Pour la deuxième fois en quelques mois, les locaux de General Electric (GE) à Belfort et dans l’usine voisine de Bourgogne ont été à nouveau perquisitionné, ce mardi 29 août, à la demande du Parquet national financier (PNF) concernant des “soupçons” de fraude fiscale à l’encontre de la multinationale américaine.
Après plusieurs enquêtes de la presse, plusieurs droits d’alertes économiques et de nombreuses expertises depuis 2018 sans effet sur la politique fiscale du groupe GE, le CSE et les organisations syndicales CFE-CGC et SUD avaient porté plainte contre X auprès du PNF, pour blanchiment de fraude fiscale, abus de confiance, faux et usage de faux et recel aggravé, le 31 mai 2022. Ils ont largement nourri le PNF en documents et éléments d’appréciation et ce dernier a réagi rapidement. Cela démontre s’il en était encore besoin qu’il est indispensable que la loi obligent à informer en détail les représentants syndicaux dans les entreprises sur la réalité fiscale – en particulier prix de transfert – non seulement pour défendre les intérêts des salariés mais aussi, on le voit ici, pour défendre l’intérêt national.
Il faut ici décrypter le montage élaboré par GE au regard des éléments qui nous sont connus. Fin 2015, GE a en effet transféré les responsabilités commerciales vers General Electric Switzerland GmbH (GES) domiciliée en Suisse. L’usine de Belfort, qui aurait dû être le siège mondial des activités de turbines, n’est plus un « fabricant » mais une « unité de fabrication » aux ordres de GES, qui l’a maintenue dans une situation de déficit artificiel. Ce déficit artificiel a servi de prétexte à GES pour imposer la modération salariale, la baisse des investissements en R&D et production, les délocalisations d’activités (Inde, Hongrie, USA…), ainsi qu’un PSE de 792 emplois en 2019, rendant le site incapable de faire face au rebond d’activité qui suivit et qui avait annoncé par les représentants syndicaux.
Ce montage fait suite à la conclusion d’un accord fiscal entre GE et le canton d’Argovie en Suisse, qui aura fait économiser 3 milliards de dollars de charges fiscales à GE sur 5 ans et de rendre profitable pour GE le mauvais accord autour de la reprise partielle d’ALSTOM. Les pouvoirs publics le savaient : représentants des salariés et élus n’ont cesser de dénoncer ces méthodes.
GE a développé une stratégie de captation des profits de la vente de ses produits made in France. Par intégration fiscale sur le sol français, le déficit artificiel du site belfortain a aussi permis de compenser les bénéfices de l’entité Healthcare à Buc en région parisienne : GE n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France depuis plus de 10 ans, accumulant plus de 2 milliards d’euros de déficit fiscal reportable.
Ces pratiques répandues de nombreuses multinationales grèvent lourdement le budget de l’État et des collectivités territoriales, menaçant nos services publics et notre modèle social. De 2006 à 2019, les recettes liées à l’impôt sur les sociétés ont baissé de 40%.
La manœuvre fiscale de GE s’inscrit donc dans une stratégie de long terme qui l’a vu trahir ses engagements à l’égard de la puissance publique française et des salariés, avec pour le moins une grave forme de naïveté, voire de complaisance, de la part des dirigeants français. Il reviendra au PNF d’en faire la démonstration et d’en tirer les conclusions.
La Gauche Républicaine et Socialiste espère que la procédure ne dure pas trop comme cela a été trop souvent le cas dans le passé. Elle affirme surtout la nécessité, dans le cadre de l’examen du projet de loi “partage de la valeur” (transposition de l’Accord National Interprofessionnel de février 2023, en pleine navette entre l’Assemblée Nationale et le Sénat), de permettre de recalculer, en cas de fraude fiscale, la part de la richesse produite par l’entreprise qui doit revenir aux salariés et d’inscrire une obligation transmettre annuellement à leurs représentants syndicaux les prix de transfert.