Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale

ordonnance prise sur le fondement des b, c, d et e du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Afin de s’adapter aux enjeux sanitaires et d’éviter les contacts physiques, mais aussi aux contraintes du confinement et des plans de continuation d’activité réduite des services, cette ordonnance suspend les délais de prescription de l’action publique et d’exécution des peines à compter du 12 mars 2020.

Elle assouplit les conditions de saisine des juridictions et allège leur fonctionnement, en autorisant plus largement des audiences dématérialisées et en élargissant les formations à juge unique.

Par ailleurs, l’ordonnance assouplit les règles de procédure pénale applicables aux personnes gardées à vue détenues à titre provisoire ou assignées à résidence. Elle permet à un avocat, avec son accord ou à sa demande, d’assister à distance une personne gardée à vue grâce à un moyen de télécommunication. Elle prolonge les délais maximums de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence durant l’instruction et pour l’audiencement. Elle allonge les délais de traitement des demandes de mise en liberté des personnes détenues à titre provisoire.

Enfin, l’ordonnance assouplit les conditions de fin de peine, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles.

Gardes à vue :

Il convient de s’assurer que l’intervention à distance de l’avocat prévu par l’article 5 de l’ordonnance ne puisse être envisagée qu’à titre subsidiaire et qu’à la condition expresse que l’avocat y ait explicitement consenti. Aussi, il faut que des moyens de protection soient garantis à tous dans les commissariats et gendarmeries.

Il est inadmissible qu’un justiciable voit sa privation de liberté prolongée sans qu’elle puisse être présentée devant le magistrat compétent pour en apprécier l’opportunité, faute de quoi le principe constitutionnel selon lequel « l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle » serait profondément atteint. Il faut que cette mesure soit appliquée pour des situations exceptionnelles et ne doit pas être appliquée à la garde à vue d’un mineur de 18 ans.

Principe de la collégialité en matière pénale :

Si le Code de procédure pénale a récemment ouvert les cas dans lesquels un justiciable peut voir son affaire examinée par un seul juge, la crise sanitaire ne devrait justifier le renversement du principe de collégialité. Aussi, les audiences pénales devraient se tenir dans les conditions prescrites par le Code de procédure pénale ou, à défaut de magistrats disponibles, être renvoyées à une date ultérieure.

Visio-conférences :

La loi d’habilitation ouvre dangereusement la porte à la généralisation de la visio-conférence en matière pénale. Il faut être vigilant par rapport à une éventuelle utilisation abusive qui pourrait altérer l’action de juger et d’être jugé.

Principe du contradictoire :

Le texte adopté évoque sans précision l’aménagement des modalités d’organisation du contradictoire devant les juridictions pénales. Une décision de justice est avant toute chose le résultat d’un échange d’arguments entre parties. Le débat oral et contradictoire constitue une étape essentielle à l’élaboration d’un jugement pénal ; il appartient aux autorités de préserver, en toutes circonstances, cette idée et de prendre les mesures sanitaires appropriées pour la rendre durablement possible.

Détentions provisoires et délais d’audiencement :

L’article 16 autorise d’inédites prolongations de détention provisoire : « sont prolongés plein droit de 2 mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à 5 ans et de 3 mois dans les autres cas […] Ce délai est porté à 6 mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel. Les prolongations prévues à l’alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de 16 ans, en matière criminelle ou s’ils encourent une peine d’au moins 7 ans d’emprisonnement. ».

Cette mesure pose un grave problème. Rien ne justifie que l’on puisse prolonger au-delà des délais actuels, déjà suffisamment longs, le placement en détention provisoire de personnes incarcérées bénéficiant de la présomption d’innocence. L’incarcération est inscrite dans le Code de procédure pénale comme étant une mesure exceptionnelle et pourtant nos prisons sont pleines de personnes en détention provisoire. Cette mesure apparaît d’autant plus problématique qu’en raison de la promiscuité bien connue dans nos établissements pénitentiaires du fait du manque de places, les règles de confinement sont absolument intenables et la situation sanitaire pourrait ainsi se dégrader rapidement.

Juge des Libertés :

L’article 18 aggrave encore la situation. « Les délais impartis à la chambre de l’instruction ou à une juridiction de jugement par les dispositions du code de procédure pénale pour statuer sur une demande de mise en liberté sur l’appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté, ou sur tout autre recours en matière de détention provisoire et d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de contrôle judiciaire, sont augmentés d’un mois. Les délais impartis au juge des libertés et de la détention pour statuer sur une demande de mise en liberté sont portés à six jours ouvrés. »

Si les audiences devant le juge des libertés et de la détention ou les juridictions de jugement ne peuvent se tenir dans les délais prévus par les textes, il appartient à l’institution judiciaire d’en tirer les conséquences légales et d’ordonner la mise en liberté des personnes détenues. Cette position s’impose avec d’autant plus de force que les établissements pénitentiaires connaissent aujourd’hui des taux de saturation élevés, exposant les personnes détenues à des risques de contamination inégalés à l’extérieur.

Exécution des peines :

La rédaction de l’ordonnance concernant la situation des personnes détenues (articles 21 à 29) est particulièrement floue. Or, le droit positif offre un certain nombre de possibilités aux juridictions pour favoriser la limitation de la propagation du virus en détention et la protection des droits des personnes détenues.

Peut-être peut-il être envisagé le prononcé de grâces individuelles pour les personnes exécutant des courtes peines ou ayant un faible reliquat de peine ? Une loi d’amnistie pourrait également être envisagée.

Des mesures exceptionnelles contestées :

De vives réactions se sont manifestées, notamment du côté du Syndicat de la magistrature qui a annoncé dans un communiqué publié le 26 mars contester les ordonnances au regard de leurs conséquences sur les droits des personnes.

Il alerte sur le fait que de longs mois d’application de ces dispositions risquent d’avoir un effet de contamination sur le droit commun, et refuse que ces textes soient le prétexte à de nouveaux errements de la chancellerie, au travers d’une invitation plus ou moins appuyée ou subliminale que l’on peut résumer ainsi : « nous avons vidé les tribunaux des parties, vous pouvez revenir travailler ! »

Pour le Syndicat des avocats de France (SAF), la vigilance est le maître-mot : « Parce que nous savons que les lois d’exception servent d’expérimentation pour les gouvernements, nous serons particulièrement vigilants quant à l’inscription de l’ensemble de ces mesures dans la durée » écrivait-il dans une lettre ouverte à la Garde des Sceaux.

Une coincidence surprenante

Les craintes du syndicat de la magistrature et du syndicat des avocats de France, sur le fait que tout ceci ne serve de prétexte pour « sortir » avocats et juges du palais, me paraissent d’autant plus justifiées qu’il faut mettre en regard le fait que cette ordonnance arrive au même moment où le dispositif DATAJUST entre en application : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041763205&categorieLien=id&fbclid=IwAR1PARs4QGnubLBZFFilJZo7iHHEsSoKFJaEsOtOtW53nTG9-H2BN5Qslxg

Ce dispositif a pour objet de recueillir un grand nombre de décisions de justice afin de développer un algorithme permettant d’élaborer un référentiel d’indemnisation des préjudices corporels. Les dispositions analysées vont donc conduire à la création d’un référentiel d’indemnisation pour les victimes de dommages corporels : assurément la matière pour laquelle la mise en œuvre de la justice prédictive s’annonce la plus aisée.

A l’heure actuelle, il n’existe pas un, mais des référentiels : celui de l’ONIAM, le référentiel MORNET, le référentiel « indicatif » des cours d’appel édité par l’ENM. Offrir une visibilité sur le sens des décisions intervenues présente alors certains avantages. L’harmonisation des pratiques entre le juge judiciaire et le juge administratif – souvent moins généreux pour indemniser les victimes avec des deniers publics – peut également s’avérer salutaire.

Reste que l’élaboration automatisée de ce référentiel, et, surtout les utilisations qui en seront faites prêtent le flanc à la critique.

En premier lieu, la transparence induite doit permettre de « favoriser le règlement amiable » des contentieux et ainsi éviter des procès. Le Conseil Constitutionnel rappelant qu’il est parfois nécessaire d’écarter les justiciables des prétoires. Ainsi, selon lui « réduire le nombre des litiges soumis au juge » poursuit « l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ». (CC, 21 mars 2019, n°2019-778 DC).

L’objectif affiché de « raisonner» les parties en leur fournissant des informations objectives peut-il se traduire par une baisse des demandes extravagantes ? La grande diffusion des informations juridiques – par le biais d’internet notamment – ne décourage que rarement les justiciables à agir au motif qu’ils auraient constaté que l’action envisagée était infondée…

En deuxième lieu, les risques inhérents à la mise en œuvre du dispositif évoqué seraient que les juridictions s’y réfèrent hors éléments de contextes et au détriment de la subjectivité nécessaire au jugement de chaque affaire. Quelle attention portera le juge à la spécificité du dossier dès lors qu’un barème « objectif» sera mis à sa disposition ?

La tendance à l’adoption de solutions déconnectées des situations réelles sera d’autant plus présente dans un contexte général peu propice à l’étude des dossiers au cas par cas : Raréfaction de l’oralité dans les débats judiciaires, surcharge de travail des magistrats, allongements des délais entre la plaidoirie et le délibéré… Voilà autant d’éléments qui incitent les magistrats à se référer à une solution « clé en main ». On mesure ici comme dans la santé les conséquences néfastes des choix budgétaires austéritaires des 15 dernières années.

En troisième lieu, se pose la question du contrôle des décision qui « nourrissent » cet algorithme. Comment s’assurer que la base de données créée est neutre comment corriger les « biais » de l’algorithme ? L’absence de « neutralité technicienne » pose nécessairement problème. Elle s’avère d’autant plus dangereuse lorsqu’elle concerne la justice.

Ordonnance n° 2020-305 et 2020-304 – juridictions de l’ordre administratif et syndic de copropriété

Ordonnance n° 2020-305 et 2020-304 – juridictions de l’ordre administratif et syndic de copropriété

Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 adaptant les règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif

ordonnance prise sur le fondement des b et c du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance permet de renforcer des formations collégiales incomplètes par des magistrats d’autres juridictions, d’informer les parties par tout moyen des dates d’audience, de recourir largement aux télécommunications pour tenir les audiences.

Elle autorise le juge des référés à statuer sans audience, de même que les cours administratives d’appel sur les demandes de sursis à exécution.

Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 adaptant les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété

ordonnance prise sur le fondement des b et c du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance allège le fonctionnement des juridictions civiles, sociales et commerciales, en assouplissant les modalités d’organisation des audiences et en permettant l’information des parties et l’organisation du contradictoire par tout moyen.

Enfin, pour faciliter le fonctionnement des copropriétés, l’ordonnance prévoit le renouvellement de contrats de syndic de copropriété qui expirent ou ont expiré depuis le 12 mars 2020.

Remarques :

Il serait problématique que la crise sanitaire bouleverse les principes essentiels qui gouvernent cette matière et entraîne la prolongation de mesure restrictives de liberté en dehors de toute nécessité éducative.

Ces mesures sont fortement attentatoires aux droits des parents et des enfants, sans aucun exercice du contradictoire. Il y a matière à être vigilants.

Remarques sur ces 2 ordonnances :

La publicité des audiences figure parmi les garanties apportées au justiciable au titre du droit au procès équitable. Il appartient dès lors aux juridictions d’organiser l’accueil du public de façon à satisfaire ce principe. Une absence de publicité et la banalisation du huis-clos seraient sources d’inquiétude et fragiliseraient l’assise démocratique de l’institution judiciaire.

Ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

Ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

La prorogation des délais échus durant l’état d’urgence sanitaire est une garantie pour les demandeurs à une action en réparation écartant de fait toute prescription ou interruption de leur requête en matière d’amiante ou d’accidents médicaux. C’est l’objet principal de cette ordonnance qui définit un régime spécial de prorogation des délais échus pour les victimes de dommages consécutifs à une exposition à l’amiante et aux accidents médicaux.

Depuis 2001 pour les victimes de l’amiante et 2002 pour les victimes de dommages consécutifs à un acte médical ou thérapeutique, il existe un droit à la réparation sous de strictes conditions procédurales par la solidarité nationale, avec le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) pour l’amiante, l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (ONIAM) pour les dommages éponymes.

Selon l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

  • les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante au titre de la législation de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité ;
  • les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition à l’amiante sur le territoire national ;
  • les ayants droit de ces personnes.

L’offre d’indemnisation doit être présentée dans un délai de 6 mois à compter de la réception de la demande par le FIVA. Afin de tenir compte des circonstances actuelle, l’article 1er de l’ordonnance prolonge de 3 mois lorsque les délais expirent, entre le 12 mars et une date fixée par arrêté qui ne dépassera pas le 12 juillet 2020.

Créé par les lois du 4 mars et 31 décembre 2002, l’ONIAM est un établissement public administratif  chargé d’indemniser et dans les conditions fixées par le Code de la santé publique (art. L. 1142-22), les dommages occasionnés par la survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale ainsi que l’indemnisation des victimes du Benfluorex, de la Dépakine, de mesures de vaccination obligatoire ou de mesures sanitaires d’urgence.

L’indemnisation de ces dommages repose sur une procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales pour laquelle différentes instances sont appelées à intervenir (commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, commission nationale des accidents médicaux, ONIAM).

Afin de tenir compte du régime procédural et des conséquences de l’épidémie, l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 prolonge l’ensemble des délais lorsqu’ils arrivent à échéance entre le 12 mars et une date fixée par arrêté qui ne dépassera pas le 12 juillet 2020.

L’ensemble de ces mesures vont plutôt dans le bon sens.

Dans son avis du 18 mars dernier, le Conseil d’État proposait de modifier le projet de loi d’urgence et de rendre applicables dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire les mesures connexes aux mesures de police prévues en cas de menace sanitaire grave, soit exonération de la responsabilité civile des professionnels de santé en cas de dommages résultant des mesures administratives, prise en charge de l’indemnisation des préjudices par l’ONIAM (art. L. 3131-3 et L. 3131-4). Cette proposition est désormais inscrite à l’article L. 3131-20, tel qu’issu de la loi d’urgence.

Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives

Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance prétend « assurer la continuité de l’action administrative en aménageant les règles délibératives ». Cependant, il est bien précisé que ce texte ne concerne pas les « organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements qui feront l’objet d’un texte spécifique »*.

L’ordonnance permet aux établissements publics, aux autorités administratives indépendantes, à des personnes privées chargées d’une mission de service public administratif ou « à toute instance collégiale administrative, notamment les instances de représentation du personnel », de délibérer, pendant cette période, par voie dématérialisée. Elle organise en outre la délégation de certaines compétences de l’organe délibérant de ces instances au profit de l’organe exécutif et prolonge les mandats « au plus tard jusqu’au 30 juin 2020 ou, lorsque ce renouvellement implique de procéder à une élection, jusqu’au 31 octobre 2020 ». Elle est applicable à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

L’ordonnance vise tout d’abord à étendre aux établissements publics les dispositions de l’ordonnance de novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial qui prévoyait :

  • la possibilité d’organiser une délibération au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ;
  • qu’une délibération peut être organisée par tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie ;
  • les modalités d’organisation et d’information de ces délibérations.

Cette extension concerne les conseils d’administration ou organes délibérants en tenant lieu, organes collégiaux de direction ou collèges des établissements publics quel que soit leur statut, de la Banque de France, des groupements d’intérêt public, des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, et des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif.

Elle s’applique enfin aux commissions administratives, à toute autre instance collégiale administrative ayant vocation à adopter des avis ou des décisions, notamment les instances de représentation des personnels, quels que soient leurs statuts, et enfin aux organismes HLM.

En vue de l’adoption de mesures présentant un caractère d’urgence, cette ordonnance permet à l’organe délibérant de déléguer certains de ses pouvoirs, selon le cas, au titulaire de l’autorité au sein de ces établissements, sans tenir compte de dispositions contraires des statuts de ces entités. Par tout moyen, le titulaire de la délégation rend compte des mesures prises au conseil d’administration, à l’organe délibérant ou à l’instance collégiale. Cette délégation, qui est exécutoire dès son adoption, prend fin au plus tard un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Il est ainsi désormais envisageable d’organiser des réunions à distance du comité technique, des commissions administratives paritaires, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ainsi que des commissions consultatives paritaires, et ce alors même que les dispositions spécifiques propres (nationales ou internes) à chaque instances ne le permettent pas.

En cas d’impossibilité avérée de tenir les réunions, y compris de manière dématérialisée, de l’organe délibérant, son président ou l’un de ses membres désignés par l’autorité de tutelle peut en exercer les compétences afin d’adopter des mesures présentant un caractère d’urgence jusqu’à ce que cette instance puisse de nouveau être réunie et ce jusqu’à la fin de la période d’application de l’ordonnance.

Le président de l’organe délibérant tient informée l’autorité de tutelle ou l’autorité dont il relève ainsi que les membres de l’instance et le directeur général de sa décision de mettre en œuvre cette disposition. Il rend compte à l’instance dès que celle-ci peut de nouveau être réunie.

Par ailleurs, l’ordonnance autorise le collège ou organe délibérant d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante à déléguer à l’organe exécutif de cette autorité certaines de ses compétences, à la seule fin d’adopter des mesures présentant un caractère d’urgence et à l’exception des compétences exercées en matière de sanction, par délibération adoptée dans les conditions fixées par cette ordonnance. Par tout moyen, l’organe exécutif tient informé le collège ou organe délibérant de l’autorité des décisions prises dans ce cadre. Cette délégation prend fin au plus tard à l’expiration de la période d’application de l’ordonnance.

Une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions d’une de ces autorités peut tenir une audience ou délibérer en visio-conférence selon les modalités autorisées par l’ordonnance.

Le mandat des membres des organes, collèges, commissions et instances visés par l’ordonnance ainsi que les dirigeants des organismes et autorités sont prolongés jusqu’au 30 juin 2020 (30 octobre 2020 quand leur remplacement implique une élection), sans tenir compte de toute limite d’âge ou interdiction de mandats successifs. Les mandats des membres des comités d’agences et des CHSCT des agences régionales de santé sont, quant à eux, prolongés jusqu’au 1er janvier 2021.

Les décisions et délibérations prises dans le cadre de l’application de cette ordonnance peuvent se faire en dépit du non-respect des règles de quorum et si ces instances sont incomplètes. Enfin, l’ordonnance reporte le délai limite de mise en place des comités d’agence et des conditions de travail au 1er janvier 2021


*   Les établissements publics créés par les collectivités semblent bien entrer dans le champ de cette ordonnance (CCAS, centres sociaux et médico-sociaux, caisses des écoles, caisses de crédit municipal, établissements publics de coopération culturelle, services départementaux d’incendie et de secours…) et l’organisation de délibérations à distance pour les instances de représentation des personnels concerneraient bien les instances de dialogue social des collectivités et les instances médicales (CAP, CT, CHSCT, commission de réforme et comité médical). Le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique, Olivier Dussopt, avait effectivement annoncé il y a quelques jours une ordonnance permettant la réunion à distance des instances de dialogue dans la fonction publique territoriale.

Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

L’ordonnance assouplit fortement les règles encadrant le fonctionnement des collectivités locales afin de prendre en compte la crise sanitaire et l’actuel confinement. Les exécutifs locaux bénéficient de pouvoirs largement renforcés.

Le pouvoir plus que jamais confié aux exécutifs locaux

Chaque président d’exécutif local (maire, président EPCI à fiscalité propre, d’établissement public territorial, de conseil départemental, régional ou de collectivité à statut particulier) se voit ainsi confier automatiquement l’intégralité des pouvoirs qui, auparavant, pouvaient lui être délégués par son assemblée délibérante. Il pourra lui-même en déléguer tout ou partie à un autre élu de l’exécutif ou aux directeurs généraux dans les conditions de droit commun. Une disposition que l’ordonnance justifie par la nécessité pour les communes de prendre des « décisions rapides ».

Les pleins pouvoirs des patrons d’exécutifs locaux sont également budgétaires : ils pourront souscrire les lignes de trésorerie nécessaires « dans des limites fixées soit antérieurement par l’assemblée délibérante elle-même, soit par le montant total du besoin budgétaire d’emprunt, soit par 15% des dépenses réelles figurant au budget ».

En contrepartie, le projet d’ordonnance prévoit que les attributions confiées aux exécutifs locaux feront l’objet d’un double contrôle :

  • les organes délibérants seront informés au fil de l’eau des décisions prises dans le cadre de ces délégations, ils pourront dès leur première réunion modifier ou supprimer les délégations, et ils pourront in fine, après avoir repris leurs attributions, réformer les décisions prises dans le cadre de ces délégations, sous réserve des droits acquis ;
  • les décisions prises dans le cadre de ces délégations seront soumises au contrôle de légalité de l’autorité préfectorale compétente.

Et un 5ème des membres de l’assemblée délibérante pourra, sur un ordre du jour déterminé, demander la réunion de l’assemblée dans un délai de 6 jours.

Les élus locaux ainsi que les futurs conseillers municipaux qui ne sont pas encore installés seront destinataires de l’ensemble des décisions prises par l’exécutif local.

Des modalités de réunions très assouplies

Le texte prévoit des dérogations aux règles régissant les délégations aux exécutifs locaux et assouplit transitoirement les modalités de réunion à distance des organes des collectivités et intercos.

L’obligation trimestrielle de réunir l’assemblée délibérante est suspendue pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Chaque élu pourra détenir deux procurations au lieu d’une actuellement et les conditions de quorum seront assouplies puisque seule la présence d’un tiers des membres est requise. L’ordonnance permet d’étendre ces conditions aux commissions permanentes des conseils départementaux, régionaux ainsi qu’aux bureaux des EPCI.

Tous les moyens permettant de procéder à distance (visio-conférence, audioconférence, tchat) sont autorisés « sous réserve que tous les participants aient bien pris connaissance des modalités techniques permettant de se connecter à cette téléconférence ». Et attention : tout vote devra se faire au scrutin public. De plus, le quorum sera apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance. Pour les organes délibérants soumis à obligation de publicité, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique. L’assemblée délibérante peut également continuer à décider de se réunir à huis clos.

Enfin, le délai de convocation en urgence des conseils d’administration des SDIS est réduit. Ces conseils sont d’ailleurs soumis aux règles relatives Il rend par ailleurs à l’organisation de réunions par visio-conférence.

Le texte allège également les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités. Il s’agit de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) ou d’une collectivité à statut particulier, des missions communales d’information et d’évaluation, des commissions permanentes ou non des départements, régions ou collectivités à statut particulier, des bureaux des EPCI, des pôles métropolitains ou des conseils de développement. Ces organismes devront seulement être nécessairement informés.

Contrôle de légalité aménagé

Concernant le contrôle de légalité, l’ordonnance assouplit transitoirement les modalités de transmission des actes, sans remettre en question les voies de transmission habituelles (par papier et par le biais du système d’information actes auquel une majorité de collectivités et groupements sont déjà raccordés).

Le texte autorise ainsi la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Afin d’être considérée comme régulière, cette modalité de transmission par voie électronique devra cependant répondre à plusieurs exigences tenant notamment à la bonne identification de la collectivité émettrice.

Par ailleurs, l’accomplissement des formalités de publicité des actes réglementaires des autorités locales, qui conditionnent leur entrée en vigueur et déterminent le point de départ des délais de recours, est facilité. La publication des actes réglementaires peut être assurée, à titre dérogatoire, que sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales lorsqu’il existe, sous réserve qu’ils soient publiés dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions permettant d’en assurer la conservation, d’en garantir l’intégrité et d’en effectuer le téléchargement.

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

ordonnance prise sur le fondement des articles 4 & 11 de la loi d’urgence

Le confinement s’est traduit pour les entreprises par l’arrêt ou la réduction de leur activité. Or les actions gouvernementales de soutien aux entreprises ont rapidement montré leurs limites (une entreprise peut ne pas être éligible aux prêts aidés/garantis par l’État (Bpi France) lorsqu’elle est « en difficulté » au sens de la législation européenne, alors que pourtant il avait été indiqué que le droit de l’union européenne concernant les aides d’Etat serait suspendu). La nécessité d’un traitement judiciaire – au mieux préventif – mais spécifique s’est rapidement imposée. C’est à cela que veut répondre la présente ordonnance. Plusieurs dispositions du Livre VI du code de commerce sont ainsi adaptées au contexte de la crise sanitaire.

L’ordonnance adapte d’abord des règles pour l’ouverture des procédures, règles applicables aux tribunaux et aux organes de la procédure dès le lundi 30 mars 2020 (I). Elle adapte également les règles applicables aux procédures en cours en prolongeant les délais de procédure et les plans (II).

I – L’adaptation des règles applicables à l’ouverture de la procédure

A – L’ouverture d’une procédure collective ou de conciliation

Une entreprise (au sens large) ou une association peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation ou une procédure collective. Le rapport accompagnant l’ordonnance précise que le débiteur « et lui seul » peut demander l’ouverture de la procédure, quelle qu’elle soit, ce qui écarte toute assignation par un créancier.

L’ordonnance a simplifié la procédure d’ouverture en incitant le débiteur à ne pas comparaître devant le tribunal. Celui-ci peut en effet saisir la juridiction par une remise au greffe, et formuler ses prétentions et ses moyens par écrit sans se présenter à l’audience, en insérant la demande d’autorisation prévue à l’article 446-1, alinéa 2, du code de procédure civile. Le président du tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen.

Dans le même esprit, les communications entre le greffe du tribunal, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, ainsi qu’entre les organes de la procédure, sont également simplifiées puisqu’elles peuvent se faire par tout moyen conformément à l’ordonnance n° 2020-304 adaptant les règles des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale. D’ailleurs, l’article 7 de l’ordonnance permet de tenir les audiences grâce à un moyen de communication audiovisuelle, c’est-à-dire par visio-conférence et, en cas d’impossibilité technique ou matérielle d’y recourir, par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Ces règles dérogatoires s’appliquent jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Remarque :

L’ordonnance met donc fin à certaines spéculations puisque l’on pouvait douter de la possibilité d’ouvrir ces procédures après l’intervention d’Emmanuel Macron le 12 mars 2020 annonçant qu’« aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite ». Au demeurant, au regard des difficultés de mise en œuvre du fonds de solidarité et de la garantie d’emprunt de la BPI, cette nouvelle contradiction de la parole de l’exécutif ne manque pas de décevoir nombre de chefs d’entreprise.

B – La fixation légale de l’état de cessation des paiements

L’ordonnance précise que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 ». Cette appréciation de la situation des entreprises s’appliquera jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette date est également celle retenue en matière agricole pour apprécier l’état de cessation des paiements lorsque l’accord conclu dans le cadre de la procédure de règlement amiable n’y a pas mis fin.

Toutefois, l’ordonnance laisse ici en suspens les demandes de redressement judiciaire déposées avant le 12 mars 2020 et non instruites par la juridiction avant le 12 mars 2020. Si l’hypothèse est peu probable pour les juridictions consulaires qui tiennent des audiences hebdomadaires, elle mérite d’être soulevée pour les tribunaux judiciaires qui font face à des délais d’instruction des demandes de redressement plus longs et peuvent avoir à connaître des déclarations de cessation des paiements déposées avant le 12 mars 2020.

La fixation légale de la date de cessation des paiements présente plusieurs intérêts :

  1. Les entreprises peuvent bénéficier des mesures ou procédures préventives telles que la procédure de conciliation ou la procédure de sauvegarde, même si elles sont en état de cessation des paiements après le 12 mars et pendant la période correspondant à l’état d’urgence sanitaire majorée de 3 mois. En matière agricole, l’article 3 de l’ordonnance précise que l’aggravation de la situation du débiteur à compter du 12 mars 2020, jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, ne peut faire obstacle à la désignation d’un conciliateur dans le cadre de la procédure de règlement amiable.
  2. Le processus de garantie des salaires est accéléré ; il est permis au mandataire judiciaire d’envoyer « sans délai » les créances salariales dès l’ouverture de la procédure, et de déclencher le versement des sommes par le régime de garantie des salaires (AGS ; art. 1er, I, 2°).
    L’ordonnance reste toutefois silencieuse sur les formalités de recueil des observations du représentant du personnel par le mandataire judiciaire. La présentation des relevés de créances salariales se fait toujours sous la responsabilité du mandataire de justice qui veillera à fournir des informations vérifiées.
  3. La fixation légale de la date d’état de cessation des paiements évite d’exposer le débiteur personne physique ou le dirigeant de la société débitrice à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements. Le rapport lié à l’ordonnance énonce : « La fixation au 12 mars 2020 de la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements ne peut être conçue que dans l’intérêt du débiteur ». L’ordonnance a toutefois réservé les modalités de report prévues à l’article L. 631-8 du code de commerce, relatif aux nullités de la période suspecte afin d’éviter toute fraude aux droits des créanciers.

II – La prolongation des procédures et des plans

A – La prolongation de la procédure de conciliation

Afin de favoriser les procédures amiables, l’ordonnance prévoit que la durée de la conciliation est prolongée de plein droit de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (art. 1er, II).

Cette mesure inscrit un principe de réalité lié au risque d’inertie des négociations avec les créanciers pendant la période couverte par la loi d’urgence, et aux difficultés auxquelles le débiteur et le conciliateur seront confrontés pour reprendre les négociations à l’issue de cette période. Aussi, jusqu’à l’expiration du délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, il sera également possible d’ouvrir une nouvelle procédure de conciliation sans respecter le délai de 3 mois prévu à l’article L. 611-6 du code de commerce (art. 1er, II).

On peut peut-être ici regretter que l’ordonnance n’ait pas étendu cette disposition au mandat ad hoc en cours au 24 mars 2020. En effet, l’ordonnance d’ouverture du mandat ad hoc peut prévoir une durée (par exemple 6 mois), durée qui peut être prorogée sur demande du mandataire ad hoc et sur ordonnance présidentielle (?!).

Remarques : Il aurait été cohérent de prévoir la prorogation également pour le mandat ad hoc, ce qui aurait évité au mandataire ad hoc de présenter une requête au Président qui devra traiter des demandes plus urgentes.

B – La prolongation générale des délais de procédure pour les mandataires de justice

Le IV de l’article 1er de l’ordonnance permet au président du tribunal de prolonger les délais de procédure du Livre VI du code de commerce imposés à l’administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire, au liquidateur ou au commissaire à l’exécution du plan, d’une durée équivalente à la durée de la période de l’état d’urgence sanitaire à laquelle seront ajoutés 3 mois. La requête peut être formée jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Cette disposition permet une prorogation des délais habituels qui risquent de ne pas pouvoir être respectés dans le contexte d’urgence sanitaire. Il appartiendra alors au président du tribunal d’apprécier, au cas par cas, dans quelle mesure les circonstances exceptionnelles justifient une prolongation de ces délais. Tel sera le cas par exemple du délai imposé au liquidateur pour la réalisation des actifs du débiteur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

C – La prolongation de la période d’observation et la suppression de l’audience « intermédiaire »

S’agissant de la période d’observation, l’ordonnance prévoit plusieurs mesures d’adaptation. La durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire à laquelle un mois aura été ajouté (art. 2, II, 1°). La période d’observation fixée par la cour d’appel, prévue à l’article L. 661-9 du code de commerce, est également prolongée.

L’ordonnance supprime par ailleurs, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’audience « intermédiaire » qui doit se tenir en principe au plus tard dans un délai de 2 mois à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire (art. L. 631-15, I du code du commerce) afin que le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation. Le rapport initialement établi par l’administrateur judiciaire ou le cas échéant par le débiteur est également suppimé. Reste cependant ouverte la possibilité pour le tribunal d’ordonner, à tout moment de la période d’observation, la cession partielle de l’activité ou de prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible (art. L. 631-15, II du code du commerce).

Remarques :

Si la suppression de cette audience dans le contexte sanitaire est plutôt opportune sur un plan économique en raison de l’absence totale ou partielle de chiffre d’affaires, elle peut être aussi périlleuse. Alors que la trésorerie est mise à rude épreuve, l’administrateur judiciaire sera amené à informer les organes de la procédure de la capacité de l’entreprise à financer la période d’observation. Cette communication pourrait prendre la forme d’un rapport permettant de savoir si l’entreprise est en capacité de pouvoir poursuivre son activité ou si, à l’inverse, une conversion en liquidation judiciaire s’impose (pour la prise en charge des salaires par l’AGS par exemple).

En l’absence d’administrateur judiciaire, le tribunal pourrait-il ouvrir une procédure de redressement judiciaire et ensuite laisser le dirigeant de l’entreprise sans jalon ? Cela paraît risqué, compte tenu des nombreuses difficultés auxquelles devra faire face le dirigeant, sauf à mettre à la charge du mandataire judiciaire, dont ce n’est ni le rôle ni la responsabilité, l’élaboration et la communication d’une information financière sur la situation de l’entreprise.

D – La prolongation des plans et de la liquidation judiciaire simplifiée

La prolongation de plein droit

L’article 2, II, de l’ordonnance prolonge de plein droit, sans tenue d’audience ou jugement, les durées relatives au plan, au maintien de l’activité et à la liquidation judiciaire simplifiée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire plus un mois.

Cette prolongation est fondamentale pour les entreprises en plan pour éviter un état de cessation des paiements en raison de l’impossibilité de payer l’échéance du plan. Cela permet également au commissaire à l’exécution du plan d’avoir une base justificative pour ne pas solliciter la résolution du plan. Le report d’exigibilité semble toutefois limité pour les entreprises.

Or, l’entreprise devrait avoir besoin de mobiliser toutes ses ressources au 2ème semestre 2020 et en particulier sa trésorerie pour assurer un redémarrage de l’activité. Il aurait été peut-être opportun d’instaurer « une année blanche » et de décaler le plan d’un an.

La prolongation sur requête

Des délais supplémentaires pourront être accordés uniquement sur requête tels qu’encadrés par l’ordonnance. D’abord, sur requête du commissaire à l’exécution du plan, le président du tribunal peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, prolonger les plans dans la limite de 3 mois après l’état d’urgence sanitaire (art. 1er, III, 1°). Une prolongation d’une durée maximale d’un an peut être prononcée sur requête du ministère public. Ensuite, après l’expiration du délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire et pendant un délai de 6 mois, le tribunal peut, sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, prolonger le plan pour une durée maximale d’un an (art. 1er, III, 2°).

S’agissant de ces prorogations de la durée du plan, le rapport au président de la République précise bien qu’elles sont possibles sans devoir respecter la procédure contraignante d’une modification substantielle du plan initialement arrêté par le tribunal.

E – La prolongation des délais de couverture des créances salariales

Les délais de couverture des créances salariales par l’AGS prévus aux 2° et 5° de l’article L. 3253-8 du code du travail sont également prolongés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire pour une durée d’un mois au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire. Ces délais concernent les créances résultant de la rupture des contrats de travail à la suite d’un plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, ou pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation, ou à la suite d’une liquidation immédiate ou par conversion (art. 2, II, 2° et 3°).

Ces dispositions sont justifiées à juste titre par l’impossibilité pour l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire, de respecter des délais imposés pour la prise en charge de salaires ou indemnités par l’AGS. Il en est ainsi notamment pour la rupture du contrat de travail qui doit être réalisée dans les 15 jours de l’ouverture de la procédure de liquidation. Le non-respect de ce délai est une cause de refus de prise en charge par l’AGS. Le rapport lié à l’ordonnance précise que « la prolongation du délai accordé au mandataire de justice n’aurait pas de sens si les limites de la garantie de l’AGS n’étaient pas adaptées ».

Ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours

Ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours

Ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

L’ordonnance prévoit l’adaptation des concours et examens de la fonction publique en cours ou engagés « dont le déroulement a été ou est affecté par l’épidémie. » Il s’agit de garantir « la continuité de leur mise en œuvre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats », selon l’article 11 de la loi du 23 mars d’urgence, sur le fondement de laquelle est prise l’ordonnance.

L’article 5 de l’ordonnance affirme que les procédures de recrutement, d’avancement ou de promotion organisées dans les trois versants de la fonction publique (État, collectivités territoriales et hôpitaux) « peuvent être adaptées, notamment s’agissant du nombre et du contenu des épreuves. » Le rapport accompagnant l’ordonnance précise que « ces mesures pourront prendre la forme de la suppression des épreuves, notamment écrites, peu susceptibles d’être passées à distance, et du maintien des seules épreuves orales jugées nécessaires. »

En outre, pourront être prévues des « dérogations à l’obligation de la présence physique des candidats ou de tout ou partie des membres du jury ou de l’instance de sélection, lors de toute étape de la procédure de sélection. » Concrètement, « des dispositifs de visio-conférence ou d’audioconférence » seront mis en place « toutes les fois que les conditions matérielles seront réunies », indique le rapport. Dans ces circonstances, il est prétendu l’égalité de traitement entre les candidats restera un principe cardinal. Les garanties procédurales et techniques permettant d’assurer sa mise en œuvre seront fixées par décret. Le texte réglementaire à venir précisera aussi les moyens de lutter contre la fraude lors de l’organisation des épreuves adaptées.

Ces dispositions sont applicables du 12 mars au 31 décembre 2020.

Par ailleurs, la période de l’épidémie sera décomptée des 4 années pendant lesquelles les lauréats des concours de la fonction publique territoriale conservent le bénéfice de leur succès (c’est-à-dire la durée pendant laquelle ils sont inscrits sur une liste d’aptitude). Pour toutes les personnes concernées, les pendules se sont arrêtées le 12 mars 2020 et elles ne redémarreront que 2 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Les modalités d’accès aux formations de l’enseignement supérieur peuvent elles aussi être adaptées, alors que certains instituts régionaux du travail social (IRTS), comme celui de Lorraine, ont déjà annoncé le report jusqu’à nouvel ordre de leurs entretiens d’admission.

Ces adaptations pourront porter sur la nature des épreuves, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d’organisation, « qui peut notamment s’effectuer de manière dématérialisée ». Elles devront permettre le respect du principe d’égalité de traitement des candidats.

Les jurys d’examens pourront eux aussi faire l’objet d’aménagement, notamment en ce qui concerne leur composition ou l’application des règles de quorum. Là encore, il pourra être recouru à la visio-conférence « par le biais de tous moyens de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective ainsi que la confidentialité des débats ».

Ordonnance relative à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d’organisation du scrutin

Ordonnance relative à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d’organisation du scrutin

Ordonnance prise sur le fondement de l’article 21 de la loi d’urgence qui reporte à fin juin au plus tard les élections consulaires qui devaient se tenir les 16 et 17 mai 2020.

L’ordonnance réorganise les élections consulaires. L’échéancier des élections tiendrait dans un laps de temps de 40 jours contre 90 jours en temps normal.

Sont refixés les délais légaux des échéances suivantes : la convocation des électeurs (au plus tard 40 jours avant le scrutin), les nouvelles déclarations de candidatures (au plus tard 30 jours avant le scrutin), la délivrance du récépissé définitif de candidature (48h), l’état des déclarations de candidatures (29 jours avant le scrutin), l’information des électeurs (au plus tard 18 jours avant le scrutin).

! Point d’alerte ! : Le gouvernement rouvre le délai de dépôt des candidatures alors que celui-ci était clos depuis début mars. Ce délai supplémentaire me paraît redonner une chance à LREM qui peinait jusqu’ici à trouver des candidats.

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus et à l’adaptation des procédures

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus et à l’adaptation des procédures

ordonnance prise sur le fondement des a et le b du 2° du I de l’article 11 de la loi d’urgence

Cette ordonnance permet que lorsque des démarches, quelle que soit leur forme (acte, formalité, inscription, etc.) dont l’absence d’accomplissement peut produire des effets juridiques tels qu’une sanction, une prescription ou la déchéance d’un droit, n’ont pas pu être réalisées pendant la période d’état d’urgence augmentée d’un mois, elles pourront l’être à l’issue de cette période dans le délai normalement prévu et au plus tard dans un délai de 2 mois suivant la fin de cette période.

Elle prolonge certaines mesures juridictionnelles ou administratives. Elle prévoit aussi, pour les relations avec l’administration, la suspension de certains délais, principalement ceux aux termes desquels une décision administrative peut naître dans le silence de l’administration.

L’ordonnance comporte des mesures suspendant les délais applicables aux demandes présentées aux autorités administratives. Sont concernées les demandes donnant lieu à une décision d’une autorité administrative, et notamment des décisions implicites d’acceptation ou de rejet ainsi que les délais fixés pour les acteurs pris dans le cadre de la procédure d’instruction de ces demandes.

À titre d’illustration, les demandes formulées en matière de droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc.) sont visées, ainsi que les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives, par exemple une déclaration d’intention d’aliéner (DIA).

Il en est de même pour les délais de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative. Par exemple, ces dispositions permettront de suspendre des consultations ou des enquêtes publiques en cours, ou de permettre la consultation d’instances qui n’auront pu se réunir.

Ordonnance relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

Ordonnance relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des  collectivités territoriales et des établissements publics locaux

Ordonnance prise sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence

À titre principal, il s’agit d’apporter aux collectivités locales des souplesses s’agissant notamment des délais d’adoption du vote annuel du budget, de la fixation des taux de fiscalité locale ou des montants des redevances, autant de décisions qui devraient intervenir dans cette période mais qui ne pourront pas être prises dans les délais habituels.

Sont concernés :

  • La date limite de vote des taux et des tarifs des impôts locaux pour les collectivités territoriales, les collectivités à statut particulier et les intercommunalités à fiscalité propre est reporté au 3 juillet 2020 ;
  • Les dates limites d’adoption du budget primitif et du compte administratif sont reportées au 31 juillet 2020. Le compte de gestion établi par le comptable de la collectivité territoriale devra être transmis avant le 1er juillet 2020.
  • L’article 216 du budget 2020 qui avançait au 1er juillet de l’année N-1 la date limite avant laquelle les communes, les intercommunalités à fiscalité propre, les syndicats intercommunaux exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité et les départements devaient délibérer pour adopter les tarifs de la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE) n’entrera finalement en vigueur qu’au 1er juillet 2021. En conséquence, pour 2020, ces collectivités et groupements pourront adopter ces tarifs jusqu’au 1er octobre, comme précédemment.
  • Les syndicats mixtes compétents pour l’enlèvement des ordures ménagères pourront instituer la redevance d’enlèvement des ordures ménagères jusqu’au 1er septembre 2020, et non plus au 1er juillet comme cela était prévu.

Pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics qui n’ont pas adopté leur budget 2020, les exécutifs sont autorisés, pour les dépenses d’investissement, à engager, liquider et mandater les dépenses dans la limite des crédits du budget 2019 et sans autorisation de l’organe délibérant. À titre exceptionnel, pour l’exercice 2020, il est possible de procéder à des virements de chapitre à chapitre dans la limite de 15% du montant des dépenses réelles de chaque section.

Pour faciliter l’attribution d’aides aux entreprises, les présidents de conseils régionaux sont autorisés à décider eux-mêmes de l’octroi des aides, sauf si le conseil régional s’y oppose par délibération (ce qui signifie que le conseil ou sa commission permanente (?) doit pouvoir se réunir). Les aides sont plafonnées à 100 000 € par aide octroyée, dans la limite des crédits inscrits au budget et sont autorisées jusqu’à une date qui sera fixée par décret et au plus tard jusqu’à six mois à compter de la publication de l’ordonnance. Cette délégation est assortie d’une obligation pour le président du conseil régional de rendre compte de son exercice devant le conseil régional et d’informer la commission permanente. Les décisions sont soumises au contrôle de légalité et au droit européen des aides d’Etat, alors que le gouvernement avait la possibilité d’y déroger.

Sauf délibération contraire de leurs organes délibérants, les exécutifs de chaque collectivités territoriale ou intercommunalités peuvent signer avec l’État la convention portant contribution au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées (cf. ordonnance ad hoc).

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