Le gouvernement profite-t-il de la crise sanitaire pour tuer l’Assurance Chômage ?

La pandémie et la crise sanitaire ont débouché en mars dernier sur un confinement qui a mis au « chômage forcé » quelques 8 millions de salariés français. Les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire continuent de se faire sentir durement et nous ne sommes qu’au début du phénomène. Quel que soit le rebond économique espéré après la mise à l’arrêt de l’activité économique au printemps et une fois que nous serons sortis de la crise sanitaire, les conditions générales ont fragilisé des milliers d’entreprises – et certaines ne seront pas capable de s’en remettre – et détruit des milliers d’emplois ; les destructions d’emplois vont se poursuivre et on ne compte plus aujourd’hui les entreprises qui profitent de l’ambiance économique générale pour tenter de justifier des plans sociaux qui n’ont pas grand chose à voir avec la crise sanitaire ou avec la situation économique réelle des sites concernés.

La question de l’assurance chômage et de son devenir est donc plus cruciale que jamais. Force est de constater que l’inventivité du gouvernement sur le « chômage partiel » contraste avec sa frilosité concernant la réforme de l’assurance chômage.

Généralisation du dispositif « activité partielle » : avantages et inconvénients

En effet, arguant de la nécessité de parer au plus pressé le gouvernement Philippe a généralisé, avec la loi sur l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances du printemps, le dispositif « activité partielle », faisant un parallèle discursif avec les dispositifs de chômage partiel qui avaient si bien réussi à l’Allemagne au cœur de la crise financière de 2008. Discours relativement bien reçu dans la population et chez toutes les organisations politiques. Avec quelques mois de recul, il faut maintenant faire le bilan.

Personne ne reprochera au gouvernement d’avoir permis ainsi de préserver l’emploi et des milliers d’entreprises en « nationalisant les salaires ». Sauf qu’il faut relativiser cette expression de « nationalisation des salaires » car elle n’a été que partielle. Dans l’urgence – l’urgence parfois devient pratique après coup –, le gouvernement a imposé par ordonnance une généralisation à huit millions de travailleurs d’un dispositif qui n’avait été prévu que pour quelques dizaines de milliers de cas concomitants. Or les conditions du dispositif de départ n’ont pas été adaptées à ce changement d’échelle radical ! L’assurance chômage (financée désormais essentiellement par la CSG) a pris en charge un tiers du coût sans que les partenaires sociaux qui la gèrent n’aient leur mot à dire. Or l’arrêt total de l’activité économique du printemps était consécutif à la seule décision du gouvernement et non à des difficultés économiques rencontrées par les entreprises : rien ne justifiait que l’assurance chômage participe au financement à un niveau aussi élevé du dispositif « activité partielle ».

Le coût pour l’Assurance chômage ne s’arrête pas là puisque les entreprises entrant dans le dispositif « activité partielle » bénéficient (assez logiquement) d’exonérations qui ont grévé les recettes à hauteur de 8 millions de salariés. Les pertes accumulées par l’assurance chômage à l’occasion de la crise sanitaire et de ses implications économiques et sociales sont donc énormes : exonérations pour les entreprises en « activité partielle » et perte de CSG consécutive aux suppressions d’emplois, fermeture de sites ou aux défaillances d’entreprises.

La dette de l’assurance chômage avait donc grimpé de plus de 10 milliards d’euros à la fin du printemps du fait du dispositif « activité partielle », sans que l’on pense encore un seul instant à une légitime compensation de l’État ou à une reprise totale de cette dette qui avait été créée par les décisions de l’État. « Dette ici ou dette là, quel intérêt ? », nous direz-vous ? Et bien parce que la dette est plus facilement pilotable au niveau de l’État : celui-ci n’éteint jamais sa dette, il paye les intérêts, emprunte sur 30 ans et lorsque la dette arrive à échéance il la refinance en empruntant à nouveau pour rembourser ce qu’il avait précédemment emprunté, et tout cela aujourd’hui à des taux souvent négatifs. Ce n’est pas le cas de l’assurance chômage qui – bien qu’elle bénéficie de la signature de l’État – emprunte sur des durées beaucoup plus courtes, rembourse à la fois intérêts et capital, tout cela dans le cadre de conventions UNEDIC sur des durées courtes, qui ne permettent jamais à cette institution d’avoir une stratégie économique contra-cyclique… en réalité, la dette coûte plus cher lorsqu’elle « appartient » à l’assurance chômage plutôt qu’à l’État, dont on a par ailleurs bien vu la capacité aujourd’hui à trouver des dizaines et des centaines de milliards d’euros face à la crise, dans un cadre relativement contenu.

À moyen et long termes, cette dette accumulée de l’assurance chômage va donc servir d’aspirateur à recettes (quand celles-ci reviendront enfin) et ne permettra pas d’affronter correctement le défi durable d’une situation de l’emploi dégradée par les conséquences économiques de la crise sanitaire et de la transformation de notre économie.

Conservatisme gouvernemental sur l’assurance chômage

Quel contraste avec la frilosité du gouvernement sur la réforme de l’assurance chômage ! L’application de sa décision unilatérale contre les partenaires sociaux de l’UNEDIC en juillet 2019 n’a été face à la crise repoussée que de trimestre en trimestre, alors que tous s’accordaient à reconnaître qu’elle provoquerait dans les circonstances créées par la pandémie une catastrophe sociale insupportable. Le gouvernement Castex prétend toujours la mettre un jour ou l’autre en application.

Au-delà de la mise en cause légitime de cette réforme régressive, il conviendrait pourtant de réfléchir à un assurance chômage profondément rénovée qui pourrait devenir un véritable outil de protection du plus grand nombre, ce que certains nomment avec nous « sécurité sociale professionnelle », où l’éligibilité à l’indemnisation serait plus large, le niveau de vie mieux garanti et la confiance des salariés plus forte – leur permettant ainsi de mieux négocier les transitions entre emploi et chômage. Il conviendrait également de repenser les relations entre assurance chômage et minima sociaux, qui sont bien plus liés qu’on ne le dit, puisqu’ils touchent d’abord des publics frappés par l’épuisement de leurs droits.

Le double discours d’Emmanuel Macron n’a jamais cessé sur le sujet. On avait déjà perçu sa « croyance » dans un système inspiré du modèle britannique où la faible aide sociale attribuée aux chômeurs serait censée les inciter à retrouver rapidement un emploi. Toutes les études ont depuis longtemps démontré que le « monde merveilleux » de Moi, Daniel Blake croqué par Ken Loach était en réalité contre-productif, produisant démoralisation, retour à l’emploi plus difficile et pertes de compétences. Pourtant le candidat Macron proposait dans le même temps l’élargissement aux indépendants, et le président d’aujourd’hui a suggéré la création d’une aide de 900 euros par mois garantie pendant 4 mois devant bénéficier aux travailleurs des secteurs de la restauration ou de l’évènementiel, ou encore à des intérimaires, lourdement touchés par la crise … une forme d’avancée vers l’idée d’« État employeur en dernier recours ». Mais tout cela sans jamais s’interroger de manière sérieuse sur le financement durable de l’assurance chômage telle qu’elle était ou même élargie à de nouveaux publics (ce dont on ne pourrait que se réjouir).

De fait, depuis les années 1980, la part de PIB consacrée aux dépenses sociales liées au chômage a stagné à hauteur de 2% ; le refus de maintenir les recettes à un niveau nécessaire alors que les besoins augmentaient a conduit à un durcissement progressif des conditions d’indemnisation et un déversement de plus en plus important vers les minima sociaux. En grande partie, comme pour le reste de la sécurité sociale, le déficit de l’assurance chômage est artificiellement organisé par la suppression de recettes et par la non compensation par l’État de dépenses indues (ex. la partie ANPE de pôle emploi est aujourd’hui prise en charge par l’UNEDIC sans être compensée par l’État qui s’est ainsi débarrassé d’une dépense sur l’assurance chômage).

* * *

Toutes ces questions sont devant nous. Mais sachant qu’on ne peut tuer son chien qu’en ayant fait croire à tous qu’il avait la rage, la Gauche Républicaine et Socialiste se mobilisera aux côtés des partenaires sociaux pour que l’État prenne enfin ses responsabilités face à l’augmentation de la dette de l’assurance chômage qu’il a artificiellement créée en globalisant le dispositif « activité partielle », en compensant une partie des dépenses qu’elle a eues à sa charge dans le dispositif et en reprenant à son compte le coût des exonérations qui ont grévé en parallèle les recettes de l’UNEDIC.

COVID19, le choix de la culpabilité collective ?

Après quelques jours d’autosatisfaction gouvernementale sur la baisse des contaminations à la Covid-19, la tentation est grande pour Jean Castex et le Ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran d’entamer un petit refrain culpabilisateur sur la probable stagnation des chiffres, voire même une reprise épidémique.

La culpabilisation commence d’abord par les avis scientifiques sur les grands canaux d’information.

C’est ainsi que l’on voit et entend sur les chaînes d’infos continues et dans les grands médias nationaux ces avis de spécialistes :

« Les Français se relâchent trop vite et ne respectent pas les gestes barrières »

Ainsi l’épidémiologiste Pascal Crépey, professeur à l’EHESP-Paris explique dans L’Express que la baisse d’efficacité du confinement est liée à la réouverture des commerces. Avec l’arrivée des vacances pour les fêtes de fin d’années, les gens sortent plus pour réaliser leurs achats, et ne se sentent plus si confinés. Mécaniquement, si vous augmentez le nombre de contacts interindividuels, vous augmentez le nombre de cas positifs. »

Du côté de Jean-Paul Stahl, professeur de médecine infectieuse au CHU Grenoble-Alpes, le médecin a pointé un relâchement général des Français : « Nos concitoyens appliquent modérément les mesures de restriction, il n’y a pas de miracle. La descente n’est pas assez rapide à nos yeux, on a l’impression qu’il y a une stagnation depuis quelques jours ce qui rend pessimiste sur la suite, en particulier avec Noël et le Nouvel An. »

Éric Caumes, le chef du service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière, a pour sa part avancé la même explication sur LCI ce lundi. Selon lui, la stabilisation du nombre de cas provient d’un relâchement des gestes barrière dans la sphère privée, voire de la part des salariés.

Ces déclarations sont-elles le prétexte à de nouvelles restrictions ?

Depuis presque 12 mois que les premiers cas ont été détectés en Chine et maintenant plus de 10 mois que le virus est officiellement présent sur le territoire métropolitain, on ne peut que constater l’inefficacité du gouvernement dans sa maîtrise de l’épidémie. Le seul point sur lequel il compte , sa seule valeur ajoutée, est donc au niveau de la communication.

« Les contaminations baissent, c’est une réussite du gouvernement, les contaminations reprennent, c’est la faute des Français, des collectivités et des commerces. »

Plusieurs études ont démontré la corrélation entre température et niveau d’activité épidémique et il ne faudra pas s’étonner si la courbe remonte à partir du 11 décembre soit 10 jours après la baisse généralisée des températures extérieures.

Donc, si la météo n’est pas contrôlable par l’Etat, et sur ce point je suis d’accord pour dire que l’Etat ne peut pas tout, quelles sont les solutions ?

Pour l’instant, le seul message audible du gouvernement repose sur la peur des regroupements familiaux à Noël .

C’est un faux problème !

Pour une majorité de Français, la principale préoccupation n’est pas de se retrouver à 20 le jour de Noël , ils n’en ont pas les moyens et ils ne sont pas fous. Être à 6 adultes le soir de Noël sera la plupart du temps respecté et la solidarité des Français permettra de ne pas laisser seules des personnes isolées et fragilisées potentiellement en proie à des formes de dépression aigüe. C’est du moins le message qui devrait être relayé partout.

Les commerces, quant à eux, savent s’organiser, ainsi que les restaurants et les lieux de culture comme les cinémas ou les théâtres.

Avec mon groupe parlementaire, La France Insoumise, nous avons travaillé sur des mesures pour sortir de l’état permanent de confinement.

Nous sommes prêts à discuter avec le Gouvernement pour rendre leurs libertés aux Français. C’est notre rôle en tant que représentants de la Nation. Mais le Gouvernement, dont le fonctionnement est de plus en plus autoritaire, de moins en moins contrôlé par le Parlement en a décidé autrement.

Dans cette période, les seuls qui ne font rien et ne s’organisent pas sont ceux qui font la leçon aux Français et qui décident en comité restreint, dans un conseil de défense qui ressemble plus à une agence de communication de crise, sans se soucier de la volonté populaire et de l’aspiration historique, légitime des Français à la liberté.

Les Français ne sont pas responsables d’une gestion étatique calamiteuse !

Les Français ne sont pas coupables.

Caroline Fiat

le 9 décembre 2020

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