remboursement des créances professionnelles. Là encore, rien dans les ordonnances. Vae victis

Des faillites à la crise bancaire, le saut dans l’inconnu

Dans le contexte actuel, personne encore ne mesure vraiment les impacts économiques et sociaux de cette crise. Même dans les pires scénarios envisagés dans les cours d’économie, personne n’avait osé imaginer une telle situation. Nous faisons face à une crise de liquidité, une crise obligataire pointe le bout de son nez et à la récession est déjà là ; s’y ajouteront très vite donc les défaillances en cascade d’un nombre considérable d’entreprises : tout cela aura des conséquences directes sur la stabilité de notre système économique.

Les défaillances se multipliant, les défauts de paiement vont également se multiplier. Entre les entreprises elles-mêmes en premier lieu. Les créances inter-entreprises représentent plus de 4 000 Mds €. En 2019, ce sont 10 000 entreprises qui ont fait faillite à cause du défaut de paiement d’un client. Combien de défauts de paiement en 2020 mettront-ils de PME au bord du gouffre ?… Personne ne sait quel est le montant de ces créances assurées.

Viendront enfin les défauts de paiement sur les crédits ; c’est là que le bât blesse. Car nos banques ne tolèrent pas les pertes. Le risque n’est pas pour elles. Les crédits sont donc, en France, tous assurés. Les créances entre les banques et les entreprises représentaient en 2018 plus de 1 400 Mds €. Avec les crédits qui ont été mobilisés pour faire face à la crise, on peut estimer qu’elles ont dépassé les 1 700 Mds.

Le taux de défaut acceptable pour les assureurs se situe entre 0,3 et 0,4%. En 2007, à la veille de la crise des subprimes, le taux de défaut sur les crédits immobiliers aux États-Unis était passé de 0,4% à 0,8 % (dont 20 % sur les crédits à taux variable au plus fort de la crise) : cela a suffi à mettre en faillite AIG, l’un des plus gros assureur mondial, obligeant le gouvernement américain à nationaliser temporairement l’entreprise et à injecter plus de 100 Mds $ afin d’éviter un effondrement total.

Une situation comparable sur les créances entre les banques et les entreprises françaises pourrait donc facilement entraîner la faillite des principales assurances, ralentissant encore plus notre économie et entraînant une crise de solvabilité sans précédent. Les entreprises qui s’en seront sorties, mais qui seront pour beaucoup fragilisées, se retrouveront alors face un mur quand il s’agira d’emprunter. Comme à partir de 2008 ou après les attentats de 2015, les banques risquent de se mettre en position d’attente pour éviter les pertes, ce qui ralentira d’autant l’économie.

L’activité économique qui n’aura pas été directement mise en danger par la crise sanitaire le sera par une crise économique multi-factorielle. Dans le même temps, le nombre croissant de chômeurs augmentera le nombre des défauts de paiement des crédits domestiques et immobilier. Le cercle vicieux sera alors engagé… Vae victis

 

Un tableau pessimiste de la réalité ?

On nous objectera que la présentation que nous venons de faire est particulièrement pessimiste voire carrément défaitiste. Les optimistes diront que les différents acteurs feront face avec bonne volonté et bienveillance, car c’est la seule solution et le bon sens s’imposera. Permettez nous d’opposer à cette dernière et probable réfutation un grave soupçon de naïveté.

Certes la description de la situation que nous avons faite n’est ni réjouissante ni encourageante, mais elle reflète ce que vivent de nombreuses TPE-PME, leurs dirigeants et leurs salariés. Elle reflète également leurs craintes et leurs angoisses. Nous pouvons nous tromper, l’économie n’est pas une science exacte. Aujourd’hui nous craignons cependant d’être en dessous de ce qui pourrait encore advenir.

Ce qui nous inquiète particulièrement ce n’est pas tant la crise qui vient – elle est désormais inévitable, il faudra y faire face, en avoir peur n’apporte pas de solutions – que l’aveuglement de nos dirigeants, dont le logiciel libéral n’a pas été bousculé malgré la crise (de nombreuses déclarations en témoignent qui viennent diminuer de beaucoup les élans « keynésiens » des allocutions de la mi-mars). Nous craignons également cette porosité entre l’exécutif et les puissants lobbies qui murmurent à son oreille et qui, eux, ont déjà pris conscience des opportunités qui vont se présenter pour leurs profits.

Certains gros opérateurs lorgnent déjà sur ce qu’ils pourront – selon les secteurs – récupérer des TPE-PME qui vont défaillir ; certains bailleurs attendent de pouvoir se débarrasser de leurs locataires pour revendre les terrains à bon prix. Les plus retors préparent déjà ce que les banques appellent « le plan B » : le transfert d’actifs dans des sociétés bis pour reprendre l’activité en se débarrassant des créances gênantes au passage ; c’est un détournement évident de la loi mais dans la confusion à venir certains passeront entre les gouttes.

Le déconfinement entraînera une reprise partielle, ralentie, mais une partie l’activité économique reprendra peu à peu. Dans certains secteurs, l’aérien, le tourisme, le transport collectif, la restauration, l’hôtellerie, c’est pour beaucoup de TPE-PME une longue agonie qui se prépare. Des mois, peut-être plus d’une année, sans aucune activité ou très peu. Alors autant se préparer au pire. La bonne volonté et la bienveillance n’y suffiront pas. Vae victis

Que faire ?

Près de 40% des PME sont en déficit fiscal et on estime que près de 60% des PME rencontrent des difficultés économiques plus ou moins importantes. Beaucoup de chefs d’entreprise ne se paient pas. Une crise après l’autre, une difficulté résolue étant généralement suivant d’une autre … pour la plupart des patrons de PME, le travail consiste à survivre et faire son maximum pour maintenir l’emploi de leurs salariés. Loin des caricatures que beaucoup imaginent et sans idéaliser les rapports sociaux qui s’y déroulent (nous ne faisons pas nôtre ce discours qui conte un dialogue social permanent et naturel) ; les patrons de PME ne sont pas toujours des « démons » et il y fort à parier qu’on ne trouve parmi eux pas plus de « saints » qu’ailleurs.

Mais personne ne pouvait penser un jour à l’arrêt total et sans préavis de leurs activités. Ce n’est pas seulement un choc économique, c’est aussi un drame humain. Aujourd’hui l’essentiel des patrons de TPE-PME ne gèrent plus que des locaux remplis d’angoisses et d’inquiétudes. Avec comme perspective la faillite qui frappe à la porte, des salariés aux chômage, et la ruine. Vae victis… Ils seront nombreux à se battre pour ne pas mourir en silence. Il n’est pas dit que la bataille soit perdue d’avance.

Nous constatons avec consternation le peu de réalisme et de pragmatisme du président de la République et du gouvernement face à ce défi. Si les soignants ne se payent et ne se nourrissent pas d’applaudissement, les TPE-PME ne peuvent vivre d’allocutions présidentielles évanescentes contredites par la réalité pratique et par la politique mise en œuvre par Bercy. À ce jeu-là, le fiasco sanitaire et le fiasco économique se doubleront d’un désastre politique… sans propositions alternatives s’adressant tant aux salariés qu’aux patrons des TPE et PME, ce sont les partis qui se nourrissent du désespoir qui profiteront non seulement du découragement et de l’abstention civique qu’il suscite mais aussi de suffrages supplémentaires car ils ont la « chance » de ne pas avoir à affronter la crise et d’échouer devant elle comme leurs modèles américains et brésiliens. Là encore le danger est bien réel et exige que nous sachions nous rassembler pour y faire face.

La crise que nous traversons vient par ailleurs démontrer par l’excès et jusqu’à l’absurde les méfaits du néolibéralisme et de la mondialisation. Nous sommes trop avertis de l’histoire pour nous raconter que le système honni est en train de s’effondrer de lui-même : l’astre mort de la mondialisation libérale continue d’émettre sa lumière noire et les intérêts en jeu sont trop puissants pour lui permettre de tomber comme un fruit pourri. Nous continuerons donc d’agir pour la cristallisation politique en France et au-delà qui permettra de concrétiser le renversement d’un système morbide. Nous participerons également à l’élaboration des propositions politiques qui doivent nourrir l’alternative.

Plus prosaïquement, modestement et dans l’ordre des priorités, nous souhaitons soumettre en conclusion un certain nombre de mesures qui nous paraissent nécessaires à court, moyen et long termes pour surmonter la crise économique et sociale qui commence, en gardant en tête qu’il faut décaler le cadre posé par le gouvernement sur le soutien aux entreprises : Le problème n’est pas tant la taille des entreprises, que la baisse d’activité.

    • Pour les entreprises qui n’ont plus d’activités ou qui perdent plus de 90% de chiffre d’affaire et celles qui ne sont pas des filiales mais qui dépendent à plus de 50% d’un donneur d’ordre dans cette situation :

      • Gel et suppression des loyers, des mensualités d’assurances, de crédit (tous les crédits), des frais bancaires, des prélèvements d’impôts et des caisses sociales. (Pour complètement geler leur situation) ;

      • Gel des crédits, des impôts et des charges pour les bailleurs. Idem pour les entreprises ;

    • Pour les entreprises qui perdent plus de 50% de chiffre d’affaire :

      • Prolongation du dispositif de chômage partiel au-delà du 1er juin 2020. La hâte du gouvernement à vouloir en sortir explique avant tout par la volonté de limiter aussi vite que possible la dégradation des comptes publics. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux et au regard des sommes déjà engagées, leur rétablissement ne saurait se faire par les méthodes qui ont prévalu depuis 50 ans. L’activité ne devant pas reprendre d’un claquement de doigts, il est inacceptable de mettre fin à un tel dispositif en jetant entreprises et salariés dans la détresse ;

      • Gel des impôts, des cotisations sociales et des crédits avec possibilités de remboursement des créances jusque 36 mois sans frais à compter d’un an à l’issue de l’urgence sanitaire ;

      • Suppression de la part patronale des cotisations sociales ;

      • Possibilité d’étendre l’exercice fiscale 2020 sur l’année 2021 jusque 24 mois.

    • Sur les PGE :

      • Laisser le choix aux entreprises de les imputer en charge pure et simple ou en amortissement pour qu’ils puissent soit écraser leurs charges d’impôts sans diminuer leur capacité d’auto-financement, soit récupérer de l’imposition dans le temps. Cela laisse aussi la possibilité si la situation économique se rétablit de ne porter atteinte au bilan que d’une seule année, et de ne pas traîner le boulet de la crise sur plusieurs années ;

      • Pas de frais bancaire. Taux zéro. Remboursement jusque 7 ans et à l’issue non pas d’un an à compter de la délivrance du prêt mais de la fin de l’urgence sanitaire ;

    • Pour les entreprises qui n’étaient pas en difficultés avant la crise sanitaire et qui n’étaient pas en déficit fiscal, avoir la possibilité de saisir les tribunaux de commerce en procédure de sauvegarde sans frais et sans commission pour les mandataires judiciaire. Étendre la procédure accélérée à toutes les entreprises qui en font la demande ;

    • Protection des dirigeants et des banques des poursuites au titre de l’article 60 (pour éviter le blocage des investissements) ;

    • Gel des clauses résolutoires dans les baux jusqu’à 1 an au-delà de l’urgence sanitaire ;

    • Pour les chefs d’entreprise, les indépendants et les libéraux dont les faillites seraient directement imputables au Covid, droit au chômage sur la base des rémunérations 2019, hors dividendes et primes. Maintien de ces dispositifs tant que le virus circule ;

    • Pour favoriser le maintien de l’emploi, les entreprises qui reprennent leur activité et qui accepteraient de passer aux 32h payés 35, suppression de la cotisation patronale chômage ;

 

  • Pour empêcher le détournement de ces dispositifs (Les aides doivent être conséquentes si on veut éviter un drame social mais les pénalités en cas de détournement démontré doivent l’être encore plus) :

    • Étendre les possibilités de contrôle à 5 ans (voire 7) et non 3 ans aujourd’hui ;

    • Augmenter les effectifs dans les services de contrôle des impôts, de l’inspection du travail, …

    • Obliger toutes les entreprises qui auraient profité de ces aides à publier leurs comptes ;

    • Créer un délit de détournement des aides publiques entraînant la confiscation sans contrepartie des entreprises concernées ;

  • Autour de la BPI, constituer un véritable pôle bancaire public – ce qui peut passer par la nationalisation d’une partie des principaux groupes bancaires à direction française (en fonction de leur niveau de coopération avec la puissance publique) – qui doit être enfin doté des moyens conséquents (nous avions dénoncé au moment de la création de la BPI son sous dimensionnement) pour éviter la répétition de l’attentisme du système bancaire français que nous avons constaté lors de la crise financière de 2008 et après les attentats de 2015 ;

  • Développer une stratégie offensive de renforcement du capital public, en premier lieu dans les secteurs pour lequel la recherche du profit n’est pas justifié ou touchant à la santé et aux biens communs (médicament, alimentation, eau, électricité, énergie, transports…) et vers les secteurs industriels stratégiques afin d’éviter certains fermeture de site et la fuite (le vol) de certains savoirs-faires, brevets et outils de production nécessaire au développement actuel et à avenir de notre pays ;

  • Engager une véritable réforme des tribunaux de commerce. Plutôt qu’un énième appel au renforcement du rôle du parquet, il faudra trancher dans le vif avec entre autres :

    • Fin de l’échevinage : chaque tribunal de commerce serait présidé par un magistrat professionnel, moins sensible aux pressions qu’un juge commerçant ;

    • Suppression de la moitié des 227 tribunaux, beaucoup étant trop petits pour éviter les compromissions ;

    • suppression des mandataires liquidateurs, les créanciers désignant eux-mêmes leurs représentants.

La crise du Covid-19 et les Outre-mer Françaises

Vue d’ensemble de la pandémie dans les Outre-mer

Les Outre-mer françaises comptent environ 2,2 millions d’habitants qui connaissent pour la plupart de grandes difficultés structurelles au niveau économiques, sanitaires et sociales dues à l’éloignement géographique de leur territoires et l’insularité. Avec la pandémie du Covid-19, force est de constater que les problématiques sont largement amplifiés.

Alors qu’en temps normal l’hôpital public manque de moyens criant en France, ce constat est encore plus prégnant en ce qui concerne le système sanitaire dans les Outre-mer.

Le cas de Mayotte où les habitants des « bidonvilles » n’ont souvent pas accès à l’eau courante et où 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté en est une preuve. Cela alors qu’il est demandé aux populations d’appliquer des geste barrières tel que se laver régulièrement les mains ou de rester confiné dans des habitats qui sont pour la plupart en état d’insalubrité et qui sont propices à la promiscuité.

A la Réunion, alors que la dengue (grippe tropicales) sévie encore dans cette partie de l’Océan Indien, la population doit aujourd’hui se battre sur deux fronts.

Dans la Caraïbe, la Guyane connait des problèmes semblables à Mayotte  avec seulement une trentaine de lits en réanimation pour environ 300 000 habitants. D’autres questions se posent quant aux populations autochtones qui pourraient se retrouver isolées en cas de propagation de la pandémie dans leurs terres.

Cependant, sa population reste plus jeune que ces voisines antillaises : la Guadeloupe et la Martinique. Avec une démographie décroissante, et donc des populations vulnérables face au virus –

le système sanitaire des îles connaît de grande difficultés. En Martinique, malgré la construction d’un nouveau plateau technique après des années de délabrement – la Martinique connaît des difficultés financières ( 120 millions € de déficit ) alors que la population doit en temps ordinaires affronter des cas de cancers et d’autres maladies dus à la pollution par le chlordécone.

En Guadeloupe, alors que le CHU a été victime d’un grand incendie il y a près de trois ans – détruisant ainsi le service d’urgences, 4 blocs opératoires et le service de réanimation – et les soignants doivent travailler dans des locaux délabrés avec des services saturés. Ils attendent encore l’arrivée de respirateurs pour soigner les patients atteints du Covid-19. A préciser que dans ces deux îles, il y a désormais un couvre-feu le soir. 

Dans l’Océan Pacifique, il y a plusieurs cas en Polynésie et en Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna est le seul territoire sans présence du virus. Le seul cas similaire se trouve à Saint-Pierre et Miquelon avec une personne atteinte. Les préfectures respectives ont isolé ces deux territoires avant la propagation du virus.

Il faut aussi prendre en compte les aspects religieux et coutumiers qui existent dans certains territoires. Cela permet de mieux comprendre la manière dont le virus s’y propage ou non.

Alors que le libéralisme et la surconsommation des biens et services guidé par la loi de l’offre sont le mal de notre siècle, la gestion de la pandémie de Covid-19 nous démontre que le respect des éco-systèmes humains et naturels ainis que l’égalité entre nos territoires doivent être placés en priorités de nos politiques publiques. La République est une et indivisible, cependant le traitement inégalitaire de chacun de nos territoires et principalement pour les Outre-mer ne peut plus être une norme. Cela passe par une réflexion approfondie sur le développement et la coopération régionale économique, sanitaire et social de nos espaces ultra-marins afin que nous ne subissions plus jamais une telle tragédie à l’avenir

Un impact épidémique en décalage

Le conseil scientifique Covid-19, dans un avis publié le 10 mars dernier, met avant l’aggravation de l’épidémie sachant que les territoires ultramarins connaissent un décalage d’au moins 3 semaines.
Pour cet organe, chargé d’éclairer la décision publique pour lutter contre la pandémie actuelle en France, il est impossible de connaitre « l’instant et le niveau réel des pics dans les territoires des outre-mer ». Une solution proposée serait de renforcer les capacités hospitalières de ces territoires où les
cas de comorbidités (diabète, hypertension, surpoids, cancers) sont fortement présents et où l’acheminement des matériels nécessaires à la lutte contre cette pandémie prend plus de temps que dans les autres territoires. Il serait nécessaire d’anticiper leurs besoins en ayant une visibilité précise sur les nombre de lits disponibles pour accueillir des patients, en réanimation ou non.
Dans ce cadre, le fonctionnement des centres hospitaliers doit être réorganisé en urgence afin de préparer les services au mieux et avec les moyens dont ils disposent. Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place une stratégie efficace de gestion des stocks de matériels de protection (surblouses, masques, gels hydroalcooliques…) pour permettre en priorité aux personnels de santé d’affronter cette pandémie et aux populations ultra-marines de se protéger.
Enfin, les test diagnostiques doivent être généralisés et appliqués à l’ensemble des territoires des Outre-mer et le plus tôt possible.
Sans ces dépistages tous les efforts ne pourront suffir.

 
 

Récapitulatif par territoires dans les Outre-mer

Depuis le début de la crise de Covid-19, c’est environ 1150 cas qui ont été répertoriés dans les Départements et Régions d’Outre-mer. Les deux illustrations ci-dessous donne un aperçu de la situation à date et les variations depuis deux semaines.

Objectifs des types de stade : Stade 1 – Freiner l’introduction du virus; Stade 2 – Limiter la propagation du virus; Stade 3 – Limiter les conséquence de la circulation du virus; Stade 4 – Accompagnement du retour à la normale

Les territoires n’indiquant pas de chiffre sur le nombre de cas ou le nombre de décès n’ont connus aucun variation.

venez témoigner et vous informer sur notre page thématique Outre-Mers

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.