Proposition de résolution européenne visant à rejeter le projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis

Comme vous le savez, la Présidente de la Commission européenne en déplacement en Ecosse le 27 juillet 2025, a agréé les principales lignes directrices d’un projet d’accord commercial à sens unique, où la quasi-totalité des exigences de l’administration de Donald Trump ont été satisfaites.

  1. Les exportations européennes feront l’objet d’un rehaussement général des droits de douane américains à hauteur de 15%, tandis que les exportations américaines vers l’UE verront leur tarif inchangé. Ce à quoi il faut ajouter la récente dépréciation du dollar (environ moins 13% depuis le début 2025), qui cumulée avec les droits à 15%, équivaut en fait à satisfaire l’exigence initiale de Trump à 30%. Des exemptions seraient prévues dans quelques secteurs, notamment l’aéronautique, les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs. La négociation n’est pas arrêtée dans le secteur des vins et spiritueux, qui en France est très exposé à la demande intérieure américaine. Il ressort de cette négociation que notre économie déjà en difficulté risque d’être violemment impactée, d’autant plus que la Commission s’est engagée sur des contingents d’importation supplémentaires de produits agricoles américains.
  2. La Commission s’est engagée à acheter plus d’armements originaires des USA, trahissant sa promesse de consolider l’Europe de la Défense et de favoriser au maximum l’industrie européenne, et notamment française, dans le cadre d’une élévation de l’effort de défense à 3%, voire 3,5% du PIB. Il s’agit là d’une attaque directe contre nos intérêts économiques et stratégiques, par ailleurs contraire aux traités : hormis certains dispositifs spécifiques à l’aide européenne à l’Ukraine, la Commission n’a aucun droit ni mandat pour négocier et encore moins conclure des contrats d’armements avec l’étranger.
  3. La Commission s’est engagée à des investissements européens massifs, d’une valeur de 600 milliards d’euros, aux États-Unis. Ce faisant, elle a balayé d’un revers de main toutes les recommandations récemment formulées par d’éminentes personnalités, particulièrement MM. Draghi et Letta, visant à mobiliser l’épargne européenne, qui finance déjà largement le déficit budgétaire et commercial américain, pour produire davantage en Europe et y investir dans les secteurs de pointe. Quoiqu’on pense de la pertinence et de l’opportunité de ces propositions faites dans le cadre du débat public européen, la Commission a décidé de facto, hier, de les rendre caduques et sans objet.
  4. La Commission s’est engagée à rendre l’Europe dépendante des États-Unis, et au prix fort, pour son approvisionnement énergétique, via une intention de leur acheter 750 milliards d’euros de pétrole et de gaz naturel liquéfié. Je pense que cet engagement outrepasse ses prérogatives, car l’approvisionnement énergétique relève des États-Membres. Sur le fond, cette décision est déplorable car notre autonomie stratégique repose précisément sur la diversification des approvisionnements énergétiques. Échanger notre dépendance au gaz à un régime autoritaire et agressif contre une dépendance à un pays qui se veut notre allié tout en nous imposant des conditions aussi léonines, ne me paraît pas une approche responsable ni prudente.
  5. Politiquement, l’Union européenne est humiliée et tous les efforts qu’elle a consacrés à la réciprocité commerciale, notamment des règlements importants comme l’instrument anti coercition voté par le Parlement européen sous sa précédente législature, tombent à néant. À ce stade, au terme de cet accord UE-USA (à supposer qu’il soit intégralement appliqué), la Chine bénéficierait globalement, de la part des Américains, d’un traitement plus favorable que nous. Employer le terme d’humiliation face à un pays allié qui, finalement, concèderait à son « rival systémique » des relations économiques et commerciales plus favorables, ne me paraît donc pas excessif. La perte de crédibilité politique, diplomatique, économique et commerciale de l’UE est immense. C’est indubitablement un jalon vers une perte de substance de la construction européenne.

Dans ces conditions, il me paraît urgent que le Parlement français se prononce dans des termes sans la moindre équivoque contre l’accord Trump – Von der Leyen, comme il a su le faire à l’automne dernier contre l’accord avec le Mercosur.

Dans l’attente d’une réaction du Président de la République, j’ai proposé aux députés de cosigner une proposition de résolution de l’Assemblée nationale exprimant notre refus unanime de la vassalisation de l’Union européenne.

Emmanuel MAUREL, député du Val-d’Oise
et animateur national de la Gauche Républicaine et Socialiste
Mardi 29 juillet 2025

Droits de douane : « Il y aura des destructions d’emplois en France », prévient David Cayla – entretien dans L’Humanité

L’Humanité, lundi 28 juillet 2025

David Cayla, maître de conférences en économie à l’Université d’Angers, analyse pour nous l’accord signé entre Donald Trump et l’Union européenne, qui prévoit des droits de douane de 15 % sur les produits européens. Pour lui, l’UE a laissé passer une chance historique d’affirmer son indépendance.

Quelle lecture faites-vous de l’accord signé ce 27 juillet ?

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il est déséquilibré ! La question est de savoir pourquoi l’Union européenne (UE) parvient à un accord finalement moins favorable que ce qu’a obtenu le Royaume-Uni qui négociait tout seul de son côté. Ce dernier a en effet obtenu des droits de douane de 10% ainsi que quelques concessions sur des marchés libres de taxes.

L’UE, en revanche, c’est 15% de droits de douane (sur les produits européens exportés vers les États-Unis, N.D.L.R.), avec en plus l’obligation d’acheter du pétrole et du gaz américain, sans compter l’armement. Enfin, les Européens ont promis d’investir 600 milliards de dollars sur le sol américain, ce qui va à rebours de toutes les promesses formulées dans l’UE au cours des dernières semaines, selon lesquelles l’épargne européenne devait être mobilisée pour financer la croissance et l’industrie européenne.

Pourquoi un accord aussi asymétrique ?

Tout simplement parce que les pays membres sont divisés, en raison de structures économiques différentes : entre les pays désireux de protéger leurs industries exportatrices, comme l’Allemagne et d’autres favorables à des positions plus fermes (comme la France), aucun terrain d’entente n’a été trouvé. Et ce sont finalement les logiques exportatrices qui se sont imposées : il n’y a qu’à voir le soupir de soulagement poussé par les industriels allemands, heureux d’échapper à des taxes de 30%.

À l’arrivée, c’est surtout un échec politique de l’UE : on nous vend depuis des années l’idée selon laquelle, avec l’Union, les pays seraient plus puissants pour négocier des accords commerciaux avantageux. Et on se retrouve avec un accord plus mauvais que des pays hors UE. Si l’Union européenne, qui nous impose par ailleurs de multiples contraintes, ne nous protège même pas en cas de guerre commerciale, à quoi sert-elle ? À ce titre, cet accord va renforcer les discours eurosceptiques.

Quelles pourraient être les conséquences pour l’économie française ? Seuls quelques secteurs sont particulièrement exposés (aéronautique, spiritueux, médicaments), et il semblerait qu’ils ont été épargnés par l’accord…

Les choses ne sont pas aussi claires ce stade. L’aéronautique semble épargnée, en effet, mais il manque encore les détails sur les modalités concrètes de cette exemption. Pour ce qui est des spiritueux et de la pharmacie, il y a fort à parier que des taxes s’appliquent.

Ce qui semble évident, de toute façon, c’est qu’il y aura des destructions d’emplois en France : des entreprises exportatrices vont voir leurs carnets de commandes diminuer et réduire leur volume d’emplois. Dans un environnement déjà récessif en raison de l’impact du budget présenté par François Bayrou, la hausse des droits de douane ne va pas contribuer à améliorer l’économie française.

À plus long terme, d’autres choses sont préoccupantes. D’abord, la France (et l’Europe) vont accroître leur dépendance au numérique américain : à chaque fois que vous achetez un logiciel Microsoft ou que vous avez recours à Netflix, par exemple, vous payez pour ces services, sous forme de redevances ou d’abonnements. Tout cela commence à peser lourd dans la balance des paiements des pays européens.

Ensuite, il est probable que les entreprises européennes préféreront construire des usines aux États-Unis pour échapper aux droits de douane. Cela peut être le cas des labos pharmaceutiques, comme Sanofi, ou des groupes d’automobile. Il ne faut pas oublier que l’objectif de Trump est de pousser ses partenaires commerciaux à investir chez lui plutôt qu’en Europe.

Qu’aurait dû faire l’Union européenne ? Accepter pleinement la logique du bras de fer, comme l’a fait la Chine ?

Les différences économiques sont telles qu’il n’est pas évident de se comparer avec la Chine. Mais il aurait fallu, en tout cas, porter nos propres revendications, c’est-à-dire la conquête de l’autonomie stratégique européenne, en matière d’énergie, de défense et sur le numérique.

Cela impliquait de fixer des lignes rouges. Et de dire par exemple aux Américains que s’ils poursuivaient dans cette voie, nous irions taxer leurs géants du numérique et exclure certaines de leurs entreprises de nos appels d’offres. Je vous renvoie au rapport de Mario Draghi (publié par l’ancien président de la Banque centrale européenne en septembre 2024, N.D.L.R.), qui appelait à davantage de souveraineté européenne : c’est le contraire, que cet accord sur les droits de douane entérine.

en complément à cet entretien accordé à L’Humanité, nous ajoutons ci-dessous les éléments d’analyses que David Cayla a confié le même jour à France 24

« À l’origine, le projet européen est une union douanière de pays qui se coordonnent pour influencer le commerce international à leur profit. Alors que l’UE était là pour nous protéger, le Royaume-Uni s’en sort mieux que nous. Les Britanniques ont vu leurs droits de douane doubler alors qu’ils ont triplé pour l’UE qui paye ici l’hétérogénéité de son économie avec des États membres qui ont des intérêts contradictoires ». […]

« L’Allemagne et l’Italie ont extrêmement peur des droits de douane de 30%. Donc ils se contentent de 15%. La France, qui est moins dépendante des exportations vers Washington, adopte une ligne beaucoup plus dure », note David Cayla, selon qui l’accord vient contrarier les dynamiques que Paris voulait insuffler au sein de l’UE. Selon les annonces de Donald Trump, l’Union européenne s’engage à des achats massifs de matériel militaire aux États-Unis alors qu’Emmanuel Macron plaide en faveur d’une « autonomie stratégique » et d’une « Europe de la défense ».

« La France voulait également que l’on se passe du gaz au maximum au profit de la production d’électricité avec un projet de relance du nucléaire. Une nouvelle fois, comme sur le Mercosur, on s’aperçoit que la ligne de la France n’est jamais celle qui gagne ».

Or, si l’UE a refusé le combat face à Donald Trump, elle avait pourtant de sérieux atouts dans sa manche. Au-delà d’imposer des taxes réciproques sur les biens américains, l’UE aurait pu brandir la menace d’une taxe sur les revenus publicitaires des géants du numérique. Bruxelles avait évoqué en avril cette possibilité en cas d’échec des négociations avec Washington. « On pouvait aussi répliquer en organisant une taxation plus élevée des entreprises américaines. On aurait également pu interdire à certaines sociétés de postuler à des appels d’offres en Europe. Par ailleurs, les États-Unis sont très dépendants de l’épargne européenne qui finance en partie l’investissement américain. Même si on ne peut pas empêcher les mouvements de capitaux, on aurait pu réfléchir à des mécanismes pour conserver cette épargne dans l’UE ». […]

« Cet accord crée aussi une incertitude autour du projet européen et de ses ambitions écologiques et de réglementation du numérique. Avant Trump, il y avait une stratégie européenne, mais elle est en train de se disloquer sous nos yeux. On admet que les États-Unis sont plus forts, ce qui est en soi un problème ».

Refuser la capitulation de la commission européenne face aux Etats-Unis

Voilà le résultat final du transfert de la compétence sur les accords commerciaux à la Commission Européenne !

Il va falloir remettre en cause la logique complète qui nous a amenés à permettre la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen à pouvoir négocier seule avec Donald Trump.

C’est une capitulation en rase campagne :
🔸15% de droits de douane là où le Royaume-Uni obtient 10% ;
🔸renonciation à taxer les entreprises du numérique ;
🔸renonciation à la taxe minimale de 15% sur les grandes sociétés ;
🔸abandon du renforcement de la régulation des entreprises du numérique que l’Union Européenne prévoyait avant l’arrivée de Trump ;
🔸aggravation de la soumission des Européens au matériel militaire et aux hydrocarbures américains…

La France, qui défendait la ligne dure face à Trump, a perdu encore une fois son bras de fer avec l’Allemagne. Cet accord ne défend pas les intérêts français et va à rebours de tous nos engagements et ceux de l’Union Européenne.

Mais on ne peut pas se contenter de « regretter » la capitulation commerciale entérinée par von der Leyen. Le Premier ministre François Bayrou ne peut en rester à un tweet de déploration.
Il faut agir. Que la France demande la convocation en urgence du Conseil Européen. Nous devons exiger la démission de la Commission et de sa présidente qui ont gravement failli.

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