Le Temps Des Ruptures

Les femmes et les hommes qui ont travaillé sur cette revue ont en commun une interrogation plus forte que tous les conforts de situation : comment militer, pour quoi et pour qui ? Tous n’y répondent pas de la même façon : une philosophe rappelle les fondamentaux de la gauche et du socialisme ; une journaliste interroge les rapports entre le peuple et les élus de la nation ; un youtubeur trace les contours d’une utilisation émancipatrice des réseaux sociaux.
L’objectif poursuivi ici est de libérer un espace au sein duquel les partisans de la transformation sociale pourront débattre, confronter méthodes et arguments. Le lecteur y verra que la parole militante se conjugue encore au présent, qu’elle s’épanouit aussi bien dans la critique littéraire et le récit historique que dans l’analyse économique.
Dans cette revue, portée par le Pôle Jeunesse de la Gauche Républicaine et Socialiste, l’unité de la pensée et de l’action se matérialise jusque dans l’organisation des rubriques. Le projet (République & Ecosocialisme), les outils (Etat & Transition), la méthode (Stratégie & Bifurcation) et les expérimentations politiques (Luttes d’Hier & Luttes d’Ailleurs) convergent pour former un chemin, aussi exigeant que passionnant, vers une nouvelle séquence historique : le temps des ruptures.

Hugo Guiraudou
Animateur du Pôle Jeunesse de la Gauche Républicain et Socialiste

L’Allemagne, malade du logement

Der Spiegel, numéro 2018, 24 février 2021

La période 2008-2020 a vu la démocratie allemande tomber malade. Alors que ses voisins se plaignent de son hégémonie économique, ou la jalouse, la population allemande n’a pas profité dans sa majorité de ce que l’on perçoit à l’extérieure comme une insolente réussite.

Les salaires et le pouvoir d’achat de 50% des Allemands les plus modestes ont d’après toutes les études au mieux stagné, pour le tiers le plus modeste baissé. De plus, le revenu disponible s’est trouvé comprimé par un phénomène tout à fait nouveau en Allemagne : l’inflation des loyers et des prix de l’immobilier.

On dit souvent que l’économie au sein de la zone euro est structurellement déflationniste. C’est vrai, c’est une observation incontestable. Mais il existe des poches inflationnistes ayant un impact démesuré sur les classes populaires, et l’accès au logement est l’un de ces impacts.

Comme le démontre le graphique publié le 24 février 2021 dans le Spiegel, les prix à l’achat en base 0 en 2005 ont progressé de 0 à 198 entre 2010et 2020 (x3), le coût des loyers en base 0 en 2005 a progressé de 10 à 67 (+57%) entre 2010 et 2020.

Ce phénomène illustre l’aggravation des inégalités en Allemagne, selon un modèle que l’on retrouve également en France : si la masse salariale progresse, cette progression reste concentrée sur les plus hauts salaires. La majorité des salariés n’en voient pas la couleur. De plus, le surplus de revenu des hauts salaires leur permet de renforcer aussi leur patrimoine, dont ils tirent des revenus supplémentaires payés par les classes populaires et moyennes sous la forme de loyers, ou de plus values sous fiscalisées.

En Allemagne, deux études récentes ont pointé du doigt l’extrême inégalité des patrimoines, avec une inégalité de répartition retrouvant le niveau de … 1910.

Pourtant, les discours officiels de la raison, en Europe comme en Allemagne, pointent du doigt non pas ces évolutions au sens de la masse salariale, du revenu effectivement disponible, ou de l’inégalité du patrimoine, mais les outils de redistribution de la solidarité nationale. Revenus minimums d’insertion créés par des libéraux et réforme des retraites vont main dans la main pour réduire la solidarité à une forme de charité condescendante, conditionnant la survie biologique à la conformité sociale et politique des classes les plus pauvres.

L’explosion des recours aux banques alimentaires et le rapport à l’aumône public, RSA, Hartz4 ou RUE, nous ramènent aux débats sur la pauvreté du XVIIIème siècle.

Ces inégalités se renforcent par l’injustice devant l’impôt : dans toutes les démocraties, l’impôt sur le revenu est une recette marginale de États, qui se financent surtout par les impôts indirects, qui touchent proportionnellement plus les pauvres que les riches.

De plus, les revenus tirés du capital sont proportionnellement beaucoup moins imposés que ceux du travail. La fable de « l’entrepreneur criblé de charges et d’impôt » peut trouver un certain nombre d’exemples parmi les TPE, mais ne résiste pas à l’examen scientifique. Les 10% de salariés les plus modestes consacrent une part plus importante de leur revenu à l’impôt que les 10% les plus riches, même après application d’une fiscalité (de moins en moins) redistributive. Les entrepreneurs modestes, ceux dont les revenus ne dépassent pas 2 000 euros mensuels, ceux-là vivent le même quotidien que les salariés sous le médian.

La démocratie en est malade. Les subventions au capital ne sont pas contrôlées. Les administrations de contrôles, inspection du travail, inspection fiscale, sont désarmées. En Allemagne, il a fallu que des responsables politiques achètent des CD-rom de données à des lanceurs d’alertes pour que des fraudeurs soient confondus. En France, les révélations des Panama Papers et Luxleaks ont conduit à des transactions à l’amiable, entre amis, sans poursuites. Les scandales CumEx n’ont eu aucune conséquence pour les banques impliquées. OpenLux n’a généré que des réactions faibles.

Dans le même temps, une personne dans la pauvreté doit justifier de l’emploi de chaque centime de son revenu social. Le contrôle à la fraude sociale mobilise plus de moyens que le contrôle de la fraude fiscale, pour des montants bien moindres en coût social. Le pauvre doit même accepter le contrôle de sa vie intime : en Allemagne, l’accès au planning familial sera subordonné à un avis favorable de l’organisme distribuant le minimum social. Ce minimum est d’ailleurs maintenu à un niveau à peine supérieur au seuil qui permet de survivre, et en dessous de ce qui permet une vie digne.

La démocratie en Europe en est malade.

Lorsque la gauche raisonnable de gouvernement se fait élire sur un agenda de justice fiscale, rendant célèbre un historien du patrimoine comme Piketty, en promettant la « réforme de toutes les réformes » avant de confier Bercy à un fraudeur fiscal. Cet effet ciseau moral et politique a entraîné tout le discours sur les inégalités économiques et la critique sociale de l’ordre économique dans sa chute. Une grande coalition centriste s’établit ainsi, perdant chaque année tant sur ses marges populaires que possédantes.

La GroKo allemande est passée de 67% des voix en 2013 à 55% en 2017 et ne pèserait plus dans les sondages que 48%. Dans le même temps, l’extrême-droite est revenue au Bundestag avec 12,5% des voix.

En France, l’extrême droite voit selon toutes les enquêtes d’opinion sa présence garantie au second tour de l’élection présidentielle. Dès 2016, l’hypothèse de sa victoire était devenue crédible avec des sondages montrant le “héros de la justice fiscale”, Hollande, battu par Le Pen. En 2021, “le héros du progressisme”, Macron ne compte plus que 4 points d’avance sur Le Pen dans les sondages de second tour, alors qu’il en comptait 22 en 2017.

Logement, salaire, imposition équitable, solidarité nationale, sécurités sanitaires et physiques, promesse d’enseignement des enfants : Les aspirations des Européens n’ont pas changé en 50 ans. Le capitalisme contemporain n’est pas différent de celui qui précédait le compromis (forcé) des Trente Glorieuses : il favorise une minorité de jouisseurs sur une majorité plongée dans un purgatoire infini.

La situation épidémique est de plus en plus inquiétante à Mayotte du fait des contaminations par le variant sud-africain du Covid-19

Seul département à être confiné aujourd’hui, ce territoire de 376 km² a vu une forte hausse du nombre de cas (+2 400 en une semaine en Février) et un taux d’incidence de 858,8 cas pour 100 000 habitants. L’Agence Régionale de Santé de Mayotte a d’ailleurs confirmé un taux de positivité de 30%, 141 hospitalisations (dont 29 en réanimation) et 95 décès. 

Pour tenter de surmonter ces problématiques, les autorités préfectorales et l’Agence Régionale de Santé ont déployé un million d’euros pour la mise en place d’un dispositif de médiation dont l’objet est de sensibiliser les populations aux gestes barrières et au respect du confinement. Par ailleurs, l’État a mis en place une distribution d’aide alimentaire d’urgence en direction des plus démunis et des aides financières destinés aux entreprises – sachant que le territoire avait connu la plus forte perte de la valeur marchande dans les Outre-Mer lors du premier confinement avec -9,9 % – via le Fonds de solidarité. 

Ces aides d’État sont nécessaires pour répondre aux difficultés des populations mais restent temporaires et insuffisantes. 

En effet, les conditions de vie (dont les carences d’alimentation et l’existence de cas de dénutrition aiguë) et les difficultés d’accès à des services de base (tels que l’eau potable, ne serait-ce que pour respecter les mesures d’hygiène) compliquent la lutte contre la pandémie. Rappelons que 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté, que l’habitat indigne – notamment avec des bidonvilles recueillant la pression migratoire – y est largement répandu et que l’inégalité d’accès à la santé (avec 28 médecins libéraux pour toute l’île en 2017 et un seul Centre Hospitalier qui manque de moyens) obligent aujourd’hui des transferts de malades vers La Réunion (1 412 km par dessus l’Océan Indien et Madagascar, 2h10 d’avion). 

Au-delà des quelques mesures mises en place, la situation actuelle nous rappelle à quel point il est important d’organiser et planifier enfin un réel développement structurel, économique et sanitaire de Mayotte afin d’éviter de telles situations dans le temps. 

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son entier soutien à nos concitoyens de Mayotte dans cette période difficile. 

En quelques chiffres : 

Assurance-chômage : entêtement gouvernemental contre unité syndicale

Les cinq grandes confédérations syndicales ont de manière inédite décidé de s’exprimer ensemble dans un communiqué public ce mardi 23 février 2021 pour dénoncer à nouveau l’entêtement gouvernemental sur la « réforme » de l’assurance chômage.

Leur opposition était connue et affirmée depuis de longs mois, après l’échec des négociations avec les partenaires sociaux au printemps 2019. Le gouvernement d’Édouard Philippe avait alors rejeté la faute sur l’incapacité du patronat et des organisations syndicales à s’accorder sur une réforme, après avoir lui-même organisé l’impasse en leur intimant des injonctions contradictoires. Il avait donc imposé ses vues au travers de deux décrets publiés au Journal officiel le 28 juillet 2019 (n° 2019-797 et n° 2019-796), dont le seul objectif visait à réaliser des économies sur le dos des demandeurs d’emploi.

Opposition syndicale radicale

Les cinq organisations de salariés avaient déjà exhorté l’exécutif à renoncer à la réforme de l’assurance-chômage, dans un courrier commun adressé le 14 octobre 2020 au premier ministre, Jean Castex, avec copie à Emmanuel Macron. Mais il ne s’agissait que d’un des nombreux points abordés dans cette lettre.

Ce qui est inédit ici c’est le communiqué public sur le seul sujet de l’assurance chômage dans lequel les organisations renouvellent leur opposition totale à des mesures dont les incidences « pèseront lourdement sur le quotidien des femmes et des hommes qui perdent leur [poste] ». Trois dispositions sont particulièrement critiquées depuis l’origine : accroissement de la durée de cotisation pour être éligible à une allocation et pour recharger les droits à indemnisation ; dégressivité des sommes versées à partir du septième mois pour les chômeurs de moins de 57 ans qui gagnaient 4 500 euros brut quand ils étaient en activité ; nouvelle formule de calcul, ayant pour effet de diminuer la prestation pour ceux qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité.

Élaborées à une époque où l’économie était dynamique, mais déjà contestées, ces dispositions ont été suspendues, reportées ou adoucies par le gouvernement, lorsque la pandémie de Covid-19 a entraîné une brutale récession, à partir du printemps 2020. Ainsi Le 1er novembre 2019, les premières mesures étaient entrées en vigueur. Il s’agissait des nouvelles règles d’indemnisation (durée minimale de travail, rechargement des droits, dégressivité des allocations chômage pour les hauts revenus, ouverture des droits aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants). Ces mesures ont été suspendues jusqu’au 1er janvier 2021 par le décret du 29 juillet 2020. Cependant, le retour aux règles antérieures ne s’applique qu’aux demandeurs d’emploi dont la fin du contrat de travail est intervenue entre le 1er août et le 31 décembre 2020 (sans rétroactivité pour ceux qui avaient déjà perdu leur emploi entre le 1er novembre 2019 et le 31 juillet 2020). Au 1er septembre 2020, le deuxième volet de la réforme devait entrer en vigueur avec le changement du mode de calcul de l’allocation chômage. Reportée une première fois, la réforme devrait cependant être appliquée dès le 1er avril 2021. L’échéance dramatique se rapproche.

L’exécutif n’a jamais remis en cause le fondement et la motivation des décrets de juillet 2019 ; le gouvernement cherche donc à préserver au maximum le contenu de « sa réforme » et à obtenir une forme de victoire à la Pyrhus, pariant tout à la fois sur la lassitude et le retour de la division syndicale qui serait facilitée par une forme de reprise économique (dont on peine à voir en quoi il la prépare).

On ne change pas une logique qui perd

Une pseudo-concertation a donc été engagée par Élisabeth Borne qui prétend « amender » le contenu des décrets de juillet 2019. Mais dans les scénarios proposés par le pouvoir, la philosophie reste intacte ; il ne saurait être question tout au plus que de changer le calendrier de mise en œuvre de la réforme tout en atténuant son impact, pour les chômeurs comme pour les entreprises, le « en même temps » qui avait abouti à l’échec du printemps 2019. Les arbitrages de l’exécutif devraient tomber en mars, après une nouvelle réunion des partenaires sociaux avec la ministre dans une semaine.

Mais les syndicats en contestent le fondement même : « Le chômage n’est pas un choix » ; « les demandeurs d’emploi doivent bénéficier d’une assurance-chômage garantissant à la fois un revenu de remplacement approprié (…) et un accompagnement adapté aux besoins de chacune et chacun ». Les seuils d’accès à l’indemnisation « doivent inclure un maximum de travailleurs et tout particulièrement les jeunes » tandis que la détermination des règles d’indemnisation « doit obéir à des principes simples et lisibles ». Enfin, la formule de calcul doit permettre « de délivrer une indemnisation au plus proche du salaire perdu ».

Quant à la dégressivité des indemnités, les confédérations exigent son abandon pur et simple car elles la jugent « inefficace », « dangereuse » et « injuste ». En effet, cette mesure incite « à accepter des emplois moins qualifiés » et « sanctionne les personnes qui ont le plus de mal à retrouver un emploi ». Par ailleurs, les organisations syndicales considèrent qu’« une modulation des cotisations patronales est nécessaire pour décourager les employeurs abusant des contrats précaires ». C’était un des points que le patronat avait violemment refusé au printemps 2019, offrant ainsi au gouvernement Macron-Philippe le prétexte pour passer en force avec ses deux décrets. Les organisations syndicales peuvent aujourd’hui s’appuyer sur les premiers travaux de l’Unédic qui confirment que les conséquences seront lourdes pour les demandeurs d’emploi et largement concentrées sur les plus précaires. Ces conclusions ont été confirmées par d’autres études sociales.

De nouvelles impasses

La crise sanitaire a contraint le gouvernement à suspendre la mise en œuvre de sa « réforme ». Mais malgré la mise en scène d’une concertation de façade, le gouvernement continue d’avancer dans sa mise en œuvre coûte que coûte comme nous l’avons vu plus haut.

La crise actuelle a par ailleurs mis en exergue de nouvelles et graves difficultés.

L’extension nécessaire du dispositif de chômage partiel – sans jamais interrogé pourtant son mode de financement – a permis à de nombreuses entreprises de ne pas mettre la clef sous la porte et à des millions de salariés de ne pas trop perdre de revenus. Mais comme nous nous en étions alarmés le 9 décembre dernier (https://g-r-s.fr/le-gouvernement-profite-t-il-de-la-crise-sanitaire-pour-tuer-lassurance-chomage/), sans réflexion sur son adaptation à une situation nouvelle pour laquelle il n’avait pas été prévue, le dispositif « activité partielle » est en train de déséquilibrer durablement les comptes de l’assurance chômage ce qui place les organisations syndicales et patronales dans une position de fragilité face au gouvernement.

Par ailleurs, le gouvernement et les partenaires sociaux font pour des raisons différentes l’impasse sur tous les profils qui ne correspondent pas aux salariés stables qui peuvent faire valoir un contrat de travail ; la crise sanitaire et l’arrêt forcé de l’activité économique a mis au jours la détresse de l’immense majorité des salariés à l’emploi discontinu auxquels aucun dispositif solide ne répond. Une fois (mal) « réglé » le cas des intermittents du spectacles, il reste plusieurs centaines de milliers de travailleurs engagés en « extra » dans la restauration, l’hôtellerie, l’événementiel, le nettoyage, le commerce, le tourisme, l’agriculture … à qui rien n’est proposé. Il faut ouvrir ce chantier et prendre enfin en compte ces salariés dont l’emploi est par nature intermittent ou à ces millions de chômeurs incités depuis des décennies à accepter n’importe quel petit boulot par un déni de droit à l’assurance chômage. On ne saurait non plus se contenter de leur promettre une très hypothétique généralisation des CDI. Dans de nombreux secteurs ou métiers, l’intermittence est officiellement la norme reconnue comme un « usage » par un agrément du ministère du travail. La perspective d’un CDI pour tous demeure à ce stade incantatoire et peine d’autant plus à convaincre qu’elle a été faite par bien des gouvernements avant l’actuel. L’alternative bien réelle à laquelle ces salariés à l’emploi discontinu sont confrontés dans la pratique est plutôt celle d’une sortie du salariat, celle d’une flexibilité sans sécurité. L’ubérisation est-elle l’horizon dans lequel ils doivent se projeter ?

La majorité présidentielle avait tenté une manœuvre de diversion avec une proposition de loi, portée par un député et un sénateur LREM, qui abordait le sujet sans répondre réellement aux besoins de ces salariés. Ce texte – pourtant très insuffisant – vient d’être royalement enterré : le principal rédacteur de la proposition a été missionné par le premier ministre pour « réfléchir » sur le dossier, renvoyant ainsi aux calendes grecques toute discussion parlementaire, alors même que la gauche s’apprêtait à accepter de discuter et d’amender la proposition de loi.

* * *

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte donc son soutien aux organisations syndicales et partage leur avis sur la nocivité de la réforme de l’assurance chômage imposée par le gouvernement en juillet 2019. Nous demandons à nouveau l’abrogation des décrets n° 2019-797 et n° 2019-796 qui seule permettra une discussion saine pour travailler à l’amélioration du système. Celle-ci ne peut s’effectuer en considérant que le chômage serait choisi. La Gauche Républicaine et Socialiste appelle les organisations syndicales et professionnelles à prendre à bras le corps le dossier des intermittents de l’emploi et à cesser de considérer qu’il n’existe qu’un seul profil type de salariés. La Gauche Républicaine et Socialiste apportera son soutien et sa réflexion aux initiatives des parlementaires de gauche qui travaillent aujourd’hui par-delà les deux chambres – et en rassemblant toutes les sensibilités – à une rénovation solidaire de notre système d’assurance chômage.

Élections en Catalogne : la question républicaine plus brûlante que jamais

Dimanche 14 février se sont tenues les élections renouvelant la Generalitat, le parlement catalan. Organisé en pleine pandémie de coronavirus, le scrutin a vu la participation s’effondrer. Les républicains indépendantistes ont vu leur majorité se renforcer, et la gauche dans son ensemble, unioniste comme indépendantiste ressort largement majoritaire. Toutefois, le parti d’extrême-droite néo-franquiste Vox fait son entrée au parlement. 

À première vue, les résultats semblent montrer une large victoire des indépendantistes. Leur majorité au parlement s’accroît (passant de 70 à 74 sièges sur 135). La baisse de mobilisation du camp unioniste a conduit à ce que, pour la première fois, le camp indépendantiste totalise plus de 50% des suffrages exprimés. Autre première électorale depuis la fin du franquisme dans une élection du parlement catalan, la gauche républicaine de Catalogne (ERC) arrive en tête du camp indépendantiste. L’ERC dépasse la coalition indépendantiste attrape-tout de Carles Puigdemont Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), en voix (21,3% contre 20%) comme en sièges (33 contre 32). Les indépendantistes de gauche radicale de « candidature d’unité populaire » (CUP) améliorent sensiblement leur score, après une campagne où ils sont apparus comme les plus farouches partisans de l’indépendance unilatérale. Ils obtiennent 6,7% des voix et 9 sièges, 5 de plus qu’en 2017. Ils dépassent ainsi En Comú, Podem (coalition autour de Podemos, 8 sièges), et s’imposent comme la principale force de gauche radicale. Les indépendantistes de droite du parti démocrate européen de Catalogne (PdeCat), le parti d’Artur Mas rongé par la corruption, avaient été expulsés de Junts par Carles Puigdemont – qui en était pourtant issu – pour manque de fidélité à son égard. Le PdeCat ne cautionne pas le virage au centre gauche de Puigdemont. Ce dernier avait renoncé au discours habituel de la droite catalaniste, promouvant l’indépendance afin de faire de la Catalogne une Cité-État dynamique et libérale, débarrassée de la péréquation sociale espagnole ; Puigdemont avait recentré son action politique sur la recherche de l’indépendance, en s’alliant avec des formations plus à gauche. Le PdeCat concourrait donc seul lors de ces élections et a échoué à conserver des sièges au parlement, totalisant à peine plus de 2% des suffrages. 

Un camp indépendantiste ancré à gauche 

Cette large victoire des indépendantistes ne doit pas masquer celle plus large encore de la gauche dans son ensemble. Dans le camp indépendantiste, les républicains de gauche de l’ERC ont pris l’ascendant sur le parti de Puigdemont, qui s’était lui-même éloigné des mantras classiques de la droite catalaniste. Celle-ci est reléguée hors du parlement. La gauche radicale indépendantiste progresse sans pour autant que En Comú, Podem ne recule. Dans le camp unioniste, les centristes libéraux ultra-unionistes (voire nationalistes) de Ciudadanos s’effondrent, passant de premier parti, avec 25% des voix et 36 sièges en 2017, à septième parti, avec 5% des voix et 6 sièges en 2021. Cet effondrement profite au Parti socialiste de Catalogne (PSC, branche catalane autonome du PSOE), qui arrive en tête des suffrages avec 23% des voix (+9 points), et gagne 13 sièges, pour en atteindre 33. Au total, les différents partis de gauche (PSC, ERC, CUP et En Comú, Podem) obtiennent 83 sièges et presque 58% des suffrages, sachant que la coalition Junts comprend également en son sein plusieurs petits partis de gauche indépendantistes. Même si la logique d’alliance actuelle oppose les indépendantistes aux unionistes, une coalition PSC – ERC – Podemos serait majoritaire. Dans l’hypothèse d’une majorité indépendantiste, Junts devra se faire au rôle inédit de partenaire minoritaire de coalition ; cela pourrait tendre d’avance les relations avec l’ERC qui ne sont pas forcément au beau fixe. Aussi une majorité de gauche pourrait éventuellement représentée une alternative à celle de l’union des indépendantistes. 

L’unionisme intransigeant a nourri l’extrême droite 

La droite unioniste, grande perdante de ces élections, n’a pas réussi à se mobiliser. Ainsi la droite libérale de Ciudadanos est balayée, payant sans doute ses outrances ; la droite conservatrice du Parti Populaire poursuit son effondrement, en dessous de 4% des voix, perdant encore un siège de député et n’en conservant plus que trois, tous issus de la circonscription de Barcelone. En revanche, la droite néo-franquiste de Vox fait une entrée tonitruante au parlement catalan, arrivant en tête des voix à droite (7,7%, 11 sièges). Le récit de la Catalogne antifasciste pure de tout élément d’extrême-droite, rhétorique fréquente du camp indépendantiste, butte désormais sur la réalité du poids de Vox dans la droite unioniste catalane ; cependant cette rhétorique continue d’être opérante pour ce qui est  de la composition du camp indépendantiste. Les raisons de cet effondrement de Ciudadanos et de la progression de Vox sont analogues à celles ayant expliqué, en 2019, un effondrement identique de Ciudadanos et la même progression de Vox aux élections générales espagnoles. Ciudadanos, par son discours unioniste radical, favorable à la suspension de l’autonomie catalane et à l’emprisonnement des leaders indépendantistes, était en décalage avec son discours économique libéral. Les plus sensibles au discours s’opposant au morcellement de l’Espagne sont précisément ceux qui ont le plus à perdre du libéralisme, les catégories populaires, bénéficiaires de la péréquation centralisée espagnole. La politique sociale et la relative fermeté sur la question catalane de Pedro Sanchez, premier ministre socialiste d’Espagne, ont permis au PSOE et au PSC de regagner une partie des catégories populaires dont une partie avaient pu être séduites par la fermeté de Ciudadanos, mais qui a fini par se lasser du libéralisme économique intégral de ce parti. En Catalogne, les banlieues de Barcelone peuplée « d’immigrants » andalous, après avoir voté Ciudadanos en 2017, sont largement repassées au PSC. Les électeurs les plus radicalement opposés à l’autonomie ou à l’indépendance de la Catalogne ne sont pas restés à Ciudadanos, et sont allés au plus court, Vox tenant un discours encore plus radical. 

La République et l’unité espagnole : deux débats désormais incontournables 

Ainsi, dans le camp unioniste comme dans le camp indépendantiste, la gauche a pris le dessus. Le renforcement de la majorité indépendantiste, et la victoire inédite depuis le retour à la démocratie des républicains de gauche, rendent inévitable la question d’une république catalane. L’emprisonnement des leaders indépendantistes ayant participé au référendum de 2017, dénoncé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et contraire aux lois européennes concernant Oriol Junqueras (président de l’ERC, élu député européen en 2019 avant son jugement, et donc bénéficiant de l’immunité parlementaire mais qui n’a pas été libéré de sa détention provisoire), le refus par les socialistes espagnols d’envisager la fin d’une monarchie corrompue, et le divorce culturel grandissant entre le Royaume d’Espagne et la Catalogne renforcent les arguments et les positions des indépendantistes. Si l’indépendance de la Catalogne n’est qu’un prélude au délitement complet de l’État-Nation espagnol, il y a cependant de quoi s’interroger sur le processus qu’elle ouvrirait. La question est aujourd’hui posée de savoir si l’Espagne serait capable de survivre en tant que Nation sans la Catalogne et sans doute sans la monarchie, car le coup porté par l’indépendance catalane à celle-ci (après la mise au jour de son niveau de corruption) lui serait probablement fatal. Nous ne pourrions pas non plus accueillir sans circonspection une indépendance catalane qui ne serait motivée que par la création d’un paradis fiscal libéral fuyant l’Espagne pour échapper à la péréquation ; la progression constante de l’ERC et l’évolution à gauche du camp indépendantiste semblent évacuer le projet d’une Catalogne néolibérale. Le républicanisme catalan ne doit pas devenir un prétexte pour le démantèlement de l’État social espagnol, mais la défense de celui-ci ne doit pas autoriser à bafouer la démocratie et à emprisonner des opposants politiques. 

Climat et Résilience : lobbies, vessies et lanternes

Le projet de loi « Climat et résilience », qui est censé mettre en musique les propositions de la Convention constituée de 150 citoyens, est présenté ce mercredi 10 février 2021 en conseil des ministres. 

Le gouvernement assure que ce texte rendra « crédible » l’atteinte de l’objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. 

Avec ses 65 articles, cette loi « ambitieuse et riche dont le gouvernement n’a pas à rougir », « ancre l’écologie dans la société française et fait le dernier kilomètre de la transition écologique », déclare-t-on à Matignon. Une affirmation mensongère quand on confronte l’exécutif à sa pratique réelle et au détricotage en règle des 149 propositions de la Convention climat. 

Un texte qui doit plus aux lobbies industriels qu’à la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) 

« Les lobbies industriels ont mené une guerre de l’ombre contre la Convention climat. » C’est ce que démontre l’Observatoire des multinationales dans un rapport rendu public lundi 8 février. Au fil des pages, les auteurs retracent « l’offensive acharnée » des secteurs les plus concernés par les propositions des citoyens et des citoyennes comme l’automobile, l’aérien, l’agrochimie ou la publicité. 

Pour l’ONG, cette séquence ouvre une nouvelle étape dans la bataille climatique. Si les objectifs généraux de réduction des émissions de CO2 sont désormais acceptés, le combat s’est déplacé sur les modalités de cette transition. « Les industries veulent maintenir un laisser-faire total quant aux moyens pour les atteindre […] Ils nient ou minimisent leur responsabilité […] et se posent en victime », écrivent les auteurs du rapport. Après « l’agribashing », ils crient maintenant à l’« aviation-bashing », l’« auto-bashing », le « pub-bashing », voire à l’« entreprise-bashing ». 

Concrètement, ces industriels ont usé de tous les leviers disponibles pour décrédibiliser la CCC. Ils se sont mobilisés de manière coordonnée et n’ont pas lésiné sur l’achat de services de professionnels de la communication. Les cabinets de conseil Boury Tallon ou Batout Guilbaud ont été très sollicités sur le dossier de la CCC, notamment par Air France ou par le groupe chimique allemand BASF. 

Cet automne, le Tout-Paris du lobbying était en ébullition : organisations patronales, avocats d’affaires, groupes de réflexion libéraux… Chacun a été mis à contribution pour produire des contre-argumentaires ou interpeller les pouvoirs publics. « On a même vu des lobbyistes de Monsanto aller au secours de l’aviation », observent les auteurs du rapport. L’Association internationale du transport aérien (IATA) a ainsi fait appel à l’un des partenaires historiques de la firme agroalimentaire, FleishmanHillard, un groupe spécialisé dans la réputation des entreprises — impliqué, d’ailleurs, dans le scandale des « Monsanto papers ». 

Même si ces manœuvres se sont jouées en coulisses, quelques traces visibles témoignent de cette effervescence. Plusieurs documents ont fuité dans la presse comme la lettre du Medef dénonçant le délit d’écocide ou celle de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) — le lobby de l’agroalimentaire — contre l’interdiction de la publicité pour la malbouffe. 

En parallèle, une multiplicité d’événements ont été organisés par les industriels. Des parlementaires et des membres du gouvernement y étaient évidemment conviés. Dès juin 2020, quelques jours à peine après la publication des propositions de la CCC, la société M&M Conseil a lancé une série de rencontres autour de « la transition », réunissant élus et industriels. En septembre, BASF (agrochimie) et Coenove (gaz vert) ont financé un colloque sur « l’accélération écologique ». Ce qui leur a permis, avec le syndicat agricole majoritaire la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), de dialoguer avec des parlementaires chargés d’examiner le projet de loi. Deux semaines plus tard, Total vantait le mérite des agrocarburants dans une rencontre similaire. 

En novembre, alors que la France était confinée et que les mesures phares de la CCC n’étaient pas encore arbitrées au sein du gouvernement, plusieurs événements professionnels ont eu lieu. Au Paris Air Forum, Thales, Airbus et surtout Safran ont défendu la cause de l’avion décarboné. Des « états généraux de la communication » se sont également déroulés sous la houlette de Havas pour évoquer le thème de la publicité. Mercedes Erra, la présidente exécutive, s’est alors félicitée d’être « parvenue à convertir les politiques ». Quasiment toutes les mesures concernant la publicité ont été retirées du projet de loi. 

Si ce lobbying a si bien réussi, écrivent les auteurs du rapport, c’est aussi parce que les professionnels ont pu compter « sans surprise » sur l’administration elle-même : « Les industriels ont cherché leurs principaux alliés dans les ministères. » 

On a ainsi vu la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) étriller l’idée d’une redevance sur les engrais azotés ou encore la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) surévaluer le coût de l’écocontribution sur les billets d’avion. Ces études ont été contestées pour « leur méthodologie rudimentaire » et leur partialité mais elles ont servi de base argumentaire aux industriels. 

La similitude de leurs profils sociaux et professionnels des Hauts Fonctionaires, dirigeants macronistes et industriels, leur recrutement dans les mêmes écoles, ou encore les « portes tournantes » entre privé et public expliquent la situation actuelle et les levées de boucliers au sein même de l’État. 

Les industriels millionnaires n’ont pas hésité non plus à se faire les porte-parole autoproclamés des masses populaires. Il y a de quoi trouver suspect que les plus éminents représentants de la classe stato-financière découvre soudainement l’intérêt de défendre les catégories populaires qui s’étaient révoltées au travers du mouvement des « Gilets Jaunes » contre des mesures qui ne tenaient pas compte de leur quotidien et de la réalité sociale. Mais ici rien qui ne ressemble à une forme d’écologie populaire. Il s’agit plutôt de remettre en cause par principe la nécessaire transition écologique. Ainsi ils défendent « la liberté du consommateur » via des associations comme 40 millions d’automobilistes — financée au deux tiers par de grandes entreprises. Certains lobbyistes ont poussé le confusionnisme jusqu’à accuser les cent cinquante citoyens de « conforter le clivage entre la France déclassée et celle des métropoles ». Mais comme le note l’Observatoire des multinationales, on est en droit de supposer que les citoyens tirés au sort sont bien plus représentatifs de la France périurbaine que ces professionnels habitués des cabinets ministériels. 

C’est un véritable « un tournant libertarien » qui est en cours et qui rappelle « les stratégies déployées par les industriels aux États-Unis ». Selon eux, cette évolution explique « le degré supplémentaire de violence observé dans les discours et la proximité, plus ou moins assumée avec l’extrême droite ». Par exemple, le délégué général de 40 millions d’automobilistes est intervenu sur le site conspirationniste Boulevard Voltaire pour enfoncer la CCC. Le chroniqueur proche du transhumanisme Laurent Alexandre et Olivier Babeau, de l’Institut Sapiens, se sont rendus avec le journaliste du Figaro Ivan Rioufol à la Convention de la droite de Marion Maréchal. Contre le climat, une nouvelle alliance se profile. Un agglomérat mêlant conservatisme et défense du business as usual. Comme l’écrit l’Observatoire des multinationales, « leur influence apparaît plus que jamais comme un obstacle à toute réelle action climatique ». 

Un projet de loi qui a subi un tri sélectif avant d’être édulcoré en amont et en aval 

Hormis les trois mesures écartées d’emblée par le chef de l’Etat, comme la demande d’un moratoire sur la 5G, le gouvernement assure que toutes les autres propositions des Citoyens sont mises en œuvre (75) ou en cours de mises en œuvre (71), dont une cinquantaine dans ce projet de loi, outil privilégié de leur déploiement. Selon l’étude d’impact du gouvernement, ce texte permettra de « sécuriser » entre la moitié et les deux tiers de la baisse des émissions prévues d’ici 2030. Sans compter l’effet « difficile à quantifier » de l’impact « culturel » de certaines mesures comme le « CO2-Score », sorte de « nutriscore » pour l’impact climatique des produits, note-t-on au ministère de la Transition écologique. 

Mais si les mesures présentées sont jugées « en général pertinentes », elles sont souvent « limitées », « différées », et « soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché », a jugé le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Les nombreuses critiques pointent surtout des mesures « édulcorées », notamment sur la demande de création d’un « crime d’écocide » devenu délit dans le projet de loi. 

La CCC recommandait aussi l’interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants. Le texte interdit celle pour les énergies fossiles, en complétant avec des « codes de bonne conduite ». En matière de logement, un des secteurs les plus émetteurs de CO2, la CCC demandait la rénovation énergétique obligatoire des bâtiments d’ici 2040. Le projet de loi interdit la location des passoires thermiques à partir de 2028. Dans ce domaine, en fonction des conclusions attendues en mars d’une mission lancée par le gouvernement, des amendements pourraient compléter le dispositif lors du débat parlementaire. 

Vu l’étendue des domaines couverts par cette loi, de l’éducation aux finances en passant par les collectivités locales, une commission spéciale de l’Assemblée nationale devrait examiner le texte en mars, avant le passage dans l’hémicycle en avril. Et certains élus souhaitent déjà modifier le texte, dans un sens ou dans l’autre. Comme le député écologiste ex-LREM Matthieu Orphelin qui a identifié « cinq mesures de plus » qui permettraient selon lui de « multiplier par près de quatre les émissions de CO2 évitées en 2030″. Ou le sénateur Jean-François Longeot (UDI) qui veut introduire des mesures sur l’impact environnemental du numérique. Ce domaine n’est pas couvert par le texte qui se décline en six chapitres : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et renforcer la protection judiciaire de l’environnement. Les « Citoyens » eux doivent se réunir une dernière fois officiellement fin février pour juger de la réponse de l’exécutif à leurs propositions. 

Un projet de loi peu crédible au regard d’un gouvernement qui triche sur la réalisation des objectifs écologiques 

La France a bien dépassé son objectif de réduction pour 2019, comme l’ont souligné dimanche Emmanuel Macron et Barbara Pompili. Mais le plafond fixé pour cette année-là avait été relevé. La baisse doit, en outre, s’accentuer dans les années à venir si le gouvernement veut tenir ses engagements. 

Un cocorico en règle. « La France a baissé ses émissions de gaz à effet de serre en 2019 de 1,7%. C’est au-delà de notre objectif ! », se félicite Emmanuel Macron dans un tweet dimanche 7 février. Même satisfecit quelques heures plus tôt de la part de la ministre de la Transition écologique. « En 2019, la France a tenu ses engagements climatiques et c’est une excellente nouvelle ». 

Or cet enthousiasme de l’exécutif n’est en réalité qu’un banal et triste coup de communication. 

Le ministère de la Transition écologique a précisé, lundi 8 février dans un communiqué, que la France avait émis 437 millions de tonnes d’équivalent CO2 (Mt CO2e) de gaz à effet de serre en 2019, selon l’estimation actualisée du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa). Cette association, dont les travaux servent de référence, a calculé qu’en 2018 les émissions françaises s’élevaient à 444,8 Mt CO2e. Avec 7,8 Mt CO2e d’émissions en moins en un an, la baisse est donc bien de 1,7%, et même un peu plus (1,75% précisément).  

Toutefois, cette légère inflexion des émissions de gaz à effet de serre constatée en 2019 apparaît bien davantage liée à la conjoncture qu’aux mesures prises par le gouvernement. Le Citepa note ainsi qu’elle est due à 55% à une moindre consommation énergétique des bâtiments. L’hiver ayant été doux, les Français ont fait marcher leur chauffage moins fort. 

Quant à l’autre principale baisse mesurée, elle est liée à la désindustrialisation de la France. La diminution de la production d’acier, de ciment ou de verre a entraîné une diminution de la consommation de gaz naturel et de charbon de l’industrie chimique et métallurgique, relève le Citepa. Le Citepa note toutefois un ralentissement de cette réduction des émissions puisqu’elle avait été de 4% entre 2017 et 2018 (18,7 Mt CO2e d’émissions en moins). 

Avec 437 Mt CO2e émises en 2019, la France est certes en dessous (de 6 Mt CO2e) de l’objectif de 443 Mt CO2e qu’elle s’était imposé. Mais c’est oublier que le gouvernement l’a revu à la baisse, le rendant plus facile à atteindre. L’objectif initial était une baisse de 2,3% et reporter les baisses à plus tard n’est pas responsable ». 

Il est donc bien malhonnête de tronquer la vérité et de ne pas indiquer que l’objectif 2019 a été modifié début 2020 pour être rendu plus facile à atteindre (avec la révision de la SNBC). 

Cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre est inscrit noir sur blanc dans la Stratégie nationale bas carbone. Cette SNBC, née en 2015 avec la loi sur la transition énergétique, sert de « feuille de route » à la France dans la lutte contre le réchauffement climatique, comme l’explique le ministère de la Transition écologique. Celle-ci détermine des budgets carbones, c’est-à-dire les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser, exprimés en millions de tonnes équivalent CO2 (Mt CO2e). Ces objectifs à court et moyen termes tracent une trajectoire jusqu’à 2050. Avec la neutralité carbone comme but ultime à cette date. 

Le premier budget carbone, entre 2015 et 2018, n’a pas été tenu, souligne le Citepa. Les 442 Mt CO2e annuelles moyennes visées ont en réalité atteint 456 Mt CO2e. Le tribunal administratif de Paris vient d’ailleurs de condamner l’Etat pour « carence » dans le non-respect de ses engagements sur cette période. 

Pour le deuxième budget carbone, qui couvre la période 2019-2023, le plafond annuel moyen d’émissions a d’abord été fixé à 398 Mt CO2e, puis à 421 Mt CO2e. Mais la SNBC a été revue. Dans sa version de mars 2020, le plafond annuel moyen des émissions a encore été relevé à 422 Mt CO2e. A partir de 2020 et jusqu’en 2023, il est prévu qu’il soit raboté de 13 Mt CO2e chaque année. Mais pour 2019, le seuil était ainsi encore de 443 Mt CO2e. Cela tombe bien car dans une pré-estimation provisoire, le Citepa tablait sur 441 Mt CO2e d’émissions en 2019. Juste en dessous de la barre fatidique. 

Pour autant, même si ces 437 Mt CO2e d’émissions permettent de respecter l’objectif pour 2019, ce chiffre reste inférieur à la moyenne de 422 Mt CO2 à atteindre sur la période 2019-2023. Afin que les objectifs des années suivantes soient atteints, il faudra que la baisse soit de 3% par an en moyenne à partir de 2020, et non de 1,7% seulement. 

La pandémie de Covid-19 pourrait avoir aidé le gouvernement à atteindre son objectif pour l’année écoulée. Le Citepa fait remarquer que le confinement, le coup de frein donné au secteur des transports et la crise économique ont provoqué une « forte baisse » des émissions de gaz à effet de serre, au moins pendant une partie de l’année. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) estimait dans un rapport rendu en avril que la pandémie pourrait avoir entraîné une chute des émissions de l’ordre de 5 à 15%. 

Le gros de l’effort est en réalité reporté à plus tard. Le troisième budget carbone (pour la période 2024-2028) prévoit une réduction des émissions de l’ordre de 15%, avec un plafond fixé à 359 Mt CO2e par an en moyenne. Puis le quatrième budget carbone (2029 à 2033) table sur 300 Mt CO2e émises par an en moyenne, soit plus de 16% de baisse. 

Grève à la raffinerie de Grandpuits : récit d’une journée de mouvement social

Ce dimanche 7 février 2021, deux militants de la Gauche Républicaine et Socialiste de Seine-et-Marne – Nathalie Moine, co-référente départementale GRS77 et Gurvan Judas – se sont rendus à la raffinerie de Grandpuits dans le sud du département où les salariés sont maintenant en grève depuis le 4 janvier. Plus de 40 jours. 40 jours de combats. Gurvan nous raconte cet après-midi auprès des salariés et de leurs soutiens.

« La raffinerie, alimentée depuis des pipelines venants du Havre et remontants,la Seine est vétuste. Elle est en réalité « délaissée » au nom d’une politique écologique fondée sur la production de biocarburants et de bioplastiques et l’exploitation de deux centrales solaires photovoltaïques : Total cherche ainsi à se repeindre en vert pour l’occasion. Un plan de licenciement est prévu. La raffinerie doit faire l’objet d’une reconversio, et arrêter toutes ses activités d’ici 2023.

Une procédure de plan de sauvegarde de l’emploi prévu va entraîner la disparition de 150 postes. Mais d’après les syndicats, ce sont 700 salariés, sous-traitants compris, qui seront touchés. Des chiffres que conteste la direction de Total qui assure que 250 postes seront maintenus et 15 autres créés. Malgré cela, la colère des salariés de la raffinerie de Grandpuits monte, encore et toujours, en témoigne ce que nous avons vu ce dimanche.

Arrivés aux alentours de midi, nous avons dans un premier temps vu peu de monde : des Gilets Jaunes, des membres de la CGT et d’organisations politiques comme Le Mouvement Révolutionnaire (issu d’une scission du NPA), ainsi que des membres d’écoles d’art étaient déjà présent sur place, autour d’un feu. S’organisait alors progressivement la journée dans une ambiance festive ainsi que le repas : merguez, barbecue, sandwich. Des panneaux « En Grève » et des drapeaux de la CGT recouvrent le parking, une table, des caisses de grèves et même un sapin de Noël avec un gant faisant un doigt d’honneur en guise d’étoile ( certainement adressé au PDG de Total). Progressivement, de plus en plus de monde arrive, plusieurs dizaines, avant que le spectacle ne commence. Car ce dimanche se tenait une journée spéciale sur le parking de la raffinerie où a été installé un chapiteau pour l’occasion. À proximité du piquet de grève, des artistes, un chanteur, défendant d’une voix grave, accompagné d’une guitare et d’un accordéon, le sort des salariés. S’y ajoutent bientôt une troupe de cirque, des numéros de jonglage et d’acrobaties pour rythmer cette journée festive. Des numéros impressionnants remplis d’humour et de dérision face à la situation des salariés, les jongleurs, jonglant avec de fausses bouteilles de Champagne amenées « pour le PDG de Total ». « On est là, on est là, pour l’honneur des raffineurs et pour un monde meilleur, même si Macron ne veut pas nous on est là », cette adaptation de l’antienne des Gilets Jaunes ponctue l’après-midi Tout cela malgré un froid glacial et la neige par moment. Enfin, pour finir un numéro de Stand Up, Audrey Vernon, venue jouer son spectacle « Billion dollar baby » pour clôturer cette journée de fête.

Avant le spectacle, les raffineurs s’étaient réunis ; ils n’étaient que quelques uns à être présents, la majorité de cette petite foule joyeuse – malgré la situation – est constituée des familles des raffineurs et de différents soutiens. Ces soutiens, ces présences sont essentielles pour les raffineurs comme l’a rappelé Adrien Cornet délégué CGT de Grandpuits, organisateur de cette journée, dans un discours magnifique, où il était ému aux larmes.

Nous avons pris le temps de le rencontrer ensuite lui, ainsi que plusieurs autres raffineurs et organisateurs de cette journée, pour échanger sur la lutte qu’ils conduisent. Leur discours est intelligent, censé ; ils sont conscients de la crise écologique, de la nécessité d’engager cette transition, que le pétrole pollue. Ils demandent cependant que cette transition écologique se fasse en amont : elle doit être programmée, engagée de manière intelligente, préparée. Et non se faire au détriment de centaines d’emplois, l’écologie servant ici d’excuse à Total pour fermer un site vétuste dans lequel elle a cessé d’investir. C’est ce que que nous a dit l’un des organisateurs.

D’autres journée de ce type et actions sont prévues, notamment une manifestation ce mardi 9 février à La Défense au pied de la Tour Total. Les soutiens sont nombreux, les syndicalistes affirment qu’« une dizaine de milliers d’euros » a déjà été récoltée pour soutenir le mouvement.

Comment ne pas être ému devant ces gens conscients de la réalité, dont le discours est lucide. Ils se battent pour leur avenir et leurs emplois, dans le rire et la joie ; ils font peuvent d’une force et d’une résilience formidable, d’une solidarité sans faille. Des gens qui se battent pour leur emplois face au géant Total, pour l’honneur des raffineurs et pour un monde meilleur, oui ils sont là…et le resteront jusqu’à ce qu’ils soient enfin entendus … et il serait bon que ce ne soit pas que par Total ! »

Veolia contre Suez : non c’est non  !

Le PDG de Veolia serait-il une métaphore capitalistique du type lourd en boîte de nuit à qui on dit « non » 3 fois et qui ne peut s’empêcher de revenir à l’assaut ? 

Veolia, en effet, a annoncé, dimanche 7 février 2021, « le dépôt d’une offre publique d’achat sur l’ensemble du capital de Suez, au prix de 18 euros par action − coupon attaché ». C’est le prix auquel cette société avait racheté, le 5 octobre, 29,9 % du capital de son rival auprès d’Engie (ex. GDF-Suez). 

La société Suez affirmait avoir obtenu du tribunal de Nanterre une ordonnance imposant à Veolia de ne pas lancer son OPA, si elle n’était pas préalablement approuvée par son propre conseil d’administration. Mais Veolia, de son côté, assurait avoir déposé son offre à 7 heures auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) avant que la décision du tribunal ne lui soit communiquée, à 7 heures 23. « Notre offre est valable. Elle est partie », a répliqué Antoine Frérot, PDG de Veolia. Décidément, la métaphore du dragueur impénitent de boîte de nuit semble taillée précisément pour ce dernier. 

Depuis l’été 2020, les principaux dirigeants capitalistes ou gouvernementaux soufflent le chaud et le froid dans ce dossier. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, n’a jamais totalement désavoué ce projet d’absorption de Suez par Veolia, défendant même l’idée de création d’un grand champion économique de l’environnement, mais demandant pour donner le change à ce que M. Frérot s’engage à obtenir un blanc-seing de Suez avant de lancer son OPA à 11,3 milliards d’euros, dont 3 milliards déjà dépensés dans le cadre du rachat des titres Engie. On se rappelle qu’Engie avait elle-même lâché Suez en octobre dernier au terme d’un conseil de surveillance rocambolesque, au cours duquel les représentants de l’État avaient mis en scène leur marginalisation et ceux de la CFDT s’étaient absentés au moment opportun… 

L’annonce de Veolia de ce jour constitue une nouvelle irrégularité majeure qui ridiculise un peu plus l’Etat. L’intersyndicale Suez a immédiatement interpellé le ministre : « Allez-vous laisser faire cette folie ? », assimilant l’OPA de Veolia à une « déclaration de guerre ». Le ministre de l’économie s’est contenté ce matin sur Europe 1 d’en appeler à retrouver le chemin de la conciliation et du dialogue, arguant « le capitalisme français ne peut être la guerre de tous contre tous ». De quelle crédibilité politique le ministre peut-il encore se prévaloir alors que l’Etat a abandonné toute action sérieuse de régulation du capital dans notre pays, que Bruno Le Maire ne s’est décidé à activer le décret Montebourg que pour empêcher le québécois Couche-Tard de reprendre Carrefour pourtant non délocalisable après avoir laissé partir sans agir Photonis ou Latécoère. La démonétisation de la parole ministérielle est d’autant plus forte que chacun sait que tout au long des négociations de l’été et de l’automne l’Elysée plaidait pour la fusion. Macron, déjà comme secrétaire général adjoint de l’Elysée, sapait les efforts du ministre Montebourg sur le dossier des hauts fourneaux de Florange. 

Ces derniers épisodes boursiers et financiers ne changent pourtant rien à l’affaire ! Ce projet est une fausse bonne idée, et encore c’est un euphémisme. 

Le rachat de Suez par Veolia aboutira de fait en France à la constitution d’un grand monopole privé dans la gestion de l’eau et des déchets. Or, s’il y a situation de monopole – surtout dans ce secteur –, celui-ci doit être public. Et si tel n’était pas le cas, il était préférable qu’il existe une concurrence saine entre entreprises françaises capables d’organiser une stimulation positive plutôt qu’une compétition destructrice. 

Mais plus encore, la logique qui sous-tend le projet de Veolia conduira à court et moyen termes à l’introduction d’opérateurs étrangers qui occuperont l’espace de la libre concurrence. Tous les exemples précédents démontrent que cela aboutit à un accroissement significatif de la pénétration des entreprises étrangères en France. Cela ne sera pas sans conséquences négatives sur nos recettes fiscales, sur l’emploi et les conditions sociales des salariés français de ces entreprises et enfin sur la maîtrise technologique et la Recherche & Développement (car Veolia pour respecter les règles de la concurrence se séparera d’une partie des activités de Suez à l’international qui avait permis à cette société de construire des coopérations mondiales dans ce domaine). 

Toute cette affaire pose donc une grave question de souveraineté nationale : 

  • d’une part, une pénétration accrue de notre marché par des sociétés étrangères ; 
  • d’autre part, et paradoxalement, une mise à mal des synergies qu’ont su construire Veolia et Suez entre activités nationales et internationales, en particulier en matière de développement technologique. 

Ce regroupement aura des conséquences négatives pour l’emploi, que ce soit pour les fonctions « support » nationales ou régionales mais aussi dans les agences locales. 

Il fait enfin porter un risque important sur la nécessaire diversité des solutions à mettre en œuvre dans le domaine de l’économie circulaire, où un modèle unique pourrait s’imposer, en choisissant de privilégier un modèle hyper-mécanisé et spécialisé, plutôt que de le faire cohabiter avec des centres locaux, plus diffus, plus mixtes mais dont le spectre des produits traités est plus large. Or ce sont des choix majeurs sur le chemin pour engager la transition écologique, pour favoriser l’emploi et les compétences, et pour soutenir le développement local. 

Les étudiants abandonnés par le gouvernement

Les tentatives de suicide ou suicides d’étudiants se multiplient ces derniers temps. En plus d’être effroyables, elles sont d’une certaine manière marquées du sceau du tragique en ce sens que rien n’est fait pour qu’elles ne se produisent pas. Le Gouvernement est, non seulement coupable par son inaction, mais également pour sa « dés-action » car l’impression que tout est fait à l’encontre des étudiants est prégnante. Le fait que la Ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ait été obligée par des sénateurs d’évoquer la tentative de suicide qui s’est produite à Lyon 3, il y a trois semaines, lors des Questions au Gouvernement d’il y a quinze jours est symptomatique du cynisme de la Macronie à l’encontre des étudiants.

Ce jeudi 14 janvier, afin de pallier cette situation, l’on apprend que le nombre de psychologues dans les universités va être doublé. Plus à côté de la plaque, tu meurs. Cette expression pourrait faire sourire si des vies n’étaient pas en jeu, mais c’est pourtant le cas. Le Gouvernement semble ne pas l’avoir compris ou alors, s’il l’a compris, saluons sa volonté indéfectible d’entraîner les étudiants vers la mort sociale.

Voilà presque une année maintenant que les cours se tiennent quasiment dans leur intégralité en visioconférence. En plus de problèmes techniques – car tous les étudiants ne disposent pas forcément d’ordinateurs ou de connexion internet fonctionnels – et pédagogiques – car suivre un cours depuis un ordinateur demande des efforts de concentration considérables -, les étudiants sont privés de toute socialisation. L’université n’est pas qu’un espace de travail et d’apprentissage. C’est également un lieu où l’on se rencontre, où l’on se forme personnellement, où l’on débat pour se former intellectuellement, où l’on participe à des activités associatives… L’université, ce n’est donc pas qu’une histoire d’études mais aussi une histoire de vie. L’espèce humaine est une espèce éminemment sociale, les étudiants ne font pas exception à la règle, ils en sont même le paroxysme.

En dehors de cela, certains étudiants vivent seuls, enfermés, depuis presque une année maintenant. Parfois éloignés de leurs familles, arrivant en première année, ils sont livrés à eux-mêmes dans un petit studio à peine fonctionnel et n’ont aucun contact social. Pour soulager ces maux, l’on a rien trouvé de mieux que d’augmenter à plusieurs reprises leurs aides personnalisées au logement (APL). Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt.

Que dire également des étudiants internationaux, loin de chez eux, plus isolés que jamais, sans aucun soutien financier ? Et que dire des étudiants qui payaient leur loyer grâce à un petit boulot et qui se retrouvent aujourd’hui, soit impayés, soit en chômage partiel et donc privés d’une partie de leur salaire ? Il est évident qu’un étudiant qui doit travailler pour subsister, c’est déjà un étudiant de trop, tant les deux devraient être incompatibles. Surtout, quelles perspectives existeront pour des étudiants qui entreront sur un marché du travail exsangue et dans le marasme économique le plus total ?

La situation des étudiants est dramatique, mais s’y ajoute celle des étudiants et lycéens dans une formation professionnelle.

En effet, cette crise sanitaire s’accompagne d’une crise sociale et économique, où nombre d’entreprises ont mis la clef sous la porte ou sont en faillite et fermeront in fine.

Dès lors, que faire lorsque nous sommes apprentis, en CAP et ou bac professionnel, que nous allons au lycée une semaine puis l’autre à l’atelier ou au garage ?

Parfois, le plus souvent même, ces élèves sont issus des milieux populaires et le revenu de la formation professionnelle est particulièrement important pour le foyer.

L’incertitude gagne les petites et moyennes entreprises. La difficulté à se projeter dans le futur et la vie professionnelle, la crainte pour les entreprises, voire la frilosité à embaucher des jeunes en apprentissage ou en alternance grandit malgré les promesses de primes pour celles qui embaucheront un apprenti, cette prime sera-t-elle seulement suffisante ?

Que fait la Macronie contre tous ces maux ? Rien, strictement rien. Pire encore, au lieu d’essayer de les soulager, elle les aggrave. L’on a demandé aux étudiants et plus généralement aux jeunes de faire des efforts au nom de la société. Ces efforts ont été effectués avec beaucoup de courage et une volonté de fer. Mais que lui rend cette société en retour ? Absolument rien. La dernière idée du Gouvernement Castex : un couvre-feu national à 18h. Pour les étudiants, cette option est pire qu’un confinement. Le confinement autorisait en effet une sortie quotidienne d’une heure. Sortie que les étudiants faisaient généralement en début de soirée, à la fin de leur journée de cours. Avec le couvre-feu à 18h cela est impensable. Se réveiller à 8h pour ses cours, être collé à un écran toute la journée et à la fin de ses enseignements, rester chez soi pour cause de couvre-feu, c’est ne pas avoir respiré l’air de l’extérieur de la journée.

Si l’on fait le bilan de ce qui a été fait, défait ou pas fait vis-à-vis des étudiants depuis le début du mandat du Président Macron, un constat apparaît nettement : les étudiant sont, entre autres – les Gilets jaunes, retraités, classes moyennes et non ultra-riches de manière générale, nous ne vous oublions pas -, les sacrifiés du quinquennat.

Une pensée émue aux proches des étudiants et aux étudiants qui tentent de mettre fin à leurs jours et aux proches de ceux qui sont tragiquement mort, comme ce fut le cas d’une étudiante de la Sorbonne le vendredi 15 janvier…

La Gauche républicaine et Socialiste propose plusieurs réponses et soumet plusieurs propositions pour répondre à la précarité étudiante :

-Le RSA jeune est une solution, mais elle est insuffisante.

Il faut également reconnaître les besoins spécifiques de la jeunesse, bourses, emplois, accompagnement spécialisé pour les étudiants en ayant besoin.

– Un dispositif « garantie jeunes » renforcé, une aide à la formation et à l’emploi.

-Un suivi psychologique renforcé.

-Il faut également abroger la réforme assurance chômage repoussé à avril.

-Améliorer l’accès au CROUS

-Adapter les examens, quand le semestre se passe intégralement en distanciel et quand certains étudiants ne peuvent pas suivre l’intégralité des cours.

-Enfin, des mesures sanitaires respectées quand les cours ont lieux en présentiels.

Dans la phase transitoire, seuls les droits automatiques fonctionnent. Créer des emplois jeunes est long, la garantie jeune est complexe. Il faut désormais les deux.

Le RSA pour assurer des revenus et des emplois jeunes, et une stratégie de l’État garant de l’emploi en dernier ressort.

Les dispositif « emplois jeunes » et « garantie jeunes » n’ont pas conjuré l’exclusion et la pauvreté des jeunes.

La « garantie jeunes » ne marche que pour les jeunes qui ne sont pas éloignés de l’emploi, et la généraliser à tous ceux qui en ont besoin est infaisable.

C’est pourquoi il faut en plus leur verser le RSA et créer de nouveaux emplois.

Il faut de plus distinguer les jeunes en formation auxquels il faut verser une véritable allocation d’étude garantissant leur autonomie.

Loi Grand Âge encore reportée : Macron et Bourguignon doivent revoir leurs priorités

Projet ancien sans cesse reporté par les gouvernements sous Sarkozy puis Hollande, puis à nouveau promise depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, la loi Grand âge et autonomie, annoncée au printemps puis en septembre 2021, a été à nouveau renvoyée dans les limbes gouvernementales. En effet, mercredi 13 janvier, lors des questions d’actualité au gouvernement, la ministre déléguée chargée de l’autonomie, Mme Bourguignon, a annoncé un nouveau report du projet « au terme de la crise sanitaire ».

Le projet semblait pourtant réunir tous les atouts pour devenir une priorité de l’action publique et faire l’objet d’un débat (pour une fois) sérieux et utile pour le pays (quelles que soient les préventions et les désaccords existant entre la majorité présidentielle et le reste du pays) : une demande forte de tous les acteurs du secteur, une pléiade de rapports – Libault et El Khomri en 2019, Guedj et Piveteau en 2020… – commandés pour passer sous silence les mesures proposées dans le rapport de notre députée Caroline Fiat en collaboration avec Monique Iborra (2018), la nomination d’une ministre déléguée, la création d’une 5ème branche de la sécurité sociale spécifique à l’autonomie (bien que celle-ci soit aujourd’hui une coquille vide ce que nous avions dénoncé à l’Assemblée nationale et au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale [PLFSS] pour 2021) et une transition démographique qui verra la part des plus de 75 ans fortement augmenter. La ministre déléguée – malgré tous les reproches qu’il est possible de lui faire – semblait elle-même déterminée à proposer un texte important : « Cette réforme du grand âge et de l’autonomie aurait pu être une énième réforme financière avec un plan d’investissement sur les places en Ehpad et un taux d’encadrement, mais j’ai la conviction que la transition démographique imminente nous pousse à faire plus. » Dont acte.

Las ! tout ceci est aujourd’hui hors champ. L’exécutif et la majorité parlementaire évoquent une surcharge du calendrier parlementaire qui ne laisse personne dupe : le ministère assure désormais que le projet de loi sera déposé avant l’été, mais aucun agenda parlementaire solide n’est avancé, laissant entrevoir qu’il sera impossible de l’examiner à l’automne. Aurons-nous un examen du PLFSS pour 2022 qui laissera à nouveau la 5ème branche vide ? Ensuite, les débats budgétaires puis la campagne pour l’élection présidentielle obéreront tout travail parlementaire, soyons lucides !

Alors que la crise sanitaire a clairement révélé les failles de la prise en charge des personnes âgées ou même parfois de leur simple prise en compte, le report de cette loi est indigne des enjeux et constitue un mépris de plus à l’égard de tous ceux qui se battent depuis des années pour une longévité digne. Comment imaginer attendre que la crise sanitaire soit réglée pour s’attaquer au défi du grand âge ? Déjà aujourd’hui, faute de personnel et de moyens financiers, il est impossible d’honorer toutes les demandes d’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap.

Mener une politique pour le grand âge, c’est également avoir une vision à long terme, c’est planifier, anticiper, prévoir, et coordonner les politiques de santé, d’habitat, de mobilité, du numérique, d’écologie, des services publics, ou d’action sociale… Sur tous ces sujets, l’exécutif et sa majorité parlementaire nous ont habitué depuis 3 ans au mieux à un manque de vision, au pire à une négligence coupable. Il est évident que ce nouveau report traduit un fait politique : la ministre déléguée a perdu ses arbitrages dans la fixation des priorités de l’action gouvernementale, qui préfère occuper le Parlement sur les séparatismes ou pérorer sur le maintien à terme des « réformes » de l’assurance chômage ou des retraites. La nomination de Mme Bourguignon dans le gouvernement Castex ressemble de plus en plus à une opération cosmétique, ce qui nous désole.

Nous partageons donc l’inquiétude des principales fédérations associatives d’aides à domicile : « L’heure n’est plus aux débats, encore moins aux diagnostics. C’est désormais d’une décision politique dont nous avons besoin » !

Nous appelons donc l’exécutif à revoir rapidement ses priorités pour apporter enfin les outils nécessaires pour un secteur trop longtemps laissé en déshérence par les pouvoirs publics.

Nous avons besoin de vous !

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