L’Union européenne prend à peine conscience de l’ampleur de la crise sanitaire, économique, financière et sociale déclenchée par le coronavirus, en bricolant dans la précipitation quelques milliards de redéploiements de crédits budgétaires.
la France se prépare mais nos concitoyens peinent à se projeter dans l’hypothèse d’une aggravation massive de la contamination. En la matière le principe de précaution doit absolument prévaloir.
Hormis l’Italie, qui vient de prendre des mesures draconiennes (de confinement des populations, mais aussi, ça s’est moins remarqué, de déblocage de crédits d’un montant de 25 milliards !), les Etats-membres bafouillent leur riposte sans véritable coordination.
Néanmoins, quelques idées forces émergent de la confusion générale et surtout apparaissent absolument urgentes soutien du système de santé, particulièrement hospitalier pour soigner tout le monde; développement des tests et bonne coordination avec les médecins de ville, protection réelle des personnels soignants et paramédicaux, soutien des entreprises et des salariés pour prévenir les faillites et les licenciements ; relance monétaire et budgétaire pour enrayer la récession.
Si Emmanuel Macron souhaite rétablir une confiance qui s’effondre au rythme de la propagation du virus (2,5 fois plus de personnes contaminées tous les… 5 jours), il n’a plus le choix : ce soir il doit annoncer des décisions massives, globales qui embrassent tous les champs d’abord sanitaires mais aussi économiques et sociaux.
1- Soutien du système de santé et particulièrement hospitalier
Contrairement à la communication chauvine du Gouvernement qui dénigre depuis quelques jours la qualité du système de santé italien, ce dernier n’a pas à rougir par rapport au nôtre. Dans le classement par pays de la qualité des soins de l’OMS, la France est certes première, mais l’Italie est… deuxième. Il faut donc sans délais s’inspirer, voire copier ce que nos grands frères transalpins ont fait : recrutement de milliers de personnels de santé, acquisition des matériels adéquats (notamment les respirateurs), ouvertures de lits de réanimation (la France n’en possède que 5000, contre 20.000 en Allemagne).
D’un point de vue industriel, les entreprises pharmaceutiques doivent impérativement reprendre la fabrication locale, et non plus délocalisée en Chine, des principes actifs et de toutes les molécules utiles. Les fabricants d’appareils médicaux doivent être mobilisés comme en économie de guerre (nous ne faisons ici que reprendre une expression de… Jacques Attali), mais à prix règlementés. Un programme immédiat de production dans l’hexagone des matériels médicaux ou de protection ainsi que de médicaments devrait être arrêté, dans les jours qui viennent, pour faire face aux besoins les plus tangibles et initier un mouvement qu’il faudra amplifier dans la durée de re localisations industrielles.
D’un point de vue budgétaire, il faut immédiatement, au regard d’un cas de force majeure déroger au cadre fixé par le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale et se soustraire à la limitation de l’ONDAM ( on ne peut s’empêcher de regretter de ne pas avoir été entendus lorsque dans le débat budgétaires nous alertions sur une remise à niveau de l’hôpital public qui était sous tension et ne pourrait faire face à de graves crises. l’arrogance de Mme Buzyn n’avait d’égal que son mépris pour les professionnels pourtant très inquiets de la situation). Dés à présent plusieurs mesures devraient être prises d’une part une augmentation générale des salaires dans la fonction publique hospitalière avec l’annonce d’une négociation ultérieure pour la revalorisation de certains métiers d’autre part l’annonce de recrutements immédiats pour faire face aux besoins. La revalorisation des salaires et des conditions de travail est un impératif pour pourvoir les postes existants ou à créer. Des crédits supplémentaires de fonctionnement sont aussi indispensables.
Les paroles sur le dévouement des soignants et personnels ne suffisent pas. Et en tout cas, nous avons déjà payé – et payons encore- très cher l’austérité dans le secteur de la santé. Il n’est pas imaginable qu’il y ait la moindre limite budgétaire qui puisse prévaloir aujourd’hui.
2- Soutien des entreprises et des salariés
La crise financière qui frappe actuellement les bourses du monde entier aura des conséquences sur la solvabilité des banques. Lesquelles resserreront leurs crédits, tant d’investissement que de trésorerie, aux entreprises. Lesquelles sont au surplus menacées de faillite par l’arrêt de l’activité économique. Le Gouvernement doit non seulement mobiliser la Banque Publique d’Investissement pour apporter sa caution au maximum de PME, mais il doit aussi placer sous tutelle toutes les banques françaises afin que le soulagement de la charge financière des entreprises soit total. Dans certains cas, il faut envisager la pure et simple annulation d’impôts ou de cotisations, car certaines entreprises n’auront pas seulement des problèmes de trésorerie mais des capacités à résorber les pertes d’activités.
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S’il s’avère nécessaire de placer des salariés en chômage partiel ou technique (par exemple faute d’approvisionnement en composants chinois), la compensation de la perte de salaire doit être intégrale. Dans le même temps, il faut annuler la réforme de l’assurance chômage, comme le demandent tous les syndicats de travailleurs. Enfin, il conviendrait de rétablir l’autorisation administrative de licenciement, de manière à empêcher les licenciements opportunistes ou boursiers infligés au prétexte du coronavirus. En tout cas il convient de réunir une conférence sociale tripartite les partenaires sociaux, état. De la même façon, il convient de prendre des mesures dans la fonction publique avec en autre l’abandon du jour de carence.
3- Relance monétaire et budgétaire
Certaines Banques centrales ont mis en œuvre des mesures de desserrement monétaire dès la semaine dernière. Ainsi la FED a baissé son taux directeur de 0,5 point. Mais il faut faire plus. Les Banques centrales doivent reprendre au plus vite leurs programmes de rachats de dettes souveraines, interrompus ou fortement atténués depuis un an et demi. Cela soulagera bien sûr les banques, mais leur mise sous tutelle permettra d’orienter l’argent non plus vers la spéculation mais vers l’économie réelle.
Mais la reprise de ces programmes « d’assouplissement quantitatif » (ou, en bon français, de planche à billets), qui devra être étendue y compris à la Grèce (qui en est actuellement exclue), soulagera surtout les Etats. En annulant une partie de leur dette publique, ces rachats de titres offriront plus de marge de manœuvre aux Etats pour soutenir l’activité économique (ou plutôt son redémarrage après l’arrêt des mesures de confinement) et les divers dégrèvements sociaux et fiscaux accordés aux entreprises. On l’a vu, l’Italie a débloqué 25 milliards. Un programme similaire est en cours de finalisation au Royaume-Uni. Toute la zone euro doit faire de même.
Au delà, l’injection directe de financements par la BCE auprès des structures publiques comme les hôpitaux doit être envisagée afin d’éviter les lourdeurs et les pertes en ligne.
La règle d’or budgétaire ne s’applique plus, dans la mesure où nous faisons face aux « circonstances exceptionnelles » prévues par le TSCG, mais ce sont toutes les normes austéritaires inscrites dans les autres traités européens qui doivent être abrogées (3% de déficit, 60% de dette publique, « recommandations » de la Commission européenne, « semestre européen » etc). Il va sans dire que si l’Europe ne se met pas d’accord sur ces points, la France devra prendre seule les mesures adaptées à ses besoins (y compris en mobilisant la Banque de France, même en l’absence d’accord de la BCE).
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Le coronavirus agit comme un révélateur : révélateur de l’impasse de l’austérité, révélateur de celle de la mondialisation. En quelques jours, cette pandémie nous a appris que les besoins de l’humanité ne sauraient être contraints par la gestion comptable, ni par la rentabilité des délocalisations dans des pays lointains. Il montre le rôle majeur des services publics, des entreprises publiques qui doivent porter l’intérêt général donc en avoir les moyens. Ce qui suppose de rompre avec la logique libérale qui prévaut depuis trop longtemps. Il est urgent, et même vital pour la France et l’Europe, d’en finir avec l’austérité et de s’engager résolument et durablement sur la voie de la relocalisation de leur économie.