“La gauche est-elle en voie de disparition en Europe ?”, La faute à l’Europe, 11 mai 2021

Emmanuel Maurel, député européen et animateur national de la Gauche Républicaine et Socialiste, était l’invité de “La Faute à l’Europe” le 11 mai 2021 sur France Infos. Il a réaffirmé sa conviction, que nous ne désespérons pas, malgré le calamiteux quinquennat Hollande qui a achevé le PS, de revoir le socialisme refleurir en France sous d’autres formes.

L’Europe ne prend malheureusement pas le chemin du social ; le sommet européen hier au Portugal illustre bien l’expression de Jacques Delors à propos des sommets sociaux européens “des grandes messes sans foi”, sauf que là il n’y avait ni messe ni foi, avec des déclarations d’intention sans que rien n’avance alors même que nous sommes confrontés à une crise inédite.

La mission historique de la gauche, c’est d’abord la redistribution des richesses, une transformation de l’équilibre entre Capital et Travail au profit de ce dernier ; or sous l’effet des politiques de droite et sociales-libérales, la part des salaires dans la valeur ajoutée ne cesse de décroître au profit du Capital. C’est aussi l’approfondissement de la démocratie dans tous les domaines, notamment de la démocratie sociale et on en est loin en Europe.

L’effritement, ou même l’effondrement dans certains pays, des partis de gauche est indéniable : la social-démocratie a profité pendant des décennies de la peur capitaliste du bloc soviétique pour obtenir des compromis offensifs sur le Capital au profit des travailleurs. Mais ensuite sous l’impulsion de Blair et Schröder, une partie de la gauche s’est coulée dans le néolibéralisme et une autre a capitulé ou s’est résigné devant un capitalisme en pleine transformation accélérée.

Cela est d’autant plus déroutant que les réponses traditionnelles de la gauche et du socialisme sont redevenues “à la mode” aux Etats-Unis face à la crise pandémique et ses conséquences avec le début de la présidence Biden. Le message de la gauche socialiste reste donc d’une actualité absolue : le problème ce sont les émetteurs européens, ces partis de gauche qui pour certains ont trahi leurs principes, leurs électeurs et leur base sociale !

Aux préoccupations prioritaires des Européens – l’écologie, l’immigration mais aussi et surtout l’emploi (contrairement à ce que disent les commentateurs) -, il existe des réponses de gauche. La gauche s’est aussi élevée pour défendre les libertés menacées, pour dénoncer la tendance à corseter la démocratie ou à mettre en place une société de surveillance. La réalité est que ces prises de positions sont peu relayées par les médias, alors que les risques – notamment en France – sont croissants même avec de soi-disant Libéraux qui versent dans une dangereuse dérive autoritaire, comme Emmanuel Macron. Sur les questions de société, la gauche est aussi bien plus claire et rationnelle que la droite et les “Libéraux”, la seule à défendre un point de vue réellement progressiste, contrairement à ce que disent les journalistes.

Tribune d’Emmanuel Maurel | L’accord UE-Chine sur l’investissement est une faute lourde de l’Europe

L’accord d’investissement entre la Chine et l’Union européenne, intervenu entre deux réveillons et dans le dos d’une opinion publique entièrement préoccupée par la pandémie de Covid-19, est entaché de quatre fautes lourdes.

Cette tribune a été publiée le 21 janvier 2021 dans le journal  “Les Échos”

Première faute lourde : nos « valeurs européennes » sont foulées aux pieds. Le discours de politique extérieure et commerciale de l’Europe, officiellement « fondée sur les valeurs des droits de l’homme et de l’Etat de droit », est à géométrie variable. Des précédents fâcheux l’ont déjà montré. On pense à la conclusion en 2019 d’un accord de libre-échange avec le Brésil, que l’oppression des minorités ethniques et sexuelles indiffèrent autant que l’Accord de Paris et la déforestation de l’Amazonie.

En adoptant la même attitude face à la Chine, les dirigeants européens prouvent d’une façon encore plus spectaculaire qu’à leurs yeux les droits de l’homme ne sont qu’un accessoire purement rhétorique. Ils viennent de trouver un nouveau porte-voix à leur cynisme mercantile : le gouvernement français. Son ministre du Commerce extérieur, Franck Riester, a déclaré que l’Europe n’attendra même pas que la Chine tienne ses engagements sur l’adoption de plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail – dont celle sur l’interdiction du travail forcé – pour ratifier l’accord !

Une agression contre l’emploi européen

Deuxième faute lourde : cet accord est une agression contre l’emploi européen. Cet « accord global pour l’investissement » prévoit des concessions pour sécuriser les entreprises européennes établies en Chine. Ainsi, celles-ci ne seront plus obligées de céder 50 % de leur capital ou de transférer leurs technologies aux Chinois.

Mais ces « avancées » reposent sur le présupposé que Pékin respectera ses engagements ! Or Pékin ne respecte pas ses engagements, y compris économiques. Chacun sait que malgré son appartenance à l’OMC, la Chine est devenue maîtresse en espionnage industriel et en contrefaçon, dont elle produit 90 % des 500 milliards du chiffre d’affaires annuel.

Si, par exception à ces infractions, nos entreprises étaient traitées dans le plein respect des engagements de la Chine, cet accord encouragera les délocalisations. Il se traduira par des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires en Europe. Au lieu de consolider « l’autonomie stratégique européenne » dont se gargarise la Commission, il aggravera notre dépendance à la chaîne de valeur made in China – et officialisera, au passage, l’incorporation du travail forcé à notre propre production !

Apurer la dette de la Chine avec notre argent

Troisième faute lourde : la méconnaissance des intentions réelles de la Chine. Les Européens n’ont pas compris que cet accord d’investissement est une occasion inespérée pour l’économie chinoise, lestée de créances douteuses, d’apurer ses dettes avec notre argent, notamment celui épargné pendant les confinements. Quand l’Europe devra relancer l’économie après le Covid, au besoin par la mobilisation de son épargne, elle aura la surprise de constater qu’elle aussi a été délocalisée !

Quatrième faute lourde : le timing. En 2020, le monde apprenait, stupéfait, que des centaines de milliers, voire des millions de Chinois ouïgours avaient été réduits en esclavage au seul motif qu’ils étaient musulmans. Il assistait impuissant à la mise à bas de la démocratie hong-kongaise. Il subissait la catastrophe d’une pandémie ayant échappé à tout contrôle à cause du silence de Pékin durant les premières semaines de propagation. Et en novembre dernier, évènement moins relaté, le Parti communiste chinois décidait d’accroître le contrôle de l’Etat sur l’économie, la société et les individus dans une mesure jamais vue depuis Mao.

Mais rien de tout cela n’a troublé nos dirigeants, qui ont choisi de terminer 2020 en offrant à la Chine une immense victoire stratégique. Nous ne sortirons pas indemnes d’une telle inconséquence, sauf si nous revenons collectivement à la raison et obtenons le rejet de cet accord. Son examen étant annoncé pour le premier semestre 2022, sous présidence française de l’Union, nul doute que ce sujet sera à l’affiche de la campagne présidentielle.

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