6 juin 1944 / 6 juin 2024 : loin des rituels, pour une véritable lutte contre l’extrême droite

Le 6 juin est le début de la fin pour le nazisme en Europe de l’ouest, mais cela ne dit rien des causes du fascisme et de la lutte contre cette idéologie et ses servants.

Pourquoi ce matin de juin 1944 ce sont des troupes allemandes qui tiennent les hauteurs des falaises normandes ?

Pourquoi la supériorité industrielle américaine allait briser les lignes défense ? Pourquoi les régimes collaborateurs, privés de soutien populaires, allaient s’effondrer ? Pourquoi ce fut trop tard pour sauver les plus de 7 millions de juifs, tsiganes, homosexuels, handicapés et résistants exécutés en masse ou déportés dans les camps de concentration et d’extermination ?

Les causes sont à rechercher bien sûr dans les erreurs du traité de Versailles, de Saint-Germain-en-Laye, du Trianon et Sèvres de 1919-1920 – qui créèrent aussi des situations inextricables au Proche-Orient dont nous ne voyons toujours pas le bout. Mais on ferait bien également de se pencher sur les années 1928-1935. Les causes des crises sociales et culturelles permettant partout en Europe, la montée des pouvoirs fascistes ou autoritaires nationalistes (l’Italie ayant ouvert le chemin), de la Roumanie à la Pologne, de la Yougoslavie au Portugal, de l’Allemagne à l’Espagne, sont connues. On y trouve un cocktail explosif d’ingrédients sociaux :

  • désinformation et manipulations des médias tenus par une poignée de magnats richissimes ;
  • crise économique et financière gérée par l’austérité ;
  • inégalités sociales et économiques abyssales ;
  • absence de redistribution des richesses poussant les classes populaires à divorcer de la démocratie ;
  • mythe de la supériorité des « pouvoirs forts » sur les régimes parlementaires ;
  • riches vivant dans un luxe arrogant ;
  • influenceurs de nouveaux médias, radio et cinéma, ouvrant des libertés sociétales alors que les revendications sociales étaient violemment réprimées ;
  • théorie raciste et antisémite du bouc-émissaire ;
  • dévaluation de la Société des Nations…

Ces ingrédients sont aujourd’hui à nouveau devant nous. En refusant de penser les causes du fascisme à l’aune de sa fin, parce que les autoritaires d’aujourd’hui jouent l’année 1932, et non l’année 1944, bien sûr qu’il n’est pas possible de voir Auschwitz ou les fosses sanglantes de l’été 1939 en Espagne. En 1934-35, le gouvernement de droite français négocie un accord avec Staline pour tenter d’empêcher Hitler de s’étendre en Europe. La Grande Bretagne (qui cherchera un pacte avec Hitler jusqu’en juillet 1939 !) fera fait capoter l’exécution de cet accord. Les libre-échangistes conservateurs préféraient le capitalisme nazi au socialisme et jugeaient archaïque la méfiance française vis-à-vis de l’Allemagne à l’époque d’une Europe pacifiée. l’Europe était la réponse britannique, dans le cadre de relations commerciales heureuses, pour assurer paix et prospérité.

Cela aussi, on a décidé de l’oublier, aveuglé par ce qui arrive beaucoup plus tard, la Grande Bretagne et la France n’ayant sauvé ni l’Espagne républicaine, ni l’Autriche, ni la Tchécoslovaquie, ni Memel1. Sans rien excuser de l’accord scélérat de Staline avec Hitler, il est certain que le dictateur soviétique voulut prévenir un retournement stratégique sous la forme d’un pacte entre les démocraties occidentales et le nazisme contre lui : il doubla les négociations de Halifax avec Göring pour conclure un pacte avec Ribbentrop.

Août 1939 efface dans les mémoires 1935, tout comme la bataille des Ardennes et la défense de Strasbourg en janvier 1945 oblitèrent les politiques budgétaires déflationnistes de 1932. Les meurtres de la « nuit des longs couteaux » ont fait « oublier » la coalition qui rassemblera droite, technocrates, banquiers pour porter au pouvoir le parti nazi en janvier 1933.

Les Résistants français – dont l’action a été indispensable au succès du débarquement du 6 juin 1944 et à la libération du territoire national – n’avaient rien oublié des causes profondes du fascisme et du nazisme lorsqu’ils formèrent le gouvernement provisoire de la République française autour du général de Gaulle, rassemblant communistes, centristes, socialistes et conservateurs, mais tous patriotes donc résistants.

Ils ont décidé, ensemble, que la République serait sociale pour que la déflation salariale ne fasse plus jamais divorcer les classes populaires et la démocratie. L’arche d’alliance de ce nouvel espoir, c’est la sécurité sociale et les retraites. Pour limiter la cupidité du capitalisme, des pans entiers de l’industrie, des banques, des transports, de l’énergie ont alors été nationalisés. La loi a libéré la presse et interdit sa concentration capitalistique tout en encadrant les délits de désinformation et de diffamation.

La plupart des verrous créés par le CNR, conditions des « trente glorieuses », ont sauté avec la vague de « libéralisation » et de privatisations des années 80-90. Depuis lors, l’industrie s’est effondrée dans le PIB, le déficit de la balance commerciale est abyssal, les comptes publics toujours dans le rouge, l’endettement à des niveaux records. La presse est contrôlée par un petit nombre, et se fait déborder par les réseaux sociaux. Les Fake news, les campagnes de diffamation impunies se multiplient. L’antisémitisme et le racisme retrouvent droit de citer pour créer à nouveau des boucs émissaires. La déflation salariale fait divorcer les classes populaires et moyennes de la démocratie.

Le centre droit, partout en Europe, célèbre l’absolutisme de l’exécutif. Le centre droit français célèbre le plébiscite présidentiel et ignore le parlement. L’extrême droite partout en Europe progresse, gouverne même dans plusieurs pays en alliance avec le centre-droit.

« Plus jamais ça » ? La lutte contre le fascisme ne peut pas s’arrêter aux célébration du 6 juin 1944. Elle aurait bien plus de sens si elle se fondait sur une réflexion politique visant à éviter de reproduire les mêmes erreurs que celles qui ont conduit le monde d’eux fois à la catastrophe.

Mathias Weidenberg

1Le 23 mars 1939, Hitler impose a la Lituanie un accord de réunification du Territoire de Memel (aujourd’hui la ville lituanienne de Klaipeda), anciennement rattaché à la Prusse orientale, a l’Allemagne. Ce territoire avait été occupé de 1920 à 1923 par l’armée française ; un référendum non-officiel dans la communauté germanophobe appuyait la revendication d’une “Ville Libre”, indépendante de la Lituanie voisine. L’armée lituanienne envahit le territoire en janvier 1923 sans véritable réaction française, notre armée étant alors concentrée sur l’occupation de la Ruhr. L’annexion sera reconnue l’année suivante.

12 février 1934 – 12 février 2024 : à nous de faire reculer l’extrême-droite !

Voici 90 ans, le 12 février 1934, les cortèges socialiste et communiste, qui défilaient séparés contre la tentative de putsch des ligues d’extrême-droite du 6 février, se rejoignaient spontanément. Le FrontPopulaire était né avant même que les partis ne le conçoivent.

Face à la menace réactionnaire et fasciste qui revient, un nouveau Front Populaire s’impose, à partir d’un programme qui parle à la réalité vécue par les Français. Aujourd’hui comme hier, “Pain, Paix, Liberté” reste d’une brûlante actualité ! À nous de reprendre la main, en France et en Europe…

L’impasse écologique de l’extrême droite

Le mois de juillet 2023 a été le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre ; le lundi 21 août a été le jour le plus chaud enregistré en France après le 15 août et les jours qui suivent battent de nouveaux records.

Et pour l’avenir, le dérèglement climatique étant à l’œuvre, rien de bon n’est attendu si nous ne changeons rien.

Salima Benhamou et Jean Flamand, économistes à France Stratégie, ont écrit ces jours-ci, parmi tant d’autres plumes, « Les vagues de chaleur seront encore plus intenses et plus longues, le niveau marin va augmenter, les conditions propices aux feux de forêt vont s’étendre et la sécheresse des sols concernera la quasi-totalité du territoire ».

C’est dans le creux de cette chaude torpeur estivale que l’extrême droite avance des propositions assassines en fidèle valet du capitalisme financier mondialisé qu’elle est. La négation des données scientifiques du GIEC, pourtant largement confirmées par toutes les analyses scientifiques, ou leur relativisation « ils ont tendance parfois à exagérer », histoire de faire accepter le climato-scepticisme du RN, révèle un confusionnisme volontaire et grave, car il fait le nid de l’irrationnel qui se développe, hélas, en période de crise. C’est au contraire la pensée rationnelle qui devraient être mise en avant pour élaborer et mettre en débat des choix politiques démocratiques et éclairés.

« L’écologie du bon sens » devient dans sa bouche la version vulgaire du précepte du Prince de Salina dans Le Guépard : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout ». Aussi, le RN prétend-il s’appuyer sur deux leviers pour lutter contre l’évidence.

1- Faire croire que seule la technologie suffira

Alors même que le récent rapport de l’Académie de Technologie souligne que cette voie ne suffira pas – que ce soit par le déploiement des éoliennes, des panneaux solaires, des nouveaux réacteurs nucléaires ou encore des systèmes de captage de CO2, voire de la production d’hydrogène vert, le RN se singularise par son refus de la plupart des solutions, comme le développement de la voiture électrique ou l’implantation d’éoliennes. Il faudra pour répondre au défi du changement climatique mener d’autres politiques, même si à l’évidence, une profonde décarbonation de notre mix énergétique est essentielle.

À la fin des mises à l’écart du RN, il ne reste que de la poudre de perlimpinpin avec de vagues espoirs formulés sans solutions pratiques réelles sur la réglementation de l’usage de l’eau et des énergies, la maîtrise des catastrophes naturelles ou un nucléaire sobre en eau (quelles que soient les recherches effectivement en cours dans ce domaine) qui de toute façon n’ont absolument rien d’opérationnel actuellement.

2- L’agrarisme

C’est une vision fantasmée de la ruralité française héritée du XIXème siècle, largement reprise lors de la « Révolution nationale » du régime de Vichy et sa « Terre qui ne ment pas ». Ce fantasme vise à caresser les colères et frustrations du monde rural et périurbain, qu’il ne faut évidemment pas négliger. Le RN insiste sur une fracture européenne espérant ainsi encore élargir sa base électorale tout comme la dernière forme de l’extrême droite agrarienne néerlandaise (BBB) ou le parti espagnol (Vox).

Rêvant de paysages ruraux immuables, le RN oublie le vide de la disparition progressive et silencieuse de la biodiversité ainsi que celle des bois et des haies changeant la gestion de l’eau agricole, l’impact des pesticides dont ils soutiennent la plupart du temps l’usage, l’extrême pauvreté de la majorité des agriculteurs, l’urbanisation mal maîtrisée réduisant les terres agricoles qu’ils disent paradoxalement défendre allant même jusqu’à voter, au Parlement européen, contre un texte dit du « retour à la nature ».


Dans sa logique libertarienne (refus de toute mesure contraignante et relativisme contre « l’alarmisme » du GIEC), le RN se refuse à toute redistribution des richesses et à la taxation de plus riches et des plus gros pollueurs pour dégager les moyens qui permettraient de financer la transition écologique et son accompagnement. Or cette adaptation de nos société pour être efficace et lutter contre l’aggravation du changement climatique nécessitera évidemment des investissements publics massifs. Et sans financement conséquent, il n’y aura pas non plus de compensation pour les plus modestes de nos concitoyens qui pourraient être affectés par des changements nécessaires. Se faisant, avec son discours prétendument protecteur, le RN tourne en réalité le dos à la protection des biens et des personnes.

En opposition frontale au discours résigné de l’extrême droite, nous, républicains de gauche, affirmons que c’est maintenant qu’il faut agir, développer des plans massifs d’investissements publics et reconstruire un mode de développement qui permettent tout à la fois l’épanouissement des sociétés humaines, la justice sociale et la préservation de l’environnement. Il est temps de construire un nouveau pacte républicain assurant une transition écologique progressiste.

Alain Fabre-Pujol, Marie-Noëlle Lienemann et Frédéric Faravel

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