Production, échanges et transition écologique : l’Europe n’a pas de stratégie

David Cayla, économiste, était sur le plateau de « C ce soir » sur France 5 le jeudi 1er décembre 2022.

Le modèle exportateur allemand n’est pas compatible avec la transition écologique et mène l’UE dans l’impasse.
Au lieu de critiquer la loi Biden qui privilégie la production de batteries électriques sur son sol national, faisons la même chose! Il est absurde de vouloir déplacer des batteries d’un bout à l’autre de la planète alors qu’on est parfaitement capable de les produire localement.
Plus largement, il faut mettre fin à cette mondialisation mortifère qui pousse les commerçants et les industriels à privilégier systématiquement la production dans des pays les moins coûteux dans lesquels il n’y a aucune liberté syndicale et pratiquement aucune norme écologique.
Biden à raison de vouloir relocaliser sur son territoire la fabrication de véhicules électriques. Faisons pareil quitte à tordre le bras de l’Allemagne.

Le gouvernement disjoncte sur l’énergie

La communication gouvernementale tourne en boucle sur les différents scénarios susceptibles d’éviter les black-out cet hiver.

Les Français ne sont sans doute pas assez économes en énergie, et c’est donc à eux que la communication publique s’adresse en exigeant que « tout le monde » fasse un effort : « mettre le thermostat à 19°C et mettre un pull, c’est quand même pas la mer à boire »… autant de petites phrases suggérées qui font passer les habitants de notre pays pour des irresponsables.

Le Président en appelle donc à une sobriété collective, la Première Ministre monte au créneau et assure le service après-vente tandis qu’Agnès Pannier-Runacher garantit qu’il n’y aura pas de « police des températures ».

Pendant ce temps, face au prix de l’énergie et faute de chauffage, des écoles accueillent des enfants avec des températures à 10 °C.

En même temps, pas besoin de police des températures quand on n’allume pas le chauffage et quand cela fait plusieurs années que nombre de nos concitoyens baissent déjà le chauffage à 19°c , non pour sauver la planète ou éviter la surtension du système, mais parce qu’ils n’en ont plus les moyens ou quand d’autres encore doivent parfois surconsommer pour atteindre les 19°c car vivant dans une « passoire thermique » qui n’est jamais rénovée.

Une situation surréaliste !

Tout ça paraît quand même surréaliste, même si on peut comprendre ce qu’engendre le conflit déclenché par la Russie, on peut raisonnablement se poser la question de notre capacité à être autosuffisants, et même produire pour nos voisins européens une énergie, qui plus est, décarbonée, en tant que 2e puissance nucléaire civile au monde.

Nous possédons aujourd’hui 54 réacteurs pour une capacité de production de 61 GW. Mais 32 réacteurs sont aujourd’hui à l’arrêt pour des opérations de maintenance, ramenant ainsi notre capacité de production à moins de 50 %, soit à peine 30 GW.

Sur l’âge du parc nucléaire français, pas de surprise, on le connaît depuis sa création, mais c’est sur son état qu’il faut se poser les questions…

Cette filière, qui était d’excellence voici encore quelques années, a été mise à la diète politiquement sans qu’une alternative ambitieuse vienne la compenser.

Et c’est tout juste à deux mois de l’élection présidentielle que le chef de l’État annonce une volte-face sur sa politique énergétique. Pour atteindre la neutralité carbone, il veut construire 14 réacteurs EPR et prolonger au-delà de cinquante ans la durée de vie des réacteurs existants.
Encore un exercice de communication à l’heure où les acteurs nucléaires français n’ont pas été capables de mettre en service un seul réacteur EPR.

De même, prolonger au-delà de cinquante ans la vie des réacteurs existants nécessite une maintenance poussée et planifiée.

On a besoin d’énergie, on a une appli!

À la place, on a une nouvelle application, ECOWATT, pour nous prévenir 48 heures avant que nous allons être coupés, mais il n’y aura rien pour nous dire quand ce sera rétabli, les communications ayant de grandes chances d’être à ce moment là elles aussi coupées.
Emmanuel Macron agit en communiquant, en stratège électoral (quoique sur ce point son acuité se soit un peu émoussée), agitant ses dossiers et ses tableurs sans jamais faire la connexion avec le terrain, la logistique, les hommes formés, mais jamais il n’agit en Président.

Gouverner, c’est prévoir, et c’est prévoir autre chose qu’une alternative entre Black Out et délestages en plein hiver !

Antoine Parrot

Hôpital : sont-ils devenus fous !

Nous espérions (à tort) que la COVID était derrière nous, qu’il fallait tourner la page, que d’autres sujets méritaient toute notre attention. Sur ce point, il est vrai que de nombreuses préoccupations sont majeures : Énergie, Inflation, guerre en Ukraine, impuissance d’une assemblée paralysée par le manque de majorité politique, précarité, réchauffement climatique.

Mais voilà, le COVID refait son apparition, pour une neuvième vague. À bas bruit… une vague, une vaguelette ou un tsunami ? La différence n’est d’ailleurs pas tant sur la virulence ou pas de cette nouvelle saison de COVID, la différence de qualificatif de celle-ci réside plutôt dans nos capacités collectives à tenir le front, à maintenir la digue.

L’hôpital public est à terre et rien n’est fait pour le reconstruire. Il ne s’agit pas d’un effet conjoncturel, comme Olivier Véran et ses complices ont voulu nous le vendre lors des précédentes vagues ; il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle due aux inconséquents qui n’ont pas voulu se faire vacciner (dans un contexte de communication politique et de santé publique inexistant), il s’agit bien d’une destruction en cours de notre système de soins.

Bien sûr, ça fait 30 ans que l’hôpital s’écroule et on ne peut pas tout mettre sur le dos de la Macronie, mais quand même ! Jamais une majorité (quand ils avaient encore une majorité) n’avait eu si belle occasion de reconstruire ce que leurs prédécesseurs avaient commencé à détruire (Sarkozy, Hollande) : les (presque) pleins pouvoirs, une logique du « quoi qu’il en coûte » permettant des investissements massifs de reconstruction, un contexte géopolitique où les champions mondiaux du néolibéralisme lançaient à tours de bras des mesures digne du « new deal ».

Emmanuel Macron , qui avait critiqué les aspirations populaires des « Gilets Jaunes » en les traitant de « Gaulois réfractaires », s’est transformé en un Abraracourcix conservateur, chef du dernier village gaulois défendant sa vision néolibérale anachronique et inadaptée du monde.

Et pour quel résultat ?

Pénurie de soignants, pénurie de médicaments, pénurie de structures, pénurie d’une véritable politique sanitaire pourrait-on dire. Souvent, on a tancé la gauche en l’accusant de vouloir raser gratis, avec Macron, on est servi, on rase tout court., et en premier lieu l’hôpital.

Aujourd’hui, quelle que soit l’ampleur de la vague, l’hôpital est déjà sous l’eau et il ne veut même pas commencer à écoper !

Nous, les délégués des militants de la Gauche Républicaine et Socialiste, n’avons pas renoncé à changer la vie, et concernant l’hôpital public, nous n’avons pas renoncé à lui sauver la vie. C’est la motivation de la résolution adoptée lors de notre congrès et que vous retrouverez ci-dessous.

Soutien à la reprise de Scopelec par une nouvelle SCOP !

Une des plus grandes SCOP de France, Scopelec, est aujourd’hui en difficulté suite à la perte soudaine d’importants contrats avec Orange. L’entreprise est aujourd’hui en redressement judiciaire et son avenir, ainsi celui de ses salariés, se jouera le 8 décembre.

Alors que d’importants acteurs du BTP se sont positionnés pour reprendre l’entreprise avec une forte casse sociale à la clef, les salariés eux mêmes portent un projet pour reprendre leur SCOP … en SCOP.

Au côté des salariés de Scopelec et du mouvement coopératif dans son ensemble qui se mobilise fortement humainement et financièrement, nous apportons notre soutien à Newscope, le projet de reprise porté par les salariés de Scopelec. Ce projet, clair et solide, permet de préserver et pérenniser 1457 emplois dans la nouvelle coopérative. Beaucoup plus que pour les projets de reprise concurrents.

Au delà du cas particulier de Scopelec, cette mobilisation des salariés et la solidarité à l’oeuvre au sein du mouvement coopératif pour soutenir le projet démontrent la résilience, la solidarité, et la priorité portée au maintien de l’emploi et d’un projet économique durable au sein des coopératives.

Donc nous aussi, à la Gauche Républicaine et Socialiste, #NOUSsommesSCOPelec !

« Ceux qui travaillent »

Alors que le gouvernement fait adopter avec le concours de LR de nouvelles lois fracassant les chômeurs et les salariés modestes, Gabriel Attal prétend vouloir “s’occuper des Français qui travaillent” mais rejette avec son gouvernement l’indexation des salaires sur l’inflation.

“Ceux qui travaillent”, les salariés, perdent chaque année et du pouvoir d’achat et leur part dans la richesse nationale totale.
L’inflation est paraît-il la plus basse d’Europe – mais les augmentations de salaires sont encore plus basses !
Tant les rapports de l’OCDE que ceux de la DARES soulignent que le salaire réel le plus rapidement en baisse des pays développés, sur les trois premiers trimestres de 2022, c’est le salaire des Français !
Les relevés Insee montrent que l’inflation pourrait dépasser en France les 10% au quatrième trimestre 2022.
Le gouvernement n’a rien proposé, mis en œuvre, de tangible pour les salariés, les aides et mesures de soutien ne sont pas ciblées sur les salariés modestes – 90% des salariés sont sous 3000 euros mensuels (c’est ce que gagne Hanouna par jour) – et arrosent également les plus riches. C’est l’Insee qui le dit

Citons le rapport Dares du 10 novembre 2022 : “En euros constants et sur la même période, (l’indice des salaires réel) diminue respectivement de 1,9 %, 2,1 % et 2,6 % pour chacun de ces secteurs (tertiaire, industrie et construction)”

évolution comparé des prix et salaires
Parmi les économies du G7, l’impact de l’inflation sur les ménages au T1 2022 a été particulièrement visible en France, où le revenu réel des ménages par tête a chuté de 1,9% et en Allemagne, où il a chuté de 1,7%. Ailleurs en Europe, la forte inflation qui a touché les ménages a également contribué aux fortes chutes du revenu réel des ménages par tête en Autriche (moins 5,5%) et en Espagne (moins 4,1%). Pour aller plus loin cliquez ici

La Gauche Républicaine et Socialiste réunie en congrès les 19 et 20 novembre 2022 a pour principale préoccupation concrète les “Français qui travaillent” ! Elle a ainsi adopté comme première résolution de son congrès un texte exigeant l’indexation des salaires sur les prix le plus vite possible.
Les rapports récents du FMI le démontrent : il n’y a plus de risque de spirale salaire prix à la hausse aujourd’hui dans le monde.
Il n’y a qu’une seule raison pour Gabriel Attal et le gouvernement Borne de refuser une telle mesure : ils protègent les riches. Et seulement eux.

Indexons les salaires sur les prix et protégeons “ceux qui travaillent”!

Grève des travailleurs sociaux

Face à la perte de sens des métiers du social, pourtant exercés avec sérieux par les professionnels en présence,  face au manque de moyens humains et financiers, face  à la paupérisation des usagers mais également des professionnels, face à la crise de la vocation alors que les départs à la retraite s’accélèrent, les travailleurs sociaux en lutte demandent expressément : 

● L’attribution immédiate et SANS EXCEPTION des 183 euros pour tous les oubliés du SEGUR et de LAFORCADE ;

● Une convention collective commune de haut niveau, y compris pour la branche de l’aide à domicile et sans individualisation des salaires ;

● Dans le public comme dans le privé, l’embauche de professionnels formés en nombre suffisant et des conditions de travail qui préservent le sens de leurs interventions ;

● L’abandon de SERAFIN-PH et de toute forme de tarification à l’acte du secteur de l’action sociale ;

● La création d’un véritable statut pour les étudiants en travail social.

La Gauche Républicaine et Socialiste, consciente des enjeux à venir en terme de prise en charge sociale, en opposition totale aux politiques de précarisation générale engagée par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, soutient la lutte des travailleurs sociaux qui ont déposé un nouveau préavis de grève et de mobilisation pour ce mardi 29 novembre et se tiendra aux cotés des salariés et agents partout où cela sera possible.

Retour sur notre beau congrès de Pantin

Notre Congrès de Pantin, les samedi 19 et dimanche 20 novembre derniers, a été une réussite et un beau moment de débat et de fraternité militante. Notre parti a réaffirmé notre volonté déterminée de construire le front populaire qui doit permettre le rassemblement de toute la Gauche et de rétablir le lien civique et politique avec toutes les catégories populaires qui sont la majorité de nos concitoyens. C’est le chemin pour redonner à la gauche sa vocation majoritaire.

Dès samedi matin, nous avons étudié les contributions que vous trouverez dans les liens ci-joints (une contribution très intéressante sur les Océans servira de base pour un travail de réflexion collective qui sera ensuite publié). Le samedi après-midi et le dimanche matin, nous avons examiné la trentaine d’amendements reçus. Par les moments passés ensemble dans la convivialité et la camaraderie, le constat fait à Rochefort en septembre dernier est toujours aussi vivace, après plusieurs séquences d’éloignement forcé, nous avons plus que jamais besoin de moments forts pour nous retrouver ensemble.

un des très nombreux moments de vote qui sanctionnent chacun de nos débats

Nous avons eu le plaisir de recevoir plusieurs invités de toute la gauche : les représentants d’EELV 93 sont venus nous saluer, le Maire PS Bertrand Kern nous a témoigné son amitié et ses encouragements à ce que nous poussions pour un élargissement à vocation majoritaire de la gauche, Christian Picquet de la direction nationale du PCF nous a fait le plaisir de sa présence et Fabien Roussel a envoyé un message fraternel très argumenté. Deux députés NUPES de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu (PCF) et Raquel Garrido (LFI) sont également intervenus pour saluer la qualité de notre texte et de notre réflexion sur la situation politique. Nos amis de la Fédération de la Gauche Républicaine et Socialiste était tous présents : NGS, L’Engagement, LRDG et MRC ont réaffirmé leur volonté d’approfondir notre collaboration.

Emmanuel Maurel, réélu Animateur national (à l’unanimité), et Marie-Noëlle Lienemann, qui restera notre coordinatrice nationale, ont défendu la nécessité de travailler à une grande bifurcation afin d’éviter un grand basculement vers l’inconnu et le déclin. Nos priorités sont connues : travail et salaires, production et relocalisation, éducation et universalisme, transition énergétique avec le soutien au nucléaire et aux énergies renouvelables pour une transformation écologique de nos sociétés. Notre parti prendra à bras le corps l’enjeu des élections européennes : la construction européenne est à la croisée des chemins et doit sortir de ses contradictions internes mortifères.

La GRS est également un parti internationaliste : nous avons été particulièrement heureux de l’intervention devant nos délégués de M. Mohand Arezki Hamdous, Secrétaire National aux Institutions et à la communauté algérienne établie à l’étranger du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, parti progressiste et laïque algérien en lutte contre un pouvoir corrompu. Le pouvoir algérien tourne le dos à son peuple et nous adressons aux Algériens notre solidarité et notre fraternité. Nous aurons d’autres occasions de travail en commun. Plaisir aussi de rencontrer et d’écouter le témoignage de Chahla Chafiq, sociologue et écrivaine Iranienne (réfugiée en France suite à l’arrivée des islamistes au pouvoir, après la révolution de 1979 à laquelle elle participa activement, la contraignant à l’exil), venue nous parler de la Révolution en cours dans son pays. Le mouvement des femmes a impulsé le mouvement de tout le peuple iranien, c’est une force grandissante malgré la répression sanglante du régime théocratique.

Avant de conclure, rappelons que six résolutions fortes ont été adoptées pour adresser au pays des messages d’actualité de la GRS en plus de notre texte d’orientation :
👉 indexations des salaires sur les prix
👉 sortie du marché européen de l’énergie
👉 réindustrialisation de la France
👉 soutien au mouvement des femmes et du peuple iranien
👉 Hôpital public : urgence vitale !
👉 adhésion pleine au Parti de la Gauche Européenne

Vous trouverez ci le texte d’orientation définitif, les contributions thématiques et les résolutions du congrès.

Nous avons enfin adopté de nouveaux statuts qui nous permettront de renforcer et développer notre parti, en accroissant la participations des militants.

Au travail maintenant : le Collectif d’Animation National va rapidement mettre en place notre organisation et nos actions.

« Un nouvelle étape », texte d’orientation adopté au congrès 2022

Les samedi 19 et 20 novembre 2022, les délégués des militants de la Gauche Républicaine et Socialiste et les membres du Collectif d’Animation National réunis à Pantin pour le congrès du parti ont débattu des amendements et des contributions thématiques adressés par les militants autour du texte d’orientation proposé par Emmanuel Maurel.

Après adoption des amendements (et des contributions thématiques qui y sont annexées), le congrès a adopté à l’unanimité le texte d’orientation de la GRS pour les trois prochaines années. Découvrez le ci-dessous.

Le congrès s’est également prononcés sur plusieurs résolutions, messages politiques d’actualité de la GRS adoptés le dimanche 20 novembre 2022, qui sont également disponibles ci-dessous.

Statuts de la Gauche Républicaine et Socialiste

Il est formé entre les adhérents aux présents statuts une association régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901 ainsi que par la loi n°88-227 du 11 mars 1988 modifiée, dénommée « Gauche Républicaine et Socialiste ».

Les présent statuts, adoptés lors de la convention nationale de Pantin le dimanche 20 novembre 2022, remplacent les statuts précédemment adoptés par les rencontres fondatrices de Valence les 2 et 3 février 2019.

Il faut se préoccuper de l’intelligence artificielle avant qu’il ne soit trop tard

Tribune d’Emmanuel Maurel (député européen GRS), Pierre Ouzoulias (sénateur et conseiller départemental communiste des Hauts-de Seine) et Cédric Villani (mathématicien et ancien député) publiée dans Le Huffington Post le 16 novembre 2022

« Quelles institutions, quelles règles pour faire le bon tri, en régulant tout en permettant les progrès permis par l’IA ? Du travail a été fourni, du travail reste à fournir », estiment Pierre Ouzoulias, Emmanuel Maurel et Cédric Villani.

Que diriez-vous d’un monde dans lequel un article de journal ou le scénario d’un film serait intégralement rédigé par une intelligence artificielle ? Que penseriez-vous d’une société dans laquelle une décision de justice serait rendue par un algorithme ? D’une chaîne de musique qui vous ferait entendre un nouveau morceau composé de A à Z, paroles, instruments et arrangement, par un réseau de neurones ? Accepteriez-vous de travailler dans une entreprise qui laisserait à une machine le soin d’examiner votre CV et à une autre le droit de vous accorder une pause ?

Ces exemples ne sont pas issus du Meilleur des mondes ou de 1984, référence incontournable de la littérature dystopique. Ils ne sont qu’une infime partie de ce qui est déjà rendu possible par l’intelligence artificielle. Ils ont déjà tous été mis en œuvre ici ou là, suscitant des débats légitimes, dans la foulée du célèbre ouvrage de l’informaticienne Cathy O’Neil : Algorithmes, la Bombe à retardement.

La question n’est désormais plus de savoir si nous devons approuver ces bouleversements. Il est trop tard pour cela, et les rejeter, ce serait oublier les côtés plus sympathiques. L’algorithmique, experte en diagnostics à partir de données médicales, a déjà sauvé des vies. À Singapour, elle recale en temps réel les feux de circulation pour laisser la voie libre à une ambulance appelée pour une urgence vitale. Elle apporte un peu de confort plus que bienvenu à des agriculteurs. Elle donne chaque jour à des millions d’usagers les instructions pour trouver un itinéraire rapide, aller à la rencontre du bon arrêt de bus dans une ville inconnue. Elle améliore des consommations d’électricité à l’échelle de ménages ou de communes, aide à optimiser les positions des éoliennes, fouille les entrailles des grandes bases de données médicales pour mettre au point de nouveaux traitements.

La question n’est désormais plus de savoir si nous devons approuver ces bouleversements. Il est trop tard pour cela, et les rejeter, ce serait oublier les côtés plus sympathiques.

Quelles institutions, quelles règles pour faire le bon tri, ou le bon compromis, régulant tout en permettant les progrès permis par l’IA ? Du travail a été fourni, du travail reste à fournir. Les interrogations liées à l’IA passent souvent sous les radars politique et médiatique. Sans doute est-ce dû, pêle-mêle, à l’ésotérisme du jargon de la « tech » et au lobbying des grandes compagnies internationales qui présentent l’IA comme un progrès à accepter d’un bloc, incorporée dans des solutions démesurées par leur complexité technologique, leur dilapidation de matière et d’énergie et parfois les conditions inhumaines dans lesquelles travaillent sous-traitants et fournisseurs. La compagnie Tesla est emblématique de ce travestissement de progrès. Son fondateur n’hésite d’ailleurs pas à évoquer l’IA comme une menace existentielle pour l’humanité, bien conscient de l’efficacité d’une telle provocation pour séduire les investisseurs.

À raison, l’impact sur le travail et l’emploi nourrit les plus grandes inquiétudes, tout autant que les plus grandes incertitudes. Emploi massif de travailleurs pauvres pour consolider des bases de données toujours plus importantes : ce prolétariat d’un nouveau genre, à défaut d’être remplacé par une armée de robots, ne doit-il pas être considéré comme tel ? L’esclavage d’employés d’Amazon soumis aux ordres d’algorithmes, tant dans leurs actions que dans la gestion de leurs pauses, les « optimisations » d’horaires devenus parfaitement ingérables et décrits dans le rapport de O’Neil, donnent finalement raison à Marx lorsque celui-ci affirmait que « le temps est tout, l’homme n’est plus rien ; il est tout au plus une carcasse du temps. ».

Qu’avons-nous à dire sur les implications philosophiques, juridiques et politiques de l’intelligence artificielle ? La Chine nous démontre comment elle peut être utilisée pour la surveillance massive et l’anéantissement de la vie privée. Aux États-Unis, elle s’est sournoisement infiltrée dans les procédures judiciaires accentuant le plus souvent les jugements à caractère raciste, ainsi que des associations ont pu le prouver.

Qu’avons-nous à dire sur les implications philosophiques, juridiques et politiques de l’intelligence artificielle ?

Le gouvernement français, suivant l’avis du rapport du Conseil d’État sur l’intelligence artificielle, a décidé de continuer le déploiement d’une stratégie initiée en 2018 : en témoignent les dispositions prévues dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI), qui est actuellement discuté au Parlement. Ce doit être l’occasion de poser encore et toujours les mêmes questions : comment instaurer un contrôle démocratique dans l’utilisation des algorithmes ? Comment l’articuler avec notre souveraineté numérique ? Quel sens politique accorder à l’usage croissant des nouvelles technologies ? Où trouver l’équilibre entre l’usage de l’algorithme et la protection des données ? Qui est responsable juridiquement de l’algorithme en cas de défaillance ?

Le temps presse, car les grands groupes disposent d’une avance considérable sur les États. Sans réaction de notre part, nous serons dans l’incapacité de construire une politique humaniste et opérante de l’intelligence artificielle. Le Parlement européen a déjà porté le fer sur le sujet, mais sans la couverture médiatique nécessaire à un débat fécond dans l’opinion publique.

L’objet de ce texte est précisément de contribuer à ouvrir la discussion pour les semaines et les mois à venir. Nous devons, selon le concept de Michel Callon et du regretté Bruno Latour, opérer un véritable travail de traduction autour de ces questions fondamentales, afin que les citoyennes et les citoyens appréhendent cette matière, qui, un jour ou l’autre, finira par les toucher. Il est essentiel que nos organisations politiques, les syndicats, les associations et les universitaires agissent de concert pour que demain, nous soyons tous capables de répondre à cet immense défi.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.