Comment répondre à la crise de l’hôpital ? – Festival des idées, Caroline Fiat, 5 septembre 2020

Le samedi 5 septembre 2020 après-midi, vers 17h00, était organisé dans le cadre du deuxième Festival des Idées (à La Charité-sur-Loire, dans la Nièvre) une table ronde intitulée “Comment répondre à la crise de l’hôpital ?”.
Les intervenants étaient :

  • Caroline Fiat, députée Gauche Républicaine & Socialiste de Meurthe-et-Moselle (membre du groupe parlementaire La France Insoumise) ;
  • André Grimaldi, Professeur émérite de diabétologie au CHU Pitié Salpêtrière, co-auteur de “Santé : Urgence” (Odile-Jacob, 2020) ;
  • Daniel Lenoir, ancien directeur général de l’Agence Régionale de Santé (2010-2013) du Nord-Pas-de-Calais, ancien directeur général de la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF) ;
  • Andrée Palme, présidente du conseil interdépartemental de l’Ordre des Infirmiers de l’Ardèche et de la Drôme.
    Table-ronde animée par Louise Guillot, journaliste à Politico Europe.

Le démantèlement de l’hôpital public n’est pas un fantasme

Une tribune de Caroline Fiat, députée Gauche républicaine &
socialiste (membre du groupe parlementaire La France Insoumise)

La période d’épidémie du Covid-19 mobilise entièrement la nation. Chaque français joue un rôle dans cette lutte contre l’expansion du virus. Les professionnels de santé, en première ligne, tous ceux qui continuent à maintenir à flot certains secteurs essentiels – en seconde ligne, et tous les français en s’adaptant et en respectant les règles liées au confinement.

Pour l’heure, le Président de la République Emmanuel Macron l’a rappelé, l’objectif est d’être uni dans la lutte contre le virus, d’être responsable pour mener la guerre.

Néanmoins, l’expression de visions alternatives est un impératif – c’est la raison de la reprise des travaux du Parlement, même dans un format réduit – et le moment nous donne plus que jamais l’occasion de prendre du recul sur les politiques de ces dernières décennies pour comprendre ce qui a conduit à la situation catastrophique que nous connaissons. 

Dans ce contexte, Frédéric Lordon, économiste de formation, chercheur en philosophie sociale au CNRS, a trempé sa plume dans le vitriol pour attaquer le système néolibéral, architecte de cette construction bancale qui s’effondre devant nos yeux. Le feuillet encore chaud, Eric Verhaege, haut-fonctionnaire, contributeur à Contrepoints et FigaroVox lui a répondu avec véhémence laissant entendre que le budget la Sécurité sociale et plus précisément celui de nos hôpitaux ne s’étaient jamais si bien portés ces dix dernières années. D’un côté il y aurait le ressenti des soignants et des français, de l’autre la réalité des chiffres.

Jouons le jeu. Regardons ce que nous disent les chiffres justement sur la situation de l’hôpital public aujourd’hui. 

Lorsque l’Eric Verhaege affirme que le budget des hôpitaux a connu une hausse de 25% entre 2009 et 2020, soit deux fois plus rapide l’inflation, il oublie de dire que les charges des hôpitaux ont, elles, cru bien plus rapidement du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques. 

L’énarque fait ici preuve d’une remarquable malhonnêteté intellectuelle puisque pour juger de la bonne santé de notre hôpital public, il se contente d’en observer le budget, hors de tout contexte. Mais le démantèlement d’un service public ne s’observe qu’en comparant les recettes avec les charges induites par les besoins à satisfaire. En d’autres termes, il faut calculer les économies réalisées.

Chaque année, l’hôpital voit ainsi ses charges augmenter d’environ 4%. Dès lors, lorsque son budget ne croit que de 2% par an, le compte n’y est pas. Ainsi, en 2018, malgré un budget en hausse, les hôpitaux devaient réaliser 960 millions d’euros d’économies. En 2019, rebelotte à hauteur de 650 millions d’euros cette fois-ci. 

Lors du vote du budget pour 2020, malgré l’annonce en grande pompe d’un « Grand plan pour l’hôpital », 800 millions d’euros d’économies étaient demandés aux hôpitaux et 4,2 milliards à l’Assurance maladie. On arrive à un total de 12,2 milliards d’économies sur les dépenses de santé depuis l’arrivée de Macron. Les chiffres font froid dans le dos, la réalité encore davantage.

Regroupements hospitaliers, fermetures de maternités (plus de la moitié en seulement 40 ans), incitation croissante à la pratique libérale… les faits sont têtus. 

Eric Verhaege juge que la fermeture des lits n’est que le corollaire des progrès scientifiques en matière de médecine ambulatoire. Il pointe alors « la fermeture assez naturelle du nombre de lits, devenus inutiles faute de malades en nombres suffisants. » Il fallait oser ! L’argument serait risible s’il n’y avait pas une réalité soignante derrière
faite de souffrance au travail. Courir d’un service à un autre pour trouver un lit de libre à un patient est devenu le quotidien dans certains services, tout particulièrement les services d’urgence. Non les 100 000 lits fermés ces 20 dernières années ne sont pas le simple fait de fulgurants progrès en santé.

Par ailleurs, quand il fait état d’une bureaucratie plus souple dans les structures de santé privées qu’au sein de l’hôpital public, il fait fi des différences de patientèles et de soins pris en charges. En effet, le privé se paie le luxe de choisir ses soins et ses patients. Ainsi, tandis qu’une clinique privée pratique essentiellement de la médecine en ambulatoire, les structures publiques doivent prendre en charge les hospitalisations de longue durée, ce qui induit nécessairement des charges administratives supplémentaires.

Il aura fallu un virus, le Covid-19 pour que soient ébranlées les certitudes austéritaires de nos dirigeants. Car en effet, l’heure est au mea culpa. Le Président de la République a annoncé, ce Mercredi 25 mars, à Mulhouse, qu’un grand plan sur la santé aura lieu à la suite de cette crise. Il atteste du fait que, jusqu’à présent, ce secteur a manqué terriblement de moyens.

Pour l’hôpital, la solidarité pas la charité !

Pour répondre à la détresse budgétaire dans laquelle l’hôpital public se trouve, le ministre des finances Gérald Darmanin , dans un exercice d’autopromotion ne manquant pas de mettre en avant ses origines sociales modestes largement oubliées depuis qu’il est ministre d’un des gouvernements les plus réactionnaires connus sous la cinquième République, a trouvé une idée qui lui semble disruptive et novatrice : lancer une cagnotte en faisant appel aux plus fortunés.

De toutes les outrances du macronisme, celle-ci est particulièrement odieuse.

La sécurité sociale et la solidarité nationale ne reposent pas sur le don, mais sur l’impôt. Ce que veut rétablir monsieur Darmanin, c’est l’assistance publique par la charité. La gestion des problèmes sanitaires et sociaux serait au bon vouloir des fortunés. La République Sociale, ce n’est pas ça ! Le Conseil National de la Résistance, à qui nous devons notre modèle social tellement mis à mal par bientôt quarante de néolibéralisme dont Emmanuel Macron est la synthèse la plus radicale et aboutie, ne s’est pas battu pour que les puissances de l’argent versent l’obole aux pauvres et à leurs hospices. Il a fait émerger un système social protecteur qui reposait sur des caisses de sécurité sociale et sur l’impôt, finançant des hôpitaux ouverts à tous.

Depuis un an les personnels soignants sont en grève pour défendre le service public et pour leur dignité au travail. En les rendant indigents et en voulant les rétribuer à l’aide de cagnottes, le ministre en charge du financement de l’Etat les humilie une fois de plus, au moment où nous leur sommes tant redevable.

Le mode de financement de l’Etat et des services publics ne doit pas passer par de sinistres cagnottes aux noms desquelles nous devrions remercier de généreux bienfaiteurs. Les classes aisées ont bénéficié de baisses d’impôts systématiques qui ont creusé les inégalités et contribué à la destruction de notre système sanitaire.#PlusQueJamais , La Gauche Républicaine et Socialiste propose que le financement en urgence de l’hôpital se fasse par le rétablissement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, car c’est la solidarité, et non la charité, qui fonde le contrat social de notre République.

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