Le transport ferroviaire français est dans la tourmente.
Depuis plusieurs années, la puissance publique s’est progressivement désengagée, entraînant la fermeture des petites lignes, abandonnant les trains de nuit, décentralisant la compétence aux conseils régionaux pour favoriser aujourd’hui l’ouverture à la concurrence. Ces dernières semaines des signaux contradictoires ont été envoyés : la SNCF a choisi une voie qui conduit à la mort de son système de fret ferroviaire, déclenchant une grève reconductible des cheminots, mais les grandes lignes européennes – comme le trajet Paris-Berlin – rouvrent progressivement de jour et de nuit. Mais quel que soit l’angle sous lequel on prend le dossier, dans le ferroviaire comme dans d’autres secteurs, il n’y a aucun miracle à attendre de l’ouverture à la concurrence au moment où les Britanniques renationalisent leurs chemins de fer. Sans contrôle étatique, sans investissement dans le réseau, sans création de nouvelles infrastructures, nous ne verrons aucun effet positif sur les prix, la régularité ou encore la qualité de service.
C’est pour parler de tous ces sujets que Carole Condat interrogeait jeudi dernier Chloé Petat, co-rédactrice en chef du média Le Temps des Ruptures et membre de la direction nationale de notre parti, qui vient de publier La révolution ratée du transport ferroviaire aux éditions du Bord de l’Eau. Vous pouvez écouter ci-dessous le podcast.
Les Jeudis de Corbera proposaient une nouvelle séance d’échanges au soir de la grève nationale de la fonction publique et des nombreuses manifestations de la journée.
Le débat était intitulé « Quel avenir pour les fonctionnaires ? » : au moment où les fonctionnaires sont l’objet d’un réel mépris de leur ministre de tutelle et du gouvernement, comment reconstruire la confiance des agents publics indispensables à l’exercice de leurs missions ? En s’attaquant ainsi à ceux qui servent l’intérêt général, l’objectif est bien de démanteler les services de l’Etat.
Carole Condat, référente du pôle thématique fonction publique et services publics de la GRS, et Damien Vandembroucq, membre du collectif de direction de la GRS, interrogeaient et dialoguaient avec Claire Lemercier, historienne, directrice de recherche au CNRS et co-autrice de La haine des fonctionnaires, que nous avions déjà reçu pour une séance de dédicaces sur notre stand de la Fête de l’Humanité en septembre dernier.
Marie-Noëlle Lienemann invitait fin octobre 2024 pour « Les Jeudis de Corbera » Jérôme Durain, sénateur socialiste de Saône-et-Loire, et Hélène Franco, magistrate et ancienne secrétaire générale du syndicat de la magistrature, pour échanger sur la lutte contre les narcotrafics qui pourrissent le quotidien de nos concitoyens.
L’ensemble de l’entretien dure environ 1 heure et 10 minutes et nous l’avons découpé en trois parties : bonne écoute de vos podcasts.
Un état des lieux inquiétant
des organisations de narcotraficants qui se sont accaparées tous les vices du capitalisme ;
les chiffres de l’économie parallèle ;
des enfants esclaves…
Les failles du système de lutte contre le narcotrafic
l’absence d’une réelle stratégie pour lutter contre le narcotrafic ;
l’absence de réponse coordonnée au niveau national, européen et international ;
la dégradation de l’investigation policière et financière ;
une loi de 1970 totalement obsolète ;
les failles de la lutte contre le blanchiment…
Des préconisations d’urgence
consolider les outils juridiques ;
renforcer les services publics au service de la lutte contre le narcotrafic ;
repenser la protection de l’enfance…
Conclusion : la gauche doit réinvestir le sujet de la prévention et de la lutte contre l’insécurité.
La semaine dernière, Marie-Noëlle Lienemann recevait Mathieu Pouydesseau, chef d’entreprise en Allemagne et ancien conseiller au commerce extérieur, pour échanger sur la situation politique, économique et sociale de l’Allemagne dans le cadre des « Jeudis de Corbera ». Vivant depuis 24 ans à Berlin, notre camarade dispose d’un poste d’observation privilégié sur la société allemande et décrypte le « miroir aux alouettes » qui a conduit à sur-estimé le « modèle allemand » sans mesurer les contradictions du système.
Nous vous proposons d’écouter en podcast cette grosse heure d’entretien en trois parties :
la situation économique ;
la situation politique ;
la relation franco-allemande.
Nous vous proposons également dans la foulée un long article d’analyse très référencé signé par Mathieu Pouydesseau. Bonne écoute et bonne lecture.
Les revers de l’embellie allemande – partie 1 : la situation économique
Les revers de l’embellie allemande – partie 2 : la situation politique
Les revers de l’embellie allemande – partie 3 : la relation franco-allemande
Entre Weimar et Bonn : la république allemande « de Berlin » à la croisée des chemins
Pendant 15 ans, la droite et le centre français ont proclamé l’Allemagne comme un modèle à suivre. Les élites éditoriales, économiques et politiques étaient fascinées à la fois :
par un pays à la démocratie « apaisée » par de grandes coalitions associant les deux grands partis de la gauche et de la droite,
par les succès de la « compétitivité » allemande lui permettant d’être massivement exportatrice,
par le maintien de son tissu industriel,
et enfin par l’équilibre de ses comptes publics.
Sur chacun de ces points, le « naïf » idéalisme des cadres intellectuels, administratifs et entrepreneuriaux français vis-à-vis de l’Allemagne s’accompagnait d’un mépris profond pour les Français, l’État-providence, les syndicats français, la culture du débat raisonné entre positions contradictoires, les libertés publiques d’un peuple considéré comme « réfractaire ».
Pourtant, chacun de ces points est un « miroir aux alouettes », une imposture, un « village Potemkine »1 dissimulant une société de plus en plus inégalitaire, fracturée, violente. Nous allons donc reprendre chacun de ces quatre points, en démontrant la crise de la démocratie allemande, qui rappelle les trois dernières années de Weimar2. Nous allons passer en revue les conséquences sociales délétères de l’économie d’exportation, la courte vue d’un modèle fortement dépendant de l’énergie russe qui entraîne aujourd’hui une crise industrielle. Nous présenterons également les problèmes insolubles que la Nation-comptable par excellence rencontre pour concevoir un budget juridiquement conforme à sa constitution. Nous esquisserons enfin les conséquences pour la France et pour l’Europe.
La weimarisation de la République fédérale allemande
En l’absence de débouchés politiques aux convulsions de la société, gauche et droite refusant pendant 20 ans de s’opposer et donc de construire un espace démocratique de gestion des conflits profonds traversant la société, le peuple allemand a choisi de reproduire au Bundestag, à partir de 2021, et dans les parlements régionaux, les structures du parlement de la première république allemande, dite de Weimar.
Absente du parlement entre 1951 et 2017, l’extrême droite y fait cette année-là son retour à un niveau immédiatement élevé avec plus de 90 sièges.
Sept ans plus tard, en 2024, les élections régionales partielles voient désormais le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD en allemand) caracoler au dessus de 30%, arrivant première en Thuringe. La démocratie semble ne plus convaincre près d’un tiers des Allemands.
Un parti créé fin 2023, « l’alliance Sahra Wagenknecht, pour la justice et la raison » (BSW) – rassemblant des députés dissidents de la gauche radicale ayant formé leur propre groupe, l’ancien maire social-démocrate de Dusseldorf, des dirigeants écologistes en rupture de leu parti – forme un axe de résistance à la progression de l’extrême droite. Les positions de ce parti ne se retrouvent pas en France. Ce qui s’en rapprocherait le plus serait une synthèse de « Picardie debout » de François Ruffin, de la ligne Roussel au sein du PCF et de la GRS, avec – différence majeure – cependant un soutien plus affirmé pour la Russie que pour l’Ukraine.
Les gouvernement de grande coalition de 2005 à 2021, interrompus entre 2009 et 2013 par une coalition droite-centre droit, ont ainsi abouti à un paysage politique en ruine.
Panorama politique de 2024 : élections européennes, élections régionales et sondages
En plus des élections européennes du 9 juin dernier, trois Länder ont voté en septembre 2024. Passons en revue ces scrutins.
Les élections européennes de juin 2024
La coalition gouvernant actuellement à Berlin a subi un désastre électoral avec seulement 31% des suffrages exprimés :
le SPD (une social-démocratie dont l’équivalent français pourrait être Raphael Glücksmann) recueille 13,9% ;
les écologistes (avec une forte division interne entre néolibéraux et critiques de l’ordre économique) 11,9% ;
les Libéraux du FDP (alliés de Macron arque-boutés sur le refus de l’augmentation des impôts des riches et des propriétaires d’entreprises) ont « sauvé leur peau » avec 5,2%.
Cette coalition en échec en Allemagne est ce qui se rapproche le plus de ce qu’aurait pu souhaiter mettre en place Bernard Cazeneuve si Macron avait sérieusement pensé le nommer à Matignon – ce qui n’était pas le cas.
Le SPD à moins de 14% retrouve les scores catastrophiques qu’il avait connu du temps de la domination complète des sociaux-libéraux en son sein. Ce n’est pas une surprise : la reconquête d’une partie de son électorat en septembre 2021 s’était appuyée sur une direction plutôt à gauche, avec un expert de la lutte contre la fraude fiscale ; mais coalition « feu de circulation »3 est dirigée par Olaf Scholz. L’actuel Chancelier fut l’un des piliers de l’agenda de Gerhard Schröder, et, maire de Hambourg, un représentant de l’aile droite du parti qui s’est opposé à la lutte contre la fraude fiscale et, à ce titre, est mis en cause par la justice. Incapable de s’imposer dans sa coalition gouvernementale, Scholz est très impopulaire, les voix se multiplient pour le remplacer en 2025 par le populaire ministre de la défense, Boris Pistorius.
Les écologistes ont perdu 42 % de leur électorat de 2019 (3 millions d’électeurs, -8,6 points) dans un scrutin qui leur était jusqu’ici plutôt favorable. C’est une évolution européenne : les droites ont réussi à faire des agendas climatiques les boucs émissaires des difficultés des classes populaires et moyennes. Les écologistes allemands sont cependant également infectés de néolibéralisme : l’individualisme dominant et la critique de l’État fort les a conduits à sous estimer les rapports de force économiques et à surévaluer la morale chrétienne, bigote, de l’acte individuel rédempteur dans la lutte pour le climat – ils semblent incapables de concevoir un discours alternatif et socialement prometteur. Promettre l’apocalypse ne séduit que les illuminés de la foi.
Les Libéraux du FDP ont aux élections européennes de 2024 résisté en surnageant à 5%, mais tous les sondages promettent depuis leur effondrement, et ils ont perdus leur représentation dans quasiment toutes les élections régionales intermédiaires. Le ministre libéral des finances, Christian Lindner, qui tente actuellement de faire de la France un nouveau bouc émissaire de ses propres difficultés budgétaires, défend également avec le même déni du réel et les mêmes mensonges que messieurs Attal et Darmanin en France le refus de toute augmentation des impôts des riches. Alors que l’Allemagne en récession souffre d’un déficit de demande, il préfère proposer une consolidation budgétaire encore plus récessive. C’est un suicide économique par sectarisme idéologique. Les Allemands n’en veulent pas – ou en tout cas n’en veulent plus.
Si les Unions chrétiennes – la droite chrétienne démocrate – réussissent à maintenir leur position de 2019, c’est à un niveau historiquement bas. 30% n’a rien de glorieux pour ce courant politique. Les Allemands de la classe moyenne, les retraités des classes populaires, continuent d’assimiler la droite à une image de sérieux budgétaire, alors même que l’échec du merkellisme est à l’origine des difficultés européennes actuelles.
Les partis anti-système, qu’ils soient d’extrême droite, de gauche radicale ou de « gauche conservatrice »4, ou d’intérêts particuliers, ont un score cumulé supérieur à celle de la coalition gouvernementale. Les deux principaux partis qui ont le plus progressé sont d’un côté l’AfD – l’extrême droite néofasciste – passant de 10 à 15%, et « l’alliance Sahra Wagenknecht » (BSW), un parti de « gauche conservatrice » créé l’an dernier, passant du premier coup à 6,2%. Les deux partis sont critiques de l’UE, du soutien massif à l’Ukraine et des ouvertures répétées des frontières, mais pas pour les mêmes raisons. Là où l’AfD recycle les contenus racistes de l’extrême droite des années 1920, BSW met au cœur de son agenda les questions économiques et sociales. C’est là-dessus que BSW convainc un électorat hésitant entre abstention et vote anti système. Les Linke (héritiers lointains des communistes allemands) ont pris la voie d’une stratégie « Terra Nova », qui se rapprochent de celle adoptées par LFI depuis 2021 ; ils se sont effondrés à 2,7%. Les partis satiriques ou n’ayant aucune chance d’avoir des élus cumulent quand même 8,9% des voix!
La déroute électorale des européennes a aggravé la crise interne de la coalition gouvernementale. D’autant plus qu’en parallèle, à la suite d’un recours des Unions chrétiennes, le Conseil d’État allemand a jugé le budget 2024 « contraire à la constitution » : la « règle d’or » constitutionnalisée par Angela Merkel en 2010 empêche le gouvernement de s’endetter pour financer la relance économique nécessaire face aux crises de l’inflation et de l’énergie. Le piège merkellien est parfait.
Dans ce contexte, tout le monde attendait un tremblement de terre dans les trois élections régionales de septembre 2024. Il a bien eu lieu.
Les Régionales en Thuringe, Saxe et Brandebourg, triomphes de l’extrême droite et de la « gauche conservatrice »
La Thuringe a offert un triomphe pour le parti d’extrême droite AfD, premier avec 33,4% des voix. L‘AfD de Thuringe est conduite par Björn Höcke ; elle n’est pas comparable au RN ou aux Fratellid’Italia de Georgia Meloni : c’est beaucoup plus radical, ce parti assume d’être catalogué « néofasciste » par la,justice allemande et « catégorie Sé par les services de sécurité intérieure. Björn Höcke assume avoir milité dans sa jeunesse au sein d’un groupe néonazi et de présenter des candidats néonazis. Aucun autre parti ne souhaite s’associer avec eux.
Les Linke avaient la présidence de région : ils perdent 18 points (!) passant de 32% à 13% des suffrages exprimés et de première force à quatrième, loin derrière la droite conservatrice (23,6%) et BSW (15,8%). Pour BSW, c’est aussi un triomphe – presque personnel : Sahra Wagenknecht est née en Thuringe. La coalition régionale la plus probable pour gouverner devra rassembler BSW et … la droite conservatrice, CDU.
Le SPD sauve sa présence dans le parlement régional avec 6,1%, perdant 2 points, pendant que les Verts et les Libéraux passent tous les deux sous la barre des 5%. La coalition gouvernementale ne totalise que 10,4% des voix dans cette région.
En Saxe, les chrétiens démocrates sont arrivés en tête de justesse avec 32%. Mais là aussi l’AfD jouera un rôle important avec ses 30,6%.
C’est le nouveau parti de Sahra Wagenknecht, BSW, qui emporte l’électorat abandonné par les Linke, empêchant leur dérive vers l’AfD. Sans le BSW, l’AfD aurait probablement dépassé les 40%. En Saxe, les Linke passent sous la barre des 5% (ils perdent plus de la moitié de leur électorat au scrutin de liste) mais ils conserveront leur représentation au parlement régional en emportant deux circonscriptions territoriale à Leipzig, ce qui leur ouvre droit à une représentation proportionnelle dans le Landtag. Les Linke ont choisi une stratégie en impasse qui ne leur ouvre plus que l’électorat des centres urbains, à la manière de la gauche française actuellement dominée par LFI. Les écologistes ont le même problème : vote urbain bourgeois, ils sont ratiboisés en Saxe mais passent juste au-dessus du seul de 5% et sauvent deux circonscriptions de Leipzig.
Dans le Brandebourg, le SPD, porté par un président de région très populaire faisant campagne sur son nom, gagne presque 5 points et finit de justesse devant l’extrême droite (30,9% contre 29,2%). BSW est le troisième parti avec 13,5% suivi des Unions chrétiennes à 12%. Tous les autres partis finissent en dessous de 5% et disparaissent du parlement. Les Verts perdent presque 7 points passant de 11 à 4% dans une région entourant Berlin avec de grandes villes, comme Potsdam qui leur étaient traditionnellement favorables. L’échec de la stratégie des milieux urbains face aux enjeux de classes et de territoire est là-aussi patent.
Les Linke payent là-encore leur stratégie ultra-urbaine et post-moderne avec un terrible prix, passant de 10,72 à 2,98% dans une région qui fut pourtant un de leur bastion.
Les Libéraux sont insignifiants dans cette région et continuent d’y perdre des voix.
Dans les trois Länder qui ont voté en septembre 2024, BSW pourrait être associé aux exécutifs régionaux et à la majorité régionale, avec les Unions chrétiennes en Thuringe et Saxe et le SPD en Brandebourg.
La crise de la coalition et les perspective de futures coalitions
La coalition « raisonnable » actuelle, constituée depuis la fin de l’année 20215 par des social-démocrates et des écologistes, aux positions économiques plutôt libérales, et les Libéraux, est un échec. Les sondages situent aujourd’hui la somme des trois partis à moins de 33%; le parti allié de Emmanuel Macron, le libéral FDP devrait passer en 2025 sous le seuil pour être représenté au Bundestag6.
La coalition va tenir jusqu’aux élections de 2025, dans moins de 11 mois maintenant. Mais elle est paralysée.
La crise de leadership au SPD (son jeune et charismatique secrétaire général, Kevin Kühnert, vient de démissionner « pour raisons de santé » et renonce à se représenter), le rejet croissant des écologistes par une partie de l’opinion publique (s’expliquant en partie car leur écologie punitive ne rappelle pas assez à leurs responsabilités les classes riches allemandes et s’en prend trop facilement aux comportements contraints des classes populaires) et la crise du FDP (combattant pour sa survie électorale) empêcheront toute action concrète allemande.
Alors que, suite à la dissolution irresponsable de Macron, la France a également un exécutif extrêmement faible, dépendant du RN pour survivre, les deux États les plus puissants de l’UE sont politiquement handicapés. L’absence de vision politique pour l’Allemagne et l’Europe laisse la myopie budgétaire dominer les débats. Les appels à une consolidation budgétaire massive est pourtant contestée par tous les économistes européens : ceux-ci font le constat que l’Allemagne a contribué à la crise de ses six partenaires sous procédure de l’UE parce qu’elle a massivement refusée d’investir, accumulant plus de 1000 milliards d’euros de retard dans ses infrastructures. Ces retards ont enfin un coût sur la compétitivité des industries du pays, qui ne peuvent être rattrapés par de nouvelles baisses de salaires.
Regarder les réalités en face, c’est donc reconnaître l’absurdité de la « règle d’or », la profonde injustice de la répartition de la prospérité des années 2009-2019, et les profonds traumatismes des années 2015-2023, avec deux vagues de réfugiés de un million de personnes chacune, suscitant plus de solidarité que les 17% de pauvres, dont 10% de salariés pauvres, brutalisés éaglement par la crise du Covid et l’impact de l’inflation sur les ménages populaires. Pendant ce temps, les grandes entreprises augmentaient leurs dividendes selon un modèle que nous avons observé en France : il conduit à la perte de l’industrie, à la hausse des inégalités, à l’asphyxie des services publics et à l’agonie de la démocratie.
L’exportation, c’est la surproduction d’un côté, la pauvreté des Allemands de l’autre
L’ensemble du système économique exportateur au cœur de la prospérité des classes riches allemandes est fondé sur l’accès abondant et peu cher à l’énergie, la déflation salariale pour les catégories populaires et moyennes et la protection du niveau de salaire des catégories intellectuelles supérieures et d’encadrement chargées de consommer.
Car une économie exportatrice sur une aussi longue période à de tels niveaux – plus de 6% du PIB en excédents pendant plus de 10 ans, contrevenant d’ailleurs aux critères de Maastricht – peut aussi être décrite sous un aspect plus négatif.
C’est une économie nationale en surproduction, mais qui refuse l’augmentation du pouvoir d’achat intérieur qui permettrait à sa population de consommer la surproduction, obligeant dès lors à écouler le surplus produit par le travail des Allemands à l’international.
Cela a deux conséquences :
1- Plus une économie exporte en points de PIB, plus ses travailleurs s’appauvrissent
C’est la conséquence logique et inévitable. La compétitivité est également la pauvreté, ce sont deux termes équivalents.
C’est la raison pour laquelle les gigantesques excédents commerciaux, par peur de créer une tension inflationniste par un regain de demande intérieure, n’ont pas été investis dans le pays, dans la transformation de l’économie, de l’énergie ou dans les infrastructures publiques.
Si les travailleurs bénéficiaient des excédents commerciaux, leur consommation augmenterait, ce qui mécaniquement réduirait l’ampleur du déficit commercial. Si l’Allemagne avait accepté de redonner à sa demande une partie des excédents, elle aurait, dans un premier temps (tout en conservant le même volume d’exportations,) augmenté ses importations. Une partie de sa production destinée à l’exportation aurait été absorbée par son marché intérieur. L’objectif désirable – revenir à un équilibre du commerce extérieur (en tout cas revenir en dessous des 6% de PIB tels que fixés dans les traités européens) – aurait été atteint tout en favorisant la cohésion sociale et en permettant aux économies des partenaires commerciaux d’en bénéficier.
Les élites allemandes ont fait un autre choix : alimenter l’inflation spéculative de l’immobilier et du foncier, ainsi que celle des valeurs cotées en bourse, et accumuler le capital sous forme d’augmentation du patrimoine de ses millionnaires et milliardaires. Tout cela sous couvert de « sérieux budgétaire »…
2. Les partenaires commerciaux de l’Allemagne exportatrice sont en sous-production
Les surplus allemands empêchent les économies de ses voisins de développer les activités nécessaires pour répondre à leur demande intérieure et la dépression de la demande allemande empêche ces économies de développer des produits pour couvrir les besoins allemands.
L’économie exportatrice allemande, « compétitive », appauvrit par force ses voisins qui, pour payer leurs déficits, sont obligés de s’endetter. La France a ainsi été l’un des pays européens les plus maltraités par l’économie exportatrice allemande.
La déflation salariale et la transformation de l’État providence en État de surveillance, avec création d’une trappe à main d’œuvre improductive découlant des réformes de l’assurance chômage dites « Hartz I à IV » ont piégé 5 millions de personnes pendant plus de 10 ans dans ce statut. Pour le faire accepter, l’Allemagne a pesé en faveur d’une déflation des produits de consommation populaire, quitte à faire baisser la qualité alimentaire et tuer les réseaux de distribution locaux au profit des grandes surfaces à rabais.
La déflation salariale supposait aussi une déflation sur les prix à la consommation. Il fallait donc réduire toutes les frictions à la hausse de coûts pouvant justifier des revendications sociales unissant des classes et catégories maintenues séparées.
Pour cela, il fallait désorganiser la politique agricole commune, empêcher les politiques de production durable et biologique, les modes de distribution près des marchés et circuits courts, les jachères et les petites exploitations « jardiniers de la nature » au profit de la concentration, des usines d’élevages de grande taille, des traités de libre-échange avec des pays pauvres pour qu’ils mobilisent leur capital naturel à la production et exportation de nourriture pas chère. La crise pandémique a ainsi permis de mettre au jour chez l’un des principaux producteurs de saucisse allemand, le groupe Tonnies, un véritable système « d’esclavage moderne »7.
La recherche de la baisse des coûts et le maintien des marges en rendement décroissant ne laissait pas d’autres alternatives au tenants de la loi du marché et des politiques de compétitivité que l’épuisement des ressources gratuites d’un point de vue financier de la nature, par l’épuisement des sols et la déforestation des forêts primaires, la surpêche avec des techniques extrêmement dispendieuses en plastique8.
L’autre épuisement de la nature c’est l’épuisement démographique
Depuis 1975, les deux Allemagne sont en crise démographique : il meurt plus d’allemands qu’il n’en naît. Ce choix, jamais remis en cause sérieusement, a deux avantages déflationnistes :
En l’absence de croissance démographique, les services publics croient plus lentement que la croissance économique. Si l’on calcule par exemple la différence de coût social de la croissance démographique française entre 1975 et 2024 et celle de l’Allemagne, le choix nataliste de la France lui a coûté 2000 milliards d’euros de plus sur la période. Les besoins en service public en France ont été logiquement bien plus élevés et croissant à un rythme supérieur à la croissance – du fait même de la croissance démographique – entraînent par force une augmentation du poids des dépenses publiques rapportées au PIB.
L‘Allemagne a besoin d’un afflux permanent de travailleurs adultes, déjà formés au coût d’économies nationales lointaines, pour maintenir sa population active. Si l’on veut s’essayer à une métaphore footballistique : la France est restée au niveau des grands États-Nations un club formateur, l’Allemagne a choisi de puiser dans les autres clubs pour recruter ses joueurs productifs – sans payer de transfert au club formateur cependant. À la fin, les clubs de football français sont en faillite pendant que le Bayern Munich remporte la coupe d’Europe – ce qui est en jeu ici ce sont les secteurs industriels des deux pays.
Le patronat allemand a donc applaudi l’arrivée des réfugiés en 2015 et en 2022 ; en toute logique, l’Allemagne, même si elle a un peu verrouillée ses frontières suite à des attentats islamistes en 2024, a besoin de la liberté de circulation des personnes. Cela contribue, malgré un taux de chômage à 4% ou moins, à maintenir les salaires vers le bas pour les emplois de service et de l’économie intérieure.
Pour maintenir un taux de fécondité bas, l’Allemagne a refusé de copier le système français où la femme active bien formée est aussi un acteur économique autonome. La femme allemande est moins émancipée économiquement comparée à sa voisine française9. Son taux de pauvreté en retraite est plus élevé. Son taux d’activité est à temps plein de seulement 45% contre 53% en France. Les femmes allemandes qui travaillent le font en temps partiel, plus court que les Françaises en temps partiel, avec de grosses pertes de revenu. Les taux d’emplois des hommes sont cependant comparables entre les deux pays. C’est un choix politique, avec des habitus à la fois culturels et sociaux, et des lois fiscales décourageant les épouses mères de travailler, et discriminant les mères seules.
Ce système supposait une chaîne logistique spécialisant pour un coût toujours décroissant des économies nationales éloignées. Ainsi, on a découvert avec la pandémie que la Malaisie, pour se spécialiser dans l’agriculture d’exportation, avait perdu sa position de producteur de poulets, pourtant plat national de base, et qu’avec les pénuries logistiques de 2021, le pays n’arrivait plus à importer de poulets… Les surplus agricoles malaisiens servaient à importer des machines et des voitures… allemandes. C’est une autre illustration que la « globalisation heureuse » n’aboutit pas à un équilibre global tendant à la victoire des valeurs démocratiques, mais à des inégalités de plus en plus fortes, et des violences internationales de plus en plus marquées.
La pénurie est programmée par nature dans le système
L’abondance d’une énergie peu chère est devenue une priorité pour l’Allemagne, tout en se libérant de toute contrainte au sein de la zone monétaire. Il était important d’importer en devises faibles et de limiter les importations en Euro. Toute la stratégie européenne de Angela Merkel se résumait en deux mots : mercantilisme allemand10.
Contrairement à une lecture dominante française, Merkel n’a jamais joué l’Europe ou l’amitié franco allemande11. Elle a poussé à l’extrême les logiques de compétition et de concurrence, c’est à dire le jeu égoïste et individualiste, et trouvée des alliés en Europe bien décidés à jouer aussi ce jeu-là : le Benelux, les pays du pacte de Visegrad, la Grande Bretagne de Cameron. L’échec du système était visible dès fin 2019, et fut accéléré par la crise pandémique.
La guerre d’agression russe en Ukraine a cependant révélé l’échec du mercantilisme merkellien, présentant la facture à la coalition qui a succédé à son gouvernement12.
La désindustrialisation, conséquence des choix de long terme et d’erreurs à court terme, s’accélère en Allemagne
La Deutsche Bank a publié fin 202213 une étude prévoyant une perte de point d’industrie du PIB de 1 à 1,5 par an et la disparition de l’industrie allemande, actuellement à 20% – du moins sa réduction à un poids marginal, comparable à la France ou le Royaume Uni à 7% du PIB – d’ici 2030.
Un rapport publié cet été14 a constaté qu’alors que l’index de production industrielle reste largement en dessous de 2019, la part de l’industrie dans la balance commerciale progresse. Si l’auteur allemand se réjouissait de ce ratio, il en concluait que les entreprises allemandes montaient en gamme pour protéger leurs marges et continuer d’exporter, on peut surtout y voir que le grand problème allemand, c’est sa demande ! Car si l’Allemagne produit moins, et exporte plus, c’est qu’elle consomme encore moins ! Et ceci est sans doute le signe le plus manifeste de la crise sociale profonde de la société allemande dans son ensemble.
En effet, les Allemands n’ont pas réduit leur consommation suite à une formidable prise de conscience écologiste décroissante : la haine à l’égard des écologistes que nous avons décrit plus haut est aussi la conséquence d’une vie matérielle de pénurie pour les Allemands des classes populaires qui n’en peuvent plus de ne jamais bénéficier de l’économie. Leur parler de décroissance est ici un chiffon rouge.
Les experts américains autour du ministère de l’économie du gouvernement Biden disent d’ailleurs que malheureusement « l’Allemagne est dominée par un tas de comptables » sans vision. Cela fait écho aux propos de Thomas Geithner, le ministre américain du budget sous Obama pendant la crise financière, désignant comme « stupides » les idées de Merkel, Sarkozy, Cameron, Trichet et Barroso pour créer leur traité budgétaire « Merkozy ».
Le rapport Draghi publié15 en août 2024 démontre d’ailleurs combien l’absence de volonté d’investissement public et industriel a contribué, au nom des « règles d’or », au décrochage de l’Europe. Il défend l’idée d’un nouveau « Plan Marshall » sous stéroïde pour rattraper le retard accumulé depuis 2005 : 3 fois plus d’investissement que dans le plan de reconstruction américain des années 1950 !
Mais la désindustrialisation allemande a aussi d’autres raisons.
D’abord, de nombreuses entreprises ont tout misé sur la Chine sans comprendre que le régime, communiste, signifiait que les capitaux investis passaient sous contrôle du parti. Au plus fort de la crise pandémique, c’est le gouvernement chinois qui a fait rouvrir des usines allemandes contre la volonté même des propriétaires allemands. En bonne règle comptable, les capitaux en question devraient être effacés des bilans…
De plus, la Chine a su copier, et créer sa propre demande intérieure, qui alimente sa propre production nationale. Le marché mondial est ainsi inondé de voitures électriques au point que tout le secteur automobile allemand s’enrhume.
L’une des sociétés ayant ainsi misé sur des modèles électriques « haut de gamme » à forte marge, c’est Volkswagen. Mais ces berlines font face à une forte concurrence, et surtout, le marché européen va être au début dominé par la demande des classes moyennes et certaines classes populaires. La conséquence : VW négocie en ce moment avec la représentation syndicale un énorme plan de restructuration avec fermeture d’usines à la clé16.
Le problème est cependant présent également pour les machines outils, la robotique ou les centrales énergétiques. L’Allemagne n’arrive pas maintenir sa production industrielle parce qu’elle n’arrive pas à stimuler sa demande intérieure. Alors que les marchés internationaux deviennent plus concurrentiel et inabordables suite aux crises géopolitiques, l’Allemagne devrait pouvoir compter sur sa demande intérieure. Mais la logique déflationniste cependant s’y oppose.
L’Allemagne préfère ainsi perdre son industrie et sa démocratie plutôt que de massivement investir dans le pays.
Les conséquences en France et en Europe
La France et les pays du Sud de l’Europe avaient une vision à la fois romantique et idéaliste de l’Union Européenne comme un espace de coopération entre alliés.
Les Flamands, les Néerlandais, les Allemands, les Danois, les Britanniques, les Suédois et, dans une certaine mesure, les Hongrois et les Polonais avaient eux une autre vision de l’Union Européenne où il y aurait des gagnants, et donc des perdants, et ces perdants, il fallait les plumer.
L’Irlande, un temps assimilée aux pays du Sud comme pays problématique pendant la crise financière de 2010 a accélérée la mise en place d’instruments lui permettant de pirater elle aussi les ressources de l’espace européen.
En 2024, même Le Monde est obligé d’ouvrir les yeux sur ces actes de piraterie fiscale. C’est l’Union Européenne qui est obligée de forcer l’Irlande à faire respecter les lois fiscales de l’Europe, forçant Apple à payer 13 milliards d’euros de manque à gagner fiscal. Mais l’Irlande consolide un tel niveau de plus value réalisé ailleurs dans l’Union que les statistiques européennes en sont faussées17 !
La France elle a longtemps cru à son propre récit d’une Europe solidaire, construisant ensemble, par la coopération et la réconciliation des peuples, une économie au service d’intérêts communs.
La crise financière de 2008 et la présidence Sarkozy ont été le moment d’un réveil des élites les plus riches de France : une grande fête avait lieu en Europe, et ils n’en étaient pas encore pleinement – participer à la fête supposait de sacrifier l’industrie française, de détruire son État social de marché issu du compromis historique de 1944 entre résistances nationalistes, communistes et socialistes, et de se nourrir sur la bête : le peuple français. C’est la grande trahison des élites, qui, abandonnent leur rôle de contre pouvoirs internes, dissolvent ceux-ci pour rejoindre les intérêts des classes dominantes européennes.
Les élites françaises, toutes occupées à s’enrichir qu’elles soient, ont bien conscience que la fête ne va durer que le temps de la mise aux enchères du patrimoine national, et qu’après, il faudra bien un autre modèle.
La facture est là : le budget 2023 adopté sans débat parlementaire s’est révélé être mensonger, et très mal exécuté ; le budget 2024 est une farce tragique. Le gouvernement Barnier se retrouve, tant dans sa composition, la tolérance de son existence par l’extrême droite, et son programme profondément austéritaire, être une mauvaise copie du gouvernement Von Papen de juillet 1932.
La crise économique et budgétaire française est cependant indissociable du comportement prédateur des élites allemandes en Europe, au détriment de sa propre population, et de ses partenaires européens18.
Emmanuel Macron ne s’est pas seulement entouré de gens médiocres ne le concurrençant pas qui ont mal exécutés les plans conçus sur des fausses théories, il a également sous-estimé le trou noir que constitue l’économie exportatrice allemande sans investissement dans sa demande intérieure. C’est un trou noir absorbant les énergies extérieures, puis ses propres énergies, et son peuple même, dans une implosion mortelle pour la démocratie.
La solution: la relance européenne, la baisse des taux de la BCE, la fin du traité budgétaire et de la « règle d’or », et l’Allemagne en consommateur de dernier ressort
Le rapport Draghi a présenté la note de l’échec du merkellisme : 6 fois le plan Marshall des années 1950 en investissements publics nécessaires !
L’économie européenne menace de subir un troisième décrochage massif en 25 ans et de devenir une région sans importance dans le monde.
La crise économique et sociale s’accompagne d’une crise morale. En l’absence de grand projet, les peuples européens se rebellent contre une démocratie dont ils sont les perdants.
Il faut rétablir l’économie sociale, l’État architecte d’un pacte social et lieu de modération des conflits d’intérêts, casser la logique de la loin du marché toute puissante, et retrouver une fiscalité juste mettant à contribution les classes gagnantes de la période 2005-2024.
L’alternative, c’est de connaître la même fin que la République de Weimar.
Mathieu Pouydesseau
1 En 1787, le premier ministre russe a fait fabriquer des façades de en trompe l’œil dans de faux villages pour faire croire à l’impératrice Catherine visitant l’Ukraine à la prospérité des paysans.
2 Weimar : surnom donné à la première république allemande, proclamée en novembre 1918 mais dotée d’une constitution adoptée par le Reichstag à Weimar en 1919. Bonn : surnom donné à la seconde république fédérale, ouest-allemande, créée sous la domination des occupants occidentaux avec le vote de la loi constitutionnelle (Grundgesetze, GG en abrégé) en 1949 et l’établissement de la capitale à Bonn. Depuis la réunification et le retour de la capitale à Berlin, on parle parfois à partir de 1995 de « République de Berlin » pour différencier le régime après la réunification des cultures politiques propres à l’Allemagne de l’Ouest. De 1949 à 1990, la souveraineté allemande sur les territoires de l’Est sous occupation soviétique est assurée par le régime de la « République démocratique allemande » qui disparaît le soir de la réunification.
4 Faute de mieux, pour catégoriser ce parti, nous utiliserons le vocable de « gauche conservatrice », afin de caractériser son indifférence relative, tout du mieux le fait que BSW considère les questions sociétales comme secondaires ou accessoires voire dilatoires.
8 80% de la mer de Plastique du Pacifique Nord a comme origine, non le plastique consommé sur le continent, mais celui jeté par dessus bord par la pêche industrielle et les activités maritimes.
11 Mathieu Pouydesseau avait développé abondamment cette idée en février 2017 dans un entretien avec Coralie Delaume (repris en partie dans son ouvrage L’amitié franco-allemande n’existe pas) L’arène nue : « Souverainiste, l’Allemagne ne changera pas sa politique européenne », entretien avec Mathieu Pouydesseau : https://l-arene-nue.blogspot.com/2017/02/souverainiste-lallemagne-ne-changera.html Pour approfondir sur la montée de l’extrême droite avant déjà le Covid, voir ce deuxième entretien réalisé en octobre 2018 : L’arène nue : Où en est l’Allemagne après Chemnitz ? Réponses avec M. Pouydesseau : https://l-arene-nue.blogspot.com/2018/10/ou-en-est-lallemagne-apres-chemnitz.html
Lorsque la crise économique et financière de 1929 se déclenche, l’Allemagne connaît en seulement 4 années une véritable désintégration de la république. Sans culture démocratique enracinée, avec des forces sociales lui ayant été opposées dès ses débuts, la première République n’avait pas d’instruments pour résister.
Cependant, l’analyse de son suicide – car c’est bien cela qu’il s’est passé – est plein d’enseignement quant à la crise démocratique actuelle. Elle est aussi pertinente pour analyser la crise démocratique française, où la constitution de la cinquième république permet un haut niveau d’autoritarisme et de pouvoir personnel, expliquant que la crise sociale n’a toujours pas eu de conséquence sur les politiques économiques menées.
Que s’est-il passé entre 1929 et 1933 ?
Tout d’abord, notons l’accélération du rythme politique : entre décembre 1928 et mars 1933, dernier scrutin pluraliste, ce sont pas moins de 5 élections générales qui ont lieu. Sans dissolution, le rythme aurait pris normalement 20 ans.
Ensuite, c’est la seconde caractéristique du régime : c’est une « grande coalition » qui gouverne de la chute de l’empire en 1919 à 1930. Les partis représentés sont le SPD, le parti du centre catholique libéral Zentrum et le parti conservateur DDP. S’il fallait comparer avec des partis d’aujourd’hui, imaginons un gouvernement du socialiste Cazeneuve en coalition avec Attal, Bayrou, Wauquiez et Philippe.
Le clivage est entre le cercle de la raison rassemblant centre gauche et centre droit, et les extrémistes, du Parti communiste à l’extrême droite, en passant par la droite national-populiste antisémite, non encore unifiée par le NSDAP de Hitler. En 1929, le parti nazi est marginal, à 4,5%, comme l’AfD en 2013 (4,9%).
Cependant, rapidement, les politiques de baisse des salaires du centre droit ne sont plus compensées pour les classes populaires par une réindustrialisation, promesse de solution au chômage, dans le contexte d’une économie d’exportation, l’Allemagne devant dégager un énorme excédent pour rembourser ses dettes de guerre et ses réparations aux pays qu’il a agressé et détruit.
À partir de 1930, effrayés que le SPD puisse se rapprocher du Parti communiste sur l’antifascisme, la droite confisque le pouvoir et constitue des gouvernements minoritaires, s’appuyant sur le président de la République pour passer les textes législatifs par ordonnances, ou par l’équivalent des votes bloqués que nous connaissons sous le nom de 49.3. La rupture se fait sur la réforme de l’assurance chômage.
Voyant que le vote ne sert à rien, les électeurs allemands votent contre celle-ci, choisissant de plus en plus soit des micro partis soit des partis considérés comme « hors du champ républicain » et donc non associés au pouvoir.
Entre 1928 et juillet 1932, on passe de 10 à 15 partis représentés au parlement. Surtout, la gauche, oscillant entre 41% en 1928 et 36% en juillet 1932 est profondément divisé en « gauches irréconciliables ». La diabolisation du Parti communiste entraîne dès juin 1932 une tolérance accrue à l’extrême droite.
C’est le moment que choisit un dirigeant du centre catholique, Von Papen, pour renverser la coalition précédente et gouverner avec une coalition minoritaire libéral-conservateurs et la tolérance de l’extrême droite. Le soutien sans participation du NSDAP ne lui réussit pas : en janvier 1933, la gauche progresse un peu, le parti nazi recule. L’émiettement se poursuit. Après l’échec à construire une nouvelle coalition d’union nationale avec un soutien sans participation du SPD, Von Papen, chancelier de juin à décembre 1932 avec la tolérance du parti nazi, organise une coalition rassemblant à la fois les élites technocratiques, une partie du centre libéral catholique, la droite antisémite et le parti nazi, avec Hitler chancelier.
Configuration un peu exceptionnelle pour une édition des Jeudis de Corbera nécessaire. Initialement programmée le 7 décembre 2023, nous avions dû la reporter suite à des difficultés d’agenda de dernière minute de nos intervenants. Le mardi 2 avril dernier, Marie-Noëlle Lienemann, coordinatrice nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste, a donc reçu Jérôme Guedj (député PS de l’Essonne et conseiller régional d’Île-de-France) et Louise Prost (ancienne directrice d’EHPAD et cheffe de projet à la Croix Rouge française) pour échanger sur les réponses à apporter aux enjeux du vieillissement dans notre société.
Présentée par le gouvernement comme un moyen de lutte contre l’immigration illégale, la loi immigration a été promulguée le 27 janvier 2024.
Loi sans vision et problématique sur de nombreux points, elle s’inscrit d’abord dans une vaste stratégie de désinformation visant à séduire l’électorat de la droite la plus conservatrice. Une fois de plus, le sujet du rôle de l’Etat, comme garant du contrôle de ses frontière et porteur d’une ambitieuse politique d’intégration est évincé.
Pour en débattre et tracer les contours d’une politique migratoire républicaine, nous avions l’immense plaisir de recevoir Patrick Weil, Directeur de recherche au CNRS, politologue et grand spécialiste des questions d’immigration et de citoyenneté.
Après plus de 3 mois d’une contestation sociale historique, la politique de maintien de l’ordre ne cesse de poser question. Alors quelle politique républicaine de maintien de l’ordre et des droits ? D’autres pays font face à des problèmes similaires comment agissent-ils, quelle politique de désescalade ? Nous abordions cette question lors de la 3ème émission des Jeudis de Corbera, le 25 mai à partir de 19h, en présence de Fabien Jobard, chercheur sur les sujets police / justice, et Jean-Baptiste Soufron, avocat au barreau de Paris. Les débats étaient animés par Hélène Franco.
Jeudi 20 avril 2023, à 19h, se déroulait la deuxième session des Jeudis de Corbera.
La mixité sociale concoure à la réussite scolaire du plus grand nombre. Comment peut on la faire progresser ? Bon nombre d’établissements scolaires privés sont particulièrement homogènes socialement et bénéficient de financement public. Comment changer ces mécanismes de ségrégation ?
C’est le sujet sur lequel la Gauche Républicaine et Socialiste a invité Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, et Damien Vandembroucq, coordinateur GRS Paris, à débattre et échanger, dans une session animée par Carole Condat.
Les Jeudis de Corbera, c’est le nouveau rendez-vous d’échanges et de débats proposé par la Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) à ses adhérents, militants, sympathisants et curieux de notre mouvement, le dernier jeudi soir de chaque mois, au 3 avenue de Corbera à Paris.
C’est deux heures d’échanges avec des acteurs du mouvement social, des intellectuels, des grands témoins pour questionner autrement des enjeux au cœur de l’actualité et de notre programme. C’est renouer avec un rendez-vous convivial et ouvert à tous, avec la possibilité de le suivre, en différé, via une captation vidéo. C’est surtout l’occasion de se retrouver pour renouer avec une « pensée en action », loin des dogmatismes et du prêt à penser médiatique ; pour un débat d’idées au service de l’engagement.
Depuis un an et demi, une envolée inquiétante des prix de l’électricité entraine une crise économique et sociale majeure avec des répercussions multiples sur les entreprises, les territoires, les collectivités et les usagers.
Cette augmentation n’est pas liée à une explosion des coûts de production de l’électricité en France mais au mode de fixation du prix qui relève du marché européen de l’énergie. Marché européen qui aligne le prix de l’électricité sur celui du gaz et met à mal la filière nucléaire française et qui s’avère surtout être est une impasse totale. Depuis plusieurs années, la GRS appelle à en sortir, comme l’Espagne et le Portugal.
Enjeu de pouvoir d’achat, enjeu de souveraineté et enjeu environnemental se recoupent dans ce débat central pour l’avenir de notre pays.
Comprendre comment nous nous retrouvons pris dans le piège de la libéralisation du secteur de l’énergie et tracer des perspectives alternatives, c’est le sujet de ce premier Jeudi de Corbera pour lequel Carole Condat, animatrice du pôle thématique « fonction publique et services publics » de la GRS accueillait :
➡️ Anne Debrégeas, Ingénieure- chercheuse sur le fonctionnement et l’économie du système électrique à EDF et économiste en électricité, Porte-parole du syndicat Sud Énergie.
➡️ Laurent Miermont, membre du pôle idées de la GRS, ancien adjoint au maire du 13ème arrondissement, assistant parlementaire européen.
Nous avons besoin de vous !
Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.