Pour la deuxième fois en quelques mois, les locaux de General Electric (GE) à Belfort et dans l’usine voisine de Bourgogne ont été à nouveau perquisitionné, ce mardi 29 août, à la demande du Parquet national financier (PNF) concernant des “soupçons” de fraude fiscale à l’encontre de la multinationale américaine.
Après plusieurs enquêtes de la presse, plusieurs droits d’alertes économiques et de nombreuses expertises depuis 2018 sans effet sur la politique fiscale du groupe GE, le CSE et les organisations syndicales CFE-CGC et SUD avaient porté plainte contre X auprès du PNF, pour blanchiment de fraude fiscale, abus de confiance, faux et usage de faux et recel aggravé, le 31 mai 2022. Ils ont largement nourri le PNF en documents et éléments d’appréciation et ce dernier a réagi rapidement. Cela démontre s’il en était encore besoin qu’il est indispensable que la loi obligent à informer en détail les représentants syndicaux dans les entreprises sur la réalité fiscale – en particulier prix de transfert – non seulement pour défendre les intérêts des salariés mais aussi, on le voit ici, pour défendre l’intérêt national.
Il faut ici décrypter le montage élaboré par GE au regard des éléments qui nous sont connus. Fin 2015, GE a en effet transféré les responsabilités commerciales vers General Electric Switzerland GmbH (GES) domiciliée en Suisse. L’usine de Belfort, qui aurait dû être le siège mondial des activités de turbines, n’est plus un « fabricant » mais une « unité de fabrication » aux ordres de GES, qui l’a maintenue dans une situation de déficit artificiel. Ce déficit artificiel a servi de prétexte à GES pour imposer la modération salariale, la baisse des investissements en R&D et production, les délocalisations d’activités (Inde, Hongrie, USA…), ainsi qu’un PSE de 792 emplois en 2019, rendant le site incapable de faire face au rebond d’activité qui suivit et qui avait annoncé par les représentants syndicaux.
Ce montage fait suite à la conclusion d’un accord fiscal entre GE et le canton d’Argovie en Suisse, qui aura fait économiser 3 milliards de dollars de charges fiscales à GE sur 5 ans et de rendre profitable pour GE le mauvais accord autour de la reprise partielle d’ALSTOM. Les pouvoirs publics le savaient : représentants des salariés et élus n’ont cesser de dénoncer ces méthodes.
GE a développé une stratégie de captation des profits de la vente de ses produits made in France. Par intégration fiscale sur le sol français, le déficit artificiel du site belfortain a aussi permis de compenser les bénéfices de l’entité Healthcare à Buc en région parisienne : GE n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France depuis plus de 10 ans, accumulant plus de 2 milliards d’euros de déficit fiscal reportable.
Ces pratiques répandues de nombreuses multinationales grèvent lourdement le budget de l’État et des collectivités territoriales, menaçant nos services publics et notre modèle social. De 2006 à 2019, les recettes liées à l’impôt sur les sociétés ont baissé de 40%.
La manœuvre fiscale de GE s’inscrit donc dans une stratégie de long terme qui l’a vu trahir ses engagements à l’égard de la puissance publique française et des salariés, avec pour le moins une grave forme de naïveté, voire de complaisance, de la part des dirigeants français. Il reviendra au PNF d’en faire la démonstration et d’en tirer les conclusions.
La Gauche Républicaine et Socialiste espère que la procédure ne dure pas trop comme cela a été trop souvent le cas dans le passé. Elle affirme surtout la nécessité, dans le cadre de l’examen du projet de loi “partage de la valeur” (transposition de l’Accord National Interprofessionnel de février 2023, en pleine navette entre l’Assemblée Nationale et le Sénat), de permettre de recalculer, en cas de fraude fiscale, la part de la richesse produite par l’entreprise qui doit revenir aux salariés et d’inscrire une obligation transmettre annuellement à leurs représentants syndicaux les prix de transfert.
Vendredi 25 août, Emmanuel Maurel participait au débat organisé à Blois pour les universités d’été du Parti Socialiste « Climat, fins de mois, mêmes combats ? ».
L’occasion de rappeler que, pour agir de pair pour la Justice sociale et la transition écologique, il était indispensable de travailler à son acceptabilité sociale pour faire reculer les forces du « grand refus » qui marquent aujourd’hui des points…
Et surtout la nécessité d’agir sur nos modes de production, nos conditions de production contre le libre-échange morbide du capitalisme et le choix de ce que l’on veut produire. Une source de combats communs essentiels pour la gauche française, si elle le veut.
Les autres participants au débat étaient Sébastien Vincini, Sophie Taillé-Polian, Elsa Faucillon, Benoît Hamon, Marie Toussaint et Aurélie Trouvé ; il était animé par Chloé Ridel.
« Tant d’autres choses encore » là tu me surprends un peu quand même. Bon, c’est « vendredi confessions », c’est comme les alcooliques anonymes : « oui j’ai longtemps été militant socialiste », comme Benoît [Hamon] « ça fait longtemps que je n’ai pas parlé devant les socialistes, je suis très ému » et en plus c’est vrai.
C’est un sujet qui est absolument passionnant et qui devrait faire la Une de l’actualité aujourd’hui.
On peut regretter d’ailleurs, puisqu’on parlait du rapport de la gauche et des classes populaires, on peut regretter que parfois la gauche ait un peu trop tendance à se regarder le nombril et à s’interroger sur des sujets un peu secondaires voire picrocholins, plutôt que parler de ce qui aujourd’hui interpelle et inquiète les Français, c’est-à-dire l’inflation, la rentrée scolaire qui s’annonce mal et bien sûr la guerre, les questions écologiques auxquelles ce débat est consacré.
Moi je pense qu’on est tous – et je crois que ça a été dit par Aurélie [Trouvé, députée LFI] –, on est tous aujourd’hui à peu près d’accord sur le « logiciel écosocialiste ». On pense qu’il ne faut pas séparer le combat social du combat écologique, on pense qu’en effet les pauvres sont les plus concernés par la pollution, et donc nécessairement la transition écologique s’accompagne de mesures sociales.
J’ai même envie de dire qu’on est tous d’accord, les socialistes compris – surtout quand ils sont dans l’opposition – pour dire qu’on se mobilise contre l’extension de la société de marché qui a une logique de prédation, une logique d’exploitation, une logique d’hyper consommation qui révèlent la nature profondément morbide du capitalisme. ça on est tous d’accord.
Et donc on est tous d’accord forcément sur le fait que si on fait la transition écologique ça ne peut pas aller à l’encontre de la justice sociale.
Est-ce que majoritairement dans le pays on est d’accord là-dessus ? Je n’en suis pas sûr. Je n’en suis pas sûr pour plein de raisons.
D’abord il y a – Benoît y a fait allusion dès le début – il y a les forces du « grand refus ». C’est-à-dire les gens qui, contre le réel, continuent à affirmer que ça peut continuer comme aujourd’hui et qu’on peut continuer à vivre comme aujourd’hui – tu parlais de Trump mais Trump c’est la version exacerbée de ce phénomène – mais c’est George Bush, dès la conférence de Rio, qui avait dit cette phrase qui a été reprise après par les différents présidents républicains, “notre mode de vie n’est pas négociable”. Si tout le monde vivait comme les États-Unis ça ferait 5 planètes, mais « ce n’est pas négociable ». Et donc on a en face de nous des gens qui sont dans un déni de réalité assez stupéfiant. Et pourtant, ils marquent des points !
Je ne vous parle même pas du délire climato-sceptique qui a envahi les réseaux sociaux depuis quelques mois maintenant, mais ils marquent des points avec leurs épigones européens. Regardez le programme de l’AFD en Allemagne, l’extrême-droite allemande, elle reprend exactement le programme de Trump, avec la négation totale de la question écologique et le refus des politiques européennes en la matière.
Mais c’est le cas aussi du FN. On n’a pas parlé du RN depuis tout à l’heure mais ils ont, il y a trois jours, fait une conférence de presse sur ce qu’ils appellent « l’écologie du bon sens ». Il n’y avait pas beaucoup d’écologie et encore moins de bon sens. Mais, n’empêche, eux, ils ont bien vu qu’il y avait un sillon à marquer et ils ne vont pas nous lâcher là-dessus et c’est pour ça que l’adversité elle est quand même forte.
Et elle est forte d’autant plus qu’il y a parfois, y compris dans les classes populaires, même si ce qu’a dit Elsa Faucillon [députée PCF] à l’instant est très important. D’ailleurs ça me faisait penser à une ministre macroniste qui avait dit « les pauvres, ils sont dans la sobriété subie ». C’est nier complètement la conscience politique des pauvres et toute façon c’est bien ils étaient déjà dans un mode de vie écolo parce que de toute façon ils n’avaient pas le choix. Non évidemment ce n’est pas le cas.
Mais je reviens sur ce qu’a dit très fortement Sébastien [Vincini, président PS du Conseil départemental de Haute-Garonne] parce que c’est important. Il y a eu des moments, on va dire, de perception un peu décalée. Par exemple au moment de la taxe carbone on a eu beaucoup de gens – et c’est la naissance du mouvement des « Gilets Jaunes » – qui étaient en désaccord avec la façon dont c’était fait et la façon dont c’était présenté.
De la même façon, sur les ZFE [Zones à Faibles Émissions] c’est un sujet qu’on devra affronter et que les élus affrontent dès maintenant.
Je vois par exemple en Île-de-France, il y a une perception, un ressentiment de certains habitants de Grande banlieue, qui n’ont pas d’autre choix que prendre leur voiture au diesel et qui ont l’impression qu’ils vont être sanctionnés pour ça.
Et ça il faut le prendre en compte, parce que dans le livre de Bruno Latour, auquel vous faites allusion qui est en effet un livre passionnant, il parle quand même de ça. Il dit qu’il faut prendre en compte ce ressentiment, ces appréhensions, parce que l’acceptabilité sociale des politiques écologiques c’est fondamental. C’est très important.
Il y a une deuxième chose – Elsa faisait référence à « l’imaginaire » – et en effet, lors de sa campagne présidentielle, Benoît Hamon avait dit « on élabore ensemble un imaginaire puissant pour un futur désirable. » Je sais pas si tu te souviens, Benoît … tu t’en souviens sûrement ! Mais c’était très juste ! Sauf qu’on a en face de nous aussi un imaginaire très puissant, ce n’est pas seulement l’imaginaire droitier auquel il était fait allusion, c’est l’imaginaire de la société de consommation, les grosses bagnoles, la « fast fashion », la mode pas chère, les posts sur Instagram – je rappelle que tous ceux qui postent sur Instagram des photos de bouffe, ça consomme l’équivalent de deux centrales nucléaires par an !
Donc tout ça, c’est l’imaginaire de la société d’hyper consommation capitaliste, c’est pas toujours facile à affronter.
Donc moi je pense, parce que le futur désirable c’est une société sobre et décente, on a un gros boulot de bataille culturelle. C’est assez facile de s’attaquer au mode de vie des riches, parce que ça, évidemment, c’est tellement caricatural, arrogant, mais pour d’autres choses à mon avis c’est plus dur.
Consommer autrement, mais aussi produire autrement !
Moi, c’est ça dont je voulais parler aujourd’hui, parce que la question pour moi qui est fondamentale : c’est où on produit et qu’est-ce qu’on produit, qu’est-ce qu’on veut produire !
Et là, j’en viens à l’Europe parce que c’est un bon exemple…
En Europe, on vote – dans l’allégresse et dans l’enthousiasme – plein de textes pour « écologiser » les politiques européennes : le Green New Deal, le Net Zero Industry… Sylvie Guillaume [eurodéputée PS] est là … il y en a plein d’autres, tu pourrais m’aider toi [Marie Toussaint, eurodéputée EELV] parce que tu les connais tous… On vote tout ça et on se félicite parce qu’il y a une diminution des gaz à effet de serre depuis quelques années. Et on dit « l’objectif c’est moins 55%, c’est formidable on va y arriver ».
Sauf que pourquoi il y a une baisse des émissions de gaz à effet de serre en Europe ? C’est parce qu’on les a totalement délocalisées ! Le symbole de la mondialisation c’est le porte-containers ou le camion. C’est-à-dire qu’en fait on a exporté notre pollution, et ça continue !
Parce que c’est ça le problème, cette hypocrisie que je veux dénoncer : ça continue !
Je vais donner 3 exemples.
Premier exemple du « ça continue », on vote le Green New Deal. On dit « l’Europe va être un continent vertueux au niveau écologique », on s’adresse aux classes populaires « vous allez voir ce que vous allez voir en termes de production et de consommation », et en même temps on est en train de négocier, voire de voter – et j’attends de voir, là pour le coup ça peut être un combat commun pour la gauche française, là c’en est un –, en même temps on va voter un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ! On a un pays qui est à près de 20 000 bornes de l’Europe mais on veut importer toujours davantage – quoi ? – de l’agneau et du lait ! Je m’excuse mais, ça, c’est le symbole de l’absurdité libre-échangiste du système capitaliste.
Ça c’est la première chose.
Je veux donner un deuxième exemple : on est super content parce qu’en Europe on a de plus en plus de photovoltaïque… sauf qu’on a pris du retard et 90% des panneaux photovoltaïques ce sont des panneaux chinois. Pourquoi ? parce qu’au nom de la « concurrence libre et non faussée », on n’avait pas mis de barrières douanières à l’entrée ! Résultat : l’industrie européenne du photovoltaïque s’est cassée la gueule et maintenant il n’y a que du photovoltaïque chinois. Et c’est quoi le photovoltaïque chinois ? C’est construit avec des centrales électriques à charbon, avec une empreinte carbone 50% de plus qu’un produit européen ! Là aussi on marche sur la tête.
Voilà un combat européen : on veut du photovoltaïque européen ! On veut des batteries européennes, parce que là c’est pareil, je vous l’annonce, les voitures électriques c’est super on a voté dans 10 ans on passe tous aux voitures électriques. Mais s’il n’y a pas de barrières douanières et si on ne met pas de subventions publiques puissantes pour aider les entreprises européennes, alors ça sera 100% chinois ! et pour les classes populaires, ça sera plus de chômage et ça sera des produits fabriqués dans des conditions déplorables et dégueulasses.
Voilà encore un combat commun qu’on peut mener tous, à gauche, pour justement allier combat social et combat écologique.
Dernier point et je finis là-dessus, parce que ça c’est l’actualité.
L’inflation des prix alimentaires et de l’énergie, ça vient d’un truc tellement fou, qui s’appelle le marché de l’électricité européen. Le marché de l’électricité européen quand il a été fait, il y a plusieurs décennies, on a dit « on a une super idée » – enfin ce sont surtout les Allemands qui avait la super idée – on va indexer le prix de l’électricité … sur quoi ? Sur le gaz !
Il se trouve que vous connaissez la situation : le prix du gaz explose et l’Europe n’est toujours pas capable de dire « on s’est peut-être trompé ». D’abord, l’électricité ce n’est pas forcément un marché : au nom de l’ouverture à la concurrence, on a pété EDF et on a créé des concurrents totalement fantoches qui ne produisent rien ! Mais, par contre, qui achètent de l’électricité à prix coûtant à EDF et donc ça pose des problèmes à la boîte !
Et puis surtout, la situation c’est qu’aujourd’hui on achète du gaz américain et du gaz qatari, qui coûtent 4 fois plus cher que ce que coûtait le gaz auparavant et qui, en plus, ont une empreinte carbone 2 fois plus importante.
Alors si on veut des combats à mener en Europe, au niveau de la gauche, moi je suis d’accord : Made in Europe, Made in France, sortie du marché européen de l’électricité !… Bref il y a plein de choses à faire pour concilier la justice sociale et les questions écologiques, mais il faut qu’on se bouge !
Depuis 1991, l’Allemagne a résolu une des faiblesses de son commerce extérieur due à la réunification en … baissant le volume total d’heures travaillées, ainsi que le temps de travail réel moyen de ses actifs.
Entre 1992 et 2015, le volume d’heures travaillées, malgré une augmentation de la population active, est resté inférieur à celui de 1991. Ce n’est qu’avec l’apport de la main d’œuvre européenne du sud (2010-2014), syrienne (2015-2016) et ukrainienne (depuis 2022, même si l’immigration polonaise et ukrainienne est constante sur la période 2010-2019) que le volume total d’heures travaillées dépasse en 2017 légèrement celui de 1991 pour augmenter depuis chaque année légèrement. On est en 2022 3% au dessus de 1991.
Dans le même temps, l’Allemagne a défendu son industrie, celle-ci restant dans le PIB est resté au dessus de 20% jusqu’en 2022. L’Allemagne, malgré les surcoûts énergétiques importés en 2022, est encore en excédent commercial. Elle a accumulé entre 2009 et 2021 près de 2000 milliards d’euros d’excédents commerciaux.
La France, elle, a fait le contraire : elle a augmenté le nombre d’heures travaillées massivement, sans que la baisse légale du temps de travail n’affecte significativement le nombre d’heures travaillées. Elle a aussi continué à augmenter sa productivité par actif. Le volume total d’heures travaillées a ainsi augmenté de 14% depuis 1991. Jamais on a autant travaillé en France qu’en 2023.
Le nombre d’heures moyennes travaillées par actif est d’ailleurs supérieur à l’Allemagne. Pourtant, la France réussit le tour de force de ne jamais autant travailler pour ne jamais aussi peu produire. L’industrie est passé de 17% à la fin des années 1980 a moins de 9% sous Macron.
L’Union Européenne, comme le « consensus libéral », a inspiré de nombreuses réformes tout au long des gouvernements Chirac, Sarkozy, Hollande (avec déjà Macron mais aussi Cazeneuve, Valls, El Khomry, Moscovici) et enfin avec Macron.
De la RGPP aux ordonnances cassant le code du travail, du CICE aux suppressions des impôts sur les patrimoines, de la loi Macron aux réformes successives de l’assurance chômage et du système de retraite, les gouvernements français ont mis en œuvre toutes les recettes libérales visant à baisser le coût du travail, à obliger le travailleur sans emploi à prendre le premier emploi venu et à baisser la dépense publique de fonctionnement et d’investissement.
Les privatisations successives avaient déjà abaissé le taux d’intervention publique dans l’économie à un niveau très inférieur à toute l’histoire de France, et même à l’Allemagne – on oublie toujours qu’un tiers du capital de Volkswagen est public. On a continué en libéralisant des marchés qui ne font aucun sens à libéraliser : énergie, ferroviaire, etc. Sarkozy a privatisé beaucoup des bijoux familiaux, comme GDF, et ses successeurs ont continué la politique du bradage de nos fleurons industriels.
Au total, jamais les entreprises françaises n’ont été autant soutenues fiscalement, jamais elles n’ont autant bénéficié de crédits d’impôt ou de baisses de cotisation, jamais la participation du capital public dans les entreprises n’a été aussi faible, et jamais elles n’ont été aussi peu performantes.
Pourtant, la France, qui perd déjà chaque année 160 milliards d’euros en déficit commercial, verse encore chaque année la moitié du volume de ses dividendes à des investisseurs étrangers, 25 milliards de plus chaque année qui désertent la richesse nationale.
C’est un échec complet des logiques, idéologies et politiques de l’action publique menées depuis 35 ans … logiques essentiellement néolibérales.
À Sciences Po Bordeaux au début des années 1990, à côté d’une figure comme Edwin Le Héron, professeur keynésien rescapé, les enseignants expliquaient que l’avenir de la France c’était le service, que même, dans l’agriculture, il n’y avait pas d’avenir pour nos producteurs, et que l’action publique devait préparer la France à être le pays des services au cœur de l’Europe.
Dans le même temps, on prétendait que le Plan, outil défendu à gauche comme chez les gaullistes, avait fait son temps, et que plutôt de s’occuper de prospective, l’action publique devait se concentrer sur l’évaluation.
L’évaluation des politiques de l’offre aboutit à un constat d’échec dévastateur, un gaspillage de plus de 300 milliards d’euros rien que sur la dernière décennie.
Pourtant, malgré les rapports de France Stratégie, l’ancien commissariat au plan devenu un organisme d’évaluation des politiques publiques rattaché à Matignon, jamais la Cour des Comptes ne s’est saisie de ce scandale.
Son président s’appelle aussi Pierre Moscovici, ci-devant ministre de l’économie lorsque son ministre du budget, Cazeneuve remplaçant Cahuzac empêché par une fraude fiscale, défendait le CICE face à des parlementaires socialistes minoritaires, comme Jérôme Guedj ou Marie-Noëlle Lienemann, réclamant conditionnalités et évaluation.
Être juge et partie pose toujours un problème, et on pourrait voir dans l’occupation de cette fonction par Pierre Moscovici un verrouillage des outils institutionnels de contrôle : une évaluation sérieuse remettrait en question trop de paradigmes et idéologies consensuels dans les élites économiques françaises.
Alors que le niveau de vie des Français n’a pas progressé au rythme de la croissance du PIB – il faut bien que quelqu’un paye la facture du déficit commercial et du coût exorbitant du capital –, les élites françaises ont profiter d’une progression faramineuse de leur patrimoine privé, de leurs revenus du capital comme de leurs salaires. Ainsi, d’après l’Insee en 2020, les 1% les mieux payés du privé ont accru leur part du gâteau salarial de 30% au détriment de tous les autres sur les dix dernières années.
Le déficit commercial doit être financé par de la dette chaque année. Si, malgré une augmentation du volume d’heures travaillées de 15% en 30 ans, nous consommons pour 160 milliards d’euros de plus que ce que nous produisons, nous ne pouvons vivre qu’à crédit. Et en fin de compte, la dette privée des entreprises comme des ménages a explosé entre 1990 et 2023 en France, ce qui a pour conséquence une progression de la dette publique.
Notre faiblesse peut n’être que temporaire : pour cela, nous devons forcer le capital français à réinvestir dans la production agricole et industrielle, en choisissant des modes de production plus durables que les conditions sociales, sanitaires et environnementales déplorables qui prévalent dans les contrées éloignées où nous faisons produire des biens que nous importons ensuite.
Nous pouvons cesser la saignée des aides aux entreprises sans contrepartie en leur appliquant les mêmes principes que les néolibéraux appliquent aux chômeurs. Nous pouvons relancer le PIB privé pour mécaniquement réduire la comparaison, stupide par ailleurs, du volume de dépenses publiques et du PIB (la comparaison des dépenses publiques en pourcentage du PIB n’a jamais été ce que coûtent les dépenses publiques au PIB).
C’est une question de volonté politique et de changement de paradigme dans l’action publique. Nous le pouvons et nous devons.
Emmanuel Maurel, député européen et animateur national de la Gauche Républicaine et Socialiste, était l’invité mercredi 1er février 2023 de La Faute à l’Europe sur France Télévision aux côtés de Clothilde Goujard de Politico Europe, Jean Quatremer de Libération et de Stéphanie Yon-Courtin, députée européenne renaissance.
Au sommaire : 📍 vers un “vrai” plan industriel européen ? 📍 la réforme des retraites est-elle demandée par l’UE ?
Nous constatons que les libéraux européens refusent de soutenir nos entreprises quand les Américains les incitent à délocaliser outre-Atlantique à coup de subventions massives. Oui agir de la sorte revient à tendre l’autre joue face aux mesures de prédation économique pratiquées par les États-Unis.
La commande de la réforme des retraites, avec celle de l’assurance chômage) au travers des “recommandations européennes” et de la mise en œuvre du “plan de relance” européen ne sont un secret pour personne (nous l’avions expliqué en octobre 2021). La Commission et les macronistes sont prêts à sacrifier tous nos acquis sociaux sur l’autel du marché et de la sacro-sainte “compétitivité”. Chômage, retraites, même combat : précariser, stigmatiser les plus fragiles. La présidence Macron restera celle de la grande régression.
Arnaud Montebourg est aujourd’hui, mardi 23 novembre en déplacement à Migennes dans l’Yonne pour défendre la lutte des 400 salariés de cette usine d’équipements automobiles, propriété de l’équipementier allemand Benteler. Nous demandons avec lui que le gouvernement agisse pour sauver le site industriel et ses 400 emplois. La société mère prétexte pour fermer le site des difficultés financières depuis 2007 et l’absence de repreneur : nous savons qu’il existe cependant des repreneurs et que l’Etat peut agir. Nous devons plus laisser défaire nos sites industriels et au contraire accompagner leur mutation.
Nos camarades du département de l’Yonne avaient réagi dès le lendemain de l’annonce de la fermeture du site par Benteler le 18 novembre 2021. Voici leur communiqué de presse :
“Hier, 18 novembre, les dirigeants du site icaunais de Benteler Automotive, équipementier automobile, a annoncé la fermeture de son usine icaunaise, provoquant une menace directe sur les 400 emplois locaux. La Gauche républicaine et socialiste 89 soutient le mouvement de grève illimitée déclenché hier lors de l’annonce de cette terrible perspective ainsi que toute démarche unitaire organisée en vue de la défense de ce site. Elle considère qu’il faut créer un front commun des élus et organisation politiques pour s’opposer à cette nouvelle étape de la désindustrialisation du département après la fermeture de SKF Avallon en mai dernier (près de 200 salariés). Elle soutient un traitement de même nature que celui réservé à Ascoval dont la délocalisation vient d’être temporairement stoppée. L’emploi industriel est une valeur centrale du redressement économique du territoire. Il doit être inconditionnellement défendu et développé.”
Le président de la République annonce à grand renfort de communication un plan en direction de l’industrie à l’horizon 2030 avec un somme de 30 milliards d’euros sur 5 ans. C’est à dire sur la durée du futur quinquennat. Au final, cela fait 6 milliards d’euros par an (à comparer aux crédits d’impôt non ciblés et non conditionnés comme le CICE qui a coûté quelques 18 Mds€ en 2016 et jusqu’à 40 Mds€ pour la seule année 2019 !). Au-delà de cette somme globale au demeurant assez modeste, les crédits alloués à chaque « programme » apparaissent dans bien des cas très éloignés de ce qui serait nécessaire pour créer réellement un choc d’innovation et de réindustrialisation. De plus, aucun argumentaire précis n’est venu justifier concrètement le niveau des crédits retenus, dont on peut craindre qu’ils s’avéreront rapidement de vrais feux de paille.
6 milliards d’euros par an, cela n’est pas suffisant !
Voir loin et à une échéance compatible avec la durée de grands projets industriels n’a rien de choquant en soi. Mais ce programme décidé par l’exécutif seul a forcément un déficit de crédibilité. Or cet handicap pourrait être levé si le Parlement – après un débat sérieux avec les forces vives du pays – votait un plan précis, pluriannuel, engageant de fait bien au-delà de l’actuel locataire de l’Élysée une telle perspective. Ce serait d’ailleurs l’occasion de réinventer la planification à la française – on notera le silence et l’absence de François Bayrou, le fantomatique « Haut-Commissaire au Plan ». Au demeurant, il serait éclairant que l’exécutif nous explique comment ces crédits seront activés, lui qui ne s’oppose jamais aux contraintes que la commission européenne impose à notre politique industrielle (ou ce qu’il en reste), ce qu’il faudrait pourtant faire notamment concernant la très mauvaise directive « aides d’État ».
Cette annonce d’Emmanuel Macron n’échappe pas non plus, du point de vue budgétaire, à l’éternelle « entourloupe » par laquelle les sommes conséquentes ne sont pas valables pour l’immédiat et les premières années. Ainsi pas plus de 4 milliards d’euros seulement devaient être inscrits à la prochaine loi de finances. Et comme d’habitude on reporte aux dernières années du plan présenté, d’hypothétiques inscriptions budgétaires.
Et pendant ce temps-là, le gouvernement laisse fermer des usines, partir des industries, racheter nos savoir-faire…
Dans tous les cas, ce plan « France 2030 » ne peut seul faire office de stratégie de réindustrialisation, de politique industrielle, alors que le gouvernement continue à laisser fermer ou partir nos industries. Il y manque au moins deux volets…
Le premier serait une action défensive pour s’opposer aux prédateurs, aux menaces de délocalisation et de fermetures des usines et activités industrielles dans nos territoires. Or hélas ce mouvement continue ses dégâts sans réaction suffisante des pouvoirs publics. Les exemples sont nombreux malheureusement : le site de production de moteurs de fusée ArianeGroup à Vernon dans l’Eure ; les bouteilles d’oxygène Luxfer en Auvergne (en pleine pandémie) ; Technip, spécialiste des forages en haute mer… ce ne sont que les exemples les plus récents et les plus marquants, sans parler de la bérézina Alstom/General Electric !…
De la même façon, nulle politique publique n’accompagne suffisamment les relocalisations (l’exemple des masques est hélas caricatural de cette incurie) ou les mutations de process de production dans les secteurs et entreprises existantes (mutation des sous-traitants de l’automobile, accélération de la numérisation, économie d’énergie, etc.) comme l’accompagnement de nos PMI et ETI (notamment l’accès au capital et au crédit) qui sont encore aujourd’hui souvent freinés dans leur développement.
La réindustrialisation doit concerner TOUS les secteurs !
Des plans de filières, secteurs par secteurs (et dans tous les secteurs), doivent être préparés avec les acteurs concernés – au premier chef, les partenaires sociaux –, tant pour favoriser les mutations indispensables qu’envisager les relocalisations, en réorientant toute une série d’interventions publiques (allégement de cotisations, CICE, crédit impôt recherche, amortissements pour modernisation, etc.), des financements dans la recherche, la formation, des commandes publiques, aides aux exportations…
Oui la réindustrialisation de notre pays exige d’importants efforts, un travail de longue haleine mais aussi une mobilisation permanente dans presque tous les domaines.
Une de nos faiblesse est d’avoir trop souvent misé sur quelques secteurs (dont le nombre s’est au cours du temps réduit comme peau de chagrin) et négligé un tissu varié de production.
Une mobilisation générale, un développement des compétences qui soit associer les salariés !
La logique du Made in France, les opportunités du numérique, l’enjeu des circuits courts et de l’économie circulaire doivent permettre en lien avec les régions, les territoires de faire émerger des PMI set ETI qui ont toujours été un maillon faible de nos industries.
Tous ces enjeux doivent mobiliser le pays, les partenaires sociaux, les élus locaux, la commande publique, mais aussi développer une culture plus solidaires entre acteurs économiques en particulier dans nos territoires. Dans certains d’entre eux cela fonctionne mais trop rarement.
Enfin, il y a un énorme défi de ressources humaines. Il nous faut former davantage d’ingénieurs qui ont confiance dans l’engagement industriel durable du pays, des entrepreneurs mais aussi des salariés, de différentes qualifications, formés, compétents, motivés, correctement rémunérés et considérés dans un pays qui doit engager une grande mutation pour réussir le défi d’une économie mixte dans laquelle l’État intervient en bonne intelligence avec le secteur privé autour d’objectifs communs et dans tous les cas en associant les salariés.
Le groupe automobile français Renault a annoncé ce matin qu’il dévoilerait, jeudi 14 janvier 2021, sa feuille de route pour affronter la révolution du secteur automobile. Le groupe devait d’abord présenter, mardi 12 janvier, ses chiffres de vente mondiales pour 2020, une année marquée par une chute inédite des ventes de voitures liée à la crise sanitaire. En France, le groupe a ainsi vu ses ventes de voitures particulières dévisser de 24,9%, selon le comité des constructeurs français, à 412.000 exemplaires et 25% de part de marché. La crise a frappé un groupe qui était déjà en difficulté. La firme au Losange a annoncé fin mai 2020 un plan d’économies de plus de 2 milliards d’euros sur trois ans, prévoyant quelques 15.000 suppressions de postes dans le monde, dont 4.600 en France. L’annonce de cette nouvelle feuille de route du groupe automobile est donc un moment important pour permettre que « Renault sorte de la salle des urgences » selon l’expression d’un des représentants syndicaux de l’entreprise. Face à la crise sanitaire et économique que nous subissons encore et qui préfigure vraisemblablement des modifications structurelles à long terme des habitudes de consommation des Français et de notre tissu industriel, il est important que les orientations prises par l’un des principaux groupes industriels français soient cohérentes avec l’intérêt national et celui des salariés français – au premier rang desquels ceux du groupe concerné. Or l’État est (encore) actionnaire à hauteur de 15% de l’ex-Régie et qu’il lui a accordé en mai dernier une aide massive, via sa garantie sur un prêt bancaire de 5 milliards d’euros (PGE). À l’époque nous avions défendu l’idée qu’une prise de participation au capital de l’entreprise serait préférable à un PGE, afin que l’entreprise n’accumule pas de dettes supplémentaires mais consolide son capital. Nous considérons d’ailleurs toujours qu’alors que notre pays doit s’engager dans une transition écologique, écologique et industrielle radicale il est souhaitable que l’État se dote des leviers nécessaires pour piloter une indispensable planification écologique. Le choix de peser dans le capital de Renault et d’Air France (la compagnie aérienne avait reçu un PGE de 7 Mds €) aurait constitué un pas utile dans cette direction. Un comité central social et économique (CCSE), puis un conseil d’administration (CA), sont convoqués mercredi 13 janvier 2021 au soir, à la veille de la présentation de M. Luca De Meo, directeur général du groupe. Nous considérons donc que l’État doit engager de toute urgence des discussions avec la direction de Renault avant le CCSE et prendre des mesures pour s’assurer de la construction en France de ces nouveaux modèles électriques enfin de garantir la pérennité des sites industriels du groupe Renault dans notre pays et engager ainsi une nouvelle phase de créations d’emplois.
Une profonde transformation du paysage des entreprises du secteur de l’eau, des déchets et de l’économie circulaire est en cours. C’est un secteur clef pour notre souveraineté nationale et pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Or cette transformation s’est jouée en quelques jours dans un Monopoly capitalistique, face auquel la puissance publique s’est montrée impuissante.
Cette situation est d’autant plus inacceptable que l’État détient 23,64 % du capital d’ENGIE et 34,3 % des droits de vote théoriques. L’intervention et la vigilance publique étaient d’autant plus nécessaires que les activités concernées impactent la gestion de Biens Communs.
Voilà des mois que Bruno Le Maire est moqué sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #BrunoDemande ; la parole de l’État en matière industrielle a donc atteint un niveau de démonétisation terminale : ses admonestations à ne pas se précipiter dans cette affaire, tout en en soutenant de manière contradictoire l’intérêt, ont donc fini « en eau de boudin » : les instances d’ENGIE ont fini par accéder à l’exigence de VEOLIA avec le soutien des représentants CFDT. Cette démonétisation est d’autant plus dramatique que la parole du ministre de l’économie fut tout au long des négociations sapée par celle de l’Élysée. C’est la conséquence d’un déséquilibre institutionnel donnant plus de pouvoir à un fonctionnaire au cabinet présidentiel qu’à un ministre, qu’on avait déjà observé lorsque le secrétaire général adjoint Macron sapait les efforts du ministre Montebourg sur le dossier des hauts fourneaux.
Le rachat de Suez par Veolia aboutira de fait en France à la constitution d’un grand monopole privé dans la gestion de l’eau et des déchets. Or, s’il y a situation de monopole – surtout dans ce secteur –, celui-ci doit être public. Et si tel n’était pas le cas, il était préférable qu’il existe une concurrence saine entre entreprises françaises capables d’organiser une stimulation positive plutôt qu’une compétition destructrice.
Mais plus encore, la logique qui sous-tend le projet de Veolia conduira à court et moyen termes à l’introduction d’opérateurs étrangers qui occuperont l’espace de la libre concurrence. Tous les exemples précédents démontrent que cela aboutit à un accroissement significatif de la pénétration des entreprises étrangères en France. Cela ne sera pas sans conséquences négatives sur nos recettes fiscales, sur l’emploi et les conditions sociales des salariés français de ces entreprises et enfin sur la maîtrise technologique et la Recherche & Développement (car Veolia pour respecter les règles de la concurrence se séparera d’une partie des activités de Suez à l’international qui avait permis à cette société de construire des coopérations mondiales dans ce domaine).
Toute cette affaire pose donc une grave question de souveraineté nationale :
d’une part, une pénétration accrue de notre marché par des sociétés étrangères ;
d’autre part, et paradoxalement, une mise à mal des synergies qu’ont su construire Veolia et Suez entre activités nationales et internationales, en particulier en matière de développement technologique.
Ce regroupement aura des conséquences négatives pour l’emploi, que ce soit pour les fonctions « support » nationales ou régionales mais aussi dans les agences locales.
Il fait enfin porter un risque important sur la nécessaire diversité des solutions à mettre en œuvre dans le domaine de l’économie circulaire, où un modèle unique pourrait s’imposer, en choisissant de privilégier un modèle hyper-mécanisé et spécialisé, plutôt que de le faire cohabiter avec des centres locaux, plus diffus, plus mixtes mais dont le spectre des produits traités est plus large. Or ce sont des choix majeurs sur le chemin pour engager la transition écologique, pour favoriser l’emploi et les compétences, et pour soutenir le développement local.
La Gauche Républicaine et Socialiste exprime donc son opposition à l’absorption de Suez par Veolia. Elle défend l’idée qu’il ne saurait être possible d’imposer un monopole privé sur la gestion de l’eau et des déchets, tout monopole en ces matières ne pouvant être que public. Enfin elle promeut le retour à une véritable politique industrielle de la France, totalement abandonnée depuis 2014, qui seule peut stopper la désindustrialisation, permettre les relocalisations et engager notre pays vers des stratégies d’avenir en lien avec la nécessaire transition écologique. Il sera du devoir du prochain gouvernement de gauche de nationaliser le nouveau groupe, dans le cadre d’une stratégie offensive de reconquête industrielle.
Il n’y a plus de véritable politique de l’emploi en France.
Celle-ci se confond depuis maintenant de nombreuses années avec l’idée simpliste qu’il suffirait de baisser les coûts de production pour que le taux de chômage diminue. On assiste ébahi à un empilement de mesures visant à réduire le « coût » du travail (CICE, Pacte de responsabilité etc.) sans que cela ait le moindre effet pérenne sur le marché de l’emploi.
Cette non-politique a en revanche des conséquences directes et franchement absurdes sur notre appareil productif : multiplication des plans de réductions des effectifs, recours excessifs à la sous-traitance, développement d’emplois atypiques favorisant la précarité (CDD, interim, etc.).
Plutôt que de continuer dans cette voie la crise actuelle nous fournit l’opportunité d’entamer une bifurcation digne de ce nom, de rompre avec l’idée malsaine et faussée selon laquelle le travail est un coût qu’il faut baisser.
Rappelons-le, le travail n’est ni un coût ni une marchandise comme les autres.
Il est un investissement et constitue, au même titre que la monnaie, l’une des conditions indispensables de l’échange économique. Parler du coût du travail a donc aussi peu de sens que de parler du coût de la monnaie et est révélateur du renversement sémantique à l’œuvre depuis 30 ans qui vise à culpabiliser les travailleurs.
Leur précarisation croissante n’a par ailleurs jamais été une solution au chômage de masse. Au lieu de favoriser l’émergence d’un cercle vertueux dans lequel l’efficacité économique serait directement corrélée à la stabilité de l’emploi et à une revalorisation des salaires, les partisans de la « flexisécurité » pratiquent la dynamique inverse et créent de véritables trappes à pauvreté desquelles il sera particulièrement complexe d’extraire les travailleurs précarisés.
L’enjeu est donc de taille : il ne s’agit rien de moins que de construire une nouvelle stratégie économique orientée vers une véritable transition sociale et écologique dont les deux piliers seraient l’investissement dans des emplois de qualité et la réduction du temps de travail.
Contrairement donc à l’idéologie libérale, la baisse d’un prétendu « coût » du travail ne constitue pas un levier d’action adéquat. Une politique de l’emploi digne de ce nom ne pourra jamais se contenter d’une telle chimère ; elle doit se construire sur une série d’instruments allant de la politique industrielle au marché du travail en passant par l’éducation et la formation professionnelle. Et tous ces instruments doivent être animés par un objectif partagé : celui d’un appareil productif qui valorise des emplois plus qualifiés et de meilleure qualité.
L’urgence sociale et écologique nous force à tourner la page d’un hyperproductivisme low-cost qui ne survit que par la compression des coûts et la précarisation des travailleurs. La crise sanitaire du Covid-19 a d’ailleurs fait rejaillir le problème fondamental de l’utilité sociale des emplois :
comment ne pas s’insurger devant le traitement réservé à celles et ceux qui ont fait tourner le pays pendant ces deux derniers mois (personnels hospitaliers, ouvriers du bâtiment, travailleurs des services publics, conducteurs de métros et de bus etc…) ?
La question de la répartition du travail se pose également avec une intensité croissante.
Révolution numérique et persistance du chômage nous mettent face au défi de trouver une configuration du marché de l’emploi qui ne soit excluante pour personne. Le risque d’une société à deux vitesses où cohabiteraient des citoyens intégrés par le travail et d’autres vivant à sa marge existe bel et bien et montre l’impérieuse nécessité de relancer une dynamique d’aménagement et de réduction du temps de travail.
Faire le pari de l’emploi c’est également viser sa juste répartition :
le passage au 39h a entraîné la création de 145 000 emplois sur trois ans, avec les 35h il s’agit de 350 000 sur quatre ans. Certes la réduction du temps de travail n’est pas une fin en soi, elle doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur la place du travail dans notre société, il n’en reste pas moins qu’elle constitue une politique de l’emploi redoutablement efficace quand elle est bien menée.
Face à la faillite sociale, économique et écologique du néolibéralisme il est encore temps d’engager nos politiques de l’emploi vers un futur plus souhaitable et soutenable, vers une vision qualitative de la production économique qui soit respectueuse des travailleurs et de l’environnement.
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