Après une année de records de températures et de catastrophes climatiques dans le monde entier, la COP28 rassemble à Dubaï (Emirats Arabes Unis) les signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, soit 197 Etats et l’Union européenne.
5 objectifs ont été retenus pour cette édition :
- Établir un premier bilan de l’accord de Paris. Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d’atténuation compatibles avec l’objectif de température qui avait été fixé (+1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle ). Or les engagements actuels pays par pays ne mènent qu’à 2% de baisse des émissions entre 2019 et 2030, au lieu des… 43% préconisé ! Si ces ambitions ne sont pas revues, le réchauffement global sera d’au moins +2,9°C d’ici 2100. Quel message politique la COP28 va-t-elle réussir à envoyer afin que tout le monde, en 2024, prépare sérieusement de nouveaux engagements ? pour limiter le réchauffement climatique et alors que “Chaque fraction de seconde compte. Un monde à +2°C est très, très différent d’un monde à +1,5°C”, nous dit le GIEC.
- Afficher des objectifs clairs sur l’énergie : triplement des énergies renouvelables, doublement de l’amélioration de l’efficacité énergétique (c’est-à-dire le rendement lors de la consommation finale) et sortie de notre dépendance aux énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz), responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre. Progresser sur ce 3ème point à Dubaï semble d’autant plus illusoire que le président de la COP, ministre des Etats Arabe Unis, projette des accords bilatéraux sur le développement des énergies fossiles avec nombre d’États participants… Les ONG résument ainsi la problématique : choisir un tel président pour la COP est “une dissonance cognitive énorme, comme si on mettait un cigarettier à la tête de l’OMS”
- Impliquer le secteur pétrolier dans la transition pour organiser la nécessaire sortie des énergies fossiles et développer des solutions de captage et stockage de carbone, qui ne doivent pas cependant justifier l’extension de la production de combustibles fossiles au lieu de privilégier les alternatives (GIEC). Le captage de carbone ressemble par ailleurs à l’exemple même de la diversion : le site de Fujeirah mis en avant par les Emirats Arabes Unis, alimenté par l’énergie solaire et présenté comme le dispositif le plus puissant de la planète en la matière, arrive tout juste à traiter 1% des émissions de carbone de l’exploitation, il ne permet donc en rien de compenser la volonté des Emirats d’accroître leurs capacités de production d’énergie fossile.
- Organiser le fonds pour les pertes et dommages des pays victimes de désastres climatiques, dont la mise n place se fait attendre. Qui doit payer : les pays développés, responsables historiques du réchauffement, ou bien aussi la Chine et les pays du Golfe ? Qui seront les bénéficiaires : les pays en développement, Chine comprise (elle conserve en effet ce statut dans les instances mondiales), ou seulement les “plus vulnérables” ? Où installer ce fonds ? Au sein de la Banque mondiale, accusée d’être aux mains des Occidentaux, ou dans une structure indépendante mais dont la mise en place prendra du temps ?
- Débloquer les financements promis, sachant que les 100 milliards de dollars d’aide annuelle promis en 2009 par les pays riches ne sont pas atteints (83 milliards de dollars, selon les chiffres les plus récents de 2020 fournis par l’OCDE). il va falloir se décider sur la suite. Combien ? Pour englober quoi ? La finance privée devra elle aussi prendre toute sa part. Autre enveloppe défaillante : la promesse de la COP de Glasgow en 2021 d’atteindre 40 milliards d’euros par an pour l’adaptation au changement climatique.
On constate donc à quel point la COP 28 organisée par les Emirats Arabes Unis est pétrie d’injonctions contradictoires… Rien d’étonnant à cela puisque le cadre capitaliste et financiarisé de la globalisation n’est jamais interrogé. Rappelons que l’extension des échanges commerciaux compte pour 25% des augmentations d’émissions de gaz à effet de serre. Au-delà des actions immédiates pour réduire l’empreinte carbone de la production énergétique ou des transports, nous ne réussirons pas sans changer de modèle de développement, de commerce et de consommation.
Alain Fabre, Marie-Noëlle Lienemann, Laurent Miermont et Frédéric Faravel