La crise sociale française en 2025

Chaque été, l’INSEE publie son rapport sur la privation matérielle en France. Le rapport souligne qu’en 2024, la privation matérielle a un peu reculé, mais reste au-dessus des moyennes de 2017-2020. La crise économique mondiale est bien payée par les classes salariées.

L’étude de l’INSEE rappelle une réalité cruelle : un habitant sur cinq de ce pays ne part pas en vacances.

Privation matérielle et sociale en 2024 : Une personne sur huit est en situation de privation matérielle et sociale – François Gleizes, Julie Solard (Insee) – Insee Focus n°353, mai 2025

Mais les chiffres révèlent d’autres dimensions des colères sociales de ce pays.

Les trois classes qui dominent les médias, les éditoriaux, les mandats électoraux ne connaissent pas de privations en proportion comparable aux autres classes. Il s’agit des cadres, des indépendants et des retraités.

Les classes qui connaissent des privations sont les employés (14%), les ouvriers (16%), et parmi eux les chômeurs (34%), les mères seules et les familles de plus de trois enfants.

Cette étude confirme les autres études sur la question de la perception de la pauvreté et ses réalités matérielles.

Le taux de pauvreté en relation au revenu moyen stagne à un niveau très élevé, plus élevé qu’en 2012. Certains prétendent que ce taux n’est pas pertinent, car le montant du revenu moyen augmentant, le seuil de pauvreté correspond à un niveau de pouvoir d’achat supérieur à 2012. L’étude ci-dessus confirme que le niveau de privation matérielle est supérieur à 2012.

Pour surmonter les écueils d’une analyse monétaire uniquement des seuils de pauvreté, le bureau des statistiques européennes à créé il y a plus de 15 ans un indice synthétisant plusieurs critères. C’est la mesure « Arope »1.

Et bien le dernier rapport a également constaté une dégradation générale de la situation en France depuis 2015. L’Allemagne stagne à 20% de sa population ayant des difficultés à vivre depuis plus de 15 ans, malgré une économie florissante et excédentaire entre 2007 et 2019. La France disposait d’un modèle qui empêchait les chocs violents, tant en crise qu’en surchauffe. Et bien le taux de pauvreté au sens européen, 20% inférieur à l’Allemagne, a rattrapé celle-ci en 2024.

Je me souviens de débats au sein du PS dans les années 2013-2015 où nous étions nombreux à mettre en garde contre des politiques budgétaires, économiques, sociales, et juridiques nous conduisant à plus d’inégalités sans aucun avantage compétitif, ni croissance renforcée, ni stabilisation budgétaire, ni amélioration de la vie des Françaises et des Français.

Nous étions surpris de ne voir aucune argumentation de fond face à nos arguments. On nous traitait de trois façons :

  1. On nous renvoyait à un futur radieux. « Les effets du CICE sont à long terme ». Le terme de 12 ans est suffisamment long pour se rendre compte que la politique choisie a été un gaspillage budgétaire et une erreur stratégique.
  2. On nous opposait les traités européens. Le rapport Draghi de 2024 comme les études économiques de l’UE comme des instituts europhiles soulignent tous le manque d’investissement entre 2013 et 2024, la faible utilisation de l’épargne européenne qui du coup finance les investissements aux États-Unis, en Chine, hors d’Europe, et la nécessité de revenir sur les « freins à la dette » des traités. Cette faiblesse économique européenne s’accompagne d’une faiblesse géopolitique et d’un risque de colonisation par les forces géopolitiques supérieures militairement.
  3. On nous accusait de « postures », multipliant les accusations sur nos personnes. Les tenants de l’orthodoxie ordo libérale profitaient de leur loyauté aux doctrines dominantes pour construire des carrières de conseillers ministériaux, de ministres, de directeurs administration ou d’autorités administratives, avant de les rentabiliser en passant dans le privé. Ces opportunistes, dont la plupart ont rejoint Macron, ne pouvaient imaginer que nous argumentions sur le fond en raison même du fond, et non pour leur piquer leur place ou leur concurrencer une prébende.

Le bilan de court, moyen et long terme est catastrophique, œuvre de ces classes dominantes, venues du sarkozisme, du hollandisme ou du macronisme, pour former le « bloc central » et, avec le ralliement de LR, « gouvernemental ».

Mais leurs clientèles électorales – indépendants, cadres et retraités – profitent de ces politiques.

Mathieu Pouydesseau

  1. https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Glossary:At_risk_of_poverty_or_social_exclusion_(AROPE) ↩︎

Non l’antisémitisme en France n’est pas résiduel

communiqué de presse de la Gauche Républicaine et Socialiste le vendredi 15 août 2025

Nous sommes en France et l’antisémitisme n’a pas disparu.
L’olivier planté en 2011 à Epinay-sur-Seine, cinq ans après la mort du jeune homme de confession juive, séquestré et torturé par «le gang des barbares» de Bagneux, a été abattu hier dans la nuit.
L’antisémitisme n’a pas disparu. Il n’est pas non plus résiduel. Au contraire, les agressions contre nos concitoyens de confession juive se multiplient.

En France, aujourd’hui, sans que rien ni jamais ne puisse le justifier, des plaques d’écoles en mémoire de la déportation des enfants juifs ont également été grafitées à Saint-Denis. À Livry-Gargan, un Français de confession juive qui allait prier a été agressé et sa médaille arrachée.
Vous avez dit « Résiduel » ?

Il est temps que l’ensemble de la société française réagisse.

Défense (6/6) : Comment les États-Unis veulent verrouiller le financement de la défense en Europe

Nicolas Ravailhe, professeur à l’École de guerre économique et avocat au barreau de Bruxelles (droit européen), propose une chronique sur la guerre économique entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine de la défense en six volets. Ces articles ont été initialement publiés dans La Tribune.

Dernière partie : le nerf de la guerre qui est comme toujours la question du financement contrôlé par le droit. De l’économie de guerre à la guerre économique, l’Union européenne devra se mobiliser pour rester la plus autonome possible.

Personne n’ignore que sans maîtrise des financements, il ne peut pas y avoir de souveraineté. Toute l’expertise de l’Union européenne (UE) se déploie donc sur le sujet et c’est un « festival » de pièges à tous les niveaux. Des experts, par exemple des universitaires américains, sont dépêchés pour venir modéliser les enjeux du réarmement de l’UE devant les décideurs européens. La dernière intervention, le 26 juin 2025 devant une commission du Parlement européen, est celle de Madame Kaija Schilde, Associate Dean of Studies, Pardee School of Global Studies, Boston University.

Dans son intervention, elle a expliqué aux Européens que la logique d’arsenal des États était néfaste. Kaija Schilde a plaidé pour un cadre juridique sécurisant au niveau européen – ce qui est fait avec la « modernisation » prévue des directives – afin de permettre au secteur privé d’investir dans des marchés sécurisés. Werner von Siemens, véritable père fondateur de l’UE, n’aurait pas dit mieux : « qui crée la norme, crée le marché ». Viennent ensuite les logiques de financements.

Avant de financer, il est donc nécessaire de restreindre les marges de manœuvre des États. Pourtant, les directives sur les marchés publics permettraient le contraire. Il convient aussi « booster » les possibilités de commercer en matière de défense. La dernière proposition vise à éliminer des freins dans la directive de 2009 sur les marchés de défense et dans des législations connexes, « Omnibus défense ».

Les marchés publics : cible numéro 1

Pour la France qui aspire à se réindustrialiser, le fait que la défense relève de marchés publics spécifiques est d’ailleurs un énorme atout. L’ambassadeur américain en Europe ne s’y est pas trompé et ils déplore déjà que des États qualifient de défense certaines dépenses un peu en marge du sujet. Qu’à cela ne tienne… les Européens négocient que dans les 5% de PIB affectés à la défense, 1,5% serve la logique de défense, des infrastructures connexes par exemple.

Ensuite, la commande publique des Européens est organisée. Le Parlement européen et le Conseil ont eu à se prononcer sur le programme EDIP. Des débats ont eu lieu sur des dispositions fantoches et inopérantes concernant la souveraineté, par exemple la condition de 65 % de composants européens pour intégrer les dispositifs européens. Or, il suffit de 1% pour être dépendant de composants stratégiques. Quant aux 65% de composants européens, la définition n’est pas très claire étant donné que des groupes étrangers produisent en Europe souvent en coopération avec des groupes américains, comme par exemple Rheinmetall. La France et l’Allemagne s’opposent sur la définition de la souveraineté.

Il faut de l’argent, encore de l’argent

Sur les 800 milliards annoncés du plan Rearm Europe, 650 milliards doivent provenir des États. Qui dispose de montants aussi importants ? L’Allemagne est riche et peut allouer 400 milliards. Un belle aubaine pour combler le « trou d’air » des industries civiles. Le PDG de Rheinmetall a été vu visitant des usines Volkswagen. De l’intérêt des directives européennes qui permettent d’investir dans la défense sans les cadres européens contraignants. En matière civile, la réglementation des aides d’État et celle sur les marchés publics auraient été un obstacle avec de tels montants.

Pour la France qui peine à respecter sa loi de programmation milliaire, la réalité est autre. L’UE a donc ouvert aux États qui n’ont plus d’argent la possibilité de se réarmer. La contrainte dite « critères de Maastricht » qui pèse depuis des années sur les budgets des États est levée, à tout le moins partiellement, pour une durée limitée – quatre ans dans la proposition initiale. À juste titre, la France n’a pas souhaité recourir à cette faculté de « clause de sauvegarde » offerte par l’UE. S’endetter davantage n’a pas de grande utilité sans logique de conquêtes économiques.

De plus, des logiques d’opposition franco-françaises sur l’usage de la dette surgiraient alors que nous avons besoin d’investir dans la défense comme dans d’autres secteurs.
Dans quatre ou six ans, nous serions davantage endettés et directement placés sous tutelle. L’Italie n’est pas plus motivée. Face au peu de succès de la mesure, l’UE cherche donc d’autres marges de manoeuvre tout en refusant l’endettement commun. En effet, l’Europe du Nord craint d’être exposée par les dettes de concurrents. De plus, ces derniers pourraient se renforcer dans la compétition qui s’accentue en matière de productions et de ventes d’armes.

Outre les 650 milliards d’euros sensés être mobilisés par les États, l’Europe lance le programme SAFE, doté de 150 milliards d’euros entre 2025 et 2030. La France a décidé d’y recourir. Tout sera donc intelligence économique dans ce programme qui vise l’achat ou la production d’armes en coopération et avec toujours la même « ambiguïté » autour de la notion « d’au moins 65% de composants ou technologies européennes ».

L’Allemagne verrouille les votes

Les fonds européens actuellement disponibles sont mobilisés. La politique régionale, gros pourvoyeur, a été immédiatement sollicitée. En l’espèce, l’Allemagne s’est souvenue des succès de son Ostpolitk qui a servi ses exportations et ses investissements à l’étranger. Contributeur net au budget européen, comme et même davantage que la France, la République fédérale et ses Länder ont aidé les entreprises allemandes à se ruer sur les financements européens disponibles en Europe de l’Est après les élargissements, c’est-à-dire avec la sécurité juridique du droit européen.

Ces relais de croissance, à l’opposé de délocalisations effets d’aubaine, n’ont pas supprimé d’activités outre-Rhin. Les entreprises allemandes ont augmenté leur volume de production, réduit les coûts et gagné en compétitivité. Les États, objets de ces investissements, ont été arrimés aux intérêts allemands pour conserver ces activités économiques. Ils votent donc majoritairement avec l’Allemagne les choix législatifs et normatifs de l’UE, ce qui conforte les majorités au Conseil comme au Parlement européen. La gouvernance de la Commission européenne est quant à elle bien maîtrisée par la présidente et ses collaborateurs.

L’ouverture des fonds européens de la politique régionale aux activités de défense va donc engendrer les mêmes logiques que dans le civil. Ne pas accompagner des PME et des grands groupes dans leurs logiques de croissance dans les États européens exposera à des difficultés concurrentielles très fortes. La préparation du prochain cadre financier européen, post 2028, devrait renforcer ces logiques au profit des industries de défense.

Les Français ont payé des chars coréens à Varsovie

Bien entendu, d’autres fonds européens contribuent à financer les activités de défense. Le Fonds européen de la défense (FEDef) est peu doté mais il a une influence sur les coopérations et les choix de défense en Europe. On voit mal la France, avec ses finances publiques exsangues, participer au financement d’un projet via le FEDef et concomitamment financer un projet concurrent avec le budget de l’État. Le Programme de R&D civil de l’UE – Horizon – est aussi sollicité en raison de la dualité de certaines activités ou de transferts très aisés de technologies civiles vers les matériels de défense.

La Banque européenne d’investissement est également à la manœuvre. Une première tranche de 3 milliards a été débloquée. Dans ce cadre, le premier partenariat signé avec des banques européennes pour distribuer ces prêts est conclu avec la Deutsche Bank pour 500 millions d’euros destinés à financer des entreprises en Europe. BPCE devrait recevoir une enveloppe de 300 millions d’euros.

Il est utile de noter que ces programmes européens sont « audités » à grands frais par des cabinets américains (soumis au droit américain). Les mêmes cabinets conseillent aussi les instances européennes, notamment la DG Defi de la Commission européenne.

En outre, on rappellera qu’un autre programme, la Facilité européenne pour la paix, est déployé dans le but de moderniser les armées européennes qui ont donné des matériels à l’Ukraine. Les armes données sont remplacées par des équivalents à valeur du neuf sans condition de souveraineté européenne. Le contribuable français et européen a par exemple payé des chars coréens et des avions américains à la Pologne avec une perte sèche pour notre industrie et le budget de nos armées d’environ trois milliards d’euros. Il est faux de dire que nous n’étions pas en capacité de fournir, d’autant plus que les Russes ne sont pas en état d’attaquer l’UE à brève ou à moyenne échéance.

Création d’une banque de défense

Comme les fonds publics ne suffiront pas : les fonds privés sont-ils la solution ? Un lobbying très intense s’opère dans l’UE autour de ce business très prospère. Il est envisagé de créer la Banque de défense, de sécurité et de résilience (DSR) conçue comme un instrument financier stratégique visant à renforcer les capacités de défense collective des nations euro-atlantiques et indo-pacifiques.

Dans un contexte de menaces sécuritaires et d’incertitudes économiques croissantes, de nombreux pays alliés peinent à maintenir des dépenses de défense adéquates en raison de ratios dette/PIB élevés, de coûts d’emprunt élevés et de contraintes budgétaires nationales. La Banque DSR proposée vise à alléger ces pressions financières en fournissant un mécanisme de financement durable et coopératif facilitant les investissements à long terme dans la défense, la sécurité et la résilience ».

Le droit américain en embuscade

Tout est dit et cela résume tout : les États n’ont plus de moyens financiers et l’UE se charge de les contraindre en ce sens. L’UE régule, par la R&D et le droit, le marché et les programmes européens de défense. Des experts américains viennent expliquer que le privé permet d’être cinq fois plus efficace que les États. Une banque est créée pour décider qui finance quoi et où. De plus, elle saura tout sur ceux qui solliciteront les fonds. En matière, d’intelligence économique, on ne peut pas faire mieux. La force de l’extraterritorialité du droit américain pourrait se charger du reste « en cas de nécessité ».

Les États comme les entreprises de défense n’auront pas le choix. Ils devront recourir à  des structures financières privées – il n’y aura pas ou peu d’argent disponible ailleurs – ou périr face à une concurrence qui sera financée. Bien évidemment, cette banque ou des équivalents ne seront pas contrôlés par des États en mesure d’exercer leur pleine souveraineté. En l’état des perspectives européennes comme des moyens nationaux, il est manifeste que des fonds privés doivent être mobilisés, en particulier pour sécuriser les fonds propres de nos entreprises comme pour assurer leur croissance.

L’irrigation des fonds privés vers le secteur de la défense est urgente mais en étant opérée de concert avec les États. Les fonds privés nationaux n’obèrent pas forcément la souveraineté d’un État. Économie de guerre ou plutôt guerre économique, il nous appartient de nous mobiliser.

Nicolas Ravailhe

(fin … provisoire)

Défense (5/6) : Comment les États-Unis font évoluer la dépendance des Européens vis-à-vis de leurs intérêts

Nicolas Ravailhe, professeur à l’École de guerre économique et avocat au barreau de Bruxelles (droit européen), propose une chronique sur la guerre économique entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine de la défense en six volets. Ces articles ont été initialement publiés dans La Tribune.

Cinquième partie : les États-Unis ont pour objectif de dépenser moins en Europe tout en forçant les Européens à acheter davantage américain pour assurer leur défense.

Les Américains sont experts dans l’art de diviser les Européens. Comme la France, ils sont affaiblis économiquement par l’Allemagne. Pour eux, il est compliqué de s’entendre avec la France car ils sont concurrents dans les mêmes segments, en particulier l’industrie de défense. De surcroît, la France tente de rester souveraine dans la conception de ses choix. D’où les attaques dans les médias du secrétaire d’État américain à la défense sur la faiblesse française et même britannique… Toutefois, en matière de défense, force est de constater que la France n’a jusqu’alors pas été une concurrente des États-Unis en Europe.

La France à la manœuvre ?

Rien ne changera tant que Paris ne remettra pas en cause les déséquilibres économiques en matière civile dans le marché intérieur européen, à savoir une France en déficit des échanges commerciaux face aux autres États en excédents. En d’autres termes, dans sa relation avec les autres États européens, la France devrait faire compenser ses déficits en matière civile par des acquisitions des autres États européens de matériels militaires « fabriqués en France » comme le font les États-Unis.

Étant donné le contexte géopolitique, c’est le bon moment. Il ne s’agit pas d’une logique de Frexit mais un rapport de force est nécessaire en vue d’une renégociation au sein de l’Union européenne (UE) pour rééquilibrer un déficit commercial abyssal. La France s’endette pour servir les succès économiques de ses partenaires européens. Ce n’est plus tenable pour notre pacte social. Nos partenaires et concurrents européens doivent l’entendre et acheter ce que nous produisons, des matériels de défense.

Et les États-Unis ?

Les États-Unis utilisent beaucoup l’arme idéologique pour diviser les Européens. Cette technique a commencé bien avant les ingérences de l’actuel président, du vice-président ou d’Elon Musk. Nous assistons à des phénomènes d’amplification plus visibles. Des provocations répétées évoquent la décadence de l’UE à l’appui de thèses considérées par une majorité d’Européens comme « illibérales ». On notera que la gauche américaine avec George Soros n’est pas restée en marge de ces pratiques. Diviser les Européens, et surtout la gauche européenne entre des logiques universalistes conformes aux valeurs et aux droits fondamentaux européens et des logiques communautaires d’inspiration américaine a également produit des effets délétères notoires.

Pendant que les Européens se livrent à des guerres picrocholines sur ces sujets, ils détournent leur attention. De nombreux Européens en oublient complètement leurs intérêts économiques et surtout financiers. Pendant que des Européens se chamaillent, George Soros, qui est bien plus un financier qu’un philanthrope, aura bien profité de l’explosion des prix de l’énergie en Europe. Cela aurait pu interpeller davantage la gauche européenne restée largement silencieuse à son encontre. Il appartient aux Européens et à eux seuls de défendre leurs modèles sans interférence.

Lors des élections allemandes, le soutien affiché par le vice-président américain, J.-D. Vance, à l’AFD aurait eu une incidence négative sur le score de ce parti. Voilà qui doit faire réfléchir ceux qui fantasment sur les leaders américains actuels. Il en va de même pour ceux qui à gauche relayent les aspirations au wokisme à la mode américaine et ne connaissent pas de grands succès électoraux en Europe. Nous ne sommes pas américains. Les États-Unis n’aspirent pas à nous convaincre. Ils nous affaiblissent et c’est assez logique à comprendre. C’est même « de bonne guerre ».

Les Américains ne se désengagent pas de l’Europe

Les revendications de Donald Trump envers l’Ukraine et ses richesses économiques sont éloquentes. L’Ukraine est un pays très vaste et devrait conserver 80% de son territoire. Le président américain montre donc un intérêt certain pour rester en Europe, de l’Atlantique au-delà de la Dniepr. Tout cela n’est pas improvisé, ni même nouveau, bien que le mode opératoire soit nettement plus direct.

Une consultation des investissements directs étrangers en Ukraine depuis des années révèle que les États-Unis y sont très présents. Les exemples sont nombreux. Les agriculteurs français savent qu’ils ont à affronter une concurrence déloyale des investissements américains, ex-Smith Field, en Ukraine. Bien évidemment, les États-Unis ne sont pas les seuls à être allés en Ukraine. L’Allemagne a initié le mouvement. La décision européenne d’abandonner les droits de douane sur ce qui est produit en Ukraine et importé vers l’UE en résulte.

Il s’agit d’une arme de destruction économique massive de l’industrie française. Les entreprises s’étant abstenues « d’investir » en bande et en masse dans des pays tiers pour aller chercher des relais de croissance sont exposées. Elles sont encore plus vulnérables en fonction de leur taille comme de leur faible capitalisation. Notre industrie subit une concurrence de technologies allemandes, américaines ou chinoises produites, sous salaire et temps de travail ukrainiens et avec une qualité de main d’œuvre ukrainienne désormais en libre service en Europe, sans barrière de protection possible. Les relais de croissance opérés en Ukraine font grandir des entreprises contre des concurrents qui ne pratiquent pas ce type d’attaques économiques. Aucun emploi ne sera supprimé en Allemagne, aux États-Unis ou en Chine.

En tout état de cause, cette décision d’abandon de droits douane n’aide pas l’Ukraine. Cette mesure sert les investissements étrangers en Ukraine qui en deviennent très, très rentables en se déployant ensuite sur le marché intérieur européen. Le secteur de la défense n’est pas épargné. Le Parlement européen a souhaité associer l’Ukraine aux programmes UE de défense. Les compétences développées en Ukraine (on les comprend) seront très efficaces à l’export en Europe et ailleurs. Évidemment si l’Ukraine tient face à la Russie, mais les États-Unis « gèrent » bien la situation en fonction des réalités militaires.

Une mesure contre-productive pour l’Ukraine

L’absence de droits de douane Ukraine UE est une mesure contre-productive pour l’Ukraine. Pour l’Ukraine qui a besoin d’armes, on peut douter de l’intérêt d’une mesure qui affaiblit l’économie des principaux pays producteurs d’armement en Europe, à commencer par la France très exposée. Comment une France appauvrie et désindustrialisée peut-elle produire davantage d’armes et les affecter à la défense de l’Ukraine ? Nous sommes en présence d’une équation impossible.

Or, les tensions entre l’Ukraine et les États-Unis ont montré que Kiev a davantage besoin d’armes non dépendantes du bon vouloir américain. Les Etats-Unis l’ont très bien compris et, logiquement, ils augmentent leur pression sur l’Ukraine, d’autant plus que les Européens, dont la France, ne peuvent pas compter sur l’aide américaine à court et moyen terme. Américains et Européens ont des objectifs économiques avant tout. La géopolitique sert donc la géo-économie. Les Européens, sauf la France, avec leurs milliards d’euros d’excédents commerciaux dans le monde, principalement aux États-Unis, n’ont de surcroit pas de leçon à donner.

États-Unis : rééquilibrage de leurs relations avec l’Europe

L’objectif des États-Unis est de dépenser moins en Europe, notamment en réduisant la présence de soldats, tout en forçant les Européens à acheter davantage américain pour assurer leur défense. Nous ne sommes nullement en présence d’un désengagement américain. La dépendance évolue. Elle devient technologique – les armes vendues aux Européens sont contrôlées par les États-Unis, même à distance – au profit d’un rééquilibrage financier en faveur des Américains.

En outre, les élargissements de l’OTAN, par exemple à la Finlande, augmentent les surfaces à protéger. « Business opportunities » : c’est autant de F-35 qu’il faudrait commander en conséquence. Un marché qui a des volumes d’affaires très importants et bien contrôlés. Les lobbyistes recrutés en Europe, souvent des anciens milliaires européens, sont efficaces. La limite de l’exercice réside dans les négociations avec les Russes, sans les Européens. La Russie refuse que l’Ukraine intègre l’OTAN. En revanche, elle ne s’oppose pas au fait que l’Ukraine rejoigne l’UE. « Business is Business ».

Nicolas Ravailhe

(à suivre)

Accord Trump-von der Leyen : pour Emmanuel Maurel, « l’Europe se comporte comme un paillasson face aux exigences de Trump » – entretien dans Marianne

entretien publié le 5 août 2025 dans Marianne, propos recueillis par Chloé Sémat

Quelques jours après la conclusion de l’accord commercial entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, le député Gauche démocrate et républicaine (GDR) du Val-d’Oise, Emmanuel Maurel, a déposé jeudi 31 juillet [en fait le 30 juillet 2025] une proposition de résolution appelant le gouvernement à s’opposer à ce deal. Pour Marianne, il revient sur un accord qu’il juge à la fois « humiliant » pour l’Europe et néfaste pour l’économie française.

Même hors session parlementaire, l’accord commercial conclu entre Donald Trump et Ursula von der Leyen le 28 juillet dernier suscite des remous chez les députés. À commencer par l’élu Gauche démocrate et républicaine (GDR) du Val-d’Oise, Emmanuel Maurel, qui a déposé ce jeudi 31 juillet une proposition de résolution appelant le gouvernement à s’opposer à ce deal. Pour rappel, cet accord, critiqué par l’ensemble du spectre politique français, prévoit une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Outre l’absence de réciprocité commerciale, le député déplore une véritable soumission de l’Union européenne (UE) aux États-Unis, susceptible d’avoir des répercussions néfastes sur l’économie française. Avec cette proposition de résolution, déjà signée par une petite quarantaine d’élus, il réclame un « sursaut collectif ». Entretien.

Marianne : Avec cette proposition de résolution, quel message souhaitez-vous faire passer ?

Emmanuel Maurel : Comme beaucoup de Français et d’Européens, j’ai été sidéré par la désinvolture avec laquelle Ursula von der Leyen a passé cet accord avec Donald Trump entre deux parties de golf en Écosse. Ce deal aura des conséquences existentielles sur le continent européen. On se plie à toutes les exigences du président américain, à commencer par le fait de taxer à hauteur de 15 % les produits européens arrivés aux États-Unis, sans exiger de réciprocité commerciale en taxant les produits américains. Et ce, au prétexte qu’une telle mesure contrariait Donald Trump.

Si cet accord aboutit, ce serait l’humiliation totale. Le président américain arrive avec ses rodomontades et ses exigences folles ; et plutôt que de les contester ou de répliquer, Ursula von der Leyen abdique. Cette situation est inédite : le continent européen se comporte comme un véritable paillasson face aux exigences du président américain.

En annonçant 600 milliards de dollars d’investissement, la présidente de la Commission européenne a pris des engagements sans jamais avoir consulté les États membres et qui vont à l’encontre des valeurs promues ces dernières années. C’est également le cas en matière de transition écologique, alors qu’elle a annoncé que l’Union européenne allait acheter massivement du pétrole et du gaz naturel liquéfié obtenu par l’exploitation du gaz de schiste. Ainsi, c’est toute l’autonomie stratégique de l’Europe qui est remise en cause.

La Commission s’est engagée à acheter des armes américaines pour quelques « centaines de milliards de dollars ». Avec quel impact sur l’industrie européenne, et notamment française, alors que l’UE se targue depuis le début du conflit russo-ukrainien de vouloir renforcer ses investissements dans la défense ?

Cette mesure trahit en effet la promesse de la Commission de consolider l’Europe de la défense. On prétend – et Emmanuel Macron en première ligne – vouloir parvenir à une sorte d’autonomie stratégique en la matière. Cela implique de produire nos armements et nos munitions sur le sol européen. Or, cet accord précipite le rapport avec l’Otan et les États-Unis.

Pour les entreprises françaises, comme pour l’idée que l’on se fait d’une indépendance militaire de l’UE, ce serait une catastrophe, voire une folie. C’est notamment pour cette raison que j’ai immédiatement tenu à porter cette proposition de résolution. Je ne vois pas comment la France pourrait accepter un tel deal parce qu’au-delà de l’humiliation, ce serait préjudiciable pour notre économie. J’espère qu’Emmanuel Macron en tiendra compte.

Le chef de l’État a d’ores et déjà déploré que l’Union européenne n’ait pas été assez « crainte » dans ses négociations commerciales avec les États-Unis. L’exécutif semble de fait aller dans votre sens.

L’accord est tellement déséquilibré qu’il était évident que le gouvernement réagirait de cette manière. Mais il y a les paroles et les actes. Sur le Mercosur par exemple, le président avait eu des mots très durs mais il n’empêche que la Commission européenne continue de faire comme si de rien n’était. Nous avons besoin d’un sursaut collectif, et la résolution que je propose devrait y participer. Celle-ci devrait rapidement arriver en commission des Affaires européennes à partir de l’ouverture de la session parlementaire, à la mi-septembre.

Pensez-vous obtenir une majorité de soutiens à l’Assemblée ?

Nous sommes déjà près de 40 à avoir signé la proposition. À la rentrée, je pense qu’on aura dépassé les 100 signatures. Ce soutien provient de tous les groupes, de la gauche au MoDem – le parti du Premier ministre. S’il y a un vote sur cette résolution, je ne doute pas qu’il y ait une immense majorité de parlementaires qui refuseraient un tel accord parce que l’intérêt national est mis en jeu.

Une résolution constitue avant tout un avis symbolique. Quelle portée aura-t-elle, selon vous ?

Une résolution, c’est symbolique mais également politique. Si une majorité de parlementaires se prononce contre le deal, il sera difficile pour l’exécutif français de l’ignorer. Il faudra ensuite que la France pèse au sein du Conseil européen, et que les parlementaires européens français agissent à Bruxelles et à Strasbourg pour construire un rapport de force qui sera défavorable à la position d’Ursula von der Leyen. Rappelons que cette dernière n’a pas autorité pour décider de ces investissements : cela relève du ressort des États membres.

« Ursula von der Leyen se comporte systématiquement comme si les intérêts de notre pays étaient négligeables. »

Ce n’est pas la première fois que la présidente de la Commission européenne s’engage de la sorte. Déjà, en 2020, alors que j’étais eurodéputé, elle avait essayé en catimini de conclure un accord d’investissement avec la Chine qui était clairement défavorable à la France. Elle se comporte systématiquement comme si les intérêts de notre pays étaient négligeables. Il est temps de lui rappeler que la France n’a pas à être sacrifiée sur l’autel de ses visées idéologiques. D’autant qu’Ursula von der Leyen est très contestée ces derniers temps et que sa légitimité politique est clairement remise en question.

Défense (4/6) : Comment les Allemands privilégient les excédents commerciaux aux États-Unis

Nicolas Ravailhe, professeur à l’École de guerre économique et avocat au barreau de Bruxelles (droit européen), propose une chronique sur la guerre économique entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine de la défense en six volets. Ces articles ont été initialement publiés dans La Tribune.

Quatrième partie : la priorité de Berlin reste les excédents commerciaux, notamment aux États-Unis ; celle de Washington vise les ventes d’armes en Europe.

Nous assistons au début d’une relation en apparence conflictuelle avec le retour de Donald Trump mais, sans naïveté, les Européens ont toujours su que les États-Unis défendent leurs intérêts avant tout. Peut-on légitimement leur en vouloir quand tant d’États européens font de même ? Outre la phrase prêtée au Général de Gaulle à propos des États-Unis « qui n’iront pas mourir pour les beaux yeux d’une Hambourgeoise », la souveraineté des Européens en matière de défense est un sujet récurrent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Si, en France, gaullistes, communistes et centre gauche (Pierre Mendès France) ont été unis contre la droite modérée pour refuser la Communauté européenne de défense (CED), ce n’est pas par crainte de l’Allemagne ou par refus de l’Europe. En 1954, la mise sous tutelle des Européens par les Américains était redoutée avec la CED. Les enjeux n’ont pas changé. Toutefois, les rapports de force, les institutions européennes et les courants de pensée sont désormais bien différents en Europe.

Agacements de Washington vis-à-vis de Berlin

On s’offusque en Europe du style de Donald Trump, mais les États-Unis ont toujours été à l’unisson pour réagir face aux excédents européens en matière civile. Les démocrates américains n’étaient pas non plus inactifs. Ils ont d’ailleurs aussi bien réussi avec les achats d’armes américains massifs en Europe sous la présidence de Joe Biden. Depuis Barack Obama, relayé par Donald Trump sous son premier mandat, puis par Joe Biden, les États-Unis n’ont eu de cesse de dire aux Allemands que le contribuable américain n’avait pas à les protéger contre les Russes alors que l’absence de budget de la défense outre-Rhin permet d’investir davantage dans les productions civiles.

Ces investissements permettent aux entreprises allemandes d’être attractives et, ainsi, d’avoir des excédents commerciaux aux États-Unis. Une colère américaine renforcée par le fait que les Allemands allaient acheter du gaz pas cher aux Russes – pourtant une menace – afin d’être encore plus compétitifs par rapport aux industries américaines. Nous ne pouvons pas avoir la mémoire courte. Jusqu’au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, l’alliance économique avec la Russie était plutôt germano-russe que russo-américaine.

Les Allemands ont profité pendant des décennies de cette réalité. Quand il devient compliqué de commercer avec les Russes sans renoncer aux États-Unis, l’Allemagne va chercher de nouveaux alliés ailleurs, en appliquant les mêmes logiques. La Chine, l’Inde avec un projet d’accord de libre-échange total avec l’Union européenne (UE) presque finalisé, les ex-pays satellites de l’URSS et l’Amérique latine sont déjà très « ciblés ». D’ailleurs, les liens tissés entre des États européens, en particulier l’Allemagne, et la Chine irritent les États-Unis.

Allemagne : priorité aux excédents commerciaux

L’Allemagne en connait les risques et elle équilibre en permanence ses messages. La progression des exportations allemandes aux États-Unis, plus de 40 milliards d’euros d’excédents supplémentaires en quatre ans, demeure une de ses priorités. Cette pénétration allemande des marchés américains n’a pas pour seule explication une augmentation de la production en Allemagne et dans les pays satellites en Europe de l’Est. Les États-Unis ont parfaitement observé – via Eurostat – une augmentation en Allemagne d’importations depuis la Chine.

De nouveau, il convient de citer le Général de Gaulle, « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Il ne sert à rien d’adresser un réquisitoire en règle contre l’Allemagne et/ou les USA, d’autant que des alliances militaires bien négociées sont utiles et nécessaires. L’Allemagne ne remet pas ses modèles en cause. Elle cherche à se redéployer ailleurs via l’UE, vers par exemple le Mercosur ou le « Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership » (CPTPP), qualifié de mini OMC.

De même, rien ne paraît pouvoir arrêter les orientations américaines. Les États-Unis ne sont pas assez productifs et compétitifs. Le documentaire produit par les Obama, « American factory », en témoigne. Les États-Unis taxent en conséquence les biens entrant sur leur sol et ils utilisent leur puissance géopolitique pour exporter ce qu’ils fabriquent : des armes. Un troc s’opère : exportations d’armes en Europe contre importations civiles aux États-Unis. C’est si lucratif pour certains Européens que ceux-ci sont prêts à accepter sans broncher la sur-taxation de 10% des produits importés aux États-Unis sans répliquer.

Quid de la France ?

La France aurait pu s’entendre avec les États-Unis. Elle connaît la même réalité économique qu’eux avec des déficits commerciaux face à l’Allemagne, face à l’Italie, comme face à la quasi-totalité des pays européens. La première difficulté pour l’Hexagone est que ses entreprises souveraines sont souvent concurrentes des américaines, dans les secteurs où les États-Unis sont forts : défense, aéronautique, spatial… L’Allemagne va donc s’engouffrer dans cette brèche pour toujours finir par chercher à s’allier avec les États-Unis dans l’industrie de défense.

Rappelons-nous que le chancelier allemand Scholz (SPD) a déclaré « la France est notre allié le plus proche, les USA sont les plus importants ». Outre quelques dissensions et jalousies historiques probablement mal pansées, on doit comprendre que 92 milliards d’excédents commerciaux en 2024 sur les biens aux États-Unis pèsent davantage qu’environ 15 milliards d’euros d’excédents annuels en France. Puis, comme déjà évoqué, le droit européen protège l’Allemagne de représailles (taxes…) en France alors qu’il est inopérant aux États-Unis.

Défense : consensus politique en Allemagne

L’Allemagne connaît un consensus sur la guerre économique, même sans la nommer, depuis des années. Tous les partis politiques s’y rallient, y compris les écologistes et les sociaux-démocrates. Des crédits de la guerre votés même par le SPD « en 14 » en passant par le réarmement économique post 1945, l’Allemagne dirigée en coalition depuis des décennies n’a pas varié concernant son consensus : produire et importer pour vendre dans le monde entier.

Toutefois, les questions de défense y sont sensibles depuis l’après Seconde Guerre mondiale. Aucun des partis ne les a mises en avant. Ils ne souhaitaient pas réarmer. Une telle décision aurait exposé l’Allemagne à des logiques d’arbitrages géopolitiques qui auraient pu faire perdre des contrats civils et même militaires. L’Allemagne conçoit des chars pour les vendre, pas pour les utiliser. Des affirmations géopolitiques auraient pu exposer à des désaccords avec les États-Unis dans une registre où ceux-ci s’imposent depuis des décennies en qualité de « gendarme plus ou moins affirmé du monde ». Il est donc impératif d’éviter tout risque en l’espèce.

De plus, la gouvernance allemande est complexe à appréhender sur les sujets de défense. Le Bundestag a des prérogatives importantes et les accords y sont incertains. Cela pousse même des groupes allemands comme Rheinmetall à produire ailleurs, souvent en Europe de l’Est. Une stratégie d’éviction des risques politiques internes et des subventions européennes abondantes à l’Est et au Sud favorisent ces choix. En France, le pouvoir exécutif et ses structures comme le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) emportent les décisions. La gouvernance en matière de choix de défense est plus stable.

Une affirmation de l’Allemagne dans le contrôle de l’UE

Avant la réunification, les Allemands « câlinaient » la France. Edith Cresson, qui a connu en responsabilité les deux périodes, avant et après, décrit parfaitement cette évolution. Les Russes étaient aux portes de l’Allemagne de l’Ouest et la France avait un intérêt stratégique pour la RFA. En repoussant les frontières de l’Europe avec la Russie en Ukraine, la donne a complètement changé. Cependant, en Europe, nous ne sommes pas pris en « traîtres » par nos partenaires / concurrents. Nous avons parfaitement, notamment à l’École de guerre économique mais pas exclusivement, analysé les stratégies de l’Europe du Nord.

À titre d’exemple, il est loisible d’observer que les fonds européens en Europe de l’Est ont servi à des relais de croissance pour les entreprises allemandes. La conséquence directe est que les États d’Europe soutiennent souvent l’Allemagne dans les décisions européennes afin de conserver les activités économiques « investies » par les entreprises allemandes sur leur sol.

En Europe, les stratégies économiques offensives priment sur les défensives. Notre pays souffre de deux maux : une croyance dans une Europe qui n’est plus le fantasme espéré jusqu’au milieu des années 1990 et un défaut de formation et de travail sur ce que l’UE est réellement. L’UE est le nom du champ de bataille et elle définit des règles communes dans la guerre économique (marché intérieur et accords économiques avec les pays tiers). Il ne suffit pas de toujours vouloir avoir raison et d’en expliquer les motifs aux autres Européens, il faut vouloir gagner.

France : la réindustrialisation, clé de son autonomie

Pour peser en Europe, il faut des succès économiques. Un État qui s’appauvrit doit d’abord analyser ses échecs et se réorganiser. La France doit profiter de l’effort de défense pour se réindustrialiser et vite, pour produire et pour exporter. En matière d’intelligence économique, le secteur de la défense est une priorité. Souverain, notre pays a un avantage : la souveraineté comme « soft », « smart » et même « hard power », en proposant à des États d’acquérir nos technologies afin de ne pas dépendre des États-Unis ou d’autres pays, en particulier la Chine. La question centrale est donc celle des financements de la réindustrialisation et des choix effectués en tenant compte des cadres juridiques européens.

Nicolas Ravailhe

(à suivre)

Défense (3/6) : L’Union européenne préfère la géo-économie à la géopolitique

Nicolas Ravailhe, professeur à l’École de guerre économique et avocat au barreau de Bruxelles (droit européen), propose une chronique sur la guerre économique entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine de la défense en six volets. Ces articles ont été initialement publiés dans La Tribune.

Troisième partie, sous l’influence de l’Europe du Nord, l’Union Européenne ne fait pas de géopolitique via les armées des États membres, mais de la géo-économie.

Le 24 février 2025, Emmanuel Macron a réuni à Paris les États européens pouvant aider à sécuriser un accord entre les Etats-Unis et la Russie dans l’hypothèse d’une évolution favorable du conflit russo-ukrainien. Il est étrange d’envoyer des soldats français, aux frais du contribuable français, en Ukraine pour un accord auquel nous ne sommes pas partie et surtout pour protéger des intérêts économiques américains et allemands en Ukraine. Sans doute sensible aux soutiens européens mais lucide, le président ukrainien ne semble pas croire en l’efficacité des Européens. Volodymyr Zelensky a davantage besoin d’un soutien américain. Il n’a donc accepté de céder des « terres rares » aux Américains qu’en garantie de la protection de l’Ukraine. A la suite de l’accord intervenu entre eux, les ventes d’armes américaines ont repris.

Les États-Unis défendent leurs intérêts et n’allaient quand même pas renoncer à faire coup double : prédations économiques civiles – cf. la Banque mondiale montrant les montants très importants d’investissements directs étrangers américains en Ukraine – et exportations d’armement.

Ne pas gêner les Américains

L’Europe n’entend pas se mêler des négociations inhérentes à ce conflit, sauf pour les faciliter et même si elles ont des conséquences sur son flanc Est. La priorité de l’Union européenne (UE), c’est l’économie sans gêner les USA. Le jour où Emmanuel Macron a reçu des Européens à Paris pour discuter géopolitique, la Commission européenne présidée par Ursula von der Leyen a dépêché à Washington le commissaire au commerce, Maros Sefcovic. Ce dernier a donc eu pour mission de promettre davantage d’achats par l’Europe d’armes et de gaz liquide « made in USA ».

Pourtant, la Commission européenne n’a pas de compétence pour décider des acquisitions d’armes par les États membres. La souveraineté numérique des Européens est également sacrifiée et les GAFAM, Apple et Meta, qui ont violé le droit européen, se voient infliger des amendes réduites.

Vers des achats d’armes américaines

Les achats d’armes aux USA demeurent en « pole position » des négociations. Cette démarche est d’autant plus déployée que depuis des mois, la présidente de la Commission européenne, après avoir retiré la compétence défense du portefeuille du commissaire français, pousse la création d’un marché intérieur européen de la défense. Ce dernier aura vocation à structurer les commandes des États, sans réels éléments de souveraineté européenne. Les initiatives en ce sens avancent, par exemple le programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP) ou les propositions de modification de directives : « Omnibus défense » et « marchés publics ».

Si la création du marché intérieur de la défense rencontre des difficultés en raison de la complexité juridique des traités européens, le think tank Brugel est activé pour pallier les difficultés. En effet, Brugel a publié une proposition tendant à structurer la commande des Européens en matière de défense à travers un « mécanisme européen de défense » sur base ad hoc des institutions de l’UE. Dans une autre note, il suggère également de taxer les États récalcitrants. Ce n’est pas sans écho à la demande américaine d’atteindre des montants de dépenses de défense à hauteur de 5% du PIB des États.

Considérant les promesses répétées encore très récemment d’achats d’armes aux États-Unis et l’absence d’accord en Europe sur la notion d’armement souverain européen, on peut légitimement craindre qu’un marché intérieur de la défense, comme toute démarche connexe, affecte notre souveraineté. On pourrait résumer ainsi la situation : aux Français les ronds dans l’eau géopolitiques sans effet et à l’UE – sous contrôle des autres États – d’aller sécuriser les intérêts économiques des Européens aux États-Unis et ailleurs.

Contrarier davantage les USA aurait en effet des répercussions pour le commerce européen dans d’autres parties du monde. « Vivons cachés pour ne pas défier les États-Unis, vivons heureux », telle pourrait être la maxime de l’Européen en matière de géopolitique. Pour les Européens, la priorité est au business dans les secteurs où les États-Unis sont faibles et il ne faut pas défier les Américains dans les domaines où ils sont forts.

Des enjeux économiques colossaux

Il faut bien reconnaître que l’enjeu est de taille. En valeur absolue, l’UE est passée de 158 milliards d’euros d’excédents en matière de commerce de biens avec les Etats-Unis en 2023 à 198 milliards en 2024. Certes, ces données sont pondérées par un déficit récurrent d’environ 100 milliards d’euros sur les services. Les importations de services n’affectent cependant pas davantage les États européens très exportateurs aux États-Unis que les autres. La consommation de services américains en France contribue même à la protection des exportations de biens allemands aux États-Unis. D’où le troc européen qui consiste à ne pas affecter l’économie numérique américaine en Europe en échange d’une absence de taxation des biens européens aux États-Unis.

Des logiques d’optimisation de fonds européens et d’évasion fiscale au profit d’entreprises américaines en Europe, via l’Irlande, sont aussi à prendre en compte. L’Irlande, qui est peu peuplée et dont la superficie permettant de produire sur son sol est peu étendue, a des excédents records aux États-Unis, 50 milliards d’euros en 2024.Des liens anciens et étroits avec les États-Unis en font un parfait cheval de Troie en Europe au profit de multinationales américaines. L’Allemagne laisse faire et anéantit toute tentative dans l’UE de mettre un terme aux dumpings irlandais. Il ne faudrait pas « fâcher » des acteurs économiques américains influents.

L’Europe gagnante dans les échanges commerciaux

Force est de constater qu’en moyenne, les Européens sont gagnants dans les échanges commerciaux avec les États-Unis depuis des décennies. Mais tout dépend de qui l’on entend par Européens… Ce sont les États membres et les députés européens des États gagnants qui dirigent l’UE. Des intérêts divergents apparaissent dans la ventilation des excédents et des déficits.

Concernant les biens, l’Allemagne est toujours numéro un, l’Irlande et l’Italie, selon les années, se partagent la deuxième place. On comprend que l’attrait de la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, pour le nouveau président des États-Unis n’est pas qu’idéologique. Suite aux intentions affichées de Donald Trump de taxer les produits européens, il est aisé de constater que les milieux d’affaires italiens sont très mobilisés pour éviter de telles mesures outre-Atlantique. À l’instar des Allemands et des Irlandais, ils ont aussi œuvré pour contenir les possibles répliques européennes.

D’autres pays ont des logiques inversées. La Belgique et, plus encore, les Pays-Bas, ont opté pour aider les importations en Europe de biens fabriqués aux États-Unis. Alliés de la Chine, des États-Unis, comme de tous ceux qui veulent exporter en Europe, ces États mobilisent leurs infrastructures portuaires pour ensuite revendre ces biens aux autres Européens via les dispositions de l’article 28 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les États importateurs s’enrichissent ainsi en gardant une partie des droits de douane perçus par l’UE – 25% pour le premier État importateur en Europe – et leurs entreprises engrangent des marges en revendant ces produits dans le marché intérieur européen. Les statistiques de l’UE en sont faussées. Il ne s’agit pas d’importations qui restent, par exemple, aux Pays-Bas ou en Belgique. Eurostat appelle ce procédé, « l’effet Rotterdam ». En conséquence, quand la France pense avoir un léger excédent dans ses échanges de biens avec les États-Unis, elle a en réalité un déficit

France/États-Unis : Déficit commercial

En effet, il est nécessaire de prendre en considération une partie des milliards d’euros de déficit des Pays-Bas qui sera revendue en France. C’est dans le marché intérieur européen que notre pays connaît son plus grand déficit commercial (-149 milliards d’euros en 2022). Les Pays-Bas ont quant à eux des excédents énormes (+327 milliards en 2002). Pays exportateur et/ou importateur, l’Allemagne régule les deux fonctions dans la relation économique avec les États-Unis. Les intérêts des États membres de l’UE sont donc divergents.

Toutefois, une écrasante majorité des États membres a décidé d’utiliser le commerce des armements comme outil de régulation des intérêts civils. En matière de défense, l’Allemagne va même jusqu’à refuser d’acheter ce qu’elle produit. La commande d’hélicoptères américains Apache en est une des illustrations. L’Allemagne n’achète jamais français et n’indique pas vouloir changer de stratégie. Coopérer dans la défense nucléaire n’est pas acheter.

Coopérer dans l’armement terrestre signifie absorber les entreprises françaises. Un projet de char incluant 11 États membres – sans la France – et avec les entreprises KNDS et Rheinmetall vient d’être sélectionné dans le cadre du Fonds européen de défense (FEDef). Les promoteurs du MGCS Franco-allemand avec KNDS devraient être perplexes. En matière navale, la concurrence fait rage. Dans les secteurs de l’aéronautique et du spatial, les blocages sont nombreux et les intérêts de pays tiers, notamment américains, rodent en permanence dans les politiques et les programmes européens.

Nicolas Ravailhe

(à suivre)

Défense (2/6) : Pourquoi les marchés de défense alimentent un troc entre Européens et Américains

Nicolas Ravailhe, professeur à l’École de guerre économique et avocat au barreau de Bruxelles (droit européen), propose une chronique sur la guerre économique entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine de la défense en six volets. Ces articles ont été initialement publiés dans La Tribune.

Deuxième partie avec le double jeu de l’Allemagne, qui a beaucoup à perdre à s’investir dans une Europe de la défense. Berlin préfère acheter des armes américaines afin de protéger son excédent commercial plantureux vis-à-vis des États-Unis.

Le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, connaît parfaitement les intérêts de son pays aux États-Unis comme ceux des États-Unis dans son pays. Ces intérêts sont constants. Pour agir auprès du président américain dans le but de protéger les intérêts civils allemands aux États-Unis, l’aide la plus précieuse est souvent apportée par les entreprises américaines qui ont des intérêts en Europe ou aux États-Unis avec des Européens, par exemple des vendeurs de F-35.

L’Allemagne a bien écouté le discours du président Eisenhower sur la puissance de lobbying du complexe militaro-industriel aux États-Unis. Elle n’est pas la seule. Beaucoup d’États européens pratiquent donc une stratégie que l’on pourrait qualifier « à la cosaque ». Ils laissent les États-Unis pénétrer certains secteurs de leur économie par des entreprises américaines du secteur de la défense pour mieux sécuriser leurs intérêts dans les marchés civils aux États-Unis. L’Union européenne (certes pas tous les États membres) y réalise globalement des milliards d’euros d’excédents et ceux-ci sont en forte croissance (198 milliards d’euros d’excédents en 2024 dans le commerce des biens). Les commandes d’armes américaines en Europe sont la meilleure des protection de cet excédent aux USA.

Les groupes américains très présents en Europe

Clairement, une addiction américaines aux contrats de défense juteux en Europe est installée. Ces acteurs économiques américains très influents dans leur pays aideront souvent des Européens contre les intérêts d’autres entreprises américaines dans le secteur civil. Les contre-pouvoirs aux États-Unis sont aussi parfaitement étudiés par les Européens afin de diviser les intérêts américains. Par exemple, en s’équipant d’armes américaines depuis des décennies, l’Allemagne a conquis en contrepartie – une forme de troc – des parts de marché très importantes aux États-Unis, notamment sur le marché automobile.

Les économies allemande et américaines sont très imbriquées. Des investissements réciproques sont opérés entre l’Allemagne et les États-Unis depuis des décennies. Une grande partie des excédents commerciaux allemands – plus de 2 000 milliards d’euros dans le monde entier en dix ans – est réinvestie aux États-Unis. L’Allemagne a utilisé pendant des années la liberté offerte par le droit du marché intérieur européen afin d’opérer des acquisitions de matériels de défense produits aux États-Unis. Le droit de la concurrence et la législation / les normes communes aux Européens sont inopérants en l’espèce. Pour les biens civils, il en irait autrement.

Si l’Allemagne n’avait pas acheté « made in USA » pour sa défense, les États-Unis auraient eu intérêt à taxer bien davantage les biens civils produits en Allemagne et importés sur leur territoire. Jusqu’alors les États-Unis se sont abstenus d’agir – en ce compris lors du premier mandat de Donald Trump et rien n’est clair pour le second –, en grande partie en raison du lobbying efficace des exportateurs d’armes américains en Europe.

Il est manifeste que les commandes massives de matériels de défense « made in USA » en Europe ont atténué l’intensité de la guerre commerciale entre l’Union Européenne (UE) et les États-Unis. Le président du Conseil européen, António Costa, a d’ailleurs déclaré au Wall Street Journal, le 30 juin 2025, qu’une « grande partie de ces 5% (de PIB européens consacrés à la défense) sera dépensée pour acheter des produits américains, et cela aidera à rééquilibrer les relations commerciales ». Le secteur de la défense n’a d’ailleurs pas l’exclusivité de ces pratiques. Le numérique est aussi concerné et les attaques arrivent dans le secteur de la culture et de l’audiovisuel.

Protéger les intérêts civils européens aux États-Unis

Tout est mobilisé pour protéger les intérêts civils européens aux États-Unis. L’excédent allemand dans les échanges de biens avec Washington est de 85 milliards d’euros en 2023, 92 milliards d’euros en 2024. Il est en constante progression depuis des années (cf. 53 milliards d’euros en 2020). Les États-Unis sont une priorité pour les Allemands. Cela représente bien plus que les 12 à 17 milliards d’euros d’excédent allemand annuel en France.

Ainsi… à quoi bon acheter des Rafale, même si l’avion est plus performant, moins cher, laisse davantage de souveraineté technologique ? Il convient d’ajouter qu’en raison du droit européen, la France – contrairement aux États-Unis – ne peut pas exercer de représailles sur les intérêts civils allemands en France. En effet, taxer les produits civils allemands importés en France constituerait une entrave aux règles du marché intérieur européen.

Quand le nouveau chancelier allemand dit vouloir discuter avec la France de la souveraineté européenne de défense, en ce compris en matière nucléaire, on peut donc s’interroger sur les motifs de ce changement d’approche bien ancrée en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Étant donné son absence d’intention ferme de dénoncer les contrats avec les États-Unis pour acheter français ou même produire européen ensemble demain, il envoie un message aux Américains : « Si vous vous en prenez à nos intérêts civils aux États-Unis, nous avons des alternatives aux commandes de défense auprès de vos entreprises et vous perdrez des milliards de dollars de contrats ».

La pratique n’est pas récente. Elle a berné pendant des années des think tanks français qui produisent des études dans le but d’un rapprochement franco-allemand en matière de défense. On peut citer comme exemple la « boussole stratégique européenne » ou d’autres tentatives de recherche de convergences géopolitiques. Sa seule utilité est d’amorcer un faux plan B créant une illusion de rapprochement entre Européens, c’est-à-dire un signal envoyé aux États-Unis afin de montrer qu’il est possible de s’émanciper d’eux avec la France en cas d’intérêts trop divergents. Le SCAF, le futur système de combat européen, procède aussi beaucoup de cette logique.

Comme l’a déclaré l’ex vice-chancelier écologiste Robert Habeck, l’Allemagne ne fait pas de géopolitique mais de la géo-économie. Tant que les États-Unis, devenus plus ou moins fiables, gardent – même modérément – leur approche de défiance vis-à-vis des Russes, cela ne pose pas de problème. De plus, l’Allemagne a régulièrement montré qu’elle n’était pas effrayée par la Russie. Les intérêts partagés dans des secteurs stratégiques comme celui de l’énergie en attestent. Aucun changement n’est donc à attendre sauf à noter que l’Allemagne décide de surcroit de réarmer pour elle-même et pour vendre davantage d’armes en Europe et ailleurs. Elle en a les moyens et elle les déploie.

Nicolas Ravailhe

(à suivre)

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