Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle

Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

L’ordonnance modifie à titre temporaire les règles d’indemnisation de certains salariés en chômage partiel et ouvre le dispositif à des publics qui en sont exclus normalement. Ses dispositions sont en vigueur à compter du 28 mars, s’éteindront au plus tard le 31 décembre 2020 (date déterminée par décret). Elles complètent le décret du 25 mars : https://beta.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041755956.

Les personnes à temps partiel bénéficient de la garantie d’une indemnisation minimum. Les salariés formés pendant l’activité partielle sont quant à eux indemnisés à hauteur de 70% de leur rémunération au lieu de 100%. Le dispositif peut en outre être imposé aux salariés protégés.

Une meilleure prise en compte des heures d’équivalence

L’article 1er adapte l’indemnisation des salariés placés en position d’activité partielle dans les secteurs soumis aux régimes d’équivalence. Il prévoit ainsi l’indemnisation des heures d’équivalence, compte tenu de l’impact très significatif de la situation sanitaire et de ces conséquences liées sur l’activité de ces secteurs.

L’ensemble des heures d’équivalence normalement travaillées est pris en compte pour le calcul de l’indemnité d’activité partielle. En temps normal, lorsque le salarié est employé dans le cadre d’un régime d’équivalence, les heures indemnisables sont limitées à la durée légale (ou conventionnelle). Par exemple, s’il travaille 20 heures au lieu de 39 heures pendant une semaine, il n’est indemnisé qu’à hauteur de la durée légale applicable, et donc au titre de 15 des heures chômées. Jusqu’au terme de la crise sanitaire son indemnisation se calcule à hauteur de 39 heures et donc au titre des 19 heures réellement chômées.

Rappel : les heures ou horaires d’équivalence (article L. 3121-9 du code du travail)

C’est une comptabilisation du temps de travail dérogatoire à la durée du travail afin de prendre en compte les période d’inaction ou « heures creuses » applicable aux salariés à temps plein, dans certains secteurs d’activité où la durée équivalente (par exemple 37h au lieu de 35) devient le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Par exemple, pour une durée équivalente de 37h en vigueur dans l’entreprise, les heures effectuées de 38 à 45h seront majorées de 25% et celles effectuées au-delà de 50%.

Toutes les heures de présence, par exemple quand le salarié « attend le client » ou les temps de garde, ne sont ainsi pas comptées comme du temps de travail effectif pour le calcul de la rémunération mais seulement pour les durées maximales de travail.

Principaux secteurs concernés :

  • commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers,
  • hospitalisation privée et secteur médico-social à caractère commercial,
  • établissements du secteur sanitaire et social avec hébergement gérés par des personnes privées à but non lucratif pour les permanences nocturnes en chambre de veille,
  • sapeurs-pompiers professionnels,
  • chauffeurs routiers,
  • ambulanciers,
  • surveillance de nuit,
  • enseignement privé hors contrat.

La couverture des salariés des entreprises publiques

L’article 2 ouvre le bénéfice de l’activité partielle aux entreprises publiques qui s’assurent elles-mêmes contre le risque de chômage.

Cette extension vise les salariés de droit privé des entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État (RTE, ADP, RATP, etc.) et les salariés soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières (IEG). Ces derniers peuvent donc désormais être mis en activité partielle et indemnisés comme les autres salariés.

Les sommes mises à la charge de l’Unédic dans ce cadre seront remboursées par les entreprises en auto-assurance concernées dans des conditions qui seront définies par décret.

L’extension de la rémunération mensuelle minimum (RMM) aux temps partiels

L’article 3 permet également aux salariés à temps partiel placés en position d’activité partielle de bénéficier de la rémunération mensuelle minimale prévue par les articles L. 3232-1 et suivants du code du travail, sous certaines conditions.

Le texte précise en ce sens que le taux horaire de l’indemnité d’activité partielle versée aux salariés à temps partiel ne peut être inférieur au taux horaire du Smic. La RMM garantit normalement une rémunération au niveau du Smic net, soit 8,03 € par heure chômée. Si le taux horaire de l’indemnité d’un salarié calculé sur la base de 70 % de son salaire horaire brut est inférieur au taux horaire du Smic, le salarié aura droit à une indemnité équivalente au produit des heures chômées par le montant du Smic horaire net.

En temps normal, le Code du travail ne garantit une telle RMM qu’aux salariés dont la durée du travail est au moins égale à 35 heures. La RMM des salariés à temps partiel est en effet proratisée.

Cependant cette extension de la RMM aux travailleurs à temps partiel par l’ordonnance ne s’applique pas aux salariés dont la rémunération horaire est inférieure au Smic. Le taux horaire de l’indemnité d’activité partielle versée à ces derniers est alors égal à son taux horaire de rémunération.

L’indemnisation des apprentis et contrats de professionnalisation

L’article 4 permet aux apprentis et aux salariés titulaires d’un contrat de professionnalisation de bénéficier d’une indemnité d’activité partielle égale à leur rémunération antérieure.

Les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation reçoivent ainsi une indemnité d’un montant égal au pourcentage du Smic qui leur est applicable en dehors des périodes d’activité partielle. Ils restent exclus des dispositions relatives à la rémunération mensuelle minimum mais seront indemnisés à hauteur de 100% de leur rémunération habituelle, et non de 70%.

Recul de l’indemnisation des salariés en formation

L’article 5 prévoit que les conditions d’indemnisation des salariés en formation pendant la période d’activité partielle sont alignées sur les conditions d’indemnisation de droit commun des salariés en activité partielle.

Cette disposition neutralise temporairement l’application des articles L.5122-2 et R. 5122-18 du code du travail qui prévoient, en temps normal, que les salariés en activité partielle sont indemnisés à hauteur de 100% de leur rémunération lorsqu’ils suivent une formation. Ainsi, les salariés en activité partielle, dont la formation a été acceptée après la publication de l’ordonnance, ne sont indemnisés qu’à hauteur de 70% de leur rémunération.

La moindre activité actuelle est une occasion de faire monter en qualification et en compétences les salariés sans avoir de conséquence sur la productivité de l’entreprise ; or cette mesure n’est assurément pas incitative pour les salariés à suivre une formation en ce moment.

L’activité partielle imposée aux salariés protégés

L’article 6 définit que l’activité partielle s’impose au salarié protégé, sans que l’employeur n’ait à recueillir son accord, dès lors qu’elle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé.

Un dispositif spécifique pour les particuliers employeurs

L’article 7 permet aux salariés employés à domicile par des particuliers employeurs et aux assistants maternels de pouvoir bénéficier à titre temporaire et exceptionnel d’un dispositif d’activité partielle qui suit quelques règles spécifiques.

Les particuliers employeurs sont ainsi dispensés de l’obligation de disposer d’une autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative pour mettre en activité partielle leurs employés. L’indemnité horaire versée par ces employeurs est égale à 80% de la rémunération nette. Elle ne peut être inférieure aux minima fixés par leur convention collective pour les employés à domicile, ou par la réglementation pour les assistants maternels. Les modalités d’application de ce dispositif temporaire doivent être fixées par décret.

En outre, afin de faciliter la mise en œuvre de ce dispositif par les employeurs, il simplifie pour ces salariés notamment les modalités de calcul de la contribution sociale généralisée, de manière exceptionnelle et temporaire, qui aujourd’hui dépendent du revenu fiscal de référence des intéressés et du niveau de leurs indemnités par rapport au salaire minimum de croissance.

Ce sont les Urssaf qui sont chargées de rembourser, pour le compte de l’État, les indemnités d’activité partielle versées par les particuliers employeurs. Ces derniers doivent tenir à disposition une attestation sur l’honneur, établie par leur salarié, certifiant que les heures donnant lieu à indemnité n’ont pas été travaillées. Les Urssaf procèdent, s’il y a lieu, à une compensation entre le montant des cotisations et contributions sociales restant dues par le particulier employeur au titre des périodes antérieures au 12 mars 2020 et le remboursement effectué au titre de l’indemnité d’activité partielle.

Par ailleurs, ces indemnités d’activité partielle sont exclues de l’assiette de la CSG.

Le cas des salariés au forfait annuel en jours et en heures

L’article 8 prévoit des modalités particulières de calcul de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle pour les salariés au forfait annuel en jours. La détermination du nombre d’heures prises en compte est alors effectuée en convertissant en heures un nombre de jours ou de demi-journées. Les modalités de cette conversion sont déterminées par un décret.

L’ordonnance prévoit par ailleurs que pour l’employeur de salariés non soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail, les modalités de calcul seront également déterminées par le décret. Ceci permettra principalement de calculer l’indemnisation des salariés au forfait annuel en heures.

Avant la réforme du dispositif opérée par le décret du 25 mars 2020 cité plus haut (art. 1, I. 5º), les salariés au forfait annuel en jours ou en heures ne pouvaient être placés en activité partielle qu’en cas de fermeture de leur établissement et non en cas de réduction d’activité.

L’indemnisation des salariés des entreprises étrangères

L’article 9 ouvre le bénéfice du dispositif de l’activité partielle aux entreprises étrangères ne comportant pas d’établissement en France et qui emploient au moins un salarié effectuant son activité sur le territoire national. L’affiliation de ces entreprises au régime français ou à celui de leur pays d’établissement pouvant être défini dans des conventions bilatérales, le bénéfice de ce dispositif est donc réservé aux seules entreprises relevant du régime français de sécurité sociale et de l’assurance-chômage.

La couverture des salariés des remontées mécaniques

L’article 10 ouvre le bénéfice de l’activité partielle aux salariés des régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial (SPIC) de remontées mécaniques ou de pistes de ski, qui leur avait été rendu possible à titre expérimental pour une durée de 3 ans, par l’article 45 de la loi de décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Il ne vise que les salariés soumis aux dispositions du Code du travail et dont l’employeur a adhéré au régime d’assurance chômage.

La simplification du calcul de la CSG

L’article 11 procède, pour l’ensemble des autres salariés, à des simplifications des modalités de calcul de la contribution sociale généralisée.

À titre dérogatoire, la CSG applicable aux indemnités d’activité partielle (hors le cas des particuliers employeurs) est calculée par simple application du taux de 6,2%. Les règles permettant d’exclure certaines indemnités d’activité partielle de l’assiette de contribution sociale généralisée ou d’appliquer un taux réduit en raison des faibles revenus de l’intéressé sont temporairement écartées.

Ordonnance portant sur la prolongation de la durée de validité des documents de séjour

Ordonnance portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour

Ordonnance prise sur le fondement de l’article 16 de la loi urgence

Il s’agit de prolonger de 90 jours la durée de validité des documents de séjour arrivés à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020 :

  • Visas de long séjour ;
  • Titres de séjour, à l’exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger ;
  • Autorisations provisoires de séjour ;
  • Récépissés de demandes de titres de séjour ;
  • Attestations de demande d’asile.

L’objet de cette prolongation est d’éviter les ruptures de droits et de permettre aux étrangers concernés de se maintenir régulièrement sur le territoire après la fin de validité de leur titre de séjour pour une période de 90 jours, en attendant que la demande de renouvellement de leur titre puisse être instruite par les préfets.

Remarques :

  1. L’habilitation permettait au gouvernement de prolonger la durée de validité jusqu’à 120 jours. Il a finalement opté pour une durée inférieure de 90 jours.
  2. À l’exception de ce point, l’ordonnance est un copier-coller de l’article d’habilitation du projet de loi. Il est assez surprenant dès lors que le gouvernement n’ait pas inscrit cette disposition directement dans le projet de loi.
  3. La prise en compte des seuls documents de séjour arrivés à expiration entre le 16 mars et le 15 mai place le gouvernement en situation de devoir légiférer de nouveau si l’évolution de la situation sanitaire ne permettait pas une reprise normale des activités des préfectures à la mi-mai.

Ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics

Ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics

Ordonnance prise sur le fondement des articles 4 et 11 de la loi d’urgence

L’ordonnance est très courte comprenant trois articles dont un seul de fond.

Il résulte en effet de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations réalisées dans leur poste comptable.

Ainsi, tout manquement à un des contrôles requis par la réglementation est susceptible d’aboutir, par la voie de la procédure du débet (ce qui reste dû après l’arrêté d’un compte), à ce qu’ils doivent rembourser sur leur patrimoine personnel les sommes concernées.

Cette ordonnance détermine les conditions de dérogation à ces dispositions. Ainsi, « les mesures de restriction de circulation et de confinement décidées par le Gouvernement à compter du 12 mars 2020 ainsi que l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée sont constitutifs d’une circonstance de la force majeure telle que prévue au V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963. »

Ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l’établissement de l’aide publique pour 2021

Ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l’établissement de l’aide publique pour 2021

ordonnance prise sur le fondement des articles 19 & 20 de la loi d’urgence

Le 2nd tour des municipales doit être organisé dans 4 816 communes où le premier n’a pas été décisif, sur un total d’environ 35 000. Les candidatures déposées les 17 et 18 mars, après le 1er tour, resteront bien valables, avec la possibilité de les retirer, confirme cette ordonnance qui compte 8 articles répartis en 3 chapitres. Une période complémentaire de dépôt de candidatures sera ouverte à une date fixée dans le décret de convocation du 2nd tour. Un rapport scientifique doit être remis au parlement le 23 mai au plus tard pour permettre d’apprécier la possibilité d’organiser ce 2nd tour dans des conditions sanitaires revenues à la normale. Les délais de dépôt des comptes de campagne seront par ailleurs aménagés.

Ces dispositions pourraient donc devenir caduques dès la fin mai 2020, s’il s’avère que l’épidémie ne permet toujours pas l’organisation du 2nd tour de scrutin qui pourrait être reporté à l’automne ou plus tard encore, avec des conséquences sur l’organisation des élections sénatoriales (qui doivent concerner la moitié de la Haute assemblée en septembre 2020).

Listes électorales

Le 2nd tour sera organisé au mois de juin « dans un cadre similaire à ce qui aurait été prévu en l’absence de report ». Ce qui signifie que les listes électorales arrêtées pour le 1er tour seront reprises pour le 2nd, avec quelques ajustements possibles : décès, électeurs devenus majeurs ou ayant acquis la nationalité française, inscriptions et radiations sur décision de justice… En revanche, toutes les éventuelles autres inscriptions sur les listes électorales ne seront prises en compte qu’après le 2nd tour.

Dépôt des candidatures

La loi d’urgence sanitaire établissait déjà que les déclarations de candidature peuvent être déposées « au plus tard le mardi suivant la publication du décret de convocation des électeurs, lui-même publié au plus tard le 27 mai 2020 ». L’ordonnance précise que les candidatures qui auraient été enregistrées en préfecture ou en sous-préfecture les 16 et 17 mars (donc juste après le 1er tour) restent bien valables. Et prévoit l’ouverture d’une « période complémentaire de dépôt des candidatures », qui permettra également aux candidats qui le souhaitent de retirer une candidature qu’ils auraient déjà déposée.

Communes de moins de 1 000 habitants

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, « seuls peuvent se présenter au 2nd tour de scrutin les candidats présents au 1er tour, sauf si le nombre de candidats au 1er tour est inférieur au nombre de sièges à pourvoir ». Il est précisé que « le nombre de sièges à pourvoir s’apprécie en fonction du nombre d’élus au 1er tour du scrutin, sans que ne soient pris en compte les vacances qui pourraient intervenir dans l’intervalle ».

Comptes de campagne

La loi d’urgence a reporté la date limite de dépôt des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) au 10 juillet 2020 pour les listes de candidats dans les communes de plus de 9 000 habitants qui ne seront pas présentes au 2nd tour (non admises ou ne se présentant pas), et au 11 septembre 2020 pour celles qui se présenteront au 2nd tour. L’ordonnance vient préciser que la date du 10 juillet vaut bien également pour les listes ayant été élues dès le 1er tour.

Liste d’émargement

« Afin de ne pas léser les requérants qui n’ont pu consulter la liste d’émargement après le 1er tour », explique le rapport accompagnant l’ordonnance, celle-ci permet à tout électeur requérant de se voir communiquer cette liste « à compter de l’entrée en vigueur du décret de convocation des électeurs pour le second tour, ou à défaut à compter de l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dans les communes pourvues entièrement dès le 1er tour ».

Démission d’un candidat élu

La démission d’un candidat élu au 1er tour « ne prend effet qu’à son entrée en fonction différée en application de la loi d’urgence » dans la mesure, note le rapport, où « l’on ne peut renoncer à un mandat que l’on ne détient pas encore »…

Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale

ordonnance prise sur le fondement des b, c, d et e du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Afin de s’adapter aux enjeux sanitaires et d’éviter les contacts physiques, mais aussi aux contraintes du confinement et des plans de continuation d’activité réduite des services, cette ordonnance suspend les délais de prescription de l’action publique et d’exécution des peines à compter du 12 mars 2020.

Elle assouplit les conditions de saisine des juridictions et allège leur fonctionnement, en autorisant plus largement des audiences dématérialisées et en élargissant les formations à juge unique.

Par ailleurs, l’ordonnance assouplit les règles de procédure pénale applicables aux personnes gardées à vue détenues à titre provisoire ou assignées à résidence. Elle permet à un avocat, avec son accord ou à sa demande, d’assister à distance une personne gardée à vue grâce à un moyen de télécommunication. Elle prolonge les délais maximums de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence durant l’instruction et pour l’audiencement. Elle allonge les délais de traitement des demandes de mise en liberté des personnes détenues à titre provisoire.

Enfin, l’ordonnance assouplit les conditions de fin de peine, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles.

Gardes à vue :

Il convient de s’assurer que l’intervention à distance de l’avocat prévu par l’article 5 de l’ordonnance ne puisse être envisagée qu’à titre subsidiaire et qu’à la condition expresse que l’avocat y ait explicitement consenti. Aussi, il faut que des moyens de protection soient garantis à tous dans les commissariats et gendarmeries.

Il est inadmissible qu’un justiciable voit sa privation de liberté prolongée sans qu’elle puisse être présentée devant le magistrat compétent pour en apprécier l’opportunité, faute de quoi le principe constitutionnel selon lequel « l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle » serait profondément atteint. Il faut que cette mesure soit appliquée pour des situations exceptionnelles et ne doit pas être appliquée à la garde à vue d’un mineur de 18 ans.

Principe de la collégialité en matière pénale :

Si le Code de procédure pénale a récemment ouvert les cas dans lesquels un justiciable peut voir son affaire examinée par un seul juge, la crise sanitaire ne devrait justifier le renversement du principe de collégialité. Aussi, les audiences pénales devraient se tenir dans les conditions prescrites par le Code de procédure pénale ou, à défaut de magistrats disponibles, être renvoyées à une date ultérieure.

Visio-conférences :

La loi d’habilitation ouvre dangereusement la porte à la généralisation de la visio-conférence en matière pénale. Il faut être vigilant par rapport à une éventuelle utilisation abusive qui pourrait altérer l’action de juger et d’être jugé.

Principe du contradictoire :

Le texte adopté évoque sans précision l’aménagement des modalités d’organisation du contradictoire devant les juridictions pénales. Une décision de justice est avant toute chose le résultat d’un échange d’arguments entre parties. Le débat oral et contradictoire constitue une étape essentielle à l’élaboration d’un jugement pénal ; il appartient aux autorités de préserver, en toutes circonstances, cette idée et de prendre les mesures sanitaires appropriées pour la rendre durablement possible.

Détentions provisoires et délais d’audiencement :

L’article 16 autorise d’inédites prolongations de détention provisoire : « sont prolongés plein droit de 2 mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à 5 ans et de 3 mois dans les autres cas […] Ce délai est porté à 6 mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel. Les prolongations prévues à l’alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de 16 ans, en matière criminelle ou s’ils encourent une peine d’au moins 7 ans d’emprisonnement. ».

Cette mesure pose un grave problème. Rien ne justifie que l’on puisse prolonger au-delà des délais actuels, déjà suffisamment longs, le placement en détention provisoire de personnes incarcérées bénéficiant de la présomption d’innocence. L’incarcération est inscrite dans le Code de procédure pénale comme étant une mesure exceptionnelle et pourtant nos prisons sont pleines de personnes en détention provisoire. Cette mesure apparaît d’autant plus problématique qu’en raison de la promiscuité bien connue dans nos établissements pénitentiaires du fait du manque de places, les règles de confinement sont absolument intenables et la situation sanitaire pourrait ainsi se dégrader rapidement.

Juge des Libertés :

L’article 18 aggrave encore la situation. « Les délais impartis à la chambre de l’instruction ou à une juridiction de jugement par les dispositions du code de procédure pénale pour statuer sur une demande de mise en liberté sur l’appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté, ou sur tout autre recours en matière de détention provisoire et d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de contrôle judiciaire, sont augmentés d’un mois. Les délais impartis au juge des libertés et de la détention pour statuer sur une demande de mise en liberté sont portés à six jours ouvrés. »

Si les audiences devant le juge des libertés et de la détention ou les juridictions de jugement ne peuvent se tenir dans les délais prévus par les textes, il appartient à l’institution judiciaire d’en tirer les conséquences légales et d’ordonner la mise en liberté des personnes détenues. Cette position s’impose avec d’autant plus de force que les établissements pénitentiaires connaissent aujourd’hui des taux de saturation élevés, exposant les personnes détenues à des risques de contamination inégalés à l’extérieur.

Exécution des peines :

La rédaction de l’ordonnance concernant la situation des personnes détenues (articles 21 à 29) est particulièrement floue. Or, le droit positif offre un certain nombre de possibilités aux juridictions pour favoriser la limitation de la propagation du virus en détention et la protection des droits des personnes détenues.

Peut-être peut-il être envisagé le prononcé de grâces individuelles pour les personnes exécutant des courtes peines ou ayant un faible reliquat de peine ? Une loi d’amnistie pourrait également être envisagée.

Des mesures exceptionnelles contestées :

De vives réactions se sont manifestées, notamment du côté du Syndicat de la magistrature qui a annoncé dans un communiqué publié le 26 mars contester les ordonnances au regard de leurs conséquences sur les droits des personnes.

Il alerte sur le fait que de longs mois d’application de ces dispositions risquent d’avoir un effet de contamination sur le droit commun, et refuse que ces textes soient le prétexte à de nouveaux errements de la chancellerie, au travers d’une invitation plus ou moins appuyée ou subliminale que l’on peut résumer ainsi : « nous avons vidé les tribunaux des parties, vous pouvez revenir travailler ! »

Pour le Syndicat des avocats de France (SAF), la vigilance est le maître-mot : « Parce que nous savons que les lois d’exception servent d’expérimentation pour les gouvernements, nous serons particulièrement vigilants quant à l’inscription de l’ensemble de ces mesures dans la durée » écrivait-il dans une lettre ouverte à la Garde des Sceaux.

Une coincidence surprenante

Les craintes du syndicat de la magistrature et du syndicat des avocats de France, sur le fait que tout ceci ne serve de prétexte pour « sortir » avocats et juges du palais, me paraissent d’autant plus justifiées qu’il faut mettre en regard le fait que cette ordonnance arrive au même moment où le dispositif DATAJUST entre en application : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041763205&categorieLien=id&fbclid=IwAR1PARs4QGnubLBZFFilJZo7iHHEsSoKFJaEsOtOtW53nTG9-H2BN5Qslxg

Ce dispositif a pour objet de recueillir un grand nombre de décisions de justice afin de développer un algorithme permettant d’élaborer un référentiel d’indemnisation des préjudices corporels. Les dispositions analysées vont donc conduire à la création d’un référentiel d’indemnisation pour les victimes de dommages corporels : assurément la matière pour laquelle la mise en œuvre de la justice prédictive s’annonce la plus aisée.

A l’heure actuelle, il n’existe pas un, mais des référentiels : celui de l’ONIAM, le référentiel MORNET, le référentiel « indicatif » des cours d’appel édité par l’ENM. Offrir une visibilité sur le sens des décisions intervenues présente alors certains avantages. L’harmonisation des pratiques entre le juge judiciaire et le juge administratif – souvent moins généreux pour indemniser les victimes avec des deniers publics – peut également s’avérer salutaire.

Reste que l’élaboration automatisée de ce référentiel, et, surtout les utilisations qui en seront faites prêtent le flanc à la critique.

En premier lieu, la transparence induite doit permettre de « favoriser le règlement amiable » des contentieux et ainsi éviter des procès. Le Conseil Constitutionnel rappelant qu’il est parfois nécessaire d’écarter les justiciables des prétoires. Ainsi, selon lui « réduire le nombre des litiges soumis au juge » poursuit « l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ». (CC, 21 mars 2019, n°2019-778 DC).

L’objectif affiché de « raisonner» les parties en leur fournissant des informations objectives peut-il se traduire par une baisse des demandes extravagantes ? La grande diffusion des informations juridiques – par le biais d’internet notamment – ne décourage que rarement les justiciables à agir au motif qu’ils auraient constaté que l’action envisagée était infondée…

En deuxième lieu, les risques inhérents à la mise en œuvre du dispositif évoqué seraient que les juridictions s’y réfèrent hors éléments de contextes et au détriment de la subjectivité nécessaire au jugement de chaque affaire. Quelle attention portera le juge à la spécificité du dossier dès lors qu’un barème « objectif» sera mis à sa disposition ?

La tendance à l’adoption de solutions déconnectées des situations réelles sera d’autant plus présente dans un contexte général peu propice à l’étude des dossiers au cas par cas : Raréfaction de l’oralité dans les débats judiciaires, surcharge de travail des magistrats, allongements des délais entre la plaidoirie et le délibéré… Voilà autant d’éléments qui incitent les magistrats à se référer à une solution « clé en main ». On mesure ici comme dans la santé les conséquences néfastes des choix budgétaires austéritaires des 15 dernières années.

En troisième lieu, se pose la question du contrôle des décision qui « nourrissent » cet algorithme. Comment s’assurer que la base de données créée est neutre comment corriger les « biais » de l’algorithme ? L’absence de « neutralité technicienne » pose nécessairement problème. Elle s’avère d’autant plus dangereuse lorsqu’elle concerne la justice.

Ordonnance n° 2020-305 et 2020-304 – juridictions de l’ordre administratif et syndic de copropriété

Ordonnance n° 2020-305 et 2020-304 – juridictions de l’ordre administratif et syndic de copropriété

Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 adaptant les règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif

ordonnance prise sur le fondement des b et c du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance permet de renforcer des formations collégiales incomplètes par des magistrats d’autres juridictions, d’informer les parties par tout moyen des dates d’audience, de recourir largement aux télécommunications pour tenir les audiences.

Elle autorise le juge des référés à statuer sans audience, de même que les cours administratives d’appel sur les demandes de sursis à exécution.

Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 adaptant les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété

ordonnance prise sur le fondement des b et c du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance allège le fonctionnement des juridictions civiles, sociales et commerciales, en assouplissant les modalités d’organisation des audiences et en permettant l’information des parties et l’organisation du contradictoire par tout moyen.

Enfin, pour faciliter le fonctionnement des copropriétés, l’ordonnance prévoit le renouvellement de contrats de syndic de copropriété qui expirent ou ont expiré depuis le 12 mars 2020.

Remarques :

Il serait problématique que la crise sanitaire bouleverse les principes essentiels qui gouvernent cette matière et entraîne la prolongation de mesure restrictives de liberté en dehors de toute nécessité éducative.

Ces mesures sont fortement attentatoires aux droits des parents et des enfants, sans aucun exercice du contradictoire. Il y a matière à être vigilants.

Remarques sur ces 2 ordonnances :

La publicité des audiences figure parmi les garanties apportées au justiciable au titre du droit au procès équitable. Il appartient dès lors aux juridictions d’organiser l’accueil du public de façon à satisfaire ce principe. Une absence de publicité et la banalisation du huis-clos seraient sources d’inquiétude et fragiliseraient l’assise démocratique de l’institution judiciaire.

Ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

Ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

La prorogation des délais échus durant l’état d’urgence sanitaire est une garantie pour les demandeurs à une action en réparation écartant de fait toute prescription ou interruption de leur requête en matière d’amiante ou d’accidents médicaux. C’est l’objet principal de cette ordonnance qui définit un régime spécial de prorogation des délais échus pour les victimes de dommages consécutifs à une exposition à l’amiante et aux accidents médicaux.

Depuis 2001 pour les victimes de l’amiante et 2002 pour les victimes de dommages consécutifs à un acte médical ou thérapeutique, il existe un droit à la réparation sous de strictes conditions procédurales par la solidarité nationale, avec le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) pour l’amiante, l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (ONIAM) pour les dommages éponymes.

Selon l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

  • les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante au titre de la législation de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité ;
  • les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition à l’amiante sur le territoire national ;
  • les ayants droit de ces personnes.

L’offre d’indemnisation doit être présentée dans un délai de 6 mois à compter de la réception de la demande par le FIVA. Afin de tenir compte des circonstances actuelle, l’article 1er de l’ordonnance prolonge de 3 mois lorsque les délais expirent, entre le 12 mars et une date fixée par arrêté qui ne dépassera pas le 12 juillet 2020.

Créé par les lois du 4 mars et 31 décembre 2002, l’ONIAM est un établissement public administratif  chargé d’indemniser et dans les conditions fixées par le Code de la santé publique (art. L. 1142-22), les dommages occasionnés par la survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale ainsi que l’indemnisation des victimes du Benfluorex, de la Dépakine, de mesures de vaccination obligatoire ou de mesures sanitaires d’urgence.

L’indemnisation de ces dommages repose sur une procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales pour laquelle différentes instances sont appelées à intervenir (commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, commission nationale des accidents médicaux, ONIAM).

Afin de tenir compte du régime procédural et des conséquences de l’épidémie, l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 prolonge l’ensemble des délais lorsqu’ils arrivent à échéance entre le 12 mars et une date fixée par arrêté qui ne dépassera pas le 12 juillet 2020.

L’ensemble de ces mesures vont plutôt dans le bon sens.

Dans son avis du 18 mars dernier, le Conseil d’État proposait de modifier le projet de loi d’urgence et de rendre applicables dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire les mesures connexes aux mesures de police prévues en cas de menace sanitaire grave, soit exonération de la responsabilité civile des professionnels de santé en cas de dommages résultant des mesures administratives, prise en charge de l’indemnisation des préjudices par l’ONIAM (art. L. 3131-3 et L. 3131-4). Cette proposition est désormais inscrite à l’article L. 3131-20, tel qu’issu de la loi d’urgence.

Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives

Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance prétend « assurer la continuité de l’action administrative en aménageant les règles délibératives ». Cependant, il est bien précisé que ce texte ne concerne pas les « organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements qui feront l’objet d’un texte spécifique »*.

L’ordonnance permet aux établissements publics, aux autorités administratives indépendantes, à des personnes privées chargées d’une mission de service public administratif ou « à toute instance collégiale administrative, notamment les instances de représentation du personnel », de délibérer, pendant cette période, par voie dématérialisée. Elle organise en outre la délégation de certaines compétences de l’organe délibérant de ces instances au profit de l’organe exécutif et prolonge les mandats « au plus tard jusqu’au 30 juin 2020 ou, lorsque ce renouvellement implique de procéder à une élection, jusqu’au 31 octobre 2020 ». Elle est applicable à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

L’ordonnance vise tout d’abord à étendre aux établissements publics les dispositions de l’ordonnance de novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial qui prévoyait :

  • la possibilité d’organiser une délibération au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ;
  • qu’une délibération peut être organisée par tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie ;
  • les modalités d’organisation et d’information de ces délibérations.

Cette extension concerne les conseils d’administration ou organes délibérants en tenant lieu, organes collégiaux de direction ou collèges des établissements publics quel que soit leur statut, de la Banque de France, des groupements d’intérêt public, des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, et des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif.

Elle s’applique enfin aux commissions administratives, à toute autre instance collégiale administrative ayant vocation à adopter des avis ou des décisions, notamment les instances de représentation des personnels, quels que soient leurs statuts, et enfin aux organismes HLM.

En vue de l’adoption de mesures présentant un caractère d’urgence, cette ordonnance permet à l’organe délibérant de déléguer certains de ses pouvoirs, selon le cas, au titulaire de l’autorité au sein de ces établissements, sans tenir compte de dispositions contraires des statuts de ces entités. Par tout moyen, le titulaire de la délégation rend compte des mesures prises au conseil d’administration, à l’organe délibérant ou à l’instance collégiale. Cette délégation, qui est exécutoire dès son adoption, prend fin au plus tard un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Il est ainsi désormais envisageable d’organiser des réunions à distance du comité technique, des commissions administratives paritaires, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ainsi que des commissions consultatives paritaires, et ce alors même que les dispositions spécifiques propres (nationales ou internes) à chaque instances ne le permettent pas.

En cas d’impossibilité avérée de tenir les réunions, y compris de manière dématérialisée, de l’organe délibérant, son président ou l’un de ses membres désignés par l’autorité de tutelle peut en exercer les compétences afin d’adopter des mesures présentant un caractère d’urgence jusqu’à ce que cette instance puisse de nouveau être réunie et ce jusqu’à la fin de la période d’application de l’ordonnance.

Le président de l’organe délibérant tient informée l’autorité de tutelle ou l’autorité dont il relève ainsi que les membres de l’instance et le directeur général de sa décision de mettre en œuvre cette disposition. Il rend compte à l’instance dès que celle-ci peut de nouveau être réunie.

Par ailleurs, l’ordonnance autorise le collège ou organe délibérant d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante à déléguer à l’organe exécutif de cette autorité certaines de ses compétences, à la seule fin d’adopter des mesures présentant un caractère d’urgence et à l’exception des compétences exercées en matière de sanction, par délibération adoptée dans les conditions fixées par cette ordonnance. Par tout moyen, l’organe exécutif tient informé le collège ou organe délibérant de l’autorité des décisions prises dans ce cadre. Cette délégation prend fin au plus tard à l’expiration de la période d’application de l’ordonnance.

Une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions d’une de ces autorités peut tenir une audience ou délibérer en visio-conférence selon les modalités autorisées par l’ordonnance.

Le mandat des membres des organes, collèges, commissions et instances visés par l’ordonnance ainsi que les dirigeants des organismes et autorités sont prolongés jusqu’au 30 juin 2020 (30 octobre 2020 quand leur remplacement implique une élection), sans tenir compte de toute limite d’âge ou interdiction de mandats successifs. Les mandats des membres des comités d’agences et des CHSCT des agences régionales de santé sont, quant à eux, prolongés jusqu’au 1er janvier 2021.

Les décisions et délibérations prises dans le cadre de l’application de cette ordonnance peuvent se faire en dépit du non-respect des règles de quorum et si ces instances sont incomplètes. Enfin, l’ordonnance reporte le délai limite de mise en place des comités d’agence et des conditions de travail au 1er janvier 2021


*   Les établissements publics créés par les collectivités semblent bien entrer dans le champ de cette ordonnance (CCAS, centres sociaux et médico-sociaux, caisses des écoles, caisses de crédit municipal, établissements publics de coopération culturelle, services départementaux d’incendie et de secours…) et l’organisation de délibérations à distance pour les instances de représentation des personnels concerneraient bien les instances de dialogue social des collectivités et les instances médicales (CAP, CT, CHSCT, commission de réforme et comité médical). Le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique, Olivier Dussopt, avait effectivement annoncé il y a quelques jours une ordonnance permettant la réunion à distance des instances de dialogue dans la fonction publique territoriale.

Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

L’ordonnance assouplit fortement les règles encadrant le fonctionnement des collectivités locales afin de prendre en compte la crise sanitaire et l’actuel confinement. Les exécutifs locaux bénéficient de pouvoirs largement renforcés.

Le pouvoir plus que jamais confié aux exécutifs locaux

Chaque président d’exécutif local (maire, président EPCI à fiscalité propre, d’établissement public territorial, de conseil départemental, régional ou de collectivité à statut particulier) se voit ainsi confier automatiquement l’intégralité des pouvoirs qui, auparavant, pouvaient lui être délégués par son assemblée délibérante. Il pourra lui-même en déléguer tout ou partie à un autre élu de l’exécutif ou aux directeurs généraux dans les conditions de droit commun. Une disposition que l’ordonnance justifie par la nécessité pour les communes de prendre des « décisions rapides ».

Les pleins pouvoirs des patrons d’exécutifs locaux sont également budgétaires : ils pourront souscrire les lignes de trésorerie nécessaires « dans des limites fixées soit antérieurement par l’assemblée délibérante elle-même, soit par le montant total du besoin budgétaire d’emprunt, soit par 15% des dépenses réelles figurant au budget ».

En contrepartie, le projet d’ordonnance prévoit que les attributions confiées aux exécutifs locaux feront l’objet d’un double contrôle :

  • les organes délibérants seront informés au fil de l’eau des décisions prises dans le cadre de ces délégations, ils pourront dès leur première réunion modifier ou supprimer les délégations, et ils pourront in fine, après avoir repris leurs attributions, réformer les décisions prises dans le cadre de ces délégations, sous réserve des droits acquis ;
  • les décisions prises dans le cadre de ces délégations seront soumises au contrôle de légalité de l’autorité préfectorale compétente.

Et un 5ème des membres de l’assemblée délibérante pourra, sur un ordre du jour déterminé, demander la réunion de l’assemblée dans un délai de 6 jours.

Les élus locaux ainsi que les futurs conseillers municipaux qui ne sont pas encore installés seront destinataires de l’ensemble des décisions prises par l’exécutif local.

Des modalités de réunions très assouplies

Le texte prévoit des dérogations aux règles régissant les délégations aux exécutifs locaux et assouplit transitoirement les modalités de réunion à distance des organes des collectivités et intercos.

L’obligation trimestrielle de réunir l’assemblée délibérante est suspendue pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Chaque élu pourra détenir deux procurations au lieu d’une actuellement et les conditions de quorum seront assouplies puisque seule la présence d’un tiers des membres est requise. L’ordonnance permet d’étendre ces conditions aux commissions permanentes des conseils départementaux, régionaux ainsi qu’aux bureaux des EPCI.

Tous les moyens permettant de procéder à distance (visio-conférence, audioconférence, tchat) sont autorisés « sous réserve que tous les participants aient bien pris connaissance des modalités techniques permettant de se connecter à cette téléconférence ». Et attention : tout vote devra se faire au scrutin public. De plus, le quorum sera apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance. Pour les organes délibérants soumis à obligation de publicité, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique. L’assemblée délibérante peut également continuer à décider de se réunir à huis clos.

Enfin, le délai de convocation en urgence des conseils d’administration des SDIS est réduit. Ces conseils sont d’ailleurs soumis aux règles relatives Il rend par ailleurs à l’organisation de réunions par visio-conférence.

Le texte allège également les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités. Il s’agit de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) ou d’une collectivité à statut particulier, des missions communales d’information et d’évaluation, des commissions permanentes ou non des départements, régions ou collectivités à statut particulier, des bureaux des EPCI, des pôles métropolitains ou des conseils de développement. Ces organismes devront seulement être nécessairement informés.

Contrôle de légalité aménagé

Concernant le contrôle de légalité, l’ordonnance assouplit transitoirement les modalités de transmission des actes, sans remettre en question les voies de transmission habituelles (par papier et par le biais du système d’information actes auquel une majorité de collectivités et groupements sont déjà raccordés).

Le texte autorise ainsi la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Afin d’être considérée comme régulière, cette modalité de transmission par voie électronique devra cependant répondre à plusieurs exigences tenant notamment à la bonne identification de la collectivité émettrice.

Par ailleurs, l’accomplissement des formalités de publicité des actes réglementaires des autorités locales, qui conditionnent leur entrée en vigueur et déterminent le point de départ des délais de recours, est facilité. La publication des actes réglementaires peut être assurée, à titre dérogatoire, que sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales lorsqu’il existe, sous réserve qu’ils soient publiés dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions permettant d’en assurer la conservation, d’en garantir l’intégrité et d’en effectuer le téléchargement.

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

ordonnance prise sur le fondement des articles 4 & 11 de la loi d’urgence

Le confinement s’est traduit pour les entreprises par l’arrêt ou la réduction de leur activité. Or les actions gouvernementales de soutien aux entreprises ont rapidement montré leurs limites (une entreprise peut ne pas être éligible aux prêts aidés/garantis par l’État (Bpi France) lorsqu’elle est « en difficulté » au sens de la législation européenne, alors que pourtant il avait été indiqué que le droit de l’union européenne concernant les aides d’Etat serait suspendu). La nécessité d’un traitement judiciaire – au mieux préventif – mais spécifique s’est rapidement imposée. C’est à cela que veut répondre la présente ordonnance. Plusieurs dispositions du Livre VI du code de commerce sont ainsi adaptées au contexte de la crise sanitaire.

L’ordonnance adapte d’abord des règles pour l’ouverture des procédures, règles applicables aux tribunaux et aux organes de la procédure dès le lundi 30 mars 2020 (I). Elle adapte également les règles applicables aux procédures en cours en prolongeant les délais de procédure et les plans (II).

I – L’adaptation des règles applicables à l’ouverture de la procédure

A – L’ouverture d’une procédure collective ou de conciliation

Une entreprise (au sens large) ou une association peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation ou une procédure collective. Le rapport accompagnant l’ordonnance précise que le débiteur « et lui seul » peut demander l’ouverture de la procédure, quelle qu’elle soit, ce qui écarte toute assignation par un créancier.

L’ordonnance a simplifié la procédure d’ouverture en incitant le débiteur à ne pas comparaître devant le tribunal. Celui-ci peut en effet saisir la juridiction par une remise au greffe, et formuler ses prétentions et ses moyens par écrit sans se présenter à l’audience, en insérant la demande d’autorisation prévue à l’article 446-1, alinéa 2, du code de procédure civile. Le président du tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen.

Dans le même esprit, les communications entre le greffe du tribunal, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, ainsi qu’entre les organes de la procédure, sont également simplifiées puisqu’elles peuvent se faire par tout moyen conformément à l’ordonnance n° 2020-304 adaptant les règles des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale. D’ailleurs, l’article 7 de l’ordonnance permet de tenir les audiences grâce à un moyen de communication audiovisuelle, c’est-à-dire par visio-conférence et, en cas d’impossibilité technique ou matérielle d’y recourir, par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Ces règles dérogatoires s’appliquent jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Remarque :

L’ordonnance met donc fin à certaines spéculations puisque l’on pouvait douter de la possibilité d’ouvrir ces procédures après l’intervention d’Emmanuel Macron le 12 mars 2020 annonçant qu’« aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite ». Au demeurant, au regard des difficultés de mise en œuvre du fonds de solidarité et de la garantie d’emprunt de la BPI, cette nouvelle contradiction de la parole de l’exécutif ne manque pas de décevoir nombre de chefs d’entreprise.

B – La fixation légale de l’état de cessation des paiements

L’ordonnance précise que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 ». Cette appréciation de la situation des entreprises s’appliquera jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette date est également celle retenue en matière agricole pour apprécier l’état de cessation des paiements lorsque l’accord conclu dans le cadre de la procédure de règlement amiable n’y a pas mis fin.

Toutefois, l’ordonnance laisse ici en suspens les demandes de redressement judiciaire déposées avant le 12 mars 2020 et non instruites par la juridiction avant le 12 mars 2020. Si l’hypothèse est peu probable pour les juridictions consulaires qui tiennent des audiences hebdomadaires, elle mérite d’être soulevée pour les tribunaux judiciaires qui font face à des délais d’instruction des demandes de redressement plus longs et peuvent avoir à connaître des déclarations de cessation des paiements déposées avant le 12 mars 2020.

La fixation légale de la date de cessation des paiements présente plusieurs intérêts :

  1. Les entreprises peuvent bénéficier des mesures ou procédures préventives telles que la procédure de conciliation ou la procédure de sauvegarde, même si elles sont en état de cessation des paiements après le 12 mars et pendant la période correspondant à l’état d’urgence sanitaire majorée de 3 mois. En matière agricole, l’article 3 de l’ordonnance précise que l’aggravation de la situation du débiteur à compter du 12 mars 2020, jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, ne peut faire obstacle à la désignation d’un conciliateur dans le cadre de la procédure de règlement amiable.
  2. Le processus de garantie des salaires est accéléré ; il est permis au mandataire judiciaire d’envoyer « sans délai » les créances salariales dès l’ouverture de la procédure, et de déclencher le versement des sommes par le régime de garantie des salaires (AGS ; art. 1er, I, 2°).
    L’ordonnance reste toutefois silencieuse sur les formalités de recueil des observations du représentant du personnel par le mandataire judiciaire. La présentation des relevés de créances salariales se fait toujours sous la responsabilité du mandataire de justice qui veillera à fournir des informations vérifiées.
  3. La fixation légale de la date d’état de cessation des paiements évite d’exposer le débiteur personne physique ou le dirigeant de la société débitrice à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements. Le rapport lié à l’ordonnance énonce : « La fixation au 12 mars 2020 de la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements ne peut être conçue que dans l’intérêt du débiteur ». L’ordonnance a toutefois réservé les modalités de report prévues à l’article L. 631-8 du code de commerce, relatif aux nullités de la période suspecte afin d’éviter toute fraude aux droits des créanciers.

II – La prolongation des procédures et des plans

A – La prolongation de la procédure de conciliation

Afin de favoriser les procédures amiables, l’ordonnance prévoit que la durée de la conciliation est prolongée de plein droit de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (art. 1er, II).

Cette mesure inscrit un principe de réalité lié au risque d’inertie des négociations avec les créanciers pendant la période couverte par la loi d’urgence, et aux difficultés auxquelles le débiteur et le conciliateur seront confrontés pour reprendre les négociations à l’issue de cette période. Aussi, jusqu’à l’expiration du délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, il sera également possible d’ouvrir une nouvelle procédure de conciliation sans respecter le délai de 3 mois prévu à l’article L. 611-6 du code de commerce (art. 1er, II).

On peut peut-être ici regretter que l’ordonnance n’ait pas étendu cette disposition au mandat ad hoc en cours au 24 mars 2020. En effet, l’ordonnance d’ouverture du mandat ad hoc peut prévoir une durée (par exemple 6 mois), durée qui peut être prorogée sur demande du mandataire ad hoc et sur ordonnance présidentielle (?!).

Remarques : Il aurait été cohérent de prévoir la prorogation également pour le mandat ad hoc, ce qui aurait évité au mandataire ad hoc de présenter une requête au Président qui devra traiter des demandes plus urgentes.

B – La prolongation générale des délais de procédure pour les mandataires de justice

Le IV de l’article 1er de l’ordonnance permet au président du tribunal de prolonger les délais de procédure du Livre VI du code de commerce imposés à l’administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire, au liquidateur ou au commissaire à l’exécution du plan, d’une durée équivalente à la durée de la période de l’état d’urgence sanitaire à laquelle seront ajoutés 3 mois. La requête peut être formée jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Cette disposition permet une prorogation des délais habituels qui risquent de ne pas pouvoir être respectés dans le contexte d’urgence sanitaire. Il appartiendra alors au président du tribunal d’apprécier, au cas par cas, dans quelle mesure les circonstances exceptionnelles justifient une prolongation de ces délais. Tel sera le cas par exemple du délai imposé au liquidateur pour la réalisation des actifs du débiteur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

C – La prolongation de la période d’observation et la suppression de l’audience « intermédiaire »

S’agissant de la période d’observation, l’ordonnance prévoit plusieurs mesures d’adaptation. La durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire à laquelle un mois aura été ajouté (art. 2, II, 1°). La période d’observation fixée par la cour d’appel, prévue à l’article L. 661-9 du code de commerce, est également prolongée.

L’ordonnance supprime par ailleurs, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’audience « intermédiaire » qui doit se tenir en principe au plus tard dans un délai de 2 mois à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire (art. L. 631-15, I du code du commerce) afin que le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation. Le rapport initialement établi par l’administrateur judiciaire ou le cas échéant par le débiteur est également suppimé. Reste cependant ouverte la possibilité pour le tribunal d’ordonner, à tout moment de la période d’observation, la cession partielle de l’activité ou de prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible (art. L. 631-15, II du code du commerce).

Remarques :

Si la suppression de cette audience dans le contexte sanitaire est plutôt opportune sur un plan économique en raison de l’absence totale ou partielle de chiffre d’affaires, elle peut être aussi périlleuse. Alors que la trésorerie est mise à rude épreuve, l’administrateur judiciaire sera amené à informer les organes de la procédure de la capacité de l’entreprise à financer la période d’observation. Cette communication pourrait prendre la forme d’un rapport permettant de savoir si l’entreprise est en capacité de pouvoir poursuivre son activité ou si, à l’inverse, une conversion en liquidation judiciaire s’impose (pour la prise en charge des salaires par l’AGS par exemple).

En l’absence d’administrateur judiciaire, le tribunal pourrait-il ouvrir une procédure de redressement judiciaire et ensuite laisser le dirigeant de l’entreprise sans jalon ? Cela paraît risqué, compte tenu des nombreuses difficultés auxquelles devra faire face le dirigeant, sauf à mettre à la charge du mandataire judiciaire, dont ce n’est ni le rôle ni la responsabilité, l’élaboration et la communication d’une information financière sur la situation de l’entreprise.

D – La prolongation des plans et de la liquidation judiciaire simplifiée

La prolongation de plein droit

L’article 2, II, de l’ordonnance prolonge de plein droit, sans tenue d’audience ou jugement, les durées relatives au plan, au maintien de l’activité et à la liquidation judiciaire simplifiée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire plus un mois.

Cette prolongation est fondamentale pour les entreprises en plan pour éviter un état de cessation des paiements en raison de l’impossibilité de payer l’échéance du plan. Cela permet également au commissaire à l’exécution du plan d’avoir une base justificative pour ne pas solliciter la résolution du plan. Le report d’exigibilité semble toutefois limité pour les entreprises.

Or, l’entreprise devrait avoir besoin de mobiliser toutes ses ressources au 2ème semestre 2020 et en particulier sa trésorerie pour assurer un redémarrage de l’activité. Il aurait été peut-être opportun d’instaurer « une année blanche » et de décaler le plan d’un an.

La prolongation sur requête

Des délais supplémentaires pourront être accordés uniquement sur requête tels qu’encadrés par l’ordonnance. D’abord, sur requête du commissaire à l’exécution du plan, le président du tribunal peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, prolonger les plans dans la limite de 3 mois après l’état d’urgence sanitaire (art. 1er, III, 1°). Une prolongation d’une durée maximale d’un an peut être prononcée sur requête du ministère public. Ensuite, après l’expiration du délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire et pendant un délai de 6 mois, le tribunal peut, sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, prolonger le plan pour une durée maximale d’un an (art. 1er, III, 2°).

S’agissant de ces prorogations de la durée du plan, le rapport au président de la République précise bien qu’elles sont possibles sans devoir respecter la procédure contraignante d’une modification substantielle du plan initialement arrêté par le tribunal.

E – La prolongation des délais de couverture des créances salariales

Les délais de couverture des créances salariales par l’AGS prévus aux 2° et 5° de l’article L. 3253-8 du code du travail sont également prolongés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire pour une durée d’un mois au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire. Ces délais concernent les créances résultant de la rupture des contrats de travail à la suite d’un plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, ou pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation, ou à la suite d’une liquidation immédiate ou par conversion (art. 2, II, 2° et 3°).

Ces dispositions sont justifiées à juste titre par l’impossibilité pour l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire, de respecter des délais imposés pour la prise en charge de salaires ou indemnités par l’AGS. Il en est ainsi notamment pour la rupture du contrat de travail qui doit être réalisée dans les 15 jours de l’ouverture de la procédure de liquidation. Le non-respect de ce délai est une cause de refus de prise en charge par l’AGS. Le rapport lié à l’ordonnance précise que « la prolongation du délai accordé au mandataire de justice n’aurait pas de sens si les limites de la garantie de l’AGS n’étaient pas adaptées ».

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