« L’urgence, c’est la crise générale de l’éducation » : après les émeutes, l’entretien croisé Bellamy–Maurel dans Marianne

entretien publié dans Marianne le 27 juillet 2023 – Propos recueillis par Louis Nadau et Soazig Quéméner

Il n’existe pas de lecture simple des émeutes et des pillages survenus à la fin du mois de juin sur notre territoire. Partant de deux analyses très éloignées – le poids de l’immigration d’un côté, la question sociale de l’autre –, les deux eurodéputés François-Xavier Bellamy (LR) et Emmanuel Maurel (gauche) convergent dans cet échange sur une nécessaire reprise en main de l’école, sans forcément avoir les mêmes solutions.

Marianne : Il y a un mois, la France était secouée par une vague de violences et de pillages… Comment qualifieriez-vous ce qui nous est arrivé ?

François-Xavier Bellamy : On ne peut pas ne pas voir que la population qui s’est soulevée est une population très majoritairement connectée au phénomène migratoire à une, deux ou trois générations. Trois générations dont, dans le contexte de faillite massive de l’intégration que notre pays connaît, beaucoup restent à distance d’une identité française qu’ils n’ont pas rejointe. Le deuxième phénomène qui est lié à cette crise d’intégration, c’est l’échec, la faillite de l’école.

Emmanuel Maurel : Il y a des raisons très claires à ce problème d’intégration. Si des politiques ou des pratiques de logement consistent à parquer tous les mêmes gens précaires au même endroit, forcément… En revanche, je ne suis pas d’accord avec le lien entre émeutes et immigration. Pourquoi ? Parce qu’on parle de gosses de 13 ou 14 ans qui sont français, dont les parents sont français, et dont même les grands-parents parfois sont français. J’observe enfin que ceux qui se sont livrés à ce bordel, ce vandalisme et cette violence, sont aussi, la plupart du temps, les enfants des travailleurs qui étaient en première ligne pendant le Covid.

F.-X.B. : Je ne dis pas que les gamins qui ont fait ça ne sont pas français, mais le fait est qu’ils ne se définissent pas comme tels. C’est là où il y a une faillite, que je ne leur impute pas – ce qui, sans doute, me rendrait suspect aux yeux de gens qui reprocheront immédiatement l’excuse sociale au premier qui essaye de ne pas dessiner un monde en blanc et noir. Ce qui s’est passé est un gigantesque acte d’accusation contre les faillites de l’école, qui ont créé le terreau de la fracturation communautariste. Mais si on continue avec un tel flux d’accueil, de nouveaux arrivants tous les ans, il n’y a aucune chance qu’on arrive à recréer la conscience d’appartenir à une nation commune.

E.M. : Je suis comme vous, je souffre quand je vois des enfants qui ne se sentent pas français, voire qui rejettent la France. Mais attention aux théorisations et aux généralisations à l’emporte-pièce. N’oublions jamais qu’il y a un élément déclencheur dans ces émeutes : la mort d’un jeune homme à l’occasion d’un contrôle policier. Ces gosses dont on parle se réinventent une identité aussi parce qu’ils se sentent discriminés, rejetés, qu’ils sont victimes de racisme. Quoi qu’il en soit, je pars du principe que la République doit aimer tous ses enfants. Même ceux qui disent « nique la France ». D’ailleurs, face au rapport à la France, si j’étais un peu taquin, je dirais que le riche qui planque son pognon dans les paradis fiscaux, il n’aime pas plus la France que les émeutiers.

F.-X.B. : Je suis absolument d’accord…

E. M. : Donc, ce patriotisme, tout le monde devrait contribuer à le renforcer, pas seulement les pauvres de banlieue d’origine étrangère. Les défaillances de l’intégration, le communautarisme qui est ­incontestable, sont aussi un résultat de la mondialisation capitaliste et de l’atomisation néolibérale qui cassent les repères, qui cassent l’État social, qui démantèlent les services publics et qui font que les gens, à un moment, se retrouvent seuls. Il y a une logique à l’œuvre derrière tous ces phénomènes de réinvention identitaire fantasmée. Parce que le petit gosse qui dit « je suis marocain », il n’a pas du tout envie d’aller vivre au Maroc.

Le gouvernement a réclamé le retour de l’autorité parentale…

E.M. : Il y a une crise générale de l’éducation qui ne se limite pas à celle de l’autorité parentale. La réponse du gouvernement est très insuffisante : le problème, ce n’est pas juste que les parents ne savent pas tenir leurs gosses. C’est que l’école n’est plus un sanctuaire, mais un lieu où les contradictions de la société, sa violence, s’invitent. Quand on ajoute à cela le fait que le métier d’enseignant est dévalorisé, mal payé, de plus en plus difficile… Je ne ferai jamais de procès aux instits, aux enseignants, au personnel de l’Éducation nationale, des gens qui sont payés 1 500 balles, qui ont en face d’eux tous les problèmes de la société, et à qui on ose dire : « C’est à vous de trouver la solution. » Je reviens sur une chose qui me paraît bien plus grave : la sécession des riches à l’école. C’est symptomatique du dysfonctionnement complet des élites dirigeantes. Ceux qui viennent disserter sur les plateaux de l’autorité parentale et de la crise de l’école sont ceux-là mêmes qui, comme ils disent, ont « mis leurs enfants à l’abri » ! Donc, évidemment qu’il y a des impératifs de mixité à réhabiliter et une politique éducative à refonder. Tout ça mériterait qu’on prenne le temps de réfléchir, qu’on remette tout à plat, qu’on se dise les choses et qu’on n’occulte rien.

« La République doit aimer tous ses enfants. Même ceux qui disent ‘nique la France’. D’ailleurs, face au rapport à la France, si j’étais un peu taquin, je dirais que le riche qui planque son pognon dans les paradis fiscaux, il n’aime pas plus la France que les émeutiers », Emmanuel Maurel

F.-X.B. : Oui, l’école ne resterait pas une minute dans l’état où elle est si les ministres, les parlementaires, les chefs d’entreprise et les journalistes n’avaient pas d’échappatoires pour scolariser leurs enfants. Je ne leur reproche pas de vouloir que leurs enfants puissent bénéficier de la meilleure éducation possible. Mais le problème, c’est d’accepter que les enfants des autres en soient privés. En revanche, si la mondialisation a bien eu des effets dévastateurs, ce n’est pas elle qui a cassé l’école. C’est une idéologie qui condamnait l’héritage et l’idée même de l’appartenance à la nation, au motif qu’elle empêchait l’émancipation de l’individu. Qui condamnait la transmission parce qu’elle engendrait de la ségrégation. Je ne blâme pas les professeurs, à qui on a volé le métier : on leur a expliqué que l’élève doit produire ses propres représentations du monde, qu’il faut qu’il écrive son histoire, sa vie, qu’il n’y a aucune raison d’imposer à quelqu’un un carcan culturel. C’est cette dérive qui est en cause.

Pourquoi vos familles politiques respectives ont-elles du mal à produire un discours qui prenne en compte l’ensemble des causalités de ces émeutes ?

E.M. : C’est normal qu’en tant qu’homme de gauche je n’aie pas forcément la même vision de la société qu’un homme de droite, même si nous avons en commun la conviction qu’il faut sortir le pays du marasme. Simplement, nous n’avons pas la même grille de lecture sur les aspects économiques, sociaux et territoriaux de la crise, et donc des solutions à apporter. En revanche, je reconnais la nécessité de renforcer la loi et l’ordre, tout en améliorant les politiques d’intégration.

La nécessité de mettre de l’ordre, ce n’est pas exactement le discours qui a été celui de la force majoritaire à gauche, La France insoumise.

E.M. : D’accord, mais les électeurs de gauche et de nombreux partis de gauche étaient pour qu’on appelle au calme. Les principales personnes qui sont pénalisées par le désordre, ce sont les gens qui vivent dans les quartiers en question. Ce qui compte, c’est de tracer une perspective progressiste, c’est-à-dire comment on fait pour remettre du service public ? Quelles réformes dans la police et la justice ? Quelles réponses à la crise éducative ? Comment on casse les ghettos ? C’est ça qui est intéressant. Et pour l’instant, le gouvernement n’a rien dit du tout là-dessus.

F.-X.B. : Il faut améliorer tout ce qui doit l’être dans la police. Il y a certainement des choses qui dysfonctionnent, mais je suis révolté de voir que des élus sont capables de reprendre à leur compte des slogans aussi lamentables que « Tout le monde déteste la police » ou bien « La police tue, la police assassine ». Il n’y a pas un policier de France qui se lève le matin en disant : « Je vais aller tuer un jeune aujourd’hui pour le plaisir. » Et s’il y avait du racisme structurel dans la police, honnêtement, le pays ne serait pas dans l’état où il est aujourd’hui. Le sujet, c’est aussi la justice. On est l’un des pays d’Europe qui sous-financent le plus sa justice. L’état de la justice contribue à ce que des policiers, et je ne les excuse pas pour autant, considèrent qu’ils sont les agents d’une sorte de justice immanente, parce que les gens qu’ils arrêtent, finalement, ne seront pas réellement sanctionnés.

Je regrette par ailleurs que certains à droite pensent qu’on s’en sortira en mettant de la police partout, des caméras vidéo de surveillance, en rentrant dans une vraie société policière. On ne mettra pas un policier derrière l’épaule de chaque Français. Donc, à la fin, la clé est toujours éducative. Ces gamins-là subissent une discrimination majeure qui est qu’ils sont ceux qui payent le prix fort de l’échec de l’école. Aujourd’hui, la France est un pays rempli d’opportunités. Si on ne veut pas vivre dans la misère, on n’y est pas condamné, à condition d’avoir reçu, et c’est là où je reviens à la question scolaire, des connaissances fondamentales et une culture en héritage. Cela a été la grande folie de nos dirigeants de considérer que l’école devait d’abord donner des compétences professionnelles aux enfants.

E.M. : Ce que vous dites est à rebours de tout le discours de la droite depuis 30 ans.

F.-X.B. : De la gauche aussi. Mais je suis d’accord, la droite n’a pas été à la hauteur sur le sujet. La clé, c’est de donner aux enfants une culture générale essentielle qui leur permette justement ensuite de trouver leur place dans la vie de la société, y compris, mais pas seulement, dans la vie économique. C’est le seul sujet qui devrait compter aujourd’hui.

Émeutes : quelles leçons pour la gauche ? par Christophe Ramaux

Christophe Ramaux est Maître de conférences à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne, membre des Économistes atterrés. Nos chemins se croisent régulièrement et, après la publication de son dernier essai Pour une économie républicaine : une alternative au néolibéralisme (février 2022, édition De Boeck), nous l’avions à nouveau invité à débattre à nos côtés sur notre stand de la Fête de l’Humanité en septembre 2022. Lorsqu’il a publié sa réflexion ce mois-ci sur les émeutes (leurs causes, leurs conséquences, l’absence de réponses aux problèmes qu’elles soulèvent) qui ont frappé nos concitoyens fin juin, nous avons à nouveau constaté nos convergences avec ses analyses. Nous lui avons demandé aujourd’hui l’autorisation de publier celle-ci sur notre site et il a immédiatement donné son accord – qu’il en soit chaleureusement remercié. Vous trouverez donc la version longue de son propos ci-dessous et vous pourrez en consulter une version plus courte sur le site d’Alternatives Économiques publiée le 21 juillet dernier. Bonne lecture.

Nous y sommes, au cœur des congés payés, avec Charles Trenet et sa Nationale 7 dont le ciel d’été « chasse les aigreurs et les acidités / Qui font l’malheur des grand’s cités / Toutes excitées ». Des ados taquinant les institutions et donc la police pour s’affirmer n’est pas nouveau. La conduite sans permis et le refus d’obtempérer sont devenus un rite de passage dans nombre de bandes. On doit le déplorer, reconnaître que ce n’est pas simple à gérer. Rien n’autorise cependant à y répondre par la mort. Et celle de Nahel s’ajoute à une trop longue liste. Il y a décidément lieu de revoir certains règles d’intervention de la police. Bourdieu voyait dans le régalien la « main droite » de l’État. C’est offrir beaucoup à la droite. N’est-il pas essentiel que les lois et la Constitution même, les institutions les plus « systémiques » donc, posent pour le régalien la mission de faire respecter les droits de l’homme et du citoyen, dont la lutte contre le racisme ? N’est-ce pas une précondition du progrès social ?

Pour refonder la police encore faut-il reconnaître sa légitimité. On mesure la vacuité de ceux qui clament « tout le monde déteste la police ». Et leur infatuation : les forces de l’ordre comptant parmi les services publics les plus populaires, c’est bien une bonne part du peuple que ce « tout le monde » efface. Une émeute a toujours un sens politique. Encore faut-il ne pas se méprendre sur ce sens. Tout ce qui bouge n’est pas rouge. Quand la république recule, les petits rois refont surface. C’est vrai de certains policiers et de certains de leurs syndicats, preuve au passage des dangers bien réels du corporatisme. C’est vrai aussi de ces jeunes qui s’autorisent à piller et à casser, des commerces proches, des mairies, des écoles et à l’occasion des cibles juives ou LGBT. L’extrême-droite pointe dans ces jeunes émeutiers des « sauvages ». Mais certains progressistes ne raisonnent-ils pas de même en les enfermant dans le statut de victimes irresponsables ? Respecter autrui, n’est-ce pas aussi lui dire qu’on désapprouve certains de ses actes ? Derrière le paternalisme compassionnel, c’est finalement le mépris à l’égard de ces jeunes eux-mêmes qui perce.

Un mépris qui s’étend aux « quartiers ». L’extrême-droite est dans son funeste rôle quand elle assimile tous les quartiers et leurs immigrés qui y sont concentrés aux « ensauvagés ». Mais n’est-ce pas lui emboîter le pas que de dire que ce sont les « quartiers » qui ont embrassé les émeutes ? Avec ce souci : si le nombre des jeunes émeutiers a été non négligeable, ils n’en forment pas moins qu’une infime minorité de la jeunesse et a fortiori de la population des « quartiers ». Et c’est d’abord dans ceux-ci, on le comprend au regard des dégâts subis, que les émeutes ont été condamnées. Ces autres voix ne méritent-elles pas d’être entendues et respectées ? Le bon côté de la barricade n’était-il pas du côté de ceux, ces mères notamment, qui ont veillé pour protéger « leurs » services publics ?

La régression d’une certaine gauche vient de loin

N’en déplaise aux libertariens et anarchistes, la société n’est pas un amas d’individus. Vivre ensemble, former société, suppose valeurs et règles partagées. Les appartenances communautaires (familiale, associative culturelle, religieuse…) sont multiples et respectables. La religion offre à sa façon un surmoi qui mérite d’être compris a fortiori si l’on souhaite la critiquer1. La république soutient toutefois que l’organisation politique de la cité relève du suffrage universel et des lois qui en procèdent et non de la religion, y compris pour permettre à chacun de croire ou non. Les replis communautaires et les régressions religieuses – avec l’islamisme intégriste mais aussi l’évangélisme ici et ailleurs – ont progressé ces dernières années. Certains refusent de le voir, pire battent le pavé contre l’« islamophobie », assimilant ainsi toute critique de la religion – on ne parle pas de la haine des musulmans – à du racisme, ce malgré Charlie, et les intégristes qui brodent sur cette corde victimaire. Mépris à nouveau : celui de l’essentialisme qui assigne, avec en premières victimes les immigrés ou issus de l’immigration agnostiques ou athées, ou qui croient en respectant la laïcité, sans parler des femmes iraniennes.

Loin des replis identitaires et de la lutte sans fin de tous contre tous, les républicains combattent pour l’égalité et la fraternité afin que tous les citoyens – quelles que soient leurs origines – se sentent membre à part entière de la communauté nationale. Un combat universel, embrassé sous tous les continents : c’est en le reprenant que la Société des amis des Noirs a engagé sa lutte contre la traite, que Saint-Domingue s’est soulevée, que l’esclavage a été aboli sous la Révolution et que les peuples aux quatre coins du monde ont mené combat contre le colonialisme et pour leur indépendance.

Une partie de la gauche n’a jamais saisi la portée révolutionnaire de la république. C’est par elle que Jaurès est venu au socialisme. La Révolution française, souligne-t-il en 18902, a été socialiste en politique, elle a «transféré à la nation toute entière la propriété politique […] qu’une famille entendait se réserver indéfiniment ». Elle l’a été dans « l’organisation de la famille » avec, la fin des privilèges et du droit d’aînesse, le partage égalitaire de l’héritage, y compris pour les filles. Dans « l’organisation de l’enseignement public » avec les écoles primaires gratuites. Dans « sa conception de la propriété », va- t-il jusqu’à soutenir, en ouvrant le droit de propriété à tous et en le bornant « par la loi », afin de ne pas « préjudicier […] ni à l’existence, ni à la propriété » des autres. Nul socialisme n’est concevable sans la république a-t-il soutenu inlassablement. On est aux antipodes de ceux qui, aujourd’hui encore – malgré les sphères de l’État social échappant au capital (protection sociale, services publics…) bien plus développées que du temps de Jaurès – soutiennent que l’État n’est au fond que bourgeois et la République de même. Un État néocolonial surenchérissent les mêmes ou d’autres, sans craindre le révisionnisme eu égard à ce qu’était réellement le colonialisme. La République : une expression de la

« domination blanche »3 ? L’extrême droite, à nouveau, est à son aise. De même que Renaud Camus l’est avec l’usage inconsidéré du terme « racisé » : « On critique l’extrême gauche, les BLM [Black Lives Matter], les islamogauchistes, mais ce sont tout de même eux qui nous auront sortis de cette ridicule parenthèse antiraciste et pseudoscientifique selon laquelle les races n’existaient pas »4.

La gauche pour transformer réellement la société doit porter un projet à vocation majoritaire. Le droit à la sécurité – la protection sociale a mobilisé son vocabulaire pour se légitimer – en fait évidemment partie. Il en va de même pour la maîtrise de l’immigration. Le contrôle des frontières ne sert à rien supputent les no border. Mépris pour la misère du monde cette fois : comme si les migrants ne s’orientaient pas aussi en fonction des conditions d’accueil offertes ou non ; comme si l’ouverture complète des frontières, des droits sociaux et le transport organisé et gratuit afin d’éviter les trafics et leurs naufrages, ne se traduiraient pas immédiatement par l’afflux de millions de migrants. Le patronat le plus rétrograde a toujours été favorable aux vastes flots d’immigration. Jaurès avait su fustiger aussi cela. Au nom de quoi d’ailleurs l’immigration devrait-elle échapper à l’idée qu’en tout domaine la maîtrise politique doit primer5 ?

La France a été et demeure un pays d’immigration. L’extrême-droite se repaît de la supposée faillite du « modèle républicain d’intégration ». Faut-il reprendre ce refrain alors même que les mariages mixtes, preuve de la résilience de ce modèle dont c’est une singularité, n’ont nullement disparu6 ? Et quel autre modèle lui opposer ? Celui, américain, du développement pendant longtemps légalement séparé, d’où la distinction de « races » dans le recensement depuis 1790 jusqu’à nos jours7 ? Même s’il est effectivement mis à mal, on peut au contraire soutenir qu’il y a lieu de défendre un modèle qui, sans écraser les différences – comme ce fut certes le cas pendant longtemps – se propose néanmoins de les subsumer autour de valeurs républicaines partagées. Accueillir dignement les immigrés suppose d’en maîtriser les flux : on s’excuse d’avoir à rappeler cette platitude. Le logement, pour ne citer que lui, n’est pas extensible à souhait. Face aux ghettos ethniques et face au racisme qui existe toujours – y compris au sein de la police ce qui est particulièrement inacceptable –, il y a bien une priorité à relancer l’intégration pour faire peuple commun.

Ségrégation spatiale et travail : quelles réponses ?

Le social – est-ce à un économiste de le rappeler ? – ne se réduit pas aux conditions économiques, contrairement à ce que d’aucuns laissent entendre, aujourd’hui comme en 2005, comme pour excuser les émeutiers. Il est aussi affaire de représentations, de valeurs, d’où d’ailleurs les attitudes différentes au sein des « quartiers » face aux émeutes. Pour faire peuple commun, il y a bien un combat de valeurs à engager. Celui contre la supposée « domination blanche » – comme si on ne pouvait pas être « non blanc » et exploiteur, « blanc » et dominé, a fortiori plus de soixante ans après les indépendances – éloigne évidemment du fraternel, ne peut qu’alimenter la bascule de nombre d’ouvriers et d’employés vers le Rassemblement National.

Tout n’est pas qu’économique et il importe d’instiller dans l’économie elle-même les principes républicains, de promouvoir une économie républicaine, expression dont on s’étonne qu’elle n’ait pas surgi plus tôt, comme si l’économie et de la république ne méritaient pas d’être rapprochés8. Jaurès, à nouveau, en a posé les jalons. La république est amputée, soulignait-il, si elle ne s’accompagne pas de son volet économique avec la république sociale.

L’économie républicaine doit prévaloir en tout domaine, et notamment sur deux volets en lien direct avec les émeutes.

Celui de la ségrégation spatiale tout d’abord. Fipaddict et Thierry Pech ont fait œuvre utile en invitant à se départir d’un catastrophisme englobant sur les « quartiers »9. Dans les Quartiers de la politique de la ville (QPV), le taux de pauvreté (à 43%) est trois fois plus élevé qu’ailleurs en France, le taux d’emploi y est inférieur de 22 points, la mixité sociale recule10. Les QPV ne sont pas pour autant des ghettos homogènes et « perdus ». Le taux de chômage et le nombre d’allocataires au RSA y ont plus baissé qu’ailleurs ces dernières années. La mobilité ascendante y existe. Ils sont pour une part comme des aéroports où on atterrit mais d’où aussi on décolle avec une rotation importante des habitants.

La concentration des immigrés et singulièrement des plus pauvres dans les QPV pose problème. Mais comment y remédier ? Le capitalisme libéral creuse les inégalités territoriales. Les communes riches attirent les plus riches, d’où la flambée des prix qui rend le logement inabordable aux moins aisés, etc. ; à l’opposé, ceux qui en ont les moyens quittent les communes pauvres dès qu’ils le peuvent, d’où l’appauvrissement cumulatif de ces communes. Si les ghettos de pauvres existent, ceux des riches existent aussi et sont bien plus fermés. Seule l’intervention publique peut contrer cette polarisation. Preuve qu’il est possible d’agir, la loi SRU de 2000 y a œuvré. Il est temps d’aller au-delà : en durcissant les pénalités financières à l’égard des communes récalcitrantes à la construction de logements sociaux, mais aussi en accroissant et facilitant la mobilisationfoncièreà la main des préfets pour la construction de ces logements – et en particulier des très sociaux – au sein des communes aisées. Cela permettrait de réduire les temps de transports – une sobriété heureuse – de ceux dont le métier est de travailler dans les quartiers aisés.

Le travail et les métiers justement : c’est le second grand enjeu. Le chômage et les emplois plus souvent à temps partiel et précaires minent les QPV. Les études abondent qui attestent du maintien de la reproduction sociale. Dénoncer celle-ci est évidemment essentiel, mais gare, ce faisant, à ne pas alimenter la disqualification des métiers d’ouvriers et d’employés, d’entretenir l’idée que les occuper est peu ou prou calamiteux. Nous aurons toujours besoin demain d’ouvriers, les vastes chantiers de la bifurcation écologique l’exigent, et d’employés, du fait notamment du vieillissement de la population et donc des besoins liés à la dépendance.

Instiller de la république en économie, c’est aussi soutenir que tous les métiers doivent être tenus pour strictement égaux dans le respect qui leur est dû. En Allemagne, on peut encore être fier lorsque son rejeton accède à un poste d’ouvrier. On en est loin en France, malgré la mise en évidence du rôle essentiel des « premiers de corvée » et autres « secondes lignes » avec le covid. Le magnifique Discours à la jeunesse de Jaurès se terminait, ce n’est pas anodin, par un éloge de la fierté du travail bien fait,«quel qu’ilsoit», et des travailleurs qui l’exercent. C’est un enjeu majeur trop souvent omis dans les travaux sur la mobilité sociale : redonner à tous les travailleurs leur fierté.

Les représentations importent : n’est-ce pas au nom de l’égale dignité des métiers qu’on peut d’autant mieux exiger de réduire les distances entre eux ? Les progressistes aux petits pieds se bornent à promouvoir l’égalité des chances. La priorité serait de permettre aux femmes, aux « minorités », voire aux fils d’ouvriers pour les plus hardis, de devenir patron du CAC 40. On peut retenir une autre priorité : un nouvel âge de l’égalité, avec une authentique revalorisation tant matérielle que symbolique des ouvriers et employés et la limitation des écarts pour « ceux d’en haut ». L’égalité des chances y gagnera puisque ce n’est pas en augmentant la hauteur d’une échelle qu’on facilite d’y grimper à son sommet.

Il est minuit moins le quart pour la gauche

En 1936, à la Libération et en 1981, c’est lorsqu’elle a porté la république en politique comme en économie que la gauche a pu accéder au pouvoir, déployer ses grandes réformes. Les promoteurs du néolibéralisme économique savent le bénéfice qu’ils peuvent tirer lorsque ceux qui s’opposent à ce néolibéralisme prennent leur distance avec la république, s’enlisant inexorablement dans des postures minoritaires. La droite, Macron avec, l’a parfaitement compris à l’occasion des émeutes : ils arguent de la défense de la République pour mieux ne rien changer dans la politique économique. La république mérite pourtant mieux qu’une défense hémiplégique. Raphaël Enthoven et Caroline Fourest, pour ne citer qu’eux, s’en posent en gardiens, mais en négligeant son volet social. D’où la défense de la politique économique de Macron, dont la réforme des retraites, dans leur journal Franc- Tireur, avec en chroniqueur économique Olivier Babeau, encenseur des dividendes et des milliardaires.

On se désole de la montée du Rassemblement National. Encore faut-il en sonder les ressorts. Cette extrême-droite a tourné le dos à la dénonciation de la « gueuse ». Elle se présente, à sa façon, en défense de la république tant au niveau politique que social, d’où sa progression.

La gauche ne pourra offrir une alternative crédible si elle est dominée par deux pôles qui sont autant d’impasses : l’un, opposé au néolibéralisme économique, mais au message brouillé sur le volet républicain du politique, l’autre, dont Macron est un pur produit, qui prétend porter ce dernier volet, mais pour mieux justifier le néolibéralisme.

Il est minuit moins le quart pour la gauche. Puisse-t-elle, avec Jaurès, se reconstruire comme gauche authentiquement républicaine et sociale… pour que ne sonne pas son glas.


1 C’est devant El prendimiento de Cristo de Goya (le Christ y prend toutes les bassesses et offre tout) à Tolède que l’auteur de ses lignes, athée, a saisi il y a quelques années la puissance que porte – et porte encore pour certains – la religion. Et à choisir, les lignes de Marx sur la religion (dans Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel – 1844) ne comptent-elle pas parmi ses plus subtiles (« La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur »…) ?

2 « Le socialisme et la Révolution française », La Dépêche de Toulouse, 22 octobre 1890.

3 Sur toutes ces questions, voir la roborative mise au point de Stéphane Beaud, Gérard Noiriel (2021) dans Raceetsciences sociales.Essaisurlesusagespublicsd’unecatégorie, Agone. Voir aussi Florian Gulli (2022), L’antiracismetrahiDéfensede l’universalisme, PUF, ouvrage salué par Gérard Noiriel dans son précieux blog.

4 Cité dans l’article documenté de Gaston Crémieux sur le racisme de Renaud Camus, «LeGrandmâleblanc», Franc-Tireur, n°15, 23 février 2022.

5 Voir sur cette question la courageuse note de la Fondation Jean Jaurès de Renaud Large (2023), «Ambitieux sur les retraites, ferme sur l’immigration : le modèle social-démocrate danois (2016-2023) ».

6 Cf. les résultats de la deuxième enquête Trajectoireset originesde l’Insee (2022) : «La diversitédesoriginesetlamixité des unions progressent au fil des générations », Insee Première.

7 Du premier recensement en 1790 à 1850, seules deux races étaient reconnues : les « blancs » et les « noirs » (avec pour ces derniers les sous-catégories de « libres » et d’esclaves »). S’y sont ensuite progressivement ajoutés les « Amérindiens et autochtones d’Alaska », les « Asiatiques », les « Autres races » et (en 2000) les « Autochtones d’Hawaï et des îles du Pacifique ». S’y superposent l’enregistrement des « origines ethniques » (hispaniques, etc.), le tout avec moult conflits sur leurs contours à l’occasion des recensements tous les 10 ans.

8 Christophe Ramaux (2022), Pour une économie républicaine. Une alternative au néolibéralisme, De Boeck.

9 «Emeutes urbaines et quartiers prioritaires : comment ne pas se tromper de diagnostic », La Grande Conversation, 13 juillet 2023. Voir aussi Vincent Grimault (2023), « Non, les banlieues ne croulent pas sous l’argent public», Alternatives économiques, 07 Juillet.

10 Voir Mathilde Gerardin et Julien Pramil (2023), « En 15ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes », Insee Analyses, no79, 11 janvier.

Espagne : la remontada de la gauche

Il y a deux mois, la droite espagnole triomphait aux élections municipales et des parlements des communautés autonomes. Si le PSOE résistait bien, c’est du côté de la gauche alternative et radicale que le désastre était patent. La plupart des « mairies du changement », élues dans le sillage de la crise financière des années 2010, passaient à droite, et Podemos disparaissait de la plupart des conseils municipaux. Les différents partis régionalistes de gauche n’étaient pas non plus en bonne forme, tandis que la droite désormais alliée à l’extrême-droite progressait partout.

Deux mois plus tard, la droite fait grise mine. Les élections du 23 juillet ne permettent pas à Alberto Núñez Feijóo, le leader du Partido Popular (PP), de disposer d’une majorité. Quand bien même le PP progresse de moitié par rapport à 2019, c’est Pedro Sánchez qui apparaît le vainqueur de l’élection d’hier.

La droite a perdu

Avec 33% des voix et 136 députés sur 350, la droite conservatrice espagnole est en tête : le PP gagne plus de 3 millions de suffrages et 48 sièges, faisant bien plus que compenser le sabordage de Cuidadanos (les centristes nationalistes avaient annoncé dès le lendemain des municipales qu’ils ne présenteraient pas de candidats aux élections générales de juillet) et recueillir le vote utile d’électeurs ultra-conservateurs de Vox – un total de près de 2,3 millions de voix, et 29 sièges.

Le PP est talonné par le PSOE qui progresse lui aussi en voix (un peu moins d’un million de suffrages supplémentaires), s’établissant à 31,7%, et en sièges, avec 122 députés (+2, le Parti socialiste catalan progressant lui-même de 7 sièges, quand le reste du PSOE en perd 5).

Vox, parti d’extrême-droite post-franquiste, recule à 12,4% et perd 19 députés, n’en conservant que 33.

Sumar, la nouvelle coalition de la gauche radicale, reste quelques milliers de voix derrière, avec 12,3% et 31 sièges.

Enfin, les différents partis régionalistes et indépendantistes cumulent 7,5% des voix et obtiennent 27 sièges, 12 de moins qu’en 2019, quand leurs scores cumulés atteignaient 10,9%.

Comment la gauche, partagée entre modérés usés par le pouvoir et radicaux discrédités, que tout le monde donnait perdante face à une droite unie et prête à assurer l’alternance, a-t-elle ainsi résisté ?

Tout d’abord, il y a eu l’excellent sens politique de Pedro Sánchez et de Yolanda Díaz, la cheffe de file de Sumar.

Bon sens tactique

À la suite des élections municipales, le Premier ministre socialiste a fait le choix d’une dissolution immédiate des Cortes. La campagne législative a donc eu lieu pendant que les négociations entre Vox et le PP pour le contrôle des mairies et des législatures locales étaient publiques et immédiates. La collusion entre la droite et les nostalgiques de Franco a remobilisé la gauche et effrayé un certain électorat centriste et régionaliste.

La dissolution a également poussé la gauche radicale à s’unir rapidement, plutôt que de s’enfermer dans des négociations stratégiques et idéologiques qui se seraient étalées sur plusieurs mois. Podemos, acculé par la déroute municipale, l’impopularité record des ministres issus de ses rangs et incapable de se remettre du retrait de la vie politique de son leader charismatique deux ans plus tôt, n’a pas eu d’autre choix que d’accepter les conditions de la très populaire ministre communiste du travail Yolanda Díaz, qui avait déjà fédéré dès le mois d’avril la plupart des autres composantes de cette famille politique.

Les régionalistes et les indépendantistes, véritables perdants de cette élection, ont vu leur électorat se réfugier dans l’un ou l’autre des grands partis de la gauche nationale, car effrayés à l’idée de voir Vox intégrer le gouvernement. En Catalogne, si la droite indépendantiste de Junts résiste relativement bien, la gauche républicaine indépendantiste de l’ERC perd la moitié de ses électeurs et députés, au profit des socialistes catalans. Au Pays Basque, la progression des socialistes se fait au détriment des centristes autonomistes du PNV, mais surtout pour la première fois, ces derniers passent derrière la gauche indépendantiste de Bildu, en voix comme en siège (ce parti héritier des soutiens politiques d’ETA gagne près de 60 000 voix alors que le PNV en perd plus de 100 000).

Si ces considérations de forme tactique peuvent expliquer comment – à la marge d’un scrutin proportionnel par région où quelques points de pourcentage déterminent l’allocation des sièges – la gauche a pu empêcher la droite de prendre le pouvoir, des causes plus profondes expliquent plus profondément que cette stratégie ait fonctionné.

L’habileté, c’est surtout une gauche de gauche

La principale est que Pedro Sánchez a fait ce qu’on attend d’une gauche au pouvoir. Il a augmenté les salaires, entamé un processus de réconciliation nationale avec la Catalogne, combattu la nostalgie franquiste en sortant la dépouille du dictateur de son mausolée infâme. Même imparfaite et par trop pusillanime, la gauche espagnole n’a pas trahi, n’a pas fomenté de loi travail anti-syndicale ou mené l’austérité tambour battant.

Alors que Podemos avait obtenu des prérogatives ministérielles limitées aux sujets de société, ses responsables ont fait le choix, désastreux, de s’enfermer dans une rhétorique de plus en plus polémiste, minoritaire, donnant l’impression qu’elle combattait plus la société espagnole que les puissances financières. Sumar et Yolanda Díaz ont donc évité la déroute à la gauche du PSOE, qui aurait sans doute conduit à celle de l’ensemble de la coalition : cela s’est fait en remettant la gauche radicale là où on l’attend et là où elle est majoritaire, c’est-à-dire dans l’ambition forte d’un monde socialement plus juste plutôt que dans la stratégie intersectionnelle. En définitive, la réussite (relative) de Sumar, c’est la victoire des partis (Parti communiste espagnol – plus que Izquierda Unida, que Yolanda Díaz avait formellement quitté en 2019 tout en restant au PCE –, Más País d’Íñigo Errejón, Verdes Equo, mais aussi Compromís et Chunta Aragonesista…) sur le mouvementisme et le populisme de gauche.

Ce parlement sera vraisemblablement sans majorité, et de nouvelles élections pourraient avoir lieu d’ici la fin de l’année 2023. Mais Sánchez et Díaz ont montré qu’un autre chemin est possible : mener une politique juste, faire campagne sur des thèmes avec lesquels la gauche est en phase avec la société. Voilà ce qui a permis la remontada de la gauche espagnole.

Il ne faudra cependant pas sous-estimer la dynamique conservatrice ; si une coalition arc-en-ciel défensive espagnole est possible, il ne faudrait pas que sa constitution s’enlise dans des négociations interminables et que son action soit pusillanime : un échec de ce type pourrait relancer leurs ennemis.

Augustin Belloc

Etat de droit : Emmanuel Macron doit se ressaisir

Les propos confus d’Emmanuel Macron, à la mi-journée lors de son entretien télévisé depuis la Nouvelle Calédonie, sont inquiétants. S’il n’a évidemment pas à commenter une décision de justice, comme garant des institutions il ne peut par contre éluder l’expression du Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), qui a mis de fait en cause l’égalité de tous devant la loi.

Le Président de la République aurait dû rappeler les principes fondamentaux de l’Etat de droit, que tout agent public se doit de respecter. La contestation de la procédure légale affaiblit gravement nos institutions et l’autorité de l’Etat. Les hauts fonctionnaires qui apportent de l’eau au moulin corporatiste causent en réalité plus de dégâts qu’ils n’en réparent. Cela vaut pour toutes les missions régaliennes de l’Etat : police, justice, finances publiques, etc.

Le rôle du gouvernement et du Président de la République est tout à la fois de donner aux services publics les moyens d’agir, ce que manifestement il ne fait pas, et de rappeler au DGPN et au Préfet de police de Paris les limites fixée à leur expression, ce qu’il oublie de faire.

Rappelons enfin que l’incarcération préventive d’un policier marseillais par le juge des libertés peut faire l’objet d’un appel par l’intéressé. S’il estime cette décision infondée, il a tout loisir d’user de ce moyen à sa disposition : force doit rester à l’ordre de la loi !

100 jours, un remaniement cosmétique, et après ?

Sans majorité, sans projet politique défini maintenant que la réforme des retraites est passée, Emmanuel Macron se mue en président qui « tourne les pages ». L’exécutif a démontré depuis un an qu’il pouvait gouverner sans légitimité politique et sans tenir compte de la réalité vécue par les Français.

Cette dernière est pourtant cruelle, l’inflation ralentit certes mais les salaires ne suivent toujours pas et le pouvoir d’achat de nos concitoyens prend l’eau. La hausse de 10% des prix de l’électricité nous rappelle à quel point la crise de l’énergie est durable, sans qu’aucune action ne soit engagée pour apporter une réponse structurelle. Les discours s’accumulent sur la reconquête de notre souveraineté économique et industrielle alors que la vente de nos fleurons et les délocalisations se poursuivent. La semaine d’émeute qui a frappé notre pays après la mort de Nahel a démontré à quel point les fractures et les ségrégations sociales et territoriales sont à vifs, mais après un déploiement policier inédit pour rétablir l’ordre, l’exécutif a décidé de se contenter d’une loi expresse de réparation et n’a nullement l’intention d’aller plus loin.

Nos services publics, notamment hospitaliers, abordent cet été dans un état pire que le précédent, mais rien d’autre n’est proposé que le dispositif d’urgence qui avait permis de surnager l’année dernière. Que dire des perspectives de la rentrée scolaire de septembre prochain, après un an d’immobilisme complet sous le ministère de Pap Ndiaye. Le fiasco du dernier trimestre sur la mixité scolaire est venu clore une année pathétique.

Bercy nie toujours l’existence de superprofits alors que les dividendes continuent de s’envoler. Les défis écologiques (canicule, nappes phréatiques, biodiversité…) s’accumulent mais l’inaction générale est couverte par le vacarme des polémiques sur l’écologie radicale et la réponse sécuritaire qu’on oppose à ses activistes.

Aujourd’hui ou demain, on nous présentera donc un nouveau casting de ministres inconnus et souvent dépassés à l’avance par les faits… Le Prince de Lampedusa semble donner le ton des mois à venir : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout », mais Emmanuel Macron n’a pas le talent de Visconti comme réalisateur.

100 jours, un remaniement cosmétique, et après ?

Sans majorité, sans projet politique défini maintenant que la réforme des retraites est passée, Emmanuel Macron se mue en président qui « tourne les pages ». L’exécutif a démontré depuis un an qu’il pouvait gouverner sans légitimité politique et sans tenir compte de la réalité vécue par les Français.

Cette dernière est pourtant cruelle, l’inflation ralentit certes mais les salaires ne suivent toujours pas et le pouvoir d’achat de nos concitoyens prend l’eau. La hausse de 10% des prix de l’électricité nous rappelle à quel point la crise de l’énergie est durable, sans qu’aucune action ne soit engagée pour apporter une réponse structurelle. Les discours s’accumulent sur la reconquête de notre souveraineté économique et industrielle alors que la vente de nos fleurons et les délocalisations se poursuivent. La semaine d’émeute qui a frappé notre pays après la mort de Nahel a démontré à quel point les fractures et les ségrégations sociales et territoriales sont à vifs, mais après un déploiement policier inédit pour rétablir l’ordre, l’exécutif a décidé de se contenter d’une loi expresse de réparation et n’a nullement l’intention d’aller plus loin.

Nos services publics, notamment hospitaliers, abordent cet été dans un état pire que le précédent, mais rien d’autre n’est proposé que le dispositif d’urgence qui avait permis de surnager l’année dernière. Que dire des perspectives de la rentrée scolaire de septembre prochain, après un an d’immobilisme complet sous le ministère de Pap Ndiaye. Le fiasco du dernier trimestre sur la mixité scolaire est venu clore une année pathétique.
Bercy nie toujours l’existence de superprofits alors que les dividendes continuent de s’envoler. Les défis écologiques (canicule, nappes phréatiques, biodiversité…) s’accumulent mais l’inaction générale est couverte par le vacarme des polémiques sur l’écologie radicale et la réponse sécuritaire qu’on oppose à ses activistes.

Aujourd’hui ou demain, on nous présentera donc un nouveau casting de ministres inconnus et souvent dépassés à l’avance par les faits… Le Prince de Lampedusa semble donner le ton des mois à venir : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout », mais Emmanuel Macron n’a pas le talent de Visconti comme réalisateur.

+10% des prix de l’électricité : merci le marché européen !

+10% de hausse des prix de l’électricité au 1er août ! Le marché européen de l’électricité a encore frappé. Les ménages précaires et les PME industrielles en difficulté en sont les premières victimes.
Urgence sociale, urgence économique, urgence souveraine: nous devons reprendre le contrôle des prix de l’énergie.
Le vrai « bouclier tarifaire » pour la France, c’est de sortir IMMÉDIATEMENT du marché européen de l’énergie conçu au seul bénéfice des centrales à gaz allemandes. Ainsi nous pourrions vendre notre électricité à 60€ le Mwh et pas 190€ comme il est fixé ce jour aux heures pleines.
Une réorientation de notre politique énergétique est absolument indispensable.
C’est assez des milliards d’euros d’argent public déversés à perte sur les actionnaires des producteurs privés d’électricité !
Rétablissons le monopole d’EDF, rien qu’EDF, toujours EDF !

« Projet plein emploi » : après les émeutes, un contre-feu bien commode pour le Gouvernement !

Ce que l’on peut retenir du texte « pour le plein emploi » déposé par le gouvernement (et aggravé par la droite) est qu’il utilise toujours la même grosse ficelle quand il n’a rien a proposer : culpabilisation, stigmatisation et mépris des plus précaires.

Un contrat d’engagement (l’obligation de 15 à 20h par semaine) pour tous les demandeurs d’emploi. Traduction : les chômeurs sont responsables de leur situation et pour pouvoir continuer à bénéficier de leurs droits (disposer du service public de l’emploi et être indemnisé après avoir cotisé) ils devront « payer » en réalisant des heures sur des métiers qu’ils ne souhaitent pas forcément ou qu’ils ne savent ne pas faire.

Cette mesure ne prévoit aucun accompagnement supplémentaire et ouvrira un peu plus la porte à l’externalisation vers des partenaires privés.
D’un côté, la double peine pour les privés d’emploi et une charge supplémentaire pour les actuels conseillers « pôle emploi » et de l’autre un nouveau marché pour des prestataires pour l’heure inexistants, mais qui vont germer sous l’effet d’aubaine.
De plus, contrairement à ce qui avait été promis, rien dans ce projet ne permet de rétablir les mesures rejetées par le Conseil constitutionnel sur l’emploi des seniors.
En faisant entrer les allocataires du RSA dans le décompte de pôle emploi, le gouvernement introduit une confusion entre l’indemnisation du chômage ouverte en contrepartie de cotisation et le RSA, qui répond à la nécessité de garantir un filet minimum financé par l’Etat. En renforçant les mécanismes de sanction, en leur imposant 20h d’activité obligatoire, il y a fort à parier que le seul résultat qu’obtiendra le gouvernement sera une augmentation naturelle du non-recours aux allocations. De là à penser que c’est l’objectif visé…

La philosophie de ce projet de loi réside dans cette morale : moins il y aura de recours, plus le taux de chômage s’affichera à la baisse.
Chez ces gens-là, on ne compte plus, on cache !

Sri Lanka : Un an après la révolte, où en est le pays ?

Le 9 juillet 2022, le Président Gotabaya Rajapaksa démissionnait de ses fonctions à la suite de la prise du palais présidentiel par le peuple Sri Lankais. Cette démission suivait celle de son frère Mahinda Rajapaksa le 9 mai précédent, alors Premier Ministre du pays, après une crise politique majeure, due à une très forte inflation, des coupures d’électricité et des pénuries de carburant et de produits de première nécessité.

Qu’est-ce qui avait conduit à ce renversement ?

Des manifestations majeures s’étaient déroulées depuis le 15 mars 2022 pour réclamer la démission des frères Rajapaksa. Le 9 mai 2022, des heurts entre manifestants pro- Rajapaksa et manifestants anti- Rajapaksa ont provoqué la mort de 9 personnes et 139 autres ont été blessées.

Le 14 juillet 2022, Ranil Wickremesinghe (ancien premier ministre) a été désigné Président de la République du Sri Lanka.

En 2022, la situation économique du pays, qui ne s’est pas totalement remis de la guerre civile entre Cingalais et Tamouls, avait été aggravée par la crise économique résultant de la crise COVID. En effet, la dette extérieure du pays est passée de 42,6 % du PIB en 2019 à 101 % en 2021. Le gouvernement de Mahinda Rajapaksa a massivement baissé les impôts, augmentant le déficit budgétaire tout en augmentant la création monétaire, augmentant ainsi l’inflation.

Depuis, quelle est la situation ?

Si le pays semble sortir progressivement de la crise économique, le FMI – dont on ne connaît que trop bien les recettes – appelle à une douloureuse restructuration du pays, notamment par le doublement des impôts, la réduction des dépenses publiques, l’augmentation des tarifs d’électricité et la baisse des subventions. 2,9 milliards de dollars seulement ont été promis en contrepartie.

Sont donc notamment visées les entreprises publiques, dont la société nationale d’électricité, la compagnie aérienne nationale ainsi qu’une compagnie pétrolière, qui avaient subi une perte d’1,3 milliards de dollars en 2021. Notons la seule contrepartie intéressante : la promulgation de lois anti-corruption dans le pays.

Après avoir fait défaut en avril 2022 de 46 milliards de dollars de dette extérieure, le pays reste aujourd’hui débiteur de 36 milliards de dollars, dont un peu plus de 7 milliards sont dus à la Chine. Cette dernière l’utilise comme moyen de pression sur le gouvernement sri lankais : exportation de 100 000 macaques à toque vers les zoos chinois (espèce placée sur la liste rouge des espèces en danger), vente d’un port sri lankais pour 99 ans, ouverture du marché des carburants à la compagnie chinoise SINOPEC…

Fin 2022, la dette locale s’élevait à 15 033 milliards de roupies (50 milliards d’euros), dont la valeur pour les créanciers diminue autant que la devise perd de sa valeur avec l’augmentation de l’inflation.

Le gouvernement a récemment publié son programme de restructuration de sa dette : une décote de 30 % sera prochainement appliquée sur les obligations du pays libellées en dollars, autant pour les créanciers internationaux que sri lankais. Seuls les crédits bilatéraux (intergouvernementaux) ne sont pas concernés par cette restructuration.

Des perspectives peu rassurantes

Le PIB, quant à lui, est en récession de 7,8 % en 2022, une nouvelle diminution de 2 % est également attendue en 2023 et la croissance, modeste, n’est pas prévue avant 2024.

Malgré le départ du clan Rajapaksa, la colère populaire persiste : l’inflation, bien que réduite, reste à un très fort niveau et les pénuries de bien se poursuivent. L’augmentation des impôts, du coût de l’électricité et des biens de première nécessité ont de nouveau poussé une quarantaine de syndicats à appeler à une grève nationale le 15 mars dernier, malgré l’interdiction faite par le gouvernement le mois précédent. L’armée a été déployée dans les gares et le port de Colombo.

Joffrey Henrique-Robécourt

La droite et la macronie nourrissent le RN !

En 6 jours d’émeutes, d’une intensité accrue par rapport à 2005, le chef de l’Etat ne voit pas qu’une grande partie du problème vient de lui et de ses prédécesseurs. Le délitement de l’école républicaine, la destruction des services publics, l’abandon des quartiers et des banlieues, tout comme celui de la ruralité, la co-gestion de la politique sécuritaire avec des syndicats radicalisés, le système de santé sous les décombres de la pandémie, le mépris des revendications du mouvement social, la concertation à coup de 49.3.

C’est au gouvernement qu’incombe la responsabilité de réparer ce qui est cassé. Il ne peut pas se contenter de répondre aux nuits de violence qui ont suivi le meurtre de Nahel Merzouki en invoquant la responsabilité parentale ou en accusant les jeux vidéos! Et sanctionner les pauvres sans se poser plus de questions sur l’origine du mal qui ronge nos quartiers populaires est une réponse bien commode – et bien ciblée – que les démagogues apprécieront.

Nous sommes à la veille des 100 jours de l’apaisement promis après la bataille contre la retraite à 64 ans. Le moins que l’on puisse dire est que l’objectif est loin d’être atteint! Si Macron ne change pas de politique, la France continuera de s’enfoncer dans le chaos, ouvrant ainsi un boulevard pour l’extrême-droite.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.