Le Musée-Mémorial du terrorisme doit assumer ses missions sans faiblesse

Alors que nous souhaiterions saluer le développement du Musée-Mémorial du terrorisme (MMT), sa première action soulève notre désarroi. La Gauche Républicaine & Socialiste désapprouve la censure que le MMT a choisi d’appliquer à certaines créations du projet « Faire face au terrorisme : l’exposition des collégiens et des lycéens » présenté depuis le 15 octobre sur son site internet.

Alors qu’aucune limite n’avait été initialement posée, les créations incluant des caricatures (« une » de Charlie Hebdo 1178 du 14 janvier 2015, dessin « Peut-on rire de tout ? » de Cabu en 2012) ont été écartées par le MMT. Dans ces conditions, enseignants et élèves d’une des classes censurées ont préféré se retirer totalement de la publication. Nous leur déclarons notre soutien et saluons la réflexion dont ils ont fait preuve en considérant l’œuvre des dessinateurs devenus victimes du terrorisme d’inspiration islamiste.

Le Musée-Mémorial du terrorisme (MMT), voulu par Emmanuel Macron et dont la mission de préfiguration est présidée par l’historien Henry Rousso, spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale et des enjeux de mémoire, « a pour vocation de rendre hommage aux victimes du terrorisme à l’échelle de la France et du monde. C’est aussi un musée d’histoire et de société, tourné vers la connaissance et la pédagogie », indique son site internet. Il ouvrira ses locaux en 2027 sur le Mont-Valérien (Suresnes) auprès du Mémorial de la France combattante.

Attachée tant à l’esprit de résistance associé au lieu prévu pour accueillir le Musée-Mémorial du terrorisme qu’au travail de mémoire et de savoir qui anime sa mission de préfiguration, la Gauche Républicaine & Socialiste demande de ne pas réitérer une telle censure. Même au motif de prémunir les participants à ses projets contre toute menace, le Musée-Mémorial du terrorisme n’a pas à bâillonner l’évocation d’une catégorie de victimes. En l’occurrence, sans prêter à cette censure l’intention de satisfaire les exigences des terroristes, le constat s’impose qu’elle s’applique à la liberté d’expression. Et cela survient la veille des commémorations de l’assassinat de Samuel Paty désigné par la rumeur à la main de son terroriste assassin pour avoir éveillé ses élèves à la réflexion sur de semblables dessins de presse. La Gauche Républicaine et Socialiste demande au Musée-Mémorial du terrorisme d’assumer sans faiblesse sa mission de mémoire des victimes et de pédagogie sur toutes les formes de terrorisme.

Le fantasme du complot américain pour remplacer le gaz russe en Europe

Les Américains avaient-ils intérêt à “couper le gaz russe pour exporter leur gaz de schiste en Europe ?” Si leur capacité de production et transport pouvait remplacer ce marché, peut-être, mais c’est très loin d’être le cas.

Pourquoi s’exposer à voir une des régions les plus importantes pour le commerce et le système financier américain s’effondrer en récession, avec le risque de crise bancaire capable d’emporter le système financier américain ?

Les capacités actuelles de production et d’exportation de gaz naturel américain, de schiste ou non, c’est l’équivalent d’un dixième de ce que livrait la Russie en 2021.

Il n’y aura pas de capacités de production supplémentaires américaines avant 3 ans pour augmenter massivement de tels apports. Les États Unis ne peuvent pas prendre le relais.

En 2022, le mètre cube de gaz à destination de l’Europe rapporte 40% de plus que vers l’Asie où l’Amérique latine. L’essentiel des augmentations des exportations de gaz liquide américain vers l’Europe s’est faite en détournant des quantités à l’origine contractées par la Chine, le Pakistan, le Brésil. L’augmentation du prix dans ces pays va rééquilibrer les flux de gaz liquide et réduire les quantités disponibles pour l’Europe.

Joe Biden s’était engagé lorsque Poutine avait commencé les chantages aux livraisons de gaz au moment des premières sanctions à faire monter les exportations américaines vers l’Europe à 15 milliards de mètres cubes. La Russie en exportait 155. On voit bien que les États Unis n’ont jamais été en capacité de “remplacer” le gaz russe.

Depuis février 2022, les pays de notre région ayant remplacé le gaz russe par du gaz liquide américain sont dans l’ordre de l’augmentation de leurs importations : Belgique, Espagne, Grèce, Italie, France, Croatie, Turquie.

La France est ici en bonne place parce qu’une bonne partie du transport et de la liquéfaction du gaz américain, de schiste ou pas, est maîtrisé par l’entreprise française TotalÉnergies, qui est également historiquement très impliquée dans le gaz et le pétrole russe.

Les Américains ne voulaient pas de North Stream 2 pour plein de raisons qui leur sont propres. Mais ils n’avaient aucun intérêt à plonger l’Europe en récession par l’inflation des prix de l’énergie contaminant l’ensemble des chaînes de valeurs de l’économie, ni à organiser la pénurie énergétique d’un de leur plus grands marchés.

D’autant que leur gaz liquide était déjà commandé. Comme rappelé au dessus, ce sont les commanditaires non européens qui à l’heure actuelle voient les quantités qu’ils avaient commandés être réorientés vers l’Europe. Il n’y a jamais eu de stocks n’attendant que la fin du gaz russe pour être miraculeusement vendus aux européens.

On le sous estime, mais les États Unis ont des besoins considérables intérieurs en énergie. Le coût du gaz liquide aux États Unis est six fois inférieur à celui payé par l’Europe, donnant un avantage compétitif considérable aux producteurs manufacturés américains, dont l’approvisionnement est garanti par les mécanismes d’encadrement du marché intérieur.

Avant le Covid, les États Unis étaient importateurs net en gaz. Le principal exportateur mondial de gaz liquide, c’est le Qatar, suivi de l’Australie, de la Malaisie. La situation géopolitique et économique actuelle profite d’abord à ces trois pays, qui ont pris l’essentiel de l’augmentation de l’approvisionnement européen.

Si les capacités de gazéification du gaz liquide existaient suffisamment, et le nombre de bateaux – la flotte compte 641 navires en tout capables de transporter du gaz liquide – augmentait, le Qatar pourrait compenser le gaz russe en Europe.

Lorsque l’Allemagne, confrontée à l’effondrement de la stratégie énergétique d’Angela Merkel, doit réagir, elle n’a pas couru à Washington, mais vers le golfe. C’est au Qatar que l’Allemagne s’approvisionne aujourd’hui, et compte sur ses deux terminaux flottants provisoires avec des capacités modiques mais nouvelles de gazéification, ouverture prévue début 2023, pour se passer et du gaz russe, et d’un gaz américain qui de toute façon n’existe pas dans les quantités nécessaires…

Exportation de Gaz naturel liquéfié par les USA

17 octobre 1961 : regarder le passé en face

Le 17 octobre 1961, le Préfet de Police Maurice Papon organisait et ordonnait la répression sanglante contre des dizaines de milliers de manifestants pacifiques qui défendaient l’indépendance de l’Algérie et leur liberté de circulation.

Des centaines d’Algériens de toute la région parisienne furent ainsi tués, sous les coups de la police, noyés dans la Seine, à Paris et en banlieue parfois jusqu’à plus de 15 km des lieux de la manifestation.

Maurice Papon ne fut pas seulement leur assassin, il flétrissait durablement la République au nom de laquelle il agissait en commettant ce crime irréparable.

Depuis de nombreuses années, nous participons aux hommages aux victimes algériennes qui subirent cette violence intolérable et pour certains y laissèrent la vie. C’est un devoir de réaffirmer ainsi qu’il n’est plus possible de commettre au nom de la République qui nous rassemble des actes aussi contraires à ses principes, que plus jamais la France ne tombera dans la faute de la colonisation.

Si François Hollande avait publié un communiqué élyséen fort le 17 octobre 2012 « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. », il ne disait pas qui avait commis la « sanglante répression », en l’occurrence la police parisienne, agissant sous les ordres du préfet de police, lui-même sous l’autorité du gouvernement du général de Gaulle. Le communiqué restait donc malheureusement muet sur le déroulement de la manifestation comme sur le nombre de victimes et, alors que sur la plaque du pont Saint-Michel la manifestation est dite « pacifique », François Hollande ne la qualifiait toujours pas. Il a fallu attendre l’année dernière pour que le Président de la République Emmanuel Macron affirme enfin sur le pont de Bezons, lors de la première commémoration officielle au plus haut niveau de ce massacre, la reconnaissance des « crimes inexcusables pour la République ».

La France est engagée depuis quelques années dans un travail important de retour sur son passé colonial ; il est nécessaire pour l’ensemble de nos concitoyens français, il est nécessaire pour assurer entre le Peuple français et le Peuple algérien une relation nouvelle et sincère. Il semble que le pouvoir algérien souhaite aujourd’hui répondre à la main tendue de la France. C’est une bonne chose : nous espérons de tout notre cœur que cette tendance aboutira.

Ensemble portons haut les valeurs d’humanité et de fraternité entre les Peuples.

Amplifions le mouvement social : soutenons les mobilisation du 18 octobre

Les salariés de ce pays n’en peuvent plus : dans tous les domaines d’activités, dans toutes les classes sociales, le sentiment de déclassement est au plus haut.

Les grèves débutées voici deux semaines, notamment dans les raffineries, ne trouvent de réponses que par le mépris et la violence. L’exaspération est telle qu’elles font désormais tâche d’huile dans d’autres secteurs, à EDF et à la SNCF.

La grève est toujours un sacrifice pour ceux qui la mènent mais ils le font pour améliorer les conditions d’existence des salariés. La réquisition des salariés démontre que l’exécutif a décidé de jeter de l’huile sur le feu. À cela nous devons répondre collectivement.

C’est pourquoi la Gauche Républicaine et Socialiste, fidèle à son engagement en faveur d’un nouveau Front Populaire, fidèle à son soutien au mouvement social, appelle partout ses militants et les salariés du pays, dans le privé ou le public, à se mobiliser à l’appel de nombreux syndicats de salariés (CGT, FO, FSU, Solidaires et plusieurs organisations de jeunesse) le 18 octobre pour adresser un message clair au gouvernement, qui a décidé d’ignorer les revendications salariales et de se ranger du côté des actionnaires. Il est également indispensable de défendre le droit de grève, mis en cause par l’exécutif. Aucun citoyen n’a intérêt à ce que dans les entreprises qui ont connu les grèves fortes des derniers jours et d’immenses profits, les salaires ne soient pas revalorisés en fonction de ces profits accumulés et ne soient pas indexés sur l’inflation ensuite. C’est un point d’appui pour tous les salariés.

Les forces de gauche et les syndicats doivent travailler main dans la main pour obtenir la réindexation des salaires sur l’inflation, une juste et nécessaire revalorisation générale des salaires dans tous les secteurs, y compris dans les TPE/PME, les entreprises publiques et la fonction publique.

La Gauche Républicaine et Socialiste sera toujours du côté du mouvement social

La colère gronde, la rue frémit et même si les raisons sont multiples, parfois complexes, cela prend source dans l’augmentation des injustices contre ceux qui en sont déjà victimes. Alors que l’inflation touche presque tous les ménages, les superprofits continuent d’alimenter les comptes dorés des super riches, des super puissants.

Les conséquences de la crise climatique et de la crise énergétique sont toujours plus visibles et plus terribles, c’est pourtant encore aux plus modestes que l’on demande de porter des cols roulés pour passer l’hiver, quand les plus gros pollueurs sont a peine affectés.

C’est pourquoi, après la journée de mobilisation du 29 septembre à l’appel des forces syndicales du pays, à la suite des mouvements de grève des salariés de TotalEnergies et ExxonMobil, nous appelons à participer et à être présents dans toutes les manifestations portant des revendications sociales. La marche contre la vie chère (nous aurions préféré un mot d’ordre plus franc sur l’augmentation des salaires) et l’inaction climatique en fait partie. Nous espérons cependant qu’à l’avenir ce soit les organisations syndicales de salariés qui prendront l’initiative du mouvement.

Depuis toujours, nous faisons le pari d’un nouveau Front populaire et celui-ci ne peut exister que si toutes les forces politiques, syndicales, associatives et les forces vives de la nation y participent.

2020-2022 : souvenons-nous de Samuel Paty, défendons la liberté d’expression et de conscience, défendons l’école républicaine

Il y a 2 ans, le 16 octobre 2020, Samuel Paty tombait parce qu’il avait accompli rigoureusement son métier d’enseignant et sa mission de transmission des principes de la République.

Ces principes — ici en l’occurrence, la liberté de parole, d’expression et de conscience — rappellent que les religions, quelles qu’elles soient, ne peuvent entraver les libertés fondamentales des femmes et des hommes liés par le contrat social qui en découle.

L’assassinat de Samuel Paty faisait suite à de nombreux autres, dont ceux, tout aussi tragiques, qui nous ont amputés de l’équipe de Charlie Hebdo. De renoncements en lâchetés, de nombreux responsables ont fait le lit du retour des dogmes religieux, un voile remplaçant une soutane, et participent à la fracturation de la République.

Alors même qu’ailleurs dans le monde, des femmes et des hommes se lèvent contre l’obscurantisme fanatique, nous devons plus que jamais être vigilants.

Ce combat, débuté voici plusieurs siècles, a débouché en 1905 sur une loi de liberté qui instaurait enfin la séparation des Églises et de l’État. Ce combat salutaire l’a été essentiellement par des humanistes et universalistes de gauche, attachés à l’égalité dans les faits.

Contre les promoteurs de l’obscurantisme ou d’une laïcité usurpée par l’extrême droite, nous n’avons jamais dissocié combat laïque et combat social ; nous sommes fidèles aux mots de Jaurès qui écrivait « La République restera laïque si elle sait être sociale ». C’est pourquoi les militantes et les militants de la Gauche Républicaine et Socialiste participeront aux commémorations de ce dimanche 16 octobre 2022 et lèveront haut le flambeau de la laïcité, non pour mettre le feu à une société ébranlée par les crises multiformes qui la traversent, mais bel et bien pour défendre l’égalité et la liberté, et éclairer de sa flamme puissante tous les enfants de la République.

quelques sites de commémorations :

https://eduscol.education.fr/2395/hommage-au-professeur-samuel-paty

https://actu.fr/ile-de-france/conflans-sainte-honorine_78172/yvelines-assassinat-de-samuel-paty-nouvelle-commemoration-a-conflans-sainte-honorine_54403100.html

https://www.godf.org/index.php/actualite/details/liens/conference/nom/Conferences/slug/crmonie-en-hommage-samuel-paty

Rassemblement au Mans à la mémoire de Samuel Paty – Place Aristide Briand : https://fb.me/e/2Cjm0QhDl

et à l’appel du comité laïque national – comité laïcité république à Paris (Vème) le 16 octobre à 14h00, square Samuel-Paty (place Paul-Painlevé, face à la Sorbonne)

Pour les salariés et les Français, il faut faire plier les sociétés pétrolières

Depuis plusieurs semaines en France, une situation de pénurie de carburants monte inexorablement sur tout le territoire national mais en touchant plus particulièrement les Hauts-de-France ou l’Île-de-France. La communication gouvernementale a cherché, ces derniers jours, à masquer cette situation en noyant la réalité du terrain sous des moyennes qui n’ont pas de sens.

Cette situation est consécutive au refus du gouvernement de regarder la réalité en face : durant tout le mois de septembre, Bruno Le Maire et Roland Lescure – suivis par tout l’exécutif – ont raconté à qui voulait l’entendre que les super-profits n’existaient pas, qu’il n’y avait donc rien à taxer, tout en reconnaissant que la manne financière des sociétés pétrolières devaient servir à compléter les « ristournes » gouvernementales à la pompe et augmenter les salaires s’il le souhaitait. Un nouvel exemple de l’exercice habituel : « Bruno demande » a toujours été le maître mot de Bercy à l’égard des grandes entreprises, sans que l’on ne lise jamais « Bruno agit » ou « Bruno décide ».

Résultats :

  • Total a décidé de casser les prix provoquant une distorsion de la concurrence qui a rapidement mis à sec ses propres stations face à l’afflux de clients ;
  • les salariés d’ExxonMobil (Esso) et de TotalEnergies se sont mis en grève face à la sourde oreille de leurs dirigeants…

La pénurie dans les stations services s’est donc largement diffusée, touchant d’abord le diesel mais s’étendant rapidement à d’autres types de carburants. Les filles d’attentes sont interminables devant certaines stations, alors que dimanche 9 octobre les mouvements de grève ont été reconduits dans les raffineries chez TotalEnergies et ExxonMobil.

La grève des raffineurs est totalement légitime !

L’exigence d’augmentation de salaires des raffineurs d’ExxonMobil et TotalEnergies est parfaitement justifiée par les bénéfices de ces deux grands groupes, grâce notamment à la hausse des prix des hydrocarbures. TotalEnergies avait engrangé 14 milliards d’euros en 2021, et « a déjà cumulé plus de 18 milliards d’euros sur les six premiers mois de cette année ». Le PDG de Total s’est augmenté de 50% l’année dernière. La société TotalEnergies a annoncé le 28 septembre 2022 qu’elle verserait un acompte sur dividende exceptionnel de 1 € par action en décembre 2022, au-delà de l’augmentation de 5% des acomptes trimestriels déjà annoncée en avril et mise en œuvre. Sur cette base, le montant final du dividende 2022 de l’action TotalEnergies serait de 3,76 €/action. L’« acompte » ainsi annoncé s’élève à 2,6 milliards d’euros !

Il était légitime que les salariés, dont les conditions de travail sont particulièrement difficiles, aient aussi le droit à une augmentation comme tous les actionnaires.

La CGT revendique notamment que les salaires des employés soient revalorisés « à hauteur de 10% pour l’année 2022, soit 7% pour l’inflation et 3% « pour le partage de la richesse » ; elle réclame également une remise en état des raffineries.

La Gauche républicaine et Socialiste soutient ce mouvement de grève et souscrit aux revendications des syndicats demandant une augmentation des salaires et une remise en état des raffineries.

Cette situation ne peut plus durer ! Les bénéfices des actionnaires doivent bénéficier aux employés et à la collectivité. La lutte commence à payer puisque la direction de TotalEnergies qui refusait jusqu’ici toute discussion s’est dit prête à ouvrir des négociations sur les salaires, à la condition que la grève s’arrête : c’est un encouragement à maintenir la pression. Une pression qui doit également s’amplifier concernant la taxation des super-profits.

Les Français pour qui la voiture est indispensable au quotidien souffrent de cette pénurie qui les pénalise injustement : il s’agit de la majorité de la population qu’elle vive en milieu rural, dans la « France périphérique », dans le périurbain ou même en banlieue des métropoles.

Nous exigeons de la part du gouvernement des mesures concrètes pour sortir de cette crise en répondant aux demandes des salariés et des usagers.

Le néolibéralisme contre la croissance et le progrès

En France, entre 1990 et 2007, le PIB par habitant a progressé de 28%. Entre 2007 et 2021, il a progressé de 4%. Nous vous partageons ici les réflexions que cette situation soulève.

Les tensions sociales actuelles sur le pouvoir d’achat sont essentiellement dues au fait que chacun souhaite une part plus grande d’un gâteau qui ne croît pratiquement plus. Par exemple, si le PIB n’augmente plus, il est impossible d’augmenter la part de la consommation collective (les services publics) sans baisser la part de la consommation individuelle (le pouvoir d’achat) ou celle de l’investissement.

Or, en raison du vieillissement de la population et des besoins économiques, la part de la dépense collective devrait croître pour faire face au coût des dépenses de santé, à celui de la dépendance, ou pour augmenter le niveau éducatif de la jeunesse. Mais dans une économie sans croissance, la hausse des dépenses collectives ne peut se faire qu’au détriment du pouvoir d’achat des ménages ou de l’investissement (les infrastructures collectives et industrielles).

Ainsi, ce que les gouvernements essaient de faire depuis 2007, c’est d’augmenter la production des services collectifs en diminuant les revenus réels des fonctionnaires par le gel de leurs rémunérations afin d’éviter toute hausse d’impôt. On mesure aujourd’hui les limites de cette stratégie. Les services publics sont à l’os et on ne parvient plus à recruter des soignants et des enseignants. On ne peut pas faire toujours plus sans hausse des moyens et sans hausse de la fiscalité.

Une autre stratégie menée depuis 2007 (et accélérée en 2012 et 2017) a été de basculer la charge fiscale des entreprises vers les ménages au nom de l’attractivité fiscale. Cette politique a globalement augmenté les profits des entreprises et les revenus des classes supérieures.

PO : prélèvements obligatoires

Mais dans une économie sans croissance, les gains des uns sont les pertes des autres, donc celles des revenus du travail et des classes moyennes et populaires. Cette stratégie a conduit au mouvement des gilets jaunes et à l’exaspération d’une grande partie de la population.
Aujourd’hui, pour dégager des marges de manœuvre et financer sa politique d’attractivité fiscale, le gouvernement s’attaque aux retraites. L’idée est de faire payer les futurs retraités après avoir fait payer les fonctionnaires et les revenus du travail.

Pourtant, la stratégie de l’attractivité fiscale n’a donné aucun résultat depuis 2007. Les baisses d’impôt et les subventions au bénéfice des entreprises qui ont été payées par les Français n’ont eu aucun effets notables sur la croissance*.

Au lieu de s’acharner à relancer la croissance en aidant toujours les mêmes, il faudrait changer complètement notre manière de penser. Réfléchir à partir des besoins sociaux et penser à comment décider démocratiquement des grands choix économiques. On en reparlera.

Évidemment, réfléchir en termes de besoins sociaux, cela suppose d’arrêter de penser exclusivement en termes de « pouvoir d’achat ». Or, je ne suis pas sûr que le débat politique actuel soit tout à fait prêt à ça.

* source : http://ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/item/6572-un-capitalisme-sous-perfusion-mesure-theories-et-effets-macroeconomiques-des-aides-publiques-aux-entreprises-francaises

Annie Ernaux : écrire l’intime et toucher à l’universel

Au fil des années, Annie Ernaux à construit en littérature une œuvre qui résonne puissamment avec l’entreprise sociologique initiée par Bourdieu.

En mettant en mots les gestes, les gestes les plus quotidiens, en laissant apparaître les failles, les décalages de classe et de genre, les livres d’Annie Ernaux nous touchent plus profond et donnent un sens collectif à nos perceptions et à nos sentiments les plus intimes.

En lui décernant le prix Nobel de littérature, l’académie suédoise récompense une immense écrivaine et donne aux lecteurs d’Annie Ernaux comme à celles et ceux qu’elle représente dans ses livres l’occasion d’éprouver une fierté partagée.

« Notre feuille de route » – intervention d’Emmanuel Maurel pour la clôture des universités de la Gauche républicaine

La crise pandémique avait fait naître l’espoir de voir émerger un « monde d’après » plus juste, plus solidaire et plus harmonieux.

Nous-mêmes, voyant les faits nous donner raison (sur notre trop grande dépendance au reste du monde, sur le rôle de l’État dans l’économie, etc.), étions assez optimistes, pariant que le danger contraindrait le système à s’amender.

D’ailleurs, le « quoiqu’il en coûte » a entretenu cette illusion. Certes, nous savions que dans l’esprit des macronistes, il s’agissait d’une nouvelle version de la socialisation des pertes – en attendant la privatisation des profits. Mais nous considérions que ce revirement des néolibéraux, en France comme en Europe, pouvait servir de point d’appui.

C’était sans compter sur la logique d’accélération des crises qui caractérise les phases transitoires.

Le Covid n’a pas disparu, entraînant avec lui son cortège de faillites et de pénuries ; s’y surajoutent les conflits militaires de haute intensité, parfois aux portes de l’Europe (Ukraine, Arménie, etc.) et un dérèglement climatique désormais perceptible par tous. Toutes ces questions ont été traitées lors de notre université et je n’y reviens pas. Mais une conclusion s’impose : si l’embrasement n’est pas le scénario le plus plausible, personne ne peut raisonnablement l’exclure.

Or dans ces périodes confuses et incertaines, la responsabilité du pouvoir, mais aussi de l’opposition, c’est de rassurer les Français, de les protéger, et d’esquisser, autant que faire se peut, des pistes de sortie de crise.

Le problème du moment, c’est l’incapacité de l’exécutif à se montrer à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté. Le président réélu donne le sentiment de n’avoir ni cap ni stratégie. Tâtonnements coupables, provocations inutiles, tergiversations et diversions : cette politique du chien crevé au fil de l’eau n’est pas digne de notre pays.

Macron s’englue dans des réponses procédurales (inventant un « CNR Canada Dry » auquel personne ne participe et duquel il ne sort rien). Pire : il s’entête à vouloir imposer la réforme des retraites. Au moment où le COR rend un rapport qui, loin de pointer un problème de financement immédiat, met en garde sur la paupérisation des retraités, Macron veut marcher sur les syndicats et même sur le patronat, et même sur sa propre majorité ! Personne ne veut de son amendement au PLFSS, ni de son 49-3. Tout le monde voit ce que seul l’Élysée ne veut pas voir : un facteur de déstabilisation et surtout de flagrante injustice infligée aux travailleurs, au moment même où des millions d’entre eux subiront de plein fouet l’explosion des prix alimentaires et de l’énergie.

Ponctionner les futurs retraités et, en même temps, refuser de reconnaitre (voir les dénégations répétées de Bruno Le Maire) jusqu’à l’existence de superprofits, alors que la majorité des pays occidentaux, et même l’Union Européenne, imaginent des dispositifs pour les taxer : cette obsession de toujours satisfaire les détenteurs du capital, quelle que soit la situation, restera la marque de fabrique du macronisme.

En majorité relative, à la recherche d’un improbable nouveau souffle, le pouvoir est faible. C’est le moment, pour les forces de gauche, de se concentrer sur l’essentiel. D’être utiles à leurs concitoyens.

Contre l’inflation galopante, face à la pénurie énergétique, il existe des solutions. Ne laissons pas le RN dérouler son slogan « l’alternance c’est nous ». Plutôt que nous perdre dans des débats secondaires, parfois anecdotiques voire carrément glauques, prenons les Français à témoin. Il existe une autre politique.

À commencer par une autre stratégie économique, au moment où nombre de nos concitoyens peinent à boucler les fins de mois. 

L’urgence de la redistribution

Un vieux maître socialiste disait, mi sérieux, mi provocateur, que le socialisme, c’est d’abord le salaire. Or la part des salaires dans la valeur ajoutée chute à nouveau, alors que la productivité continue de croître, même modérément.

Le choc sur les prix lié à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine ne s’accompagne pas d’un choc général sur les salaires. Ni le salaire moyen ni le salaire médian ne bougent. Ils bougent même vers le bas, car les hausses nominales sont inférieures à l’indice des prix.

Tout cela provoque un effet récessif et une nouvelle montée des inégalités, à l’heure où les super profits génèrent des super dividendes.

Il faut augmenter les salaires et les indexer sur les prix afin d’enrayer la crise du pouvoir d’achat. Le retour des coups de pouce au SMIC et un fort relèvement du point d’indice dans la fonction publique s’imposent. Le Gouvernement doit forcer une négociation interprofessionnelle sur les minima de branches, avec obligation de conclure.

Cette question est d’autant plus importante que le Covid a mis en lumière quelque chose que nous savions déjà. L’utilité sociale n’est pas récompensée. C’est même le contraire. Métiers du soin et du lien, logisticiens, caissières, livreurs, éboueurs, femmes et hommes de ménage, aide soignants, assistantes sociales, instituteurs : ces métiers sont les plus mal payés, les plus mal considérés. Le mouvement social des Gilets jaunes nous avait déjà alertés. Avec le Covid, l’urgence est plus forte que jamais. Les salariés les moins visibles sont entrés dans la lumière. Et ils réclament légitimement leur dû.

Puisque j’évoque la question du travail, il faut bien que je revienne sur la polémique qui a enflammé la gauche. Non, le travail ce n’est pas de droite ! Et non, nos concitoyens n’aspirent pas à une société post-travail. Ils veulent une société qui apporte à tous un travail digne et vecteur d’émancipation.

Il y a une forme de résignation, de fatalisme, chez ceux qui théorisent la fin du travail. La vraie combativité, c’est celle qui s’attaque à la dénaturation du travail par le système.

C’est le capitalisme néolibéral qui détruit le travail et lui fait perdre son sens. C’est le capitalisme qui jette les travailleurs usés, qui délocalise et qui pousse à bout jusqu’au burn-out. Ce sont les nouveaux acteurs du capitalisme, les plateformes numériques, qui tentent de briser le statut protecteur du salariat, faisant passer l’auto-entreprenariat ou la soumission à un algorithme pour une forme de libération. Sortir le travail de cette exploitation, ce n’est pas nier le rôle social du travail et sa nécessité, mais reconnaître que seul il crée la richesse et génère le progrès social.

La question de l’émancipation des travailleurs, de tous les travailleurs (ceux qui ont un emploi et ceux qui en recherchent un) doit rester au cœur des propositions de la gauche.

Il y a l’action sur la redistribution, il y a aussi l’urgence d’un autre mode de production.

L’action sur la production

Nous pensons que qu’il est possible de renouer enfin avec une véritable ambition industrielle compatible avec l’impératif écologique. Je vous renvoie à l’exposé d’Arnaud hier.

C’est difficile car des pans entiers de l’industrie française ont été dévastés… Il faudra donc en repasser par l’intervention de l’État, la planification et la prise de capital public. Il faudra aussi que les salariés siègent dans les conseils d’administration. Il faudra enfin arrêter de considérer la France comme un pays de tourisme et de services.

Il est vital de renouer avec l’ambition industrielle. Nous avons des ingénieurs de grande valeur, une main d’œuvre très bien formée et très productive (contrairement aux bêtises qu’on entend souvent) et des territoires entiers qui sont spécialisés, avec des savoir-faire.

Mais nous avons face à nous le mur de l’argent et surtout celui de la résignation. Dans le film Adults in the Room de Costa-Gavras, une phrase est prêtée à Michel Sapin. S’adressant à Alexis Tsipras, il lui dit : « La France n’est plus ce qu’elle était, elle n’a plus les moyens de ses ambitions. » Je pense qu’en fait elle manque plus d’ambitions que de moyens.

Une forme de patriotisme fait clairement défaut dans ce pays. Il manque cruellement dans les classes dites supérieures. Moi, je crois aux atouts de la France, à la force du peuple français, à son intelligence.

Un programme « Made in France » ambitieux peut se fixer un objectif de création de 500 000 emplois industriels et d’installation de 500 nouvelles usines dans nos régions et notamment dans des territoires aujourd’hui délaissés.

On ne peut pas tout miser sur les start-up. Il faut se remettre à fabriquer sur le sol national des produits critiques (pharmaceutiques, électroniques, alimentaires, etc) que nous importons aujourd’hui, au prix de notre souveraineté perdue. Nous avons pour cela plusieurs armes à notre disposition : le levier de la commande publique bien sûr, mais aussi les mesures de protection de l’intérêt national (à commencer par le fameux décret Montebourg, toujours trop sous-utilisé). Au moment où nous échangeons, c’est Exxelia, fleuron de l’électronique de pointe, qui passe sous pavillon américain. Après tant d’autres…

La Commission européenne protestera surement, mais ces décisions récentes montrent qu’on a raison de ne pas compter sur elle. Les annonces de la présidente, qui préconise d’en revenir aux règles de Maastricht, qui encourage la multiplication des accords de libre-échange, qui approuve le relèvement des taux de la Banque Centrale, sont autant de mauvais signaux. Et puis, bien sûr, il y a le fiasco de la politique énergétique.

Face à la pénurie, réinventer une politique publique de l’énergie

Car s’il y a bien un domaine dans lequel on retrouve à la fois l’inefficacité des préconisations néolibérales et la nullité d’une certaine élite dirigeante, c’est bien celui de l’énergie.

La France disposait d’une électricité peu chère grâce au nucléaire et à son opérateur historique. Or tout a été fait pour saboter EDF et, par-là, affaiblir la France ! L’ouverture à la concurrence voulue par la Commission Européenne et acceptée par les gouvernements successifs, a abouti à un système proprement délirant.

Au nom de la libre concurrence, il a fallu subventionner le privé plutôt que développer un pôle public des énergies renouvelables.

Au nom de la concurrence, on a contraint EDF à vendre une partie de sa production à ses concurrents, à prix coûtant au départ et qui s’est même avéré inférieur à l’arrivée. Au nom de la concurrence on a ruiné les comptes d’EDF, qui ne peut plus investir, notamment dans les centrales, ce qui explique les problèmes rencontrés aujourd’hui.

Last but not least, l’instauration d’un marché européen aux contours imposés par l’Allemagne, qui indexe l’électricité sur le prix du gaz. C’était une folie économique pour la France, et ça s’avère maintenant une folie pour l’Europe.

Avant même l’invasion de l’Ukraine, pour sauver les opérateurs privés, le gouvernement n’avait rien trouvé de mieux qu’obliger EDF à acheter de l’électricité au prix du marché, puis à la revendre à bas prix à ses concurrents. On marche sur la tête.

Le retour au monopole public national sur la production et la distribution d’énergie (en y réintégrant le pôle gazier) est incontournable, avec pour objectif la sortie définitive des énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon…) d’ici 2040.

Nous pourrions en parallèle reprendre l’élaboration de stratégie de filières – fabrication de panneaux solaires, fabrication et assemblage d’éoliennes, hydrogène – stratégies de filière, qui, pour être efficaces, nécessitent la mise en place d’un protectionnisme intelligent pour contrer la concurrence en particulier chinoise.

Plafonnement des prix, sortie du marché européen, retour au monopole public sont autant d’atouts dans une stratégie de relocalisation industrielle et de souveraineté économique.

Je résume en quelques mots ce que doivent être nos priorités pour cette rentrée

Primo. Le gouvernement ne fait pas assez pour les Français les plus modestes. Ses mesures ponctuelles face au choc inflationniste sont insuffisantes. L’indexation des salaires sur les prix est une mesure d’urgence. La taxation des dividendes est commandée par la justice. C’est pourquoi nous appelons nos militants à se mobiliser le 29 septembre à l’appel des syndicats, pour poser le problème-clé du partage des richesses créées par le travail, et à participer à l’opération nationale visant à taxer les surprofits.

Secundo. Alors que la reprise est déjà menacée, les autorités européennes ne doivent pas lever les mesures permettant aux États membres de soutenir l’activité. Elles doivent plafonner les prix de l’énergie et réformer au plus vite le marché européen de l’électricité.

Enfin, et c’est sûrement le plus décisif, il est possible de promouvoir une écologie populaire de gouvernement, qui organise concrètement la sortie des énergies fossiles et la relocalisation des activités productives afin d’asseoir des filières courtes made in France.

Je dis écologie populaire de gouvernement parce que je veux que cela soit clair pour tout le monde. Ce n’est pas parce que la plupart d’entre nous sommes issus de ce qu’on appelait jadis la « première gauche », injustement assimilée au productivisme le plus débridé, que nous sommes anti écologistes, ou même éloignés des préoccupations écologistes.

Pour une écologie républicaine !

Les questions du dérèglement climatique et de la disparition de la biodiversité s’imposent à tous. Rien ne procède davantage de la Res Publica que les Communs que sont l’air, l’eau, le sol, les forêts. Le combat écologique confère une légitimité renforcée et donne une dimension nouvelle à l’intervention publique.

Nous sommes un certain nombre ici à nous définir comme éco-socialistes et républicains. Notrecombat trouve son prolongement naturel dans celui à mener pour la Planète en reliant toujours luttes environnementales et luttes sociales. La course à l’accumulation et au profit, la compétition généralisée qui la sous-tend, l’encouragement incessant à la consommation, le privilège accordé au court terme sont intrinsèquement contradictoires avec la préservation de notre écosystème. Nous nous fixons pour priorité de démontrer que seule une transformation radicale du mode de production et de consommation capitaliste permettra de relever efficacement le défi écologique.

Tout en reconnaissant le rôle joué par les pionniers de l’écologie, tout en reconnaissant la justesse des diagnostics et la pertinence des alertes, nous entretenons avec les Verts une discussion qui porte autant sur les concepts (je pense par exemple à celui de la décroissance ou à celui, plus récent et plus contestable, de l’androcène), les moyens, les rythmes, le cadre de l’action.

Je salue les efforts intellectuels de celles et ceux qui, aujourd’hui, tentent de dessiner les contours d’une écologie républicaine. Leurs travaux fructueux nous inspirent.

Pour moi c’est une des clés pour répondre au défi à la fois temporel (préparer l’avenir et répondre aux urgences, ici maintenant) et spatial (mettre de l’ordre dans le chaos du monde et en même temps enrayer le déclin français) qui mobilise les militants politiques.

Participer aux débats à gauche

Je parle du déclin français, d’autres diront déclassement. Cela peut paraître sévère. Mais cette impression d’un délitement général, nos concitoyens la ressentent. Et cela ne date pas du Covid.

Services publics en berne, dépendance accrue au reste du monde, déficit commercial structurel, baisse du niveau dans l’éducation, perte de l’influence française, etc., le redressement du pays c’est maintenant et c’est urgent.

C’est urgent parce que nous aimons la France et sommes malheureux de la voir ainsi affaiblie. Mais c’est aussi urgent parce que le malheur d’un peuple débouche parfois sur des expérimentations politiques hasardeuses. Deux fois qualifiée au second tour de l’élection présidentielle, disposant d’un groupe pléthorique à l’assemblée nationale, l’extrême droite peut aujourd’hui prétendre au pouvoir. Comme en Suède, comme en Italie…

C’est à la gauche qu’il revient de freiner cette ascension. Pour cela, il faudra qu’elle brise un « plafond de verre », autant sociologique que politique. Certes, la stratégie électorale unitaire aura permis à la gauche d’envoyer à l’Assemblée un nombre d’élus important en dépit d’un nombre de suffrages historiquement faible.

Le rétrécissement sociologique de l’électorat de gauche est l’un des principaux problèmes politiques auxquelles nous sommes confrontés, comme l’avancent à raison des élus comme François Ruffin ou Fabien Roussel. Or pour répondre aux intérêts des classes populaires, si diverses soient-elles, il faut que les forces progressistes ne négligent aucune de leurs préoccupations : stagnation du pouvoir d’achat, délitement des services publics, urgence climatique, mais aussi insécurité sociale et physique, atteintes répétées à la laïcité, disparition du monde rural.

La gauche n’est pas condamnée à n’être qu’« un gros tiers » dans la tripartition avec le centre-droit et l’extrême-droite. Elle peut redevenir majoritaire si elle se fixe pour objectif d’arracher à l’abstention et au RN les ouvriers et les employés, particulièrement des zones péri-urbaines et rurales. Cela passe par un équilibre entre mesures de justice et réponses d’ordre, entre radicalité et crédibilité.

C’est le débat que nous voulons porter à gauche. Nous ne sommes aucunement dans une démarche de différenciation systématique. Et si nous avons parfois des désaccords avec les partis qui constituent la NUPES, nous ne considérons pas que la voie de salut passe par un ripolinage nostalgique d’une social-démocratie qui n’a jamais existé dans notre pays. Surtout quand cette voie est portée par ceux-là même qui ont largement contribué au discrédit qui a frappé la gauche dite de gouvernement.

Pas de différenciation systématique donc. Il faut se garder de s’engager dans les débats picrocholins et les querelles absconses. Mais il faudra assumer la discussion. Et pas seulement sur les questions économiques. Je ne crois plus qu’on puisse se satisfaire de la distinction un peu paresseuse entre social et sociétal. Puisque tout est politique, il convient de discuter de tout. Et je propose que nous n’ayons pas de pudeur de gazelle, même si développer une pensée hétérodoxe vaut parfois procès en réaction voire excommunication par voie de réseau social.

Nous connaissons les nuances, voire les divergences, qui existent au sein de la gauche sur des questions pour nous essentielles.

= Le rapport à la nation, qui pour nous reste le cadre premier de l’exercice de la souveraineté. L’importance que nous attachons au rayonnement de la France dans le monde, à la francophonie, à la diplomatie culturelle. Mais aussi, partant, la notion de frontière qui, comme le dit si bien Regis Debray, n’est pas le mur qui interdit le passage mais le régule. Nous continuons de nous étonner de cette contradiction qui consiste à revendiquer le contrôle des flux de marchandises, du capital, mais jamais celui des hommes.

= L’exigence de la sécurité publique, au moment où notre pays connait une augmentation inquiétante de la délinquance et où perdure la menace terroriste. Noussavons qu’il n’y a pas d’ordre sans justice, mais il n’y a pas de justice sans règle, sans sécurité des personnes. Il est essentiel que le pays débatte sérieusement des moyens humains, matériels et les stratégies à déployer pour assurer la sécurité mais aussi permettre aux forces de l’ordre d’exercer leurs missions dans de meilleures conditions. La crédibilité des services de police et de gendarmerie exige un respect scrupuleux du cadre républicain, un usage toujours proportionné de la force. Des dérapages, voire des bavures ont lieu : il faut les condamner et les réprimer. Oui, parfois, des policiers tuent. Pour autant, nous ne disons pas que la police tue. Les forces de l’ordre travaillent dans des conditions difficiles, dépourvus de moyens, trop souvent mal dirigés par une hiérarchie défaillante.

= L’attachement à la science et à la raison, en ces temps où certains croient malin de préférer les sorcières aux ingénieurs, et colportent benoîtement des fake news navrantes. Pas de grande nation sans scientifiques, ingénieurs, chercheurs, techniciens !

= Le refus du différentialisme, la défense de l’universalisme, qui pour nous sont évidents, mais qui, nous le savons aujourd’hui, ne vont absolument plus de soi.

Or notre conviction, c’est que l’élargissement sociologique et électoral de la gauche n’est possible que si elle renoue avec la tradition républicaine dans ce qu’elle a de plus subversif.

L’histoire de la gauche se confond avec la défense et la promotion du « modèle républicain ». Mais saisie par le démon de la déconstruction, elle en vient à jeter le bébé avec l’eau du bain, dénigrant « l’universalisme abstrait ».

On voit bien à quoi l’individualisme des sociétés de marché aboutit : la disparition d’un monde commun. Le « venez comme vous êtes » de Mac Do s’est progressivement imposé comme un modèle de vie en société. C’est le règne des tribus et des communautés, le triomphe du relativisme, l’exaltation de la singularité à tout prix. Mais la juxtaposition des singularités mène à la guerre de tous contre tous.

L’extension indéfinie de la marchandise et de son spectacle s’accommode parfaitement de cette démocratie identitaire, dans laquelle le particulier éclipse l’universel.

Ghettoïsation et séparatisme social gangrènent la société française. Pas seulement le communautarisme chez les pauvres. Parlons du séparatisme des riches, cette « révolte des élites » dont parle Christopher Lasch. Parlons aussi de celui, moins spectaculaire, des Tartuffe des hypercentres qui n’ont que le « vivre ensemble » à la bouche quand ils ne vivent, en réalité, qu’avec leurs semblables. Les dernières déclarations du nouveau ministre de l’Education Nationale, qui avoue benoîtement avoir mis ses enfants à l’école alsacienne pour leur préserver une « scolarité sereine », en disent plus long que mille essais savants sur l’étiolement de la conscience républicaine chez les élites hexagonales.

C’est le paradoxe du moment : les Français sont plus républicains que leurs dirigeants.

Quand les premiers Gilets jaunes, drapeau tricolore au vent, réinventent la devise nationale (égalité territoriale, revitalisation démocratique, fraternité des ronds-points), les forces politiques manquent singulièrement d’imagination (et d’enthousiasme) pour revivifier le discours sur la République. Le sursaut viendra du peuple Français qui a plus confiance dans l’État que ceux qui le dirigent, et qui croit davantage à la solidarité que ceux qui pensent ne pas en avoir besoin.

Soyons simple et basique : n’est pas républicain celui qui ne fait pas de l’école la priorité absolue. N’est pas républicain celui qui laisse crever l’hôpital public. Mais n’est pas non plus républicain celui qui cède aux exigences de la bigoterie ordinaire ou à celles des différentialistes de tous poils.

Il ne faut jamais renoncer à lier le combat social et le combat laïque. Et s’il y a bien des hommes et des femmes qui se lèvent pour dénoncer la résurgence du cléricalisme partout dans le monde, c’est nous. Nous ne devons rien laisser passer. Les petites lâchetés du quotidien, qui aboutissent à laisser seule une enseignante confrontée à des revendications religieuses dans sa classe. Les complaisances avec les bigots. Et, bien sûr, La folie criminelle de ceux qui ont tué ici Samuel Paty et les dessinateurs de Charlie, là-bas qui attentent à la vie de Salman Rushdie.

Et nous devons être inlassablement aux côtés de ceux qui se battent, partout dans le monde, pour échapper à la tutelle étouffante des clergés, je pense à l’admirable combat des femmes kurdes, mais surtout, au moment où nous nous parlons, des femmes iraniennes, qui veulent vivre, et vivre libres.

Sans justice sociale, sans solidarité entre les peuples, sans laïcité, il n’y pas d’émancipation : c’est ce message de la gauche républicaine, patriote et internationaliste qui nous unit et qu’il nous faut porter le plus haut possible.

La faiblesse actuelle de la gauche n’est pas une fatalité. En renouant avec l’esprit de conquête républicaine, avec le volontarisme politique, avec le respect de la souveraineté populaire, tout est possible.

Dans ces temps incertains, l’essentiel est de savoir pour qui on se bat, et où l’on veut aller. Pour les militants de la gauche républicaine, il n’y a rien de plus exaltant que de se consacrer au redressement de la France.

Assumer notre singularité idéologique, Participer aux mobilisations sociales et citoyennes de la rentrée, Continuer le dialogue avec les forces de gauche : voila comment nous pourrons être utiles au pays.

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