L’impôt sur le revenu est né en mai 1914 à un moment d’unité nationale face au péril de la guerre, comme un compromis entre la droite, qui l’avait d’abord refusé, et la gauche. L’idée d’alors était de fortifier la Nation et de substituer, à plus forte raison en 1917 quand il devient progressif, aux quatre vieilles (contribution financière, personnelle mobilière, patentes, portes et fenêtres) une imposition réellement assise sur les revenus des citoyens à raison de leur faculté contributive. Il est donc fortement lié à notre construction républicaine, en liant citoyenneté et justice sociale et a permis d’affermir le cadre démocratique de nos institutions étatiques. Si l’on s’en tient aujourd’hui à la définition que nous en donne l’INSEE, » cet impôt direct concerne les revenus, les bénéfices et les gains en capital. Il représente la deuxième recette fiscale pour l’Etat et est acquitté par moins de la moitié des citoyens contrairement à la TVA, première recette mais prélevée sans égard pour les inégalités de revenus des citoyens qui l’acquittent indistinctement à travers leur consommation. La gauche a historiquement promu au contraire l’impôt sur le revenu précisément pour établir une justice fiscale en faisant en sorte que celui-ci soit progressif en fonction des tranches de revenus.
Plus tard dans la seconde partie du 20ème siècle le gouvernement de Michel Rocard créera un nouvel impôt sur le revenu : la contribution sociale généralisée puis la Contribution au remboursement de la dette sociale. L’objectif étant de garantir le financement de notre modèle social et d’assurer un financement plus large et juste.
Ce n’est qu’à partir de la conversion au social libéralisme au début des années 2000 que la gauche puis la droite ont importé une vision libérale anglo-saxonne de la baisse d’impôt comme réponse aux problèmes de pouvoir d’achat. Cette doctrine parmi les élites dirigeantes n’a malheureusement pas varié d’un gouvernement à l’autre. Il aurait pourtant été utile de s’attacher à résoudre l’inégale répartition de la valeur ajoutée entre le capital et le travail dans la mesure où la part de ce dernier tendait à décroître depuis la fin des années 80 en faveur des revenus patrimoniaux, capitalistiques et financiers.
C’est donc dans ce contexte libéral qui a plus de 20 ans qu’il faut comprendre la fameuse promesse d’Emmanuel Macron de baisse de 5 milliards d’impôt sur le revenu pour les deux premières tranches telles que proposées par le Ministre de l’économie Bruno Le Maire en lieu et place d’un soutien à l’augmentation des salaires. Rien d’innovant dans ces propositions qui consistent à réduire les marges de manœuvre de l’Etat autant que la redistribution fiscale concomitante. Il s’agit à la fois d’une cohérence idéologique, d’un moule de pensée dont Bercy est le parangon et d’une mise en conformité d’une politique économique avec les pressions du grand patronat et de la commission européenne de Bruxelles. Par ailleurs dans un pays où plus de 50% de la population ne paye pas l’impôt sur le revenu ces mesures ne sont d’aucun bénéfice pour les classes populaires.
Il existe cependant une autre réponse possible pour faire droit aux demandes légitimes du mouvement social et citoyen qui traverse en profondeur notre pays. Il s’agit de reformuler un impôt sur le revenu républicain et universel qui permette de donner un second souffle au consentement citoyen au système fiscal. Pour ce faire, nous proposons de rétablir 14 tranches afin de lisser l’effort et de réduire ainsi celui des classes modestes et moyennes et de rétablir une contribution plus forte de ceux qui gagnent le plus en supprimant les effets de tranche couperets que l’on constate logiquement avec seulement 5 tranches. Par ailleurs, cette réforme devrait s’accompagner d’une réforme de la CSG, impôt proportionnel et non progressif qui sert trop souvent de variable d’ajustement aux politiques fiscales des gouvernements qui font le choix contestable d’abaisser la fiscalité pour les plus aisés.