La droite et la macronie s’accordent en matière budgétaire sur deux mantras : il faut baisser les impôts de production ; il faut réduire la dépense publique…
Peu importe l’absence totale de résultats en matière économique du premier verset – voilà près de 30 ans que cotisations sociales et impôts sont baissés sans jamais améliorer notre compétitivité et notre balance commerciale – les cadeaux fiscaux aux dirigeants d’entreprises, aux actionnaires, aux plus aisés de nos concitoyens (le premier quinquennat Macron n’en a pas manqué, le second poursuit dans la lignée) continuent de s’empiler. Cette année, le projet de budget sort du Sénat comme il y était arrivé en matière de taxation du capital : refus d’ne nouvelle modalité d’imposition des multinationales fondées sur le chiffre d’affaires pour lutter contre l’évasion fiscale ; refus du rétablissement d’une véritable exit tax pour lutter contre les évadés fiscaux ; refus de la taxation des superprofits indispensable mesure de justice fiscale ; refus d’augmenter la taxe sur les transactions financières, la taxation des dividendes versés (44,3 Mds € pour le seul second trimestre de 2022, et ça n’est même pas un record !) ou la taxation des dividendes reçus.
Le deuxième verset implique dans la suite du premier de se priver des moyens nécessaires pour conduire des politiques publiques dignes des défis auxquels est confronté notre pays et des attentes des Français.
Après avoir refusé les propositions de recettes il fallait toute l’inventivité de la droite sénatoriale et du Gouvernement pour expliquer que nos concitoyennes et nos concitoyens allaient voir leurs factures d’électricité exploser cette année de 15%, après une augmentation de 4% l’année précédente, après une envolée de 50% sur les 10 dernières années. Les Français payaient, avant la guerre en Ukraine, les décisions coupables d’ouverture au marché de l’énergie et les sous-investissements chroniques dans l’énergie nucléaires. Le bouclier énergie n’y peut rien, même à 45 milliards d’euros… Si la France se dotait des moyens nécessaires nous pourrions répondre à ces défis dans l’urgence et même entamer la réparation nécessaire des erreurs structurelles qui se sont accumulées sous l’effet de 15 années de politiques néolibérales.
Une satisfaction cependant : les sénateurs n’ont pas poussé le vice jusqu’à cautionner le scandale budgétaire sur la mission « Cohésion des territoires », qui préside aux crédits de la politique du logement de la la politique la ville. Peut-être que sur ce sujet, à propos duquel notre camarade Marie-Noëlle Lienemann (en vidéo ci-dessous) porte une parole respectée, les sénatrices et sénateurs perçoivent mieux que sur d’autres la « bombe sociale » en gestation ; c’est d’ailleurs la pire ironie de la situation : l’expression est du ministre du logement lui-même, Olivier Klein, dernier transfuge PS arrivé en macronie, quelques jours à peine avant que la Haute Assemblée ne vote contre cette mission budgétaire… un ministre qui avoue la catastrophe en devenir mais qui a abdiqué l’ambition d’obtenir les moyens nécessaires pour y remédier.
Un dernier mot sur les conditions du débat budgétaire.
La révision constitutionnelle a tendu à sacraliser les lois de programmations des finances publiques qui, sans aller jusqu’à une règle d’or intangible, a contribué à réduire le champ d’expression du Parlement. Le droit d’initiative des parlementaires est de plus en plus réduit à peau de chagrin par une interprétation toujours plus restrictive du « parlementarisme rationalisé » : en réalité, le seul qui peut amender le budget c’est le gouvernement. Par ailleurs, la fixation d’un calendrier contraint a débouché sur des situations ubuesques qui ont obligé les parlementaires des tous les bancs à retirer l’intégralité de leurs amendements dans le cadre de la mission « agriculture, alimentation et forêts ». Comprenez bien qu’il faut se dépêcher d’aller vers un huitième 49.3 à l’Assemblée Nationale ! La démocratie parlementaire en sort un peu plus abimée, on en vient presque à espérer que nos concitoyens ne regardent pas les débats parlementaires pour qu’ils n’aient pas envie de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Plus que jamais, l’examen du budget 2023 aura démontré que l’urgence d’une bifurcation en matière de politiques publiques est inséparable d’une profonde refonde de notre démocratie républicaine.