ordonnance prise sur le fondement des articles 4 & 11 de la loi d’urgence et liée aux ordonnances du 25 mars 2020 sur le code du travail et les délais échus
L’ordonnance touche aux élections professionnelles, aux mandats des représentants du personnel et autorise de déroger à l’information et à la consultation des représentants du personnel.
Élections
professionnelles
Suspension
des processus électoraux (art. 1 et 2)
L’ordonnance
entraîne sans surprise la suspension « immédiate » de l’ensemble des
processus électoraux en cours dans les entreprises et des délais qui étaient
impartis à l’employeur dans le cadre de ces processus à compter de sa date de
publication.
Cette
suspension prend effet au 12 mars 2020, à moins que le processus électoral ait
donné lieu à l’accomplissement de certaines formalités après le 12 mars 2020.
Dans ce cas, la suspension prend effet à compter de la date la plus tardive à
laquelle l’une de ces formalités a été réalisée.
Les
rédacteurs ont tenu à préciser que si la suspension intervient entre le 1er
et le 2nd tour des élections, celle-ci n’entraînera aucune
incidence sur la régularité du 1er tour, quelle que soit la durée de
la suspension. Or la suspension ne pouvait d’elle-même invalider le 1er
tour des élections, la Cour de cassation ayant déjà pu juger que le non-respect
du délai maximum de 15 jours pour organiser le 2nd tour n’entraîne
aucune conséquence sur la régularité du 1er tour (mai 2012). Par
ailleurs, en raison de la suspension, il est indiqué que les conditions
d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date d’organisation de chacun
des tours du scrutin.
Enfin, la
suspension est ordonnée jusqu’à une date fixée à 3 mois après la date de fin de
l’état d’urgence sanitaire. Les différents délais qui étaient impartis à
l’employeur recommenceront donc à courir dès la fin des mesures d’urgence.
À ce titre,
l’ordonnance indique que les employeurs qui n’ont pas encore engagé le
processus électoral disposeront d’un délai supplémentaire de 3 mois à compter
de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour engager le processus.
Dérogation
à l’obligation de procéder à des élections partielles (art. 4)
Conformément
à l’article L. 2314-10 du code du travail, les élections partielles doivent
être organisées par l’employeur dès lors qu’un collège électoral d’un comité
social et économique (CSE) n’est plus représenté ou si le nombre des membres
titulaires de la délégation du personnel du CSE est réduit de moitié ou plus,
sauf si ces événements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat
des membres de la délégation du personnel du CSE.
Par
dérogation à cette obligation, l’ordonnance énonce que, si les mandats des élus
expirent moins de 6 mois après la date de fin de la suspension du processus
électoral, l’employeur n’est pas tenu d’organiser les élections partielles, que
le processus électoral ait été engagé ou non avant la suspension.
Le rapport
lié à l’ordonnance précise que « l’article 4 a pour objet de dispenser
l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la
suspension du processus électoral intervient peu de temps avant le terme des
mandats en cours ».
Prorogation
des délais de contestation administrative et judiciaire (art. 1er et 5)
En
conséquence, l’ensemble des délais de saisine de l’administration ou du
tribunal judiciaire sont suspendus. Ils recommenceront à courir dès la fin de
de la période de suspension des processus électoraux.
De même, si
l’administration a été saisie à compter du 12 mars 2020, le délai dont elle
dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension
du processus électoral.
Si une
décision administrative était intervenue après le 12 mars 2020, le délai de
recours contre sa décision commencerait à courir à la date de fin de la
suspension du processus électoral.
L’ordonnance
précise enfin que l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur les délais
échus n’est pas applicable afin d’éviter une concurrence de dispositions
contradictoires : « Tout acte, recours, action en justice,
formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par
la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion,
prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office,
application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit
quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à
l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un
délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai
légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois ».
Les
mandats des représentants du personnel (art. 3)
L’ordonnance
proroge les mandats en cours « des représentants élus des salariés »
à la date du 12 mars 2020 jusqu’à la proclamation des résultats du 1er
ou, le cas échéant, du 2nd tour des élections professionnelles. Le
statut protecteur des représentants du personnel est maintenu durant toute la
période de prorogation.
Tous les
mandats syndicaux (délégué syndical, représentant syndical au comité,
représentant de section syndicale) sont « prorogés » tant que les
élections n’ont pas été organisées.
Modalités
d’organisation des réunions des instances représentatives du personnel (art. 6)
L’ordonnance
autorise le recours sans limitation à la visio-conférence et aux conférences
téléphoniques pour les réunions des CSE. Un décret doit cependant encore
préciser les conditions dans lesquelles le recours aux conférences
téléphoniques peut intervenir.
L’ordonnance
permet également, à titre subsidiaire, le recours aux messageries instantanées
en cas d’impossibilité d’organiser une visio-conférence ou une conférence
téléphonique mais renvoie également à un décret la fixation des conditions
d’utilisation de la messagerie instantanée.
Ces
dispositions dérogatoires ne sont évidemment applicables qu’aux seules réunions
convoquées pendant l’état d’urgence sanitaire.
Il faudra donc être vigilant sur la célérité de publication de ces décrets, pour que cela ne serve pas de prétexte à l’absence de consultation des représentants du personnel.
Dérogations
à la procédure d’information-consultation du CSE (art. 7)
C’est
la mesure la plus scandaleuse de cette ordonnance !
L’ordonnance
sur les congés payés, la durée du travail et les jours de repos n’ayant pas
apporté de modification à la procédure d’information et de consultation du CSE,
celle-ci restait nécessaire avant d’imposer aux salariés la prise de jours de
repos.
Sous la pression
des dirigeants d’entreprises et des DRH, le gouvernement a réajusté la
procédure. Désormais, l’employeur peut immédiatement imposer des jours de repos
aux salariés hors forfait, aux salariés au forfait ou des jours placés sur un
CET, mais il doit :
- informer le CSE sans délai et par tout
moyen ;
- recueillir l’avis du CSE dans le délai d’un mois
à compter de sa première information.
Enfin, de la
même manière, les dérogations aux durées maximales de travail et minimales de
repos ainsi qu’au repos dominical ouvertes aux entreprises relevant de secteurs
d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la
continuité de la vie économique et sociale pourront être mises en œuvre sans
attendre l’avis du CSE qui doit être recueilli dans le délai d’un mois à
compter de son information.